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Full text of "Annales historiques de la révolution française"

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REVUE  HISTORIQUE 

DE    LA 

RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

ET  DE  L'EMPIRE 


Juillet-Décembre  1915 


KF.V.   HI.-T.    DE    LA  RftV.   FRAM;. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2009  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/annaleshistoriqu08s6ciuoft 


REVUE  HISTORIQUE 


DE   LA 


RÉVOLUTION  FRANÇAISE 


ET  DE  L'EMPIRE 


DIRECTEUR  :  CHARLES  VELLAY 


TOME  HUITIÈME 


Juillet-Décembre  1915 


PARIS 

AUX    BUREAUX    DE    LA 

REVUE  HISTORIQUE   DE  LA   RÉVOLUTION  FRANÇAISE 
9,  Rue  Saulnier  (IX') 

1915 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY 

A  BLAYE 
JOURNAL  DE  LA  COMTESSE  D'HAUTEFORT 

SA  COMPAGNE  DE  CAPTIVITÉ 


Après  la  Révolution  de  juillet  1830,  la  duchesse  de  Berry 
s'embarqua  à  Cherbourg,  avec  toute  la  famille  royale,  et  se  rendit 
en  Angleterre,  où  elle  resta  jusqu'au  17  juin  1831.  Rentrée  à 
cette  époque  sur  le  continent,  elle  traversa  la  Hollande,  les  pro- 
vinces rhénanes,  le  Tyrcl,  La  Lombardie,  et  s'arrêta  à  Gènes.  Le 
roi  de  Sardaigne  l'ayant  priée  de  quitter  ses  Etats,  elle  alla  à 
Massa,  y  séjourna  une  semaine,  se  rendit  à  Lucques,  où  elle  ne 
resta  que  peu  de  temps,  puis  elle  partit  pour  Naples,  après  s'être 
arrêtée  à  Rome  pendant  trois  semaines.  Des  devoirs  de  famille 
retinrent  la  duchesse  à  Naples  pendant  quinze  jours,  puis  elle 
repartit  pour  Rome  le  4  décembre  1831.  Le  14  décembre,  elle  y 
épousa  secrètement  Hector-Charles  comte  Lucchesi-Palli  de 
Campo-Franco.  Elle  se  réinstalla  à  Massa,  dans  le  duché  de  Mo- 
dène,  le  23  décembre. 

Le  28  avril  1832,  la  duchesse  débarqua  en  Provence  et  atten- 
dit dans  une  bastide  des  environs  de  Marseille  le  résultat  du  mou- 
vement carliste  qui  devait,  disait-on,  soulever  cette  ville  dans  la 
nuit  du  29  au  30.  L'insuccès  la  força  à  partir  ;  elle  parcourut  le 
midi  de  la  France,  passa  à  Toulouse  le  4  mai,  traversa  successi- 
vement Agen,  Bergerac,  Libourne  et  Blaye  ;  on  la  vit  également 
en  Saintonge,  dans  la  Vendée,  et  elle  arriva  enfin  à  Legé  le  21  mai. 
La  prise  d'armes  qui  devait  avoir  lieu  le  24  mai  fut  retardée  ju«- 


6  REVUE  HISTOHIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

qu'au  4  juin.  L'affaire  du  château  de  la  Pcnissière  détermina  la 
princesse  à  quitter  le  champ  de  bataille  ;  en  conséquence,  elle  se 
rendit  à  Nantes  le  9  juin  et  trouva  un  asile  dans  la  maison  de 
Mlles  du  Guiny.  Elle  demeura  dans  cette  maison  jusqu'au  7  no- 
vembre 1832,  jour  de  son  arrestation.  Aussitôt  la  princesse  fut 
enfermée  au  château  de  Nantes. 

Le  8  novembre,  le  Ministre  de  l'Inlcrieur  écrivait  au  préfet 
de  Maine-et-Loire  :  «  La  duchesse  de  Berry  vient  d'être  arrêtée 
à  Nantes,  le  7,  à  dix  heures  du  matin.  Le  château  de  Saumur  est 
désigné  par  le  gouvernement  pour  la  recevoir.  Je  vous  invite,  en 
conséquence,  à  vous  rendre  personnellement  dans  cette  ville  et 
à  vous  concerter  avec  l'autorité  militaire  pour  que  les  préparatifs 
indispensables  soient  terminés  sans  retard.  Comme  il  importe  de 
lever  toutes  les  incertitudes  et  toutes  les  ^difficultés,  vous  agirez, 
au  besoin,  d'office,  et  vous  assurerez  l'exécution  des  ordres  du 
gouvernement.  N'épargnez  aucune  dépense,  tous  les  frais  seront 
remboursés  par  mon  ministère.  Le  château  doit  être  prêt.  Vous 
choisirez  le  local  le  plus  convenable  à  la  fois  et  le  plus  sûr.  La 
duchesse  de  Berry  doit  être  traitée  avec  tous  les  égards  dûs  à  son 
rang  et  à  sa  position.  Les  personnes  en  petit  nombre  qui  reste- 
raient attachées  à  son  service,  ne  pourront  sortir  jusqu'à  nouvel 
ordre.  Vous  resterez  vous-même  à  Saumur,  en  attendant  ceux 
que  j'aurai  à  vous  donner  ultérieurement.  Je  m'en  rapporte  à 
votre  zèle  éclairé,  à  celui  des  autorités  qui  vous  sont  subordon- 
nées et  à  la  précision  de  vos  dispositions.  Vigilance,  égard  et 
sûreté,  voilà  ce  que  vous  saurez  concilier.  Rendez-moi  compte 
par  estafette  du  résultat  de  ces  mesures,  ainsi  que  de  tous  les 
incidents  de  quelqu'importance.  » 

Le  gouvernement  changea  d'avis  et  choisit  la  citadelle  de 
Blaye.  Le  9  novembre,  peu  après  minuit,  la  duchesse  de  Berry 
quitta  le  château  de  Nantes  et  fut  conduite  à  Saint-Nazaire.  Le 
même  jour,  on  l'embarqua  pour  Blaye,  où  elle  arriva  le  15  novem- 
bre, accompagnée  de  Mlle  Stylite  de  Kersabiec,  du  comte  de  Mes- 
nard  et  de  sa  femme  de  chambre  Mlle  Mathilde  Lebeschu.  M. 
Chousserie,  colonel  de  la  légion  de  gendarmerie  de  la  Loire-Infé- 
rieure, qui  n'avait  pas  quitté  la  princesse,  fut  nommé  gouverneur 
du  fort.  Mais  bientôt  le  parquet  de  Nantes  réclama  Mlle  Stylite  de 
Kersabiec,  qui  dut  faire  ses  adieux  à  la  princesse  le  7  décembre, 
et  fut  remplacée  par  Mme  la  comtesse  d'Hautefort;  cette  dernière 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY  A  BLAYE  7 

arriva  à  Blaye  le  28  décembre.  Quant  au  comte  de  Mesnard  *,  il 
fut  réclamé  par  le  parquet  de  Montbrison  et  partit  pour  cette  ville, 
le  10  janvier  1833  ;  le  comte  Emmanuel  de  Brissac  -,  arrivé  à 
Blaye  le  22  décembre  1832,  le  remplaça  auprès  de  la  duchesse. 
Enfin  la  femme  de  chambre,  Mlle  Lebeschu,  elle  aussi  réclamée 
par  le  parquet  de  Montbrison,  fut  remplacée  par  Mme  Hansler. 

»  » 

Adélaïde  de  Maillé  de  la  Tour-Landry  naquit  le  18  décembre 
1787,  de  Charles-Henri-François  de  Maillé  de  la  Tour-Landry, 
marquis  de  Maillé  de  la  Tour-Landr}^  et  de  Jalesnes,  et  de  Jeanne 
de  Shéridan.  Le  23  mai  1805,  elle  épousa,  dans  la  chapelle  de 
Jalesnes  (Maine-et-Loire),  Jean-Louis  Gustave,  comte  d'Haute- 
fort,  lieutenant-colonel  des  gardes  du  corps.  En  1816,  c'est-à-dire 
à  l'arrivée  de  la  duchesse  de  Berry  à  la  cour  de  France,  la  com- 
tesse d'Hautefort  lui  fut  attachée  en  qualité  de  dame  de  compa- 
gnie. Comme  elle  avait  une  affection  profonde  pour  la  princesse, 
elle  demanda  l'autorisation  de  partager  sa  captivité  à  Blaye. 

Le  22  décembre  1832,  le  Ministre  de  l'Intérieur  mandait  au 
préfet  de  Maine-et-Loire  :  «  Je  vous  ai  donné  connaissance  du 
choix  qui,  à  sa  demande  même,  avait  été  fait  de  Madame  de 
Maillé-d'Hautefort  pour  se  rendre  au  château  de  Blaye  auprès  de 
Mme  ia  duchesse  de  Berry.  Aucune  objection  n'ayant  été  élevée 
à  cet  égard,  il  importe  que  Mme  d'Hautefort  hâte  son  départ.  La 
duchesse  se  trouvant  privée  de  la  présence  qui  lui  devient  indis- 
pensable d'une  dame  de  compagnie,  ce  poste  ne  pourra  être  mieux 
rempli,  et  Mme  d'Hautefort  se  prêtera  sans  peine  aux  sacrifices 
qu'il  impose  personnellement.  Son  arrivée  a  été  annoncée  par 
M.  le  comte  de  Brissac.  Informez-vous  sans  retard  de  l'exécution 
des  recommandations  que  je  m'empresse  de  vous  adresser.  — 
Mme  d'Hautefort  devra  être  accompagnée  d'un  agent  à  nous,  et 
autant  que  possible  voir  peu  de  monde.  Si  elle  nous  donne  le 
moindre  mécontentement,  on  agira  avec  elle  comme  avec  Mme 
de  Castéja.  ^  » 

1.  Né  à  Luçon  le  18  septembre  1769,  le  comte  de  Mesnard,  premier  écuj'cr  de 
la  duchesse  de  Herrj-,  pair  de  France,  mort  le  18  avril  1842. 

2.  Né  le  3  juillet  1793,  le  comte  de  Brissac,  chevalier  d'honneur  de  la  du- 
chesse de  Berry,  mort  le  22  avril  1870. 

3.  On  écrivait  encore  du  ministère  de  l'Intérieur  au  préfet,  le  22  décembre  : 
«  \'ous  êtes  prévenu  pour  Mme  de  Maillé-d'Hautelbrt,  mais  n'ayant  point  eu 
sa  lettre  je    n'ai  pu  vous  donner  son  adresse  ;  au  surplus,  chaque  château  a    un 


8  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Nouvelle  lettre  du  ministère  de  l'Intérieur  au  préfet,  le  23  dé- 
cembre :  «  Il  s'agit  encore  de  Mme  d'Hautefort.  D'abord  elle 
réside,  et  vous  le  savez  sans  doute,  au  château  d'Etiau  par  Baugé. 
Le  Ministre  désirerait  beaucoup  que  vous  vous  missiez  en  mesure 
de  la  voir  ;  qu'elle  fût  avertie  par  vous  de  la  bonne  opinion  qu'on 
a  de  sa  sagesse  et  de  sa  réserve,  de  la  nécessité  de  justifier  cette 
opinion  ;  qu'elle  vous  donnât  sa  parole  d'honneur  d'aller  droit 
son  chemin  à  Blaye,  de  ne  prêter  l'oreille  à  aucune  proposition, 
à  aucune  intrigue.  Il  ne  faut  pas  que  l'article  Castéja  devienne 
aussi  le  sien.  L'article  agent,  je  l'ai  discuté  dans  le  sens  des  objec- 
tions que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  adresser.  Si  vous  avez  quel- 
qu'un, employez-le  ;  si  vous  pouvez  faire  surveiller,  faites-le,  tout 
à  votre  discrétion.  Il  faudra  qu'on  entre  dès  larrivée  au  château. 
Je  crois  avoir  épuisé  les  prescriptions  dont  j'avais  à  vous  faire 
part.  » 

M.  Barthélémy,  préfet  de  Maine-et-Loire,  s'empressa  d'en- 
voyer une  estafette  au  château  d'Etiau  (Jumelles),  pour  avertir 
la  comtesse  d'Hautefort.  Voici  la  lettre  qu'elle  écrivit  au  préfet, 
le  25  décembre,  à  1  heure  du  matin  :  «  Je  reçois  à  l'instant  votre 
lettre.  Sans  une  circonstance  tout  à  fait  imprévue,  je  ne  retarde- 
rais pas  d'un  instant  à  me  mettre  en  route  pour  Angers  et  de  là 
pour  ma  destination.  Mais  la  veille  du  jour  où  j'ai  reçu  votre  pre- 
mière missive,  M.  d'Hautefort  était  tombé  gravement  malade  ; 
et  après  vous  avoir  envoyé  le  reçu  de  votre  lettre,  j'en  écrivis  à 
Paris  pour  charger  une  personne  de  mes  amis  d'instruire  le 
Ministre  du  triste  motif  qui  m'empêchait  d'accepter  la  faveur  que 
j'avais  sollicitée.  Depuis  ce  moment,  mon  mari  se  trouve  telle- 
ment mieux,  que  je  n'hésite  pas  à  revenir  sur  mon  refus.  Je  vous 
prie  de  vouloir  bien  faire  connaître  à  M.  le  Ministre  le  plus  tôt 
possible  ma  dernière  décision,  mon  consentement  à  partir  aussitôt 
que  j'aurai  reçu  la  dernière  missive  qui  m'apprendra  si  le  Minis- 
tre ne  m'a  point  remplacée,  d'après  le  refus  que  j'avais  été  obligée 


nom  dans  vos  dcpartemenls.  —  Un  agent  qui  accojnpagne,  c'est  bien  aisé  à 
dire.  Mais  le  but  de  cette  disposition  est  évident,  c'est  d'empêcher  la  dame  de 
confiance  de  la  duchesse  de  bavarder,  de  nouer  des  intrigues,  de  voir  du  monde. 
En  avez-vous  les  moyens  ?  Tout  dépend  de  son  caractère  personnel.  —  Si  vous 
avez  a  vous  en  plaindre,  elle  sera  refusée,  après  avoir  été  admise,  comme  l'a  été 
Mme  de  Castéja,  qui  s'était  établie  à  Blaye,  où  elle  attachait  ostensiblement  les 
fils  de  ses  intrigues.  11  faut  un  Sixte-Quint  femelle,  et  les  verrous  seuls  peuvent 
en  répondre.   »  (Archives  de  Maine-et-Loire). 


LA  Dl'CHESSE    DE    BERRY   A    BLAYE  9 

de  lui  envoyer  à  mon  grand  regret.  Vous  concevez  qu'il  serait 
extrêmement  pénible  pour  moi  d'arriver  à  Blaye  pour  être  obli- 
gée de  revenir  sur  mes  pas,  sans  avoir  même  vu  Madame  la 
duchesse  de  Berry,  ce  qui  pourrait  arriver  si  dans  l'intervalle  de 
mes  deux  décisions  on  avait  nommé  une  autre  dame  à  ma  place. 
Aussitôt  et  à  l'instant  même  que  j'aurai  reçu  votre  réponse,  je 
partirai  pour  Angers.   » 

Arrivée  le  matin  du  25  décembre  à  Angers,  l'estafette  repartit 
aussitôt  pour  le  château  d'Eliau  afin  de  prévenir  la  comtesse 
d'Hautefort  qu'elle  pouvait  partir  pour  Blaye.  Le  même  jour,  elle 
quitta  sa  demeure,  vit  le  préfet  en  passant  à  Angers  et  arriva  ù 
Blaye  le  28  décembre  '. 

Nous  allons  maintenant  lui  laisser  la  parole.  Voici  les  «  notes  » 
qu'elle  écrivit  à  Blaye  pendant  qu'elle  était  la  compagne  de  capti- 
vité de  la  duchesse  de  Berrv  -  . 


Dès  le  jour  où  j'appris  la  nouvelle  de  l'arrestation  de 
Madame  la  duchesse  de  Berry,  je  fis  des  tentatives  de  tous 
côtés  pour  obtenir  la  permission  d'être  enfermée  avec  elle. 
Ayant  été  refusée,  je  renouvelai  mes  démarches  avec  tant 
d'ardeur,  que  je  parvins  enfin  au  but  de  mes  vœux  ^,  Ce 
n'était  pas  cependant  sans  inquiétude  que  je  laissais  M. 
d'Hautefort  encore  très  souffrant  après  avoir  été  gravement 
malade  ;  mais  il  désirait  aussi  vivement  que  moi  me  voir 
appelée  à  partager  une  si  noble  infortune  ;  et  du   moment 

1.  Le  31  décembre  1832,  le  colonel  ('houssorie  écrivait  au  préfet  de  Maine- 
et-Loire  :  «  Mme  d'Hautefort  est  introduite  près  de  Mme  la  duchesse  de  Berry. 
J'ai  lu  avec  bien  du  plaisir  ce  que  vous  me  dites  de  son  caractère  et  de  ses  in- 
tentions, et  j"aime  à  y  voir  une  garantie  contre  toute  tentative  aj'ant  pour  objet 
l'évasion  de  la  princesse.   » 

2.  Le  manuscrit  est  intitulé  :  Quelques  noies  écrites  à  Blaye.  Il  a  été  donné 
par  Mme  d'Hautefort  à  sa  cousine  Mme  la  vicomtesse  Arttiur  de  Cumont,  qui  a 
bien  voulu  me  le  communiquer. 

3.  <(  Note  plus  récente  »  de  Mme  d'Hautefort.  —  «  J'avais  écrit  à  M.  Thiers 
et  au  maréchal  Soult  qui  m'avaient  refusée  et  dont  j'ai  montré  les  lettres  à 
Madame.  Ayant  appris  que  Mme  de  Castéja  était  renvoyée  de  la  ville  de  lilaye, 
où  elle  attendait  en  vain  son  admission  à  la  citadelle,  je  renouvelai  mes  démar- 
ches, et  j'eus  recours  à  l'obligeance  d'un  légitimiste  fameux  qui,  pour  réussir, 
s'adressa  aux  puissances  du  jour,  ainsi  que  je  l'avais  fait  avec  moins  de  bonheur 
et  d'habileté.  Nous  avions  raison  tous  deux  en  suivant   cette  marche  :  fallait- il 

'adresser  à  Prague  pour  obtenir  l'enirée  de  la  prison  de  Madame  ?  » 


10  REVUE     HISTORIQUE     DE     LA     RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

OÙ  il  fut  en  convalescence,  je  me  mis  en  roule.  Je  partis 
d'Etiau  le  jour  de  Noël.  Le  préfet  de  Maine-et-Loire  m'avait 
mandé  que  M.  de  Brissac  avait  dû  m'annoncer  à  Blaye,  où 
il  devait  être  arrivé. 

M.  Barthélémy  me  priait  de  passer  par  Angers  et  de 
m'arrêter  à  la  préfecture.  Cette  prière  me  parut  un  ordre  : 
je  m'y  rendis.  Il  me  reçut  avec  politesse  et  me  proposa  un 
surveillant,  ce  qui  ne  me  fit  guère  plaisir  ;  mais  c'était 
encore  une  de  ces  propositions  que  je  ne  pouvais  refuser, 
et  du  moins  je  n'eus  qu'à  me  louer  de  ce  compagnon  de 
voyage  improvisé.  Il  m'était  défendu  de  m'arrêter  dans  la 
ville  de  Blaye  et  d'avoir  aucune  communication  avec  per- 
sonne sur  ma  route  :  c'était  à  ces  conditions  que  je  pouvais 
pénétrer  jusqu'à  Madame. 

En  arrivant  à  Blaye,  un  aide  de  camp  du  colonel  Chous- 
serie  vint  me  chercher  à  ma  voiture  pour  me  conduire  à 
pied  dans  la  citadelle.  Nous  y  trouvâmes  le  gouverneur,  qui 
me  mena  chez  Madame.  Je  ne  puis  rendre  les  diverses 
émotions  dont  j'étais  saisie  en  parcourant  ces  tristes  lieux, 
et  surtout  en  abordant  l'auguste  prisonnière.  Elle  m'em- 
brassa et  parut  contente  de  me  voir.  Pour  moi,  j'éprouvais 
en  ce  moment  un  vif  sentiment  de  bonheur  et  d'orgueil  de  ma 
captivité  volontaire.  La  princesse  voulut  me  faire  connaître 
elle-même  tous  les  détails  de  notre  habitation,  et  cet  examen 
ne  fut  pas  long.  J'avais  aussi  jeté  un  coup  d'oeil  sur  l'exté- 
rieur de  cette  prison  et  j'essayerai  d'en  donner  ici  une  idée. 

Trois  lignes  de  fortifications  séparent  la  ville  de  l'habi- 
tation de  Madame.  La  première  ligne  est  formée  par  les 
cônes  qui  régnent  autour  de  la  forteresse,  excepté  du  côté 
de  la  mer.  D'immenses  fossés  forment  la  seconde  ligne,  puis 
viennent  les  glacis  et  les  remparts  qui  dominent  l'intérieur 
et  le  cachent  entièrement  au  dehors.  La  troisième  ligne  se 
forme  d'une  double  palissade  de  fortes  planches  qui  ren- 
ferme la  maison  de  l'illustre  prisonnière. 

Un  brick  (la  Capricieuse)  et  deux  chaloupes  canonnières 
défendent  l'entrée  de  la  citadelle  du  côté  du  fleuve. 


LA    DUCHESSE  DE    BERRY   A    BLAYE  11 

Quant  à  l'insalubrité  de  la  place,  à  voir  la  verdure  qui 
dans  un  beau  jour  d'avril  se  développe  dans  ses  alentours, 
on  pourrait  croire  la  position  plus  saine  qu'elle  ne  l'est  réelle- 
ment, si  l'on  ne  s'apercevait  bientôt  de  l'extrême  variété  de 
l'atmosphère.  D'ailleurs,  les  marais  qui  bordent  la  citadelle 
du  côté  de  la  Gironde  et  qui  sont  produits  par  la  marée 
lorsqu'elle  se  retire,  donnent  nécessairement  des  miasmes 
fétides,  surtout  pendant  une  partie  de  l'année. 

Toutes  les  rues  qui  composent  l'intérieur  de  la  citadelle, 
sont  occupées  par  les  troupes  et  tout  ce  qui  concerne  leur 
service.  La  place  est  défendue  par  1000  à  1100  hommes  de 
garnison  et  par  60  canons.  En  dehors,  une  ligne  de  police 
militaire  a  été  établie. 

Lorsqu'on  a  franchi  ces  lignes  de  toutes  sortes  par  des 
ponts,  des  guichets,  des  corps  de  garde,  qui  n'inspirent  pas 
des  idées  bien  gaies,  on  est  encore  plus  attristé  par  l'aspect 
misérable  de  cet  amas  de  vieilles  baraques  qui  formaient 
autrefois  l'ancienne  ville  et  composent  maintenant  l'intérieur 
de  la  place.  Il  n'y  a  point  de  donjon,  et  toutes  ces  maisons 
se  ressemblent.  Elles  n'ont  généralement  qu'un  étage  au- 
dessus  d'un  rez-de-chausséê  très  bas  ;  elles  sont  mal  bâties, 
et  leur  couleur  sombre  atteste  leur  vétusté.  Celle  qui  est 
occupée  par  Madame  la  duchesse  de  Berry  ne  diffère  des 
autres  que  par  le  double  rang  de  palissades  et  les  nombreux 
postes  dont  elle  est  environnée.  Ce  qui  la  fait  encore  recon- 
naître, ce  sont  les  barreaux  que  l'on  a  placés  à  toutes  les 
fenêtres,  d'où  l'on  ne  découvre  d'autre  vue  que  celle  des 
casernes  et  des  remparts  qui  bornent  l'horizon. 

L'appartement  qui  sert  de  prison  à  Madame  et  à  ses 
compagnons  d'infortune,  est  précédé  d'une  antichambre 
ayant  à  côté  une  pièce  occupée  constamment  par  un  officier 
de  garde  et  un  sous-officier  de  gendarmerie,  chargé  d'avoir 
l'œil  au  guichet  pratiqué  dans  la  porte  qui  ferme  l'entrée  de 
l'appartement.  Elle  ouvre  sur  un  corridor  qui  serait  assez 
spacieux  s'il  n'était  encombré  de  meubles  qu'on  y  a  mis  pour 
le  service.  Il  est  terminé  à  son  autre  extrémité  par  une  petite 


12  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

salle  à  manger,  dont  la  porte  doit  toujours  rester  ouverte 
afin  que  le  gendarme  puisse  surveiller  ce  qui  s'y  passe  lors- 
que Madame  est  à  table.  Toutes  ces  pièces  sont  fort  p>etites. 
Celle-ci  est  moins  triste  que  les  autres,  la  fenêtre  ayant  vue 
sur  la  rivière  quand  l'œil  a  dépasse  les  masures,  casernes  et 
guérites  qui  l'en  séparent.  Tout  auprès  de  la  salle  à  manger 
on  a  placé  un  tour  par  lequel  on  fait  passer  le  dîner.  Un 
gendarme  est  de  garde  de  l'autre  côté  du  tour  où  sont  situées 
les  cuisines. 

Dans  le  corridor  on  trouve  encore  deux  portes.  Celle  qui 
est  plus  près  de  l'entrée,  conduit  à  un  couloir  qui  précède 
ma  chambre.  Elle  est  très  sombre,  n'aj^ant  qu'une  fenêtre 
dans  un  coin.  Ma  femme  de  chambre  est  auprès  de  moi  et 
tous  les  soirs  on  nous  enferme  lorsque  je  suis  retirée  dans 
ma  petite  prison  particulière  '. 

Enfin  la  dernière  porte  donnant  dans  le  grand  corridor 
est  celle  du  salon  de  Madame  qui  sépare  sa  chambre  de 
celle  de  M.  de  Brissac.  Celle-ci  étant  sans  cabinet,  Son 
Altesse  Royale  m'avait  destiné  l'autre.  Mme  Hansler,  femme 
de  Madame,  occupe  le  cabinet  qui  est  à  la  suite  de  sa  cham- 
bre et  n'a  pas  d'autre  issue  que  cette   chambre  et  le  salon. 

Les  meubles  sont  très  simples.  Les  repas  sont  convena- 
bles sans  luxe.  Madame  ne  veut  recevoir  du  juste  milieu  que 
ce  qu'elle  est  forcée  d'accepter,  la  nourriture  et  le  logement; 
mais  elle  tient  un  compte  exact  de  ses  dépenses  particulières. 
«  La  Pistole  n'est  pas  mauvaise  »  disait  Madame,  en  faisant 
allusion  à  cette  expression  de  Sainte-Pélagie. 

Chaque  malin  on  ouvre  toutes  les  portes.  Une  femme 
de  service  vient  faire  du  feu  dans  les  chambres  ;  cette 
femme  ainsi  que  le  valet  de  chambre,  payés  par  le  gouver- 
nement, sont  les  seules  personnes  qui  nous  servent.  Ils  s'en 

1.  Note  de  l'auteur.  —  «  Un  des  grands  inconvénients  de  ma  chajnbre,  c'est 
d'y  livrer  passage  à  tous  les  prisonniers,  même  aux  gens  de  service,  pour  aller 
aux  lieux  d'aisance.  I/odeur  en  est  tellement  forte,  qu'elle  m'empêchait  de 
dormir  les  premiers  jours.  Madame  eut  la  bonté  de  réclamer  à  ce  sujet  :  on  fit 
quelques  réparations  à  ce  cabinet,  mais  ma  chambre  n'en  resta  pas  moins  sa 
seule  issue.  » 


LA  DUCHESSE    DE    BERRY    A    BLAYE  13 

acquittent,  au  reste,  convenablement  et  avec  assez  de  zèle. 
Ils  ne  doivent  avoir  aucune  communication  hors  de  l'inté- 
rieur, dont  il  ne  leur  est  jamais  permis  de  sortir.  Le  domes- 
tique loge  à  côté  du  corps  de  garde  :  tous  les  matins  deux 
soldats  vont  le  chercher  et  le  ramènent  le  soir  dans  sa 
chambre.  Le  personnel  de  l'appartement  de  Madame  est 
complété  par  deux  perruches  et  un  joli  petit  chien  envoyé 
par  Mme  de  Preissac  et  nommé  par  Madame  Beivis  comme 
le  fidèle  compagnon  du  vieux  cavalier,  dans  Woodstock. 

Le  petit  jardin  dont  nous  avons  la  jouissance,  a  son 
entrée  par  un  escalier  extérieur  donnant  sur  une  cour  où  se 
trouve  encore  un  poste.  Ce  jardin,  planté  de  choux,  est 
entouré  de  murs  à  l'exception  d'un  espace  de  dix  pieds 
fermé  par  une  claire-voie  qui  laisse  apercevoir  au  loin  la 
Garonne  et  le  fort  Pâté. 

L'usage  des  prisons  est  de  fermer  les  fenêtres  avant  la 
nuit.  Si  le  prisonnier  veut  renouveler  l'air  de  sa  chambre, 
si  sa  cheminée  vient  à  fumer,  il  faut  qu'il  prenne  son  parti 
d'étoufîer  ;  autrement  il  y  aurait  danger  pour  lui.  C'est  ce 
qui  est  arrivé  un  soir  à  Madame.  La  sentinelle  lui  cria  : 
«  Fermez  la  fenêtre,  ou  je  vais  vous  tirer  un  coup  de  fusil. 
—  Vous  n'atteindriez  que  le  plafond  !  »  dit-elle  sans  s'émou- 
voir. Cependant  le  factionnaire  fut  mis  en  prison  pour 
quinze  jours,  mais  Madame  obtint  sa  grâce.  Toujours  est-il 
qu'il  est  en  droit  de  tirer  si  le  prisonnier  s'obstine  à  laisser 
sa  croisée  ouverte  après  plusieurs  avertissements.  Lorsque 
la  princesse  veut  faire  cette  grande  entreprise,  il  faut  en 
prévenir  l'officier  de  garde  qui  va  en  avertir  les  deux  soldats 
en  faction  sous  l'appartement  de  Madame. 

1"  janvier  1S33.  —  Le  curé  de  Blaye  vient  dire  la  messe 
chez  Madame  tous  les  dimanches,  et  l'on  transforme  alors 
la  petite  salle  à  manger  en  chapelle.  Ce  matin,  après  la 
messe,  le  colonel  Chousserie  est  venu  offrir  des  fleurs  à  Son 
Altesse  Royale.  Elle  nous  a  dit  que  dans  sa  conversation 
particulière  avec  lui,  il  lui  avait  donné  quelque  espoir  d'une 


14  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

prochaine  fin  à  sa  captivité,  lorsque  Naples  ou  l'Espagne 
la  réclamerait. 

Les  journaux  légitimistes  sont  interdits  à  Madame.  On 
lui  permet  le  Nouvelliste,  les  Débats,  le  Temps,  le  National, 
le  Courrier  et  le  Charivari  qui  l'amuse  assez. 

Son  Altesse  Royale  avait  demandé  l'ouvrage  de  M.  de 
Chateaubriand  qui  vient  de  paraître,  mais  elle  n'a  pu  l'obte- 
nir. Les  extraits  que  nous  en  avions  lus  dans  les  journaux, 
nous  avaient  donné  le  plus  vif  désir  de  le  lire  en  entier. 

Madame  la  duchesse  de  Berry  aime  la  lecture  et  lit  avec 
tant  de  rapidité  qu'elle  semble  seulement  parcourir  le  livre 
qui  tombe  sous  sa  main.  Mais  en  quelques  instants  sa  vive 
intelligence  a  saisi  ce  qu'il  y  a  de  remarquable  dans  l'ou- 
vrage qu'on  lui  a  vu  pour  ainsi  dire  feuilleter.  Si  elle  en 
parle  longtemps  après,  c'est  avec  une  finesse  d'observation, 
une  exactitude  de  détails  qui  prouvent  à  la  fois  la  sagacité 
de  son  esprit  et  la  sûreté  de  sa  mémoire.  Nos  lectures  et 
celle  des  journaux  sont  un  sujet  perpétuel  de  conversation  ; 
car  nous  lisons  beaucoup,  et  ^ladame,  essentiellement  socia- 
ble, n'impose  aucune  gêne  à  ses  compagnons  d'infortune 
dans  ces  entretiens  qui  n'excluent  pas  une  discussion  polie. 
—  Tout  en  causant,  la  princesse  a  l'habitude  de  s'occuper 
de  quelqu'ouvrage  ;  et,  bien  qu'elle  en  entreprenne  beau- 
coup à  la  fois,  comme  elle  travaille  vite  et  avec  adresse, 
ils  sont  promptement  terminés.  C'est  surtout  à  nos  veillées 
que  Madame  s'établit  à  son  métier  de  tapisserie,  et  moi  au 
mien,  pendant  que  M.  de  Brissac  et  M.  de  Mesnard  nous 
lisent  les  journaux.  Souvent  aussi  Madame  préfère  nous  en 
faire  elle-même  la  lecture. 

3  janvier.  —  Un  piano  est  installé  dans  le  salon  depuis 
hier.  Madame  l'avait  demandé  pour  Mme  de  Castéja  quand 
elle  a  dû  venir.  S.  A.  R.  a  besoin  d'entendre  un  peu  d'harmo- 
nie :  je  ne  sais  si  la  mienne  a  fait  du  bien  à  ses  nerfs  *  , 
mais  elle  a  mieux  dormi  cette  nuit.  —  A  propos  de  Mme  de 

1.  Mme  d'Hautcfort  était  une  véritable  virtuose,  dit  le  D"^  Ménière. 


LA  DUCHESSE  DE  BERKY  A  BLAYE  15 

Castéja,  Madame  m'a  raconté  ce  qui  l'avait  empêchée  d'en- 
trer dans  la  citadelle.  C'est  parce  qu'elle  a  reçu  à  Bordeaux 
la  visite  de  quelques  royalistes.  Je  la  plains  d'avoir  échoué 
au  port,  mais  d'après  sa  mésaventure  je  ne  regrette  plus  les 
précautions  que  l'on  a  prises  pour  m'interdire  toute  relation 
en  route  ;  car,  sans  cette  mesure  de  rigueur,  j'aurais  peut- 
être  eu  le  même  sort. 

5  janvier.  —  Madame  a  reçu  hier  des  lettres  de  ses 
enfants  et  de  Madame  la  Dauphine.  Ce  sont  les  premières 
depuis  son  arrivée  à  Blaye.  Celle  de  Louise  commence  ainsi  : 
«  Ma  chère  maman,  je  ne  pense  qu'à  vous,  je  ne  'parle  que 
de  vous,  je  ne  serai  heureuse  que  lorsque  je  vous  reverrai, 
etc.  »  Cette  lettre  est  aussi  mal  écrite  qu'elle  est  touchante, 
et  l'on  voit  de  quelle  émotion  était  agitée  celle  qui  tenait  la 
plume.  Ils  venaient  d'apprendre  l'arrestation  de  Madame.  — 
Ces  lettres  ont  occupé  S.  A.  R.  toute  la  soirée,  et  la  conver- 
sation a  été  fort  animée  sur  cet  intéressant  sujet.  Elle  m'a 
répété  ce  qu'elle  me  dit  presque  tous  les  jours,  qu'elle  ne 
peut  assez  reconnaître  la  tendresse  toute  maternelle  de  sa 
belle-sœur  pour  ses  enfants,  et  qu'ils  ne  peuvent  être  en 
meilleures  mains  puisqu'ils  sont  séparés  de  leur  mère. 

9  janvier.  —  Ce  matin  le  colonel  a  accompagné  S.  A.  R. 
sur  le  rempart.  La  vue  y  est  admirable  du  côté  de  la 
Gironde.  Mais  quand  notre  guide,  quittant  ce  beau  pano- 
rama, nous  a  fait  traverser  les  vilaines  rues  de  la  citadelle 
pour  rentrer  sous  nos  verrous,  je  me  suis  senti  le  cœur 
serré,  d'autant  plus  que  les  soldats  qui  se  trouvaient  sur  le 
passage  de  Madame  se  rangeaient  en  silence  sans  lui  présen- 
ter les  armes. 

Pendant  cette  promenade,  notre  princesse  nous  a  fait 
une  terrible  peur.  Son  pied  a  glissé,  et  elle  est  tombée  à 
quelques  pas  du  bord  qui  domine  en  cet  endroit  des  marais 
à  une  hauteur  immense.  Madame  m'a  fait  remarquer  que 
M.  Chousserie  avait  pâli  en  se  précipitant  pour  la  relever. 
Il  avait  partagé  avec  elle  d'autres  dangers  encore  i)lus  immi- 


16  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

nents,  ayant  été  embarqué  avec  S,  A.  R.  sur  un  mauvais 
navire  par  les  autorités  de  Nantes,  malgré  un  temps  atroce 
qui  a  duré  pendant  toute  la  traversée.  On  sait  que  la  tempête 
devint  plus  violente  en  approchant  de  la  Gironde.  «  Nous 
avons  été,  me  dit  M.  Chousserie,  à  deux  pas  de  la  mort.  » 
—  Il  racontait  à  Madame  qu'il  aurait  pu  la  prendre  en  Bre- 
tagne, dans  une  ferme  où  elle  était  cachée  ;  mais  qu'il  avait 
craint  l'exaspération  de  la  garde  nationale  de  Nantes,  qui 
la  cherchait  avec  lui. 

ÎO  janvier.  —  Départ  de  M.  de  Mesnard  pour  Montbri- 
son.  Nous  regrettons  notre  compagnon  de  réclusion. 

18  janvier.  —  M.  Chousserie  disait  hier  à  Madame  :  «  Je 
demande  pardon  à  S.  A.  R.  de  la  comparaison,  mais  elle 
me  semble  un  gladiateur  qui,  dans  ce  moment,  fixe  les 
regards  et  tient  tète  à  toutes  les  attaques.  —  J'espère  au 
moins,  répliqua  Madame  en  riant,  que  ce  n'est  pas  le  gla- 
diateur mourant  !  » 

23  janvier.  —  Quand  on  voit  paraître  une  lumière  dans 
les  appartements  après  minuit,  l'un  des  factionnaires  va  en 
prévenir  au  corps  de  garde  d'où  l'on  fait  avertir  l'officier  de 
semaine,  et  celui-ci  fait  aussitôt  doubler  tous  les  postes. 
C'est  ce  qui  est  arrivé  la  nuit  dernière.  Madame  était  un  peu 
indisposée  :  en  un  instant  tous  les  postes  ont  été  doublés. 
Ce  matin  le  rapport  en  a  été  fait  au  gouverneur,  qui  a 
envoyé  savoir  si  S.  A.  R.  avait  été  malade.  —  Quel  ennui 
de  ne  pouvoir  garder  un  bougeoir  après  minuit  sans  mettre 
sur  pied  toute  la  citadelle  1  Nous  sommes  au  secret,  dans 
toute  l'acception  du  mot.  Lettres  ouvertes  et  passées  à  je 
ne  sais  quelle  composition  chimique,  nulle  communication 
au  dehors,  en  un  mot  séquestration  complète. 

25  janvier.  —  Visite  d'Orfila  et   Auvity  ^  .   Madame   ne 

1.  Le  colonel  Chousserie,  inquiet  sur  la  santé  de  la  princesse,  avait  adressé 
au  gouvernement  des  rapports  peu  rassurants.  Le  ministère  envoya  alors  à 
Blaye  MM.  Ortila  et  Auvity. 


LA    DUCHESSE   DE    BERRY   A   BLAYE  17 

m'avant  demandée  qu'après  leur  départ,  je  n'ai  même  pas 
aperçu  ces  Messieurs.  J'avoue  que  j'en  ai  été  vivement 
affligée.  Ils  auraient  pu  donner  de  mes  nouvelles  à  ma 
famille  ;  j'en  ai  pleuré  de  bon  cœur.  Madame  s'en  est  aperçue 
à  déjeuner  et  a  cherché  à  réparer  de  mille  manières  la  peine 
qu'elle  avait  pu  me  causer  en  m'éloignant. 

29  janvier.  —  Seconde  promenade  sur  les  remparts  avec 
notre  escorte  ^  . 

2  février.  —  Le  colonel  a  écrit  à  M.  de  Brissac  que, 
d'après  de  nouveaux  ordres,  il  lui  était  interdit  d'écrire  à 
toute  autre  personne  qu'à  Mme  de  Brissac  ;  de  même  que 
je  devais  borner  ma  correspondance  à  M.  d'Hautefort,  — 
Quoique  je  me  fusse  engagée  à  n'écrire  et  recevoir  que  des 
lettres  non  cachetées  et  que  le  charme  de  l'intimité  fût  nul 
dans  de  pareilles  relations,  j'ai  été  péniblement  affectée  de 
ce  surcroît  de  rigueur.  Ce  qui  m'aidera  à  la  supporter,  c'est 
de  voir  Madame  partager  tous  mes  sentiments  à  cet  égard. 

3  février.  —  Le  gouverneur  est  changé  ;  le  général  Bu- 
geaud  le  remplace. 

Madame  est  entrée  de  bonne  heure  chez  moi  en  peignoir, 
tenant  à  la  main  la  lettre  par  laquelle  M,  Chousserie  lui 
apprend  son  rappel.  Elle  s'est  exprimée  vivement  sur  ce 
sujet  et  ne  veut  pas  voir  son  remplaçant.  J'étais  d'un  autre 
avis,  pensant  qu'il  y  a  peut-être  plus  à  gagner  à  le  recevoir 
qu'à  l'éloigner.  S.  A.  R.  n'a  pu  s'y  résoudre. 

4  février.  —  Madame  oublie  souvent  qu'elle  est  prison- 
nière et  qu'elle  ne  peut  refuser  sa  porte  à  celui  qui  com- 
mande ici.  M.  Chousserie  n'a  jamais  abusé  de  cette  con- 
trainte insupportable.  Nous  verrons  si  son  successeur  aura 
autant  de  tact  et  de  mesure.  —  En  attendant,  l'auguste  pri- 
sonnière a  été  obligée  de  le  voir,  non  en  visite,  puisqu'elle 
avait  déclaré  qu'elle  ne  le  recevrait  pas  ;  mais  il  est  venu 
prendre  connaissance  de  l'appartement.  Il  était  conduit  par 

1.  Aofe  de  l'auteur.  —  «  Ce  sont  les  deux   seules  promenades    que  j'aie  faites 
pendant  mon  séjour  à  Blaye.   » 

hKV.   IllST.   DK  LA   RtVOL.  2 


18  REVUE   HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

le  colonel  Chousserie,  assez  embarrassé  de  cette  commis- 
sion, et  qui  l'a  présenté  à  demi-voix.  La  princesse  lui  a  fait 
une  inclination  de  tête  sans  se  déranger  de  son  ouvrage. 
M.  Bugeaud  a  assez  bien  commencé  :  «  Je  ne  puis  concevoir, 
Madame,  a-t-il  dit,  comment  le  changement  d'un  comman- 
dant peut  vous  causer  autant  d'indignation  ;  mais  je  respec- 
terai vos  préjugés  contre  moi,  et  ne  vous  importunerai  point 
de  ma  présence.  —  Messieurs,  a  dit  Madame,  vous  pouvez 
continuer  la  visite  de  cet  appartement.  »  Ils  ont  passé  dans 
la  chambre,  et  en  revenant  le  général  a  repris  son  discours  : 
il  avait  été,  disait-il,  chargé  d'une  mission  particulière 
auprès  d'elle,  mais  il  ne  pourrait  lui  en  faire  part  que  lors- 
qu'elle consentirait  à  le  recevoir.  «  Monsieur,  vous  pouvez 
me  la  communiquer  par  écrit.  —  Je  ne  suis  pas  autorisé  à 
le  faire  autrement.  Quand  vous  serez  disposée  à  m'entend re, 
vous  me  donnerez  vos  ordres,  Madame,  et,  a-t-il  ajouté  en 
élevant  beaucoup  la  voix,  je  tâcherai  de  concilier  les  égards 
que  je  vous  dois  avec  mon  dévouement  au  Roi  que  nous 
avons  élevé  sur  le  pavois.  » 

8  février.  —  Madame  la  duchesse  de  Berry  a  adopté 
envers  le  nouveau  gouverneur  un  plan  qui  me  paraît  conve- 
nable et  digne.  Elle  lui  a  fait  dire  que  l'espèce  de  rigueur 
dont  elle  s'armait  contre  lui,  ne  lui  était  point  personnelle, 
mais  qu'elle  voulait  prouver  au  gouvernement  son  mécon- 
tentement, ne  pouvant  regarder  que  comme  une  nouvelle 
vexation  le  renvoi  du  colonel  Chousserie,  qui  avait  su  con- 
cilier les  égards  qu'il  devait  à  sa  prisonnière  avec  les  ordres 
dont  il  était  chargé. 

M.  Bugeaud  m'a  fait  demander  si  je  voulais  le  recevoir 
chez  moi.  Après  avoir  pris  les  ordres  de  S.  A.  R.,  je  l'ai 
reçu.  Il  m'a  dit  que  puisque  Madame  ne  voulait  pas  le  voir, 
il  me  priait  de  lui  transmettre  la  commission  dont  le  Roi 
l'avait  chargé  pour  elle.  Ce  n'était  autre  chose  que  de  dire 
à  S.  A.  R.  que  le  Roi  ferait  pour  elle  tout  ce  que  les  circons- 
tances lui  permettraient  de  faire  ;  que  si  elle  était  sa  prison- 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY  A  BLAYE  19 

nière,  elle  n'avait  qu'à  s'en  accuser  elle-même,  en  se  jetant 
dans  une  entreprise  qui  ne  pouvait  lui  réussir  ;  qu'au  reste, 
il  était  inutile  qu'elle  fît  aucune  démarche  auprès  de  sa 
tante,  puisqu'il  prenait  autant  d'intérêt  à  son  sort  que  la 
Reine  elle-même  '. 

—  Un  sujet  de  discussion  qui  s'élève  souvent  entre 
Madame  et  nous,  c'est  le  jury.  Elle  aurait  voulu  être  jugée 
par  cette  Cour  et  l'avait  demandé  dans  une  lettre  qu'elle 
avait  écrite  au  maréchal  Soult  avant  mon  arrivée.  M.  de 
Brissac  et  moi  nous  sommes  d'un  avis  contraire,  trouvant 
que  le  principe  est  sauvé  du  moment  où  l'on  n'a  pas  jugé 
Madame  comme  une  personne  ordinaire  :  ce  principe  que 
le  Ministère  lui-même  semble  avoir  reconnu  en  se  réservant 
de  statuer  sur  le  sort  de  Madame,  faute  remarquable  de  M. 
de  Broglie  que  Berryer  a  relevée  avec  son  beau  talent.  Peut- 
être  Madame  eût-elle  été  acquittée,  mais  ne  compromettait- 
elle  pas  sa  dignité,  en  reconnaissant  facilement  un  tribunal 
qui  ne  pouvait  avoir  de  droits  sur  elle  ?  D'ailleurs,  le  gou- 
vernement n'eût  jamais  consenti  à  ce  jury, 

9  février.  —  Lettre  d'Orfila  et  Auvity  dans  les  gazettes. 
Ils  ne  parlent  que  de  la  salubrité  et  des  agréments  de  la  cita- 
delle, sans  dire  un  mot  de  la  santé  de  celle  qui  y  est  recluse. 

13  février.  —  Triste  anniversaire  -  .  Le  curé  est  venu 
dire  la  messe.  Madame  paraissait  plongée  dans  ses  doulou- 
reux souvenirs  et  priait  avec  ferveur.  Ses  yeux  étaient  rou- 
ges et  attestaient  qu'elle  avait  passé  la  nuit  à  pleurer. 

i4  février.  —   Seconde   visite    du    général    Bugeaud.    Il 

1 .  Cette  recommandation  était  superflue.  Jamais  Madame  n'a  fait  aucune  démar- 
che, écrit  ni  fait  écrire  aucune  lettre  à  Louis-Philippe  et  les  siens  pour  quoi  que 
ce  soit  pendant  cette  longue  et  cruelle  captivité.  Cependant  personne  ne  pouvait 
avoir  autant  de  répugnance  que  Madame  pour  la  privation  de  sa  liberté,  même 
avant  d'en  avoir  éprouvé  toutes  les  rigueurs.  «  Quand  j'étais  en  Vendée,  disait- 
elle,  manquant  de  tout,  mangeant  un  morceau  de  pain  d'orge  en  24  heures  et 
passant  la  nuit  dans  les  marais,  ma  situation  était  mille  fois  plus  douce  :  elle 
était  volontaire  !...  Mais  toute  ma  vie  je  me  suis  dit  que  je  ne  supporterais  pas 
la  prison  !...  »  (Note  de  l'auteur). 

2.  Anniversaire   de  l'assassinat  du  duc  de  Berry,  à    la  sortie   de  l'Opéra,  par 
Louvel,  qui  voulait  éteindre  en  lui  la  race  des  Bourbons,  le  3  février  1820. 


20  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

parle  avec  une  terrible  facilité,  mais  je  voudrais  qu'il  ne 
parlât  que  d'agriculture,  parce  qu'il  en  raisonne  avec  bon 
sens  et  expérience.  Mais  quand  il  entreprend  de  me  conver- 
tir au  juste  milieu,  la  patience  est  près  de  m'échapper.  C'est 
un  fanatique  de  Tordre  de  choses.  «  Quand  v'ous  aurez  cessé 
de  bouder,  me  disait-il,  vous  bénirez  le  gouvernement  pro- 
tecteur qui  vous  a  sauvés,  et  vous  serez  trop  heureux  de 
vous  y  rattacher.  —  Je  vous  assure,  Monsieur,  que  je  n'ai 
pas  besoin  de  lui,  ai-je  répondu,  et  quant  à  du  sentiment 
pour  le  gouvernement  qui  nous  protège  ici,  vous  auriez  trop 
de  peine  à  le  faire  arriver  à  mon  cœur.  » 

Une  des  choses  qui  semble  contrarier  le  plus  M.  Bu- 
geaud,  c'est  de  voir  qu'en  France  la  propriété  territoriale 
est  toujours  entre  les  mains  de  la  noblesse,  v^érité  qui  ne 
peut  être  contestée.  En  m'adressant  la  parole  collectivement 
avec  ma  caste,  il  me  disait  :  «  Vous  êtes  bien  fiers,  parce 
que  vous  pouvez  vous  passer  du  gouvernement,  mais  le  gou- 
vernement peut  se  passer  de  vous  aussi.  —  Je  ne  le  pense 
pas  )),  lui  ai-je  répondu. 

15  février.  —  Un  des  habitants  de  ce  triste  séjour  m'a 
envoyé  la  romance  suivante,  dédiée  à  Madame  la  duchesse 
de  Berry  : 

I 

Ils  m'ôtent  la  douceur  de  te  voir 

Et  d'adoucir  de  si  nobles  alarmes. 

Sur  toi,  pourtant,  sur  un  cruel  devoir 

Ne  puis-je  donc  répandre  quelques  larmes  I 

Fille  des  Rois,  du  simple  chevalier 

Permets  l'hommage  et  daigne  lui  sourire  ; 

S'il  t'en  supplie,  hélas  !  lui,  ton  geôlier. 

C'est  pour  qu'un  jour  le  monde  entier  t'admire. 

II 

Je  redirai  ta  bonté,  ta  douceur. 
Et  ton  courage  et  ton  âme  divine. 
Et  ces  instants  passés  loin  du  bonheur. 
Et  la  prison  de  noble  Caroline. 
Fille  des  Rois,  etc. 


LA    DUCHESSE    DE    BERRY    A    BLAYE  21 

III 

Quand  chaque  soir  j'allais  vers  tes  verrous 
Porter  mes  pas,  j'entendais  la  prière 
De  ta  compagne,  ange  aux  accents  si  doux. 
Et  mes  genoux  fléchissaient  jusqu'à  terre. 
Fille  des  Rois,  etc. 

IV 

Je  redirai  :  J'ai  tenu  mon  serment. 
Elle  eût,  d'ailleurs,  méprisé  l'imposture. 
Mais  qui  saura  jamais  tout  le  tourment 
Que  j'ai  souffert  à  n'être  point  parjure  ! 
Fille  des  Rois,  etc. 

V 

Un  jour  de  deuil  i  l'autel  était  paré  : 
Pour  un  époux  tu  disais  ta  prière. 
Aussi  pour  moi  ce  jour  était  sacré, 
Et  près  de  toi  je  priais  pour  mon  père. 
Fille  des  Rois,  etc. 

W  février.  —  H  y  f^  plusieurs  jours  que  je  n'ai  écrit.  — 
Je  me  sens  d'une  tristesse  mortelle.  Les  jours  me  semblent 
des  siècles  et  cependant  je  suis  trop  agitée  pour  m'ennuyer  ; 
mais  cet  isolement,  cette  triple  enceinte  de  murailles,  de 
fossés  et  de  remparts,  ces  vedettes  de  tous  côtés,  ces  canons 
en  perspective,  ces  barreaux,  ces  verrous,  ces  guichets,  qui- 
conque n'en  a  pas  fait  l'épreuve  ne  peut  savoir  l'effet  que  ce 
triste  ensemble  produit  sur  l'imagination.  Et  pourtant  tout 
cela  ne  serait  rien,  si  l'on  n'éprouvait  pas  d'autres  inquiétu- 
des mille  fois  plus  pénibles.  Elles  peuvent  devenir  intoléra- 
bles, au  point  de  faire  éprouver  une  tentation  très  réelle  de  se 
frapper  la  tète  contre  les  murs  !  Sensation  très  extraordinaire 
qu'il  n'est  donné  qu'au  prisonnier  d'avoir  connue,  et  bien  plus 
encore  un  prisonnier  dans  la  situation  où  je  me  trouve. 

30  mars  1833.  —  Je  n'ai  rien  su  du  secret  de  Madame 
avant  le  22  février  -.  Madame,  jusqu'à   l'époque  de  sa  décla- 

1 .  Le  13  février. 

2.  Le  22  février  1833,  le  général  lîuge-.iud  reçut  de  la  duchesse  de  Herry  un 
billet  autographe,  conçu  en  ces  termes  :  «  Presscîe  par  les  circonstances  et  parles 
mesures  ordonnées  par  le  gouvernement,  quoique  j'eusse  les  motifs  les  plus  graves 
pour  tenir  mon  mariage  secret,  je  crois  devoir  à  moi-même,  ainsi  qu  à  nus 
enfants,  de  déclarer  m'étre  mariée  secrètement  pendant  mon  séjour  en  Italie.  » 


22  RF.VUK    HISTORIQUE    DE    LA     RÉVOhL'ÏION     FRANÇAISE 

ration,  avait  toujours  évité  de  nous  faire  connaître  tout  ce 
qui  aurait  pu  nous  faire  soupçonner  son  mariage.  Sa  réserve 
sur  ce  point,  comparée  h  la  parfaite  confiance  qu'elle  nous 
témoignait  sur  tous  les  autres,  était  une  preuve  de  l'extrême 
importance  de  ce  secret,  qu'elle  n'avait  pas  même  confié  à 
ses  plus  intimes  serviteurs,  tant  elle  redoutait,  en  le  divul- 
guant, le  mécontentement  de  sa  famille  et  surtout  le  tort 
qui  devait  en  résulter  pour  la  cause  de  son  fils.  Elle  n'a 
fait  sa  déclaration  que  d'après  les  menaces  du  gouverne- 
ment et  par  un  noble  mouvement  d'indignation  contre  les 
précautions  infâmes  qui  n'en  ont  pas  moins  été  exécutées 
plus  tard,  et  que  la  plume  d'une  femme  se  refuse  à  retracer. 

Je  ne  parlerai  donc  que  des  menaces  qui  furent  faites  à 
S.  A.  R.  Dans  la  supposition  où  elle  ne  voudrait  rien 
avouer  :  séparation  absolue  des  personnes  qui  s'étaient 
dévouées  à  sa  captivité,  même  de  sa  femme  de  chambre, 
Mme  Hamsler,  qui  serait  remplacée  par  une  sage-femme 
envoyée  par  le  gouvernement  et  déjà  arrivée  dans  la  cita- 
delle. Un  officier  serait  établi  jour  et  nuit  dans  le  salon 
tenant  à  sa  chambre  à  coucher  qui  n'a  pas  d'autre  issue,  et 
dont  la  porte  resterait  constamment  ouverte.  Le  gouverne- 
ment imposerait  à  Madame  un  accoucheur  qui  serait  chargé 
de  s'assurer  de  son  état  de  la  manière  la  plus  positive.  En 
outre,  quantité  de  mesures  de  police  étaient  ordonnées  dans 
l'intérieur  de  l'appartement...  —  Si  Madame  avouait,  tous 
les  soins  lui  seraient  prodigués.  Elle  choisirait  ceux  dont 
elle  désirerait  les  secours,  et  l'on  devait  lui  accorder  toutes 
les  personnes  qu'elle  demanderait  ;  enfin  sa  réclusion  serait 
adoucie  autant  que  possible  jusqu'à  ce  qu'on  puisse  la 
faire  cesser,  ce  qui  arriverait  peut-être  très  promptement. 

Peu  de  jours  après  la  déclaration,  on  parla  d'une  Com- 
mission rogatoire  que  le  Gouvernement  enverrait  à  S.  A.  R. 
et  qui  serait  composée  de  pairs,  de  députés,  d'hommes  de 
loi,  etc.  Ils  devaient  interroger  Madame,  ainsi  que  M.  de 
Brissac  et  moi,  sur  les  nom  et  prénoms  de  celui  qu'elle 
avait  épousé  secrètement,  sur  le  lieu  où  s'était  contracté  ce 


LA    DUCHESSE    DE    BERRY   A    BLAYE  23 

mariage,    et  sur  son   époque   précise.  Madame,   d'après   la 
déclaration  qu'elle  avait  été  forcée  de  faire,  fut  plus  indignée 
qu'effrayée   de   cette   mesure  perfide    et   inquisitoriale  dont 
nous  fûmes  menacés    à   diverses  fois   et  qui  n'eut  pourtant 
pas  lieu.  Au  milieu  de  la  douleur  profonde   où  me  jetaient 
de  telles  circonstances,  j'étais  tranquille  sur  le  résultat  d'une 
pareille  enquête   par  la   connaissance  que  Madame  m'avait 
donnée  en  dernier  lieu  de  sa  correspondance  avec  le  comte 
de  Lucchesi,   et  dont  les  lettres  attestent  le  noble  caractère. 
Depuis  six  semaines  la  santé  de  Madame  nous  a  causé 
de  sérieuses  alarmes.  Une  fièvre  journalière,  une  toux  sèche 
presque  continuelle,  des  sueurs  toutes  les  nuits  et  une  dou- 
leur  permanente   dans   la  poitrine    étaient  des    indications 
plus  que  suffisantes  pour  un  état  très  grave.  Le  changement 
de  ses  traits  frappait  tous  ceux  qui  la  voyaient.  Ses  geôliers 
mêmes  en  furent  effrayés.  Louis-Philippe  seul  et  ses  minis- 
tres n'eurent  pas  peur.  Il  fallut  renoncer  à  l'espoir  d'atten- 
drir   sur  le  sort  de  l'illustre  victime    ses  barbares  persécu- 
teurs. Nous  eûmes  recours  aux  secours  de  la  médecine.  M. 
Gintrac,  qui  soignait  Madame  depuis  son  entrée  à    Blaye, 
avait    éprouvé   dans  le   commencement  des   obstacles  pour 
continuer  à   lui  rendre  ses   soins  '  .  Les    Ministres  avaient 
déclaré  qu'ils   ne    permettraient  plus   auprès  d'elle  que  les 
visites  du  médecin  établi  par  eux  à  la  citadelle.  Madame, 
extrêmement  mécontente  de   cette   vexation,   en  écrivit  au 
maréchal  Soult  et  obtint  que  M.  Gintrac  viendrait  à  de  rares 
intervalles  et  seulement  quand  ia  santé  de  la  princesse  l'exi- 
gerait absolument.  Tout  cela  s'était  passé  avant  mon  instal- 
lation à  Blaye. 

M.  Gintrac,  appelé  par  Madame,  se  concerta  avec  M.  Mé- 
nière,  qui  avait  remplacé  le  premier  médecin  envoyé  par 
le    gouvernement  -  ,    et  ces    Messieurs   jugèrent    nécessaire 

1.  M.  Gintrac,  médecin  de  Bordeaux,  très  connu  pour  ses  opinions  légiti- 
mistes, avait  soigné  la  princesse  quatre  ou  cinq  fois  dejjuis  décembre  1832. 

2.  Il  s'agit  du  docteur  Barthez,  que  la  princesse  avait  refusé  de  recevoir.  Le 
docteur  Prosper  Méniérc,  né  à  Angers  le  17  juin  1799,  arriva  à  Blaye  le  18  février 
et  lut  reçu  le  28  seulement  par  la  duchesse.  Le  docteur  Méniére  écrivit   à  Blaj'e 


24  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE 

l'application  d'un  vésicatoire  au  bras.  Un  régime  très  doux 
fut  recommandé  et  surtout  l'absence  de  toute  secousse  mo- 
rale, mais  cette  dernière  ordonnance  était-elle  praticable 
dans  les  murs  de  Blaye  !  ! 

Vers  cette  époque  M.  Bugeaud  reçut  une  dépêche  minis- 
térielle qui  lui  annonçait  le  prochain  départ  de  Dubois  pour 
Blaye.  II  vint  en  prévenir  Madame,  qui  étant  encore  plus 
souffrante  nous  chargea  M.  de  Brissac  et  moi,  de  recevoir 
le  général.  Il  nous  lut  sa  dépêche,  et  nous  nous  récriâmes 
sur  l'envoi  d'un  personnage  tout  à  fait  antipathique  à  S.  A.  B. 
depuis  la  mort  de  Monsieur  le  duc  de  Berry.  Sa  conduite, 
lors  de  cette  terrible  catastrophe,  avait  été  dure  à  l'égard 
du  malheureux  prince  auprès  de  son  lit  de  mort,  et  tout  le 
monde  en  avait  été  révolté.  Je  rendrai  justice  à  M.  Bugeaud 
en  cette  occasion.  Il  écrivit  notre  conversation  aux  Minis- 
tres, en  insistant  auprès  d'eux  pour  que  Dubois  fût  au  moins 
ajourné.  Il  ajouta,  d'après  nos  observations,  que  la  seule  vue 
de  cet  homme  pouvait  être  fatale  à  Madame.  On  répondit  : 
«  La  répugnance  de  Madame  la  duchesse  de  Berry  pour 
M.  Dubois  n'est  nullement  motivée.  Ses  préventions  sont  in- 
justes et  l'on  ne  jieut  y  avoir  égard.  M.  Dubois  partira  demain 
pour  Blaye.  Vous  le  logerez  dans  la  citadelle.  *  » 

Le  général  Bugeaud  prit  sur  lui  de  le  loger  dans  la  ville, 
en  attendant  que  S.  A,  R  fût  accoutumée  à  l'idée  de  son  ins- 
tallation si  près  d'elle. 

Dimanche  dernier,  en  revenant  de  la  messe.  Madame 
s'arrêta,  comme  de  coutume,  dans  le  corridor  pour  adresser 
quelques  paroles  obligeantes  aux  deux  officiers  qui  amènent 
le  curé  et  ne  se  retirent  qu'en  le  reconduisant.  La  princesse, 
toujours  si  bonne  pour  tous  ceux  qui  l'entourent,  ne  man- 
quait jamais  de  parler  à  ces  Messieurs  de  ce  qui  pouvait  les 


un  journal  quotidien  de  tous  les  événements  dont  il  fut  témoin.  Ce  .lournal, 
dun  intérêt  historique  de  premier  ordre,  a  été  publié  en  1882  sous  ce  titre  :  La 
captivité  de  Madame  la  duchesse  de  Berry  à  Blaye.  Journal  du  docteur  P.  Manière 
(Paris,  Calmann  Lévy). 

1.  M.  Dubois  arriva  à   Blaye  le  15  mars  1833.  Jamais  la  princesse   ne  voulut 
le  recevoir  pendant  sa  longue  captivité. 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY  A  BLAYE  25 

intéresser,  et  cette  conversation  durait  quelques  minutes, 
après  quoi  elle  rentrait  dans  son  intérieur.  Quelle  fut  notre 
surprise  en  lisant  dans  le  Mémorial  de  Bordeaux  celte  petite 
scène  parodiée  avec  sottise  et  méchanceté  par  un  person- 
nage qui  l'avait  examinée  par  le  guichet  !  J'ignore  à  quel 
titre  M.  Bugeaud  l'avait  autorisé  à  venir  épier  Madame,  à 
son  insu,  dans  cette  misérable  réclusion  qui  ne  lui  offre 
même  pas  le  triste  avantage  des  autres  prisons  au  secret,  où 
du  moins  l'on  n'est  pas  observé  du  dehors.  Passe  pour  le 
gendarme  de  semaine  que  ses  ordres  obligent  d'avoir  l'œil 
en  permanence  à  la  porte  ;  mais  de  quel  droit  un  étranger 
venait-il  le  remplacer  pour  faire  imprimer  ensuite  cette  in- 
vestigation d'une  manière  si  peu  conforme  à  la  vérité? 

31  mars.  —  Accoutumée  depuis  un  certain  temps  à  la 
confiance  entière  de  Madame,  j'ai  cru  m'apercevoir  encore 
hier  d'une  réticence  qui  m'a  blessée.  Je  lui  en  ai  parlé  assez 
vivement  ;  elle  m'a  répliqué  de  même  en  rentrant  s'enfermer 
dans  sa  chambre,  et  moi  je  m'en  suis  allée  dans  la  mienne 
me  livrer  à  de  tristes  réflexions.  Mais  j'ai  été  confondue,  un 
quart  d'heure  après,  de  voir  entrer  chez  moi  la  princesse 
avec  un  air  tout  bon,  tout  aimable,  et  qui  m'a  pris  la  main 
en  signe  de  réparation.  Je  me  suis  précipitée  sur  les  siennes, 
attendrie  jusqu'au  fond  du  cœur  d'une  démarche  qui  parlait 
tant  pour  elle.  «  J'ai  été  trop  vive,  lui  ai-je  dit,  j'ai  eu  tort. 
—  Non,  c'est  moi,  a  repris  Madame,  nous  parlions  toutes 
deux  à  la  fois  et  cependant  nous  étions  d'accord.  »  C'est  la 
seule  fois  que  nous  ayons  eu  réellement  une  altercation  à 
mon  sujet  pendant  notre  longue  réclusion. 

2  avril.  —  Chaque  jour  amène  une  surveillance  plus 
active.  Il  me  semble  qu'un  vaste  réseau  est  tendu  autour  de 
nous  et  qu'insensiblement  il  se  resserre... 

4  avril,  Jeudi-Saint.  —  Tous  les  prisonniers  ont  commu- 
nié à  la  même  messe.  C'est  la  première  et  la  seule  consola- 
tion que  le  ciel  nous  ait  envoyée. 


26  REVUE    HISTORIQUE    DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Jour  de  Pâques.  —  M.  Ménière,  revenu  de  Paris  depuis 
deux  jours  après  une  courte  absence  '  ,  est  venu  apporter 
des  livres  à  S.  A.  R.  Il  lui  a  dit  que  les  Ministres  connais- 
sant son  courage  étaient  persuadés  que  s'ils  lui  rendaient 
la  liberté,  elle  recommencerait  à  se  mettre  à  la  tête  du  parti 
légitimiste.  «  Ils  voudraient,  a-t-il  ajouté,  que  Madame 
renonçât  à  sa  qualité  de  F'rançaise  et  se  regardât  uniquement 
comme  princesse  Sicilienne.  —  Alors,  a  répondu  Madame, 
je  ne  sortirai  pas  d'ici,  car  bien  certainement  je  ne  ferai  pas 
une  lâcheté  pour  avoir  ma  liberté  :  la  mère  de  Henri  V  ne  peut 
renoncer  à  être  princesse  Française.  Jamais  je  ne  renierai 
ma  patrie  adoptive,  puisque  c'est  celle  de  mon  fils.  » 

S  avril.  —  Les  journées  sont  tellement  gaspillées  ici, 
que  rarement  je  puis  sauver  une  heure  pour  l'employer  à 
ma  fantaisie.  Voilà  ce  que  je  n'aurais  pas  imaginé  ;  c'est 
qu'étant  renfermée  depuis  quatre  mois,  je  n'ai  le  temps  de 
rien  faire  ici.  Si  nous  voulons  nous  livrer  à  quelqu'occupa- 
tion,  nous  sommes  interrompues  à  tout  instant  par  des  mes- 
sagers de  la  citadelle  qui  ne  nous  laissent  jamais  en  repos. 
Nous  avons  des  livres,  de  la  musique  ;  je  n'en  fais  usage 
que  pour  distraire  Madame.  Le  soir,  quand  elle  est  couchée, 
la  porte  de  sa  chambre  reste  ouverte,  et  tout  en  lisant,  elle 
aime  à  entendre  cette  musique  pour  laquelle  elle  a  un  goût 
si  vif.  Mais  j'avoue  que  souvent  c'est  avec  répugnance  que 
je  m'approche  du  piano,  et  il  faut  que  Madame  m'y  conduise 
après  avoir  elle-même  arrangé  sur  le  pupitre  les  morceaux 
qu'elle  désire  entendre.  C'est  presque  toujours  la  dernière 
cavatiné  du  Pirate  :  Tu  vedrai  la  sventurala.  Elle  me  dit  : 
«  Ma  chère,  chantez-moi,  je  vous  en  prie,  l'air  de  ce  Mon- 
sieur qu'on  va  pendre.  »  Alors  j'ai  honte  de  ma  paresse  et 
fais  en  sorte  de  la  réparer.  Mais  quand  je  retourne  auprès 
de  Madame,  je  la  trouve  souvent  en  larmes,  et  je  m'adresse 

1.  Après  six  semaines  de  séjour  à  Blnye,  le  docteur  Ménière  avait  été  rappelé 
à  Paris,  où  il  s'entendit  reprocher  l'exagération  de  ses  bulletins  médicaux.  Mais 
il  plaida  lui-même  sa  cause  devant  le  Conseil  des  ministres,  donna  franchement 
toutes  les  explications  désirables  et  sortit  victorieux  de  cette  épreuve. 


LA    DUCHESSE    DE    BERRY    A  BLAVE  27 

des  reproches  contraires  en  voyant  le  triste  effet  de  mes 
chants. 

Une  autre  occupation  qui  m'intéressait,  c'est  celle  de  ce 
journal,  mais  il  m'est  impossible  de  m'y  livrer  d'une  manière 
suivie.  Du  moins,  il  aura  le  mérite  de  l'exactitude  et  de  la 
vérité,  et  je  ne  lui  en  demande  pas  d'autre,  puisqu'il  n'est 
que  pour  moi. 

M.  Deneux  arriva  pour  cette  époque  sans  aucune  de- 
mande de  la  part  de  S.  A.  R.  Seulement  elle  ne  s'est  point 
opposée  à  ce  qu'il  restât,  connaissant  son  attachement  pour 
elle.  1 

9  avril.  —  Un  légitimiste  courageux  et  dévoué  a  trouvé 
moyen  d'entretenir  hier  Madame  sans  témoins  pendant  dix 
minutes.  C'est  un  fait  incroyable  quand  on  ne  l'a  pas  vu  et 
que  l'on  sait  la  réclusion  inouïe  où  nous  vivons.  M.  de 
Choulot  est  aussi  adroit  que  hardi,  et  il  a  persuadé  au  géné- 
ral Bugeaud  de  lui  accorder  cette  faveur  sans  exemple  pour 
remettre  à  S.  A.  R.  les  portraits  de  ses  enfants.  Mais  ayant 
moins  ménagé  le  gouverneur  de  Blaye  à  sa  sortie  qu'en  y 
entrant,  celui-ci  ne  tarda  pas  à  regretter  ce  qu'il  appelait  sa 
«  trop  grande  condescendance  »,  et  cette  aventure  faillit 
être  fâcheuse  pour  le  serviteur  fidèle  qui  avait  tout  bravé 
pour  arriver  jusqu'à  la  princesse.  Peu  s'en  fallut  qu'il  ne 
fût  jeté  du  haut  des  remparts. 

Je  crains  que  cette  visite  n'ait  exaspéré  nos  gardiens,  et 
ne  soit  un  prétexte  pour  refuser  celle  de  M.  de  Chateau- 
briand que  Madame  veut  demander  ;  ce  refus  serait  déses- 
pérant !... 

Tout  fait  ombrage  à  notre  gouverneur  de  plus  en  plus. 
Après  m'avoir  porté  les  plaintes  les  plus  amères  contre  M. 
de  Choulot,  il  m'a  fait  lire  un  passage  d'une  énorme  dépè- 
che signée  Sonlt  et  crArgont,  dans  laquelle  on  nous  signale, 
M.  de  Brissac  et  moi,  pour  nous  entendre  avec  les  légitimis- 

1.  M.  Deneux,  qui  avait  accouché  quatre  fois  la  princesse,  arriva   le  2.3  mars 
à  Blaye  et  fut  reçu  le  lendemain  par  elle. 


28  REVUE  HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

tes  de  Paris.  «  Cela  esl  évident  et  crève  les  yeux  »,  termi- 
nait cette  lettre.  «  C'est  ce  coquin  de  curé  qui  favorise  votre 
correspondance  1  s'est  écrié  M.  Bugeaud.  Je  le  ferai  fouiller 
et  vous  n'aurez  plus  la  messe.  Le  gouvernement  voit  clai- 
rement que  vous  vous  entendez  avec  votre  princesse  et  que 
vous  formez  un  véritable  triumvirat.   » 

12  avril.  —  Madame  avait  éprouvé  un  peu  de  mieux 
depuis  qu'elle  nous  avait  causé  de  si  vives  inquiétudes,  mais 
voilà  la  fièvre  qui  ne  l'a  pas  quittée  depuis  soixante  heures. 
Notre  pauvre  princesse  est  changée  d'une  manière  effrayante; 
les  médecins  ont  encore  plus  d'appréhension  pour  l'avenir 
que  pour  le  moment  actuel.  Son  affection  de  poitrine  peut 
devenir  beaucoup  plus  dangereuse,  et  pour  une  personne 
sur  qui  les  impressions  morales  ont  tant  d'influence,  la 
solennité  dont  on  veut  l'entourer  dans  quelque  temps  ne 
peut  manquer  d'être  du  plus  grand  danger.  Que  M.  Dubois 
entre  dans  la  chambre  de  S.  A.  R.  dans  un  pareil  moment, 
malgré  la  volonté  qu'elle  n'a  cessé  de  manifester  de  ne  pas 
le  voir,  et  elle  peut  mourir  sur-le-champ.  Tel  est  l'avis  de 
Deneux,  de  Gintrac,  mais  qu'est-ce  que  cela  fait  au  gouver- 
nement de  Louis-Philippe  ? 

Il  n'est  probablement  pas  étranger  à  une  proposition 
faite  a  diverses  fois  par  le  général  à  Madame,  et  qu'elle  a 
constamment  refusée.  —  Dès  le  25  mars,  à  la  suite  de  plu- 
sieurs conversations,  il  fit  à  S.  A.  R.  des  ouvertures  pour 
l'engager  à  souffrir  une  constatation  en  quelque  sorte  publi- 
que, dans  laquelle  cinq  médecins  et  quantité  de  témoins, 
parmi  lesquels  figureraient  les  autorités  de  Blaye,  devaient 
se  trouver.  Le  procès-verbal  devait  être  signé  par  tous  les 
assistants  compris  M.  de  Brissac  et  moi  (à  supposer  que 
nous  y  consentissions),  et  publié  dans  le  Moniteur.  Il  est 
facile  de  juger  que  Madame  ne  fût  pas  tentée  un  seul  ins- 
tant de  céder  à  une  telle  proposition.  M.  Bugeaud  cherchait 
à  la  décider  par  tous  les  raisonnements  possibles  :  «  Il  fau- 
dra bien,  lui    disait-il,    que   vous   en   veniez  là,  lorsque  le 


LA.  DUCHESSE   DE    BERRY   A    BLAYE  29 

moment  fatal  sera  venu,  car  je  ferai  entrer  tous  les  témoins. 
Si  l'on  me  disait  :  On  va  vous  donner  cent  coups  d'étrivières 
ou  qu'il  me  fallût  attendre  six  semaines  en  prison,  j'aimerais 
mieux  en  finir  tout  de  suite.  »  Malgré  une  logique  si  serrée 
et  surtout  si  pleine  de  convenances,  Madame  se  détermina 
à  ne  faire  aucune  demande  au  gouvernement  et  répondit 
qu'elle  n'accepterait  pour  obtenir  sa  liberté  que  des  condi- 
tions compatibles  avec  sa  dignité. 

Cependant  S.  A.  R.  saisit  cette  occasion  de  réclamer  des 
conseils,  et  le  10  avril  elle  écrivit  au  général  que  ne  pouvant 
se  décider  à  faire  au  gouvernement  aucune  proposition  sans 
s'être  consultée  avec  quelques-uns  de  ses  amis,  elle  dési- 
gnait, parmi  le  grand  nombre  de  ceux  qui  lui  avaient  offert 
leurs  services,  MM.  de  Chateaubriand  et  Hennequin,  et  y 
mettait  pour  condition  de  les  voir  sans  témoins.  La  réponse 
ministérielle  fut  énergique  et  négative.  «  Le  gouvernement 
ne  pouvait  accorder  à  Madame  la  duchesse  de  Berry  deux 
légitimistes  dont  l'un  n'avait  cessé  d'attaquer  le  gouvernement 
de  la  manière  la  plus  outrageante,  et  l'autre  avait  représenté 
le  Roi  comme  un  assassin  dans  l'aifeire  du  duc  de  Bour- 
bon. Vous  auriez  dû,  ajoutait  le  Ministre,  vous  auriez  dû 
les  refuser  sur  Vétiqiiette  du  sac.   » 

Le  général  prit  occasion  de  ce  refus  pour  essayer  de 
séparer  Madame  de  ses  amis  ;  lui  répétant  sans  cesse  que 
les  légitimistes  ne  voulaient  rien  faire  pour  obtenir  sa  liberté  ; 
qu'ils  la  sacrifiaient  à  leur  ambition  ;  qu'ils  désiraient  sa 
mort,  et  que  le  Roi,  bien  plus  humain,  lui  offrait  tous  les 
moyens  d'être  libre  ;  enfin  que  ses  véritables  amis  étaient 
ceux  qu'elle  avait  cru  jusque-là  ses  ennemis.  On  peut  se 
figurer  ce  que  souffrait  celle  à  qui  s'adressaient  ces  longs 
discours.  Mais  c'était  peine  perdue  pour  celui  qui  les  lui 
adressait.  «  Le  piège  est  trop  grossier,  disais-je  à  Madame; 
il  ne  parviendra  pas  à  vous  prouver  que  vos  ennemis  sont 
dans  la  Vendée  et  le  Midi.  » 

Ces  paroles  trouvaient  trop  d'écho  dans  l'àme  de  Madame 
pour  ne  pas  exciter  en   elle  des  réflexions  dignes  du  sujet 


30  HEVLE   HISTORIQUE    DE    LA  REVOLUTION    FRANÇAISE 

fréquent  de  nos  conversations.  C'est  en  vain  qu'on  aurait 
voulu  lui  faire  oublier  Cathelineau,  Bonnechose  et  tant 
d'autres  qui  avaient  scellé  de  leur  sang  leur  héroïque  dévoue- 
ment. 

13,  16  et  17  avril.  —  Ma  femme  de  chambre  vient  d'être 
bien  malade.  Les  médecins  l'avaient  presque  condamnée 
et  m'avaient  dit  qu'ils  ne  pouvaient  répondre  d'elle  dans 
une  de  ses  crises  nerveuses.  Elle  couche  dans  un  cabinet 
tenant  à  ma  chambre.  Cette  nuit  ayant  entendu  des  gémisse- 
ments partir  de  ce  cabinet,  puis  le  bruit  de  quelque  chose 
qui  tombe  à  terre,  ensuite  un  profond  silence,  j'ai  cru  que 
la  pauvre  fille  était  morte,  et  j'avoue  que  jai  eu  un  moment 
de  terreur  me  trouvant  enfermée  avec  elle  et  n'ayant  pas 
de  sonnette  pour  me  faire  entendre  au  dehors.  Cependant 
ayant  repris  courage,  j'ai  couru  au  secours  de  la  pauvre 
malade,  que  j'ai  trouvée  dans  un  profond  accablement,  après 
avoir  été  dans  une  grande  agitation  ;  mais  aujourd'hui  elle 
est  hors  de  danger. 

Da  19  avril  au  22  ^  .  —  Le  19  avril,  nouvelle  lettre  de 
M.  Bugeaud  dans  laquelle  il  proposait,  sans  y  être  autorisé, 
de  faire  venir  MM.  de  Chateaubriand  et  Hennequin  pour 
recevoir  de  Madame  et  de  cinq  médecins  des  déclarations  de 
mariage  et  de  grossesse,  en  s'engageant  d'avance  à  permet- 
tre la  publication  de  cette  seconde  déclaration  plus  explicite 
que  la  première.  Il  se  flattait,  disait-il,  que  les  Ministres 
s'engageraient  à  mettre  Madame  en  liberté,  après  cette  espèce 
de  constatation.  «  Il  me  faut  votre  parole  seulement  »,  ajou- 
tait-il. Madame  pensa  qu'elle  devait  s'en  tenir  à  la  première 
déclaration  qui  lui  avait  été  arrachée  ;  elle  répondit  que 
jamais  elle  ne  pouvait  avoir  la  pensée  de  prendre  d'avance 
aucun  engagement  pour  ses  amis,  et  qu'elle  saurait  tout 
souffrir  plutôt  que  de  se  manquer  à  elle-même  et  aux  siens. 
—  Il  était  bien   clair,    d'ailleurs,   que  Louis-Philippe  ne  lui 

1.  C  est  à  peu  près  vers  cette  époque  que  l'on  nous  a  permis  toute  espèce  de 
journaux.  (Note  de  l'auteur). 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY  A  BLAYE  31 

rendrait  pas  si  facilement  la  liberté.  —  D'après  ce  dernier 
refus,  le  général  nous  déclara  qu'il  n'y  avait  plus  d'espoir  de 
sortie,  et  qu'il  ne  lui  restait  plus  qu'à  remplir  ses  devoirs 
envers  le  pays  et  le  roi,  en  constatant  de  la  manière  la  plus 
authentique  tout  ce  qui  devait  se  passer  plus  tard. 

C'est  sur  ces  entrefaites  que  sont  arrivés  MM.  Andral, 
Fouquet,  Orfila  et   Auvity,   que   Madame    n'avait  point  de- 
mandés.   M'étant  trouvée   dans   le  salon  lorsque  le  général 
vint  les  annoncer,  je  lui  demandai  s'il  croyait  que  Madame 
obtînt  sa  liberté  dans  la  supposition  où  ces  médecins  la  ré- 
clameraient pour  elle.  Il  me  répondit  que  lors  même  que  les 
Ministres  feraient  la  sottise  de    lui  ouvrir  les  portes,  il  se 
mettrait    sur    son  passage  pour    l'arrêter,    tant    il  trouvait 
absurde  de  la  laisser  partir  sans  garantie  pour  le  gouverne- 
ment. Il  répéta  à  la  princesse  qu'il  ne  croyait  nullement  que 
leur  consultation    put    la  faire  sortir  ;  elle  se  refusa  donc  à 
les  voir.  Sur  la  demande  instante  de  ses  médecins  habituels, 
Madame  avant   de  prononcer  son   dernier  refus  se  décida  à 
renouveler  par  le  télégraphe  la  demande  de  MM.  de  Chateau- 
briand et  Hennequin  sans  qu'il  lui  fût  imposé  aucune  condi- 
tion préalable.  Nouveau  refus  des  ministres,  en  ces  termes  : 
«   MM.    de    Chateaubriand    et    Hennequin    n'iront   point   à 
Blaye  ;  les  quatre  médecins  reviendront  tout  de  suite.  »  Ces 
docteurs  étaient  porteurs  d'un  ordre  signé  Soult  et  d'Argout 
pour  constater  la  santé  et  l'état  de  Mme  la  Duchesse  de  Berrij. 
Embarrassés  vraisemblablement  de  la  figure  qu'ils  auraient 
à  faire  à  leur  retour,    s'ils    n'étaient   pas  reçus  à  Blaye,   ils 
firent  proposer  à  Madame  de  constater  seulement  l'état  de  sa 
poitrine.  Elle  ne  crut  pas  devoir  accéder  à  cette  offre,  et  s'en 
applaudit  lorsqu'une  estafette  apporta  presqu'au  même  ins- 
tant  l'ordre  de  faire  une  constatation   en  règle,  c'est-à  dire 
avec  tous  les  témoins,   si   Madame  voulait  recevoir  les  mé- 
decins. 

Apparemment  que  les  Ministres  n'avaient  pas  trouvé  leur 
première  lettre  assez  positive,  celle-ci  ne  laissait  aucun 
doute  sur  leur  intention.  —  C'est  alors  que  Madame,  suivant 


32  RLVLE   mSTOIUQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

le  mouvement  de  son  excellent  cœur,  écrivit  au  général  Bu- 
geaud  une  lettre  pleine  d'obligeance  pour  les  médecins  de 
Paris  qui  avaient  fait  un  voyage  si  peu  satisfaisant.  Il 
serait  impossible  de  rendre  l'anxiété  de  ces  deux  journées. 
Nous  ne  pouvions  nous  dissimuler  que  Madame  renonçait 
à  la  seule  chance  de  sortie  qui  lui  restât,  quoique  bien  in- 
certaine ;  mais  elle  préféra  subir  son  sort  en  restant  indéfi- 
niment captive  que  de  se  soumettre  à  la  plus  cruelle  de 
toutes  les  humiliations,  une  constatation  publique. 

Ce  n'est  pas  moi  qui  l'y  aurais  engagée  ;  et  c'est  une 
grande  satisfaction  pour  mon  àme  de  n'avoir  jamais  donné 
à  Madame  un  conseil  qui  fût  au-dessous  d'elle,  malgré  tous 
les  efforts  de  ses  ennemis  pour  la  rabaisser. 

Enfin  Madame  se  décida  seule,  et  avec  un  admirable  cou- 
rage. «  C'est  pour  Henri,  me  disait-elle,  lorsqu'elle  eut  pris 
sa  résolution  :  le  pauvre  enfant  !  Je  suis  sûre  que  je  lui  ferais 
tort  en  consentant  à  une  telle  ignominie.  » 

Ce  n'était  pas  la  première  fois  que  nous  regrettions  des 
conseils.  Cherchant  à  nous  éclairer  dans  quelques  articles 
de  journaux  et  dans  la  conduite  de  nos  entours,  constam- 
ment occupés  de  la  situation  de  Madame,  nos  perpétuelles 
conversations  avec  elle  ne  ressemblent  à  aucune  autre,  et  il 
faudrait  inventer  un  mot  pour  rendre  tout  ce  qui  ne  peut 
exister  que  dans  les  nôtres.  Il  ne  se  passe  guère  de  jour  où 
nous  n'ayons  quelque  proposition  à  combattre,  quelqu'insi- 
nuation  à  repousser.  Nous  formons  alors  un  petit  conseil, 
une  espèce  de  Gouvernement  intérieur.  Madame,  représen- 
tant le  Ministère,  nous  fait  des  communications  sur  les 
nouvelles  vexations  dont  elle  a  été  l'objet,  et  nous  interroge 
sur  les  réponses  à  faire  et  les  décisions  à  prendre  ;  M.  de 
Brissac  en  fait  le  résumé  ;  moi,  je  suis  la  Chambre  indépen- 
dante :  il  est  rare  que  la  Chambre  et  le  rapporteur  ne  s'en- 
tendent pas  sur  tout  ce  qui  tient  à  l'honneur,  la  loyauté  et 
tous  les  sentiments  qui  parlent  si  haut  dans   leur  cœur. 

Madame  discute  avec  une  grande  politesse  :  et  soit  qu'elle 
contrarie  nos  opinions  ou  qu'elle  les  adopte,  c'est  habituel- 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY  A  BLAYE  38 

lement  en  ces  termes  :  «  Je  vous  demande  pardon  ;  me  per- 
mettez-vous de  vous  observer  ?  j'ai  peut-être  tort,  mais  il  me 
semble,  etc.  »  —  Le  génie  de  sa  nation  la  porte  assez  natu- 
rellement à  ne  pas  dire  toute  sa  pensée,  et,  comme  elle  me 
l'a  dit  elle-même,  son  éducation  a  encore  développé  son 
caractère  sur  ce  point.  Cette  fâcheuse  disposition  qui  lui  a 
fait  tant  de  mal,  augmente  encore  les  difficultés  de  ma  posi- 
tion, et  nous  donne  quelquefois  une  peine  infinie  pour  ana- 
lyser la  finesse  de  ses  confidences.  Mais  plusieurs  mois  de 
réclusion  donnent  l'habitude  d'être  devinée  à  la  personne  qui 
croit  l'être  le  moins.  Dans  nos  mystérieux  comités,  Madame 
nous  montre  toujours  une  absence  d'amour-propre  que  bien 
des  femmes  n'auraient  pas  avec  la  promptitude  d'intelligence 
si  remarquable  de  Madame  la  duchesse  de  Berry. 

Jamais,  je  crois,  on  n'a  tant  raisonné,  commenté,  dis- 
cuté et  examiné  les  questions  sur  toutes  les  faces.  Ce  travail 
de  tête  est  d'une  fatigue  inconcevable.  En  quittant  Blaye,  je 
serai  logicienne  parfaite  ou  imbécile.  Madame  pense  que 
nous  serons  plutôt  classées  dans  cette  dernière  catégorie.  Elle 
me  disait  :  «  Si  l'on  nous  saignait  en  sortant  d'ici,  notre 
sang  serait  de  l'encre.  »  Elle  m'assure  souvent  qu'elle  ne  se 
sent  plus  la  force  de  soutenir  de  longues  et  inévitables  dis- 
cussions avec  ceux  qui  sont  chargés  de  lui  transmettre  les 
propositions  de  Louis-Philippe,  qui  ne  veut  même  pas  avoir 
l'air  d'en  faire,  trouvant  cela  au-dessous  de  sa  dignité.  Et 
comme  on  veut  que  ces  propositions  viennent  toujours  de  la 
prisonnière,  il  faut  d'interminables  argumentations  pour 
l'amener  à  ce  résultat  que  l'on  n'a  jamais  obtenu. 

Depuis  près  de  six  mois  vivant  tous  trois  dans  une  sé- 
questration absolue  et  sans  exemple,  il  faut  tirer  toutes  nos 
ressources  de  nous-mêmes.  Quant  à  moi,  me  trouvant 
chargée  d'une  responsabilité  qui  demanderait  un  esprit  plus 
exercé  que  le  mien,  je  ne  puis  prendre  conseil  que  de  la 
droiture  de  mon  cœur.  Tourmentés,  harcelés,  obsédés  tan- 
tôt avec  des  formes  polies  tantôt  de  la  façon  la  plus  brutale, 
il  serait  presque  miraculeux  que   le  jugement  ne  s'affaiblit 

RKV.  IllSr.    DE    LA  RKVOI,.  3 


34  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

pas  dans  une  telle  situation,  d'autant  plus  que  l'inaction 
forcée  à  laquelle  nous  sommes  condamnés  donne  carrière  à 
une  agitation  morale  qui  ne  nous  laisse  pas  un  moment  de 
calme  ni  jour  ni  nuit,  agitation  qui  avancerait  les  jours  de 
ceux  dont  elle  s'empare  si  elle  se  prolongeait  plusieurs  années. 
Ce  n'est  rien  qu'un  récit  en  quelques  pages  d'une  longue  suite 
d'ennuis  et  de  tourments  de  tous  genres  renouvelés  chaque 
jour.  D'ailleurs,  ces  notes  abrégées  ne  peuvent  rendre  qu'im- 
parfaitement tous  les  détails  de  ces  discussions,  tantôt  mor- 
tellement ennuyeuses,  tantôt  d'une  telle  violence  de  la  partie 
adverse  que  je  ne  pourrais  les  retracer  ici. 

22  avril.  —  Nous  avons  lu  dans  les  gazettes  la  lettre  de 
M.  de  Chateaubriand.  Oh  !  qu'il  a  bien  dépeint  d'un  seul 
trait  les  tortures  morales  de  Blaye  ! 

Madame  respire  plus  à  l'aise  en  voyant  que  ses  amis 
comprennent  la  situation. 

23  avril.  —  Elle  était  à  peine  remise  de  l'échauffourée 
des  quatre  médecins  de  Paris,  que  le  23  avril  le  général 
Bugeaud  étant  venu  chez  S.  A.  R.,  après  l'éloge  ordinaire 
de  son  Dieu,  l'ordre  de  choses,  et  de  sa  maîtresse  la  Chambre, 
il  est  arrivé  à  l'obligation  où  il  se  trouve  de  mettre  plus  que 
jamais  sa  responsabilité  à  couvert,  et  a  déclaré  à  Madame 
qu'à  dater  du  1^"^  de  mai  il  ferait  coucher  un  officier  dans  son 
salon  avec  un  ordre  de  laisser  la  porte  de  S.  A.  R.  ouverte. 
Madame,  ne  pouvant  contenir  son  indignation,  a  eu  avec  le 
général  une  scène  très  vive  dont  elle  a  été  sérieusement 
malade  toute  la  journée.  Elle  est  rentrée  brusquemment 
dans  sa  chambre,  nous  laissant  M.  de  Brissac  et  moi  pour 
tenir  tète  à  M.  Bugeaud.  —  Il  nous  a  parlé  longuement  des 
précautions  qu'il  se  voit,  dit-il,  obligé  de  prendre  pour  la 
sûreté  de  son  gouvernement.  «  Quant  à  cela.  Monsieur,  lui 
ai-je  dit,  c'est  votre  affaire.  La  nôtre  est  de  veiller  sur  S.  A. 
R.,  de  la  garantir  de  toute  offense  et  autant  que  possible 
des  secousses  morales  qui  lui  font  tant  de  mal.  —  Mais,  a- 
t-il  repris  en  revenant  sur  son  idée  fixe,  mon  devoir  est  de 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY  A  BLAYE  35 

constater  jusqu'à  l'évidence  ce  qui  doit  se  passer  ;  et,  dans 
l'intérêt  de  Madame  la  duchesse  de  Berry,  vous  devriez  vous 
entendre  avec  moi  pour  arriver  à  ce  but.  —  Encore  une  fois. 
Monsieur,  c'est  votre  affaire  et  non  la  mienne.  —  Alors,  dit- 
il,  j'en  conclurai  que  vous  ne  paraissez  prendre  aucun  in- 
térêt à  un  événement  qui  en  a  tant  pour  votre  princesse.  — 
Pour  vous  prouver  que  je  ne  puis  être  que  vivement  touchée 
de  sa  situation,  je  voulais  précisément  vous  prier  de  ne  plus 
me  faire  enfermer  le  soir.  Madame  pourrait  avoir  besoin  de 
mes  soins,  et  je  serais  désolée  de  ne  pouvoir  les  lui  offrir.  » 
Cette  demande  ne  me  fut  pas  accordée. 

L'état  nerveux  où  j'avais  vu  l'infortunée  princesse  pen- 
dant l'odieuse  discussion  qu'elle  avait  eue  avec  le  général,  me 
faisait  tout  craindre  pour  elle,  il  fallait  absolument  obtenir 
des  conditions  moins  barbares.  En  vain  j'ai  demandé  avec 
les  plus  vives  instances  que  le  salon  restât  libre  ;  après 
deux  grandes  heures  de  débats,  nous  avons  obtenu  qu'au 
lieu  de  l'officier  qui  avait  causé  une  si  grande  terreur  à 
Madame  ,  on  établirait  dans  son  salon  M.  Deneux  et  M. 
Ménière.  Le  général  n'a  point  renoncé  à  son  officier  ;  seu- 
lement il  consent  à  ce  que  son  lit  soit  établi  dans  le  corridor 
devant  la  porte  du  salon  qui  sera  toujours  ouverte,  ainsi 
que  celle  de  la  chambre  à  coucher. 

Lorsque  je  suis  retournée  près  de  Madame,  je  l'ai  trouvée 
encore  toute  tremblante  et  d'une  pâleur  effrayante.  Mme 
Hansler  l'a  mise  au  lit,  quoique  ce  fût  vers  le  milieu  du  jour  ; 
mais  cette  cruelle  scène  lui  a  fait  tant  de  mal,  qu'elle  pou- 
vait à  peine  se  soutenir.  Ce  corps  si  affaibli  ne  peut  plus 
supporter  de  pareilles  secousses.  Elle  m'a  demandé  le  ré- 
sultat de  notre  longue  conférence  (pour  ne  pas  dire  notre 
querelle)  avec  M.  Bugeaud,  et  elle  a  paru  satisfaite  du  mezzo 
termine  que  nous  avons  obtenu. 

24  et  25  avril.  — -  Madame  la  duchesse  de  Berry  a  passé 
ces  deux  journées  au  lit  très  souffrante. 

Du  26  avril  au  Z'"''  mai.  —  M.  Deneux  qui  avait  son  lo- 


36  REVUE  HISTOlilQUE    DE  LA  RÉVOLUTtOX    FRANÇAISE 

gement  au-dessous  de  celui  de  Madame,  a  été  transporté 
plus  loin,  sans  qu'il  l'ait  demandé.  Il  est  facile  de  deviner  le 
motif  de  ce  changement.  Les  planchers  sont  si  légers  qu'on 
entend  au  rez-de-chaussée  le  bruit  des  appartements  su- 
périeurs et  l'on  ne  veut  pas  se  priver  de  ce  moyen  de  po- 
lice '.  Pendant  qu'on  éloignait  M.  Deneux,  en  mettant  à  sa 
place  des  agents  de  M.  Bugeaud,  M.  Ménière  fut  installé 
dans  le  salon  de  Madame,  sans  son  collègue,  quoiqu'il  eût  été 
positivement  convenu  qu'ils  y  seraient  établis  ensemble. 
Madame  réclama  vivement  contre  ce  manque  de  foi  parmi 
tant  d'autres. 

Du  1"  mai  au  10.  —  Le  l*^""  mai,  jour  de  Saint-Philippe, 
Madame  eut,  à  travers  ses  barreaux,  le  spectacle  des  ré- 
jouissances de  la  citadelle.  Le  général  les  termina  en  faisant 
mettre  son  lit  le  soir  même  à  la  porte  de  son  auguste  pri- 
sonnière. Il  coucha  au  guichet  et  continua  cette  noble  sur- 
veillance chaque  nuit  jusqu'au  10  mai.  «  Il  se  crotte,  disait 
Madame,  j'en  suis  fâchée  pour  lui.  » 

Madame  ne  pouvant  plus  se  faire  illusion  sur  le  temps 
de  sa  captivité,  résolut  de  tirer  au  moins  parti  de  sa  situation 
en  faisant,  avec  ses  persécuteurs,  une  sorte  de  traité  par  le- 
quel elle  s'engageait  sur  sa  parole  donnée  au  général  Bugeaud, 
à  le  faire  avertir  aussitôt  qu'elle  commencerait  à  souffrir, 
consentant  à  recevoir  tous  les  témoins  désignés,  soit  avant 
soit  après,  s'ils  n'étaient  pas  arrivés  à  temps.  De  son  côté,  le 
général  engageait  sa  parole  à  obtenir  des  Ministres  la  liberté 
de  Madame,  aussitôt  qu'elle  serait  rétablie  et  à  sa  première 
réclamation.  S.  A.  R.  avait  exigé  le  consentement  signé  de 
la  majorité  des  Ministres,  dont  elle  prendrait  connaissance, 
mais  qui  resterait  entre  les  mains  du  gouverneur. 

Quelques  jours  avant,  M.  Bugeaud  avait  présenté  à  S.  A. 
R.  un  projet  de  procès-verbal  de  ce  qui  devait  se  passer  en 

].  Dès  le  mois  de  septembre,  on  avait  établi  au  rez-de-chaussée  des  acousti- 
ques qui  correspondaient  à  la  chambre  de  S.  A.  R.  On  avait  aussi  pratiqué  des  ou- 
vertures au  plafond  de  cette  chambre,  et  l'on  pouvait  se  glisser  sous  le  toit  pour 
entendre,  par  ce  moj'en,  ce  qui  se  passait  chez  la  princesse.  (Note  de  l'auteur). 


LA  DUCHESSE    DE    BERRY  A    BLAYE  37 

cette  circonstance.  Sans  vouloir  rechercher  l'auteur  de  cette 
pièce  inconcevable,  Madame  en  témoigna  toute  son  indigna- 
tion à  M.  Bugeaud.  Voici  ce  modèle  d'inconvenance  : 

L'an  1833,  le....  à heures  du...  .  (Désigner  le  jour,  la  date  et 

l'heure),  nous  soussignés....  (noms  et  professions  des  témoins), 

Désignés  par  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  par  M.  le  garde  des 
sceaux  à  l'effet  de  constater  l'accouchement  de  Marie-Caroline,  prirk- 
cesse  des  Deux-Siciles,  duchesse  de  Bcrry.  nous  son}nies  réunis  dans 
la  citadelle  de  Blage.  sur  la  convocation  de  M.  le  maréchal  de  camp 
Bugeaud,  gouverneur  de  la  place,  membre  de  la  Chambre  des  Dé- 
putés, et  avons  été  introduits  dans  un  scdon  situé  au  premier  étage 
d'un  bâtiment  portant  le  n'  53  et  affecté  à  l'habitation  de  cette  prin- 
cesse. Là,  nous  avons  trouvé  M.  le  général  Bugeaud,  lequel  nous  a 
dit  que  Mme  la  Duches.'îe  de  Berry,  atteinte  des  premières  douleurs 
de  l'enfantement,  était  dcms  la  pièce  contigûe,  qui  lui  sert  de  chambre 
à  coucher,  et  nous  a  proposé  d'entrer  dans  ladite  chambre  pour  pro- 
céder, conjointement  avec  lai  et  AI.  le  commandant  de  la  place,  à  la 
constatation  dont  il  s'agit. 

Mais  sur  l'observation  par  nous  faite  qu'il  serait  utile  que  M.  de 
Brissac  et  Mme  d'Hautefort  admis  depuis  cinq  mois  dans  la  société 
intime  de  Mme  la  duchesse  de  Berrg,  s'adjoignissent  à  nous  pour  les 
vérifications  et  constatations  qui  allaient  avoir  lieu,  nous  nous  som- 
mes immédiatement  rendus  auprès  d'eux,  et  les  avons  invités  à  nous 
assister  dans  lesdites  opérations  ;  à  quoi  ils  ont  répondu  (consigner 
leurs  réponses  et  leurs  motifs)  et  ont  signé  (ou  refusé  de  signer). 

Etant  alors  tons  entrés  dans  la  chambre  à  coucher  susdésignée, 
nous  nous  sommes  approchés  d'un  lit  où  était  couchée  une  personne 
à  laquelle  nous  avons  demandé  si  elle  était  bien  Marie-Caroline, 
princesse  des  Deux-Siciles,  duchesse  de  Berrg,  et  s'il  était  vrai  qu'elle 
fût  en  mal  d'enfant.  Elle  nous  a  répondu  affirmativement  sur  les 
deux  questions  et  a  signé  sa  réponse   '. 

En  effet,  après  l'avoir  examinée  attentivement  -  ,  chacun  de  nous 
a  personnellement  reconnu  cette  princesse  pour  l'avoir  vue,  savoir: 
M.  le  maréchal  Bugeaud  à  Bordeaux,  dans  le  mois  de  juillet  18W; 

1.  \'()le  du  général  Bugeaud  :  «  Nous  désirerions  beaucoup  que  Mad;imc  voulût 
répondre  et  signer,  ou  seulement  répondre.  Mais  il  est  évident  qu'on  ne  peut 
pas  \'y  forcer.  Ses  véritables  intérêts  seraient  qu'elle  répondît  et  signât.  » 

2.  Examiné  veut  dire  regardé.  (Xote  du  général  Bugeaud). 


88  REVUE    HISTOIIIQIE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

M.  Mnrcliand-Dubrciiil  en  diocrses  occasions  à  Paris,  où  il  n'a 
cessé  d'habiter  jusqu'en  1S30  :  MM.  Xadaud,  Merlet,  Bordes,  Pas- 
toureau, Bellon  et  Régnier,  à  Blaye,  lors  du  séjour  qu'elle  y  fit  au 
mois  de  juillet  18W,  et  les  trois  premiers,  en  outre,  lors  des  premiers 
moments  de  son  arrivée  à  la  citadelle  en  novembre  1832;  M.  le  com- 
mandant Delort  à.... 

Chacun  de  nous  *  s'est  également  convaincu  que  le  développement 
considérable  de  l'abdomen  annonçait  chez  la  princesse  une  grossesse 
à  terme,  et  a  jugé,  d'après  les  douleurs  dont  elle  paraissait  atteinte, 
que  l'accouchement  devait  être  très  prochain.  Sur  ce,  nous  avons  dé- 
cidé que  nous  resterions  dans  la  chambre  jusqu'à  ce  qu  il  soit  accompli, 
à  moins  toutefois  que  notre  présence  à  l'opération  ne  doive  produire 
sur  madame  la  duchesse  de  Berry  une  impression  de  nature  à  com- 
promettre ses  jours. 

Consultés  par  nous  à  ce  sujet,  MM.  les  docteurs  Dubois,  Deneux 
et  Ménicre,  ici  présents,  appelés  pour  donner  leurs  soins  en  cette  cir- 
constcmce  à  madame  la  duchesse  de  Berry,  ont  déclaré  unanimement 
que  (insérer  la  déclaration  des  docteurs),  et  ont  promis,  d'ailleurs, 
de  nous  représenter  immédiatement  après  l'accouchement  de  la  du- 
chesse de  Berry  Venfant  qu'elle  aura  mis  au  monde.  Lesquelles  dé- 
claration et  promesse  ont  signées.  —  Vu  cette  déclaration  et  voulant 
concilier  les  sentiments  d'humanité  avec  les  devoirs  rigoureux  de 
notre  mission,  nous  nous  sommes  déterminés  à  nous  retirer  dans  la 
pièce  voisine,  après  avoir  pris  toutes  les  précautions  nécessaires  pour 
acquérir  la  certitude  complète  de  la  réalité  de  l'accouchement,  et  à  y 
attendre  la  présentation  de  l'enfant  nouveau-né. 

A  cette  fin,  nous  avons  immédiatement  procédé  à  un  examen 
minutieux  de  toutes  les  parties  de  la  chambre  et  des  deux  cabinets  y 
attenants,  ainsi  que  des  meubles  et  objets  qui  s'y  trouvent,  notamment 
du  lit  de  la  princesse  ~,  et  nous  avons  reconnu  : 

1°  Que  l'appartement  n'a  d'issue  que  par  la  porte  servant  de  com- 
munication avec  le  salon  ; 

2"  Que  toutes  les  fenêtres  sont  grillées  de  manière  à  ne  pas  per- 
mettre l'introduction  d'un  enfant  nouveau-né,  et  sont  élevées  de  six 
mètres  au-dessus  du  sol  ; 

1.  Tout  cela  est  afl'aire  de  forme,  qui  n'a  aucune  importance  pour  Madame. 
Ca  n'amènera  aucune  longueur  dans  l'examen,  ni  aucune  investigation  humi- 
liante (Noie  du  général  Bugeaud). 

2.  Note  du  général  Bugeaud  :  «  AH'aire  de  forme  :  on  tàtera  les  parties  du  lit 
où  ne  sera  pas  Madame,  et   seulement  pour  pouvoir  dire  qu'on  l'a  fait.  » 


LA   DUCHESSE    DE    BERRY  A  BLAYE  39 

3^  Qu'il  ne  se  trouve  dans  ledit  appartement  aucun  enfant  nou- 
veau-né, ni  d'autre  personne  du  sexe  féminin,  outre  madame  la  du- 
chesse de  Berry  et  madame  Hansler,  sa  femme  de  chambre. 

Les  soins  de  cette  dernière  ayant  été  réclamés  par  la  princesse  et 
jugés  indispensables  en  ce  moment  par  MM.  les  docteurs  Dubois, 
Deneux  et  Minière,  nous  l'avons  autorisée  à  demeurer  dans  l'appar- 
tement, après  toutefois  nous  être  convaincus,  et  par  les  apparences  et 
par  le  résultat  de  la  vérification  des  médecins,  qu'il  n'existait  chez 
elle  aucun  des  signes  caractéristiques  de  la  grossesse. 

Nous  nous  sommes  ensuite  retirés  à..,,  heures  dans  le  salon  con- 
tigti,  où  nous  sommes  restés  en  permanence  depuis  ce  moment  jusqu'à 
ce  que  l'accouchement  ait  été  accompli. 

Pendant  tout  ce  temps,  aucun  de  nous  ne  s'est  absenté  ;  la  porte 
d'entrée  de  la  chambre  de  la  duchesse  est  demeurée  constamment 
ouverte,  et  nulle  personne  étrangère  n'a  pénétré  dans  cette  chambre, 
d'où  sont  partis  à  plusieurs  reprises  des  cris  qui  attestaient  les  dou- 
leurs de  l'enfantement. 

A...  heures minutes,  des  vagissements  se  sont  fait  entendre,  et 

à  l'instant  sont  sortis  de  la  chambre  à  coucher  de  madame  la  du- 
chesse de  Berry,  MM.  les  docteurs  Dubois,  Deneux  et  Ménière,  les- 
quels nous  ont  présenté  un  enfant  nouveau-né  du  sexe et  nous  ont 

déclaré  qu'il  venait  de  sortir  du  sein  de  madame  la  duchesse  de  Berry, 
laquelle  déclaration  ils  ont  signée.... 

Après  quoi,  nous  avons  clos  le  présent  procès-verbal  dans  le  salon 

ci-dessus  désigné,  le....  1833,  à....  heures  du et  l'avons  signé  après 

lecture. 

Le  général  Bugeaud  fut  très  surpris  de  ce  que  Madame 
n'avait  pas  admiré  ce  chef-d'œuvre,  et  se  trouvant  avec  M. 
de  Brissac  et  moi,  il  voulut  en  commenter  chaque  article  en 
cherchant  à  le  justifier.  N'ayant  pu  venir  à  bout  de  nous 
faire  approuver  ce  sale  procès-verbal,  il  sortit  fort  courroucé 
et  dit  aux  officiers  qui  lui  ouvrirent  la  porte  :  «  Ce  sont  des 
bêtes  {en  termes  plus  énergiques),  il  n'y  a  pas  moyen  de  leur 
faire  entendre  raison.   » 

2  mai.  —  Hier  soir,  je  le  vis  entrer  à  dix  heures  dans  le 
salon.  Madame  avait  été  accablée  toute  la  journée  et  s'était 
endormie  de  bonne  heure  au  son  de  quelques  accords  sur  le 


40  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

piano.  J'avais  laissé  sa  porte  ouverte  comme  de  coutume.  M. 
Ménière  étant  venu  faire  sa  visite  obligée  me  demanda  des 
nouvelles  de  S.  A.  R.  Je  lui  dis  qu'elle  dormait  ;  il  n'alla 
pas  plus  loin.  Mais  le  général,  survenant  alors,  s'élança  vers 
moi  en  s'écriant  :  «  Plus  d'indulgence  !  J'ai  été  trop  humain  î 
Désormais  tout  se  passera  en  règle  :  je  ne  veux  plus  être 
dupe  !  »  Et  il  me  jeta  au  nez  la  Guyenne,  qui  niait  tout.  Puis 
au  docteur  :  «  Pourquoi  n'êtes-vous  pas  entré  chez  Madame? 
que  fait-elle  ?  —  Madame  est  endormie,  Monsieur,  lui  dis-je, 
vous  pouvez  vous  en  assurer  ;  la  porte  est  ouverte.  Mais 
veuillez  parler  moins  haut,  car  vous  la  réveilleriez  et  d'une 
manière  pénible.  »  Il  n'osa  pourtant  pas  entrer  chez  la  prin- 
cesse et  se  contenta  de  me  montrer  le  poing  en  répétant  : 
«  Oui,  j'ai  été  trop  bon,  trop  indulgent.  Maintenant  j'ordon- 
nerai, et  je  commence  par  ordonner  à  M.  Ménière  de  venir 
trois  fois  par  jour  ici  ;  que  cela  convienne  à  Madame  ou  non, 
il  faudra  bien  qu'elle  le  reçoive.  —  Je  sais  parfaitement. 
Monsieur,  lui  dis-je,  que  vous  pouvez  ordonner,  car  vous 
êtes  le  maître  ici.  »  Il  se  promena  dans  la  chambre  pendant 
quelques  moments  comme  un  furieux,  puis  il  sortit  sans  me 
regarder.  J'ai  été  malade  pendant  trois  jours  de  cette  scène 
qui  ne  peut  être  rendue,  et  pendant  laquelle  j'avais  tâché  de 
conserver  mon  sang-froid.  Celui  du  général  l'avait  tellement 
abandonné,  qu'au  lieu  d'aller  se  coucher,  il  fut  promener 
son  agitation  dans  notre  petit  jardin  jusqu'à  quatre  heures 
du  matin.  En  rentrant,  il  nous  a  écrit,  à  M.  de  Brissac  et  à 
moi,  une  lettre  collective,  qui  m'a  été  remise  tout  à  l'heure. 
Quoiqu'elle  ne  soit  pas  fort  amusante,  je  la  transcris  ici  : 

3  mai.  à  'i  heures  du  matin. 

A  Monsieur  de  Brissac  et  à  Madame  d'Haiitefort 

Monsieur  et  Madame, 

L'indignation  que  me  causa  hier  l'article  de  la  Guyenne  et  que 
me  cause  chaque  jour  le  machiavélisme  du  parti  légitimiste,  me 
fit  sortir  hier  de  mon    caractère  et    de    mes    résolutions.   J'avais 


LA.    DUCHESSE  DE   BERRY    A    BLAYE  41 

résolu  dans  ce  moment  de  fougue  de  ne  plus  rien  ménager  pour 
faire  bonne  et  sûre  garde.  Aujourd'hui,  plus  calme,  je  renonce  à 
toute  autre  mesure  préventive  qu'à  celle  de  faire  coucher  MM.  Mé- 
nière  et  Deneux  dans  le  salon,  dont  aucune  porte  ne  sera  fermée  à 
clef.  —  Je  préfère  que  la  constatation  de  l'accouchement  soit  impar- 
faite que  d'être  barbare  envers  une  femme  malheureuse,  qui  dans  un 
haut  rang  eut  des  qualités  précieuses.  Mais  en  même  temps  que  je 
renonce  aux  moyens  que  votre  conduite  et  celle  de  la  presse  me 
donnaient  le  droit  de  prendre,  je  vous  rends  responsables  de  la  liberté 
de  Madame.  J'ai  la  certitude  que  le  gouvernement  la  mettrait  d'abord 
en  liberté  après  l'accouchement,  s'il  était  bien  constaté.  C'est  à  vous 
de  savoir  si  vous  désirez  qu'elle  soit  libre.  Si  vous  ne  prévenez  pas 
dès  que  vous  serez  informés  des  premières  douleurs,  il  sera  prouvé 
au  monde  que  vous  avez  sacrifié  la  duchesse  à  l'espérance  la  plus 
illusoire,  la  plus  vide  qui  fut  jamais.  La  barbarie  sera  de  votre  côté 
et  je  n'aurai  rien  à  me  reprocher,  car  j'ai  tout  fait  pour  mettre 
Madame  en  liberté. 

Je  vous  l'ai  dit  :  Vous  n'hériterez  pas  *. 

La  Société  des  droits  de  l'homme  saura  nous  venger.  Je  vous 
aurais  préférés  à  elle  il  y  a  peu  de  temps,  aujourd'hui  je  suis  dans  le 
doute,  car  vos  organes  ont  le  même  langage,  emploient  les  mêmes 
moyens. 

J'ai  l'honneur  d'être.  Monsieur  et  Madame, 

Votre  très  humble  serviteur, 
BuGEAun. 

6  mai.  —  Ce  soir,  j'entendais  un  soldat  qui  chantait  avec 
une  jolie  voix  une  marche  que  je  croyais  me  rappeler.  Le 
soldat  a  dit  à  ses  camarades  :  «  On  jouait  cela  quand  nous 
étions  dans  la  garde  royale.  Ah  !  c'était  alors  le  bon  temps  !...  » 
Et  il  n'a  plus  chanté,  mais  il  s'est  rapproché  des  autres  et 
leur  a  parlé  tout  bas,  tout  bas. 

La  surveillance  de  l'intérieur  devient  de  plus  en  plus 
odieuse.  Vingt  fois  le  jour  on  vient  troubler  Madame  sur 
les  plus  légers  prétextes,   afin  de  la  voir.  Indignée  de  cette 

1.  Il  nous  avait  dit  souvent  que  si  Louis- Philippe  tombait,  le  gouvernement 
légitimiste  n'hériterait  pas,  et  que  ce  serait  la  République.  {Note  de  Mme  d  Hau- 
lefort). 


42  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

persécution,  je  vais  souvent  répondre  pour  elle,  mais  on  ne 
se  contente  pas  toujours  de  cet  échange. 

Du  10  mai  au  8  juin  1833.  —  Le  10  mai,  Madame  la 
duchesse  de  Berry  me  chargea  d'écrire  à  la  princesse  de 
Beauffremont  '.  Je  n'avais  rien  de  plus  à  cœur  que  de  faire 
ce  qui  était  agréable  à  Madame,  et  je  ne  crois  même  pas  avoir 
eu  une  seule  pensée  qui  n'ait  été  pour  elle  pendant  ma  lon- 
gue réclusion.  J'écrivis  donc,  et  lui  montrai  ma  lettre,  qu'elle 
approuva.  Je  reçus  la  réponse  de  Laurence,  qui  me  mandait 
avoir  reçu  seulement  la  copie  de  ma  lettre  qui  avait  été 
retenue  à  la  poste.  J'ai  su  depuis  que  plusieurs  copies  en 
avaient  été  répandues  par  ordre.  Je  ne  me  figurais  pas  qu'un 
simple  souvenir  à  une  amie  eût  autant  d'importance.  Cette 
publicité  me  parut  pitoyable  ;  et  plus  pitoyable  encore  le  vol 
qui  m'en  avait  été  fait.  Je  m'étais  bien  engagée,  en  m'enfermant 
à  Blaye,  à  n'écrire  que  des  lettres  ouvertes,  mais  non  à  les 
perdre  et  à  ne  laisser  arriver  à  mes  amies  que  des  copies. 
La  lettre  que  j'adressais  à  Mme  de  Beauffremont  était  sa 
propriété  ou  la  mienne  :  il  }'  avait  fraude  en  la  retenant. 

Quelques  jours  après,  M.  Bugeaud  demanda  à  être  in- 
troduit près  de  S.  A.  R.,  et  lui  dit  qu'il  venait  de  recevoir 
une  dépêche  télégraphique,  par  laquelle  on  le  chargeait 
d'annoncer  à  Madame  que  M.  de  Lucchesi  était  à  la  frontière, 
qu'il  en  avait  prévenu  le  gouvernement  et  qu'il  demandait 
à  Madame  si  elle  voulait  le  recevoir.  «  Mais,  général,  dit 
Madame,  ce  n'est  pas  une  question  a  faire  à  une  femme  de 
lui  demander  si  elle  a  envie  de  voir  son  mari  !  Vous  ré- 
pondrez que  je  désire  qu'il  vienne  tout  de  suite.  »  Le  géné- 
ral sortit.  S.  A,  R.  me  fit  appeler  et  me  conta  ce  qui  s'était 
passé.  «  Avez-vous  vu  la  dépêche?  lui  demandai-je.  —  Non  », 
me  dit  Madame.  Elle  la  fit  demander.  M.  Bugeaud  lui  envoya, 
non  la  dépêche,  mais  une  copie  du  passage  où  il  était  ques- 


1.  La  duchesse  de  Berry  avait  accouché,  le  10  mai,  à  3  h.  20  minutes  du 
matin,  d'une  fille,  Anue-Marie-Rosalie  Lucchesl-Palli,  qui  mourut  à  Livourne  le 
18  novembre  1833. 


LA    DUCHESSE    DE    BERRY  A  BLAYE  43 

tion  du  comte  Lucchesi.  Il  y  avait  :  «  Demandez  sans  im- 
portance si  madame  désire  le  voir.  »  Il  était  clair  que  c'était 
un  piège,  qui  fut  déjoué  par  le  vœu  très  sincère  que  S.A.  R. 
formait  pour  l'arrivée  de  M.  de  Lucchesi. 

En  supposant  qu'il  eût  réellement  attendu  la  réponse  du 
gouvernement  à  Strasbourg,  nous  calculions  que  M.  de  Luc- 
chesi pouvait  arriver  à  Blaye  sous  peu  de  jours  ;  et  cepen- 
dant on  n'en  parlait  pas  du  tout  à  la  citadelle.  Madame, 
choquée  de  ce  silence,  en  témoigna  sa  surprise  au  général. 
«  Comment  dois-je  qualifier  ce  trait  de  votre  gouvernement. 
Monsieur  ?  lui  dit-elle.  On  me  dit  que  M.  de  Lucchesi  est 
à  la  frontière,  qu'il  viendra  ici  aussitôt  que  je  le  demanderai  : 
ma  réponse  est  affirmative  et  prompte,  et  je  n'entends  plus 
parler  de  rien  ?  Si  Louis-Philippe  a  voulu  me  jouer,  il  s'est 
encore  plus  joué  lui-même.  —  Mais,  madame,  répondait  M. 
Bugeaud  assez  embarrassé,  je  ne  comprends  rien  moi-même 
à  ce  silence  et  je  vais  encore  en  écrire.  »  Il  écrivit,  en  effet, 
mais  au  lieu  d'une  réponse  précise  il  n'en  reçut  qu'une 
évasive,  où  l'on  disait  que  l'on  ne  concevait  rien  à  la  marche 
du  voyageur  ;  que  beaucoup  de  gens  le  croyaient  à  Paris, 
mais  que  s'il  y  était,  il  y  était  bien  caché,  etc.  Depuis  lors, 
M.  Bugeaud  évita  ce  sujet  de  conversation,  honteux,  je  le 
suppose,  de  cette  nouvelle  infamie  de  son  gouvernement. 

Depuis  l'espèce  de  transaction  que  Madame  avait  faite 
avec  le  général,  il  avait  été  souvent  question  du  voyage  de 
S.  A.  R.,  et  elle  avait  paru  désirer  qu'on  la  transportât  à 
Bayonne  ou  à  Saint-Sébastien,  d'où  elle  aurait  pu  gagner 
Barcelone  et  s'embarquer  de  là  pour  Palerme.  Les  ministres 
répondirent  que  Madame  la  duchesse  de  Berry  ne  traver- 
serait pas  l'Espagne  ni  la  France,  et  qu'une  frégate  armée 
serait  envoyée  à  l'embouchure  de  la  Gironde  pour  la  con- 
duire en  Sicile  par  Gibraltar  sans  débarquer  nulle  part.  Le 
gouverneur  de  la  citadelle  devait  l'accompagner. 

L'immense  détour  qui  était  imposé  à  Madame  l'effraya 
peu.  Familiarisée  avec  les  dangers,  elle  craint  encore  moins 
ceux  de  la  mer.  J'avoue  que  ma  faible  santé  ne  me  sembla 


44  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

pas  pouvoir  résister  aux  fatigues  d'une  traversée  de  neuf 
cents  lieues.  J'appréhendai  qu'une  trop  forte  épreuve  ne  me 
mît  dans  l'impossibilité  d'être  utile  à  Madame,  et  me  déter- 
minai à  lui  soumettre  mes  craintes.  Sa  bonté  ne  se  démentit 
pas  en  cette  occasion.  Elle  comprit  que  mes  forces  ne  se- 
conderaient pas  mon  courage  et  consentit  à  me  laisser  en 
France,  en  supposant  que  je  fusse  remplacée  auprès  d'elle. 
—  S.  A.  R.  me  chargea  d'écrire  à  Mme  de  Montaigu  et  à 
Mme  de  Castéja.  Ces  dames  n'ayant  pu  se  rendre  au  désir 
de  Madame,  S.  A.  R.  réclama  en  cette  circonstance  une  amie 
dont  le  dévouement  ne  se  fit  pas  attendre.  Mme  de  Beauf- 
fremont  apporta  elle-même  sa  réponse.  Son  mari  obtint  la 
permission  de  s'embarquer  aussi  avec  Madame. 

Quelques  jours  avant  son  départ.  Madame  reçut  enfin 
M.  Hennequin,  dont  elle  avait  en  vain  réclamé  les  conseils 
ainsi  que  ceux  de  M.  de  Chateaubriand.  Celui-ci  était  parti 
pour  Prague.  Madame  ne  pouvait  plus  espérer  de  le  voir. 

M.  de  Mesnard  avait  remplacé  M.  de  Brissac,  que  sa 
famille  réclamait  après  une  absence  presque  continuelle  de 
trois  années.  Je  ne  saurais  assez  me  louer  de  mon  compagnon 
d'infortune,  dont  l'amitié  m'a  été  d'une  grande  consolation 
pendant  tous  nos  malheurs,  —  M.  Hennequin  passa  trois 
jours  à  Blaye  pour  régler  avec  S.  A.  R.  les  affaires  impor- 
tantes qui  concernaient  la  fortune  de  ses  enfants  et  sauver 
quelques  débris  de  leur  ancienne  splendeur.  Continuellement 
occupée  d'eux,  elle  ne  trouvait  d'allégement  à  ses  maux  qu'en 
nous  parlant  de  Louise  et  de  Henri. 

Malgré  la  parole  donnée  par  le  général  Bugeaud  au  nom 
du  gouvernement  de  Louis-Philippe,  il  semblait  qu'on  vou- 
lût l'éluder  en  mettant  chaque  jour  de  nouvelles  entraves  au 
départ  de  Madame.  En  engageant  elle-même  sa  parole,  S. 
A.  R.  avait  exigé  la  signature  de  la  majorité  des  Ministres. 
Au  lieu  de  cela,  M.  Bugeaud  ne  reçut  qu'une  lettre,  signée 
seulement  de  deux  d'entre  eux,  dans  laquelle  on  se  réservait 
encore  les  «  éventualités  »  ;  et  cette  lettre  ne  fut  communi- 
quée à  Madame  qu'après  l'événement.  De  nouvelles  difficultés 


LA  DUCHESSE  DE  BERRY  A  BLAYE  45 

survinrent  lorsqu'elle  demanda  à  partir.  On  exigea  encore 
d'elle  trois  choses  :  1°  un  certificat  de  ses  médecins  qui 
donnât  l'assurance  que  sa  santé  lui  permettait  de  partir,  2° 
que  Madame  désignât  elle-même  le  lieu  où  elle  voulait  être 
conduite,  3°  que  S.  A.  R.  donnât  elle-même  par  écrit  la  liste 
des  personnes  qu'elle  emmenait.  Pressée  vivement  par  M. 
Bugeaud  de  répondre  sur-le-champ  à  ces  questions,  elle 
voulut  auparavant  consulter  M.  Hennequin,  puisqu'il  était  à 
sa  portée  ;  ce  qui  fut  terminé  le  lendemain. 

Le  général  devenait  de  plus  en  plus  ombrageux  à  l'égard 
des  légitimistes  et  particulièrement  de  ceux  qui  avaient 
obtenu  l'entrée  de  la  citadelle  dans  ces  derniers  moments. 
De  ce  petit  nombre  était  le  marquis  de  Dampierre,  loyal  et 
fidèle  ami  de  Madame,  dont  l'esprit  distingué  et  les  nobles 
manières  sont  autant  dignes  d'être  appréciés  que  ses  vertus 
sont  vénérées  dans  le  Midi.  Dans  l'incertitude  où  Madame 
était  de  la  réponse  de  Mme  de  Beauffremont,  elle  avait  pensé 
à  Mme  de  Dampierre  pour  l'accompagner  dans  ce  long  et 
pénible  voyage,  et  demanda  au  général  Bugeaud  l'autorisa- 
tion nécessaire  pour  faire  entrer  Mme  de  Dampierre  à  la 
citadelle.  Il  vint  aussitôt,  et  séance  tenante  le  nom  de  Mme 
de  Dampierre  fut  envoyé  par  le  télégraphe.  Au  reste,  j'avais 
assuré  Madame  que  rien  dans  le  monde  ne  m'empêcherait 
de  la  suivre  si  elle  se  trouvait  sans  compagne.  Mais  Mme  de 
Beauffremont  arriva  le  5  juin  '.  Elle  pensait  qu'il  lui  serait 
permis  d'accompagner  Madame  à  sa  sortie  ainsi  que  plu- 
sieurs personnes  qui  avaient  réclamé  cette  faveur  ;  mais  on 
craignit  apparemment  de  laisser  voir  que  Madame  n'avait 


1.  Le  comte  d'Hautefort  écrivit  alors,  de  son  château  d'Etiau,  au  préfet  de 
Maine-et-Loire  :  «  L'incertitude  oùj'étais  jusqu'à  présent  de  la  marche  de  Mme 
d'Hautefort  ne  m'ayant  permis  de  faire  aucun  projet,  il  m'a  été  impossihle  de 
vous  dire  si  je  profiterais  du  passeport  que  vous  eûtes  la  bonté  de  me  donner 
pour  Blaj'e.  Une  lettre  d'elle  m'apprend  enfin  qu'elle  ne  suivra  pas  Son  Altesse 
Royale  Madame  la  duchesse  de  lierry  à  Palerme,  ayant  trouvé  à  se  faire  rem- 
placer, et  qu'elle  sera  sous  peu  de  jours  près  de  moi.  Il  ne  me  reste  donc  plus 
qu'à  vous  remercier  de  votre  extrême  obligeance,  à  vous  assurer  que  je  n'ai  fait 
ni  ne  ferai  aucun  usage  du  visa  que  vous  voulûtes  bien  me  donner,  et  à  vous 
prier  d'être  convaincu  de  toute  la  reconnaissance  avec  laquelle  j'ai  l'honneur 
d'être  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur.  » 


46  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

qu'à  paraître  pour  retrouver  tous  ses  amis,  et  il  leur  fut 
prescrit  de  se  rendre  de  leur  côté  sur  le  bateau  à  vapeur 
qui  devait  conduire  la  princesse  jusqu'à  l'Agathe.  Nous 
avions  tous  obtenu  la  faveur  de  l'accompagner  jusqu'à  ce 
qu'elle  passât  sur  cette  corvette. 

Le  cortège  de  S.  A.  R.  pour  sortir  de  la  citadelle  fut  sim- 
plement composé  de  ceux  qui  av^aient  partagé  sa  captivité. 
Madame  avait  passé  la  nuit  à  écrire  et  à  terminer  divers 
arrangements,  s'occupant  de  tous  ceux  qu'elle  laissait  et  de 
ceux  qu'elle  espérait  rejoindre,  laissant  de  petits  souvenirs 
à  ses  amis  de  France,  emportant  de  jolis  présents  pour  ses 
chers  enfants,  et  emballant  elle-même  leurs  portraits  qui  ne 
la  quittent  jamais.  Elle  me  promit  celui  de  Henri  V,  aussi- 
tôt qu'elle  serait  réunie  à  lui. 

Le  départ  était  fixé  à  10  heures,  le  8  juin,  jour  et  heure 
du  marché  de  la  petite  ville  de  Blaye  ;  par  conséquent,  tout 
était  arrangé  pour  que  le  passage  de  S.  A.  R.  y  fût  aussi 
solennel  que  possible.  J'étais  loin  d'être  joyeuse  en  voyant 
la  fin  de  ma  réclusion,  et  n'étais  frappée  que  de  l'idée  d'une 
séparation  douloureuse  et  prochaine.  Je  ne  pouv^ais  quitter 
la  chambre  de  Madame,  cette  chambre  où  nous  avions  passé 
ensemble  de  si  cruels  moments,  et  j'eus  la  consolation  de 
voir  mon  attendrissement  partagé  par  Madame.  Elle  me 
donna  une  bague  remplie  de  ses  cheveux  et  me  renouvela 
la  promesse  du  précieux  portrait,  promesse  qui  m'a  été 
confirmée  dans  sa  dernière  lettre  de  Gratz.  —  Cependant  il 
fallait  partir.  «  Savez-vous,  me  dit  Madame,  que  nous 
allons  donner  à  Blaye  la  représentation  de  la  marche  du 
Bœuf  gras  ?  »  Tout  avait  été  disposé,  en  efifet,  pour  donner 
une  espèce  de  spectacle  à  la  population  qui  encombrait  les 
quais  au  sortir  de  la  citadelle.  M.  Bugeaud  donnait  le  bras 
à  S.  A.  R.  Je  voulais  me  rapprocher  d'elle,  mais  un  officier 
me  barra  le  passage  en  me  déclarant  que  je  ne  devais  suivre 
Madame  qu'à  trente  pas  de  distance  ;  et  pour  m'y  maintenir, 
il  marchait  devant  moi.  D'autres  officiers  escortaient  Ir 
reste  de  la  suite.  Il  en  fut  de  même  au  moment  de  l'embae- 


LA   DUCHESSE   DE    BERRY    A  BL.VYE  47 

cation  :  on  ne  me  laissa  pas  partir  dans  le  canot  de  la  prin- 
cesse. J'attendis  mon  tour  au  milieu  de  la  foule  qui  gardait 
un  respectueux  silence  sur  le  passage  de  Madame.  Je  ne  puis 
rendre  l'angoisse  où  m'avait  jetée  cette  dernière  journée. 
Lorsque  j'arrivai  au  bateau,  Madame  me  reçut  avec  efifusion 
mais  aussi  avec  fermeté,  en  me  disant  :  «  Allons,  du  courage, 
nous  nous  reverrons.  » 

Elle  avait  retrouvé  le  prince  et  la  princesse  de  Beauffre- 
mont,  M.  et  Mme  de  Dampierre  et  leurs  enfants,  etc.  etc.  La 
contre-partie  de  notre  société  légitimiste  était  plus  nom- 
breuse, car  elle  se  composait  de  60  ou  80  gardes  nationaux, 
outre  le  gouverneur  de  Blaye,  son  état-major,  le  sous-préfet, 
etc.  Nous  arrivâmes  devant  l'Agathe  vers  midi  ou  une  heure. 
La  marée  était  alors  dans  toute  sa  violence.  Deux  canots 
partirent  pour  venir  chercher  Madame.  La  mer  était  tellement 
effrayante,  que  nous  suppliâmes  S.  A.  R.  d'attendre  quelque 
temps.  «  Vous  avez  raison,  nous  dit-elle  ;  partir  maintenant 
serait  une  bravade  sans  utilité.    » 

On  attendit  au  moins  trois  heures  dans  cette  lutte  fati- 
gante qui  rendit  tout  le  monde  malade.  Il  eût  mieux  valu 
partir  trois  heures  plus  tard,  mais  l'heure  du  marché  eût  été 
passée  !  Quand  la  mer  fut  plus  calme.  Madame,  voulant  se 
dérober  à  de  trop  pénibles  adieux,  passa  presque  inaperçue 
sur  le  canot,  qui  s'éloigna  à  force  de  rames  jusqu'à  Y  Agathe  ; 
et  bientôt  nous  eûmes  perdu  de  vue  cette  corvette  que  nos 
plus  douloureux  regrets  accompagnaient. 


La  duchesse  de  Berry  débarqua  à  Palerme  le  5  juillet  1833. 
Elle  mourut  le  16  avril  1870,  et  à  l'occasion  de  son  décès  il  y  eut 
à  Angers  une  cérémonie  religieuse,  dont  VUnion  de  l'Ouest  rendit 
compte  en  ces  termes  :  «  Le  2  mai  1870,  à  11  heures,  la  cathé- 
drale d'Angers  était  remplie,  depuis  l'autel  jusqu'aux  grandes 
portes,  d'une  foule  recueillie,  assemblée  pour  rendre  à  la  mé- 
moire de  S.  A.  R.  Madame  la  duchesse  de  Berry  le  suprême  hom- 
mage des  cœurs  chrétiens  et  français.  Les  tentures  noires  et  le 
chiffre  C,  surmonté  de   la   couronne  royale,    disaient  l'objet  de  la 


48  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

pieuse  cérémonie  et  rappelaient  le  souvenir  de  l'illustre  défunte. 
La  messe  a  été  chantée  par  M.  l'abbé  Chesnet,  chanoine  titulaire. 
Au  chœur,  assistaient  M.  l'abbé  Bompois,  vicaire  général,  et  le 
clergé  de  la  paroisse.  Après  la  messe,  le  célébrant  a  donné 
l'absoute.  La  quête  qui  a  été  faite,  pendant  la  messe,  et  dont  le 
produit  sera  intégralement  versé  aux  pauvres,  a  dépassé  1.000  fr. 
Ne  voulant  nous  exposer  à  commettre  quelqu'oubli  bien  involon- 
taire, nous  renonçons  à  nommer  tous  ceux,  quel  que  soit  leur 
rang,  qui  ont  pris  part  à  cette  cérémonie,  touchant  image  de 
fidélité  et  d'inébranlable  affection.  Ils  savent,  et  ce  sera  leur 
récompense,  qu'il  ira  droit  au  cœur  du  noble  prince,  fils  désolé, 
qui  supporte  avec  une  si  rare  dignité  et  un  si  ferme  respect  de  lui- 
même  et  de  son  nom,  les  chagrins  de  l'exil.  » 

Quant  à  la  comtesse  d'Hautefort,  elle  retourna  avec  son  mari, 
au  château  d'Etiau,  commune  de  Jumelles.  Le  5  juillet  1848,  une 
visite  domiciliaire  fut  faite  en  ce  château  par  le  sous-préfet  et  le 
procureur  de  la  République  de  Baugé.  Le  comte  d'Hautefort 
mourut  le  12  mai  1850,  et  l'Union  de  l'Ouest  lui  consacra  l'entre- 
filet suivant  :  «  M.  le  comte  d'Hautefort,  ancien  officier  supérieur 
des  gardes  du  corps  et  officier  de  la  légion  d'honneur,  vient  de 
terminer  sa  carrière.  Issu  d'une  famille  illustre  et  alliée  aux  plus 
anciennes  maisons  de  France,  M.  le  comte  d'Hautefort,  digne 
héritier  des  sentiments  de  fidélité  qui  animaient  ses  ancêtres, 
montra  le  même  dévoument  à  l'auguste  famille  des  Bourbons  ;  et 
l'on  peut  dire  en  toute  vérité  qu'il  ne  s'écarta  jamais  du  chemin 
de  l'honneur  et  de  la  fidélité.  A  l'époque  de  la  Restauration,  le 
roi  lui  accorda  un  brevet  de  lieutenant  des  gardes  du  corps  qui 
lui  donnait  le  rang  de  colonel,  et  le  fit  plus  tard  gentilhomme  de 
la  chambre.  Le  comte  d'Hautefort  laissera  de  longs  regrets  dans 
le  souvenir  des  personnes  qui  ont  eu  l'avantage  de  le  connaître. 
Simple  dans  ses  mœurs,  noble  dans  ses  manières,  affectueux 
pour  ses  amis,  doux  et  bienveillant  pour  tous  ceux  qui  l'appro- 
chaient, on  ne  pouvait  le  voir  sans  être  porté  d'inclination  pour 
lui,  et  sans  concevoir  bientôt  une  profonde  estime  pour  son  carac- 
tère. Sa  mort  chrétienne  a  été  digne  de  sa  vie,  et  elle  sera  long- 
temps pleurée  par  sa  famille  et  ses  nombreux  amis.  » 

La  comtesse  d'Hautefort  décéda  à  Paris  le  17  avril  1873.  Voici 
la  lettre  que  M.  l'abbé  Massonneau.  curé  de  Longue,  écrivit  à 
cette  occasion  au  vicomte  Arthur  de   Cumont,   député  de  Maine- 


LA    DUCHESSE    DE    BERRY  A   BLAYE  49 

et-Loire  :  «  Je  viens  d'assister  à  une  triste  cérémonie,  à  la  sépul- 
ture de  M'"''  la  comtesse  d'Hautefort,  née  de  Maillé.  La  constitu- 
tion si  vigoureuse  de  M™-  d'Hautefort  nous  donnait  l'espérance 
de  la  conserver  encore  longtemps  ;  mais  son  séjour  à  Paris,  des 
habitudes  et  des  relations  auxquelles,  malgré  son  grand  âge,  elle 
ne  pouvait  renoncer,  l'ont  conduite  en  quelques  jours  au  terme 
d'une  vie  qu'elle  avait  su  rendre  féconde  en  bonnes  œuvres.  Le 
jeudi  17  avril,  M™*  la  comtesse  d'Hautefort  expirait  dans  son 
hôtel,  rue  de  Grenelle  Saint-Germain,  à  l'âge  de  86  ans,  La 
nouvelle  de  sa  maladie  et  de  sa  mort  a  été  pour  les  habitants  de 
Saint-Philbert-du-Peuple  et  de  Longue  un  deuil  public.  «  Quelle 
perte  pour  les  pauvres  !  »  disait-on  de  toutes  parts.  Nous  pou- 
vons l'affirmer,  pas  un  cœur  nest  resté  froid  ou  indifférent  en 
présence  de  ce  douloureux  événement.  Les  obsèques  de  M"*^ 
d'Hautefort  ont  eu  lieu  à  Sainte-Clotilde,  sa  paroisse.  Parmi  la 
nombreuse  assistance  qui  remplissait  l'église,  on  comptait  des 
représentants  de  toutes  les  grandes  familles  du  faubourg  Saint- 
Germain.  Le  deuil  était  conduit  par  son  neveu,  M.  le  marquis  de 
Maillé.  Mais  à  cette  cérémonie  imposante  et  douloureuse  il  man- 
quait quelque  chose,  il  manquait  la  présence  des  pauvres.  A  Paris, 
ils  ne  connaissent  pas  la  plupart  du  temps  la  main  qui  vient  à 
leur  aide.  Ah  !  le  cortège  de  charité  qui  fait  le  plus  bel  éloge  des 
morts,  n'eût  pas  manqué  assurément  à  M'"®  d'Hautefort  si  sa  vie 
se  fût  terminée  au  château  d'Etiau.  En  disparaissant,  la  comtesse 
d'Hautefort  laisse  un  vide  immense  dans  le  pays  qu'elle  habitait. 
Par  son  nom,  par  ses  alliances,  par  son  caractère,  par  son  âge, 
elle  y  occupait  une  position  exceptionnelle.  On  n'oubliera  pas  de 
longtemps  l'alTabilité,  la  bonté,  la  simplicité  charmante,  avec 
lesquelles  elle  faisait  à  ses  hôtes  les  honneurs  de  son  château. 
Mêlée  durant  sa  longue  existence  à  tant  d'événements,  ses  sou- 
venirs lui  fournissaient  le  sujet  de  récits  pleins  d'intérêt.  Nommée, 
jeune  encore,  dame  du  palais  de  la  Duchesse  de  Berry,  M"''=  la 
comtesse  d'Hautefort  assista  à  son  entrée  en  France,  et  aux  fêtes 
brillantes  que  firent  bientôt  oublier,  hélas  !  le  crime  de  Louvel  et 
la  funeste  révolution  de  183(3.  La  comtesse  d'Hautefort,  qui  avait 
été  la  compagne  de  la  princesse  dans  ses  jours  de  joie,  ne  voulut 
pas  se  séparer  d'elle  au  moment  des  épreuves.  Après  avoir  par- 
tagé sa  prison,  lorsqu'elle  fut  enfermée  au  château  de  Blaye, 
Muie  d'Hautefort  continua  de   visiter  M'"''    la  duchesse  de  Berry 

hk.V.   HIST.  DK    LA   RKVOL.  k 


50  REVUE    HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

dans  son  exil.  Aussi,  pendant  les  jours  qui  précédèrent  sa  mort, 
le  nom  de  Caroline  revint-il  à  plusieurs  reprises  sur  ses  lèvres. 
On  eût  dit  qu'en  l'appelant,  elle  attendait  le  moment  de  se  réunir 
à  elle.  Femme  d'une  haute  intelligence  et  d'un  grand  cœur,  M"^*^ 
la  comtesse  d'Hautefort  avait  en  politique  des  idées  très  larges, 
très  conciliantes  et  toutes  d'apaisement.  Jamais  il  ne  lui  échappait 
un  mot  amer  contre  la  branche  cadette  des  Bourbons  ;  et  qui, 
cependant,  aurait  eu  plus  qu'elle  le  droit  de  s'en  plaindre  !  Mes 
relations  avec  M"""^  la  comtesse  d'Hautefort  m'avaient  mis  à  même 
d'apprécier  l'étendue  de  sa  charité,  et  je  puis  dire  qu'elle  se 
regardait  comme  obligée  de  ne  laisser  autour  d'elle  aucune 
misère  sans  soulagement.  Je  n'ai  pas  souvenance  d'avoir  sollicité 
inutilement  son  concours  pour  une  bonne  œuvre.  C'est  un  hom- 
mage de  reconnaissance  que  je  me  plais  à  déposer  sur  son  tom- 
beau. Celte  disposition  si  admirable  de  son  cœur  lui  a  permis,  je 
n'en  doute  pas,  de  se  présenter  avec  confiance  au  tribunal  du 
Souverain  Juge,  qui  ne  laisse  rien  sans  récompense,  pas  même 
un  verre  d'eau  en  son  nom.  Si  nous  pouvons  éprouver  quelque 
consolation  à  la  perte  que  nous  venons  de  faire,  c'est  en  pensant 
que  M'^'=  la  comtesse  d'Hautefort  a  pour  lui  succéder  des  petits- 
neveux  qui  ne  failliront  pas  aux  exemples  qu'elle  leur  a  donnés. 
Ils  seront,  comme  elle,  l'appui  des  malheureux,  et  les  pauvres  de 
Saint-Philbert  et  de  Longue  trouveront  en  eux  des  cœurs  tou- 
jours compatissants  à  leurs  souffrances.  » 

Une  noble  maison  d'Anjou,  la  maison  d'Hautefort,  venait  de 
s'éteindre  sans  qu'il  restât  personne  pour  perpétuer  ce  nom 
illustre. 

F.    UZUREAU. 


ANÏONMARCHI  ' 

ËTAIT-IL  MEDECIN  ? 


Voici  l'une  des  plus  troublantes  et  des  plus  graves  ques- 
tions que  soulève  cet  exil  de  Sainte-Hélène  pourtant  si  fertile 
en  interrogations  et  en  surprises  -.  Serait-il  vrai  que  Napo- 
léon, pendant  plus  de  deux  années  de  souffrances,  n'eût  reçu 
des  soins  que  d'un  fanfaron  ignare,  «  point  docteur,  pas 
même  médecin»,  et  que  les  membres  de  sa  famille,  chargés 
par  le  gouvernement  anglais  de  lui  fournir  les  secours  mé- 

1.  L'orthographe  adoptée  ici  est  celle  du  registre  de  l'état-civil  de  Morsi- 
glia,  où  l'enfant  est  inscrit  comme  né  le  4  juillet  1789  ;  c'est  celle  qui  est  suivie 
dans  tous  les  documents  officiels  ou  officieux,  dont  il  sera  question  au  cours  de 
cette  étude.  Malgré  le  changement  qu'j-  a  apporté  Antonmarchi,  elle  reste  l'or- 
thographe légale,  et,  de  ce  fait,  tranche  la  petite  question  posée  par  M.  Masson 
(Autour  de  Sainte-Hélène,  I,  129). 

2.  «  On  a  peu  de  renseignements  sur  le  Docteur  Antonimarchi,  et,  sur  la 
plupart  des  points,  on  se  voit  obligé  de  répéter  ce  que  disent  de  lui  les  articles 
biographiques  ».  Tel  est  l'aveu  que  fait  M.  Philippe  Gonnard  dans  son  livre  sur 
les  Origines  de  la  Légende  Napoléonienne. 

C'est  pourtant  avec  cette  ignorance  pour  tout  bagage  que  les  historiens  ont 
jusqu'ici  dénigré  les  connaissances  professionnelles  d'Antonmarchi.  Au  dossier, 
en  dehors  des  quelques  renseignements  fournis  par  l'accusé  lui-même,  pas  une 
pièce  qui  vienne  étayer  cette  catégorique  affirmation  d'incapacité.  Vraiment  c'est 
insuffisant  et,  en  l'espèce,  quelque  peu  ridicule.  Qu'Antonmarchi,  à  son  retour 
de  Sainte- Hélène,  eût  éprouvé,  comme  tous  les  membres  de  la  "  Famille  »,  les 
rigueurs  des  gouvernants  de  l'Europe,  lesquels  ne  pouvant  pas  lui  confisquer  ses 
biens,  puisqu'il  n'en  avait  pas,  jugèrent  bon  de  détruire  sa  réputation,  il  n'y 
avait  là  rien  que  de  naturel.  Seul,  le  contraire  eut  pu  attirer  sur  lui  quelque 
soupçon.  Mais  que  des  historiens  érudits,  éloignés  de  ces  événements,  aient  pu 
accepter  sans  hésiter  un  jugement  basé  uniquement  sur  la  rancune  et  la  haine  ; 
qu'ils  n'aient  point  révisé,  à  la  faveur  de  documents  positifs,  un  procès  sans 
preuves,  voilà  de  quoi  surprendre.  Les  pièces  apportées  ici  sont  donc  toutes, 
sans  aucune  exception,  absolument  inédites.  Elles  éclairent  la  figure  du  médecin 
de  Napoléon  d'un  jour  assez  nouveau  pour  que  sa  valeur  médicale  reste  désor- 
mais hors  de  cause.  Mais  je  n'ai  envisagé  ici  que  le  professionnel  et  non  l'homme 
privé.  Sur  celui-ci,  au  moins  dans  cette  étude,  je  n'apporterai  aucun  fait  nouveau 
ni  aucune  opinion  personnelle.  11  a  d'ailleurs  des  témoins  de  ses  actes  et  on  peut 
le  confronter  avec  eux. 


52  REVUE  HISTORIQUE  DE   LA    REVOLUTION    FRANÇAISE 

dicaux  qu'il  réclamait,  eussent  été  assez  inconscients  pour 
lui  adresser  un  individu  sans  titres  ni  connaissances,  dont 
le  seul  mérite,  à  leurs  yeux,  eût  été  d'avoir  vu  le  jour  dans 
l'île  berceau  des  Bonaparte?  Que  Fesch,  absorbé  par  ses  ta- 
bleaux et  ses  objets  d'art,  dérangé  dans  ses  manies  de 
vieux  collectionneur  par  une  responsabilité  inattendue,  ait 
accepté  pour  médecin  de  son  neveu  le  premier  qui  s'offrait 
à  lui,  passe  encore.  Mais  Letizia,  la  Mère,  dont  l'amour  pour 
«  son  grand  et  malheureux  proscrit  »>,  comme  elle  l'appelait, 
ne  s'était  pas  démenti  un  seul  instant  depuis  la  Crise  terri- 
ble, aurait-elle  pu  accepter  de  laisser  partir- pour  la  rempla- 
cer au  chevet  de  son  fils,  bientôt  agonisant,  ce  «  barbier 
corse,  le  plus  ignorant  dans  sa  profession  »  ?  Rien,  dans  sa 
conduite,  ne  nous  autorise  à  supposer  un  manquement  si 
grave  à  l'affection  maternelle. 

Il  faudrait  donc  admettre  que  Madame  et  le  Cardinal 
avaient  sur  l'homme  qu'ils  envoyaient  à  Sainte-Hélène  des 
renseignements  assez  exacts  et  assez  sérieux  pour  le  juger 
digne  de  leur    confiance,  et  pour  remettre  entre   ses   mains 

—  puisque  le  gouvernement  anglais  leur  en  confiait  la  charge 

—  la  santé  du  prisonnier.  Alors  d'où  vient  qu'Antonmarchi 
est  apparu  à  des  historiens  modernes  comme  un  ignorant  et 
un  incapable,  inapte  à  servir  de  médecin  à  l'Empereur  ? 
N'est-ce  point  que  sa  tâche  était  au-dessus  des  forces  et  des 
connaissances  humaines  de  ce  temps-là?  Oui,  sans  doute, 
puisque  ni  O'Méara,  ni  Stokoë,  ni  Arnott,  tous  médecins 
patentés,  n'arrivèrent  point,  non  pas  à  guérir  l'Empereur, 
mais  même  à  diagnostiquer  sa  maladie.  Si  donc  Antonmar- 
chi  n'a  réussi  qu'à  procurera  son  malade  une  amélioration 
passagère,  convient-il  de  rejeter  sur  lui  personnellement 
des  fautes  professionnelles  imputables  à  une  instruction  in- 
férieure et  insuffisante,  ou  faut-il  rendre  responsable  l'épo- 
que entière  et  les  connaissances  médicales  du  moment? 
C'est  ce  qu'il  convient  d'examiner  en  étudiant  l'instruction 
et  la  science  professionnelles  de  notre  barbier. 

Barbier,  d'abord  il  ne  l'était  point  et  ne  le  pouvait  être, 


AXTONMAKCHI     ÉTAIT-IL    MÉDECIN  53 

car  le  temps  des  barbiers  était  passé.  S'il  est  vrai  que  «jus- 
qu'au milieu  du  XVIII'  siècle  la  chirurgie  était  exercée  par 
les  barbiers  chirurgiens  perruquiers  »,  Antonmarchi  ne  vivait 
pas  au  milieu  du  XVIIP  siècle,  mais  au  commencement  du 
XIX'',  et  Napoléon,  lui-même,  avait  pris  soin  de  relèvera  son 
véritable  niveau  la  profession  des  anciens  barbiers.  11  fallait 
désormais  des  titres  effectifs,  et  nul  n'exerçait  plus  la  mé- 
decine qu'il  ne  fût  officier  de  santé  ou  docteur. 

Or  Antonmarchi  était  docteur  en  médecine.  Il  avait  acquis 
son  diplôme  à  l'Université  de  Pise  le  13  mars  1808.  Après 
avoir  consigné  la  veille  la  somme  de  304  lires  2  sous,  mon- 
tant des  droits  de  son  doctorat  en  philosophie  et  en  méde- 
cine, il  avait  pris  le  bonnet  le  lendemain  :  «  Aujourd'hui,  13 
mars  1808,  M.  Francescofils  de  Jean  Antonmarchi,  de  Mor- 
siglia  en  Corse,  a  été  reçu  docteur  en  philosophie  et  en  mé- 
decine. Le  Docteur  Andréa  Vaccà  l'a  couronné;  le  député  M. 
l'archidiacre  Morali  a  pris  le  décret  qu'a  demandé  M.  le  chan- 
celier Meazzoli  pour  le  Chancelier  épiscopal  empêché.  »  Telle 
est  la  pièce  authentique  par  laquelle  le  Docteur  Antonmarchi 
pouvait  désormais  se  consacrer  à  la  profession  médicale. 

Mais  deux  mois,  à  peine,  après  la  réception  du  jeune 
docteur,  le  décret  impérial  du  12  mai  1808  bouleversait  la 
Toscane.  Napoléon,  après  avoir  chassé  la  Reine  d'Etrurie, 
se  décidait  à  annexer  à  l'Empire  les  populations  florenti- 
nes, et  le  régime  impérial,  avec  ses  formules  centralisatrices, 
se  substituait  à  l'ancien  gouvernement.  L'exercice  de  la  mé- 
decine nécessitait  désormais  un  titre  scientifique  français, 
Antonmarchi  aurait  pu  alors  obtenir  l'équivalence  de  son 
grade  de  docteur  en  médecine  toscan  contre  celui  de  doc- 
teur en  médecine  français,  comme  il  était  aisé  de  le  faire, 
en  repassant  une  thèse  de  doctorat.  Mais  il  en  jugea  autre- 
ment. Il  prit  le  parti  de  recommencer  ses  études,  et,  re- 
prenant la  «gabanella»  de  l'étudiant,  il  vint  à  Florence  ap- 
profondir, sous  les  maîtres  éminents  du  Collège  de  Chirur- 
gie, cette  science  chirurgicale  dont  ses  études  médicales  lui 
avaient  donné  un  aperçu. 


54  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Le  9  juillet  1808,  Francesco  Antonmarchi  fut  admis  à 
l'hôpital  de  Santa  Maria  Nuova,  le  grand  hôpital  enseignant 
de  Florence,  comme  jeune  étudiant  en  chirurgie,  avec  la  cau- 
tion du  Docteur  Nicodemo  Botlega.  Il  devait  fournir  pour 
sa  nourriture  et  son  entretien  4  écus  par  mois  *,  et,  le  jour 
même  de  son  entrée,  il  paya  à  titre  d'avance  la  somme  de  8 
écus,  outre  celle  des  6  autres  écus  constituant  le  dépôt  ha- 
bituel. Moyennant  quoi,  il  fut  un  des  «  convittori  »  de  l'éta- 
blissement. On  appelait  ainsi  les  élèves  qui,  ayant  le  gîte  et 
le  couvert  dans  l'hôpital,  devaient  en  payer  la  fourniture.  Ré- 
partis en  groupes  divers,  ils  assuraient  des  services  secon- 
daires de  visite  et  de  garde  et  remplissaient  un  rôle  d'in- 
ternes auxiliaires. 

Antonmarchi  commença  donc  par  le  bas  de  l'échelle  et 
fut  admis  dans  la  classe  des  nouveaux,  comprenant  les  as- 
sistants des  gardes  et  astreints  à  toutes  les  leçons  de  l'hô- 
pital. Sans  compter  le  grand  cours  d'anatomie,  qui  durait 
pendant  la  presque  totalité  des  études,  il  aurait  à  suivre  des 
cours  complets  de  physiologie,  de  pathologie  chirurgicale, 
de  thérapeutique,  de  traitement  des  maladies  particulières, 
de  médecine  opératoire,  d'obstétrique,  de  chimie  médi- 
cale, de  botanique,  de  matière  médicale,  tous  cours  profes- 
sés dans  un  espace  de  deux  ans  et  dont  le  cycle  absorberait 
les  quatre  années  d'études.  Il  serait  tenu  de  gagner  tous  ses 
grades  et  de  «  jeune  assistant  »,  de  devenir,  en  suivant  une 
filière  longue  et  difficile,  «  sous  caporal  »,  puis  «  caporal  », 
en  passant,  chaque  fois,  un  examen.  Ainsi  il  arriverait  enfin 
à  cet  état  bienheureux  de  «  giovane  di  medicheria  »  qui,  pour 
les  «  nouveaux  »  de  S.  Maria  Nuova,  devait  paraître  un  coin 
du  Paradis. 

Car  la  «  Medicheria  »  ou  «  Officina  Chirurgica  »,  analo- 
gue à  nos  salles  de  consultations  modernes,  fournissait  le 
grade  le  plus  élevé  qu'on  pût  atteindre  au  cours   des  études, 

1.  L'éfu  toscan  valait  alors  5  fr.88^cn  monnaie  française. 


ANTONMARCHI     ÉTAIT-IL     MÉDECIN  55 

Choisis  parmi  les  caporaux,  les  huit  élèves  de  Medicheria 
n'étaient  admis  dans  cette  haute  catégorie  qu'après  y  avoir 
été  reconnus  aptes  par  un  concours  difficile.  Chargés  des 
consultations,  ils  avaient  pour  eux  un  matériel  particulier  et 
une  installation  spéciale.  Ils  exerçaient  pleinement  la  chi- 
rurgie élémentaire. 

En  échange  des  services  rendus  à  l'hôpital,  ils  rece- 
vaient gratuitement  la  nourriture,  leur  entretien,  et  jouis- 
saient de  l'exemption  entière  du  payement  de  la  pension 
mensuelle.  Ils  restaient  deux  ans  dans  cette  catégorie,  qu'ils 
pouvaient  quitter  avant  la  fin  de  ce  temps  pour  prendre  le 
honnet  de  docteur.  Outre  les  différents  travaux  de  l'hôpital, 
ils  étaient  tenus  de  suivre  encore  les  cours  d'anatomie  et  les 
diverses  leçons  de  chirurgie.  Ce  n'étaient  point  là  des  em- 
plois d'oisifs. 

Antonmarchi,  étudiant  appliqué,  remplit  avec  exactitude 
ses  fonctions.  Le  l*^""  janvier  1809,  il  était  nommé  «  sous- 
caporal  »  et,  de  ce  fait,  bénéficiait  de  la  diminution  d'un  écu 
dans  la  pension  mensuelle  à  payer  à  l'hôpital  ;  le  20  mars, 
«  caporal  »,  d'où  bénéfice  d'un  autre  écu  dans  la  men- 
sualité à  fournir.  Le  l^'^  juillet,  il  quittait  l'hôpital  pour 
aller  passer  à  Morsiglia  trois  mois  de  vacances  jusqu'à  la 
fin  de  septembre.  Mais  revenu  le  1^'  octobre  1809,  il  repre- 
nait sa  tâche,  qu'il  ne  devait  plus  interrompre  que  pour 
raison  de  santé  pendant  un  mois  et  dix  jours,  du  1"  août 
au  10  septembre  1810.  Le  1"  octobre  de  cette  même  année, 
il  était  nommé  premier  élève  du  «  Campo  Santo  »,  où  il 
venait  de  passer  trois  mois  sous  la  direction  de  Mascagni, 
et  cette  nomination,  où  se  manifeste  déjà  la  protection  qui 
devait  le  suivre  durant  si  longtemps  à  S.  Maria  Nuova,  lui 
donnait  les  avantages  de  la  Medicheria  :  il  n'aurait  plus 
rien  à  payer  à  l'hôpital.  Continuant  sa  vie  studieuse,  il 
passait   enfin  dans   la  Medicheria  au    milieu  de  mars  1811. 

Tout  portait  à  croire  qu'Antonmarchi  terminerait  régu- 
lièrement les  deux  années  de  Medicheria  auxquelles  il  avait 
droit  avant    de    quitter    l'hôpital.   Mais    un  incident    avait 


56  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  REVOLUTION   FRANÇAISE 

apporté  un  certain  trouble  dans  sa  vie  d'étudiant  pauvre. 
Le  16  décembre  1811,  on  lui  avait  volé,  dans  sa  chambre, 
son  pécule  contenu  dans  sa  malle  et  consistant  en  13  piè- 
ces de  10  paoli  chacune.  On  lavait,  disait-il,  laissé  «  sans 
un  sou  ».  Et  dans  une  supplique  adressée,  le  18  décembre, 
aux  membres  de  la  Commission  administrative  de  l'hôpital, 
il  avait  demandé  «  étant  très  éloigné  de  sa  famille,  et  se 
trouvant  au  lit  sans  soutien  »  qu'on  voulût  bien  lui  faire 
«  remettre  une  petite  aumône  »,  Mais  cette  demande  mo- 
deste avait  été  rejetée  le  8  janvier  1812.  Antonmarchi  restait 
sans  argent. 

Est-ce  cette  perspective  peu  alléchante  qui  le  détermina 
à  quitter  S.  Maria  Nuova,  ou  était-il  déjà  assez  avant  dans 
la  protection  de  Mascagni  pour  que  celui-ci  s'occupât  de  lui 
faire  une  situation  ?  Toujours  est-il  que  le  13  janvier  1812, 
le  jeune  homme,  alors  le  sixième  dans  la  Medicheria,  adres- 
sait à  la  Commission  de  l'hôpital  une  lettre  l'informant  de 
ses  projets  de  départ  : 

Une  carrière  attrayante  s'est  ouverte  à  moi  pour  pouvoir 
m'occuper  avec  avantage  de  l'exercice  de  la  médecine  et  de  La 
chirurgie  et  cela  me  détermine  à  me  libérer  de  la  charge  de 
mon  maintien  dans  les  hôpitaux  qui  dépendent  aujourd'hui  si 
heureusement  de  votre  administration.  Cependant  je  ne  pourrai 
suffire  tout  seul  à  mener  à  bien  cette  détermination  si  vous  ne 
daignez  m'en  fournir  les  moyens.  Je  brûle  donc  de  vous  présenter 
les  instances  respectueuses  par  lesquelles  je  demande  que  pour 
fournir  aux  dépenses  de  l'Immatriculation  en  chirurgie  il  vous 
plaise  de  m'accorder  la  somme  de  50  écus.  Cette  somme  sera  bien 
compensée  par  une  dépense  largement  supérieure  que  votre  ad- 
ministration supporterait  si  elle  devait  continuer  à  pourvoir  à 
mon  maintien  pendant  l'espace  de  14  mois  qui  me  manquent  pour 
terminer  le  cours  de  mes  pratiques  de  Medicheria.  Dans  l'espoir 
de  voir  ma  demande  bien  accueillie,  j'ai  l'honneur... 

Antonmarchi  Francesco  '. 


1.    Original  en  italien    comme  toutes  les   lettres  d'Antonmarchi  publiées  ici, 
sauf  celle  adressée  à  Fontanes. 


ANTONMARCHI     ÉTAIT-IL     MÉDECIN  57 

La  Commission  administrative  n'était  pas  facile  à  émou- 
voir. Malgré  l'enquête  favorable  menée  par  le  surintendant 
des  infirmeries,  Bolli,  qui  louait  dans  son  rapport  »(  le  ser- 
vice exact  du  sieur  Antonmarchi  et  ses  excellentes  qualités 
de  jeune  étudiant  et  subordonné  »,  la  Commission  rejeta  sa 
demande,  et  c'est  à  ses  frais  que  le  jeune  étudiant  dut  pren- 
dre l'Immatriculation  en  Chirurgie  '.  Le  27  janvier  1812  il 
quittait  l'hôpital  de  S-  Maria  Nuova  pour  se  consacrer  à 
l'exercice  de  son  «  attravante  carrière  ». 


Libéré  enfin  de  ses  longues  études,  le  jeune  docteur  alla 
s'installer  à  Livourne.  Qu'y  fit-il  ?  On  ne  sait.  Ce  moment 
de  sa  vie  reste  obscur  et  les  recherches  sont  infructueuses. 
A  peine  une  note  de  police  signale-t-elle  qu'il  y  était  em- 
ploj'é  <(  au  service  des  Français  ».  Mais  à  quel  service  ? 
Fut-ce  à  la  réorganisation  des  quatre  hôpitaux  de  Livourne, 
alors  dans  le  plus  grand  désordre  ?  Fut-ce  à  des  services 
municipaux,  ou  à  des  services  militaires  accessoires  ?  Tou- 
jours est-il  que  son  séjour  à  Livourne,  très  bref,  ne  fut 
guère  qu'un  passage.  Il  retourna  à  Florence  où  l'appe- 
laient des  souvenirs,  des  relations,  surtout  la  protection  de 
son  illustre  maître  le  professeur  Mascagni.  Il  revint  aider  ce 
dernier  dans  ses  grands  travaux  d'anatomie.  Et  sa  carrière 
prit  à  ce  moment  une  autre  orientation. 

Le  5  novembre  1812,  le  professeur  adjoint  Filippo 
Uccelli,  remplissant  à  l'hôpital  de  S.  Maria  Nuova  les  fonc- 
tions de  prosecteur  d'anatomie  -,  était  nommé  à  la  chaire 
de  clinique  externe  et  d'opérations  chirurgicales.  Cette  no- 
mination laissait  libre  le  poste  de  prosecteur,  et  Mascagni, 
le  premier  informé  de  la    nouvelle,  put    la  communiquer  à 

1.  La  date  exacte  de  la  nomination  d'Antonmarchi  au  grade  de  docteur  en 
chirurgie  n'a  pu  être  retrouvée,  les  registres  de  l'Université  de  Fise  relatifs  à 
ces  nominations  ayant  subi  une  interruption  depuis  le  30  novembre  1<S10  jus- 
qu'au 7  juin  1815. 

2.  Le  titre  de  prosecteur  correspondait,  non  point  à  celui  que  nous  quali- 
fions ainsi  aujourd'hui,  mais  à  celui  de  (>hef  des  travaux  anatomiques  de  nos 
Facultés  modernes. 


58  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

son  élève  favori  qui  se  mit  immédiatement  sur  les  rangs  des 
candidats  : 

Monseigneur,  écrit-il  dès  le  17  décembre  1812  au  Grand 
Maître  de  l'Université  Impériale,  le  nommé  Antonmarchi  Fran- 
çois, natif  de  la  Corse,  docteur  en  chirurgie  et  en  médecine,  a 
l'honneur  de  vous  exposer  très  respectueusement  que,  destiné 
à  l'exercice  de  la  médecine,  il  aspirerait  aujourd'hui  à  la  place  de 
Disséqueur  (s/c)  et  Répétiteur  d'Anatomie  dans  l'hôpital  de  Flo- 
rence. C'est  ce  qu'il  ose  en  ce  moment  vous  demander. 

Si  V.  E.,  aimant  toujours  encourager  et  répandre  les  bienfai- 
santes faveurs  sur  les  individus  de  l'Empire,  et  notamment  sur 
ceux  qui  en  dépendent  elle  daigne  accomplir  les  vœux  de  l'expo- 
sant mais  elle  est  retenue  par  la  crainte  de  mal  diriger  ses  bontés, 
elle  n'aura  qu'à  demander  préalablement  des  informations  à 
l'excellent  professeur  d'anatomie  Mascagni  dont  l'exposant  a  été 
pendant  5  ans  l'élève  et  est  toujours  l'admirateur. 

La  place  que  ledit  exposant  demande  était  auparavent  occupée 
par  M.  le  D'' en  chirurgie  Filippo  Uccelli  que  V.  E.  a  bien  voulu 
dernièrement  employer  en  qualité  de  professeur  en  chirurgie  dans 
le  susdit  hôpital  de  Florence. 

Le  pétitionnaire  fondant  son  espoir  dans  le  grand  homme  et 
dans  l'ami  de  l'humanité  dont  l'office  sublime  n'a  d'autre  but  que 
de  rendre  heureux  celui  qui  l'implore,  espère  pouvoir  obtenir 
l'emploi  qu'il  demande  sans  témérité  et  sans  inaptitude  pour  bien 
accomplir  les  fonctions  qu'il  requiert.  J'ai  l'honneur... 

François   Antommarchi. 

Dès  sa  réception  ce  pathos  était  transmis  par  Fontanes 
à  Cuvier,  membre  de  la  Commission  Universitaire,  «  pour 
examiner  et  donner  son  avis  ».  A  quoi  Cuvier  répondit  : 
((  Il  paraît  convenable,  avant  de  nommer  à  cette  place  de 
prosecteur,  que  S.  E.  demande  par  les  voies  ordinaires 
l'avis  du  professeur  auquel  ledit  prosecteur  doit  être  attaché.  » 
Ainsi  la  demande,  suivant  les  voies  régulières,  serait  exa- 
minée tout  à  loisir  par  les  compétences  officielles.  Fontanes 
écrivit  donc  le  4  février  1813  au  Recteur  de  l'Académie  de 
Pise,  lui  demandant  de  «  prendre  près   du  professeur  d'à- 


ANTONMARCHI     ÉTAIT-IL     MÉDECIN  59 

natomie,  M.  Mascagni,  les  renseignements  nécessaires  à 
l'effet  de  se  mettre  à  portée  de  lui  faire  connaître  si  le  sieur 
Antonmarchi  réunit  toutes  les  conditions  requises  pour 
remplir  les  fonctions  de  prosecleur  ». 

Sur  ces  entrefaites,  un  certain  docteur  Mazzoni  qui, 
depuis  six  ans,  occupait,  sans  honoraires,  une  place  ana- 
logue de  prosecteur  dans  un  autre  hôpital  de  Florence,  celui 
des  Enfants  trouvés,  qui  était  chirurgien  en  cheî"  à  l'hôpital 
de  Saint-Jean-de-Dieu  et  chirurgien  suppléant  à  S.  Maria 
Nuova,  fit  également  sa  demande  pour  obtenir  la  place 
postulée  par  Antonmarchi  et  il  eut  le  soin  de  la  faire  apos- 
tiller  par  le  comte  Corsini,  dont  tout  le  monde  connaissait 
l'influence  à  Florence.  Le  concurrent  était  sérieux.  Derechef 
Fontanes  dut  écrire  au  Recteur  de  Pise,  le  28  février,  lui 
demandant  encore  de  prendre  l'avis  de  Mascagni  «  et  de  le 
lui  transmettre  avec  le  sien  dans  le  plus  court  délai  possi- 
ble ». 

A  Pise  les  choses  n'avaient  pas  traîné.  Le  15  mars,  l'Ins- 
pecteur d'Académie,  Santi,  faisant  fonctions  de  Recteur  en 
l'absence  de  M.  Sproni,  répondait  à  Fontanes  :  «  Monsei- 
gneur, en  conformité  des  ordres  que  vous  m'avez  fait  l'hon- 
neur de  me  donner  par  votre  lettre  du  4  février  dernier,  j'ai 
demandé  à  ]\L  le  professeur  Mascagni,  à  Florence,  les  ren- 
seignements nécessaires  sur  le  compte  de  M.  Antonmarchi. 
M.  Mascagni,  par  sa  réponse,  m'assure  que  ce  docteur  réu- 
nit toutes  les  qualités  les  plus  désirables  pour  remplir  avec 
honneur  la  place  de  prosecteur  à  l'hôpital  de  Florence  ;  il 
me  fait  même  un  récit  des  préparations  les  plus  difficiles 
qu'il  a  su  lui  présenter  dans  le  cours  des  années  qu'il  a 
passées  à  son  Ecole,  et  il  prie  votre  bonté  de  lui  donner  la 
préférence  pour  la  place  vacante  par  la  promotion  de  M.  le 
professeur  Uccelli....  »  Un  désir  de  Mascagni,  aussi  nette- 
ment formulé,  semblait  ne  devoir  rencontrer  aucune  oppo- 
sition. 

Mais  lorsque,  quelques  jours  plus  tard,  on  lui  demanda 
son  avis    sur  Mazzoni,    dont  on  fit  valoir  les  mérites,   ap- 


60  RIÎVLE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

puyés  par  le  comte  Corsini,  Mascagni  intervint  personnelle- 
ment dans  le  débat  et  c'est  sans  bienveillance  qu'il  fit  le 
procès  de  l'intrus  :  il  avait,  il  est  vrai,  suivi  ses  cours,  mais 
sans  s'occuper  des  dissections  anatomiques,  en  sorte  qu'il 
ne  pouvait  apprécier  ses  talents.  De  plus,  Mazzoni,  très  oc- 
cupé par  ses  différentes  fonctions  chirurgicales  à  St.-Jean-de- 
Dieu,  à  S.  Maria  Nuova  et  dans  sa  clientèle,  ne  pourrait 
guère  trouver  le  temps  matériel  de  faire  les  quatre  prépara- 
tions d'anatomie  hebdomadaires  qu'exigeait  le  service  ; 
d'instruire  les  élèves  dans  l'art  de  la  dissection  ;  d'aider  le 
professeur  d'anatomie  dans  ses  cours  toujours  accompagnés 
d'opérations  sur  le  cadavre.  Et  lui-même  ne  pouvait  plus, 
comme  par  le  passé,  être  constamment  à  l'hôpital.  Il  était 
absorbé  par  «  tout  ce  qui  concernait  la  partie  définitive  et 
l'explication  des  planches  de  son  ouvrage  ».  Aussi  travail- 
lait-il toujours  chez  lui,  ne  passant  plus  à  l'hôpital  que  la 
matinée.  Il  avait  donc  besoin  plus  que  jamais  d'un  prosec- 
teur sérieux.  «  Dans  Antonmarchi,  écrivait-il  à  Sproni  en 
terminant,  il  me  semble  trouver  réunies  les  qualités  néces- 
saires pour  faire  un  bon  prosecteur  et  je  vous  prie  de  favo- 
riser sa  nomination.  » 

Cette  intervention  clôturait  le  débat.  En  joignant  la  lettre 
de  Mascagni,  écrite  le  22  mars,  à  la  sienne  du  24  au  Grand 
Maître,  l'Inspecteur  Santi  se  contentait  d'ajouter  :  «  M. 
Mascagni  persiste  toujours  à  donner  la  préférence  à  M.  An- 
tonmarchi et  il  est  digne  que  ses  vœux  soient  accueillis  de 
vous  avec  bonté.  »  Mais  F'ontanes,  tenant  sans  doute  à  être 
agréable  à  Corsini,  insistait  auprès  de  l'Académie  de  Pise. 
Le  5  avril,  il  demandait  un  supplément  d'informations  au- 
quel Santi  ne  put  que  répondre,  le  21  avril,  par  les  mêmes 
arguments  :  <.<  Monseigneur,  j'ai  eu  tout  l'empressement  de 
m'informer  exactement  quel  serait,  parmi  les  aspirants  à  la 
place  de  prosecteur  à  Florence,  celui  qui  pourrait  mieux  en 
remplir  les  fonctions.  M.  le  professeur  Mascagni,  que  j'ai 
consulté,  donne  la>  préférence  à  M.  le  docteur  Antonmarchi, 
le  recommande  et  en  répond.  Ainsi,  en  nommant  à  la  place 


ANTONMARCHI     ÉTAIT-IL    MÉDECIN  61 

de  prosecteur  M.  Antonmarchi,  V.  E.  donnerait  une  satisfac- 
tion très  flatteuse  à  M.  Mascagni  et  serait  assurée  d'avoir 
fait  un  choix  utile  pour  le  public.  » 

Fontanes  n'avait  plus  qu'à  signer.  Toutefois  épuisant  les 
moyens  qui  s'offraient  à  lui,  il  renvoya,  encore  une  fois,  tout 
le  dossier  de  l'affaire  à  Cuvier,  qui  était  alors  en  Italie, 
toujours  «  pour  examiner  et  donner  son  avis  ».  Le  scrupu- 
leux Cuvier  partit  pour  Florence  et  sa  réponse  fut  catégo- 
rique :  «  D'après  les  renseignements  que  j'ai  pris  à  Florence, 
écrivait-il,  la  présentation  de  M.  Mascagni  est  convenable  et 
il  me  paraît  que  S.  E.  peut  y  accéder  et  nommer  M.  An- 
tonmarchi. » 

Ainsi,  M.  le  Conseiller  titulaire  de  l'Université,  lui-même, 
après  enquête  personnelle,  déclarait  Antonmarchi  capable 
de  bien  tenir  le  poste.  Le  candidat  n'était  donc  pas  sans 
consistance,  vide  de  titres  et  de  science,  car  il  n'en  eût  guère 
imposé  à  Cuvier.  La  conclusion  était  de  poids.  Aussi  Fon- 
tanes, fort  de  cette  dernière  appréciation,  n'hésita-t-il  plus  à 
éliminer  définitivement  le  candidat  de  Corsini.  Après  un 
rapport,  daté  du  6  juillet,  du  chef  de  la  division  du  personnel 
des  Facultés,  il  prit  le  7  juillet  l'arrêté  définitif  : 

Nous,  Louis  de  Fontanes,  sénateur,  grand  maître  de  l'Uni- 
versité Impériale,  avons  nommé  et  nommons  M.  Antonmarchi, 
docteur  en  chirurgie,  à  la  place  de  préparateur  d'anatomie  à  Flo- 
rence en  remplacement  de  M.  Uccelli  appelé  à  d'autres  fonctions. 
M.  le  Recteur  de  l'Académie  de  Pise  est  chargé  de  l'exécution  du 
présent  arrêté.  Fait  à  Paris  au  chef  lieu  de  l'Université  Impériale, 
le  7  juillet  1813. 

Fontanes 
Contre  signé  :  le  Chancelier  Villaret.* 

Antomarchi  l'emportait    donc.    Ses    titres    profesionnels 

1.  M.  Masson  (Autour  de  Sainte- Hélène,  III,  228)  écrit  :    «  Il  est   fâcheux  que 

cette  nomination  n'ait  été  enregistrée  nulle  part  ».    Les    pièces  précédentes    ont 

montré    combien   elle    avait  été    régulièrement  effectuée.    Quant  à  l'original  de 

l'arrêté  de   Fontanes  on  le  trouve  aux  Archiues  Nationales  sous  la  cote  F  102.645 

n"  3076.  Il  en  fut  fait  deux  expéditions. 


62  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

étaient  reconnus,  ses  connaissances  officiellement  constatées, 
il  prenait  enfin  place  parmi  les  membres  de  l'Université  Im- 
périale. L'installation  du  nouveau  prosecteur  fut  rapide.  Le 
15  juillet  Fontanes  écrivait  au  recteur  Sproni  à  Pise  : 

Je  vous  adresse  ci-joint  l'arrêté  par  lequel  j'ai  nommé  M. 
Antonmarchi  préparateur  d'anatomie  à  Florence  en  remplace- 
ment de  M.  Uccelli.  Je  vous  invite  à  faire  part  de  celte  décision 
à  M.  Mascagni,  professeur  d'anatomie,  et  à  prendre  les  mesures 
nécessaires  pour  que  M.  Antonmarchi  soit  installé  le  plus  tôt 
possible  dans  ces  fonctions. 

A  la  réception  de  cette  lettre,  le  recteur  Sproni  invita,  le 
28  juillet,  le  professeur  Mascagni  à  installer  Antonmarchi 
dans  son  poste,  ce  qui  fut  fait  le  premier  août.  A  partir  de 
ce  jour  le  nouveau  fonctionnaire  émargeait  au  budget  de 
l'Académie  de  Pise.  Le  5  août,  Mascagni  informait  officiel- 
lement les  membres  de  la  Commission  Administrative  de 
l'hôpital  de  S.  Maria  Nuova  de  l'installation  d'Antonmarchi, 
et  la  Commission  en  avisait  le  Préfet  de  l'Arno,  le  10  août. 
Enfin,  le  11  août,  le  Recteur  de  Pise  en  faisait  part  au 
maire  de  Florence.  Ainsi  tout  était  officiel  et  régulier. 


Voilà  donc  notre  docteur  casé.  C'est  à  Florence  qu'il 
doit,  semble-t-il,  poursuivre  désormais  le  cours  d'une  exis- 
tence paisible,  mi  officielle  à  l'hôpital,  mi  particulière  dans 
sa  clientèle.  Il  s'est  installé  dans  le  Borgo  dei  Greci  ^  et 
consacre  à  ses  malades  le  temps  que  lui  laissent  son  dur 
travail  à  l'hôpital  ou  l'aide  qu'il  donne  à  Mascagni  pour 
ses  ouvrages.  Aussi,  pour  établir  sa  valeur  chirurgicale, 
adresse-t-il,  le  15  septembre  1813,  une  requête  aux  membres 
de  la  Commission  des  hôpitaux  :  «  François  Antonmarchi 
demande  à  être  admis  en  qualité  de  chirurgien-adjoint  à  l'hô- 
pital impérial  de  S.  Maria  Nuova,  dans  le  poste  même  que 

1.  Cette  vieille  rue   existe  encore.  Elle  va  de   la    piazza  délia   Sigiioria   à   la 
piazza  di  Santa  Croce. 


ANTOXMARCHI     ÉTAIT-IL     MÉDECIN  63 

S.  M.  le  Roi  Louis  a  concédé  le  30  août  1802  à  M.  le  Doc- 
teur Filippo  Uccelli  comme  prosecteur  de  cet  hôpital.  »  Mais 
Mascagni  n'est  point  «  persona  grata  »  à  l'Administration. 
Elle  trouve  qu'il  fait  dans  l'hôpital  de  «  coûteuses  recher- 
ches »  pour  ses  ouvrages  personnels,  et  son  protégé  pàtit  de 
cet  antagonisme.  A  la  demande  d'explications  de  la  Com- 
mission, le  surintendant  Bolli  répond  que  la  demande  du 
prosecteur  n'est  pas  fondée  puisque  Uccelli  n'a  nullement 
obtenu  le  titre  de  chirurgien  adjoint  à  S.  Maria  Nuova  parce 
qu'il  était  dissecteur  anatomique,  mais  parce  qu'il  était  déjà 
chirurgien  à  l'hôpital  de  Pise  lorsqu'il  fut  nommé  prosecteur 
à  Florence.  Son  successeur  ne  pourrait  donc  être  nommé 
que  par  une  faveur  spéciale  de  la  Commission,  faveur  jus- 
tifiée d'ailleurs  par  ses  études  antérieures.  Mais  la  Com- 
mission doit  considérer  le  nombre  déjà  trop  considérable 
des  chirurgiens  adjoints  «  qui  atteint  actuellement  le  nom- 
bre de  douze  alors  qu'il  était  primitivement  de  deux  ».  Se 
rangeant  à  cet  avis  la  Commission  fait  donc  écrire  à  Bolli, 
le  27  septembre,  «  que  dans  sa  séance  du  23  septembre, 
n'ayant  pas  trouvé  dans  la  demande  de  M.  Antonmarchi, 
dissecteur  anatomique  de  cet  hôpital,  un  titre  fondé  pour 
le  nommer  chirurgien  adjoint,  et,  d'autre  part,  ne  voulant 
pas  augmenter  le  nombre  des  adjoints  qui  est  aujourd'hui 
de  douze  au  lieu  de  deux,  elle  a  déclaré  sa  demande  irrece- 
vable ».  Et  voilà  notre  postulant  évincé. 

Jusqu'à  la  fin  du  régime  français  la  carrière  d'Anton- 
marchi  s'est  poursuivie  dans  le  calme  d'une  vie  d'études  et 
sans  incident  notable.  Mais  que  va-t-il  se  passer  à  la  chute 
de  l'Empire  ?  Conservera-t-on  les  fonctionnaires  de  l'Uni- 
versité nommés  par  le  gouvernement  de  Buonaparte,  dont 
Antonmarchi  ?  La  réponse  est  d'autant  plus  incertaine  que 
déjà,  à  partir  du  mois  de  juillet  1814,  on  a  voulu  ôter  à  celui- 
ci  une  partie  de  son  traitement.  Aussitôt  il  proteste  et  expose 
les  faits  :  Le  30  août  1802,  son  prédécesseur  Filippo  Uccelli 
a  été  nommé  prosecteur  avec  un  traitement  annuel  de  140 
écus  à  fournir  par  l'Académie  de  Pise  et  la  jouissance  de  la 


64  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

maisun  de  l'ex-prosecleur.  Le  28  novembre  de  la  même 
année,  «  S.  M.  le  Roi  Louis  s'est  déterminé  à  accorder  une 
augmentation  de  9  écus  par  mois  audit  Uccelli,  mais  Elle  a 
déclaré  en  même  temps  que  cette  augmentation  devait  être  à 
la  charge  de  la  caisse  de  l'hôpital,  restant  entendu  que  le 
traitement  annuel  à  fournir  par  l'Université  de  Pise  est 
toujours  de  140  écus  ».  Le  23  août  1805,  un  mota  proprio  a 
ôté  à  Uccelli  la  jouissance  de  la  maison,  mais  a  augmenté 
d'un  écu  par  mois  le  traitement  à  payer  par  l'hôpital.  Uccelli 
touchait  donc  annuellement  140  écus  de  l'Université  de  Pise 
et  120  écus  de  la  Caisse  Royale.  A  l'arrivée  des  Français, 
l'Université  Impériale  a  pris  à  sa  charge  les  140  écus  de 
l'Université  de  Pise  et  la  ville  de  Florence  les  120  écus 
payés  par  l'ex-gouvernement  toscan.  Ainsi  Uccelli  émargeait 
de  823  fr.  20  au  budget  de  l'Académie  de  Pise  et  de  705  fr. 
60  à  celui  de  la  ville  de  Florence. 

Au  moment  de  la  nomination  d'Antonmarchi  la  question 
s'est  posée  de  savoir  s'il  convenait  de  faire  payer  par  l'Aca- 
démie de  Pise  le  traitement  d'un  maître  employé  à  Florence 
et  l'inspecteur  Santi  avait  envoyé  à  Fontanes  un  rapport 
négatif.  Mais  Cuvier,  consulté  à  ce  sujet  par  le  Grand 
Maître,  a  répondu  que  «  le  prosecteur  étant  pour  le  service 
du  cours  d'anatomie  perfectionnée,  on  est  fondé  à  soutenir 
qu'il  doit  continuer  à  être  payé  par  l'Académie  ».  Anton- 
marchi  a  donc  reçu  la  totalité  du  traitement   ancien. 

Mais  à  partir  du  mois  de  juillet  de  1814,  le  Gouverne- 
ment Granducal  a  supprimé  l'indemnité  accordée  jadis  par 
le  Roi  Louis,  ne  laissant  plus  au  prosecteur  que  le  traite- 
ment de  l'Université  de  Pise.  Aussi  le  7  septembre  Anton- 
marchi  «  implorant  de  S.  E.  la  justice  qui  lui  est  due  » 
adresse-t-il  une  réclamation  au  prince  Rospigliosi  avec  les 
pièces  officielles  éclairant  les  diverses  phases  de  l'affaire. 
Comme  ses  prétentions  sont  trop  justifiées  pour  tenter  de 
les  méconnaître,  le  commissaire  de  l'hôpital,  comte  Capponi, 
«  croit  devoir  apostiller  sa  demande  ».  Et  le  5  octobre  «  S. 
A.  L  et  R.    a   nommé   François  Antonmarchi    au  poste  de 


ANTONMARCHI     ÉTAIT-IL    MÉDECIN  65 

dissecteur  anatomique  vacant  par  la  promotion  à  un  autre 
emploi  du  Docteur  Filippo  Uccelli,  avec  le  traitement  men- 
suel de  10  écus  à  fournir  par  la  «  Depositeria  »  Royale,  trai- 
tement commençant  à  courir  du  l^''  juillet  1814,  avec  les 
devoirs  et  obligations  attachés  à  ce  poste.  » 

Ainsi  le  décret  de  Ferdinand  détruit  toute  équivoque  et 
rassure  Antonmarchi.  Le  voilà  fonctionnaire  toscan  et  c'est 
avec  une  certaine  satisfaction  que,  le  27  octobre,  il  reçoit  du 
Commissaire  de  l'hôpital  l'avis  de  sa  nomination  et  du  suc- 
cès de  sa  réclamation.  Il  n'était  que  temps.  Car  le  chevalier 
Simon  Colonna  vient  d'arriver  de  l'Ile  d'Elbe,  le  22  octobre, 
et,  depuis  ce  jour,  ses  visites  constantes  à  Antonmarchi, 
ses  relations  quotidiennes  avec  lui,  que  la  police  toscane 
note  soigneusement  au  jour  le  jour,  auraient  probablement 
modifié,  au  grand  détriment  du  chirurgien,  les  sentiments 
du  gouvernement  granducal.  Antonmarchi  n'en  payera  pas 
moins,  deux  ans  plus  tard,  tous  les  soins  que  la  police  a 
mis  à  accoler  son  nom  à  celui  du  personnage  que  l'on  sait 
être  le  mandataire  officieux  de  l'importun  voisin  Buona- 
parte. 


Quand  Paolo  Mascagni  mourut,  le  10  octobre  1815,  à 
l'âge  de  60  ans,  ce  fut  pour  Antonmarchi  la  perte  la  plus 
sensible  qu'il  pût  faire.  Les  liens  avec  Mascagni,  formés  en 
1810,  au  moment  où  le  professeur  avait  rencontré  chez  le 
jeune  homme  cette  prédisposition  particulière  à  l'anatomie 
qui  l'avait  fait  distinguer,  s'étaient  resserrés.  Une  collabo- 
ration plus  étroite  avait  mis  les  deux  hommes  en  un  contact 
presque  journalier.  Antonmarchi  avait  travaillé  avec  le 
maître  à  la  préparation  de  ses  grands  ouvrages  anatomi- 
ques,  il  avait  sa  confiance,  presque  ses  secrets  profession- 
nels. Avec  lui  il  perdait  son  protecteur  immédiat  ;  il  perdait 
aussi  l'espoir  de  lui  succéder  plus  tard,  quand  le  vieux 
maître  fatigué,  occupé  uniquement  de  ses  publications, 
passerait   à  son  protégé   cette   chaire   de  professeur,    désir 

RKV.  UIST.    I)K    LA  RKVOL.  5 


66  REVUE    HISTORIQUE  DE   LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

suprême  du  jeune  chirurgien.  La  mort  de  Mascagni  anéan- 
tissait pour  jamais  les  projets  et  les  espoirs.  Car  Antonmar- 
chi  était  trop  jeune,  trop  désarmé  pour  lutter  avec  avantage 
contre  des  confrères  plus  anciens,  plus  titrés,  plus  patronnés. 
Du  reste,  son  attente  ne  fut  pas  longue.  Le  16  décembre 
1815,  le  Grand  Duc  «  voulant,  à  l'occasion  de  la  mort  du 
professeur  Paolo  Mascagni,  systématiser  complètement 
l'instruction  donnée  dans  l'hôpital  de  S.  Maria  Nuova  »  fit 
une  série  de  nominations  ou  de  mutations,  et  ce  fut  l'ex-pro- 
secteur  Uccelli,  le  protégé  du  Roi  Louis,  qui  échangea  sa 
chaire  de  clinique  externe  contre  celle  d'anatomie. 

Antonmarchi  n'avait  rien.  Livré  désormais  à  lui-même, 
découragé  par  la  nomination  d'Uccelli  avec  lequel  il  entre- 
tenait des  rapports  assez  froids,  dûs,  sans  doute,  à  leurs 
divergences  politiques,  il  ne  voyait  plus  pour  lui  à  S.  Maria 
Nuova  qu'une  situation  de  sous-ordre  et  il  s'en  détachait. 
Les  héritiers  Mascagni,  trop  heureux,  à  ce  moment,  de 
trouver  en  lui  le  collaborateur  qui  avait  été  tout  près  de  la 
pensée  du  Maître,  n'avaient  point  hésité  à  lui  demander  son 
concours  pour  éditer  les  œuvres  du  professeur,  et  il  consa- 
crait volontiers  son  temps  à  ces  travaux  qui,  en  associant 
son  nom  à  celui  de  Mascagni,  feraient  rejaillir  sur  lui  une 
partie  de  la  notoriété  qui  s'attachait  au  défunt.  Dans  le 
premier  semestre  de  l'année  1816  il  fit  donc  paraître  le 
premier  ouvrage  posthume  de  la  série  ;  c'était  YAnatomia  ad 
iiso  degli  studiosi  di  scultura  e  di  pittura. 

La  publication  était  à  peine  terminée  qu'il  apprit,  par 
une  circulaire  adressée  le  21  juin  aux  membres  du  corps 
médical  enseignant  à  Florence  par  le  Directeur  de  la  Faculté 
de  Médecine  de  Padoue,  que  la  chaire  d'anatomie  de  l'Uni- 
versité de  Pavie  était  vacante  et  qu'un  concours  pour  ce 
poste  aurait  lieu  en  octobre  à  Padoue.  La  place  était  ten- 
tante. Elle  lui  permettrait,  en  outre,  de  continuer  l'édition 
des  œuvres  de  Mascagni  dans  des  conditions  encore  plus 
favorables.  Le  11  juillet  1816  il  écrivit  au  Grand  Duc  pour 
obtenir   l'autorisation   de  se  présenter  :   «  François  Anton- 


ANTONMARCHI     ÉTAIT-IL    MÉDECIN  67 

marchi,  dissecteur  anatomique  de  la  Faculté  de  Pise  au 
Grand  hôpital  Royal  de  S.  Maria  Nuova,  a  l'honneur  de  de- 
mander à  V.  A.  I.  et  R.  la  permission  de  se  présenter  au 
concours  de  Padoue  pour  la  chaire  d'anatomie  vacante  à 
l'Université  de  Pavie,  sans  que,  toutefois,  il  subisse  un 
préjudice  pour  ses  fonctions  actuelles  au  cas  où  il  ne  serait 
pas  choisi  par  S.  M.  l'Empereur  et  Roi  d'Autriche  pour 
occuper  ladite  chaire.  »  L'autorisation  lui  fut  accordée  par 
rescrit  du  lendemain,  et  dès  que  le  comte  Capponi  l'en  eut 
informé,  le  13,  il  se  mit  sur  les  rangs. 

Le  5  octobre  1816  eut  lieu  à  Padoue  ce  concours  dont 
Antonmarchi  attendait  la  possibilité  d'un  changement  dans 
son  existence.  Comme  titres  scientifiques  il  avait  présenté 
cette  Anatomia  ad  uso  degli  stiidiosi  di  scultura  e  di  pittura 
qui  venait  d'être  publiée.  11  avait  offert  un  exemplaire  des 
planches  et  pouvait  espérer.  Mais  l'ombre  de  Mascagni  ne  le 
protégeait  point  et  il  n'avait  plus  affaire  au  gouvernement 
napoléonien.  La  Faculté,  avec  quelque  dédain  pour  Masca- 
gni, avait  écarté  cette  œuvre  »  insignifiante...  et  loin  de  lui 
faire  le  même  honneur  que  lui  avait  fait  son  ouvrage  sur  la  des- 
cription des  lymphatiques  ».  Mais  surtout  les  notes  qui  pour- 
suivaient Antonmarchi  étaient  peu  favorables  à  la  nomination 
d'un  homme  qui  ne  pourrait  faire  un  w  honnête  professeur». 
On  saisit  quel  devait  être  le  sens  de  cet  adjectif  appliqué  à 
un  Français  Napoléonien  par  le  Gouvernement  Autrichien 
de  1816.  La  vérité  est  qu'Antonmarchi  payait  aujourd'hui 
son  amitié  et  ses  relations  avec  Colonna,  l'agent  de  l'infâme 
Buonaparte. 

Découragé,  le  prosecteur  reprit  le  chemin  de  Florence. 
Rien  ne  l'attirait  plus  à  S.  Maria  Nuova  où,  depuis  la 
mort  de  son  maître,  il  ne  faisait  plus  que  du  métier;  où  la 
nomination  d'Uccelli,  soupçonné  de  faire  partie  des  «  indi- 
cateurs »  de  la  police  toscane,  lui  faisait  la  vie  difficile.  Il  de- 
manda alors  à  passer  quelque  temps  dans  sa  famille,  et,  le 
31  mars  1817,  le  Grand  Duc  l'autorisa  à  quitter  son  poste 
pour  deux  mois  «  pour  se  rendre  en  Corse,  sa  patrie,  où  l'ap- 


68  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  REVOLUTION    FRANÇAISE 

pellent  quelques  affaires  de  famille  ».  Mais  au  retour  sa  vie 
avait  recommencé  monotone.  Les  travaux  de  l'hôpital  ou 
ceux  de  la  clientèle  n'étaient  ni  distrayants  ni  passionnants. 
Seule  la  perspective  de  la  publication  des  œuvres  de  Mas- 
cagni  jetait  quelque  flamme  dans  l'àme  de  notre  chirurgien 
et  il  y  consacrait  ses  loisirs.  Ainsi  s'était  terminée  l'année 
1817  et  passée  une  partie  de  l'année  1818.  Le  Prodrome 
de  la  Grande  Anatomie  était  entièrement  prêt  ;  la  Grande 
Anatomie  elle-même  était  très  avancée.  Les  héritiers  Masca- 
gni,  satisfaits  de  la  collaboration  de  1816,  avaient  passé  avec 
Antonmarchi  un  traité  en  forme  le  nommant  directeur  des 
éditions  Mascagni.  Brusquement  une  nouvelle  incroyable 
bouleversa  ce  train-train  quotidien  :  on  proposait  à  Anton- 
marchi d'aller  soigner  l'Empereur  Napoléon  à  Sainte-Hélène. 
Tout  ce  que  cette  proposition  offrait  d'attrait  irrésistible 
pour  un  médecin  jeune  et  inconnu  fut  immédiatement  saisi 
par  Antonmarchi.  Mais  elle  n'était  pas  définitive  et  il  fallait 
causer.  Pour  cela,  le  28  novembre,  il  demanda  un  congé  au 
Grand  Duc  : 

Le  professeur  Antonmarchi,  très  humble  serviteur  et  sujet  de 
V.  A.  I.  et  R.  et  dissecteur  anatomique  dans  le  Grand  hôpital 
Royal  de  S.  Maria  Nuova  à  Florence,  ayant  une  prompte  occasion 
de  faire  un  voyage  à  Londres  pour  des  circonstances  très  urgen- 
tes et  utiles  à  son  propre  intérêt,  sollicite  respectueusement  de 
V.  A.  I.  et  R.  la  grâce  de  pouvoir  s'absenter  pour  six  mois  seule- 
ment du  poste  qu'il  occupe  et  de  la  charge  qui  lui  a  été  confiée 
par  l'Université  de  Pise,  au  rôle  de  laquelle  il  est  inscrit,  promet- 
tant que,  pendant  son  absence,  il  installera  à  ses  frais  un  habile 
dissecteur  qui  mérite  l'entière  confiance  soit  du  Gouvernement, 
soit  du  professeur  d'anatomie  qui  fait  ses  cours  au  théâtre  anato- 
mique du  grand  hôpital  susnommé. 

Le  28  novembre,  le  Gouvernement  fit  demander  l'avis  de 
la  Commission  de  S.  Maria  Nuova.  Celle-ci  répondit,  le  3  dé- 
cembre, que  le  remplaçant  du  pétitionnaire  serait  le  Docteur 
Lippi,  sur  le  compte  duquel  ni  elle  ni  le  professeur  d'anato- 


ANTONMARCHI     ÉTAIT-IL     MÉDECIN  69 

mie  n'avaient  rien  à  objecter.  Elle  proposait  d'accorder  le 
congé,  ce  qui  fut  fait  le  5  décembre.  Le  7,  le  Surintendant  des 
Infirmeries  était  chargé  d'informer  le  postulant  de  la  déci- 
sion souveraine  ;  il  pouvait  quitter  la  Toscane  pendant  six 
mois  pour  aller  à  Londres. 

Mais  les  choses  prenaient  une  tournure  plus  décidée.  Le 
19  décembre,  Fesch  annonçait  à  Antonmarchi  son  choix 
définitif:  il  le  nommait  officiellement  médecin  de  l'Empe- 
reur. N'ayant  plus  rien  à  faire  à  Florence,  Antonmarchi  de- 
manda alors  sa  radiation  définitive  des  registres  de  l'hôpital 
de  S.  Maria  Nuova  et  de  ceux  de  l'Université  de  Pise.  Le  29 
décembre,  le  ministre  Corsini  donnait  sa  réponse  à  la  Com- 
mission de  l'hôpital  : 

S.  A.  L  et  R.,  à  qui  l'on  a  présenté  les  instances  du  professeur 
Antonmarchi,  Corse,  tendant  à  obtenir  sa  démission  définitive 
du  poste  de  dissecteur  anatomique  dans  cet  hôpital  L  etR.,  a  dai- 
gné lui  accorder  sa  démission  le  dispensant  de  tout  service  ulté- 
rieur. J'ai  l'honneur  de  vous  communiquer  cette  décision  pour 
que  vous  la  fassiez  connaître  audit  professeur. 

CORSIM 

Ainsi  le  petit  chirurgien  de  Florence  entrait  dans  l'his- 
toire. 


Voilà  les  documents  et  les  faits.  Il  reste  à  étudier  à  leur 
lumière  la  valeur  médicale  d'Antonmarchi,  à  peser  les  griefs 
d'ignorance  qu'on  lui  a  faits,  à  admettre  ou  à  écarter  les  ac- 
cusations dont  il  a  été  l'objet. 

En  dehors  des  phrases  générales,  des  épithètcs  malveil- 
lantes de  «  barbier  corse  »,  d' «  apothicaire  de  comédie  », 
d' «  anatomiste  envoyé  exprès  pour  l'autopsie»,  qui  aigrissent 
la  discussion  sans  l'éciairer,  quelles  sont  les  charges  profes- 
sionnelles précises  relevées  contre  lui?  Dans  l'ordre  des 
faits:  de  n'avoir  point  été  reçu  docteur  en  chirurgie  de  l'Uni- 
versité Impériale;  de  n'avoir  pas  été  nommé  par  le  Grand 
Mailre,  F'ontanes,   prosecteur  de   l'Académie   de   Pise  avec 


70  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

résidence  à  Florence  ;  de  n'avoir  «  pratiqué  sur  vivants  ni 
Florentins  ni  Pisans  ».  Dans  l'ordre  des  affirmations:  de 
n'avoir  point  apporté  de  preuves  de  son  titre  de  docteur  en 
médecine  et  en  philosophie  de  l'Université  de  Pise  ;  de  s'être 
dit  «  professeur  d'anatomie  »  à  l'Université  de  Pise.  Telle  est, 
semble-t-il,  la  totalité  des  griefs  articulés  contre  lui  avant 
son  départ  pour  Sainte-Hélène  *.  Quelle  en  est  la  valeur? 

Les  documents  publiés  ici  ont  répondu  d'avance  à  l'ac- 
cusation de  n'avoir  pas  été  nommé  directement  prosecteur 
de  l'Académie  de  Pise  par  le  Grand  Maître.  Pour  sa  vie  chi- 
rurgicale, elle  date  du  27  janvier  1812  et  s'est  continuée  à 
Livourne  et  à  Florence  jusqu'au  départ  pour  Sainte-Hélène. 
Si  nous  n'avons  pas  ici,  comme  pour  sa  vie  officielle,  des 
documents  officiels  constatant  la  plus  ou  moins  grande  af- 
fluence  de  clientèle  —  et  pour  quel  médecin  pourrait-on  pré- 
senter de  semblables  documents?  —  nous  avons,  dans  les 
notes  de  la  police  qui  l'a  surveillé,  l'affirmation  très  nette 
de  sa  pratique  chirurgicale.  Quant  à  supputer  l'importance 
de  la  clientèle  du  Borgo  dei  Greci,  c'est  bien  impossible.  On 
a  pu  supposer  que  sa  profession  d'anatomiste  à  S.  Maria 
Nuova  tenait  x\ntonmarchi  éloigné  de  la  «  chair  vivante»; 
que  c'était  là  profession  d'homme  de  laboratoire,  non  de 
chirurgien  pratiquant  telle  que  nous  la  concevons  aujourd'hui. 
Il  n'en  était  pas  ainsi  à  une  époque  où  les  connaissances 
anatomiques  poussées  beaucoup  plus  loin  que  les  études  de 
pathologie  ne  nuisaient  point  à  la  réputation  et  à  l'habileté 
professionnelles,  mais  où,  au  contraire,  la  qualité  d'anato- 
miste renforçait  la  valeur  du  chirurgien.  Le  professeur 
Andréa  Vaccà,  si  estimé  des  Bonaparte  et  une  des  lumières 
de  la  chirurgie  italienne  de  l'époque,  était  appelé  «  chirur- 
gien anatomiste  à  Pise  ».  Au  point  de  vue  de  sa   clientèle, 

1.  Je  ne  parle  pas,  bien  entendu,  de  la  ridicule  accusation  portée  par 
Hoefer,  dans  la  Biographie  générale,  à  savoir  que  les  deux  ouvrages  d'Antonmar- 
chi,  l'un  sur  le  choléra,  l'autre  sur  les  vaisseaux  lymphatiques,  n'existent  pas. 
Il  suffit  de  se  présenter  dans  une  bibliothèque  publique  pour  y  trouver  le  Mé- 
iitoirc  sur  la  non  existence  de  la  communication  normale  des  vaisseaux  lymphati- 
ques et  des  ueines  (publié  en  1829),  et  les  Mémoires  et  observations  sur  le  cho- 
luré  ntorbus  régnant  à  Varsovie   (publié  en  1831). 


ANTONMARCHI    ÉTAIT-IL    MÉDECIN  71 

son  titre  de  prosecteur  à  S.  Maria  Nuova  ne  pouvait  donc 
qu'être  utile  à  Antonmarchi. 

Restent  les  affirmations  non  suivies  de  preuves.  Anton- 
marchi a  dit  à  Napoléon  (Mémoires,  I,  85)  qu'il  avait  été 
reçu  docteur  en  médecine  et  en  philosophie  de  l'Université 
de  Pise,  et,  chose  très  probable,  il  ne  lui  a  pas  montré  son 
diplôme.  Mais  les  Archives  de  l'Université  n'en  certifient 
pas  moins  qu'il  l'avait  acquis,  à  la  date  du  13  mars  1808. 
Enfin,  il  y  a  l'a  affirmation  »  d'Antonmarchi  d'avoir  été  »  pro- 
fesseur d'anatomie  ».  Cette  accusation,  formulée  pour  la  pre- 
mière fois  en  1823  par  les  héritiers  de  Mascagni  à  la  fin  de 
leur  lettre  au  Comte  de  Lasteyrie,  a  été  reprise  depuis,  no- 
tamment par  la  Biographie  Générale,  et,  en  dernier  lieu,  par 
M.  Masson  (Autour  de  Sainte-Hélène,  III,  228,  229).  Ici  il 
convient  de  discerner  ce  qu'Antonmarchi  a  dit  tui-même  et 
ce  qu'on  a  dit  à  son  sujet.  Lui  n'a  jamais  écrit  avoir  été  pro- 
fesseur d'anatomie  :  a  En  1812  j'obtins  de  l'Université  Impé- 
riale le  diplôme  de  docteur  en  chirurgie.  Le  Grand  Maître 
me  nomma  prosecteur  d'anatomie,  attaché  à  l'Académie  de 
Pise  ».  Voilà  ce  qu'il  dit  à  Napoléon  (Mémoires,  I,  85).  En- 
tre professeur  et  prosecteur  il  y  a  une  différence  appréciable, 
même  pour  ceux  qui  sont  peu  versés  dans  les  sciences  mé- 
dicales, et  il  eût  été  bien  simple  de  transcrire  le  texte  d'An- 
tonmarchi. 

Pour  l'accusation  des  héritiers  Mascagni,  elle  ne  le  touche 
point.  Il  est  bien  vrai  que  le  mot  <( professeur  d'anatomie»  se 
trouve  dans  le  premier  prospectus  par  lequel  le  Comte  de 
Lasteyrie  annonçait  l'apparition  des  planches  anatomiques 
d'Antonmarchi.  Mais,  en  bonne  justice,  il  est  impossible  de 
mettre  au  compte  de  celui-ci  l'affirmation  de  son  éditeur.  Il 
y  avait  alors  entre  les  héritiers  Mascagni  et  Lasteyrie  un 
conflit  matériel  qui  suffit  à  expliquer  le  désir  de  l'éditeur 
français  de  faire  «valoir»  son  auteur,  et  celui  des  éditeurs 
italiens  empressés  à  dénigrer  une  concurrence.  Mais  Anton- 
marchi n'a  rien  à  voir  dans  ce  débat.  Sur  le  prospectus 
qu'il  inséra  à  la  suite  de  ses  Mémoires  il  fit  imprimer  :  «  Les 


72  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

planches  que  publie  le  docteur  Antonmarchi,  ex-prosecteur 
d'anatomie  à  l'hôpital  de  S.  Maria  Nuova  à  Florence,  atta- 
ché à  l'Université  de  Pise...  »  Ce  qui  était  rigoureusement 
vrai. 

Ainsi  tout  ce  qu'il  a  écrit  dans  ses  Mémoires,  relatif  à 
ses  titres  ou  à  ses  travaux  à  Florence,  est  exact,  tout  est  com- 
firmé  par  les  documents.  Il  n'était  donc  point  sans  «aucune 
connaissance  »,  comme,  le  18  décembre  1819,  l'affirmait  si 
dédaigneusement  au  Roi  Louis  Bonaparte,  Planât,  exaspéré 
de  l'insuccès  de  son  ami  Foureau  de  Beauregard  {Vie  de 
Planât  de  la  Faye,  I,  366).  Et  il  ne  perdait  rien  à  être  com- 
paré à  O'Méara,  à  Stokoë  ou  à  Arnott,  tous  praticiens  mé- 
diocres, uniquement  formés  à  la  rude  école  des  guerres  d'un 
moment  où  le  diagnostic  n'avait  guère  le  temps  de  s'affiner. 
D'ailleurs,  sans  prétendre  discuter  ici  la  question  si  com- 
plexe de  la  maladie  de  Sainte-Hélène,  un  médecin  de  plus 
grande  notoriété,  tel  Foureau,  ou  même  Corvisart,  n'aurait 
probablement  pas  mieux  réussi  à  traiter  un  cas  récemment 
encore  qualifié  de  «  compliqué  et  très  difficile  »  S  et  pour 
lequel  il  aurait  fallu  les  ressources  du  laboratoire  moderne. 
Encore  ne  s'agit-il  que  du  diagnostic,  car  le  traitement,  à  sup- 
poser qu'il  fût  possible,  nécessitait  le  consentement  de  Na- 
poléon, et  l'on  sait,  parla  répugnance  que  l'Empereur  marqua 
à  obéir  aux  prescriptions  d'Antonmarchi  relatives  à  la  marche 
et  à  l'exercice,  combien  le  Malade  était  difficile. 

Par  ses  études  premières,  par  ses  travaux  d'hôpital  et 
par  sa  pratique  de  clientèle,  Antonmarchi  méritait  donc  le 
cas  que  Fesch  faisait  de  lui  comme  chirurgien.  Mais  pourquoi 
Fesch  envoyait-il  un  chirurgien  ?  Ce  n'est  point  ici  le  lieu 
d'en  discuter.  Il  suffit  de  constater  que  la  valeur  scientifique 
d'Antonmarchi  sort  grandie  de  l'examen  détaillé  de  ses  titres 
et  de  la  mise  en  lumière  de  sa  vie  médicale.  Et  cela  doit 
donner  à  toute  la  partie  médicale  de  ses  Mémoires  un  regain 
de  force  et  de  valeur  qu'on  ne  lui  avait  guère   attribué  jus- 

1.  Henri  de  Varigny,  Journal  des  Débats,  14  janvier  1913. 


ANTONMARCHl     ÉTAIT-IL    MÉDECIN  73 

qu'ici.  S'il  n'a  point  réussi  à  guérir  son  illustre  malade,  c'est 
que  celui-ci  était  inguérissable  à  son  époque.  Il  le  serait 
probablement  aussi  à  la  nôtre.  Car  la  médecine,  comme  la 
plus  belle  fille  du  monde,  ne  peut  donner  que  ce  qu'elle  a. 

Albert  Espitalier. 


ROYÈRE 

ACQUÉREUR  DU  COUVENT  DE  GEXTILLY 


A  SORGUES 


La  Revue,  dans  le  numéro  de  juillet-septembre  1914,  a 
publié  quelques  documents  relatifs  à  l'acquisition,  par  le 
conventionnel  Rovère,  du  domaine  de  la  Coste  appartenant 
au  marquis  de  Sade. 

Pour  nous  conformer  à  l'ordre  chronologique,  nous  au- 
rions peut-être  dû  faire  paraître  d'abord  l'acte  d'adjudication 
du  domaine  de  Gentilly  à  Sorgues  ;  ce  fut  la  première  acqui- 
sition immobilière  de  Rovère  et  la  première  manifestation 
d'une  fortune  assez  inattendue  et  assez  surprenante  pour  qui 
connaît  la  détresse  à  laquelle  se  trouvait  réduit,  en  1789  *, 
l'ex-capitaine  de  la  garde  suisse  du  vice-légat. 

Nous  donnons  aujourd'hui  cet  acte,  d'après  une  copie 
ancienne. 

Extrait  du  registre  cotté  A'"  1  fol.  ikA  des  ventes  faites  par  le 
directoire  du  district  d'Avignon  déposé  aux  archives  Générales  de  la 
préfecture  de  Vaucluse. 

Du  quinzième  jour  du  second  mois  de  l'an  second  (5  9  '"'•^  1793) 
à  la  poursuite  et  diligence  du  citoyen  Hipolite  Milon  délégué  par 
le  procureur  général  sindic,  deux  officiers  municipaux  du  lieu  de 
Sorgues,  duement  convoqués  et  ne  s'étant  point  présentés,  par 
devant  les  soussignés  administrateurs,  le  citoyen  Trie  faisant  les 

1.  Cf.  Rovère  arrêté  pour  dettes   en   1789,  dans  la  Revue  historique  de  la  Révo- 
lution /"rançatse  de  janvier-mars  1911,  pp.  92-94. 


ROVÈRE  ACQUÉREUR  DU  COUVENT  DE  GENTILLY         75 

fonctions  de  procureur  sindic  en  absence,  et  nous  secrétaire  du 
district  d'Avignon  département  de  Vaucluse.  Ensuite  des  affiches 
et  annonces  dont  ù  la  première  enchère  du  trente  du  premier  mois, 
pour  la  vente  dun  baliment,  couvent  et  terres  du  ci-devant  Gen- 
tily  de  Sorgues,  situés  au  dit  lieu  de  Sorgucs  et  en  son  terroir, 
dans  laquelle  première  enchère  personne  ne  se  présenta  pour 
faire  des  offres  et  duquel  effet  la  désignation  suit  : 

1°  Une  terre,  bâtiment  et  couvent  des  Célestins  de  Gentilly  de 
Sorgues,  consistant  la  dite  terre  en  un  bosquet  au  Nord,  de  deux 
saumées,  trois  eminées,  trois  cosses  ',  un  grand  bassin  et  plu- 
sieurs allées  d'arbres  tout  autour,  contenant  sept  Eminées  situées 
au  midi  dudit  couvent,  un  petit  parterre  entouré  de  la  Sorgue, 
dans  l'enceinte  dudit  couvent,  une  grande  basse-cour,  dans  l'en- 
ceinte du  susdit  couvent  un  bâtiment  pour  la  ménagerie  au  midi, 
une  grande  écurie,  une  grande  bassecour  entre  deux.  Plus  et  enfin 
une  terre  de  pâturage,  verger,  hermas,  pré  et  jardin  complanté 
d'arbres  fruitiers,  mûriers,  saules,  peupliers  et  ormeaux,  confron- 
tant au  levant  le  chemin  du  petit  Badaffier,  au  midi  les  citoyens 
Général,  Lamie  et  Brantes,  du  couchant  le  chemin  de  ponissard, 
au  Nord  le  citoyen  Bermond  et  ses  autres,  contenant  tous  les 
objets  ci-dessus  quarante  sept  salmées,  quatre  eminées  et  quatre 
cosses,  le  tout  estimé  septante  cinq  mille  livres,  d'après  le  rapport 
estimatif  N"  13  fait  par  les  citoyens  Félix  Combe,  Argilier  et  Jean 
Martin  experts  du  district  le  quatorze  octobre  dernier  (vieux  stile) 
et  déposé  à  la  municipalité  de  Sorgues  au  bureau  des  travaux  pu- 
blics. 

Il  a  été  procédé  à  la  dernière  enchère  et  adjudication  définitive 
du  domaine  ci -dessus  désigné.  —  Joseph  Xavier  fialon  trompeté 
subrogé  du  district  a  annoncé  aux  assistans  ladite  adjudication  il 
a  été  fait  lecture  par  le  secrétaire  des  articles  de  la  loi  concernant 
la  vente  des  biens  nationaux,  celle  des  articles  généraux  dressés 
et  approuvés  par  le  directoire  et  ceux  également  approuvés  parle 
Directoire  particulièrement  pour  l'objet  ci-dessus. —  Ledit  procu- 
reur sindic  en  absence  a  encore  annoncé  aux  assistans  que  les 
dits  objets  mentionnés  ci-dessus  avoient  été  estimés  par  les  susdits 

1.  Eiminado,  ancienne  mesure  agraire  équivalente  à  8  ou  10  ares  ; 

Cosso,  vingtième  ou  douzième  partie  de  l'eniine  ; 

Saumado,  mesure  de  superficie  équivalente  à  70  ares  en  Provence. 

f  Mistral,  Dictionnaire  du  filibrige). 


76  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

experts  à  la  somme  de  septante  cinq  mille  livres  et  qu'il  y  avait 
une  soumission  égale  à  l'estime.  =  Un  premier  feu  a  été  allumé 
Joseph  Stanislas  Rovère  a  surdit  et  en  a  fait  l'offre  de  septante 
six  railles  livres,  Limasset  septante  sept  mille  livres,  le  dit  Rovère 
septante  sept  mille  cinq  cent  livres,  le  dit  Limasset  septante  huit 
mille  livres,  le  dit  Rovère  quatre- vingt  mille  livres,  le  dit  Limasset 
huitante  un  mille,  le  dit  Rovère  huitante  deux  mille  livres,  le  dit 
Limasset  huitante  deux  mille  cinq  cent  livres. 

Un  second  feu  allumé  Georges  Dahry  en  a  offert  huitantetrois 
mille  livres,  le  dit  Limasset  huitante  quatre  mille.  =  Un  troisième 
feu  allumé  Jean-Joseph  Bertet  en  a  fait  l'offre  de  huitante  quatre 
mille  cinq  cent,  le  dit  Rovère  huitante  cinq  mille,  Agricol  Moreau 
nouante  mille,  André  Brunet  nouante  mille  cinq  cent,  Jean  Julian 
nonante  un  mille  livres,  le  dit  Rovère  nouante  un  mille  cinq  cent 
livres. 

Un  quatrième  feu  allumé  personne  n'a  surdit. 

Enfin  une  cinquième  et  dernière  bougie  franche  ayant  brûlé  et 
s'étant  éteinte  sur  l'offre  de  nonante  un  mille  cinq  cent  livres, 
l'adjudication  définitive  du  domaine  ci-dessus  désigné  a  été  pro- 
clamée par  le  dit  procureur  sindic  en  absence  en  faveur  du  citov'en 
Joseph  Stanislas  Rovère  propriétaire  et  natif  de  Bonnieux,  lequel 
a  promis  sous  obligation  de  tous  ses  biens  d'entretenir  le  bail,  de 
remplir  les  conditions  portées  parles  articles  mentionnés  ci-dessus 
et  notamment  de  se  conformer  à  l'art.  V  titre  trois  de  la  loi  du  14 
Mai  1790  pour  le  payement  dudit  domaine,  savoir  douze  pour  cent 
comptant  dans  la  quinzaine  à  dater  de  ce  jour  et  le  restant  du 
payement  en  douze  payements  égaux  d'année  en  année  et  ont 
signé  à  Avignon  les  an  et  jours  susdits.  —  Trie,  ad.,  Julljan,  ad., 
Mercier,  ad.,  Darmagnac,  ad.,  Milon,  délégué,  J.-S.  Rovère, 
Bourges,  secrétaire,  ainsi  signés.  —  Collationné  conformée  l'ori- 
ginal. Pour  l'archiviste  Bérard.  Le  secrétaire  général  de  la 
Préfecture,  Chevalier  de  l'ordre  Royal  et  Militaire  de  St-Louis  : 
Fléchier. 

Malgré  leur  sécheresse  administrative,  les  indications 
contenues  dans  le  procès-verbal  d'adjudication  permettent 
de  se  rendre  compte  de  la  grandeur  et  de  la  richesse  du 
couvent  des  Célestins.  Courtet,  dans  son  Dictionnaire  des 
communes  du   département   de    Vaucîuse,   lui    consacre  une 


ROVÈRE  ACQUÉREUR  DU  COUVENT  DE  GEXTILLY         77 

notice  assez  étendue  :  «  Le  couvent  des  Célestins  de  Gen- 
tilly,  situé  à  peu  de  distance  de  Sorgues,  datait  du  milieu  du 
14^  siècle.  C'était  un  séjour  délicieux  à  cause  des  belles  eaux, 

des  jardins  et  de  l'édifice  en  lui-même Ce    magnifique 

domaine  fut  adjugé  à  vil  prix  au  représentant  Rovère  '.» 

Actuellement,  les  jardins  sont  occupés  par  des  fabriques, 
les  bâtiments  conventuels  ont  été  morcelés  et  appartiennent 
à  plusieurs  propriétaires.  Malgré  cette  dévastation  les  débris 
des  édifices  sont  encore  imposants. 

M.  Arnaud,  ancien  secrétaire  de  la  Mairie  d'Avignon, 
m'écrivait  récemment  :  «  Je  connais  des  fractions  de  l'ancien 
domaine  de  Gentilly.  Je  les  ai  visitées  entre  les  mains  de 
leurs  divers  propriétaires.  D'après  ce  qui  en  reste,  parcs, 
ombrages,  sources,  bâtiments,  cloîtres  en  ruines,  etc.,  on 
peut  juger  de  l'importance  du  domaine  des  Célestins  ;  ces 
débris  ont  conservé,  bien  que  divisés,  une  telle  grandeur 
qu'ils  imposent  à  notre  esprit  une  impression  de  puis- 
sance. » 

Cet  achat  fit  scandale  par  suite  de  la  disproportion  entre 
la  valeur  attribuée  à  Gentilly  par  l'opinion  publique,  soit 
500.000  francs,  et  le  montant  de  l'adjudication  qui  ne  s'était 
élevée,  comme  nous  l'avons  vu,  qu'à  91.500  livres  en  assi- 
gnats. 

«  Cette  acquisition,  dit  M.  le  D""  Laval,  fut  souvent 
reprochée  à  Rovère  par  ses  ennemis  politiques  commentant 
une  immense  escroquerie.  »  * 

MM.  Jouve  et  Giraud-Mangin  ^  font  observer,  en  faveur 
de  Rovère,  que  les  appréciations  après  coup  d'une  valeur 
aussi  aléatoire  et  aussi  changeante  que  celle  des  biens  na- 
tionaux, n'ont  en  général  pas  de  bases  sérieuses  et  les 
reventes  faites  postérieurement  ont  démontré  souvent  leur 
inanité. 


1.  CouRTET,  Dict.  des  conimunex  du  Départ,  de    Vancluse,  p.  318. 

2.  D'  Laval,  Lettres  inédites  de  J.-S.  Rovère,  p.  70,  note  3. 

3.  Jouve  et  Giuaud-Mangin,  Correspondance  intime  de  Rovère   avec  Goupilleau 
de  Montaigu,  p.  18,  note  2. 


78  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

On  peut  retrouver  une  trace  de  l'impression  produite  en 
Avignon  par  cette  affaire,  dans  une  note  écrite  par  Agricol 
Moureau,  45  ans  après  ces  événements  : 

Indigné  de  la  conduite  du  représentant  Rovère,  qui  eut 
l'impudence  de  venir  en  personne  assister  aux  enchères  d'un 
superbe  domaine,  j'eus  l'audace  de  couvrir  Toffre  faite  en  son 
nom,  il  ne  me  le  pardonna  pas  *,  et  quelques  jours  après,  il  me  fit 
arrêter  par  son  ancien  général  Jourdan  coupe-têle  et  traduire  à  la 
conciergerie  de  Paris.  - 


L'affaire  était  bonne.  Rovère  tenta  de  la  rendre  encore 
meilleure.  Il  aurait  voulu  ne  rien  payer  du  tout. 

Le  9  Brumaire  an  III,  il  écrit  à  son  collègue  Goupilleau 
(de  Montaigu),  alors  en  mission  dans  le  Midi,  en  parlant 
des  habitants  de  Sorgues  :  «  ils  m'ont  adopté  pour  leur 
concitoyen,  et  m'offrent  en  présent  le  domaine  que  j'ai  acheté 
dans  leur  commune  »  ^. 

En  effet,  quelques  jours  après,  le  13  Brumaire,  le  conseil 
général  de  la  commune  de  Sorgues  décida  qu'il  serait  fait 
une  attestation  signée  des  membres  du  conseil  général  de  la 
commune  et  des  autres  citoj'ens  pour  l'envoyer  à  la  Con- 
vention nationale  en  faveur  de  Rovère,  adjudicataire  des 
ci-devant  Célestins  de  Sorgues,  pour  prouver  l'offre  qui  lui 
fut  faite  d'accepter  cette  maison  au  même  prix  qu'elle  aurait 
été  vendue  aux  enchères  publiques,  en  reconnaissance  des 
services  insignes  qu'il  avait  rendus  à  cette  commune  *. 

La  bonne  volonté  des  habitants  de  Sorgues  resta  stérile. 
Rovère  dut  continuer  à  s'acquitter  de  sa  dette,  ainsi  qu'il 
résulte  d'une  quittance  à  lui  délivrée,  le  4  pluviôse  an  IV, 
par  le  receveur  des  domaines  au  bureau  d'Avignon  : 

1.  Agricol  Moureau  était,  depuis  la  fin  du  mois  d"aoùt  1793,  membre  du  Di- 
rectoire du  nouveau  département  de  \'aucluse. 

2.  Note  inédite. 

3.  JoLYE  et  Girauu-Mangin,  op.  cit.,  p.  141. 

4.  Laval,  o;j.  cit.,  p.  70,  note  ;  Jovve  et  GntAUD-MANGix,  p.  142,  note  1. 


ROVÈRE  ACQUÉREUR  DU  COUVENT  DE  GENTILLY         79 

Je  soussigné  receveur  des  domaines  au  Bureau  d'Avignon  ai 
reçu  du  citoyen  Joseph-Slanislas  Rovère  de  Bonnieux  acquéreur 
du  domaine  de  Genlily  des  ci-devant  Célestins  de  Sorgues  par  ad- 
judication du  4  9bre  1793  au  prix  de  91500  fr.  la  somme  de  dix 
neuf  cent  trente  sep  livres  en  une  rescription  du  cit.  Vial  caissier 
de  la  trésorerie  nationale  du  5  nivôse  d"^  n"  107  =  Savoir  :  Intérêt 
du  capital  restant  9'  12^  35 

Entier  payement  1927     7      9 

1937  fr. 

A  Avignon  le  4  pluviôse,  an  quatrième. 

Signé  :  Croze  (?) 

Rovère,  administrateur  habile  et  vigilant,  ne  laissa  pas, 
on  peut  en  être  assuré,  péricliter  entre  ses  mains  le  domaine 
qu'il  venait  de  se  faire  adjuger.  Il  était  aidé  dans  l'exploita- 
tion de  ses  propriétés  par  son  frère  Siméon-Stylite,  ancien 
évêque  constitutionnel  du  département  de  Yaucluse. 

Nous  trouvons  dans  la  correspondance  avec  Goupilleau 
de  Montaigu  une  preuve  de  ses  talents  à  cet  égard.  Goupil- 
leau, invité  à  aller  visiter  ce  que  Rovère  appelle  sa  chaumière, 
lui  rend  compte,  dans  une  lettre  du  5  vendémiaire  an  III, 
du  plaisir  que  lui  a  causé  son  excursion  à  Bonnieux  '. 

Je  suis  parti,  écrit-il,  de  cette  vilaine  ville  (Apt),  pour  aller 
respirer  l'air  pur  de  Bonnieux.  J'y  étois  attendu  chez  toi  et  j'en  ai 
fait  les  honneurs  à  ton  ancien  curé  et  Dupuy,  Magnon  et  six  ou 
sept  patriotes  qui  m'y  ont  accompagné.  Ton  majordome  y  a  sé- 
rieusement officié.  Nous  avons  mangé  comme  des  ogres  et  bu 
comme  des  Templiers,  à  la  santé  de  la  République  d'abord  et 
ensuite  à  la  tienne,  à  celle  de  ta  femme,  à  celle  de  ton  frère,  à  celle 
de  Freron.  J'en  ai  compté  jusqu'à  trente.  Je  ne  me  suis  pas  con- 
tenté de  ton  vin,  j'ai  voulu  boire  de  ton  eau  qui  sort  au  pied  de  ta 
maison,  comme  une  seconde  fontaine  de  Vaucluse  ;  je  me  suis 
promené  dans  ton  jardin,  j'ai  admiré  tes  belles  prairies,  j'y  ai  vu 
une  compagnie  de  paons  faire  la  guerre  aux  cigales  ,  j'ai  vu  tes 
lapins  donner  et  chercher  un  asile  jusque  dans  tes  caves  ;  j'ai  vu 
dans  le  roc  vif  la  cuve  où  tu  fais  ton  bon  vin  blanc  ;  j'ai  diné  au 

1.  Joi'VE  et  Giraud-Mangin,  op.  cit.,  p.  94. 


80  REVUE  HISTORIQUE    DE  LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

milieu  de  tes  nièces  et  de  toi  ;  mais  tu  n'y  étais  qu'en  peinture  et 
j'aurais  voulu  t'y  voir  en  réalité.  Ce  n'est  qu'avec  regret,  mon  ami, 
que  j'ai  quitté  ton  habitation  sauvage  et  pittoresque  ;  mais  tu  le 
sais,  je  ne  suis  pas  ici  seulement  pour  mon  plaisir. 

Sans  mettre  en  doute  la  sincérité  de  cette  affirmation,  on 
peut  remarquer  que  Goupilleau  ne  laisse  pas  échapper  les 
occasions  d'oublier  les  soucis  de  la  politique. 

Quelques  jours  après,  le  15  vendémiaire,  il  est  à  Cette, 
d'où  il  écrit  à  Rovère  : 

Nous  sommes  ici  d'hier,  nous  avons  trouvé  le  temps  dans  un 
jour  et  demi  d'y  faire  tout  le  bien  que  nous  avions  à  y  faire  et  en 
outre  d'y  boire,  d'y  manger,  et  d'y  rire  tout  notre  saoul,  voire 
même  de  m'y  promener  sur  la  mer  '. 

Rovère  avait  été  satisfait  de  la  visite  de  son  collègue  à 
Bonnieux,  du  moins  il  le  lui  dit  : 

Tu  ne  saurais  croire  le  plaisir  que  nous  avons  éprouvé  ma 
femme,  mon  frère  et  moi  en  lisant  ta  charmante  lettre,  concernant 
l'herraitage  de  nos  pères  ;  avec  quelle  amitié  tu  descends  dans  les 
plus  légers  détails  pour  nous  dédommager  de  la  privation  de  ne 
pas  te  recevoir  nous  mêmes  dans  nos  antres  et  nos  rochers. 

Ah  !  mon  ami  si  après  notre  session,  après  l'aflermissement  de 
la  liberté  et  du  bonheur,  tu  voulois  accepter  un  logement  à  Sor- 
gues  ou  à  Bonnieux  avec  ta  femme  et  tes  enfants,  en  attendant 
quêtes  possessions  soient  rétablies  dans  la  Vendée,  tu  comblerais 
tes  amis  de  faveur  et  tu  recevrois  chaque  jour  les  témoignages 
bien  mérités  de  l'estime  et  de  la  reconnaissance.  Je  suis  charmé 
que  mon  ancien  domestique  ait  secondé  mes  vues  en  vous  dédom- 
mageant de  la  fatigue  par  la  bonne  chère.  Je  lui  écris  pour  lui  en 
témoigner  toute  ma  gratitude  -. 

Rovère  était-il  bien  sincère  dans  ses  remerciements  et 
dans  ses  offres  de  service  ?  Peut-être  en  l'an  III.  Mais  en 
nivôse  an  V  les  relations   si  cordiales  entre  les  deux  amis 

1.  Jouve  et  GinAiD-MAXGis,  op.  cit.,  p.  107. 

2.  Jouve  et  Giraud-Mxngin,  op.  cit.,  p.  106. 


ROyÈRE  ACQUÉREUR  DU  COUVENT  DE  GEXTILLY         81 

sont  singulièrement  refroidies.  L'estime  et  la  reconnaissance 
ont  fait  place  à  d'autres  sentiments.  La  politique  vient,  elle 
aussi,  aggraver  le  désaccord.  Goupilleau  reste  fidèle  aux 
idées  républicaines  et  entre  même  en  correspondance  avec 
Agricol  Moureau  *,  tandis  que  Rovère  accentue  l'évolution 
qui  doit  le  mener  à  Sinnamary.  On  peut  lire  dans  une 
lettre  adressée  à  son  confident  habituel,  son  frère  :  a  Gou- 
pilleau ïivrogne  est  fort  fâché  de  ce  que  les  terroristes 
n'aient  pas  le  dessus  dans  notre  département.  »- 

L'épithète  est  vive,  surtout  venant  d'un  ancien  ami.  Est- 
elle imméritée  ?  On  n'oserait  trop  l'affirmer,  surtout  si  l'on 
se  souvient  des  trente  santés  portées  lors  de  la  visite  de 
Goupilleau  à  Bonnieux. 

Lucien  Peise. 


1.  Lavai.,  op.  cit.,  lettre  du  11  ventôse  an  V,  p.  213. 

2.  Lavai.,  lettre  du  23  nivôse  an  Y,  p.  187. 


KI-.V.   Illsr.  DE   L\  RKVOL. 


SOUVENIRS  INÉDITS 

DE  J.-P.  PICQUÉ 

DÉPUTÉ  DES  HAUTES-PYRÉNÉES  A  LA  CONVENTION 
(Suite  9 


AU   SERVICE   DE   LA   DUCHESSE  DE   VALENTINOIS 

(Suite) 

Nous  approchions  des  rives  du  Lignon.  C'était  le  lieu  et 
le  moment  de  recevoir  une  inspiration  puissante.  On  s'attend 
à  rencontrer  ses  jolies  bergères,  les  Philis,  les  Sylvies,  les 
Sylvandres,  les  Lycidas,  tant  célébrés  par  la  riante  imagi- 
nation de  d'Urfé.  Qu'on  aimerait  à  croire  à  ses  brillantes 
descriptions.  Elles  ont  disparu  et  laissent  des  regrets  aux 
amans  passionnés  des  temps  héroïques. 

Amour  est  mort,  le  pauvre  compagnon 
Fut  enterré  sur  les  bords  du  Lignon. 

0  profanation  !  Ce  siècle  met  en  vaudevilles  l'infortune 
d'Abailard,  on  appelle  Bégueles  la  Laura  Petrarca  (sic), 
Lucrèce,  l'Amintafavola.  Un  amaroso  de  mon  espèce,  n'étant 
pas  un  héros  de  roman,  je  ne  veux  pas  du  palais  d'Alcine, 
où  l'on  est  esclave  parce  qu'on  est  aimé  et  même  captif  des 
plus  gentilles  geôlières.  L'indépendance  est  ma  première  di- 
vinité. Je  ne  vivrai  que  pour  elle.  J'oublierai  des  liens  pom- 
peux et  si  importuns. 

1.  Voir  Revue  historique   de   la  Révolution  française  de  janvier-mars  et  avril- 
juin   1915. 


SOUVENIRS    INÉDITS     DE    J.-I'.      PICQL'É  83 

La  D...  en  quittant  l'Auvergne  n'a  remarqué  que  des 
chaudroniers,  des  ramoneurs  et  des  muletiers  ;  elle  se  dé- 
domage  des  contradictions  qu'elle  a  éprouvées  en  donnant 
l'essor  à  des  courses  insensées,  qu'on  tenterait  inutilement 
de  combattre.  Avec  une  absence  ridicule  de  raison,  d'un 
trait,  nous  franchissons  Lyon,  Genève,  et  de  Salanche  à 
Chamonni  (sic)  nous  arrivons  au  Montant  verd  (sic),  au 
Mont  Blanc,  ascension  périlleuse  et  sans  objet.  L'esprit  de 
cette  femme  ressemble  à  la  lanterne  magique,  elle  présente 
un  dérèglement  mental,  poursuivant  le  plaisir  sans  le 
trouver. 

La  rencontre  heureuse  des  savants  de  Saussure,  Senne- 
bier  et  Bourrit,  historiens  des  Alpes,  d'une  communication 
aimable  et  facile,  me  dédomage  des  fatigues  d'une  ascension 
folle  et  périlleuse,  changée  au  profit  des  découvertes  inté- 
ressantes. Nous  n'étions  pas  de  ces  habiles  voyageurs  qui 
s'enrichissent  de  connaissances  et  se  guérissent  de  préjugés 
de  la  sottise.  Plongés  dans  les  langueurs  de  la  satiété,  la 
paresse  nous  retient  dans  les  chaînes  que  l'habitude  resserre 
chaque  jour. 

Avant  de  quitter  Genève,  nous  avons  visité  l'Hôtel  de 
Ville,  S.  Pierre,  la  machine  hydraulique  qui  élève  l'eau  à 
plus  de  cent  pieds  de  hauteur  ;  la  bibliothèque,  les  manus- 
crits de  Calvin,  la  maison  où  est  né  J.-J.  Rousseau  '.  A  la 
suite  d'une  promenade  sur  le  beau  lac  de  Genève  (Léman) 
et  les  côtes  de  la  Savoye,  Evian,  Ripaille,  dévorés  par  des 
moines,  des  prêtres  et  la  plus  sale  misère,  nous  avons  salué 
Coppet  illustré  par  Xecker^et  sa  fille  M'""  de  Staël. 

Un  pèlerinage  à  Ferney  était  indispensable.  Ce  lieu  de- 
venu si  célèbre  renfermait  encore  les  reliques  du  grand  homme. 
Ce  nom  de  Voltaire  ira  à  jamais  étonner  et  instruire  les  siè- 
cles. Sa  maison  ou  plutôt  le  temple  du  génie  semble  faire 
partie  de  son  existence.  On  y  cherche  partout  les  traces  de 

1.  La  bibliothèque  renferme  des  manuscrits  sur  des  papyrus,  un  de  Térence 
du  IVt  siècle,  un  autre  de  Saluste.  Les  moines  ont  peint  les  Sénateurs  en  habit 
des  Chartreux.  Les  tablettes  de  Philippe  le  Bel.  {Note  de  Picqué) 


84  REVUE   HISTORIQUE  DE    L.V  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

ses  goûts,  de  ses  occupations  habituelles,  pour  alimenter  la 
vénération  et  la  curiosité  des  amis  des  lumières,  de  )a  gloire 
et  de  l'humanité!  Ils  iront  à  Ferney  non  comme  les  dévots 
vont  à  Laurete,  à  la  Mecque,  à  S.  Jacques  de  Compostelle; 
ils  iront  y  abjurer  les  crimes  du  fanatisme. 

Cette  maison  bien  distribuée  et  commode  n'a  ni  colonnes, 
ni  architecture  remarquable:  à  son  entrée  deux  escaliers  à 
droite  et  à  gauche  conduisent  à  deux  grands  appartements 
et  à  plusieurs  chambres.  Au  rez-de-chaussée  en  face,  servant 
d'antichambre,  une  assez  grande  pièce  carrée  renferme  un 
billard  et  des  tableaux  avec  cette  inscription  donné  par 
S.  As  (szc)  le  duc  d'Orléans  ;  à  gauche,  la  chambre  à  coucher 
et  la  bibliothèque  éclairés  par  des  croisées  donnant  sur  le 
jardin  conservent  à  côté  d'un  lit  sans  ornement  les  portraits 
de  Mme  Duchatelet  et  du  roi  de  Prusse.  De  l'autre  côté  du 
rez-de-chaussée  est  l'appartement  de  Mme  Denis,  le  garde- 
meuble,  la  cuisine  etc.  Du  jardin  assez  vaste  et  régulier  on 
découvre  la  chaîne  des  Alpes  et  le  lac  de  Genève.  A  côté  de 
la  maison,  on  trouve  la  salle  de  spectacle  et  l'église.  Sur  la 
porte  on  lit  Deo  Soli  Voltaire. 

Où  s'arrêtera  la  manie  de  courrir  le  monde  pour 
ne  rien  voir  et  ne  rien  apprendre  ?  C'est  trop  dire  : 
je  me  suis  convaincu  que  malgré  leur  paresse,  leur  éloigne- 
ment  de  l'industrie  des  habitans  des  Alpes,  ceux  des  Py- 
rennées  l'emportent  par  une  bonté  aimable  et  familière,  des 
habitudes  douces  qu'ils  doivent  à  un  climat  tempéré.  On  ne 
peut  pas  dire  des  Pyrénéens,  libres,  vifs,  enjoués,  «peuple 
dont  l'avide  métier  est  de  vendre  son  sang  à  qui  veut 
l'acheter  ». 

De  retour  à  Paris,  les  plaisirs  qu'il  offrait  et  dont  nous 
ne  jouissions  pas,  ce  perpétuel  tète-à-tète  dans  les  longues 
soirées  d'hiver,  les  contradictions  détruisirent  l'empire  des 
charmes,  le  seul  empire  qui  restait  à  la  D...  au  milieu  des 
caprices  et  des  inconséquences  que  les  hommes  sont  convenus 
d'excuser  aux  femmes  ;  les  torts  d'une  éducation  négligée  lui 
faisant  oublier  le  premier  art,  l'art  de  plaire  qui  n'est  plus  que 


SOUVENIRS    INÉDITS     DE     J.-P.     PICQUÉ  85 

la  nature,  lorsqu'il  embellit  pour  plaire,  mais  la  femme  qui  se 
croit  aimable  ne  faisant  rien  pour  être  aimable,  bientôt  délais- 
sée, est  punie  de  sa  négligence.  C'est  alors  que  nous  sommes 
forcés  d'admirer  l'ingénieuse  adresse  avec  laquelle  le  sexe 
le  plus  charmant  tire  parti  de  tout  pour  notre  intérêt.  En  ne 
se  contraignant  plus  avec  moi,  la  quinteuse  Principessa  per- 
dait en  agrément  ce  qu'elle  croyait  gagner  par  un  excès  d'a- 
bandon. Sa  beauté  disparaissait,  je  ne  voyais  plus  dans  cette 
femme  commune  qu'un  égoïsme  déguisé  ;  contente  d'appe- 
santir mes  chaînes,  de  passer  sa  vie  à  table  et  au  lit,  tout 
le  temps  qu'elle  ne  tourmentait  pas  son  existence  sur  les 
grands  chemins....  Quel  étrange  attachement!...  elle  compta 
trop  sur  ma  résignation.  Coquette,  mais  à  sa  manière,  n'ayant 
l'àme  ni  tendre,  ni  amoureuse,  ses  faiblesses  étaient  le  be- 
soin d'une  oisiveté  lâche,  qui  cherche  des  goûts  et  ne  sait 
en  analyser  aucun.  Ne  sachant  pas  se  contraindre,  elle 
ignora  le  secret  de  l'ingénieuse  Ninon,  qui  dès  ses  jeunes 
ans  sut  s'amuser  avec  raison  et  jusqu'à  son  hiver  raisonna 
ses  folies,  en  conservant  ses  amis. 

Le  tourment  d'une  vie  dont  je  voulais  inutilement  me 
dissimuler  la  honte  se  présentait  trop  souvent  devant  moi 
pour  n'en  pas  éprouver  des  vives  inquiétudes.  Dans  un  de 
ces  retours  naturels  aux  âmes  sensibles,  des  scrupules  s'élè- 
vent et  peuvent  n'être  pas  avoués  par  des  censeurs  prévenus 
ou  des  malins  railleurs  ;  ce  n'est  pas  à  eux  que  je  m'adresse. 
Je  cherche  le  calme  et  de  bonne  foi,  en  reconnaissant  qu'il 
est  possible  à  l'homme  de  faire  taire  une  sorte  d'humanité, 
de  mettre  fin  à  une  intrigue  aussi  facilement  qu'il  l'a  com- 
mencée, d'après  cette  maxime  qu  honnête  homme  en  amour 
est  un  sot  dans  le  monde.  Voj^ons. 

En  convenant  de  ma  sottise,  mon  embarras  est  de  maf- 
franchir  sans  danger  des  liens  d'une  femme  inconséquente, 
mais  qui  reposait  son  bonheur  en  quelque  sorte  sur  ma 
probité.  J'attendais  ma  délivrance  d'elle-même,  de  son  in- 
constance, en  me  persuadant  de  l'honneur  de  mon  sacrifice. 
Des  comb'ils  de  faiblesse  et  d'honneur  (maladie   de  l'incer- 


86  REVUE    HISTORIQUE   DE    LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

titude)  venaient  détruire  une  illusion  fortifiée  par  mon 
absolu  désintéressement,  usant  sans  faste  d'un  luxe  établi 
et  commandé  qui  ne  m'a  pas  plus  corrompu  que  mon  ha- 
bituelle médiocrité  ne  m'a  avili.  L'agrément  habituel  d'une 
voiture  m'a  fait  sentir  le  plaisir  et  le  besoin  d'aller  à  pied  ; 
incommodé  de  la  bonne  chère,  des  niaiseries  journalières 
de  l'opulence,  n'y  attachant  aucune  importance,  toujours 
prêt  à  les  quitter,  ah  I  c'est  bien  moi,  je  n'ai  pas  changé! 
Ma  liberté  fondée  sur  l'économie  de  mes  années  passées  à 
Barèges  venait  au  secours  de  mon  indiférance  sur  l'avenir 
et  de  ma  répugnance  à  toute  dépendance.  Ce  bienfait,  je  l'ac- 
quis encore  en  renonçant  à  une  profession  flétrie,  incommode 
et  rempante,  à  mon  peu  d'ambition,  maladies  dont  peu  de 
gens  sont  exempts.  Elle  m'a  éloigné  des  antichambres,  ber- 
ceaux de  la  fortune,  passion  humiliante,  sans  bornes  dans 
ses  désirs  et  sans  frein  dans  ses  égarements  :  divinité  qu'a- 
dorent les  héros,  les  voleurs,  les  courtisans  et  rarement  la 
source  des  vertus  et  d'un  bonheur  durable.  Qu'on  m'accuse, 
si  l'on  ose. 

Pour  une  entière  réconciliation  avec  moi-même,  j'ai 
besoin  de  l'exemple  que  le  stoïcisme  et  l'évangile  des  chré- 
tiens n'ont  pas  toujours  préservé  d'erreurs,  et  si  je  trouve 
que  des  hommes  d'une  trempe  forte  et  particulière  ont 
succombé,  sont  descendus  de  la  sublimité  et  des  hauteurs 
de  la  philosophie,  (sans  oser  prétendre  à  l'éclat  de  leurs 
vertus)  comment  ne  serais-je  pas  excusable  ?  Qui  suis-je 
pour  oser  imiter  les  grands  hommes  dans  leurs  erreurs  ? 
Ai-je  acquis  le  droit  d'être  vicieux  ?  N'importe,  j'érige  un 
tribunal.  Les  sages  y  sont  appelés. 

Le  divin  Socrale  aime  passionément  les  femmes  et  se 
console  des  querelles  de  Xantipe  dans  les  bras  d'Aspasie. 
Ne  dissimulant  aucune  de  ses  faiblesses  parce  qu'il  pouvait 
s'honorer  de  ses  vertus,  il  a  peu  d'imitateurs.  Tout  le  monde 
se  peint  en  beau,  les  hypocrites  si  nombreux  surtout,  ceux 
qui  confondent  une  abnégation  ridicule  des  sens  avec  la 
vertu,  oublient  sans  doulte  que  Socrate  sculpta  les  grâces  ; 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE     J,-P.     PICQUÉ  87 

Erasme  et  d'autres  savans    l'ont  invoqué  et  placé  dans    les 
litanies  des  saints. 

Zenon  admet  une  fois  sa  servante  dans  son  lit,  pour 
prouver  qu'il  ne  haïssait  pas  les  femmes  et  ne  lui  accorde 
pas  la  seconde  nuit  dans  la  crainte  de  passer  pour  son  es- 
clave. 

Flora,  Drusilla,  Agripine  ont  enlevé  à  Senèque  la  répu- 
tation d'homme  chaste  et  sage  dans  l'acception  vulgaire. 
(L'amour  de  spéculation  serait  ridicule  et  d'une  observation 
impossible  ;  Amiléon,  Mélanippe  traitaient  l'amour  comme 
Diogène). 

Ces  confessions  de  J.-J.  Rousseau,  quoique  mutilées,  en 
disent  assez  sur  les  goûts  d'un  sage  aussi  sincère  ami  de  la 
vérité. 

Comment  ne  serais-je  pas  rassuré  si  des  philosophes  je 
passe  aux  saints  les  plus  fameux  parmi  les   chrétiens  ? 

St.  Augustin  dans  ses  Confessions  nous  apprend  ses 
amours  avec  plusieurs  de  ses  maîtresses  et  sa  constance 
pour  la  charmante  Zoïlé,  sa  tendresse  pour  ses  enfants  et 
son  épouse  ;  son  âme  douce  s'attendrit  au  souvenir  des 
amours  et  des  malheurs  de  Didon. 

Jérôme,  lui  aussi  sanctifié,  dévoré  par  ses  austérités  au 
milieu  des  déserts  brulans  de  l'Afrique,  peint  avec  une 
amoureuse  et  sublime  énergie  ses  souvenirs  et  sa  passion 
pour  les  dames  romaines.  Est-ce  assez  ?...  Je  poursuis.  Eru- 
dition fastueuse,  me  dirait-on. 

Encore  un  mot  sur  les  grands  exemples  de  l'antiquité. 
Sparte  ne  manquait  pas  de  mœurs  :  ses  lois  permettaient  à 
l'impuissant  de  prêter  sa  femme.  Le  vertueux  Caton  prêta 
sa  femme  à  Hortentius. 

Voulez-vous  des  maximes  sévères  des  catholiques,  dont 
les  prêtres  savent  s'affranchir;  au  IX"""  siècle,  un  chanoine 
de  Beauvais  ayant  volé  une  femme,  le  théologal,  sur  la 
réclamation  du  mari,  ordonna  qu'elle  lui  serait  rendue 
dans  quinzaine. 

Ma   conscience   se  rassure    à    mesure   que  j'écris.  Jouir 


88  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

n'est  pas  corrompre.  La  vertu  ne  dépend  ni  des  capricieuses 
idées  des  hypocrites,  ni  d'un  vice  heureux,  la  vertu  et  le 
vice  n'ayant  pas  assez  de  force  pour  résister  à  l'opinion. 
Après  tout,  ces  liaisons  que  je  n'avais  pas  sollicitées  ne 
faisaient  couler  des  larmes  à  personne  ;  souvent  je  ramenais 
entre  deux  époux  la  paix  qui  s'éloigne  souvent  des  ménages 

des  princes 

Cette  belle  félicité  aura-t-elle  un  terme  ?...  J'ose  enfin  le 
concevoir  ;  mais  avant  de  m'en  rendre  compte,  je  dois  parler 
de  mes  relations  avec  le  prince  duc. 

Il  n'était  pas  l'amant  de  sa  femme  (elle  supportait  à  peine 
ses  complaisances).  N'étant  ému  ni  du  bien  ni  du  mal,  beau 
jeune  homme  froid,  avare,  paresseux  et  dissimulé,  avec  un 
peu  de  bon  sens,  il  s'était  introduit  entre  nous  une  certaine 
confiance,  sentiment  mutuel  d'intelligence,  reconnaissance 
muette,  réciproque,  elle  écartait  de  ma  pensée  et  trop  légère- 
ment les  dangers  cachés  sous  des  apparences  trompeuses. 
Ces  deux  époux  avaient  passé  les  deux  premières  années 
de  leur  mariage  dans  des  alternatives  de  petites  que- 
relles et  de  courtes  amitiés.  Le  duc  ne  croyant  pas  que 
je  pouvais  trahir  la  justice  de  mon  jugement  en  appelait 
souvent  à  mes  décisions  et  souvent  elles  me  commandaient 
de  prendre  ses  intérêts  contre  sa  femme  ;  je  le  plaignais 
franchement;  trop  dissimulé,  trop  vain  pour  être  jaloux,  je 
n'eus  jamais  à  me  plaindre  du  Prince  Duc.  Je  me  rappelle 
une  nuit  :  échappé  du  château  de  Ch...  à  la  surveillance 
ordinaire,  arrivé  à  Paris,  prêt  à  fuir,  le  duc,  accompagné  de 
l'ancienne  gouvernante  de  la  duchesse  (Mlle  Camus,  per- 
sonnage qui  mérite  un  souvenir),  ont  suivi  mes  traces  : 
«  Venez,  me  disent-ils,  nous  rendre  la  tranquillité,  ma 
femme  se  désespère  ;  venez,  je  vous  en  conjure.  »  Comment 
résister  à  un  mari  solliciteur,,  et,  sous  un  gouvernement  ar- 
bitraire, à  la  crainte  de  la  Bastille  ?  C'était  admirable.  Quelle 
séduction  !  qu'aurait  fait  un  autre  homme  à  ma  place? 

La    gouvernanle   jouissant  d'une  demie    faveur  et  des 
honneurs  de  la  retraite,  la  Duchesse  de  M.  pour  la  plus  riche 


SOrVENIRS     INÉDITS     DE     J.-P.     PICQUÉ  89 

héritière  de  Fiance  destinée  au  prince  de  Conty,  avait-elle 
choisi  une  institutrice  à  la  taille,  comme  ses  grands  laquais, 
ou  dans  les  Petites  Affiches  pour  leur  bon  marché  ?  Cette 
grosse  espèce  de  femme  de  chambre  de  la  plus  grossière 
ignorance  possédant  le  ridicule  sérieux  d'une  stupide  gravité 
avait  donné  à  son  élève  l'éducation  des  princes,  celle  de 
Pantagruel,  manger,  dormir,  boire,  dormir,  boire  et  manger. 
L'archevêque  de  Lj^on,  Montazet,  passait  pour  être  son  père, 
et  donna  lieu  à  une  épigramme  dont  on  se  souvient 
encore  : 

Pour  la  stérile  Elisabeth, 
Dieu  remplit  les  oracles. 
Vous  nous  rappelez,  Montazet, 
Le  siècle  des  miracles. 
Par  vous  aujourd'hui  Mazarin 
Est  mise  au  rang  des  mères. 
Vous  n'avez  qu'à  devenir  saint    , 
Pour  être  un  des  saints  pères  ! 

On  célèbre  le  retour  du  transfuge  et  pour  s'en  assurer  on 
prépare  un  nouveau  voyage  en  Suisse.  Nous  revoyons  Pro- 
vins, Troyes,  Langres,  Besançon,  Genève,  le  Valais. 

Je  ne  veux  rien  cacher:  cette  vertu  des  sages  et  des  sots, 
la  patience,  mise  encore  à  l'épreuve,  comment  la  concevoir? 
Quoi,  souffrir,  dissimuler  après  tant  d'épreuves?  Vouloir 
tout  expliquer,  tout  connaître...  Moralistes,  l'expérience  est 
souvent  aveugle;  les  femmes  en  général  nous  étant  soumises, 
lorsqu'elles  ne  sont  pas  nos  maîtres,  je  veux  régner,  dut  mon 
empire  s'écrouler,  ne  durer  qu'un  jour.  L'imagination  de  la 
Duchesse,  exercée  dans  le  vide,  voulait  conserver  l'autorité 
qu'elle  perdait  dans  le  repos.  Nous  cherchons  les  peuples 
de  l'antique  Helvétie.  Mais  inutilement;  on  ne  les  trouve  ni 
à  Lauzane,  à  Payerne,  à  Bievre,  encore  moins  à  Berne,  ville 
si  tristement  belle  avec  ses  ours  et  ses  baillis  importans,  de 
nombreux  mandians,  des  aubergistes  fripons,  et  des  officiers 
décorés  des  signes  des  gouvernements  despotiques  qu'ils  ont 
servis,  rapportant  dans  leur  pays  les  maximes  des  esclaves 
les  plus  soumis.  Certes  ils  ne  rapi)eiient  pas  rillustie  (iuil- 


90  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

laume  Tell.  Zurich,  l'Athènes  de  la  Suisse,  nous  retient 
deux  jours.  Cette  préférence  est-elle  due  à  la  bonne  auberge 
de  la  couronne  plutôt  qu'aux  savans  Lavactier  (sic)  et  Ges- 
ner,  dont  la  princesse  redoute  la  science.  Il  me  tardait  de 
connaître  le  prêtre  philosophe.  Célèbre  métoposcopite,  ses 
opinions  olygarchiques  lui  ont  été  funestes.  Le  second  pos- 
sède la  simplicité  de  ses  idiles  ;  les  voyageurs  sont  curieux 
de  voir  la  promenade  de  Gesner  au  milieu  des  noirs  sapins. 
On  ne  peut  se  dispenser  d'aller  à  Schafouse  à  la  belle  chute 
du  Rhin.  Après  ces  beautés  naturelles  et  sauvages  dont  on 
se  lasse,  nous  allons  aborder  les  hauts  cantons,  con- 
naître enfin  les  démocrates,  au  milieu  des  précipices,  des 
rochers,  des  neiges  et  des  glaces  de  Schwist  et  d'un  Derval 
(sic).  L'épreuve  est  trop  forte.  La  D...  prend  subitement  le 
chemin  de  Colmar  et  de  Strasbourg;  nous  sommes  en  Alle- 
magne, à  Khel,  dans  la  principauté  de  Bade,  à  Lon  (?),  et 
toujours  sans  guides,  sans  projets.  Les  postillons  nous  des- 
cendent à  Fribourg  en  Brisgau,  bientôt  dans  le  Valais,  à 
Lucerne,  à  la  vallée  du  Rhône,  à  Chambéry  et  à  Grenoble, 
bien  fatigués,  ne  sachant  plus  où  aller.  Mais  je  me  trompe, 
il  nous  reste  à  voir 

Du  fortuné  Mogol  les  campagnes  fertiles, 
L'Egjpte,  ses  tombeaux  avec  ses  crocodiles, 
Boston,  Batavia,  l'isle  de  Ceylan 
Et  le  détroit  du  Sud  nommé  par  Magellan. 

Pour  m'attacher  plus  fortement,  la  D...  abat  son  vol  aux 
Pyrénées,  voulant,  disait-elle,  partager  les  douces  commu- 
nications de  ma  famille,  jouir  des  innocens  plaisirs  des 
bons  Pyrénéens  auxquels  j'allais  présenter  une  femme  frivole, 
inamusable.  Nous  marchons  donc  nuit  et  jour  pour  arriver 
à  Bagnères  et  à  Lourdes.  La  D...  fut  reçue  par  ma  mère  avec 
une  dignité  et  une  profusion  qu'elle  n'attendait  pas  ;  elle  lui 
faisait  connaître  mon  indépendance  des  vaines  grandeurs. 

Une  des  manies  de  la  duchesse  était  de  me  retenir  par 
les  besoins.  Je  n'ai  reçu  d'elle  ni  argent  ni  bijoux  :  un  seul 
cadeau,  son  portrait  sur  une  boète  commune.  Je  payai  à  l'hô- 


SOUVENIRS    INÉDITS     DE     J.-P.     PICQUÉ  91 

tel  de  V.  les  gages  et  l'entretien  de  mon  domestique  Jupiter 
et  j'avais  conservé  la  dépense  d'un  logement  au  quay  Voltaire. 
Voilà  quant  à  la  fortune  qu'on  croyait  que  j'avais  cherchée 
parmi  les  grands  dont  on  a  pu  connaître  l'élévation  de  ca- 
ractère. 

Ce  serait  peine  perdue  de  vouloir  rechercher  l'origine 
des  idées,  leur  réunion  bisarement  assortie  et  comment  on 
peut  s'en  affranchir?  Nous  revenons  à  Paris. 

Le  pressentiment,  qui  n'est  souvent  qu'une  observation 
calculée  des  faits,  joie  secrète  si  longtemps  bannie  de  mon 
cœur,  me  laisse  entrevoir  mon  affranchissement  et  même 
assez  prochain  *,  sans  savoir  comment  il  se  terminera.  Ce  ne 
sera  pas  à  la  Bastille.  L'inquisition  française  est  menacée  par 
l'humanité,  en  attendant  que  la  liberlé  commande  la  des- 
truction de  ce  palais  de  la  vengeance  royale. 

Des  symptômes  précurseurs  annoncent  quelque  grand 
événement. 

Je  fus  toujours  un  peu  républicain 
C'est  un  travers  dans  une  monarchie 

Pour  hâter  un  changement  dans  ma  position  je  n'ai  donc 
qu'à  laisser  un  libre  cours  aux  évènemens  ;  la  loi  des  des- 
tins prononcera  ;  ni  mes  pressantes  instances,  ni  la  cons- 
cience de  son  propre  honneur  ne  peuvent  arrêter  l'effet 
d'une  résolution  méditée  avec  une  inconcevable  perfidie  ; 
l'indolence  de  la  D...  devait  l'en  rendre  incapable;  elle  pré- 
para dans  l'ombre  les  prétextes  les  plus  frivoles  d'une  sépara- 
tion en  accusant  l'administration  de  son  mari. 

Le  Duc  ne  savait  pas  se  ruiner  noblement.  Il  savait  per- 
dre et  ne  savait  pas  donner.  Quoiqu'avare  et  minutieux  à  l'ex- 
cès, il  payait  ses  dettes,  celles  de  sa  femme;  volé  par  ses  in- 
tendants et  ses  valets,  il  n'avait  que  quelques  embarras  dans 
les   restes  scandaleux  de  l'opulente  succession  du  cardinal 

1.  Les  (mbarras  du  gouvernement  de  Louis  XVI  l'obUgèrenl  de  convoquer 
les  notables  et  plus  tard  les  Etals  généraux.  Un  premier  élan  de  la  liberlé  com- 
primée rendait  moins  despotique  Lenoir,  lieutenant  général  de  police  ;  le  maré- 
chal de  Duras  n'existait  plus  ;  les  actes  arbitraires  dans  les  mains  de  l'arislo- 
cratie,    paralysés.  (Note  de  Picqiié) 


92  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Mazarin  causés  en  partie  par  la  duchesse  tout  à  la  fois  avare 
et  prodigue.  Leur  revenu  était  encore  de  plus  de  1.800.000 
francs. 

Dans  ce  désordre,  il  m'était  pénible,  je  l'avoue,  de  laisser 
avec  autant  de  honte  celle  qui,  malgré  l'ennui  de  l'indifé- 
rence,  m'interdisait  jusqu'à  la  pitié  pour  ne  voir  qu'une  de 
ces  femmes  hardies  audacieusement  aguerries  sous  la  sau- 
vegarde de  l'avocat  de  Bonnières. 

Qu'on  ne  me  parle  pas  de  ces  âmes  fortes  à  qui  rien  ne 
coule  pour  rompre  une  chaîne  attachée  de  si  loin  et  en  finir 
d'un  seul  coup.  Je  m'y  préparai  depuis  longtemps,  mais  avant 
de  jouir  des  grâces  du  repentir,  je  devais  épuiser  encore  tou- 
tes les  amertumes,  les  caresses,  l'habitude  et  ce  que  les  fan- 
taisies avaient  de  plus  exigeant,  cette  lâche  faiblesse  combat- 
tant une  force  surnaturelle.  0  vie  déplorable  !  (lu'on  accorde 
cela  comme  on  pourra. 

Enfin  le  moment  est  arrivé  où  de  concert  avec  ma  noble 
geôlière  les  portes  d'un  magnifique  palais  changé  en  prison 
vont  s'ouvrir  après  cinq  années  de  détention  ! 

Nous  sommes  au  .Jardin  des  plantes  dans  une  belle  soirée 
d'été.  Je  ne  dois  pas  être  témoin  des  débats  ;  la  malveil- 
lance oubliant  mon  rare  désintéressement,  ne  manquerait 
bas  de  me  les  imputer.  Les  yeux  baignés  de  larmes,  l'accent 
des  plus  vives  douleurs  s'opposent  à  un  éloignement  dont 
la  D...  craint  les  dangers  :  deux  mois  me  rendront  à  toute 
la  tendresse  d'une  femme  fidèle,  je  dois  la  défendre  contre 
elle-même.  Dès  le  lendemain  de  cette  protestation  on  lut  les 
vers  suivans  dans  le  Journal  de  Paris  : 

Venez  Monsieur  mon  successeur. 
Ah  venez  !... 

Prendre  les  effets  au  porteur 
Que  m'avait  confiés  la  belle. 
Je  vous  remettrai  ses  cheveux 
Ses  traits,  ses  billets  amoureux 
Et  son  serment  d'être  fidèle. 

Ainsi  finit  cette  longue  liaison  qui  commença  par  la 
folie  et  que  termina  le  mépris.  Rarement  les  femmes  quit- 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE    J.-P.    PICQUÉ  93 

tent  leurs  amans  pour  ne  rien  aimer.  C'est  toujours  pour  en 
aimer  un  autre  ;  la  simple  infidélité  serait  insipide  sans  l'as- 
saisonnement de  la  perfidie.  La  D...  vo3^ant  les  dangers  de 
la  Révolution  et  m'ayant  fait  demander  d'oublier  ses  erreurs.. 
«  Je  ne  me  venge  de  l'infidèle  qu'en  m'en  faisant  regretter  », 
réponse  d'une  dignité  comique  qu'envierait  Talma.  Je  suis 
sur  le  chemin  de  Bordeaux.  Voyage  agréable,  nuits  tran- 
quilles ;  Alcibiade  (on  se  plait  dans  les  comparaisons  les 
moins  raisonnables)  passe  du  luxe  de  la  Perse  à  l'austérité 
du  Spartiate. 

[A  partir  de  la  p.  326  du  manuscrit  de  PIcqué,  c'est-à-dire  à  partir 
du  moment  où  s'ouvrent  les  événements  de  1789,  nous  transcrivons  son 
récit,  sans  aucune  modification  ni  suppression,  jusqu'à  la  p.  452.  Nous 
respectons  également  les  divisions  et  les  titres  qu'il  a  adoptés.] 

RÉVOLUTION  DE  1789 

La  patrie  m'appelle.  Patrie  !  Ce  nom  le  premier  que 
prononce  les  enfants,  prononcé  avec  enthousiasme  par  nos 
ancêtres,  au  Champ  de  Mars  ;  ce  mot  affaibli,  perdu,  désho- 
noré, envahi  par  les   tyrans. 

Dans  ces  premiers  tems  on  était  furieux  de  liberté  et  de 
bien  public  ;  l'amour  du  pays  ne  laissait  rien  aux  mouve- 
mens  de  la  nature.  L'homme  se  dérobait  à  lui  même.  Tantôt 
par  une  justice  farouche,  par  une  superstition  cruelle,  il  se 
dévouait  lui-même.  L'opiniâtreté  des  combats  tenait  lieu  de 
la  science  de  la  guerre  :  la  société  semblait  dévouée  à  la 
mort.  Vivre  libre  ou  mourir  était  le  cri  de  force,  de  ral- 
liement. Longtemps  on  se  contenta  de  peu  pour  ne  rien  ima- 
giner de  plus  ;  on  se  passa  de  plaisirs  aux  sociétés  popu- 
laires, aux  assemblées  de  sections,  de  districs  d'instructions 
militaires.  La  cour  et  les  femmes  contribuèrent  à  la  révo- 
lution et  à  lui  donner  une  direction  violente  d'opposition. 
La  reine  passait  sa  vie  chez  la  comtesse  de  Polignac  sa  fa- 
vorite :  là  se  tenait  un  comité  de  femmes,  de  courtisans,  ca- 
marilla  d'ignorans,  présomptueux,  sans  prévoiance  qui  gou- 


94  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA     RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

vernaient  la  reine.  Leurs  décisions  portées  au  roi  aveuglé- 
ment livré  à  la  reine  expliquent  le  singulier  mélange  d'audace 
et  de  faiblesse,  les  contradictions,  les  parjures  qui  favorisèrent 
la  marche  constante  des  constituans  dont  l'imprévoyance, 
l'ingratitude  et  la  lâcheté  amenèrent  le  fatal  événement  du 
21  janvier. 

J'aurais  voulu  laisser  à  l'histoire  le  soin  de  transmettre 
les  événements  placés  pour  jamais  dans  la  mémoire  des 
hommes.  Tous  les  moyens  sont  en  mouvement,  toutes  les 
vertus  sont  en  valeur,  la  nation  devient  la  toute  puissance 
que  la  résistance  des  esclaves,  des  lâches  et  l'opposition  des 
privilégiés  osent  irriter  et  combattre.  Je  me  borne  ici,  et  c'est 
beaucoup  trop,  à  ce  qui  est  parliculièreriient  lié  '  à  ma  vie 
publique  !  Les  lois  de  Solon  déclaraient  infâmes  ceux  qui 
ne  prenaient  point  part  dans  les  troubles  civils  ;  je  de- 
vançai lappel  de  la  nation  aux  citoyens. 

On  a  beaucoup  écrit,  on  s'agite  encore  pour  connaître 
les  causes  secrètes  de  la  révolution  ;  on  voudrait  en  vain  se 
les  dissimuler.  Ceux  même  qui  accusent  l'immoralité  de  la 
nation  et  son  indifférence  pour  une  religion  dont  le  dogme 
de  ses  prêtres  ne  lui  en  impose  plus,  sont  forcés  de  convenir 
de  la  circulation  générale  des  lumières  sur  les  gouverne- 
ments et  sur  toutes  les  branches  des  connaissances.  Ils  ne 
contestent  plus  que  les  longs  et  désastreux  règnes  de  Louis 
XIV  et  de  Louis  XV,  suivis  de  banqueroutes  et  d'un  énorme 
déficit,  n'aient  mécontenté  la  nation  éclairée  par  des  commu- 
nications journalières  et  l'émancipation  de  l'Amérique  septen- 
trionale. Ce  n'est  pas  encore  assez  pour  les  hommes  faibles. 
Depuis  longtemps  la  France  gardait  dans  son  sein  des  ger- 
mes qui  à  des  époques  plus  ou  moins  éloignées  devaient 
l'arracher  à  un  despotisme  insensé.  Qu'aurait-on  pu  attendre 
du  sultan?  Qui  osa  dire  l'état  cest  moi  ?  La  faiblesse  crapu- 
leuse du  long  règne  de  Claude  son  successeur,  l'inexpérience 
de  Louis  XVI,  la  nonchalente  indiférence,  caractère  le  plus 

1.  Voir  dans  mes  ins.  les  notices  sur  la  révolution  française.  (Note  de  Picquc) 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE    J.-P.     PICQUE  95 

saillant  de  Louis,  s'abandonnant  à  des  conseillers,  changè- 
rent enfin  les  destinées  de  la  France .  Le  roi  mal  élevé  ne 
manquait  pas  d'un  gros  bon  sens.  Le  choix  de  la  serrurerie 
dans  ses  délassements  les  jours  qui  n'allait  pas  à  la  chasse 
n'était  pas  un  indice  de  goût  et  de  délicatesse. 

Rien  n'était  stable,  dans  cette  monarchie  qui  date  de  800 
ans,  que  le  scandale  des  mœurs,  des  guerres  funestes  et  des 
déprédations  inouïes  des  ministres. 

Despotisme  des  courtisans,  des  maîtresses,  des  confes- 
seurs. 

Despotisme  ministériel,  nobiliaire,  militaire,  du  clergé. 

Despotisme  de  la  magistrature,  des  intendans,  des  sub- 
délégués. 

Une  des  manies  des  courtisans  attribue  la  cause  de  la  ré- 
volution à  l'affaiblissement,  à  l'oubli  de  l'étiquette  de  la  cour  ; 
les  grands  personnages  n'exposant  plus  leurs  décorations  au 
mépris  du  peuple  en  avaient  pris  le  costume  commode.  Ces 
incroyables  rêveurs  de  la  monarchie  de  Louis  XIV,  incorri- 
gibles pour  la  plupart,  ne  peuvent  comprendre  quelle  fut 
l'influence  d'un  siècle  commerçant,  éclairé  sur  le  caractère, 
les  usages,  les  caprices,  la  corruption,  la  mauvaise  foy  du 
gouvernement.  Eteignez  les  lumières,  ayez  des  esclaves,  vous 
rappellerez  toutes  les  humiliations,  l'étiquette,  le  culte  du 
despotisme  royal  et  religieux,  la  dîme,  les  trois  ordres. 

Un  peuple  folâtre  a  pu  supporter  tant  d'atrocités  et  de 
misère  !  Ce  peuple  d'enfants,  de  singes  et  de  renards,  riait 
de  ses  fers,  se  consolait  avec  des  vaudevilles  des  pertes  de 
batailles,  des  continuelles  défaites,  durant  sept  années  de 
la  guerre  honteuse  du  Hanovre  ;  des  humiliations  d'une  paix 
désastreuse  qui  livrait  le  commerce  aux  Anglais  ;  on  embas- 
tillait ceux  qui  osaient  se  plaindre  de  l'arbitraire,  de  la 
surcharge  des  impôts,  de  la  nullité  de  la  France  dans  le 
partage  de  la  Pologne  et  la  politique  européenne. 

La  noblesse,  le  haut  clergé,  les  parlements  ajoutaient  à 
ces  maux  les  jouissances  fastueuses  des  cours  etdesfiiveurs 
du    trône.    Divisés    dans   leurs    prétentions,   se   réunissant 


96  REVUE    HISTORIQUE   DELA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

toujours  contre  le  bien  général,  incompatible  avec  des  privi- 
lèges odieux,  des  corporations  funestes,  après  avoir  dév..ré 
toutes  les  ressources  et  par  la  plus  noire  ingratitude,  la 
noblesse,  le  clergé  et  les  parlements  s'opposèrent  à  deux 
édits  réparateurs  sur  le  timbre  et  Fimpôt  territorial.  Enfin 
les  progrès  rapides  des  lumières  et  l'esprit  philosophique 
mirent  au  grand  jour  une  grande  anarchie  sous  la  fausse 
apparence  d'ordre.  Les  services  allaient  manquer  ;  malgré 
sa  répugnance,  Louis  XVI  est  forcé  d'assembler  les  états 
généraux  ;  ressource  tardive,  retour  à  la  confiance,  qui 
n'en  imposa  à  personne  ^  . 

Grâces  éternelles  soient  rendues  à  Necker  insulté  après 
sa  mort  ;  genevois,  controlleur  général  pour  son  compte-rendu 
et  les  dispositions  qu'il  prit  pour  les  premières  délibérations 
des  états  généraux,  destructives  des  trois  ordres.  On  doit  lire 
les  mémoires  contemporains  avec  discernement,  le  Moni- 
teur, les  historiens  connus  pour  leur  impartialité,  l'amour  du 
bien  public,  leur  indépendance  et  les  talens  nécessaires 
pour  tracer  cette  grande  époque  nouvelle  dans  les  fastes  du 
monde.  Il  ne  s'est  montré  jusqu'à  l'an  1829  que  des  hommes 
au-dessous  de  cette  tâche. 

Au  lieu  d'une  vaine  cérémonie,  d'humbles  et  inutiles  do- 
léances offertes  à  genoux  par  le  tiers  état,  il  réclama  du  roi 
les  droits  imprescriptibles  de  la  nation,  la  vente  des  biens  du 
clergé,  la  suppression  des  droits  féodaux  et  de  la  dîme,  la 
liberté  individuelle  et  de  la  presse.  Interprête  des  vœux  bien 
prononcés  de  toute  la  France,  ne  voulant  plus  se  confier  aux 
promesses  du  gouvernement  et  dans  le  souvenir  de  ses 
outrageans  mépris  aux  derniers  états  de  1614,  le  tiers  état 
s'éleva  à  la  hauteur  de  sa  mission,  se  constitua  en  assemblée 
nationale  et  prend  l'honorable  résolution  de  ne  [se]  séparer 
qu'après  avoir  donné  une  constitution  à  la  France. 

J'avais   assez    longtemps  apprécié   les  grands    et  petits 

1.  Ouverture  des  Etats  généraux,  5  mai  1789  ;  19  juillet,  le  Comte  d'Artois 
quitte  la  France  ;  il  l'abbandonne  pour  Gand  ;  une  3«  fois  il  en  est  chassé  pour 
toujours.  (Note  de  Picqué) 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE    J.-P.    PICQUÉ  97 

seigneuriseurs,  mélange  bisarre  de  bassesse,  d'opulence  et  de 
misère,  d'ambition  et  d'indolence  présomptueuse  ;  grands  à 
l'aide  de  romans  généalogiques,  d'usurpations  durant  le  long 
abrutissement  du  peuple  pour  attendre  avec  indifférence  le 
résultat  de  la  crise  violente  qui  devait  changer  un  gouverne- 
ment gothique  tombant  en  ruines. 

Les  contradictions,  les  folies,  les  criminelles  trahisons 
des  émissaires  et  des  complices  des  tyrans  sont  du  domaine 
de  l'histoire  moderne.  On  ne  dira  plus  que  les  vérités  sur  les 
fautes  et  les  crimes  des  princes  sont  un  scandale  ;  la  bonté 
d'un  gouvernement  est  dans  l'observation  des  bonnes  lois. 

Le  roi  trompé  par  d'imprudens  conseillers  trouva  par- 
tout une  résistance  insurmontable  pour  conserver  l'ancien 
état  de  la  France.  L'amour  de  la  liberté  éclate  sous  le  chaume, 
dans  le  silence  des  forêts,  au  fond  des  vallons  paisibles, 
comme  dans  les  cités  et  jusqu'au  château  de  Versailles.  J'ar- 
rive à  Paris  au  bruit  du  toscindu  14  juillet  1789.  Les  cour- 
tisans fuyards  et  nombreux  se  dispersent;  la  vanité,  les  jac- 
tances, la  bassesse  distinguèrent  toujours  les  émigrés  combat- 
tant pour  la  conservation  de  leurs  privilèges  en  prenant  les 
noms  de  royalistes,  monarchistes,  ultra,  soutiens  du  trône  et 
de  l'autel,  fanatiques...  La  Cour  plongée  dans  l'ivresse  de  l'or- 
gueil n'opposait  que  le  vain  simulacre  d'une  grandeur  usép,  avi- 
lie, dépouillée  des  illusions  qui  l'avaient  soutenue.  Le  Roi 
devait  céder  aux  lumières,  voir  désormais  son  autorité  éclairée 
et  partagée,  ou  devenir  un  tyran.  Il  prit  le  dernier  parti  et  se 
plaça  sur  un  volcan  toujours  prêt  à  s'ouvrir  sous  ses  pas. 

Les  fonctions  que  j'ai  remplies  avant  1789  et  des  circons- 
tances dont  je  rappelle  ici  une  partie  m'ont  rapproché  des 
grands  personages  avant  la  révolution.  Je  n'ai  pas  à  m'en 
plaindre.  Je  citerai  un  petit  nombre  à  la  vérité  qui  se  distin- 
guait par  la  noblesse  de  leurs  sentimens.  Le  système  nobi- 
liaire, mélange  d'extravagance,  d'orgueil,  de  despotisme, 
exercé  par  des  hobereaux  et  les  anoblis  nouvellement  était 
insultant  et  devenu  insuportable,  ridicule  au  sein  d'une 
nation  éclairée  sur  les  origines  d'une  féodalité  abrutissante 


RKV.  HIST.    DK    I.A  REYOI.. 


98  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

qui  a  déshonoré  ceux  qui  l'onl  si  longtemps  supportée  et 
dont  nous  écoutons  si  complaisamment  les  regrets  des  oly- 
garques  encore  menaçants  existans  sous  les  lois  constitu- 
tionnelles. N'ont-ils  donc  rien  à  craindre  d'une  témérité 
opposée  à  l'intérêt  des  peuples  ? 

Les  droits  et  la  souveraineté  du  peuple  proclamés  par 
l'Assemblée  nationale,  les  crimes  de  la  tyrannie  dévoilés  au 
grand  jour,  tous  les  trônes  ébranlés,  les  rois  ne  voyaient 
que  des  assassins,  des  émissaires  de  la  propagande  jaco- 
bite.  Le  Sultan  trembla  dans  son  sérail,  les  préjugés  et  les 
anciennes  haines  cédèrent  tellement  à  la  crainte  commune 
que  les  vaisseaux  du  grand  Turc  furent  accueillis  avec  trans- 
port à  Civita-Vecchia,  les  intérêts  et  les  banières  de  Christ 
et  de  Mahomet  sont  confondus  dans  un  même  sentiment, 
toutes  les  rivalités  ayant  cessé.  La  tyrannie  s'occupa  de  com- 
plots homicides,  elle  prépara  les  manifestes  du  despotisme 
et  cette  alliance  sacrilège  appelée  Sainte  contre  la  liberté  des 
nations  ;  confédération  et  croisade  de  toute  l'Europe  qui 
ouvrit  la  France  en  1815  aux  vengeances  de  1,800.000  escla- 
ves du  Nord. 

La  nation  française  dans  le  premier  exercice  de  sa  sou- 
veraineté manquant  d'expérience,  d'instruction  politique, 
comme  tous  les  rois  avait  des  flatteurs,  de  faux  amis,  apô- 
tres d'une  liberté  exagérée  et  sans  règles  fixes,  émissaires 
de  Londres,  de  Madrid,  de  Vienne  et  de  Berlin,  se  disant 
victimes  des  gouvernements  oppressifs.  Ces  empiriques 
occupaient  les  tribunes  des  Sociétés  populaires.  Le  bon 
peuple  trompé  savait  gré  d'un  dévouement  sans  bornes  aux 
suisses  Marat  et  Pache,  à  l'autrichien  Proly,  à  l'espagnol 
Gusman,  au  prussien  Cloots,  au  polonais  Lazowski,  à 
l'italien  Bonnarotti,  au  prince  Charles  de  Hesse,  à  Miranda, 
à  Marchenna,  Westermann,  Wimpfen,  intrigans,  espions, 
bien  salariés. 

Malgré  les  malheurs  qui  ont  terni  l'éclat  d'une  révolu- 
tion qui  n'a  d'exemple  dans  les  fastes  d'aucun  peuple,  quelle 
époque  plus  glorieuse,  quelle  période  historique  réunit    un 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE    J.-P.    PICQUÉ  99 

enthousiasme  à  des  vues  aussi  grandes,  aussi  élevées,  aussi 
générales. 

J'abandonnai  ces  Aristides,  ces  Publicolas,  ces  Brutus  à 
leurs  déclamations  aux  Jacobins,  le  faste  d'exagération 
d'un  républicanisme  sauvage  et  grossier  excitant  patrioti- 
quement  les  méfiances  entre  les  meilleurs  citoyens.  L'in- 
fluence des  étrangers  eut  les  résultats  les  plus  déplorables. 
On  devait  s'y  attendre  ;  le  vertige  d'ambition  s'étant  emparé 
de  toutes  les  tètes. 

La  protection  accordée  depuis  la  restauration  au  men- 
songe, à  l'indifférence,  la  contre-révolution  enfin  retrace 
sans  cesse  les  crimes  de  1793  sans  qu'il  soit  permis  de 
parler  des  forfaits  monarchiques  qui  ont  précédé  ceux  de 
1815.  Mais  la  conscience  nationale  a  jugé  tous  les  événements; 
l'opinion  des  cœurs  vraiment  français  se  sont  séparés  des 
ennemis  d'une  régénération  qui  ne  devint  violente  que  par  la 
folle  résistance  que  les  fureurs,  l'hypocrisie,  la  bassesse  de 
l'aristocratie  nobiliaire  et  sacerdotale  opposèrent  à  toutes  les 
époques.  Encore  aujourd'hui  les  hommes  les  plus  sages  sont 
forcés  de  justifier  le  dernier  siècle  et  de  repousser  les  plus 
injustes  reproches. 

La  France  manquant  d'institutions,  l'autorité  arbitraire 
les  redoutte,  elle  les  lui  refuse  après  trente  années  de  com- 
bats et  les  promesses  les  plus  solennelles,  mais  au  point  où 
elle  était  arrivée,  qui  pouvait  arrêter  sa  régénération?  La 
nation  réclamait  hautement  une  réforme  générale,  ne  se 
douttant  pas  que  la  vertu  tient  à  une  simplicité  naturelle, 
qu'on  la  met  en  pratique  par  sentiment  et  qu'on  ne  la  com- 
mande pas  avec  des  décrets.  Elle  la  réclamait  de  ses  législa- 
teurs, mais  la  vertu  est  l'ignorance  de  la  corruption.  Une 
nation  est  vertueuse  indépendament  des  règles  de  la  morale 
dont  souvent  elle  ignore  l'existence. 

On  aurait  voulu  improviser  l'esprit  public  alors  que  la 
France  sortait  pour  la  première  fois  depuis  (iOO  ans  d'un 
abrutissement  dont  on  ne  trouve  pas  d'exemple  chez  les  peu- 
ples les  plus   sauvages.  Ainsi  que  la  religion,  la    politique, 


100  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

la  morale  étaient  des  sanctuaires  dans  lesquels  il  ne  fut  pas 
permis  aux  profanes  d'entrer.  Nos  bons  aj^eux  n'eurent  d'au- 
tre morale  que  celle  que  leurs  prêtres  firent  descenare  du 
ciel.  L'homme  fut  une  machine  dans  les  mains  des  tyrans 
et  des  prêtres.  Toujours  conduit  en  esclave,  il  en  eut  en  tout 
temps  le  caractère  et  les  vices.  La  religion  n'opposa  jamais 
à  la  corruption  générale  que  des  digues  avilissantes  comme 
le  rachat  des  crimes  pour  de  l'argent.  L'ignorance  et  la  ser- 
vitude en  privant  l'homme  de  la  raison  et  de  la  liberté,  tout 
conspira  à  son  aveuglement  et  à  fortifier  ses  égarements.  La 
tyrannie  fut  et  sera  toujours  la  vraie  source  de  la  déprava- 
tion des  mœurs  et  des  calamités  habituelles  des  peuples. 

Les  particularités  et  les  personnalités  sont  des  tableaux 
du  genre  de  la  peinture  historique.  Louis  XVI  d'un  caractère 
brusque,  mal  élevé,  manquait  de  bonne  grâce,  trait  carac- 
téristique du  roi.  Louis  XVI  possédait  assez  de  jugement  et 
même  d'instruction  ;  il  connaissait  l'histoire  d'Angleterre 
et  la  punition  de  Charles  I"  ;  ses  occupations  étaient  la 
chasse  et  un  atelier  de  serrurerie.  Fuyant  au  10  août  l'at- 
taque du  château  des  Tuileries  au  sein  de  l'Assemblée 
Nationale,  elle  le  relégua  dans  une  loge  d'où  il  entendait  les 
discussions  sur  sa  déchéance  ;  sa  famille  était  dans  la  plus 
grande  affliction  ;  environnée  d'une  immense  population,  la 
chaleur  de  cette  journée  était  grande  ;  Louis  demanda  des 
fruits.  11  mangea  douze  pêches  fort  tranquilement. 

Cependant  aux  premiers  jours  de  1789  la  nation  offrit 
l'enthousiasme  le  plus  éclatant.  Du  Midi  au  Nord,  de  nom- 
breux volontaires  désertent  la  charrue,  les  ateliers,  les 
académies,  les  professions  lucratives  et  marchent  gaiement 
aux  frontières  en  chantant  des  hymnes  patriotiques  :  allant 
combattre,  aux  ordres  des  généraux  sortis  des  rangs  plébéiens, 
avec  l'audace  et  des  talens  et  l'amour  de  la  gloire,  les 
troupes  les  mieux  disciplinées  de  l'Europe,  campées  dans 
les  plaines  de  la  Champagne. 

(A  saivre) 


LETTRES  INÉDITES 


DE 


MARIE-CAROLINE 

REINE  DES  DEUX-SICILES 
AU  MARQUIS   DE  GALLO 

(1789-1806) 
(Suite  et  fin  ') 


cccx 

Notes  de  la  main  de  la  Reine  sur  la  lettre  de  Napoléon 
du  21  février  - 


Quand  on  fouille  partout,  il  faut 
se  laisser  plaire  quand  on  y  trouve 
des  choses  désagréables. 


Au  mois  d'octobre  ou  novembre, 
deux  lettres  de  Ruffo  à  Vienne  ont 
été  volées.  J'ignore  par  qui. 

Il  est  difficile  avec  une  armée 
chez  soi  et  des  péremptoires  de  ne 
pas  conserver  ses  sentiments.  Je 
n'ai  jamais  vu  justice  et  encore 
moins  modération. 


Notre  ambassadeur  n'a  pu  qu'être 
embarrassé  quand  je  lui  ai  fait  con- 
naître la  nature  des  pièces  qui  sont 
entre  mes  mains  et  qui  n'ont  pu 
me  laisser  aucun  doute,  il  y  a  plu- 
sieurs mois,  sur  ses  intentions  so- 
ciales. 

Mais  Dieu  me  garde  de  penser 
qu'elles  ne  puissent  changer. 

Et  même,  quoique  votre  lettre 
contienne  quelques  expressions 
obligeantes  pour  moi,  elle  conserve 
presque  toujours  les  premières  im- 
pressions de   Votre  Majesté,  et   la 


1.  \'oir  Revue  hisloriijiie    de   la    liéuoliitiau    française  de  janvier- ni;irs  1!)11  et 
numéros    suivants. 

2.  (]f.     Correspondance,  T.  X,  8343,  Napoléon  à    la  reine  de  Xaples,  La  Mal- 
maison,  21  février  180Ô. 


Je  crois  que  dans  le  moment  où 
Sa  Majesté  m'écrit,  il  est  dans  le  cas 
de  cette  dissimulation. 


102  REVUE  HISTORIQUE    DE   LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Cela  me  paraît  un  persiflage.  modération  et  la  justice,  qu'elle  veut 

bien  voir  dans  mon  administration 
n'ont  pas  réussi  à  me  concilier  en- 
tièrement son  amitié. 

La    seule    chose    qui    m'étonne, 

c'est  reconnaître qu'une  reine.... 

ne  sait  pas  que  le  malheur  attaché 
à  la  condition  des  rois  est  d'avoir 
à  dissimuler  fréquemment  des  sen- 
timents que,  simples  particuliers, 
ils  auraient  le  plus  de  peine  à  maî- 
triser. 

Si  je  puis  un  jour  me  vanter  d'a- 
voir obtenu  ce  changement  ce  sera 
une  conquête  que  je  tiendrai  à  hon- 
neur soit  par  l'estime  particulière, 

soit  par  le  chemin  qu'il   aura 

fallu  regagner  dans  votre  cœur  qui 
ne  peut  cependant  être  entièrement 
fermé  à  une  nation  dont  vous  aimez 
la  langue  et  la  littérature  et  dont 
vous  avez  souvent  prisé  l'amabilité. 

Le  séjour  des  Français  est  une 
conséquence  du  traité  de  Florence 
qui  a  rétabli  les  relations  de  nos  deux 
Etats.  C'est  donc  un  malheur  pour 
elle,  mais  un  malheur  indispensable 
qu'elle  doit  considérer  comme  une 
suite  des  événements  qui  l'avaient 
précipitée  de  son  trône. 


Cela  est  larmojant,  touchant, 
mais  je  voudrais  des  faits,  non  des 
paroles. 


Ce  chemin  est  bien  long  encore. 


Je  conçois  toute  l'étendue  de  cette 
phrase. 

Cela  est  faux,  de  toute  fausseté. 
Le  traité  de  Florence  fait  évacuer 
quand  l'année  fut  révolue.  Ils  le 
furent  de  13  mois  :  car  Murât  vou- 
lut se  mettre  en  poche  un  mois.  Il 
soutint  l'année  être  de  13  mois  que 
nous  paj'âmes.  La  nouvelle  entrée 
fut  une  violation  complète.  —  Je 
n'ai  jamais  ^té  précipitée.  5  mois 
dura  l'anarchie,  la  plate  singerie 
aux  événements  français  et  le  Direc- 
toire même  ne  voulut  jamais  recon- 
naître la  République  Parténopienne 
et  chassa  les  Ambassadeurs. 

L'allégement  du  fardeau  n'est  pas 
grand.  Quand  cela  nous  coûte  la 
Icrt'  année  1.600.000  ducats  et  cette 
2'ne  année  1.900.000,  enj  tout  3  1/2 
millions. 


J'ai,  autant  qu'il  a  dépendu  de 
moi,  allégé  ce  fardeau.  Sur  une  sim- 
ple demande  et  contre  une  disposi- 
tion précise  du  traité  de  Florence, 
j'ai  consenti  à  faire  supporter  la 
solde  par  mon  trésor. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE 


103 


Il  pouvait  être  sûr.  Nous  ne  mas- 
sacrons, ni  ne  mitraillons  et  faire 
une  guerre  en  attaquant  ses  troupes 
ne  nous  convient  point.  Nous  dé- 
fendre s'ils  veulent  nous  écraser, 
jusqu'à  la  dernière  goutte  de  notre 
sang. 

C'est  encore  une  fausseté  in- 
signe. 


Menace  pour  intimider. 


Qui  n'en  a  que  pour  2  mois,  par 
manque  d'argent,  au  lieu  de  6  mois 
qui  est  régulier. 

Aucun  chef  d'insurrection  n'a 
été  appelé.  Nous  craignons  ce  moyen 
connaissant  tout  le  mal  et  ce  n'est 
que  le  désir  pour  qui  nous  le  fera 
faire. 

Les  hommes  appelés  qu'il  favorise 
au  pluriel,  au  lieu  de  dénommer 
sauvages,  ce  qu'il  faut  pour  se  tenir 
la  porte  ouverte  à  d'autres  pré- 
tentions, n'ont  ni  haine  forcenée  ni 
rien  contre  leur  patrie.  Ils  sont  hu- 
miliés. La  majeure  partie  de  ceux 
qui  servent  sont  naturalisés  Napo- 
litains, sujets  du  Roi. 

L'affaire  de  l'escadre,  la  neutra- 
lité de  terre  ayant  été  rompue,  il 
fallait  au  moins  tâcher  de  soutenir 
celle  de  mer. 

Ici  Sa  Majesté  Impériale  se  laisse 
un  peu  aller  à  son  ton  ordinaire  et 
oublie  l'amical. 


Si  ce  premier  acte  de  condescen- 
dance m'avait  valu  quelque  confiance 
et  si  j'avais  pu  penser  que  3  ou 
4.000  Français  fussent  en  sûreté  à 
Tarente,  il  n'j'  a  nul  doute  que  je 
n'eusse  réduit  nos  troupes  à  ce 
nombre 

Ce  n'est  certainement  pas  dans 
une  correspondance  directe  que 
je  m'amuserai  à  discuter  le  but  de 
l'arrivée  des  Russes  à  Corfou. 

Le  patronage  de  la  Russie.     . 

et    peut    être     il 

sera  plus  funeste  à  votre  illusion 
que  la  Révolution  même. 

Les  approvisionnements  du  fort 
Saint-Elme,  la  direction  donnée  à 
différents  chefs  d'insurrection,  l'af- 
fectation d'appeler  au  service  du 
RoideNaples  des  hommes  étrangers 
à  ce  pays,  connus  par  leur  haine 
forcenée  pour  leur  patrie  et  portant 
partout  leur  portefeuille  et  leur 
épée. 


L'inconsidération  marquée,  il  y 
a  peu  de  jours,  lorsqu'on  apprit  que 
l'escadre  était  partie  de  Toulon. 

Tout    cela  ne   démontre-t-il   pas 

que  Votre 

Majesté  attire  les  orages  au  lieu  de 
les  conjurer. 


104  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA 

C'est  mon  unique  souhait  que  la 
tranquillité  ;  mais  les  autres  ne 
nous  y  laissent  point.  Nous  étions 
parfaitement  tranquilles  lorsqu'en 
pleine  paix  18.000,  puis  21.000 
hommes  sont  venus  s'établir  chez 
nous.  Si  l'Empereur  entend  rester 
tranquille,  de  se  laisser  gober  sans 
remuer,  comme  cela  est  arrivé  à 
d'autres,  c'est  ce  que  je  ne  ferai 
jamais.  Cette  menace  m'honore  et 
me  plait.  C'est  un  signe  qu'on  ne 
veut  pas  que  nous  nous  remuions. 
Nous  ne  voulons  pas  le  faire  pour 
mille  raisons  ;  mais  la  menace 
m'honore. 

Je  désire  moi  aussi  la  paix  géné- 
rale, mais  ne  sais  si  elle  sera  pos- 
sible. 

Cette  phrase  qui  mord  à  juste 
titre  la  cour  de  Vienne  me  prouve 
qu'on  n'est  pas  sûr  d'elle. 

Ce  qui  est  bien  mon  intention 
par  propre  conviction,  non  par  la 
menace  de  l'Empereur. 

Menace  de  nouveau. 

Je  ne  trouve  pas  sermons.  J'ai 
trop  peu  de  confiance  dans  le  Pré- 
dicateur, mais  je  les  trouve  mena- 
ces d'un  homme  tout  puissant. 

Quelle  bonté  !  quels  charitables 
soins. 

L'intérêt  qu'a  subi  le  reste  de 
l'Italie. 

C'est  à  dire,  se  plier  à  être  préfet. 


RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Est-il  donc  si  difficile  de  rester 
tranquille,  de  ménager  les  puissan- 
ces, de  ne  pas  ruiner  son  peuple 
pour  soulever  avec  effort  un  grain 
de  sable  à  jeter  dans  la  balance  du 
monde  ? 


Quoi  qu'on  fasse,  le  mouvement 
général  des  idées  est  pour  la  paix. 

Si  cependant  la  guerre  venait  à 
se  rallumer.  Votre  Majesté  elle- 
même  qui  fut  victime  et  abandon- 
née sentirait  que 

lui  font  un  besoin  de  vivre 
en  repos,  de  s'occuper  de  prospérité 
intérieure 

Car  le  moindre  orage  pourrait 
causer  sa  ruine      

Votre  Majesté  trouvera  sans 
doute  que  ma  lettre  est  pleine  de 
sermons 

Je  n'ai  d'autre 

but  que  sa  tranquillité  personnelle. 

Quel  intérêt  puis-je  avoir  à  bou- 
leverser ses  Etats  ?     .     .     . 

La  seule  chose  qui  puisse  m'im- 
porter  c'est  que  le  cabinet  soit  di- 
rigé par  les  vrais  intérêts  du  peuple 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  105 


Ce  n'est  pas  20  ans.   Dire  27.  Il 
a  oublié  de  calculer  la  chose. 


Mille  grâces  pour  les  soins  pour 
nous  et  nos  peuples.  Qu'il  nous 
laisse  en  paix  notre  neutralité  et 
indépendance,  et  nous  et  nos  peu- 
ples, nous  serons  heureux. 


que  le  roi  et  la  nation 

prennent  pour  la  France  les  senti- 
ments qu'ils  avaient,  il  y  a  20  ans 

Voilà ce    qui    peut 

seul  assurer  la  prospérité. 

.     des  pays  qui  sont  sous 
votre  domination. 


CCCXI 

Naples,  le  15  Mars  1805,  n°  12. 

Le  duc  de  San  Teodoro  est  arrivé  hier  soir  en  bonne 
santé. Il  m'adonne  votre  lettre  du  26  février.  Je  lui  ai  à  peine 
pu  parler  étant  déjà  tard,  et  ce  matin  lui  étant  allé  à  Caserte 
voir  le  Roi.  Mais  je  le  ferai  mieux  au  futur,  —  Comme  le 
courrier  était  parti  le  13,  je  n'ai  pu  suivre  votre  insinuation, 
mais  je  n'y  manquerai  point  au  futur.  —  Je  désirerais  bien 
que  cette  lettre  vous  trouvât  déjà  parti  pour  l'Italie.  Car  je 
le  crois  de  la  plus  grande  importance  que  vous  y  soyez. 

J'ai  appris  par  cette  occasion  avec  le  plus  vif  intérêt  que 
votre  épouse  se  croit  enceinte.  Il  ne  vous  arrivera  jamais 
rien  d'agréable  que  je  n'y  prendrai  le  plus  vif  intérêt. 

Rien  de  nouveau  chez  nous.  —  Nous  végétons  tristement 
sans  pouvoir  calculer  sur  aucun  avenir.. 

Adieu,  mes  compliments  à  votre  épouse.  —  Je  vous  in- 
clus un  petit  billet  pour  la  duchesse  San  Teodoro  et  croyez- 
moi  avec  tout  espoir  dans  votre  zèle,  intelligence  confiance 
dans  votre  attachement  et  éternelle  reconnaissance. 

Votre  sincère  amie, 
Charlotte. 

CCCXII 

Naples,  le  30  Mars  1805,  n«  13. 

C'est  uniquement  pour  vous  annoncer  le  reçu  de  votre 
lettre  du  2  Mars  et  vous  inclure  une  lettre  de  la  princesse 
Vintimille  pour  sa  mère  que  je  profite  du  courrier  d'Espa- 
gne pour  vous  écrire  ce  peu  de  lignes. 


106  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

J'ai  reçu  vos  dépêches  du  2  et  du  8  Mars.  J'attends  à  cha- 
que moment  le  courrier  que  \ous  annoncez  bientôt  envoyer. 
Nous  sommes  dans  un  total  oubli  et  silence  de  toutes  lettres 
nouvelles  du  Nord.  Nous  sommes  à  la  pointe  de  l'Europe 
et  totalement  oubliés.  Puissions-nous  l'être  entièrement  ! 

Vous  saurez  que  la  dette  de  la  France,  la  1"^^  année,  a  été 
de  1.600.000  ducats  et  cette  seconde  année  est  et  sera  de 
1.900.000,  en  tout  en  2  ans,  trois  millions  et  demi,  et  cela 
sans  compter  éliminations  de  douanes,  rentes  non  perçues 
dans  les  provinces  déjà  obérées  par  le  séjour  des  troupes. 
L'Empereur  et  ses  ministres  ont  promis  les  payements. 
Tâchez  qu'ils  s'exécutent. 

Nous  avons  un  froid  à  trembler,  sommes  tout  entourés 
de  neige.  Même  les  saisons  ont  été  révolutionnées. 

Tâchez  qu'on  ne  nous  envoie  pas  un  mauvais  sujet  ou 
nommé  Cacault.  Vous  vous  rappelez  que  ce  fut  le  premier 
qui  corrompit,  elle,  Montemileto,  alors  Popoli  et  Compagnie, 
lui,  intime  avec  tous  les  vrais  enragés  démocrates,  non  avec 
les  modestes  polissons,  avec  les  profonds  coquins  de  cette 
espèce,  un  intriguant.  Et  je  vous  déclare  que  toute  la  police 
de  Naples  s'occupera  de  ce  mauvais  sujet  si  on  nous  le  déco- 
che. Ainsi  évitez-nous  le.  Car  je  connais  Cacault  bien  et  tou- 
tes ses  liaisons. 

Adieu,  mon  cher  Gallo,  j'espère  que  les  espérances  de 
la  chère  Marquise  se  consolident  pour  votre  réciproque  con- 
tentement. Faites  lui  mes  compliments  ainsi  qu'à  la  bonne 
duchesse  de  San  Teodoro. 

Portez-vous  bien.  J'attends  vos  nouvelles  avec  impatience 
et  croyez  moi  pour  la  vie  votre  bien  attachée  et  reconnais- 
sante. 

Charlotte. 

Naples,  le  8  avril  1805. 

Commissions 
Des  livres  nouveaux. 
Les  tablettes  chronologiques  de    l'abbé  Langlet  (D'une 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  107 

édition). —  Précis  de  l'histoire  u,niverselle  ou  tableau  histo- 
rique par  le  citoyen  Anquetil  (2  éditions). 

Du  coton  blanc  à  broder,  gros  et  fin. 

Quelques  bijouteries  nouvelles  de  peu  de  valeur,  telles 
que  bagues,  épingles,  etc. 

Le  nécessaire  d'argent  complet  pour  Amélie. 

Une  dame  russe,  la  princesse  Dolgorouki  m'a  dit  avoir 
écrit  que  le  fournisseur  de  dentelles  vous  envoie  des  échan- 
tillons avec  les  prix  pour  les  faire  venir  et  moi  en  pouvoir 
choisir. 

Des  modes,  surtout  choses  brodées  en  blanc,  bonnets, 
chemises,  etc.,  etc. 

CCCXIII 

Le  15  avril  1805,  n»  15. 

J'ai  reçu  votre  lettre  par  le  courrrier  Panico  le  13 
et  vous  suis  bien  obligée  pour  tout  ce  que  vous  me  dites. 
J'y  reconnais  votre  désir  de  notre  bien-être.  Comme  par 
le  courrier  Gomez,  que  vous  aurez  déjà  reçu,  par  anticipa- 
tion, j'ai  à  peu  près  répondu  à  toutes  les  choses  que  vous 
me  demandez,  je  m'abstiens  d'en  parler.  —  Je  vous  recom- 
mande vivement  nos  intérêts  et  de  continuer  à  pousser  à 
la  réalisation  et  sans  aucune  condition  le  projet  qui  vous  a 
été  annoncé. 

Je  vous  prie  de  remercier  votre  chère  épouse  pour  la 
peine  qu'elle  se  donne  pour  mes  commissions.  Mais  du 
nécessaire  en  argenterie,  vous  ne  m'en  parlez  plus  et  j'en 
désespère  pour  le  26  avril,  jour  où  cela  était  destiné  pour 
Amélie.  Au  moins  que  je  le  reçoive  plus  tard. 

J'aurais  encore  à  vous  parler  de  bien  des  objets  ;  mais 
je  me  réserve  à  meilleur  temps.  Croyez  que  je  suis  bien. 
Arrangez  nos  affaires.  Je  fie  en  vous. 

Nous  avons  un  temps  affreux.  Toutes  les  montagnes 
couvertes  de  neige  et  je  suis  convaincue  qu'au  Nord  il  ne 
fait  pas  plus  froid  qu'ici.  Tout,  même  le  climat,  est  changé. 


108  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Adieu,  ne  me  faites  pas  manquer  de  vos  nouvelles  et  croyez 
moi  pour  la  vie  votre  reconnaissante  amie. 

Charlotte. 

Post  scriptum.  —  Faites  mes  compliments  et  mes  remer- 
ciements à  votre  épouse  pour  les  peines  qu'elle  se  donne 
pour  les  commissions.  Je  voudrais  un  nécessaire  d'homme 
destiné  au  prince  François,  avec  chiffre  P.  F.,  à  lui  donner 
le  jour  de  sa  naissance  le  19  août  et  vous  prie  de  m'envoyer 
le  compte  de  tout  ce  que  je  vous  dois. 

CCCXIV 

Portici,  le  30  avril  1805,  n''  16. 

Je  profite  du  courrier  d'Espagne  pour  vous  écrire  ce 
peu  de  lignes.  J'ignore  où  elles  vous  trouveront,  mais  selon 
ce  que  j'entends  et  que  vos  dépêches  du  5  août  nous  annon- 
cent, je  devrais  vous  écrire  à  Paris.  —  J'ai  été  bien  affligée 
pour  votre  épouse  et  je  crois  qu'il  y  a  un  dérangement 
de  santé  auquel  les  bains  des  eaux  minérales  pourraient 
être  très  utiles.  Cela  me  ferait  d'autant  plus  de  plaisir  que 
cela  me  procurerait  pendant  un  couple  de  mois,  temps  du 
voyage  de  l'Empereur  des  Français,  le  plaisir  de  vous  revoir. 
Vous  voyez  que  je  me  fais  des  idées  très  gaies.  Demain, 
nous  avons  un  dîner  à  la  Favorite  offert  au  général  Saint- 
Cyr  et  son  épouse  et  l'Ambassadeur  Alquier,  qui  tous  en- 
suite partiront  pour  se  retrouver  à  Milan  où  malgré  la 
vasleté  de  la  ville  on  ne  trouve  plus  de  logement.  Tel  est 
le  concours  de  tous  les  Italiens  qui  ont  retrouvé  force  et 
richesse  qu'ils  croyaient  perdues  pour  courir  aux  fêtes  de 
Milan. 

Ma  santé  n'est  pas  bonne.  J'ai  une  petite  fièvre  journa- 
lière qui  m'oblige  à  prendre  trois  fois  par  jour  le  chinchina 
et  m'abat  beaucoup. 

Léopold  a  depuis  aujourd'hui  la  fièvre  scarlatine  avec 
maux  de   gorge.    J'espère     qu'avec    des    soins    cela    n'aura 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  109 

aucune  suite  mauvaise.  C'est  un  enfant  qui  m'est  bien  cher 
et  promet  beaucoup. 

Nous  sommes  actuellement  tous  végétant  à  Portici  et  crai- 
gnant d'un  moment  à  l'autre  que  quelque  orage  ou  nuage 
politique  ou  despotique  ne  nous  trouble. 

Ne  me  laissez  point  manquer  de  vos  nouvelles.  Ayez  nos 
intérêts  bien  à  cœur  et  croyez-moi  à  jamais  votre  sincère 
et  reconnaissante  amie. 

cccxv 

Portici,  le  27  mai  1805,  n»  19. 

Je  vous  écris  cette  lettre  pour  ne  pas  vous  faire  man- 
quer de  nos  nouvelles,  pour  vous  accuser  réception  des 
vôtres  et  enfin  pour  ne  pas  vous  laisser  sans  courrier. 
Nous  avons  reçu  votre  courrier  expédié  le  17  de  ce  mois. 
J'étais  dans  mon  lit  où  je  suis  restée  près  d'une  semaine 
avec  fièvre,  mal  à  la  gorge,  malaise  *.  J'ai  dû  me  faire  tirer 
du  sang,  prendre  des  remèdes.  Je  ne  sors  pas  encore,  je  suis 
faible  au  suprême  degré,  je  n'ai  pas  d'appétit  et  je  souffre 
d'insomnie.  J'espère  que  la  fièvre  sera  coupée  par  la  qui- 
nine que  je  continue  à  prendre  et  que  le  reste  aussi  passera. 

Je  n'ai  rien  de  nouveau  à  écrire.  J'attends  de  vous  toutes 
les  nouvelles.  Il  me  semble  que  l'univers  entier  est  en  sus- 
pens. Qu'en  adviendra-t-il  ?  A  mon  avis,  rien. 

Buonaparte  sera  déjà  couronné  roi  d'Italie  -,  il  visitera 
tous  ses  champs  de  bataille  et  si  personne  ne  souffle  mot,  il 
aura  peut-être  la  grandeur  d'âme  de  ne  rien  faire  ;  mais  il 
'aissera  six  mois,  un  an  deux  armées,  sans  y  compter  celle 
que  depuis  deux  ans  nous  possédons  en  Italie  aux  frais  et 
dépens  du  royaume  d'Italie  selon  toute  probabilité  et  il  re- 
tournera   tranquillement,    paisiblement    en   France  en    se 

1.  «  La  Reine  est  malade  depuis  huit  jours  et  avec  son  indisposition  s'est 
arrêté  le  mouvement  général  des  affaires.  »  (Lefebvre  au  Ministre  des  Uelations 
Extérieures.  Naples,  31  mai  1805). 

2.  Le  couronnement  avait  en  effet  eu  lieu  à  Milan. 


110  HEVCE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION'    FRANÇAISE 

moquant  des  plats  pieds,  courbettes  et  bêtises  d'Italie.  Il  a 
trop  d'esprit  pour  ne  pas  en  attribuer  la  cause  à  la  peur,  à 
ce  mot  déshonorant,  mais  le  seul  qu'il  convienne  d'appli- 
quer en  ce  cas,  la  peur.  A  peine  sera-t-il  arrivé  en  France, 
il  reprendra  son  projet  d'expédition  en  Angleterre  ou  celui 
de  dicter  la  paix  générale.  Quel  beau  rôle,  quel  heureux 
rôle  pourra  jouer  Buonaparte  en  présence  de  la  ferme  vo- 
lonté de  toute  l'Europe  de  ne  rien  faire.  Vu  qu'elle  n'est  pas 
dans  le  cas  de  bouger,  cet  homme  jouera  le  rôle  de  bien- 
faiteur généreux,  et  il  publiera  avec  quatre  phrases  du 
dictionnaire  qu'il  a  à  sa  disposition  qu'il  veut  être  le  pacifi- 
cateur général,  qu'il  se  contentera  modestement  de  la 
France  et  de  quelques  arrondissements  pour  lui  et  pour  sa 
famille  et  laissera  aux  anciens  princes,  qui  en  étaient  titu- 
laires, les  autres  conquêtes,  en  les  morcelant  de  telle  sorte 
qu'il  lui  suffira  du  moindre  geste  pour  les  annihiler  à 
nouveau  et  donner  au  monde  une  paix  durable.  On  en  se- 
rait dans  l'enchantement  et  tout  le  monde  admirerait  sa 
modération.  Il  me  semble  que  le  fait  d'être  Empereur  des 
Français  est  déjà  quelque  chose  et  qu'en  agissant  de  la  sorte 
il  arriverait  pour  lui  au  comble  de  la  gloire. 

Mais  sans  entrer  dans  le  détail  de  ce  qu'il  fera  ou  ne 
fera  pas  et  que  nous  apprendrons  par  l'expérience,  venons- 
en  à  nos  affaires. 

Je  suppose  que  vous  aurez  expédié  un  courrier  après  le 
couronnement  qui  devait  avoir  lieu  le  23,  que  vous  aurez 
rapporté  tout  ce  qui  vous  est  arrivé  d'important  et  que  vous 
aurez  répondu  à  nos  lettres  du  16  courant.  Nous  désirons 
vivement  obtenir  de  l'Empereur  des  Français  le  départ  com- 
plet de  ses  troupes  stationnées  ici  contre  toute  justice,  ainsi 
que  le  remboursement  des  quatre  millions  de  ducats  que 
leur  séjour  nous  coûte,  somme  dont  l'Empereur  dès  le  com- 
mencement nous  a  promis  le  versement  par  un  engagement 
solennel.  Ces  deux  conditions,  surtout  la  première,  sont  très 
intéressantes,  parce  que  l'on  aura,  ou  la  paix  (comme  je  le 
suppose)  et  alors  la  demeure  de  ces  troupes  n'a  aucune  rai- 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  111 

son  d'être,  ou  la  guerre  (ce  que  je  ne  crois  pas)  et  alors  leur 
séjour  ne  nous  vaudra  que  d'avoir  la  guerre  chez  nous.  Par 
conséquent  je  vous  conjure  d'obtenir  l'exemption  de  ce  poids. 

Lorsque  ces  deux  conditions  seront  remplies  par  l'éva- 
cuation complète  et  le  payement  des  4  millions  qu'on  nous 
doit,  on  pourra  penser  au  reste,  sous  réserve  de  nos  droits 
et  de  tout  ce  qui  nous  appartient.  Comme  le  Roi  est  un 
souverain  indépendant  en  Italie,  tout  autre  acte  serait  de  sa 
part  une  bassesse,  une  lâcheté  dont  les  manifestations  in- 
cessantes et  répétées  doivent  avoir  déjà  dégoûté  l'Empereur, 
auquel  je  reconnais  tant  d'esprit  et  de  talent  et  qui  doit  être 
révolté  de  tant  de  bassesses.  A  lui  de  voir  que  des  caractères 
tels  que  les  nôtres,  quoique  petits,  ne  se  laissent  pas  avilir, 
même  au  milieu  de  mille  dangers,  par  l'adversité,  et  n'en 
sont  pas  moins  des  caractères  sur  lesquels  il  est  bon  de 
compter  et  qu'il  vaut  mieux  ajouter  foi  à  nos  paroles  et  à  nos 
assurances  qui  démontrent  que  nous  ne  voulons  ne  nous 
mêler  de  rien,  mais  que  nous  voulons  tout  faire  pour  con- 
server notre  indépendance  et  notre  liberté.  C'est  un  raison- 
nement aussi  simple  que  net.  Car,  tandis  que  toutes  les 
grandes  puissances  ne  songent  qu'à  s'agiter  pour  satisfaire 
leur  avidité  et  pensent  à  s'agrandir  par  des  usurpations, 
le  Roi  de  Naples,  qui  pourrait  prétendre  à  des  compensa- 
tions pour  les  Présides  qu'il  vient  de  perdre,  n'en  parle 
même  pas  et  se  tient  tranquille,  mais  maintient  ferme  le 
droit  qu'il  a  de  revendiquer  son  indépendance. 

Puisque  l'Empereur  n'a  pas  répondu  à  ma  dernière  lettre 
et  que  je  ne  sais  plus  quel  titre  lui  donner,  je  m'abstiens  de 
lui  écrire. 

Quant  aux  décorations,  à  quoi  bon  en  parler  encore  ? 
L'Empereur  aura  celles  de  toute  l'Europe  et  ne  saurait  faire 
attention  aux  nôtres.  Aucun  membre  de  notre  famille,  et 
même  aucun  de  nos  sujets,  n'accepterait  et  ne  porterait  la 
Légion  d'Honneur. 

Comme  nous  sommes  les  maîtres  chez  nous,  ni  l'Espagne 
et  la  Prusse  à  présent,  ni  Vienne  et   la  Russie  un  jour  et 


112  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

peut-être  aussi  l'Angleterre  ne  nous  feront  pas  changer 
d'avis.  La  force  de  Buonaparte  pourra  nous  déterminer  un 
jour,  mais  jamais  elle  ne  pourra  modifier  notre  opinion  à 
ce  sujet.  Quant  à  Beauharnais  et  le  reste  avec,  c'est  tout  sim- 
plement à  la  suite  du  délire  que  cette  pompe  factice  et  ces 
grandeurs  vous  ont  valu  que  vous  avez  pu  y  penser.  Mais 
jamais  et  puis  jamais  nous  ne  nous  déshonorerons  à  un  tel 
point.  Nous  serons  malheureux,  sacrifiés,  on  dira  de  nous 
que  nous  sommes  des  dupes  pleins  de  préjugés;  mais  nous 
garderons  notre  propre  estime.  Des  lettres  nous  apprennent 
que  son  Altesse  Beauharnais  n'est  pas  au  mieux  avec  son 
beau-père,  son  père  putatif,  à  cause  de  sa  mauvaise  conduite 
et  que  cela  a  refroidi  les  amours  de  la  Reine  d'Etrurie.  Vous 
devez  le  savoir  en  somme  mieux  que  moi  à  qui  tout  cela  au 
fond  n'importe  guère.  Du  reste  du  monde,  j'ignore  tout. 

Quant  à  l'escadre  dans  la  Méditerrannée,  on  ignore  jus- 
qu'à présent  son  existence. 

Voilà  bien  des  mois  que  je  ne  sais  plus  rien  ni  de  la 
Russie  ni  de  Vienne  ;  mais  grâce  à  votre  dernière  lettre,  j'ai 
lieu  de  croire  qu'un  voile  épais  s'étend  sur  leurs  doubles 
opérations  et  qu'on  craint  là-bas  que  nous  n'en  sachions 
quelque  chose. 

L'Angleterre  se  plaint  de  nous,  de  nos  faiblesses,  soit  pour 
Damas,  soit  pour  avoir  tâché  de  nous  débarrasser  d'Elliot. 
Elle  parle  de  l'Espagne  qui  en  a  fait  tout  autant  et  déclare 
que  si  nous  continuons  de  la  sorte,  elle  se  verra  obligée  de 
s'assurer  de  la  Sicile.  Jugez  d'après  cela  en  quelle  agréable 
situation  nous  nous  trouvons.  Le  despotisme  de  Napoléon, 
qui  nous  interdit  absolument  de  procéder  au  recrutement  et 
de  compléter  nos  régiments,  nous  met  dans  l'impossibilité  de 
nous  défendre.  Tâchez  de  faire  sentir  tout  cela  ainsi  que 
l'impérieuse  nécessité  pour  nous  de  faire  des  recrutements 
indispensables  pour  que  nous  ne  soyons  pas  exposés  aux 
coups  de  tous  ceux  qui  veulent  nous  faire  du  mal.  S'ils  ne 
veulent  pas  se  dédire  ouvertement  par  excès  d'amour-propre, 
qu'on  vous  assure  du  moins  d'une  façon  certaine  qu'on  lais- 


LETTRES   INÉDITES  DE  MARIE-CAROLINE  113 

sera  faire  des  recrutements  sans  nous  faire  des  chicanes.  Au- 
trement nous  ne  saurons  plus  par  qui  faire  monter  la  garde, 
tant  les   effectifs  de   nos  troupes  fondent  de  jour  en  jour. 

Ma  santé  est  misérable  ;  toute  ma  famille  va  bien,  grâce  à 
Dieu,  et  forment  ma  chère  et  bien  aimée  compagnie.  Je  vous 
remercie,  vous  et  votre  femme,  des  commissions  que  vous 
vous  donnez  la  peine  de  faire  et  j'attends  avec  impatience 
le  nécessaire.  Je  vous  prie  de  ne  rien  commander  d'autre 
jusqu'à  ce  que  je  ne  me  sois  fait  une  idée  de  cela  après 
l'avoir  vu  et  vous  avoir  écrit  à  ce  sujet.  Des  livres  nou- 
veaux, voilà  ce  que  je  puis  me  permettre  par  économie, 
ainsi  qiio  des  commissions  d'objets  dont  je  charge  votre 
femme  par  la  liste  ci-incluse.  Ce  dont  je  vous  prie  encore, 
c'est  de  m'envoyer  tous  les  comptes  de  mes  dettes,  soit  pour 
les  dernières  robes,  soit  pour  le  nécessaire  afin  que  je  puisse 
out  régler. 

La  mort  de  la  Princesse  de  Vintimiglia  m'a  fait  beau- 
coup de  peine  ;  ses  filles  se  trouvent  à  Palerme  en  proie 
à  la  désolation  !  La  princesse  de  Hesse  a  terminé  sa  vie 
à  Munich .  On  cherche  à  présent  de  retrouver  sa  malheu- 
reuse fille  et  de  la  faire  revenir  pour  son  éducation. 

Je  ne  sais  rien  de  nouveau;  nous  vivons  dans  l'attente  de 
ce  que  vous  pourrez  nous  mander.  J'espère  que  votre  femme 
s'est  rétablie  et  qu'elle  a  pu  vous  rejoindre. 

Faites  moi  savoir  ce  que  dit  et  fait  Alquier  et  rappelez- 
vous  bien  que  je  désire  qu'il  revienne  ici  dans  la  crainte 
d'avoir  pire  que  lui. 

Reynier  a  pris  le  commandement  ;  on  loue  généralement 
cet  homme  comme  étant  moins  avide  et  comme  étant  aussi 
un  bon  général.  Il  est  allé  au  quartier  général  ;  peu  de  jours 
après,  il  passa  sous  nos  fenêtres  ;  sa  physionomie  très  rébar- 
bative m'inspira  de  la  crainte  ;  bref,  lorsqu'il  arriva  encore 
au  quartier  général  le  23,  jour  du  couronnement,  il  voulut 
lairc  faire  des  évolutions  suivies  d'une  fête,  mais  il  tomba 
de  cheval  au  premier  coup  de  canon  et  se  cassa  la  clavicule, 
chose  peu  agréable. 

hKV.  IIWST.   »Il   la    RÉVOL.  8 


114  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Dieu  veuille  qu'on  nous  laisse  tranquilles  en  nous  épar- 
gnant d'autres  malheurs  !  Je  compte  autant  sur  votre  zèle 
que  sur  vos  bons  services  et  sur  votre  attention  à  nous  tenir 
au  courant  de  tout  ce  qu'il  nous  faut  savoir.  Adieu.  Je  vous 
prie  de  ne  nous  laisser  rien  ignorer  et  de  nous  faire  part  de 
vos  idées  et  de  vos  appréciations  en  des  moments  aussi 
critiques  que  ceux  d'à  présent.  Adieu,  soignez-vous  et  croyez- 
moi  avec  une  vraie  éternelle  reconnaissance 

Votre  vraie  amie 
Caroline 

CCCXVI 

Portici,  le  10  juin  1805,  n"  21. 

Je  ne  puis  vous  e.xprimer  la  vive  et  sensible  peine  que 
m'a  fait  éprouver  votre  lettre  et  dépêche  du  2  et  3  de  ce 
mois  '.  Elles  m'ont  été  d'autant  plus  pénibles  que  je  n'avais 
aucun  motif  de  m'y  attendre,  notre  conduite  depuis  deux 
ans  prouvant  bien  notre  désir  sincère  de  maintenir  la  paix 
et  la  bonne  harmonie.  Nous  soufTrons  le  poids  d'une  armée 
injustement  stationnée  chez  nous.  C'est  à  ma  demande  et 
instances  que  les  Anglais  n'ont  pas  usé  de  représailles  en 
s'emparanl  de  la  Sicile.  Que  n'avons-nous  pas  soufTert  pen- 
dant ces  deux  ans  en  frais,  dépenses  au  delà  de  nos  forces, 
en  oppression,  actes  arbitraires  ?  Tout  a  été  supporté  par 
amour  de  la  Paix.  —  Actuellement  le  titre  générique  de  roi 
d'Italie  ne  pouvait  que  nous  alarmer.  L'explication  très 
vague  donnée  et  par  le  fait  déjà  enfreinte  n'est  pas  propre  à 
nous  tranquilliser.  —  On  dit  rester  dans  les  limites,  et  la 
République  Cisalpine,  et  au  même  moment  Gênes,  Lucques, 

1.  Dans  sa  lettre  conGdentiellc  du  2  juin,  Gallo  ne  cachait  pas  à  la  Reine 
l'irritation  de  l'Knipereur  causée,  non  pas  par  les  rapports  et  les  conversations 
d'Alquier  et  de  Saint-Cyr,  mais  par  les  correspondances  et  les  intempérances 
de  langage  de  la  Reine  elle-même.  11  l'informait  du  refus  absolu  de  l'Empereur 
de  retirer  ses  troupes,  lui  conseillait  de  se  hâter  de  le  reconnaître  et  de  s'abste- 
nir de  toute  manifestation  et  toute  démarche  dont  les  conséquences  seraient  irré- 
parables (Archives  particulières  Gallo.  Le  Marquis  de  (îallo  à  S.  M.  la  Reine. 
Milan,  b  ;^  juin  1805). 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  115 

Parme,  Plaisance  sont  envahies,  ou  sous  quelle  dénomi- 
nation on  veut,  volontaire  ou  forcée,  sont  agrégées.  —  Vous 
sentez  bien  que  cela  doit  beaucoup  nous  faire  réfléchir. 

Nous  avons  depuis  deux  ans  une  armée  chez  nous  que 
rien  n'a  voulu  éloigner.  Nous  avons  solennellement  promis, 
de  vive-voix,  par  écrit,  qu'une  fois  délivrés  de  ce  poids  in- 
supportable nous  serons  entièrement  neutres  et  ne  permet- 
trions à  personne  d'entrer  dans  nos  Etats. 

L'Empereur  a  une  force  telle  à  faire  repentir,  s'il  fut 
possible  que  notre  loj'al  caractère  se  démentit.  Ainsi  pour- 
quoi ne  nous  point  délivrer  ?  C'était  à  négocier  cette  déli- 
vrance que  tendaient  nos  vœux  et  laquelle  portait  à  sa 
suite  notre  reconnaissance  du  Roi  Italique,  ce  qui,  en  le 
reconnaissant  avec  une  armée  chez  nous,  était  une  soumis- 
sion, non  une  reconnaissance  et  nous  exposait  à  des  re- 
présailles des  Anglais  en  Sicile.  C'est  pour  -éviter  des  maux 
plus  violents  encore  que  nous  avons  tâché  de  négocier  le 
départ  des  troupes  et  en  devenant  neutres,  indépendants,  et 
offert  de  reconnaître  le  roi  d'Italie.  Mais  rien  ne  s'étant 
fait  sur  cela,  la  chose  en  est  restée  là  et  il  y  a  deux  cour- 
riers que  vous-même  écriviez  Talleyrand  vous  avoir  dit  que 
l'on  ne  s'en  souciait  plus.  Comment  est  donc  né  tout  ce 
fracas  ?  Je  m'y  perds  ;  mais  ne  voulant  pas  risquer  le 
bonheur  de  nos  Etats  et  sujets,  nous  souhaitons  reconnaître 
l'Empereur  comme  ro:  d'Italie.  C'est  ce  motif  qu'invoquait 
celui  des  princes  en  Italie,  comme  nous  en  bonne  harmonie 
et  correspondance  avec  l'Empereur,  comme  vous  l'assurez 
dans  votre  dépêche  d'un  parent  qui  pourra  faire  sentir 
notre  position  aux  autres  puissances.  C'est  pour  ces  motifs 
que  nous  avons  aujourd'hui  expédié  à  Vienne  en  ordonnant 
à  notre  Ministre  d'exposer  notre  situation  à  l'Empereur,  notre 
beau  fils,  de  lui  exposer  la  nécessité  urgente  des  dernières 
dépèches  reçues  en  le  priant  d'entremettre  ses  bons  offices, 
afin  que  les  autres  Puissances  ne  le  trouvent  mauvais  et  ne 
nous  causent  aucun  dommage  et  (pi'il  n'en  résulte  aucun 
incendie  général. 


116  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

J'espère  de  votre  prudence  et  du  bonheur  que  vous  avez 
d'être  bien  vu  de  l'Empereur  des  Français  que,  quelque  peu 
de  jours  de  délai,  (les  lettres  de  créance  étant  allées  à 
Vienne  d'ici,  par  RufTo,  elles  nous  seront  envoyées  au  plus 
vite)  ce  peu  de  jours  de  délai  ne  feront  pas  commettre  un 
acte  de  violence  contre  un  Etat  déjà  depuis  si  longtemps 
victime.  J'espère  que  vous  ferez  comprendre  ces  justes 
raisons. 

Je  vous  le  répète  pour  la  millième  fois.  Que  l'Empereur 
des  Français  nous  ôte  ses  troupes,  qu'il  paye  ce  qu'il  doit 
et  a  promis  de  payer,  qu'il  nous  laisse  dans  notre  indé- 
pendance et  qu'il  compte  sur  notre  parole  sacrée  qu'aucune 
troupe  étrangère  ne  mettra  le  pied  dans  les  Deux-Siciles  et 
qu'oubliant  tout  le  passé  nous  lui  serons  bien  reconnaissants 
de  nous  avoir  remis  en  liberté  et  préservé  des  maux  dont 
son  actuelle  conduite  nous  menace.  Nous  ne  désirons  entrer, 
ni  entrerons  dans  aucune  condition,  mais  voulons  être  in- 
dépendants et  pour  cela  délivrés  d'une  armée  qui,  outre  les 
maux  qu'elle  nous  cause  depuis  deux  ans,  pourra  encore  en 
entraîner  d'autres. 

Je  ne  vous  parle  pas  des  accusations  qu'on  porte  contre 
moi,  des  propos  envenimés  qu'on  me  prête.  L'âge,  les  mal- 
heurs ont  beaucoup  diminué  ma  vivacité.  D'ailleurs  les 
personnes  que  vous  me  citez,  Madame  de  Staël  dont  la  ré. 
putation  a  devancé  depuis  longtemps  la  connaissance,  je 
ne  l'ai  jamais  vue  que  devant  des  témoins  de  mes  discours, 
craignant  son  caractère,  le  Prince  de  Wurtemberg  de  même. 
Le  jeune  prince  Electoral  de  Bavière  ne  m'aurait  ni  entendu 
ni  compris,  beaucoup  moins  répété,  étant  bègue  et  sourd. 
Mais  en  général,  je  suis  trop  honnête  pour  répéter  des  anec- 
dotes, bons  mots  qui  m'ont  été  dits.  Mais  je  crois  que  mes 
sentiments,  je  ne  les  ai  jamais  manifestés  avec  personne. 
D'ailleurs  l'Empereur  Buonaparte  a  trop  d'esprit  pour  savoir 
que  quand  on  est  heureux  et  grand  comme  lui  on  est  tou- 
jours loué  et  mettre  à  sa  juste  valeur  les  louanges  comme 
les    méchancetés  qui    sont    comme  le    bourdonnement    de 


LETTRES     INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  117 

petits  insectes.  —  Je  vous  assure  que,  si  je  voyais  l'Empe- 
reur, je  ne  lui  ferais  aucune  basse  adulation  dont  il  doit 
être  dégoûté,  et  lui  dirai  les  louanges  qu'il  mérite  comme 
nos  justes  doléances  et  plaintes  qu'il  mérite  aussi  avec 
cette  franchise  que,  s'il  a  le  grand  caractère  que  je  lui  sup- 
pose, il  ne  pourra  trouver  mauvaise. 

La  récolte  promet  d'être  médiocrement  bonne.  Dieu 
veuille  qu'aucun  malheur  ne  survienne. 

J'ai  reçu  le  nécessaire.  Je  l'ai  trouvé  superbe  et  du  meil- 
leur goût  et  ai  ordonné  à  Lalo  de  vous  le  payer  selon  la  note. 
Amélie  en  a  eu  un  plaisir  extrême. 

Adieu,  je  finis  cette  triste  expédition  vous  recomman- 
dant de  veiller  à  nos  intérêts,  de  bien  dire  et  faire  com- 
prendre qu'un  délai  de  peu  de  jours  ',  et  seulement  pour 
nous  éviter  d'ultérieurs  malheurs,  ne  doit  pas  nous  valoir 
d'être  traités  avec  rigueur.  —  Tâchez,  je  vous  conjure,  d'é- 
viter des  malheurs  incalculables  à  votre  patrie,  à  vos 
bons  souverains  et  à  tous  vos  amis.  Une  fois  la  chose 
commencée,  on  ne  peut  calculer  où  et  comment  elle  s'achè- 
vera. Je  vous  conjure  donc  de  tout  employer  pour  persua- 
der, calmer  l'Empereur.  Renvoyez-moi  bien  vite  un  courrier 
avec  des  nouvelles  plus  consolantes  et  croyez-moi  pour  la 
vie  votre  reconnaissante. 

Charlotte. 

Une  feuille  en  chiffres. 

Une  de  commissions. 

Une  lettre  à  la  Marquise  de  Gallo. 

CCCXVII 

Portici,  le  14  juin  1800,  n»  23. 

J'ai  lieu  de  croire  que  la  venue  du  négociateur  Russe  -dé- 
cidera le  fait  quoiqu'on  m'ait  assuré  qu'il  ne  vient  pas  du 
tout  ici  pour   négocier,  mais  pour  poser  une  (jueslion  caté- 

1.  Gallo  remit    ses   lettres  de  créance   l'accréditant    auprès  du    roi  d'Italie,  le 
2.3  juin,  à  Bologne. 

2.  Le  Général  Lascv. 


118  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

goriqueà  laquelle  il  faudra  répondre  immédiatement.  Je  crains 
à  en  juger  d'après  moi  qu'avec  un  caractère  comme  celui  de 
Bonaparte  tout  cela  n'aboutisse  à  un  éclat,  à  une  rupture. 
Comme  personne  n'est  prêt  et  n'a  pris  aucune  mesure,  ce 
sera  une  terrible,  une  sombre  fatalité  pour  nous  qui,  à  cause 
du  fameux  convoi  anglais  qui  vient  de  débarquer  à  Lisbonne 
et  dont  il  n'est  plus  par  conséquent  question  pour  la  Méditer- 
rannée,  avons  chez  nous  ces  maudites  troupes.  Aujourd'hui 
encore  nous  avons  appris  par  le  courrier  d'Espagne  que  la 
flotte  Gallo-Espagnole  vient  d'appareiller  pour  tenter  un 
coup  sur  la  Jamaïque. 

Bref,  voilà  que  nous  en  sommes  déjà  au  moment  de  la 
grande  explosion.  Pour  moi,  je  ne  désire  que  tranquillité, 
neutralité  et  indépendance  ;  mais  je  ne  me  déciderai  jamais  à 
faire  des  bassesses  à  un  pareil  usurpateur,  moi  qui  n'en  ferai 
pas  à  un  souverain  légitime.  Je  crois  et  vois  que  Buonaparte 
ne  veut  pas  la  guerre  continentale  ;  il  aura  déjà  calculé  que 
deux  batailles  perdues  tourneraient  tout  le  monde  contre  lui. 
Bien  qu'il  croie  au  fond  que  cela  ne  pourrait  arriver,  il 
nosera  en  courir  les  chances  ;  mais  si  on  le  met  au  pied  du 
mur,  il  la  fera  ;  vu  son  caractère,  j'en  suis  tout-à-fait  con- 
vaincue, et  je  parierais  même  que  tous  les  avantages  seront 
de  son  côté.  Si  ce  maudit  homme  avait  seulement  évacué 
notre  Royaume,  nous  aurions  été  tranquilles  et  nous  aurions 
assisté  en  spectateurs  indifférents  à  ces  grands  événements. 
Au  point  où  en  sont  les  choses,  nous  en  voilà  les  victimes, 
ne  pouvant  éviter  qu'on  cherche  l'ennemi  là  où  il  se  trouve, 
ce  qui  finira  par  rendre  notre  malheureux  pays  le  théâtre 
de  la  guerre.  Je  vous  assure  que  je  ne  suis  pas  du  tout 
tranquille  à  ce  sujet. 

Le  pays  l'est  pourtant,  on  y  boit,  on  y  joue,  on  s'y  amuse 
sans  songer  à  rien.  Un  tel  état  de  choses  ne  saurait  durer 
davantage  et  j'ai  grand  peur  que  le  réveil  ne  soit  terrible. 
Nous  n'avons  même  pas  assez  de  troupes  pour  contenir  nos 
peuples  et  nos  sujets  :  nous  n'avons  pas  de  quoi  fournir  les 
gardes,  les  postes,  les  sentinelles.  Nous  avons  beaucoup  de 


LETTRES    INÉDITES    DE     MARIE-CAROLINE  119 

déserteurs  que  nous  songeons  à  réclamer  aux  localités  d'où 
ils  dépendent  en  leur  accordant  pleine  amnistie.  Il  est 
certain  que  les  Français  ne  sauraient  rien  y  trouver  à  dire, 
puisqu'il  ne  s'agit  pas  d'un  recrutement,  mais  d'une  simple 
rentrée  dans  les  rangs.  Je  vous  en  donne  la  nouvelle  à  l'a- 
vance afin  que  vous  puissiez  répondre  si  on  vous  ques- 
tionne à  ce  sujets  qu'il  ne  s'agit  point  de  recrutement,  mais 
de  restitution  forcée  de  déserteurs  au  cas  où  ils  ne  se  déci- 
deraient pas  à  rejoindre  volontairement  leurs  régiments  à  la 
suite  de  l'amnistie  du  Roi.  Tout  cela  nous  procurera  la 
possibilité  de  renvoyer  dans  leurs  foyers  2.000  hommes  qui 
ont  fini  leur  temps  de  service  et  qu'on  a  dû  retenir,  parce 
qu'autrement  on  n'aurait  pas  pu  assurer  les  services  de 
gardes  qu'il  faut  fournir  en  ville.  Voilà  à  quel  état  nous  ont 
réduits  la  méchanceté  d'un  côté. et  notre  quasi-anéantis- 
sement de  l'autre. 

Je  vous  assure  qu'il  faut  mon  enthousiasme  et  le  désir 
que  j'ai  de  faire  le  bien  pour  ne  pas  en  être  dégoûtée  par  tout 
ce  qui  m'arrive.  J'ai  juré  de  faire  l'impossible,  même  de 
perdre  la  vie  pour  conserver  la  couronne  sur  la  tête  du  Roi  et 
de  mes  enfants  dans  la  situation  aussi  difficile  et  scabreuse 
que  celle  où  nous  nous  trouvons.  Mais,  une  fois  la  paix  assu- 
rée, aucune  force,  ni  divine,  ni  humaine  ne  me  fera  rester  aux 
affaires.  Je  veux  d'abord  assurer  la  situation  financière  de 
mes  trois  enfants,  la  mienne  ensuite,  afin  de  vivre  tranquille, 
toute  seule,  loin  de  tout  et  de  tous.  J'ai  vu  et  éprouvé  trop 
de  choses  pour  ne  pas  penser  de  cette  manière. 

J'ai  été  interrompue  par  des  lettres  et  je  ne  sais  où  j'en 
étais  restée.  —  Vous  me  ferez  le  plaisir  de  me  dire  si  Alquier 
est  en  grâce  auprès  de  Buonaparte  ou  de  Talleyrand  seule- 
ment et  ce  qu'il  dit  de  moi  ;  quant  à  moi  je  l'aime  encore 
mieux  qu'un  autre,  quoique  son  humeur  atrabiliaire  soit 
des  plus  dangereuses  et  que  les  mensonges  ne  lui  coûtent 
rien.  Dites-moi  ce  qu'on  pense  du  secrétaire  d'ambassade. 
Le  Fèvre,  qui  se  trouve  maintenant  ici  et  qui  paraît  moins 
méchant,  bien  que  je  n'aie  confiance  en  personne.  Et  je  le 


120  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTIOM    FRANÇAISE 

comprends,  il  faut  que  tout  le  monde  danse  au  son  d'une 
musique  de  commande. 

En  un  mot,  nous  approchons  du  dénouement  du  drame, 
long,  larmoyant,  avec  un  peu  de  comique,  comme  le  sont  toutes 
ces  Altesses,  ces  Princes  de  nouvelle  fabrication  ainsi  que 
toutes  les  cérémonies  avec  une  cour  de  gens  qu'on  n'aurait  pas 
même  admis  dans  les  antichambres,  il  y  a  quelques  années. 
Voilà  le  monde  !  mais  cela  fait  faire  de  sombres  réflexions. 

Pour  moi,  le  seul  bonheur  que  je  désire,  c'est  une  retraite 
tranquille,  quelques  modestes  commodités  et  assez  de  moyens 
pour  bien  vivre  et  pouvoir  obliger  de  nouveaux  ingrats. 

Adieu,  mes  réflexions  me  mèneraient  trop  loin.  Je  crois 
à  la  paix  parce  que  tous,  Buonaparte  inclus,  la  désirent. 
Quelles  pourront  en  être  les  conditions  ?  Je  l'ignore,  mais  j'ai 
lieu  de  croire  que  Napoléon  habile  en  tout  saura  bien  jouer 
ses  cartes.  Si  on  le  contrecarre,  il  fera  la  guerre  et  je  parie- 
rais un  contre  mille,  pour  les  meilleures  raisons  du  monde, 
qu'avec  100.000  hommes  il  en  battra  300.000  !  Quelles  en 
seront  les  conséquences  !  Je  tâche  de  m'étourdir  et  de  ne 
pas  y  penser  !  Adieu,  écrivez-moi  souvent  et  parlez-moi  en 
toute  liberté  ainsi  que  j'en  use  avec  vous.  Brûlez  mes  lettres. 
Adieu,  croyez-moi  avec  une  vraie  confiance  estime  et  gra- 
titude, votre  reconnaissante  éternelle  amie. 

CCCXVIII 

Portici,  le  8  juin  1805,  n'  24. 

Quoique  je  vous  aie  écrit  hier  par  un  courrier,  je  ne  puis 
m'empêcher  de  le  faire  aujourd'hui  par  la  poste  pour  vous 
charger  expressément,  par  ordre  du  Roi,  de  faire  toutes  les 
démarches  nécessaires  auprès  de  l'Empereur  et  Roi  pour 
empêcher  l'augmentation  des  troupes  chez  nous,  les  appro- 
visionneurs écrivant  qu'on  en  attend  en  nombre.  —  Je  laisse 
à  vous  à  juger  quelle  explication  nous  devons  donner  à  cette 
augmentation  de  violences  et  de  vexations  et  quels  senti- 
ments, quelles  idées,  cela  nous  doit  faire  prévoir.  Il  est  donc 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  121 

de  votre    absolu    devoir,  comme    Ambassadeur  du  Roi,  de 

demander  la  suspension  de  toute   nouvelle   troupe  à  entrer 

chez  nous,  ou  au  moins  à  quel  nombre  cela  se  fixera.  Pensez 

à  votre   Patrie    et  à    vos    maîtres    et    sauvez-nous    de    ces 

malheurs  incalculables  et   que   la  reconnaissance  faite  ôte 

même  tout  prétexte. 

Adieu.  Je  compte  sur  votre  zèle.  Comptez  sur  ma  sincère 

reconnaissance. 

Charlotte. 

CCCXIX 

Naples,  le  15  juillet  1805,  n»  25. 

J'ai  reçu  votre  lettre  du  25  juin  de  Bologne  et  du  5  juillet 
de  Gênes  et  j'ai  vu  avec  bien  de  la  reconnaissance  tout  ce 
que  votre  zèle  vous  y  fait  dire.  Je  suis  très  fâchée  que  les 
circonstances  ne  vous  aient  pas  permis  de  venir.  Cela  aurait 
été  bien  utile.  On  se  dit  plus  en  une  heure  qu'on  n'en  écrit 
dans  trois  courriers. 

Ma  santé  est  toujours  souffrante.  Actuellement  nous  som- 
mes toute  la  famille  réunie  en  ville.  C'est  un  séjour  que  le 
Roi  n'aime  point. 

Adieu,  mille  et  mille  compliments  à  votre  épouse.  Je 
charge  de  cette  lettre  le  courrier  d'Espagne.  Adieu,  plaignez 
nous,  écrivez-moi  toujours  sincèrement  et  croyez-moi  pour 
la  vie,  votre  bien  attachée  et  reconnaissante  amie. 

Charlotte. 

cccxx 

Naples,  le  5  juillet  1804,  n»  26.  1 

Je  me  crois  obligée  devons  prévenir  par  le  courrier  d'Es- 
pagne de  la  scène  réellement  incroyable  et  abominable 
qu'Alquier  a  osé  me  faire  hier  -.  J'étais  très  disposée  à  une 

1.  Lettre  presque  effacée  ;  difficile  à  déchiffrer  et  dont  on  n'a  pu  faire  repa- 
raître les  mots  niar<(ués  par  des  points. 

2.  E.  Alquier  au  Ministre  des  Kelations  Extérieures,  Naples  9  juillet  1805.  — 
H.Elliot  à  lord  Mulgrave,  Naples  6  et  23  juillet  1805.  (Citées  par  Al  itioL,  II,  ;iO(i, 
367-:}C9). 


122  REVUE    HISTORIQUE    UE    E.V    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

patience  d'ange  et  à  tout  l'esprit  de  conciliation  quand  le  di- 
gne ambassadeur  a  jugé  à  propos  de  me  traiter,  moi  Reine 
de  Naples,  comme  je  me  ferai  scrupule  de  traiter  une  ser- 
vante. L'homme  avait  étudié  son  rôle  et  probablement  le 
Sénatoriat  en  sera  la  récompense.  Il  avait  le  rire  des  Comi- 
tés de  sang.  Il  n'est  pas  d'insolence  qu'au  nom  de  son  digne 
maître  il  ne  m'ait  pas  dit  :  que  j'étais  le  malheur  du  pays 
excluant  tous  les  fidèles  serviteurs  du  Roi  de  tout,  excepté 
Acton,  CJrcello,  Serracapriola,  Castelcicala,  Médici,  le  cardi- 
nal Huffo  et  Alvaro  Ruffo  et  vous  aussi Enfin  me  mena- 
çant des  choses  incroyables  et  finissant  par  semer  la  zizanie 
en  famille  en  disant  qu'on  proclamerait  le  prince  roi,  que 

tout  le  public  le  souhaite,  que  s'il  forme  le  désir En  un 

mot,  comblant  la  mesure  des  insolences,  disant  que  le  roi 
rassemble  son  conseil  d'Etat,  leur  dicte  la  langue  qui  déci- 
derait si  je  ne  suis  pas  nuisible  par  ma  permanence  aux 
affaires,  menaçant  mais  du  ton  d'un  bourreau.   En  un  mot 

c'est  mon de  parler  à  ces  Messieurs  qui,  comme  je  n'en 

doute  point,  ont  l'ordre  de  passer  les  bornes.  J'ai  manqué 
d'en  mourir  et  ai  cru  avoir  un  coup  de  sang  tant  plus  que 
je  m'étais  préparée  à  la  plus  grande  modération. 

Le  Roi  est  furieux  et  voulait  partir  pour  la  Sicile,  disant 
que  jamais  il  se  pliera  à  être  le  préfet  de  S.  M.  Buonaparte 
et  qu'en  le  limitant  sur  tout,  ministres,  généraux  et  qu'il  ne 
lui  reste  plus  qu'à  aller  en  Sicile.  J'ai  eu  toutes  les  peines  à 
le  retenir  pour  éviter  les  plus  grands  désastres.  Il  est  furieux. 
Je  ne  reviens  point  de  la  petitesse  du  Corse  de  prendre 
tant  de  pique  contre  une  femme.  Je  lui  donne  ma  parole  de 
ne  plus  proférer  son  nom.  Mais  la  conversation  d'Alquier  a 
été  un  peu  hors  de  tout,   même  d'insolence  Buonapartienne 

Il  a  essayé  de  mettre  la  zizanie  entre  père  et  fils,  mais 

il  n'y  réussira  point,  père  et  fils  étant  honnêtes  gens.  Il  a 
versé  le  poison  dans  nos  cœurs  contre  nos  ingrats  sujets 
disant  qu'il  parlait  par  leur  bouche.  Enfin  sa  conversation 
a  été  infâme  et  a  duré  deux  heures.  J'ai  manqué  d'en  étouffer 
et  d'en  mourir.  Aussi  est-ce  la  dernière.  Je  n'en  aurai  jamais 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  123 

plus  et  je  ne  m'exposerai  point  qu'un  Alquier  m'insulte.  Je 
ne  sais  quelles  sont  les  intentions  de  Napoléon  :  Alliance, 
bonne  intelligence,  soumission.  Certes  ce  n'est  pas  le  moyen 
de  l'obtenir  avec  une  pareille  insolence.  Alquier  m'a  sou- 
tenu, écumant  de  rage,  qu'il  avait  lu  ma  lettre  au  maréchal 
Berthier  pour  le  faire  chasser  et  malgré  ce  que  je  lui  ai  as- 
suré il  ne  m'en  a  pas  cru.  J'ignore  quelle  autre  imposture  et 
infamie  cela  est  ;  ce  qui  est  certain,  c'est  que  très  mal  vo- 
lontiers j'ai  écrit  à  cet  Empereur  de  nouvelle  fabrique  et  que 
sûrement  je  n'ai  jamais  écrit  à  aucun  de  ses  satellites,  fus- 
sent des  altesses,  maréchaux  ou  quelconque  de  leurs  prag- 
matiques emplois. 

Mandez-moi  si  vous  avez  pu  lire  cette  lettre.  J'écris  de 
nuit  et  crains  que  cela  ne  sera  point  intelligible L'Em- 
pereur des  Iiois  qui....  La  haine,  il rentre  en  lui,  je 

lui  donne  parole  sur  la  vie Le  roi   et  ma  famille 

indépendants  dans  les  deux  royaumes,  ôté  l'armée  et  l'af- 
freuse dépense  qu'elle  coûte  ;....  que  je  suis  prête  à  me 
mettre  pour  jusqu'à  la  paix  générale  en  otage  dans  la  France 
méridionale,  où  il  voudra  me  garder,  jamais  à  Paris.  Je  lais- 
serai tous  mes  enfants  à  Naples,  voulant  seule  en  courir  le 
risque  et  je  ne  sais  plus  que  leur  offrir  de  plus  pour  calmer 
les  fureurs  impériales  et  rendre  service  à  ma  famille  et 
pays  que  j'aime  et  à  qui  je  désire  faire  du  bien.  Vous  me 
trouverez  enthousiaste,  je  l'avoue,  mais  je  voudrais  prouver 
à  l'univers  entier  mes  sentiments  et  que  le  seul  désir  du  bien 
m'anime.  Calmez  la  fougue  de  cet  Empereur  moderne.  Je 
suis  bien  fâchée  d'être  femme,  sans  cela  je  lui  offrirais  un 
duel  en  champ  clos,  ou  qu'il  me  tue,  ou  qu'il  périsse,  puis- 
qu'il m'honore  tant  de  sa  haine.  Assurez-le  bien  que  son 
sacré  nom  ne  sera  plus  par  moi  prononcé  et  calmez-le  en 
m'apprenant  ce  que  je  dois  faire  pour  lui  complaire  et  ac- 
quérir ses  bonnes  grâces 

Adieu,  ma  santé  est  misérable,  tant  de  choses  l'ont 
ruinée  ?  Mandez-moi  si  vous  avez  pu  me  lire.  Plaignez-moi, 
je   le   mérite  bien.    Parlez-moi   et    tout  sincèrement.  Adieu, 


124  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

croyez-moi  jusqu'au  tombeau  votre  éternelle,  bien  triste 
amie. 

L'armée  de  Fouille  commet  des  folies  et  horreurs.  Elle 
arrête    tout,    lit   toutes    les    lettres.    Les    patrouilles    de    4 

hommes  du  Procaccia  ',  Ils  sont  ridicules  à 

force  de  folies,  mais  cela  finira  mal.  Adieu,  je  suis  recon- 
naissante à  vos  soins.  Avisez-moi  de  tout  et  parlez-moi 
librement.  Adieu. 

CCCXXI 

Naples,  le  7  août  1805,  n*  27. 

Le  Roi  a  ordonné  de  vous  expédier  le  courrier  pour  vous 
communiquer  nos  justes  alarmes  d'une  marche  de  12.000 
hommes  annoncés  par  toute  l'Italie  -  et  que  nos  agents  nous 
écrivent  être  employés  pour  nos  Etats,  Cela  serait  opposé  à 
ce  que  l'Empereur  vous  a  promis  lors  de  notre  reconnais- 
sance de  Roi  d'Italie  et  serait  d'un  poids  insoutenable,  sur- 
tout dans  un  moment  où  tant  de  fléaux  nous  accablent. 
Tâchez  donc  d'éviter  ce  surcroît  de  malheur  qui  nous  met- 
trait au  désespoir.  Renouvelez  à  l'Empereur  et  Roi  notre 
solennelle  promesse  et  parole  sacrée  que  s'il  nous  ôte  jus- 
qu'au dernier  homme  l'armée  injustement  stationnée  chez 
nous,  nous  conservons  la  plus  stricte  neutralité  dans  tous 
les  cas  et  guerres  qui  peuvent  agiter  l'Europe.  Il  faut  que 
l'évacuation  soit  complète.  Sans  cela  nous  ne  pourrons 
jamais  empêcher  que  nous  n'ayons  le  malheur  d'avoir  le 
théâtre  de  la  guerre  chez  nous.  —  Et  pour  prouver  que  nos 
sentiments  et  envie  de  conciliation,  bien  éloignés  des  senti- 
ments furieux  qu'on  nous  attribue  et  qui  ne  sont  que  le 
juste  ressentiment  de  quiconque  a  de  l'âme  et  se  sent 
opprimé,   même   que   nous  ne  souhaitons  que   conciliation, 

1.  Délégui'  du  commissaire  de  police. 

2.  Le  Ministre  des  Relations  Extérieures  à  l'Ambassadeur  de  France  à  Na'plcs. 
Gênes,  3  juillet  1805  (Démenti  opposé  à  l'envoi  de  nouvelles  troupes  dans  le 
royaume  de  Naples)  (Cf.  Auriol,  II,  371). 


LETTRES  INÉUITES    DE  MARIE-CAROLINE  125 

comme  les  négociations  avec  Novossiltzoff  sont  rompues  et 
que  la  cour  de  Russie  a  pour  nous  amitié  et  protection,  si 
l'Empereur  désire  que  nous  leur  passions  quelques  proposi- 
tions, idées  à  la  Russie,  nous  sommes  prêts  à  le  faire  et  à 
communiquer  ce  qui  nous  sera  proposé. 

Ceci  n'est  point  pour  jouer  un  rôle,  ou  nous  mettre  en 
avant  comme  médiateurs.  Nous  sommes  trop  petits  pour  cela. 
Mais  c'est  pour  prouver  notre  désir  de  la  Paix  dont  tout  le 
monde  et  nous  en  particulier  avons  si  grand  besoin.  Mais  je 
vous  en  conjure,  obtenez  qu'on  nous  ôte  l'armée  et  qu'on 
nous  paye  nos  4  millions  de  ducats.  Rien  ne  se  fait  malgré 
les  promesses  et  cela  nous  détruit.  Unissez  à  cela  le  fléau 
d'un  tremblement  de  terre  qui  a  ruiné  44  villes,  bourgades 
et  villages,  endommag«3  tous  les  édifices  publics  de  la  ville 
et  jugez  notre  état. 

Je  ne  puis  nullement  me  louer  de  l'Ambassadeur  Alquier. 
Après  qu'il  m'a  joué  l'impudente  scène  qu'il  a  été  si  péni- 
ble à  vous  et  à  Cardito  d'entendre  de  l'Empereur  et  qu'un 
Alquier  a  répétée  avec  la  morgue  et  le  ton  d'un  Alquier  de 
l'Assemblée  Nationale  à  une  reine  de  Naples  et  qui  m'a  fait 
tomber  malade,  il  a  depuis  lors  dénaturé  et  menti  sur  cela. 
Il  ne  se  gêne  point  pour  jouer  toute  cette  scène  à  tout  le 
monde. 

Il  ne  voit  personne  des  Ministres,  vit  en  hibou  au  Vomero, 
voit  de  la  canaille  à  nous,  rapporteurs  et  espions,  croit  tout 
et  écrit  des  choses  qui  sont  impossibles  et  n'ont  pas  le  sens 
commun.  Enfin  il  est  fou,  irrité  par  l'inquiétude  de  ses 
crimes.  Si,  comme  il  l'annonce,  on  le  fait  sénateur  au  mois 
d'octobre,  je  désirerais  bien  un  homme  sage  et  tranquille. 
Son  secrétaire  de  légation  Lefebvre  est  un  bon  jeune 
homme,  aimé  dans  le  pays,  bien  reçu  et  bien  traité.  Mais 
Alquier  prié  par  moi  d'aller  dans  le  monde  et  d'en  recevoir 
invité  par  mes  insinuations  ne  veut  aller  nulle  part  pour 
s'en  plaindre.  Mais  Lefebvre  est  un  homme  bien  plus  décent 
et  conciliant  et  je  souhaiterais  ou  lui  Lefebvre  ou  un  dans 
ce  genre. 


126  BEVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Ma  santé  est  entièrement  mauvaise  depuis  la  dernière 
fièvre.  Il  m'est  resté  une  violente  toux.  Je  crache  quelque- 
fois du  sang,  maigris  et  ai  mauvaise  mine.  Ecrire  me  fait 
mal.  Je  souffre  beaucoup,  et  ce  courrier  expédié  je  vais 
aujourd'hui  pour  une  quarantaine  de  jours  à  Castellammare 
avec  mes  trois  chers  enfants  pour  essayer  de  me  remettre. 
J'ai  choisi-cet  endroit  qui  autrefois  m'a  fait  du  bien  et  pour 
son  éloignement  de  la  ville  et  des  affaires  desquelles  je  suis 
outrée.  Je  n'ai  d'autre  but  que  de  faire  le  service  du  Roi,  de 
l'Etat.  Et  de  me  voir  déchirée  par  les  Français  comme  vendue 
aux  Anglais,  par  les  Anglais  comme  sous  l'influence  des 
Français,  quand  je  ne  suis  que  Napolitaine  et  que  je  ne  veux 
que  le  bien  de  ma  patrie,  tout  cela,  uni  à  ma  mauvaise  santé, 
me  fait  désirer  quelques  semaines  de  retraite  et  de  repos. 

Tâchez,  mon  cher  Gallo,  d'éviter  à  votre  patrie  le  théâtre 
de  la  guerre  ;  tâchez  de  me  faire  délivrer  du  poids  de  cette 
armée  et  des  malheurs  qu'elle  entraînera  sur  nous. 

Pour  les  offertes  de  parler  à  la  Russie,  faites  bien  com- 
prendre que  c'est  pour  le  bien  que  nous  le  disons  et  pour 
prouver  notre  désir  de  paix.  Enfin  je  me  fie  à  votre  zèle. 

Ma  chère  famille  se  porte  très  bien.  Le  roi,  mon  fils, 
femmes  et  enfants  vont  à  Portici,  la  maison  de  Naples  étant 
bien  lésionnée,  moi  à  Castellammare  avec  mes  filles  pour  jouir 
un  peu  de  la  solitude.  —  Aucune  autre  nouvelle.  On  en  dit 
tant  et  si  contradictoires  qu'on  ne  sait  quoi  croire.  Je  me 
borne  aux  miennes,  à  ce  qui  m'intéresse.  On  ne  parle  ni  ne 
répand  que  la  haine  personnelle  de  l'Empereur  Bonaparte 
contre  moi. 

Je  suis  tachée  surtout  pour  l'influence  que  ce  sentiment 
uni  à  sa  Puissance  peut  avoir  contre  ma  famille  et  mes  Etats; 
mais  je  sens  que  s'il  me  déteste,  il  me  doit  pourtant  estimer. 
Je  dis  de  plus:  Si  je  lui  parlais,  expliquais  les  sentiments  de 
seul  principe  de  devoir  qui  me  font  agir,  il  devrait  m'ap- 
prouver.  Il  voit  tant  de  bassesses  qu'il  a  trop  d'esprit  pour 
n'en  être  point  dégoûté  et  sentir  qu'il  ne  les  doit  qu'à 
sa  puissance  et  qu'une  louange  de   ma  part  (et  il    en  mérite 


LETTRES  INÉDITES  DE    MARIE-CAROLINE  127 

plusieurs)  sont  un  vrai  et  sincère  hommage  et  non  une 
basse  adulation.  En  un  mot,  je  suis  sûre  que  s'il  connais- 
sait le  fond  de  mon  cœur  et  mes  principes,  son  injustice 
provoquée  par  les  méchants  et  turbulents,  sa  haine  si  for- 
tement prononcée  lui  passerait  aussitôt. 

Tâchez  de  nous  faire  ôter  cette  injuste  armée  qui  nous 
ruine,  d'éviter  surtout  toute  augmentation.  Adieu,  je  compte 
sur  votre  zèle  et  vous  prie  de  continuer  à  écrire  bien  sincè- 
rement sur  tout.  Adieu,  portez-vous  bien  et  croyez-moi  de 
cœur  et  d'àme  jusqu'au  tombeau. 

Votre  bien  attachée  amie, 
Charlotte. 

Une  feuille  en  chiffre. 

Une  lettre  à  votre  épouse. 

Une  feuille  de  commission  de  moi  et  mes  enfants. 

Une  lettre  à  Versailles. 

CCCXXII 

Castellanimare,  le  'M)  Août  1805,  n"  30. 

J'ai  reçu  votre  lettre  du  10  août  et  vous  remercie  pour 
tout  ce  que  vous  me  dites  et  votre  obligeante  attention  pour 
mes  commissions  et  vous  en  suis  infiniment  obligée.  Comme 
je  crois  que  ma  fille  ne  tardera  guère  d'accoucher  ',  je  suis 
encore  sur  ma  chère  solitaire  montagne  de  Castellammare, 
l'air  m'y  fait  grand  bien  et  ma  santé  qui  était  très  délabrée 
a  beaucoup  gagné.  Mes  chers  enfants  se  portent  bien.  Pour 
les  affaires,  nous  sommes  dans  un  moment  de  crise  et  de 
stagnation.  Il  faudra  voir  ce  qui  arrivera. 

Adieu,  mille  et  mille  compliments  à  votre  épouse.  Pen- 
sez à  moi,  plaignez-moi  et  croyez-moi  pour  la  vie  votre 
reconnaissante  amie. 

[Vient  une  feuille  en  ehiffrc  prcsqu'entic-renient  effaeée  et  dont  je  n'ai 
pu  rétal)lir  que  les  tVagnicnts  suivants  :| 

1.  L'Itnpcralrice  Tlicrcse  était  en  cfi'ct   accouchée  la    veille  d"un    fils,    Jean 
Nepoaiuk  Charles  François  Joseph  Félix,  qui  mourut  le  19  février  1899. 


128  REVLE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

«  Combien  notre  position  est  embarrassante 

et  toujours  on  soupçonne  sur  nous.  L'armée  en  Fouille 
croit  toutes  les  bêtises  qu'on  lui  dit.  On  a  demandé  un 
approvisionnement   bien  fort   pour    cette    année.   Cela   fait 

30.000  ducats Moi  je  soupçonne 

une  abominable   volerie 

le   désirerais  que    la    Russie  ou  l'Autriche 

ou  qui  que  ce  fût  fit  une  honnête,  solide  paix  qui  donnât 
un  juste  équilibre  et  que  l'on  pût  vivre  en  repos,  car  on  a 
a  bien  besoin  de  tranquillité.  Pour  moi  si  l'air  de  Castel- 
lammare  ne  m'eût  remise  complètement,  je  serais  morte. 
Actuellement  je  souffre  encore  un  peu  de  fièvre.  Jugez  que 
les  chagrins  de  toutes  les  couleurs  m'ont  tuée. 

J'attends  avec  impatience  vos  courriers.  Si  Buonaparte 
réussit  dans  son  expédition  maritime,  il  a  bien  du  bonheur. 

Si  l'Angleterre  voulait  la  paix,  les  puis- 
sances continentales  y  consentiraient  toutes,  mais. 

En   vérité  on    ne   sait  même 

pas  que  souhaiter.  Pour  moi  je  ne  désire  que  le  repos.  Si 
on  nous  enlevait  cette  maudite  armée  française,  je  serais 
contente  et  nous  devrions  être  neutres.  Aussi  longtemps 
qu'elles  nous  restent,  on  les  attaquera  ici 

travaillez  dans  le  sens  de  la  vérité 

contre  tous  les  mensonges  qu'Alquier,  fou  enragé,  boute- 
feu entouré  de  mauvaises  gens. 

On  écrit  de  Fouille  que  les  Français  parlent  de  partir. 
Dieu  le  veuille  !  Ce  serait  un  grand  bonheur  ;  mais  cela 
devrait  être  sans  exception.  Ainsi  nous  n'aurons  pas  le 
malheur  du  théâtre  de  la  guerre  chez  nous.  Je  vous  remercie 
de  tout  ce  qu'avec  tant  d'exactitude  vous  m'écrivez  dans 
votre  lettre  du  10  courant.  J'attends  toujours  vos  nouvelles 
avec  impatience. 


LETTRES    INÉDITES    DE   MARIE-CAROLINE  129 

Pardonnez  encore  ma  sécature.  Je  vous  prie  de  m'en- 
voyer  deux  belles  paires  de  manchettes  d'homme  en  belle 
dentelle  avec  leur  jabot  pour  en  avoir  été  priée,  sûre  qu'à 
Paris  on  les  trouve  neuves  et  belles.  Adieu,  plaignez-moi, 
je  le  mérite  à  bien  des  égards,  mais  suis  et  serai  jusqu'au 
tombeau  votre  aimable  amie.  Adieu. 


CCCXXIIl 

Naples,  13  janvier  1806,  n»  2.  1 

Je  vous  ai  dit  par  le  courrier  du  8,  écrit  et  chiffré  si 
au  long  que  par  San  Teodoro  je  n'ai  plus  rien  à  expliquer. 
C'est  votre  ami,  parent,  un  honnête  homme.  Il  vous  expli- 
quera le  tout  de  vive  voix  mieux  que  je  ne  pourrai  vous  le 
décrire.  Je  fie  en  vous  que  vous  mettrez  toute  votre  connais- 
sance des  personnes  avec  qui  vous  vous  trouvez  et  votre 
zèle  en  mouvement  pour  sauver  vos  maîtres  et  votre  patrie. 
Car  l'invasion  ne  se  passera  pas  tranquillement.  Je  vous 
assure  que  mes  chers  enfants  qui  me  font  saigner  le  cœur 
prient  Dieu  pour  qu'il  vous  fasse  réussir.  Promettez,  assurez 
que  nous  sommes  changés  d'opinion  qu'agissant  avec  gé- 
nérosité, ce  serait  le  moyen  de  nous  attacher  en  vrais  amis. 
Assurez,  et  cela  positivement,  que  nous  nous  retirons  entiè- 
rement ne  pouvant  plus  vivre  dans  ce  tourment  et  dans  le 
système  actuel  étant  trop  vieux  pour  cela. 

Je  me  recommande  à  votre  zèle.  Ne  me  laissez  pas 
sans  vos  nouvelles  qui  sont  d'un  si  grand  intérêt  pour 
moi.  Autant  que  j'existerai,  comptez  sur  mon  éternelle  re- 
connaissance. San  Teodoro  vous  informera  de  tout  de  vive 
voix.  Je  n'ai  ni  la  force,  ni  la  santé.  Nous  l'avons  choisi 
comme    un  ami  et  parent   à  vous   et  pour  sa  parfaitement 


1.  Suite  et  fin  de  la  dépèche  dont  je  n"ai  donné  que  la  première  moitié   aux 

pages  661-667  du  tome  II  de  la  Correspondance  inédite  de  Marie-Caroline  avec 
le  Marquis  de  Gallo. 

h>,V.  I»ST.  DK  LA  RÉVOI..  9 


130  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

honnête    manière    de   penser.    Adieu,   plaignez-moi,    aidez- 
nous  et  croyez-moi  pour  la  vie  votre  reconnaissante  amie. 

Charlotte. 

A  votre  épouse,  mille  et  mille  compliments.  J'aurai 
bien  des  désirs  et  commissions  mais  notre  triste  situation 
et  l'incertitude  de  notre  existence  m'impose  tous  les  sacri- 
fices et  croyez-moi  pour  la  vie  votre  sincère  amie. 


CCCXXIV 

[Bien  que,  profondément  découragé  par  Fattitude  de  son  gou- 
vernement et  par  les  procédés  employés  à  son  égard,  Gallo  ait 
dès  le  13  décembre  1805  adressé  sa  démission  à  sa  cour  et  demandé 
à  être  relevé  de  ses  fonctions,  attristé  par  les  malheurs  qui  allaient 
fondre  sur  sa  patrie  et  qu'il  se  savait  impuissant  à  conjurer,  ému 
par  le  désespoir  tardif  de  la  Reine,  il  avait  eu  à  cœur  de  donner 
aux  souverains  qu'il  croyait  avoir  loj'alement  et  fidèlement  servi 
une  nouvelle  preuve  de  son  dévouement  et  pris  sur  lui  d'adresser 
à  Joséphine  la  lettre  qu'on  va  lire  et  que  nous  avons  cru  indispen- 
sable de  publier.] 

Le  Marquis  de  Gallo  à  l'impératrice  Joséphine. 

Paris,  le  27  janvier  1806. 

A  Sa  Majesté  l'Impératrice  et  Reine. 

Dans  la  situation  la  plus  critique  de  ma  vie,  j'ose  me 
jeter  aux  pieds  de  'Votre  Majesté  Impériale  pour  implorer  ses 
bontés.  Si  je  ne  connaissais  pas  depuis  longtemps  combien 
son  àme  est  grande  et  généreuse  et  combien  Elle  daigne 
m'honorer  de  sa  protection  et  de  sa  bienveillance,  je  n'oserais 
prendre  la  liberté  de  Lui  adresser  cette  prière. 

Votre  Majesté  Impériale  connaît  les  malheureuses  cir- 
constances où  se  trouve  la  cour  de  Naples  depuis  les  der- 
niers événements  qui  ont  attiré  sur  elle  le  plus  vif  ressenti- 


LETTRES    INÉDITES    DE  MARIE-CAROLINE  131 

ment  de  S.  M.  l'Empereur  et  Roi  *,  son  auguste  époux. 
Depuis  cette  époque  et  après  être  resté  deux  mois  sans 
aucune  communication  de  ma  Cour,  je  viens  de  recevoir 
depuis  quatre  jours  par  un  courrier  du  18  janvier  une 
lettre  de  Sa  Majesté  la  Reine  pour  Sa  Majesté  l'Empereur  et 
Roi,  laquelle  devait  lui  être  présentée  par  M.  le  cardinal 
Rufïo  que  Sa  Majesté  avait  chargé  de  se  rendre  auprès  de 
Sa  Majesté  l'Empereur  et  Roi  pour  avoir  cet  honneur,  mais 
qui  s'est  arrêté  à  Rome  croyant  de  ne  pouvoir  plus  arriver 
à  temps  à  Milan. 

Par  cette  lettre  Sa  Majesté  la  Reine,  entièrement  revenue 
de  toutes  les  préventions  qui  ont  pu  lui  attirer  le  ressenti- 
ment et  l'inimitié  de  Sa  Majesté  Impériale,  cherche  en 
avouant  ses  torts  de  calmer  l'esprit  de  Sa  Majesté  l'Empe- 
reur et  réclame  en  sa  faveur  et  en  celle  de  la  famille  royale 
toute  sa  magnanimité  et  sa  générosité. 

Malgré  toutes  les  preuves  que  j'ai  du  caractère  noble  et 
généreux  de  Sa  Majesté  l'Empereur  qui  ne  refuse  jamais 
ceux  qui  s'abandonnent  loyalement  à  lui  avec  une  entière 
confiance,  je  connais  trop  tout  ce  qui  s'est  malheureusement 
passé  depuis  un  an  entre  les  deux  cours  et  je  suis  telle- 
ment effrayé  de  l'état  des  choses  et  du  ressentiment  où  je 
vois  Sa  Majesté  l'Empereur  que  je  n'ose  pas  espérer  de 
pouvoir  moi-même  obtenir  l'honneur  de  lui  présenter  cette 
lettre,  ni  celui  de  la  lui  faire  parvenir  d'aucune  manière 
officielle.  Mais  réfléchissant  d'un  autre  côté  combien  en 
pouvait  dépendre  le  salut  de  la  famille  royale  et  de  l'Etat 
que  j'ai  servi  pendant  30  ans,  j'ose  implorer  la  médiation 
du  cœur  sensible  et  bienfaisant  de  Votre  Majesté  Impériale 
et  Roj^ale  pour  qu'elle  daigne  accorder  son  intercession  afin 
de  faire  parvenir  cette  lettre  sous  les  yeux  de  Sa  Majesté 
l'Empereur  et    Roi    et    de  l'appuyer  de    ses  bons  offices  en 


1.  Cf.  Correspondance,  T.  XI,  n»  968,  37''  bulletin  de  In  grande  armée, 
Seh(enbrunn,  26  décembre  1805,  et  proclamation  à  l'armée  du  27  décembre 
publiée  dans  le  Moniteur  du  1'^'  février. 


132  REVUE   HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

faveur  de  la  famille  Royale  de  Naples  qui  en  sera  toujours 
redevable  à  Votre  Majesté  Impériale  et  Royale. 

Je  me  confie  entièrement  pour  cette  grâce  à  la  bienfai- 
sance et  à  la  sensibilité  de  Votre  Majesté  Impériale  et 
Royale  et  je  La  supplie  d'ajouter  le  comble  à  ses  anciennes 
bontés  pour  moi  en  daignant,  dans  la  malheureuse  cir- 
constance où  je  me  trouve,  m'accorder  un  moment  d'au- 
dience particulière,  dans  laquelle  je  puisse  avoir  l'honneur 
de  réclamer  son  auguste  protection  auprès  de  Sa  Majesté 
l'Empereur  et  Roi. 

En  attendant  je  supplie  Votre  Majesté  Impériale  et 
Royale  d'accueillir  avec  bonté  l'hommage  très  respectueux 
de  la  profonde  vénération  et  du  plus  humble  dévouement 
avec  lequel  j'ai  l'honneur  d'être,  etc.   etc. 

[L'impératrice  qui,  comme  Galle  le  dira  dans  sa  lettre  de 
Paris  le  16  février  1806,  la  dernière  qu'il  écrivit  à  Marie-Caroline 
«.  avait  daigné  accueillir  ses  prières,  tenta  par  grandeur  d'âme 
d  intercéder  auprès  de  l'Empereur  et  d'obtenir  qu'il  consentit  à 
l'ouverture  de  négociations.  »  «  Mais  son  intervention  a  été  inutile, 
ajouta-t-il,  et  loin  d'obtenir  le  moindre  adoucissement  je  n'ai 
même  pas  pu  parvenir  à  me  faire  écouter...  »] 


cccxxv 

Le  Marquis  de  Gallo  à  Sa  Majesté  la  Reine. 

Paris,  le  16  février  1806. 

Je  ne  puis  déposer  aux  pieds  de  Votre  Majesté  que  l'ex- 
pression de  ma  profonde  douleur  sans  avoir  même  la  conso- 
lation de  pouvoir  lui  donner  le  moindre  espoir  en  réponse 
aux  ordres  et  aux  instructions  catégoriques  que  m'ont  ap- 
portés ses  lettres  du  26  janvier  apportées  par  le  courrier 
Precanico. 

Par  le  courrier  Giannini  expédié  le  4  du  courant  j'avais 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE  133 

eu  l'honneur  de  l'informer  de  la  rupture  des  relations  diplo- 
matiques qui  m'avait  été  notifiée  par  cette  Cour  et  de  l'ordre 
de  départ  qui  m'avait  été  signifié  en  termes  très  sévères  et 
très  durs.  Je  suis  donc  dans  l'impossibilité  de  pouvoir  rien 
faire  pour  le  service  de  Votre  Majesté  et  je  ne  me  trouve 
encore  à  Paris,  où  je  suis  ignoré  de  tous,  que  pour  mettre  un 
peu  d'ordre  à  mes  affaires  privées,  à  ma  désastreuse  situation 
personnelle  et  pour  rassembler  ce  qu'il  me  faut  afin  de  pouvoir 
entreprendre  un  aussi  long  et  dispendieux  voyage  avec  ma 
famille.  Pour  grands  que  soient  mes  soucis  et  mes  préoccu- 
pations particulières,  ce  n'est  pas  là  ce  qui  m'afflige  le  plus. 
Ce  qui  me  peine  le  plus,  ce  qui  me  désole  le  plus,  ce  sont 
les  malheurs  qui  frappent  Vos  Majestés,  la  Famille  Royale 
et  ma  patrie,  ces  malheurs  que  j'aurais  voulu  prévenir,  fût- 
ce  même  au  prix  de  mon  sang,  que  j'ai  été  malheureusement 
impuissant  à  conjurer  et  dont  je  n'ai  même  pas  pu  atténuer 
la  grandeur. 

On  refuse  de  m'entendre,  de  m'écouter;  on  a  rompu  toute 
communication  avec  moi.  J'ai  vainement  tenté  de  faire 
prêter  loreille  à  mes  ouvertures,  à  mes  propositions.  Tout  a 
été  repoussé,  rejeté  avec  une  désespérante  dureté. 

L'Impératrice  a  été  la  seule  qui  ait  daigné  accueillir  mes 
prières  et  qui  par  grandeur  d'àme  ait  tenté  d'intercéder  auprès 
de  l'Empereur  et  d'obtenir  qu'il  consentît  à  l'ouvertur  de 
négociations.  Mais  son  intervention  a  été  inutile.  Loin  d'ob- 
tenir le  moindre  adoucissement,  je  n'ai  même  pas  pu  parvenir 
à  me  faire  écouter.  Le  parti  qu'on  a  pris  est  irrévocable  et 
Votre  Majesté  a  pu  s'en  convaincre  par  les  proclamations  qu'on 
a  lancées  d'ici  et  par  la  façon  dont  a  répondu  aux  négocia- 
tions qu'Elle  a  essayé  d'entamer  en  Italie. 

Je  pars  donc  en  peine  à  la  plus  grande  douleur  et  au 
désespoir  le  plus  profond  et  j'aspire  uniquement  au  repos 
dont  mon  esprit  et  ma  santé  ont  le  plus  urgent  besoin  après 
huit  années  toutes  remplies  de  peine  et  de  soucis,  de  fati- 
gues, de  déboires  et  de  chagrins. 

Precanico  n'a  pu  obtenir  de  passe-port  comme  courrier 


134  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

parce  qu'on  est  décidé  à  ne  plus  rien  reconnaître  à  tout  ce 
qui  appartient  à  notre  pays.  Il  part  donc  en  qualité  de 
simple  voyageur  auquel  il  est  interdit  de  rapporter  des  let- 
tres fermées.  Tenant  à  lui  épargner  des  incidents  désagréa- 
bles, je  lui  confie  donc  cette  lettre  ouverte  et  me  borne  à 
déposer  aux  pieds  de  Votre  Majesté  l'hommage  du  profond 
respect  et  à  Lui  baiser  humblement  la  main. 

A  S.  M.  la  Reine  à  Naples. 


MÉLANGES   ET   DOCUMENTS 


UN  PROCES-VERBAL  DE  LA  SECTION  DE  MUTIUS-SC^VOLA 
SUR  L'EXPLOSION  DE  LA  POUDRERIE  DE  GRENELLE 

(14-  fructidor  an  II) 

Le  14  fructidor  an  II,  l'explosion  de  la  poudrerie  de  Grenelle 
causait  dans  tout  Paris  un  émoi  intense.  La  Convention,  réunie 
dès  que  la  nouvelle  fut  connue,  prit  en  toute  hâte  les  mesures 
qu'exigeaient  les  circonstances.  Le  Comité  de  salut  public  fut 
chargé  de  rédiger  sur-le-champ  une  proclamation  à  la  population 
pour  l'inviter  au  calme.  Vingt-quatre  commissaires  furent  nom- 
més pour  se  transporter  dans  les  ditlerentes  sections  de  Paris  et 
y  prêcher  le  maintien  de  l'ordre.  Par  le  procès-verbal  qu'on  va 
lire,  on  verra  les  répercussions  de  l'événement  au  sein  de  l'une 
des  principales  sections  de  Paris,  le  rôle  des  commissaires  de  la 
Convention  auprès  de  cette  même  section,  l'efiFort  fait  pour  l'orga- 
nisation des  secours,  et,  par  ces  détails,  on  pourra  se  représenter 
l'action  qu'exercèrent  les  divers  corps  populaires  pour  apaiser 
l'agitation  publique,  agitation  d'autant  plus  dangereuse  qu'elle  se 
manifestait  à  un  moment  où  les  passions  politiques  étaient  parti- 
culièrement intenses. 

O.  Karmix. 

Comité  Civil  de  la  Section  de  Midius  Scœvola^  assentblé  extraor- 
dinairement  quatorze  fructidor  l'an  II  de  la  République  Française 
une  et  indivisible. 

Les  sept  heures  et  demi  du  matin  le  Président  dudit  Comité  s'est 

1.  Nom  de  la  Section  du  Luxembourg    en    1793    et    1794.  Cf.  Ernest  Mellé, 
Les  sections  de  Paris  pendant Ja  Révolution  Française  (Paris,  1898),  p.  38. 


136  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

rendu  sur  le  champ  à  son  poste,  d'après  l'explosion  qui  s'est  mani- 
festé à  Grenelle  [et]  a  de  suite  fait  rassembler  tous  les  membres  pour 
délibérer  sur  les  moyens  à  prendre  en  pareille  circonstance. 

En  conséquence  le  Comité  assemblé  a  donné  ordre  au  Comman- 
dant de  la  force  armée,  portant  invitation  aux  Citoyens  Officiers  de 
santé  de  se  rendre  au  Comité  Civil  afin  d'y  recevoir  les  pou- 
voirs à  l'effet  de  se  transporter  sur  les  lieux  pour  y  porter  les 
secours  nécessaires  à  nos  frères  les  blessés  et  y  recevoir  linges  et 
charpies,  que  tous  les  Citoyens  se  sont  empressés  d'apporter,  ainsi 
que  matelas,  couvertures  et  traversins  que  les  différents  voituriers  se 
sont  empressés  à  l'envie  ïun  de  l'autre  de  conduire  à  Grenelle  pour 
arriver  en  même  tems  que  les  Officiers  de  Santé  et  nous  ont 
demandés  des  pouvoirs  à  cet  effet,  et  leurs  avons  adjoints  des  Officiers 
et  Volontaires  de  la  force  armée  de  la  Section,  tant  sur  l'invitation 
des  Officiers  que  sur  celle  des  Voituriers. 

A  onze  heures  du  matin,  on  a  annoncé  le  Citoyen  Servierre  ', 
Représentant  du  Peuple,  qui  a  communiqué  audit  Comité  un  Extrait 
du  Procès  Verbal  de  la  Convention  Nationale  dudit  jour  14-  fructidor, 
dont  il  nous  a  donné  lecture  et  laissé  un  Exemplaire  -.  11  nous  a 
annoncé  de  plus  qu'il  parviendrait  sous  peu  de  tems  à  la  Section 
une  proclamation  ^  pour  tranquilliser  les  Citoyens,  et  a  invité  les 
Membres  du  Comité  à  la  faire  dès  quelle  leur  sera  parvenue. 

Il  a  assuré  en  même  tems  sur  les  suites  de  cet  Evénement,  quil 
ne  serait  pas  aussi  funeste  qu'on  aurait  lieu  de  le  craindre,  attendu 
qu'il  n'y  avoit  dans  les  Magazins  que  le  produit  de  la  fabrication 
journalière. 

S' Etant  informé  des  mesures  qui  ont  été  prises,  on  lui  a  répondu 
que  le  Comité  avoit  invité  au  son  de  la  Caisse  tous  les  officiers  de 
Santé  à  se  rendre  au  Comité  pour  se  transporter  à  Grenelle,  ce  qui 
a  été  exécuté  sur  le  champ  avec  le  plus  grand  zèle  et  l'empressement 
le  plus  vif  de  la  part  de  tous  les  Citoyens  de  la  force  armée,  ainsi 
que  des  voituriers  de  toutes  les  sections  indistinctement,  qui  se  sont 
empressés  d'offrir  leurs  services  pour  y  transporter  les  matelas,  cou- 
vertures, linges  et  charpies  nécessaires  pour  pouvoir  porter  des  se- 
cours à  nos  frères,  les  blessés  à  la  Poudrière  de  Grenelle  ;  et  a  aussi 


1.  Laurent  Servière,  1759-1799,  député  de  Lozère. 

2.  Cf.  le  Moniteur  du  16  fructidor  an  II  (N»  346). 

3.  Probablement  la  Proclamation  de  la  Convention   nationale,  du  li  fructidor 
l'an  II,  signée  par  Merlin,  Barras  et  Collombel  (Bibl.  nat.,  Lb  41/4031). 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  137 

invité  un  nombre  d'officiers  de  santé  dont  deux  devaient  être  conti- 
nuellement en  permanence  au  Comité  pour  subvenir  aux  besoins  des 
blessés  qui  se  sont  rendus  dans  leurs  Domiciles  ;  et  que,  de  plus,  le 
Comité  a  fait  battre  la  Caisse  pour  prévenir  les  Citoyens  qu'ils  trou- 
veraient toujours  au  Comité  deux  Officiers  de  Santé  en  permanence 
pour  satisfaire  aux  besoins  de  tous  les  Citoyens  indistinctement. 

Le  Comité  a  aussi  observé  au  Représentant  du  Peuple  qu'il  était 
à  son  poste  et  qu'il  y  resterait  jusqu'à  ce  que  le  danger  fut  passé.  Le 
Représentant  du  Peuple  a  témoigné  sa  satisfaction  au  Comité  des 
mesures  qu'il  a  prises  et  lui  a  annoncé  qu'il  en  rendrait  compte  à  la 
Convention  Nationale  '. 

Sur  ce  que  le  Représentant  a  dit  aussi  que  peut-être  quelques 
malveillans  avaient  cherchés  à  exciter  un  nouveau  trouble,  le  Citoyen 
Desborde,  Commissaire  de  Police  de  la  dit  te  Section,  a  repris  la 
parole  et  a  dit  au  nom  du  Comité  :  «  Citoyen  Représentant,  dites  à 
la  Convention  Nationale  qu'en  vain  les  méchants  chercheroient  à 
nous  désunir  ;  les  4S  Sections  et  la  République  entière  ont  leur  point 
de  raliment  à  la  Convention  et  c'est  à  la  Convention  seule  où  nous 
irons  tous  chercher  des  ordres  pour  combattre  les  Ennemis  de  la  Ré- 
publique. » 

Avant  que  le  Représentant  du  Peuple  se  fut  retiré,  les  Citoyens  - 
Watbled  et  Décate,  tous  deux  officiers  de  la  Section  Armée,  envoyés 
par  le  Comité  civil  à  Grenelle  pour  y  prendre  des  renseignemens 
positifs  sur  sa  situation  et  les  ordres  jugés  nécessaires  par  les  Repré- 
sentants du  Peuple,  ont  rapporté  un  ordre  du  Représentant  du 
Peuple  Bochant  '^  qui  demandoit  qu'il  fut  envoyé  un  détachement  de 
Cents  hommes  armés.  Cet  ordre  a  été  remis  au  Commandant  en  Chef 
de  la  Section  pour  le  mettre  sur  le  champ  en  Execution. 

De  suite  est  arrivé  au  Comité  un  ordre  du  Département  de  la 
Police  régénérée,  adressé  au  Commandant  de  la  Force  armée,  qui 
demandoit  quil  soit  fait  des  patrouilles  de  surveillances  au  pourtour 
des  Etablissements  Publics  qui  se  trouvent  dans  l'arrondissement  de 
la  Section. 

En  conséquence  le  Comité  a  autorisé  le  Commandant  de  la  sec- 
tion de  faire  battre  la  caisse  pour  rassembler  les  Citoyens  en  Armes 

1.  C'est  probablement  un  des  N dont  parle  le  Moniteur  (N"  346)  en  rendant 

compte  de  la  séance  de  la  Convention  du  14  fructidor. 

2.  Les  noms  de  Viany  et  de  Riobé,  précédant  celui  de  Watbled,  sont  barrés. 

3.  Sans  doute,  Joseph  Beauchamp,  1761-1842^  député  de  l'Allier. 


138  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

sur  la  place  de  Mutins  Sctcvola,  pour  satisfaire  a  tous  ses  ordres  et  à 
ceux  qui  pourraient  être  Envoyés  à  la  section. 

Sur  les  trois  heures  de  iaprès-midy  sont  survenus  les  Citoyens 
Moulin  et  Burard,  tous  deux  officiers  de  Santé,  envoyés  par  le 
Comité  de  Grenelle,  qui  nous  ont  dits  qu'ils  s'étoient  transportés  à  la 
Maison  des  Invalides,  où  ils  avoient  administrés  les  secours  aux 
blessés,  et  nous  ont  remis  leurs  pouvoirs  visés  et  signés  par  le  Ci- 
toyen Meunier,  Médecin  en  chef  des  Invalides. 

La  Proclamation  de  la  Convention  Nationale  étant  arrivée,  le 
Comité  s'est  empressé  d'en  faire  la  Proclamation  dans  toutes  les 
parties  de  la  Section. 

Sur  des  Observations  qui  ont  été  faites  au  Comité  par  des  Citoyens 
et  des  Citoyennes  quivenoient  des  Invalides,  et  qu'attendu  le  nombre 
des  blessés  qui  y  avoient  été  déposés,  il  seroit  important  d'envoyer  à 
la  ditte  Maison  des  Invalides  de  la  Charpie,  Linges,  Compresses  et 
bandes,  le  Comité  a  aussi  tôt  envoyé  deux  citoyens  d'ordonnance 
pour  y  satisfaire,  avec  Invitation  de  demander  que  si  ion  en  avoit 
besoin  d'avantage,  que  le  Comité  se  feroit  un  devoir  de  leur  [en]  faire 
parvenir  par  la  même  voix  (sic)  ;  à  quoi  il  leur  a  été  repondu  que 
toutes  les  sections  en  avoient  apportés  et  qu'en  conséquence  cela  étoit 
suffisant  quant  à  présent. 

Sur  les  huit  heures  du  soir,  s'est  présenté  au  Comité  civil  de  la 
Section  le  Citoyen  Doublet,  Médecin  de  l'hospice  de  Louest  •,  de- 
meurant rue  du  four  -,  N°  297.  Lequel  nous  a  déclaré  qu'il  avoit  passé 
une  partie  de  la  matinée  au  dit  hospice,  accompagné  du  Citoyen 
Mongenau,  Médecin  des  Armées,  son  beau  fils,  ou  (sic)  ils  avaient  été 
occupés  (partie  de  la  matinée)  avec  les  Chirurgiens  dudit  hôpital  à 
secourir  les  blessés  qui  y  ont  été  amenés  au  nombre  de  Trente-cinq, 
et  nous  a  déclaré  de  plus,  qu'ayant  vu  de  nouveau  les  mêmes  malades 
ce  soir,  il  les  avoit  trouvés  dans  un  Etat  autant  satisfaisant  qu'on 
pouvoil  l'espérer,  la  plupart  d'entre  eux  paraissant  dans  le  cas  de 
guérir. 

Le  Comité  a[yant]  reçu  à  trois  heures  après  midy  une  lettre  de 
l'Agence  des  Transports  Militaires,  cinquième  Division  :  Approvi- 
sionnemens  des  subsistances  de  Paris,  avec  l'arrêté  du  Comité  de 
Salut  Public  de   la  Convention  Nationale,  par  lequel  il  met  en 


1.  Hôpital  de  l'Ouest,  à  la  barrière  de  Sèvres,  fondé  par  Mme  Necker. 

2.  La  rue  du  Four  était  située  dans  la  Section  de  Mutius-Sctevola. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  139 

réquisition  les  voitures  existantes  dans  l'Etendue  de  cette  Commune, 
propres  à  l'Execution  du  transport  des  farines,  dans  le  nombre  des- 
quelles ne  sont  point  comprises  celles  des  Bouliers  des  Départements 
de  l'Intérieur  qui  arrivent  journellement  à  Paris. 

Le  Comité,  aussi-tôt  la  présente  reçue,  a  donné  des  ordres  au 
Commandant  de  la  Force  armée  pour  faire  battre  la  caisse  dans 
toute  l'Etendue  de  la  Section  avec  la  plus  grande  exactitude,  à 
l'effet  de  prévenir  tous  les  Citoyens  Propriétaires  de  Voitures  et 
Cheveaux,  propres  au  transports  des  farines,  d'en  venir  faire  leur 
déclaration  au  dit  Comité  avec  leurs  noms  et  demeures. 

Le  Comité  a  aussi  fait  battre  la  caisse  pour  inviter  tous  les  Ci- 
toyens qui  auraient  trouvés  de  petites  balles  propres  à  la  fabrication 
des  poudres  à  Grenelle,  de  venir  les  déposer  au  Comité  pour  de  suite 
les  faire  remettre  à  qui  de  droit. 

ROYER, 

président  1. 


QUELQUES  REMARQUES  INEDITES  DE  FRANCIS  D'IVERNOIS 

SUR  LA  POPULARITÉ  DE  FRÉDÉRIC  II  DE  PRUSSE  A  NEUCHATEL 

ET  DANS  LE  RESTE  DE  L'EUROPE 

La  bibliothèque  publique  et  universitaire  de  Genève  conserve, 
parmi  les  papiers  de  Sir  Francis  D'Ivernois,  quelques  feuillets 
écrits  de  sa  main,  intitulés  :  Idées  détachées  sur  les  circonstances  pré- 
sentes. Ces  pages,  écrites  pendant  l'été  1796,  ont  traita  la  situation 
politique  et  économique  de  la  France,  aux  derniers  écrits  de  Burke, 
à  l'influence  des  journaux,  au  langage  à  tenir  par  les  partisans 
d'une  restauration  monarchique  en  France,  enfin  à  la  manière  de 
traiter  les  gens  de  lettres  pour  les  rendre  favorables  à  une  cause. 
C'est  cette  dernière  page  que  nous  reproduisons  ici. 

O.  Karmin. 

Lord  Chesterfield  dit  qu'il  faut  traiter  les  femmes  comme  des  en- 

1.  Collection  Otto  Karmin. 


140  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

fants  ;  on  pourrait  dire  dans  le  même  sens  qu'il  faut  traiter  leshom- 
mes  de  lettres  comme  des  femmes. 

J'ai  eu  l'occasion  de  voir  dans  une  ville  de  Suisse,  où  le  roi  de 
Prusse  était  extrêmement  populaire,  que  sa  popularité  dans  la  der- 
nière classe  de  la  société  avait  [  été  ]  créée  à  l'occasion  d'une  miséra- 
ble tabatière  de  porcelaine  qu'il  avait  envoyée  en  présent  à  un  maître 
écrivain  dont  il  avait  reçu  une  pièce  bien  écrite  et  qui  n'a  cessé  de- 
puis 20  ans  de  répéter  ses  louanges.  Peut-être  s'il  est  difficile  de  cal- 
culer combien  la  popularité  du  roi  de  Prusse  lui  a  été  utile  dans  sa 
carrière,  j'hésite  bien  moins  à  [l'attribuer  à  ses  actes  qu']à  quelques 
lettres  complimentatoires  (?)  qu'il  a  adressées  de  temps  en  tempsaux 
coryphées  des  gens  de  lettres  et  à  quelques  misérables  pensions  qu'il 
leur  a  fait  distribuer  pour  aboyer  en  sa  faveur. 

Au  surplus  on  se  tromperait  si  l'on  pensait  que  l'intérêt  a  plus  de 
prix  sur  les  gens  de  lettres  que  l'amour  propre.  La  plupart  d'entr' eux 
seraient  moins  flattés  d'une  pension  considérable  donnée  sans  com- 
pliments flatteurs  que  dune  pension  moindre  de  la  moitié  accompa- 
gnée de  quelques  compliments  flatteurs  qu'ils  pourront  faire  mettre 
dans  les  gazettes,  ou  de  quelques  petits  présents  qu'ils  pourront  mon- 
trer à  leurs  amis.  En  un  mot,  je  suis  persuadé  qu'avec  cent  pensions 
de  100  £  chacune,  il  y  aurait  de  quoi  soudoyer  toute  la  tribu  litté- 
raire qui  amuse  les  loisirs  de  4-  ou  5  millions  de  lecteurs  en  Europe. 


BONAPARTE  ET  LA  REPUBLIQUE  DE  SAINT-MARIN 

Le  19  février  1797,  à  Tolentino,  simple  bourg  de  la  marche 
d'Ancône,  fut  signé,  entre  la  République  française  et  le  Pape,  le 
traité  de  paix  en  vertu  duquel  Pie  VI  renonçait,  pour  lui-même 
et  pour  ses  successeurs,  à  la  ville  d'Avignon  et  au  Comtat  ve- 
naissin,  cédait  Bologne,  Ferrare,  la  Romagne  à  la  République 
cisalpine,  etc.' 

Cette  cession  de    la  Romagne   enclavait   un    petit  Etat  d'une 

1.  Rappelons  que  depuis  l'armistice  de  Cherasco,  accordé  au  roi  de  Sar- 
daigne,  Bonaparte  avait  battu  et  refoulé  quatre  armées  autrichiennes,  soumis 
l'Italie  du  Nord  et  entamé  le  Tyrol.  Dés  le  printemps,  il  reprenait  l'offensive 
contre  l'archiduc  Charles,  et  le  15  avril  les  préliminaires  de  la  paix  entre  la 
France  et  l'Autriche,  après  33  jours  de  campagne,  étaient  signés  à  Léoben 
(15  avril). 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  .  141 

soixantaine  de  kilomètres  carrés,  d'ailleurs  prospère  et  peuplé 
(environ  5000  hab.),  la  république  de  San-Marino,  ou  Saint- 
Marin.  La  capitale,  de  même  nom,  est  à  226  kil.  au  N.  de  Rome, 
15  kil.  au  S.-O.  de  Rimino,  17  de  la  mer  Adriatique.  Elle  est 
accrochée  au  pied  d'un  piton  d'origine  volcanique,  le  Monte- 
Titano,  à  plus  de  700  mètres  d'altitude  ;  une  forteresse,  la  Roche 
(Rocca),  touche  et  domine  la  ville,  enserrée  de  murailles  et  de 
tours  antiques,  et  qui  ne  peut  guère  embrasser  plus  d'un  millier 
d'habitants.  Un  «  bourg  »,  le  Borgo-Maggiore,  et  «  neuf  paroisses  » 
(communes)  complètent  le  minuscule  t^tat,  qui,  sans  étendre  ses 
limites,  a  vu  doubler  sa  population  depuis  une  centaine  d'an- 
nées :  7.900  hab.  en  1886  ;  aujourd'hui  plus  de  10.000  ;  densité 
kilométrique  :  175,  ou  deux  fois  et  demie  celle  de  la  France. 

Bonaparte —  qui  témoignait  alors  le  plus  profond  mépris,  non 
pour  le  Catholicisme  ou  le  Christianisme  en  général,  mais  pour 
le  Saint-Siège  — fut  mis  au  courant  de  l'histoire  de  San-Marino. 
C'est  au  treizième  siècle,  en  1291,  que  les  montagnards  de  la 
Rocca  s'étaient  montrés  assez  forts  pour  faire  reconnaître  leur 
indépendance  par  Nicolas  IV,  puis  par  Boniface  VIII,  un  des 
papes  les  plus  orgueilleux  du  moyen-âge.  Ni  César  Borgia,  ni  le 
cardinal  Alberoni  n'en  avaient  pu  avoir  raison.  La  république 
maintint  son  caractère  de  démocratie,  gouvernée  et  administrée 
par  des  élus,  deux  capitaines-régents  et  un  Conseil  de  Représen- 
tants du  peuple.  La  force  armée  se  composait  en  principe  —  et 
se  compose  encore  —  de  tous  les  citoyens  aptes  au  service,  de 
18  à  60  ans. 

Au  moment  d'annexer  la  Romagne  à  la  Cisalpine,  le  chef  de 
l'armée  d'Italie  crut  de  son  devoir  de  tranquilliser  San-Marino 
sur  le  sort  qui  l'attendait  ;  bien  plus,  de  l'honorer  comme  le  mo- 
dèle des  vertus  républicaines,  du  courage  militaire  et  civique.  Il 
n'eut  pas  le  temps  de  se  rendre  lui-même  à  San-Marino  ;  les 
Alpes  Juliennes  le  réclamaient.  Le  citoyen  Monge,  membre  de 
l'Institut  et  de  la  Commission  des  arts  et  sciences  en  Italie,  reçut 
l'ordre  de  présenter  à  la  petite  République  les  témoignages 
«  d'admiration  »  de  sa  grande  sœur  puînée  ;  l'assurance  d'une 
«  paix  et  d'une  amitié  inviolables  »  ;  et  de  s'informer  si  quelque 
partie  des  frontières  était  en  litige,  si  quelque  agrandissement 
de  territoire  n'était  pas  nécessaire. 

On  a  lieu  de  croire  que  ces  offres  étaient  de    pure  courtoisie. 


142  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  républicains  ne  se  laissèrent  pas  tenter, 
et  firent  sagement.  Les  guerres  ultérieures  leur  eussent  valu  bien 
des  dangers,  et  leur  indépendance  n'eût  pas  survécu  à  l'effondre- 
ment des  constructions  napoléoniennes  en  Europe  et  en  Italie.  Ils 
mirent  cependant  à  profit  la  bienveillance  de  Bonaparte,  Il 
aplanit  les  difficultés  de  leur  commerce  extérieur,  et  facilita  leurs 
relations  avec  les  voisins,  auxquels  ils  envoient  toujours  des 
essaims  de  travailleurs,  artisans  ou  journaliers,  et  dont  ils  ne 
sauraient  se  passer  pour  leurs  approvisionnements.  Ils  deman- 
daient d'acheter  mille  quintaux  de  blé  :  Bonaparte  les  leur  fit 
passer  gratuitement,  —  aux  dépens  d'Urbino  où  il  fallut  réprimer 
une  émeute.  Il  ne  négligea  pas  d'orner  la  Rocca  de  quatre  canons, 
français,  selon  les  uns,  enlevés  aux  Autrichiens,  selon  les  autres  ; 
et  la  salle  du  Conseil,  de  son  portrait,  que  l'on  y  voit  encore  à 
la  même  place.  Empereur  et  roi  d'Italie,  Napoléon  ne  désavoua 
point  Bonaparte  :  «  Respectons  Saint-Marin,  dit-il,  comme  un 
modèle  de  la  République.  '  » 

Il  informait  plus  qu'il  ne  consultait  le  Directoire.  C'est  le  l*^"" 
ventôse  an  V,  19  février  1797,  c'est-à-dire  le  jour  même  où 
Pie  VI  s'humiliait  et  se  dépouillait,  qu'il  adressa  aux  Cinq,  avec 
un  rapport,  «  le  discours  de  Monge,  prononcé  devant  les  deux 
capitaines  représentants  de  la  République  de  Saint-Marin  »  ;  la 
réponse  de  ceux-ci  et  la  réponse  des  députés,  l'une  et  l'autre 
pleines  de  reconnaissance  pour  la  «  magnanimité  des  conquérants 
de  l'Italie  ».  Au  moment  de  la  révolte  d'Urbino,  il  exempta  de 
toute  contribution  les  possessions  des  citoyens  de  San-Marino  en 
Romagne. 

Les  textes  figurent  au  Moniteur  -  et  dans  la  Correspondance 
napoléonienne,  qui  les  y  a  pris. 

Mais  ce  qui  est  curieux,  c'est  de  les  lire  tout  au  long  dans 
l'ouvrage  (anonyme)  du  Baron  de  Pommereul  '  :  «  Campagne  du 
général  Buonaparle  en  Italie  pendant  les  années  /V^'  et  V'^  de  la  Ré- 
publique française,  par  un  officier  général  ;  Paris,  l'an  V,  1797  », 
in  8".  Sur  cet  écrit  de  355  pages,  toutes  en  citations  ou  disserta- 
tions, la  République  de  Saint-Marin  n'en  occupe  pas  moins  de  six, 


1.  N'oublions  pas  que  Napoléon  P''   était   Empereur  de  la  République    fran- 
çaise, Empereur  des  Français  ;  c'était  la  même  idée  politique  sous  deux  formes- 

2.  16  ventôse  et  22  germinal  an  V  (19  février  et  11  avril  1797). 

3.  L'attribution  n'est  pas  douteuse. 


MÉLANGES     ET    DOCUMENTS  143 

et  c'est  beaucoup  si  l'on  réfléchit  à  la    matière  que  le  titre    com- 
portait 1. 

Mais  Pommereul,  homme  d'ancien,  de  nouveau  et  de  futur 
régime,  doit  être  considéré  comme  le  premier  publiciste  ou  tout 
au  moins  l'un  des  premiers,  spécialement  investi  de  la  confiance 
de  Bonaparte  et  au  courant  de  ses  ambitions.  Soit  que  le  général 
protège  les  arts  et  les  sciences  ;  soit  qu'il  fasse  emballer  avec 
soin,  pour  Paris,  les  trophées,  statues,  tableaaxet  même  reliques; 
soit  qu'il  terrasse  les  forts  et  relève  les  faibles,  il  est  constamment 
présenté  comme  un  chef  d'Etat  ;  et  le  grand  nom  de  César  revient 
plusieurs  fois  dans  des  éloges  qui  n'avaient  rien  d'hyperbolique 
pour  les  contemporains.  Le  dénouement  «  de  l'anarchie  directo- 
riale »,  à  laquelle  Fructidor  ne  remédia  guère,  c'était  la  restau- 
ration des  Bourbons  si  la  France  était  \aincue  ;  victorieuse,  elle 
appellerait  ou  accepterait  à  sa  tête  le  plus  grand  de  ses  généraux, 
le  plus  populaire,  le  plus  capable  d'organiser  et  de  réorganiser. 
Bonaparte  entrevoyait  son  destin.  Il  s'agissait  d'y  préparer  l'opi- 
nion, et  en  même  temps  de  ne  pas  se  compromettre.  Quoi  de  plus 
convenable  à  un  tel  dessein,  que  de  glorifier  Saint-Marin  comme 
le  modèle  des   républiques  ? 


Bien  que  le  genre  «  actualité  rétrospective  »  soit  étranger  au 
caractère  de  cette  Revue,  nous  ne  dissimulerons  pas  qu'un  petit 
incident  de  la  guerre  européenne  qui  se  poursuit  a  rappelé  notre 
attention  vers  la  Bocca.  Nos  journaux  ont  dit,  et  répété,  que  Saint- 
Marin,  enclave  du  royaume  d'Italie,  avait  déclaré  la  guerre  à 
l'Autriche.  Saint-Marin  ne  se  serait  donc  souvenu  ni  des  velléités 
annexionnistes  de  Crispi,  ni  de  la  singulière  tentative  d'en  faire 
un  Monte-Carlo.  Le  Conseil  de  la  Bépublique,  en  réalité,  a  publié 
un  manifeste  recommandant  aux  citoyens  de  mettre  toutes  leurs 
forces  au  service  d'une  cause  sacrée  :  «  Au  cri  de  Vive  l'Italie  ! 
dit  ce  manifeste  (7  juin),  nous  vous  lançons  le  chaleureux  appel 
de  concourir  aux  initiatives  qui  ont  pour  objet  de  soulager  les 
victimes  de  la  guerre.  »  —  L'Autriche  a  déjà,  en  1851,  violé  la 
neutralité  de  la  petite  république.  Si  quelque  hydravion  ou  diri- 
geable austro-hongrois,  sous  prétexte  de  poste  de  T.  S.  F.,  vient 

].  Bib.  liât.  Lh.  4/108,  p.  .307  à  p.  312. 


144  REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

à  survoler  ou  bombarder  la  Rocca,  nul  doute  que  ce  cri  de  Vive 
ritaîie  !  ne  prenne  un  autre  accent.  Mais  alors,  Saint-Marin  n'a 
pas  à  déclarer  la  guerre;  la  fière  république  n'est  pas  une  princi- 
pauté de  Lichtenstein  *.  Il  lui  suffira  d'autoriser  ses  citoyens- 
soldats  à  s'enrôler  sous  le  drapeau  du  roi  d'Italie  ;  ils  y  fraternise- 
ront avec  d'autres  républicains,  la  noble  lignée  de  Garibaldi. 

H.  MONIN. 


1.  On  sait  que  cette  principauté  «  souveraine  »,  le  plus  petit  Etat  de  l'an- 
cienne confédération  germanique,  déclara  la  guerre  à  la  Prusse  en  1866,  tout 
comme  l'Autriche  son  énorme  voisine  ;  et  depuis  lors  n'a  pas  signé  la  paix,  — 
pour  cause. 


NOTES  ET   GLANES 


Un  hommage  de  Fabre  d'Eglantine  à  J.-J.  Rousseau.  —  La  Biblio- 
thèque de  Genève  (Gf315,  tome  176,  pièce  45)  conserve  une 
feuille  in-4°,  imprimée  d'un  seul  côté,  et  portant  les  deux  men- 
tions manuscrites  suivantes  :  (en  haut)  1785  ;  (en  bas;  don  de 
l'auteur,  domicilié  à  Genève  en  USô. 'Sous  reproduisons  ci-dessous 
le  texte  complet  de  celte  pièce.  —  O.  K. 

Inscription 

en  style  lapidaire 

pour  mettre  sous  le  buste  de  J.-J.  Rousseau. 

Jean-Jacqles  Rousseal" 

né 

Citoyen    de  Genève  en   1712, 

depuis 

par  une  noble  abdication  de  ce  titre 

devenu   Cosmopolite. 

Le   plus  éloquent, 

le  plus  parfait  Ecrivain 

du  monde  connu  ancien  et  moderne; 

Philosophe 

Persécuté  par  les  soi-disant  tels. 

Ami 

de  la  vérité. 

Apôtre 

de  la  vertu. 

Restaurateur 

des  droits  et  des  plaisirs  de  l'enfance. 

Religieux 

dans  la  simplicité  de  l'Kvangile  et  de   son  cœur. 

Cinique 

envers  les  vices, 

envers  les  faussetés  du  siècle. 

Patient 

dans  l'adversité  ; 

«lEV.  IllST.    DE    I.A  BïVOL.  10 


146  REVUE    HISTORIQUE   DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

admira])le 
dans    la   pauvreté  ; 

bon  Homme 

devant  les  petits; 

Homme 

devant    les    grands. 

D'un  esprit  paeifique, 

d'une  âme  sensible  et  ardente. 

Politique 

lumineux  et  profond. 

Implacable  ennemi 

de  l'oppression  et  de  la   tyrannie. 

Républicain 

comme  Caton, 

Citoj'en 

comme  Aristide. 

Amant 

de  la  Nature. 

Ingénieux 

dans  la  culture  des  sciences, 

sur-tout 

dans  l'art  de  la  Musique. 

Doux 

dans  la  société  privée  : 

enfin 

pur 

d'âme,  d'esprit,  de  cœur 

et    digne 

d  une  meilleure  race  d'Hommes. 

Il  est   mort 

le  2  Juillet  1778. 

Par  M.  Fabrd  d'Eglantine. 


BIBLIOGRAPHIE 


A.   Lavoine,  La  famille    de  Robespierre.  Arras,   Irapr.  Bouvrj^ 
1914.  In-8  de  7  pages  à  2  colonnes. 

Cette  petite  brochure  n'est  qu'un  fragment  détaché  d'un  tra- 
vail plus  considérable  que  M.  L.  se  propose  de  publier  ultérieu- 
rement sous  le  même  titre.  Mais,  telle  qu'elle  est,  elle  apporte 
déjà  une  utile  contribution  à  l'histoire  des  ancêtres  du  grand 
conventionnel. 

C'est  en  1452  que  le  nom  des  Robespierre  apparaît  pour  la 
première  fois  dans  les  textes  que  nous  connaissons.  Il  s'agit,  à 
cette  date,  d'un  Willame  de  Robespierre,  cité  dans  une  charte 
comme  homme  cottier  de  Jacques  du  Bos,  bailli  du  sire  de 
Maries.  M.  L.  mentionne  ensuite  toute  la  série  des  Robespierre 
jusqu'au  grand-père  du  conventionnel,  qui  mourut  le  17  avril 
1762,  laissant  plusieurs  enfants,  parmi  lesquels  Maxim)lien- 
Barthélemy-François,  qui  fut  le  père  de  Maximilien-Marie- 
Isidore.  M.  L.,  au  cours  de  ses  recherches,  a  découvert  un 
document  intéressant  qui  met  fin  aux  discussions  relatives  à  la 
disparition  du  père  de  Robespierre  et  au  lieu  de  sa  retraite.  Ce 
document,  daté  du  8  juin  1770,  prouve  que  c'est  à  Mùnnheim  que 
le  malheureux  avocat,  désespéré  par  la  mort  de  sa  femme  et  le 
trouble  de  ses  affaires,  s'était  retiré.  Il  revint  cependant  à  Arras 
en  1771,  reparut  même  aux  audiences  du  Conseil  d'Artois,  puis 
disparut  de  nouveau  vers  le  milieu  de  l'année  1772,  et  cette  fois 
pour  toujours. 

M.  L.  termine  son  intéressant  travail  par  quelques  détails 
tirés  de  l'inventaire  des  meubles  et  effets  de  Jacques  Carrant, 
père  de  la  mère  de  Robespierre,  inventaire  dressé  en  1778,  et, 
de  la   liquidation,  en  1780,  de  ces  mêmes  biens,  dont  une   part 


148  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

évaluée  à    1142  livres,   échut  à  Maximilien  Robespierre,   et  une 
part  égale  à  son  frère  et  à  sa  sœur. 

C.  V. 


Lettres  de  Madame  Roland,  publiées  par  Claude  Perroud.  Nou- 
velle série,  1767-1780.  Paris,  Imprimerie  Nationale,  1913  et 
1915.  Deux  vol.  in-8de  lxi-556  et  xx-589  pages. 

On  sait  avec  quel  zèle  infatigable  M.  Claude  Perroud  a  re- 
cherché, publié  et  commenté  tout  ce  qui  touche  aux  principaux 
personnages  du  parti  girondin,  et  à  Madame  Roland  en  parti- 
culier. Il  complète  aujourd'hui  ses  travaux  antérieurs  par  la 
publication  d'une  nouvelle  et  importante  série  de  lettres,  qui 
s'échelonnent  sur  une  période  de  quatorze  années,  de  1767 
à  1780.  Presque  toutes  ces  lettres  sont  adressées  par  Marie 
Phlipon  à  ses  amies  les  sœurs  Cannet,  et  avaient  déjà  été  publiées 
par  MM.  Breuil  et  Dauban,  en  1841  et  1867,  mais  dans  des  con- 
ditions si  défectueuses  qu'une  nouvelle  édition,  plus  attentive  et 
plus  exacte,  était  devenue  nécessaire.  A  cette  partie  principale 
de  la  correspondance  de  Marie  Phlipon,  M.  P.  a  ajouté  quarante 
autres  lettres  qu'il  a  puisées  à  diverses  sources.  L'ensemble  ainsi 
obtenu  constitue  tout  ce  que  Ton  connaît  de  la  correspondance 
de  Madame  Roland  avant  son  mariage.  Enfin,  l'éditeur  a  com- 
plété son  travail  par  des  notices  sur  les  correspondants  de  Madame 
Roland,  par  quelques  documents  divers,  par  un  appendice  conte- 
nant des  lettres  postérieures  à  l'année  1780  et  qu'il  n'avait  retrou- 
vées qu'après  la  publication  de  son  premier  recueil,  enfin  par 
une  table  de  toutes  les  lettres  de  Madame  Roland  de  1767  à 
1793. 

Des  lettres  elles-mêmes  nous  dirons  peu  de  chose.  La  lecture 
n'en  est  pas  très  attachante.  Les  digressions,  les  récits  sans 
suite,  l'absence  de  toute  simplicité,  le  bavardage  fastidieux  qui 
remplit  ces  longues  pages,  la  pédanterie  qui  s'étale  dans  la  plupart 
d'entre  elles,  ont  quelque  chose  de  puéril  et  de  fatigant.  Néan- 
moins, elles  forment  un  document  psychologique  non  négligeable 
pour  l'histoire  d'une  femme  dont  on  a  démesurément  enflé  la 
valeur  et  le  rôle,  et  qui,  en  fait,  ne  paraît  pas  avoir  dépassé  le 
niveau  d'une  petite  bourgeoise  sentimentale,  à  laquelle  les  évène" 
ments  ont  donné  une   influence  momentanée,    mais  qui,  par   elle- 


BIBLIOGRAPHIE  149 

même,    resta   médiocre,  et  montra  plus  d'esprit  d'intrigue  que  de 
véritable  intelligence  politique. 

C.V. 


Commandant  Jean  de  La  Tovr,  Les  prémices  de  Talliance  franco- 
russe.  Deux  missions  de  Barthélémy  de  Lesseps  à  Saint-Péters- 
bourg (1806-1807),  d'après  sa  correspondance  inédite.  Paris, 
Perrin,  1914.  In-16  de  319  pages,  avec  portrait. 

On  retrouve  dans  ce  livre  les  qualités  de  l'auteur,  la  méthode, 
la  précision,  l'art  de  présenter  les  documents  inédits  trouvés  dans 
les  archives  de  famille  ou  de  l'Etat  avec  une  manière  bien  per- 
sonnelle et  très  vivante. 

La  correspondance  de  Barthélémy  de  Lesseps,  en  mission  à 
St-Pétersbourg,  d'abord  seul  en  qualité  de  consul  en  1806,  puis 
avec  le  général  Savary  en  1807,  met  en  lumière  bien  des  points 
d'histoire  encore  trop  peu  connus  et  précise  les  premières  bases 
de  l'alliance  franco-russe. 

M.  H. 


Pietro  dei  Marchesi  Arezzo.  Quattro  Personnagi  delîa  Famiglia 
Arezzo  (Giacomo,  Claudio-Mario,  Orazio  e  Tommaso).  Appunti 
Biografîci.  1  vol.  in-4,  174  pages,  avec  armes  et  portraits.  Pa- 
lerme,   Giannitrapani,  1910. 

Mieux  vaux  tard  que  jamais,  et,  sans  des  circonstances  indé- 
pendantes de  notre  volonté,  des  circonstances  que  l'auteur  sera 
le  premier  à  nous  pardonner,  il  y  a  longtemps  déjà  que  nous 
aurions  appelé  lattention  sur  les  intéressantes  notices  biographi- 
ques qu'il  a  consacrées  à  quatre  de  ses  plus  illustres  ancêtres. 

En  raison  même  du  cadre  de  notre  Revue,  il  est  malheureuse- 
ment impossible  de  parler  ici  des  deux  premiers  d'entre  eux,  qui 
sont  précisément  ceux  que  nous  connaissons  le  moins,  Jacques 
d'Arczzo,  grand  protonotaire  et  régent  du  Royaume  de  Sicile 
(1345-1410)  et  Claude-Marie  d'Arezzo  (1560-1575),  l'historiogra- 
phe de  Charles-Quint. 

Le  troisième,  Horace  d'Arezzo,  le  capitaine-général  du  royaume 
de  Naples,  né  en  1709,  était  déjà  bien  vieux,  bien  près  de  la  fin  de 
sa  carrière,  au  moment  où  les  hostilités  commencèrent  entre  les 
Deux-Siciles  et  la  République  Française.  Il  importe  toutefois  de 
faire  remarquer  qu'après  avoir  eu  la  sagesse  de  conseiller  à  Fer- 


150  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

dinand  IV  de  s'incliner  devant  les  exigences  de  la  France,  de  cé- 
der devant  la  menace  du  bombardement  de  Naples  en  décembre 
1792,  il  ne  manqua  pas,  aussitôt  après  le  départ  de  la  flotte  fran- 
çaise, de  travailler  de  son  mieux  à  la  mise  en  état  de  défense  du 
royaume  et  à  la  formation  du  petit  corps  expéditionnaire  napo- 
litain, qui  combattit  en  Piémont  et  en  Lombardie  en  1794-1795. 

C'est  au  Cardinal  que  le  Marquis  Pietro  a  réservé,  et  nous 
aurions  mauvaise  grâce  de  nous  en  plaindre,  plus  du  tiers  de  son 
livre.  La  grande  et  intéressante  figure  de  ce  prince  de  l'Eglise,  de 
l'habile  diplomate  qui,  si  Paul  I*^"^  avait  vécu  quelques  semaines 
de  plus,  aurait  eu  la  gloire  de  réussir  dans  l'entreprise,  vainement 
tentée  à  plusieurs  reprises,  de  la  réunion  de  l'Eglise  grecque,  de 
l'homme  d'Etat,  que  1  Empereur  fit  appeler  auprès  de  lui  à  Berlin 
au  lendemain  d'Iéna  et  qui  ne  craignait  pas  d'attirer  sur  lui  la 
colère  et  la  vengeance  du  maître  du  monde  pour  rester  fidèle  à 
son  devoir  et  à  ses  convictions,  les  épreuves  qu'il  supporta 
avec  autant  de  courage,  d'énergie  que  de  résignation  et  de  sang- 
froid,  son  emprisonnement  à  Florence,  Novare,  puis  à  Bastia,  les 
péripéties  de  sa  fuite  en  Sardaigne,  enfin  le  beau  rôle  qu'il  joua 
pendant  les  longues  années  qu'il  passa  à  Ferrare  en  qualité  de 
Légat  méritaient  assurément  le  juste  hommage  que  l'auteur  a  tenu 
à  rendre  à  son  illustre  ancêtre  en  lui  faisant  la  part  du  lion  dans 
ses  Appunti. 

Il  suffira  du  reste,  pour  se  faire  une  idée  du  soin  que  le  mar- 
quis Pietro  Arezzo  a  apporté  à  son  travail,  de  la  méthode  qu'il 
n'a  cessé  de  suivre,  de  remarquer  que,  non  content  de  se  servir 
des  précieux  et  nombreux  renseignements  que  lui  fournissaient 
les  riches  archives  de  sa  famille,  il  n'a  pas  hésité  à  consulter  et, 
ce  qui  est  plus  utile  encore  pour  le  lecteur,  à  citer  les  archives 
d'Etat  ou  municipales,  les  manuscrits  comme  les  livres  qui  lui 
ont  permis  de  compléter  sa  documentation.  Espérons  qu'il  ne 
s'arrêtera  pas  en  si  bonne  route  et  qu'un  de  ces  jours  nous  aurons 
la  bonne  fortune  de  le  voir  publier  les  mémoires  que  le  cardinal 
passe  pour  avoir  écrit  pendant  ses  années  de  captivité  et  d'exil. 

M.  H. 


Vincenzo  Mellini,  L'îsola  d'Elfca  durante  il  GoYerno  di  Napoleone  I. 
Florence,  Stab.  Tip.  del  Nuovo  Giornr.le,  1914.  In-8  de  xvi- 
373  pages,  avec  deux  portraits. 

Comme  a  bien   voulu   nous  l'apprendre  le  savant  et  aimable 


BIBLIOGRAPHIE  151 

directeur  de  l'Archivio  Storico  Cittadino  de  Livourne,  Pietro 
Vigo,  dans  les  belles  et  éloquentes  pages  qui  servent  de  préface  à 
ce  livre,  le  commandeur  Giacomo  Mellini,  directeur  général  des 
Mines  de  fer  de  l'Ile  d'Elbe,  encouragé  par  ses  concitoyens  et 
plus  particulièrement  par  l'auteur  même  de  cet  avant-propos, 
vieil  ami  de  la  famille  Mellini.  a  eu  1  heureuse  idée  de  profiter  du 
centenaire  de  l'arrivée  de  l'Empereur  dans  l'île  pour  livrer  à  la 
publicité  une  partie  des  écrits  et  des  notes  qu'il  a  trouvés  dans 
l'héritage  de  son  père.  Née  à  Rio-Marina  en  1819,  élevé  par  son 
père  Giacomo,  lieutenant-colonel  du  génie  qui,  après  s'être  dis- 
tingué en  défendant  Bastia  contre  les  Anglais  d'Elliot,  avait  servi 
dans  les  rangs  de  nos  armées  en  Italie  sous  Scherer,  Kellermann, 
Bonaparte,  Grenier,  Despoles  et  Brune,  Vincenzo  Mellini  avait 
grandi  au  milieu  des  récits  des  campagnes  auxquelles  son  père 
avait  pris  part,  des  souvenirs  qui  s'étaient  gravés  dans  le  cœur  et 
dans  l'esprit  de  deux  de  ses  parents,  sa  tante  Rosa  Mellini  qui 
avait  été  l'une  des  lectrices  de  Madame  Mère  et  son  oncle  mater- 
nel Dominique  Ponce  de  Léon  qui  avait  été  un  des  officiers  d'or- 
donnance de  l'Empereur  pendant  son  séjour  à  l'île  d'Elbe.  Aus- 
si, tout  en  consacrant  sa  vie  entière  à  assurer  et  à  augmenter  le 
bien-être  de  ses  concitoyens  et  la  prospérité  de  son  pays  natal, 
Vincenzo  Mellini  n'a-t-il  pas  un  seul  instant  cessé  de  rassem- 
bler les  éléments  du  travail  que  son  fils  n'a  plus  eu  qu'à  mettre 
en  ordre. 

Dénué  de  toute  espèce  de  prétentions,  l'auteur  de  ce  livre, 
comme  l'a  justement  fait  remarquer  M.  Pietro  Vigo,  n'a  eu  d'autre 
but  que  de  faire  connaître  plus  complètement  et  en  les  montrant 
sous  tous  leurs  aspects,  l'action  exercée  par  l'Empereur  sur  la 
situation  économique  et  financière  de  l'île,  les  modifications,  les 
transformations  qu'il  avait  fait  subir  à  l'ancien  état  de  choses,  les 
améliorations  qu'il  a  apportées  à  Ihygiène  des  villes  et  des  cam- 
pagnes et  à  la  vie  matérielle  des  Elbains,  l'utilité  et  l'importance 
des  mesures  qu'il  adopta,  les  travaux  qu'il  fit  entreprendre  et 
qu'on  continua  après  lui  en  s'inspirant  du  plan  qu'il  avait  tracé. 
Les  pages,  que  Vincenzo  Mellini  a  consacrées  aux  événements  qui 
précédèrent  l'arrivée  de  l'Empereur  et  qui  amenèrent  et  sui- 
virent son  départ,  ne  pouvaient  nous  apprendre  rien  de  nouveau 
après  tout  ce  qu'en  tout  pajs  on  a  écrit  sur  l'île  d'Elbe.  Mais  en 
revanche  on  trouvera  dans  le  livre  que  nous  devons  à  la  piété  fi- 
liale du  directeur  actuel  des  Mines  de  l'île  d'Elbe  un  exposé 
complet  et  exact  de  toutes  les  mesures  administratives  prises  par 


152  REVUE   HISTORIQUE  DE   LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Napoléon,  de  toutes  les  lois  et  règlements  dont  il  dota  l'île  d'Elbe 
pendant  son  règne  de  10  mois. 

M.  H. 


Hans  Barth,  Bibliographie  der  Schweizer  Geschichte  enthaltend  die 
selbstàndig  erschienenen  Druckwerke  zur  Geschichte  der  Schweiz 
bis  Ende  1913.  (Bd.  III.  Qucllen  und  Bcarbeilungen  nach  sach- 
lichen  und  formalen  Gesiclitspunkten  geordnct.)  Basel,  Verlag 
der  Basler  Buch-  und  Antiquariatshandlung  vormals  Adolf 
Geering.  In-8  de  xvii-961  pages  ;  24  fr.  60. 

Ce  volume  termine  l'important  ouvrage  de  M.  Barth,  dont  les 
deux  tomes  précédents  ont  été  annoncés  ici  lors  de  leur  appari- 
tion *  .  Aux  23.618  titres  déjà  enregistrés,  l'auteur  vient  d'en 
ajouter  9.546  autres,  sans  parler  des  addenda  aux  volumes  déjà 
parus  qui  mettent  l'ouvrage  entier  à  jour  jusqu'à  la  fin  de  1914, 
et  même  jusqu'à  l'été  de  1915. 

Ce  tome  III  donne  la  bibliographie  des  sujets  suivants  :  Cons- 
titution, droit,  administration.  —  Histoire  militaire.  —  Beaux-arts 
et  arts  industriels.  —  Science  et  enseignement.  —  Langues  et 
dialectes.  —  Imprimerie,  édition,  histoire  littéraire,  théâtre  et  mu- 
sique. —  Histoire  de  la  civilisation  et  histoire  économique. 

Ce  volume  contient  également  la  table  alphabétique  de  tous  les 
ouvrages  cités  et  un  registre  géographique  pour  les  localités  men- 
tionnées au  tome  I  de  l'ouvrage.  Ces  répertoires,  joints  à  des  tables 
assez  détaillées,  donnent  une  valeur  très  grande  à  cette  bibliogra- 
phie historique  suisse,  particulièrement  compliquée  par  le  fait  du 
fédéralisme  helvétique. 

Ces  tables  permettent  également  une  appréciation  générale  de 
l'œuvre  entreprise  par  M.  Barth.  Il  est  impossible  qu'une  biblio- 
graphie réunissant  plus  de  33.000  titres  soit  parfaite.  Mais  on 
peut  dire  que  celle-ci  est  aussi  bonne  qu'un  pareil  recueil  peut 
l'être.  Les  omissions  sont  rares  - ,  les  erreurs  très  clairsemées,  et 
la  seule  critique  qu'on  a  peut-être  le  droit  de  formuler,  c'est  que 
le  classement  des  titres  sous  les  différentes  rubriques  n'a  pas  tou- 
jours été  heureux.  Mais  c'est  là  une  affaire  d'appréciation. 

Somme  toute,  il  convient  de  féliciter  hautement  YAllgemeine 


1.  T.  V,  p.  374,  ef  t.  VII,  p.  316. 

2.  Les  tables  nous  ont  permis  de  retrouver  au  t.  I  l'ouvrage  de  G.  Gautherot 
sur  la  Révolution  à  Bâie.  Nous  l'avions  cherché  en  un  autre  endroit,  le  premier 
volume  ne  dépassant  pas  l'année  1793. 


BIBLIOGRAPHIE  153 

geschichtsforschende  Gesellschaft  der  Schweiz  de  son  initiative  et  de 
remercier  chaleureusement  M.  Hans  Barth  d'avoir  mené  à  si 
bonne  fin  un  travail  aussi  ardu.  L'étude  de  l'histoire  suisse  tant 
intérieure  qu'extérieure  se  trouvera  beaucoup  facilitée  grâce  à  cette 
bibliographie.  Que  l'auteur  donne  bientôt  la  suite  de  son  réper- 
toire des  périodiques  '  ,  et  la  Suisse  n'aura  plus  rien  à  envier  aux 
pays  les  mieux  dotés  au  point  de  vue  de  la  bibliographie  histori- 
que. 

O.  Karmin 


LIVRES   NOUVEAUX 

A.  Aulard,  La  paix  future  d'après  la  Révolution  française  et 
Kant.  Paris,  Colin,  1915.  In-16  de  32  p.  ;  0,50  cent.  —  Wilhelm 
Behrends,  Reformbestrebungen  in  Chursachsen  im  Zeitalter  der 
franzôsischen  Révolution.  Leipzig,  Quelle  und  Meyer.  In-8  de 
xii-110  p.  ;  4  mk. —  L.  F.  Benedetto,  Madame  de  Warens,  d'après 
de  nouveaux  documents.  Paris,  Pion,  1914.  In-16  de  328  p.  — 
Alex.  Bérard,  Les  invasions  de  1814  et  de  1815  dans  le  départe- 
ment de  l'Ain.  Bourg,  Imp.  du  «  Courrier  de  l'Ain  »,  1914.  In-8 
de  96  p.  —  Capitaine  L.  Blaison,  Une  ville  de  garnison  sous  la 
Restauration  :  Le  complot  militaire  de  Belfort,  1822.  Paris,  Ber- 
ger-Levrault,  1914.  In-16  de  116  p.  ;  2  fr.  —  Bliicher's  Briefe. 
Vervollstândigte  Sammlung  des  Gênerais  E.  v.  Colomb,  hgg.  v. 
W.  V.  Unger.  Stuttgart,  Cotta.  In-8  de  xi-357  p.  ;  4  mk.  50.  — 
Ch.  Borgeaud,  Un  professeur  patriote  de  la  Restauration  :  Pelle- 
grino  Rossi,  genevois  et  suisse.  Genève,  Jullien,  1914.  In-8  de 
11-32  p.  et  fig.  ;  1  fr.  —  L.  Bramsen,  Médaillier  Napoléon  le 
Grand,  ou  description  des  médailles,  clichés,  repoussés  et  mé- 
dailles-décorations relatifs  aux  affaires  de  la  France  pendant  le 
Consulat  et  l'Empire.  Copenhague,  Gyldendal,  1913.  In  4  de  166 
p.  ;  22  fr.  50.  —  T.  Casini,  Il  senato  del  regno  italico.  Roma,  Tip. 
Unione  éd.,  1914.  In-8  de  29  p.  —  M""^  Chevalley,  La  Déclara- 
tion du  droit  des  gens  de  l'abbé  Grégoire,  1793-1795.  Le  Caire, 
Barbey.  In-8.  —  J.  Corcelle,  Les  Volontaires  de  Belley  en  1792. 
Belley,  Impr.  Chaduc,  1914.  In-8  de  20  p.  —  Oskar  Criste,  Der 
Wiener  Kongress.  Wien,  Verlag  fur  vaterlàndische  Literatur. 
In-8.  —  Chanoine  A.  Durand,  L'abbé  Bonhomme,  doctrinaire  et 

1.  Hans  Barth,  Repertorium  iiber  die  in  Zeit-  und  Samniehchriflen  der  Jahrr 
ItiOl-WOO  enthaltenen  Aiifstrlze  und  Milleiliingen  schu'eizerficschiihtlichcn  Inhullrs 
(Fortsetzung  zu  Brandstetters  Repertorium,  1812-1890).  Basel,  1906. 


154  REVUE  HISTORIQUE   DE  L\    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

curé  de  Saint-Charles  (1759-1844).   Nîmes,  Imp.  Gellion,    1914. 
In-8  de  109    p.   et  fig.    —  Claude  Faure,  Les  protestants  de  la 
Drôme  et  le  préfet  Marie-Louise  Descorches,  1801-1803.  Valence, 
Impr.  Céas.  In-8  de  viii-2a4  p.  —  P. -M.   Favret,   Quelques  docu- 
ments biographiques   sur   le  conventionnel  Courtois.  Paris,  Ber- 
ger-Levrault,  1914.  In-8  de  9  p.  —  A.  Fickert,  Montesquieus  und 
Rousseaus  Einfluss  auf  den  vormarzlichen  Liberalismus  Badens. 
Leipzig,  Quelle  und  Meyer,  1914.  In-8  de  viii-112  p.  ;  4  fr.  60.  — 
Hel.  D.  Fling,  Source  problems  on  the  French  Révolution.    New 
York,  Harper,  1913.  In-8  de  xii-338  p.  ;  6  fr.  —  Friedrich  Freksa, 
Der  Wiener  Kongress,   nach   Aufzeichnungen  von  Teilnehmern 
und  Mitarbeitern.  Stuttgart,   Lutz.  In-8  de  xlii-3G7  p.  ;  5  mk.  50. 
—  Giuseppe  Gabetti,  Le  Affinità  elettive  del  Goethe,  come  espres- 
sione  di  una  crisi  pessimistica.  Rocca  s.  Casciano,  Cappeli,  1914. 
In-8  de  182  p.  ;  3  fr.  —  Edgard  Gross,    Johann   Friedrich  Ferdi- 
nand Fleck,  1757-1801.   Beitrag  zur  Entwicklungsgeschichte  des 
deutschen  Theaters.   Berlin,    Selbstverlag    der   Gesellschaft   fur 
Theatergeschichte.  In-8  de  207  p.  —  H.  Grossmann,  Oesterreichs 
Handelspolitik    mit  Bezug  auf  Galizien   in    der    Reforniperiode, 
1772-1790.  Wien,   Konegen,    1914.  In-8  de  xvn-510  p.  ;  15  fr.  — 
Félix  Haese,   Deutsche  Heldinnen  und   Helferinnen  in  den  Frei- 
heitskriegen.  Nordhauser  Geschichts-  und   Altertumsverein.  In-8 
de  53  p.  —  Histoire  populaire  des  prêtres   déportés  en  Charente- 
Inférieure  (1793-1795).  Cognac,  Impr.  Collas,   1914.   In-16  de  64 
p.  et  fig.  —  Max   Ritter  von   Hœn,  Die  Hauptarmee  1814.  Wien, 
Patriotische  Volksbuchhandlung.   In-8.  —  Georg  Freiherr  von 
Holtz,   Die  innerôsterreichische    Armée    1813  und  1814.  Wien, 
Patriotische    Volksbuchhandlung.    In-8.  —  Gertrude  Kircheisen, 
Napoléon  und  die  Seinen.  I.  Mûnchen,  Mûller,  1914.  In-8  de  vin- 
410  p.   et  85  fig.  ;  12  fr.  50.  —  Herm.  Klaje,  Pommern  im  Jahre 
1813.  Kolberg,  Dietz,  1914.  In-8  de  x-126  p.  ;  2  fr.  25.  —  Wolf- 
gang  Kraus,  Die    Stratégie   des   Erzherzogs  Cari  im  Jahre  1796 
mit  besonderer  Berùcksichtigung   der   Schlacht  bel  Wûrzburg. 
Berlin,   Nauck.    In-8  de  vi-75  p.  ;  1  mk.  50.  —  Ern.  Landsberg, 
Die  Gutachten  der  rheinischen  Immediat-Justiz-Kommission  und 
der  Kampf  ura  die   rheinische  Rechts-  und   Gerichtsverfassung 
1814-1819.  Bonn,   Hanstein,  1914.  In-8  de  cxxx-373  p.  ;  21  fr.  — 
Hans  Landsberg,  Henriette   Herz,   1764-1846,  ihr  Leben  und  ihre 
Zeit.  Weimar,    Kiepenheuer.    In-8   de  vii-487  p.  ;  6  mk.  —  Max 
Levy,   Der   napoleonische  Erlass  von  1808  wegen  der  Vor-  und 
Zunamen  der  Juden  und  seine  Ausfùhrung  in  Worms.  Worms, 
Kranzbùhler.  In-8  de  15  p.  —  Albert  Lewkowitz,  Die  klassische 


BIBLIOGRAPHIE  155 

Rechts- und  Staatsphilosophie  :  Montesquieu  bis  Hegel.  Breslau, 
Marcus.  In-8  de  iv-118  p.  ;  3  mk.  — Alh.  Lionnet,  Die  Erhebungs- 
plàne  preussischer  Patrioten  Ende  18Q6  und  Frûhjahr  1807. 
Berlin,  Ebering,  1914.  In-8  de  194  p.  ;  6  fr.  65.  —Albert  Malsch, 
La  réunion  de  Genève  à  la  Suisse.  Genève,  Kûndig.  In-8  de  47 
p.  ;  0  fr.  30.  —  Les  manuscrits  relatifs  à  l'histoire  de  la  Révolu- 
tion et  de  TEmpire  dans  les  bibliothèques  publiques  des  départe- 
ments. Paris,  Rieder,  1913.  In-8  de  458  p.  ;  10  fr.  —  G.  Maurion, 
La  formation  du  département  de  la  Seine-Inférieure.  Etude  de 
géographie  politique  et  historique.  Paris,  Librairie  de  la  Société 
du  Recueil  Sire}',  1913.  In-8  de  229  p.  —  Bernard  Miall,  Pierre 
Garât,  singer  and  exquisite  ;  his  life  and  bis  world  (1762-1823). 
New  York,  Scribner,  1913.  In-8  de  364  p.  et  fig.  ;  15  fr.  —  S. 
Mnemon,  L'origine  des  Ponialowski.  Varsovie,  Wende,  1913.  In- 
8  de  x-267  p.  ;  6  fr.  40.  —  Karl  von  Môller,  Die  hundert  Tage, 
1815.  Wien,  Verlag  fur  vaterlandische  Literatur.  In-8.  —  Gina 
Teresa  Moretta,  M™<=  d'Epinay  ;  una  pagina  di  pedagogia  del 
secolo  XVin.  Roma,  Tip.  Voghera,  1914.  In-8  de  xii-178  p.  — 
Abbé  F.  Mourret,  L'Eglise  et  la  Révolution  (1775-1823).  Paris, 
Bloud,  1914.  In-8  de  538  p.  ;  7  fr.  50.  —  Wilhelm  Oechsli,  Eine 
ungedruckte  Kriegszeitung  vor  hundert  Jahren  (1813-1815). 
Zurich,  Béer,  1914.  In-4  de  iv-36  p.  et  pî.  ;  3  fr.  —  RenéPerrout, 
Le  général  Drouot.  Nancy,  Edition  de  la  «  Revue  lorraine  », 
1914.  In-4  de  28  p.  —  G.  Pfister,  Les  fêtes  à  Nancy  sous  le  Con- 
sulat et  le  premier  Empire  (1799-1813).  Nancy,  Impr.  Berger- 
Levrault,  1914.  In-8  de  139  p.  —  M.  Piîiiger,  Koalitions-Politik  : 
Metternich  und  Friedrich  v.  Gentz,  1804-1806.  Teil  I  (Die  diplo- 
niatischen  Verhandlungen).  Hamburg,  Rademacher.  In-8  de  100 
p.  —  J.  von  Pflugk-Karttung,  Der  Stadt-  und  Polizeipriisidentvon 
Tilly  und  die  Zustilnde  in  Warschau  zur  preussischen  Zeit,  1799- 
1806.  Danzig,  Kafeniann,  1914.  In-8  de  vni-142  p.  ;  5  fr.  —  G. 
Philippi,  Imperialistische  und  pazifîstische  Strômungen  in  der 
Politik  der  Vereinigten  Staalen  von  America  wœhrend  der  ersten 
Jahrzehnte  ihres  Beslehens  (1776-1815).  Heidelberg,  Winter, 
1914.  In-8  de  xiii-151  p.  ;  5  fr.  —  G.  Reboul,  Un  curé  en  Bresse 
pendant  la  Révolution  :  Pierre  Reboul.  Bourg,  Impr.  Dureuil, 
1912.  In-8  de  310  p.  et  fig.  —  J.-L.  Reichlen,  Genève  et  la  Con- 
vention :  les  incidents  de  la  tutelle  franco-helvétique  sur  Genève 
en  1792  et  leur  répercussion  dans  le  paj^s  de  Porrentruy.  Lau- 
sanne, Biedermann.  In-8  de  43  p.  ;  0  fr.  60.  —  Maxime  Reymond, 
Il  y  a  cent  ans.  Ephémérides  de  1814,  publiés  par  la  Feuille 
d'avis  de  Lausanne.  Lausanne,    Impr.   réunies,    1914.  In-8  de  iv- 


1  56  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

364  p.  ;  5  fr.  —  Ilario  Rinieri,  Pio  VII  e  Napoleone  I  nel  1814. 
Genova,  Tip.  G.  Sambolino,  1914.  In-16  de  30  p.  —  Gius.  Signo- 
relli,  Vilerbo  dal  1789  al  1870.  I.  Viterbo,  Tip.  Minissi  e  Bor- 
ghesi,  1914.  In-8  de  713  p.  ;  4  fr.  —  S.  Stern,  Anacharsis  Cloots, 
der  Redner  des  Menschengeschlechts;  ein  Beitrag  zur  Geschichte 
der  Deutschen  in  der  franzôsischen  Révolution.  Berlin,  Ebering, 
1914.  In-8  de  xx-262  p.  ;  9  fr.  —  Giuseppe  Tarozzi,  Gian-Giacomo 
Rousseau.  Genova,  Formiggini.  In-8  de  102  p.  ;  1  1.  —  Gli 
ufficiali  del  periodo  napoleonico  (1796-1815)  nati  nello  Stato 
pontificio  ;  elenco  compilato  su  documenti  a  cura  dell'  Archivio 
di  Stato  di  Roma.  Milano,  Segati,  1914.  In-16  de  xxiii-127  p.  ; 
1  fr.  50.  —  J.  Vernier,  Répertoire  numérique  des  archives  dépar- 
tementales. Seine-Inférieure.  Période  révolutionnaire  (Série  L). 
Rouen,  Inipr.  Lecerf,  1914.  In-4  de  clxxi-247  p.  —  Eduard  v. 
Wertheimer,  Der  Herzog  von  Reichsladt.  Stuttgart,  Cotta.  In-8 
de  xiii-489  p.  ;  9  mk.  —  Ern.  Widmann,  Die  religiosen  Anschau- 
ungen  des  Fiirsten  Metternich.  Darmstadt,  Winter,  1914.  In-8 
de  VIII- 105  p.  ;  2fr.  —  William  W.  Wight,  Louis  XVII  ;  a  biblio- 
graphy.  Boston,  Marvin,  1915.  In-8  de  159  p.,  avec  portr.  — J. 
Sharp  Williams,  Thomas  Jefferson,  bis  permanent  influence  on 
American  institutions.  New  York,  Lemcke,  1913.  In-8  de  ix-330 
p.  ;  7  fr.  50  —  General  Emil  Woinowich,  Kœmpfe  im  Sûden 
Frankreichs,  1814.  Wien,  Patriotische  Volksbuchhandlung.  In-8. 


PÉRIODIQUES 


Alemannia.  —  XLII  (1915),  3  :  Friedrich  Pfaff,  Die  Beschies- 
sung  Breisachs  durch  die  Franzosen,  September  1793  ;  Engelbert 
Klupfel,  Trauergesang  von  Breisachs  Zerstôrung  und  Aufruf  an 
Deutschland  zur  einmûtigen  Vergeltung  itraduction  de  l'original 
latin,  17931. 

Allgemeine  schweizerische  Militàrzeitung.  —  LXI  (1915),  25:  M., 
Zur  Verstiindnis  der  Kriegsgeschichte  von  1789  :  der  Soldat  in  den 
Heeren  der  auf  Schweizerboden  kàmpfenden  Armeen. 

Altpreussische  Monatsschrift.  —  LU  (1915),  1  :  E.  Jacobi,  Eine 
Kant-Rede. 

Amateur  d'autographes  (L').  —  Octobre-novembre-décembre  19H: 
La  Lorraine  en  1815  [lettre  du  général  A.  Belliard,  datée  de  Metz, 
22  août  18151  ;  Un  curieux  billet  de  Joséphine. 

American  political  science  Review.  —  IX(1915),  3  :  Carpenter, 
Repeal  of  the  judiciar}^  act  of  1801. 

Anjou  historique  (L*).  —  Mars-avril  1915  :  M.  Quincé,  vicaire 
général  d'Angers  (1759-1845)  ;  Le  clergé  de  Cheviré-le-Rouge 
pendant  la  Révolution  ;  La  famille  de  Jacques  Cathelineau,  géné- 
ralissime de  l'armée  catholique  et  royale  de  la  Vendée  ;  Les  pri- 
sonniers d'Angers  transférés  à  Doué-la-Fontaine  (1793-1794)  ; 
L'application  du  Concordat  dans  le  diocèse  d'Angers  ;  Une  nomi- 
nation ecclésiastique  sous  le  gouvernement  de  Juillet.  —  Mai- 
juin  :  Les  hôtels  Campagnolle,  Maquillé  et  Lantivy,  à  Angers, 
pendant  la  Révolution  ;  Gauvillier  et  les  débuts  de  la  guerre  de 
Vendée  ;  La  bataille  du  Mans  (12  décembre  1793)  ;  M.  Hernault 
de  Montiron,  guillotiné  à  Angers  (25  janvier  1794)  ;  Le  clergé 
insermenté  à  Angers  sous  le  Directoire  ;  La  mort  de  Stofflet  et 
de  Charette  (1796)  ;  La  démolition  des  remparts  d'Angers  ;  Le 
passage  de  la  Grande  Armée  à  Saumur  (1808)  ;  Le  collège  de 
Chalonnes-sur-Loire  (1809-1818)  ;  Les  trois  sons-préfets  d'Angers 
(1811-1815)  ;  Les  prisonniers  prussiens  en  Maine-et-Loire  (avril 
1814). 


158  REVUE   HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

Annales  da  l'Université  de  Grenoble.  —  XXVI  (1915),  1  :  D.  Fau- 
cher, La  Révolution  à  Loriol,  1788-1790. 

Anzeiger  fiir  schweizerische  Geschichte.  —  XIII  (1915),  2  : 
Eduard  Wymann,  Ein  Brief  ùber  die  Septembermorde  in  Paris 
[lettre  de  Marie-Anne  Bessler,  veuve  du  comte  de  Salis,  maréchal 
de  France,  à  un  de  ses  cousins],  —  3  :  Frédéric  Barbey,  La  fa- 
brique d'horlogerie  genevoise  à  Versailles,  1795-1801. 

Apuîia.  —  V(19U),  2-3  :  N.  Testini,  Il  1799  in  Ruvo. 

Archiv  des  historischen  Vereins  des  Kantons  Bern.  —  XXII  (1915), 
3  :  W.  F.  von  Mûlinen,  Die  schweizerische  Grenzbesezung  des 
Jahres  1809. 

Archiv  des  historischen  Vereins  von  Unterfranken  und  Aschalîen- 
burg.  —  LVI  (1914-)  :  Th.  Henner,  Zur  Jahrhundertfeier  der 
Vereinigung  der  frànkisch-wûrzburgischen  und  der  aschaffen- 
burger  Lande  mit  dem  Kônigreich  Baj'ern. 

Archives  héraldiques  suisses.  —  XXIX  (1915),  1  :  Ex-libris  de 
François-Louis  Russilion,  capitaine  au  service  de  la  France, 
1751-1821.  — 2  :  E.  Wymann,  Ein  Vorschlag  zum  neuen  Bundes- 
siegel  von  1815. 

Archiv  fiir  Geschichte  des  Sozialismus  und  der  Arbeiterbewegung. 
—  V  (1915),  1-2  :  Ed.  Bernstein,  Wie  Fichte  und  Lassalle  natio- 
nal waren. 

Archiv  fiir  Rechts-  und  Wirtschaftsphilosophie.  —  VIII  (19H),  1  : 
Theobald  ZiEOLER.Der  Charakter  der  Hegel'schen  Rechtsphiloso- 
phie. 

Archiv  fiir  systematische  Philosophie.  —  A'A'  (1914),  3  :  Paul 
Stahler,  J.-G.  Fichte,  ein  deutscher  Denker. 

Archivio  per  l'Alto  Adige.  —  IX  (1914),  3,  4  :  L.  Onestinghel, 
Inaugurazione  del  teatro  vecchio  di  Bolzano  nel  1805  ;  L.  Ones- 
tinghel, Un  arcade  a  Bronzolo  nel  1812. 

Archivio  storico  délia  Calabria.  —  ///  (1915),  1-2  :  E.  Capialbi, 
Il  re  Gioacchino  Murât. 

Archivio  storico  italiano.  —  LXXII  (1914),  4:  Roberto  Palma- 
ROCCHi,  L'Italia  méridionale  dalla  Rivoluzione  francese  alla  Res- 
taurazione  :  ras'segna  critica. 

Archivio  storico  lombardo.  —  XLII  (1915),  1-2  :  E.  Bellorini, 
Frammenti  e  documenti  pariniani  inediti,  1776-1798. 

Archivio  storico  siciliano.  —  XXXIX  (1914),  1-4  :  G.  Pitre,  I 
Cronici  e  gli  Anticronici  in  Sicilia  e  la  loro  poesia  (1812-1815)  ; 
N.  Niceforo,  La  Sicilia  e  la  Costituzione  del  1812. 

Archivum  franciscanum  historicum  | Florence].  —  VII (1914),  4  : 


PÉRIODIQUES  159 

P.  LivARio  OuGER,  Délia  vita  e  degli  scritti  del  P.  Flaminio 
Annibali  da  Latera  (1733-1813). 

Atti  délia  r.  deputazione  ferrarese  di  storia  patria. — XXII  {1915), 
1  :  A,  Camilucci,  Gli  «  insorgenli  »  del  Ferrarese  da  cronaca 
inedita  (1799). 

Bankfield  Muséum  Kotes  [Halifax].  —  1915  :  Ling  Roth  and  J. 
T.  JoLLY,  War  ballads  and  broadsides  of  previous  wars,  1779- 
1795. 

Bayerland.  —  XXIV (19H),  A6  :  Johann  Keiper,  Sir  Benjamin 
Thompson,  Reichsgraf  von  Ruraford,  1753-1814. 

Beitràge  zur  Geschichte  der  Stadt  Rostock.  —  IX  (1915)  :  Ludwig 
Krause,  Schill  in  Rostock,  1809. 

Beitràge  zur  osterreicbischen  Erziehungs-  und  Schulgeschichte. 
—  1914,  n°  15  :  A.  Gubo,  Angelegenheiten  der  Elementar-  und 
Hauptschulen  in  Steiermark  zu  Ende  des  18.  und  zu  Anfang  des 
19.  Jahrhunderts. 

Berliner  Mûnzblàtter.  —  Janvier  191 A  :  Paul  ScHMroT-NeuHAUs, 
Gœthe  und  seine  Beziehungen  zur  Kunst  der  Médaille. 

Bética.  —  15  janvier  1915  :  Simon  de  la  Rosa,  Las  Cortes  de 
Cadiz. 

Bibliofilia  (La).  —  XVII  (1915),  2-3  :  La  biblioteca  di  Schiller. 

Bibliographe  moderne  (Le).  —  Janvier-juin  1914-1915  :  Furcy- 
Raynald,  Les  dépôts  littéraires  en  février  1792. 

Bijdragen  tôt  de  Taal-,  Land-  en  Volkenkuade  van  Nederlandsch- 
Ilîdië.  —  LA'A'  (1915),  2  :  P.  H.  van  der  Kemp,  Episodes  uit  de 
geschiedenis  der  aanmuntingen  ten  behœve  von  Oost-Indië  in 
1802-1817. 

Blàtter  aus  der  Markgrafschaft.  —  1915,  Heft  1  :  Konrad  Kal- 
TENBACH,  Von  Schlettstadt  nach  St.  Blasien  im  Jahre  1791. 

Blàtter  fur  das  Gymnasialschulwesen  | Munich].  —  LI  (1915), 
7-8  :  K.  Hammerschmidt,  Gedanken  ùber  den  Zugang  Kriegsfrei- 
williger  aus  den  Gymnasien  vor  hundert  Jahren  ;  A.  Schleussin- 
GER,  Waterloo  oder  Belle-Alliance  ? 

Blàtter  fiir  zwischenstaatliche  Organisation  | Zurich].  —  1915, 
n"  3  :  Der  «  ewige  Friede  »  im  Sinne  Kants. 

Bollettino  délia  Società  pavese  di  storia  patria.  —  1915,  1-2  : 
Renato  Soriga,  Bagliori  unitari  in  Lombardia  avanti  la  restaura- 
zione  austriaca,  1814. 

Bollettino  storico  pavese.  —  XIV  (1915),  2  :  R.  Soriga,  Il  pro- 
cesso  del  cittadino  Pietro  Moscati  (1800). 

Braunschweigisches  Magazin.  —  XX  (1914),  12  :  H.  Gravenhorst, 
Gesuch  um  Freilassung  des  Priifekten  von  Reiman  im  Jahre  1813. 


160  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Breisgauer  Chronik.  —  1914,  n°^  13-17  :  H.  Spreter,  Aus  der 
Jugendzeit  des  ehemaligen  Fûrstlich  Schwarzenberg'schen  Ver- 
walters  Simon  Scherer  von  Munzingen,  1774-1789. 

Bremisches  Jahrbuch.  —  XXV  (191i)  :  Fr.  Wellmànn,  Der 
bremische  Domkantor  D'^  Wilhelm  Christian  Mûller,    1752-1831. 

Brixia.  —  /  (19H),  14  :  Tonni  Bazza,  Per  il  centenario  délia 
congiura  bresciano-milanese,  1814. 

Brixia  sacra.  —  VI  (1915),  2  :  G.  Sommi-Picenardi,  Per  la 
nomina  di  un  nuovo  prevosto  a  Chiari  nel  1790. 

Bulletin  de  la  Commission  historique  et  archéologique  de  la 
Mayenne.  —  XXX  (1914-),  n^  103  :  Queruau-Lamerie,  Correspon- 
dance de  Dupont-Granjardin  avec  son  fils  (1791-1793). 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Finistère.  —  XL!  {1914)  : 
L.  Ogès,  La  période  révolutionnaire  à  Gouesnac'h  ;  P.  Hémon, 
La  Révolution  en  Bretagne  :  les  derniers  montagnards,  1795  ;  J. 
Savina,  Audierne  à  la  fin  de  l'Ancien  Régime. 

Bulletin  de  la  Société  d'archéologie  et  de  statistique  de  la  Drôme. 
—  Juillet  1914  :  Jules  Chevalier,  L'Eglise  constitutionnelle  du 
département  de  la  Drôme  (suite  en  octobre  1914  ei  janvier  1915). 

Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Toulouse.  —  XXXIII 
(1914),  1  :  E.  Litre,  Claret  de  Fleurieu,  1738-1810,  et  son  influence 
sur  la  marine  et  la  géographie  au  XVIII'  siècle.  —  2  :  M.  Adher, 
Les  colons  réfugiés  d'Amérique,  à  Toulouse,  pendant  .la  Révolu- 
tion ;  M.  Plassard,  La  bataille  de  Toulouse,  10  avril  1814. 

Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Rochefort.  —  XXXVI 
(1914),  1  :  J.  S.,  Notes  touchant  la  guerre  d'Espagne.  —  2  :  J.  S., 
De  la  numismatique  française,  maritime  et  coloniale  [médailles 
frappées  entre  1784  et  1826|  ;  A.  de  Brachel,  Embarquement  de 
Napoléon  à  l'île  d'Aix,  1815. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de 
l'Yonne.  —  LXVII  (1913)  :  G.  Petit,  La  terre  et  seigneurie  épis- 
copale  de  Charbuy  à  la  veille  delà  Révolution.  —  LXVIII(1914)  : 
Camille  Rouyer,  L'invasion  de  1814  à  Tonnerre. 

Bulletin  d'histoire  économique  de  la  Révolution.  —  1913,  n°  1  : 
Ch.  Ballot,  Procès-verbaux  du  bureau  de  consultation  des  arts 
et  métiers  ;  P.  Caron,  Une  enquête  sur  la  récolte  de  1792  ;  Ch. 
Schmidt,  La  réglementation  du  travail  agricole  à  la  fin  du  XYIII** 
siècle  ;  P.  Caron,  Le  commerce  lyonnais  et  la  dépréciation  des 
assignats.  — N°  2  :  H.  Prentout,  Les  tableaux  de  1790,  en  réponse 
à  l'enquête  du  Comité  de  mendicité,  et  leur  utilité  ;  G.  Laurent, 
Les  cahiers  de  doléances  des  corporations  de  la  ville  et  des  com- 
munautés  d'habitants  du  bailliage    de   Reims  ;    P.   Caron,    La 


PÉRIODIQUES  161 

recherche  et  la  publication  des  documents  relatifs  aux  biens 
nationaux  ;  T.  Bazeille,  Un  partage  de  biens  nationaux  dans  le 
canton  de  Mesle-sur-Sarthe  (Orne)  ;  L.  Schwab,  La  valeur  et  le 
payement  des  biens  nationaux  dans  les  Vosges  ;  Ch.  Porée,  Des 
documents  qui  permettent  d'obtenir  rapidement  une  vue  d'en- 
semble sur  la  vente  des  biens  nationaux  ;  Ch,  Schmidt,  La 
recherche  et  la  publication  des  documents  relatifs  à  l'industrie  et 
au  commerce  ;  Levainville,  Les  recherches  de  la  houille  dans  la 
Seine-Inférieure  pendant  la  Révolution;  R.  Anchel,  Une  enquête 
du  Comité  de  salut  public  sur  la  draperie,  en  l'an  III  ;  H.  Sée,  La 
recherche  et  la  publication  des  documents  relatifs  à  l'agriculture  ; 
G.  Lefebvre,  L'application  du  maximum  général  dans  le  district 
de  Bergues  ;  A.  Denis,  L.'oeuvre  de  la  municipalité  de  Toul  pour 
assurer  les  subsistances  nécessaires  à  la  population  de  cette  ville 
pendant  la  Révolution  ;  G.  Laurent,  Les  subsistances  à  Reims 
pendant  la  Révolution. 

Bulletin  historique  de  la  Haute-Loire.  —  ///  (1913)  :  R.  Jouanne, 
L'Hôtel-Dieu  et  l'hôpital  général  du  Puy  pendant  la  Révolution 
française  ;  R.  Jouanne,  Les  hospices  du  Puy  sous  le  Directoire  et 
le  Consulat  ;  U.  Rouchon,  Procès-verbal  sur  la  cérémonie  funè- 
bre qui  a  eu  lieu  au  Puy,  le  1^"^  brumaire  de  l'an  VI,  en  mémoire 
du  général  Hoche  ;  P.  Le  Blanc,  Lettres  inédites  du  sculpteur 
Pierre  Julien  à  Dominique  Brunel,  au  Puy  (1789-1790). 

BuIIettino  senese  di  storia  patria.  —  XXII  (1915),  1  :  G.  Cecchini, 
Un  biannio  di  storia  senese  (1799-1800). 

BuUettino  storico  pistoiese.  —  XVII  (1915),  1  :  R.  Giovacchini 
Rosati,  Intorno  ad  un  articolo  del  «  Monitore  Diocesano  »  sulla 
venula  di  Pio  VII  a  Pistoia. 

Cahiers  vaudois.  —  1915,  n«  5  :  Babelon,  Napoléon  au  lende- 
main d'Iéna. 

Carinthia.  —  CIV  (19U),  1-U  :  Artur  Breycha,  Aus  dem 
Tagebuch  eines  Kàmpfers  von  Leipzig  ;  Martin  Wutte,  Prophe- 
tische  Andeutungen  aus  Kârnten,  1814. 

Centralblatt  des  Zofinger-Vereins.  —  LV (Wli),  3  :  R.  Horni, 
La  perle  par  la  Suisse  de  Domo  d'Ossola  et  de  la  Valteline  (1814). 

Chênois  (Le)  iGenèveJ.  —  1(1915),  1  :  Egraont  d'ARcis,  La 
commune  de  Chêne-Bougeries  (de  1798  à  l'an  XII).  —  2  :  Egmont 
d'ARcis,  La  commune  de  Chêne-Bougeries  (ans  XII  et  XIII). 

Chronik  des  Wiener  Goethe- Vereins.  —  XXVIII  (1915),  3-6  :  R. 
Smekal,  Karl  Friedrich  Zelter  und  die  Gesellschaft  der  Musik- 
freunde  in  Wien  ;  Graf,  Goethe  ûber  seine  Werke. 

Chronique  médicale  (La).  —  15  février  1915  :  D"^  M.  Perron, 

hF.V.  HIST.  DE  LA  RÉVOL.  Il 


162  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Histoire  de  la  chirurgie  de  guerre  :  Le  service  de  sanlé  des  armées 
françaises  et  les  évacuations  par  eau  de  1743  à  1832    (suite  le  15 
mars).  —  15  avril  :  D^  Max  Billard,  La  fin  du  «  docteur  »  Blûcher 
Quelques  anecdotes  sur  Blûcher. 

Correspondant  (Le).  —  10  mars  1915  :  De  Lanzac  de  Laborie 
Deux  formules  de  la  paix  européenne  :  1815-1915. 

Daheim.  —  L  (191A),  35  :  P.  Bergell  und  K.  Klitscher 
Larrey,  der  Chefehirurg  Napoléons  L 

Deutsche  Arbeit.  —  XIV  (1914j,  5  :  W.  Stapel,  Fichtes  Natio 
nalismus. 

Deutsche  Blàtter  fur  erziehenden  Unterricht.  —  XL  (1913)  :  G 
Albert,  Pestalozzi  als  Vater  der  moderncn  Padagogik  ;  G.  Heller 
Die  Stellung  Pestalozzis  zu  den  Philanthropen,  nach  dem  Urteile 
beider  Parteien  ;  K.  Kesseler,  Pestalozzi  und  Kant. 

Deutsche  Geschichtsblàtter.  —  XVI  (1915),  2  :  A.  v.  Wiede- 
mann-Warnhelm,  Die  Polizei  unter  Josef  IL 

Deutsche  Militàrârztliche  Zeitschrift.  —  19U,  pp.  609-618  :  F. 
TiCHY,  Militàrârztliche  Literatur  in  den  Jahren  1750-1850. 

Deutsche  Revue.  —  Mars  1915  :  V.  Gortz,  Die  Rùckkehr 
Napoléons  von  Elba,  1815. 

Deutsche  Rundschau.  —  Janvier  1915  :  A.  Leitzmann,  Eine 
Jugendfreundschaft  Alexander  von  Humboldts  ;  K.  Kersten,  Ein 
empGndsamer  Reisender  :  Georg  F^orster.  —  Mars  :  Fr.  Meusel, 
Aus  Marwitz'  Memoiren  :  Der  Zusammenbruch  des  preussischen 
Staates,  1806  (suite  en  mai)  ;  G.  Ernest,  Beethoven  und  seine 
Anklàger. 

Englische  Studien.  —  XLVIII  (19U),  3  :  G.  Buyers,  The  in- 
fluence of  Schiller's  drama  and  fiction  upon  Euglisch  literature  in 
the  period  1780-1830. 

English  Historical  Review  (The).  —  Avril  1915  :  J.  Holland  Rose, 
The  Comte  d'Artois  and  Pitt  in  December  1789. 

Enskal-Erria.  —  15  septembre  19H  :  General  Rey,  Sitio  de  San 
Sébastian  en  1813  (fin  le  30  septembre). 

Euphorion.  —  A'AY  (1915),  1-2  :  E.  Berend,  Jeanpauliana  ;  H. 
GuNTHER,  Ungedruckte  Briefe  L.  Tieks  ;  D.  Jacoby,  Fichte  und 
sein  Verhâltnis  zu  Preussen  ;  W.  Schmidt,  Fichles  Einfluss  auf 
die  altère  Romantik. 

Evangelische  Freiheit.  —  A'T'  (1915),  1  :  R.  Herrmann,  1813 
und  die  Religion  (fin  dans  le  n^  2). 

Feuilles  d'histoire.  —  P'  février  1915  :  E.  Welvert,  S.  A.  S. 
l'archichancelier  Cambacérès  ;  M.  Citoleux,  Vignj'  et  l'Allema- 
gne.—  P'^  mars  :  A.  Chuquet,  Goethe  dans  la  campagne  de  1792  ; 


PÉRIODIQUES  163 

E.  Welvert,  Sieyes.  —  P'  avril  :  A.  Chuquet,  Les  Prussiens  à, 
Saint-Mihiel;  Un  officier  prussien  à  Valmy  ;  Les  Bavarois  en  1806; 
L'Alsacien  Stôber  et  la  presse  allemande  en  1814  ;  Les  Prussiens 
à  Neufchatel  en  1815  ;  G.  Vautoier,  Manuels  et  recueils  pour  les 
écoles  centrales.  —  P'^  mai  :  A.  Chuquet,  Fanfaronnades  prus- 
siennes d'autrefois  ;  Les  Prussiens  à  Varennes  en  1792  ;  La  nou- 
velle d'Iéna  ;  Les  Français  à  Leipzig  en  1806  ;  Les  Berlinois  de 
1807  ;  Les  Gardes  d'honneur  entre  Rhin  et  Vosges,  1813-1814;  R. 
Reuss,  La  Révolution  en  Alsace  ;  G.  Vauthier,  Les  premières 
nominations  aux  grandes  dignités  impériales. 

Finanz-Archiv.  —  XXXII  (1915),  2  :  H.  Knott,  Die  weimari- 
schen  Landesschulden,  1814. 

Germanisch-romanische  Monatsschrift.  —  VI  {191  A),  3  :  A.  Oes- 
TERLiNG,  Byron  und  Beyle. 

Geschichtsblàtter  fur  Stadt  und  Land  Magdeburg.  —  XLIX-L 
{1915),  1,  2  :  F..  Neubauer,  Magdeburg  in  der  Franzosenzeit, 
1806-1814. 

Glasgow  Médical  Jourml  —  LXXXIV  {1915),  pp.  161-176  :  A. 
J.  Ballantyne,  Médical  conditions  in  Glasgow  one  hundred 
years  ago. 

Historische  Monatsbiàtter  fiir  die  Provinz  Posen.  —  XV  {19U), 
5  :  J.  Jacobson,  Zur  Geschichte  des  jûdischen  Handwerks  in 
sùdpreussischer  Zeit,  1793-1802.  —  6  :  H.  Kochendorffer,  Die 
Gefangenschaft  des  ehemaligen  Kalischer  Kammer-  und  Accise- 
Direktors  Geheimrat  Serre  in  Glogau,  1808-1809.  —  7  ;  Friedrich 
KocK,  Die  Bromberger  Kaufmannschaft  von  1772  1806.  —  11  : 
R.  Prumers,  Der  widerspenstige  Schulze  von  Dronzno,  1807. 

Historisches  Jahrbuch  der  Gôrresgesellschaft.  —  A'A^YV  {19U), 
3  :  E.  Reinhard,  Priiludien  zu  einer  Biographie  Karl  Ludwigs 
von  Haller.  —  4  :  J.  v.  Pflugk-Harttung,  Der  Oberbefehl  1813. 

Histcrisch-politische  Blàtter  fiir  das  katholische  Deutschiand.  — 
XLI1I{1914),  8  :  G.  Meier,  Placidus  a  Specha,  ein  Pionnier  des 
Alpensports  vor  100  Jahren.  —  12  :  A.  Doberl,  Montgelas'Kir- 
chenpolitik,  1800-1808  (suite  dans  le  tome  CLIV,  2). 

Illustrated  London  News  (The).  —  12  juin  1915  :  J.  Holland 
Rose,  Waterloo  and  the  warfare  to-day  (suite  le  19  juin). 

Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux.  —  10  janvier  1915  : 
Comment  s'appellent  les  membres  de  la  famille  de  Napoléon  : 
Bonaparte  ou  Napoléon  ?  —  20-30  janvier  :  Les  Marie-Louise 
(suite  le  20-30  mars)  ;  Le  général  Bonaparte  à  Nice  ;  La  duchesse 
de  Berry  à  Marseille  en  1816  (suite  le  10  mars).  —  10  février  :  «  Ce 
n'est  pas  une  émeute,  c'est  une  Révolution  »  (suite  le  20-28  février); 


164  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Stendhal  et  Lord  Byron  (suite  le  20-30  mars).  —  20-28  février  : 
Arrivée  de  Napoléon  à  Paris,  le  20  mars  1815  :  Lettre  d'Armand 
de  Gontaut-Biron.  —  10  mars  :  Charles  X  quitta-t-il  Cherbourg 
sur  un  navire  appartenant  à  Joseph  Bonaparte  ?  Les  dîners  de 
Madame  de  Staël  ;   Le  retour  de  Napoléon  ;  Le  cardinal  Fesch. 

—  20-30  mars  :  L'arrestation  de  Stofflet.  —  W  avril  :  Le  comte 
de  Savary,  chouan.  —  10  juin  :  Où  est  la  statue  de  Barnave  ? 

Internationale  Kirchliche  Zeitschrift  | Berne].  —  V (1915),  1  :  M. 
Menn,  Johann  Michael  Sailers  Geistesarbeit,  1751-1832  (suite 
dans  le  n°2).  —  2  :  Adolf  Kury,  Die  Durchfûhrung  der  kirchli- 
chen  Verordnungen  (1802)  des  Konstanzer  Generalvikars  J.  H. 
von  Wessenberg  in  der  Schweiz. 

Internationale  Monatsschrift.  —  Février  1915 :  K. Th.  von  Heigel, 
Eine  Auflehnung  Europas  gegen  England  vor  100  Jahren. 

International  Journal  of  Ethics.  —  XXVI  (1915),  1  :  Norman 
Wilde,  The  conversion  of  Rousseau. 

Jahrbuch  der  deutsch-amerikanischen  historischen  Gesellschaft 
von  Illinois.  —  19H  :  O.  Lohr,  Das  Deutsch-Amerikanertum  vor 
hundert  Jahren  und  der  Krieg  von  1812. 

Jahrbuch  des  Geschichtsvereins  fiir  das  Herzogtum  Braunschweig. 

—  XIII  (19H)  :  F.  Schneider,  Aus  den  Schicksalsjahren  der  Uni- 
versitât  Helmstedt,  1792-1805  ;  H.  Gâus,  Geschichte  der  Braun- 
schweigischen  Staatspost  bis  1806  ;  H.  Mack,  Zur  Regierungsge- 
schichte  Herzog  Friedrich  Wilhelms  von  Braunschweig,  1813- 
1815. 

Jahrbuch  fiir  Geschichte,  Sprache  und  Literatur  Elsass-Lothrin- 
gens.  —  A'A'A'  (19H)  :  Emil  Wendling,  Zur  Biographie  Georg 
Daniel  Arnolds  [professeur  à  Coblenz  à  partir  de  1806J  ;  Ernst 
Marckwald,  Beitràge  zur  Lebensgeschichte  G.  D.  Arnolds  ;  Emil 
Wendling,  Gôrres'Reise  ins  Elsass,  1818  ;  Wolfgang  Kramer, 
Ein  «  Frantzosen-Vatterunser  »  aus  dem  Jahre  1790. 

Jahresbericht  der  deutschen  Mathematiker-Vereiuigung.  —  XXI 
(1913)  :  E.  Haentzschel,  Johann  Andréas  Christian  Michelsen, 
1747-1797. 

Jahresberichte  fiir  neuere  deutsche  Literaturgescbichte.  — XXIV 
(1913  [paru  en  1915]),  2  :  Franz  Leppmann,  Gœthe  ;  HugoBiEBER, 
Zu  Gœthes  Leben  ;  Ernst  Mùller,  Schiller. 

Jurnal  ministerstva  narodnago  prosvesceniia.  —  Mai  1915  :  P.  N. 
JuKOvic,  Les  classes  de  la  population  de  la  Russie  orientale  sous 
Catherine  II. — Juin  :  Lucickii,  Les  réquisitions  agricoles  à  la 
veille  de  la  Révolution  aux  environs  de  Paris  ;  N.  Likin,  L'Uni- 
versité de  Moscou  à  Nijni-Novgorod  en  1812. 


PÉRIODIQUES  166 

Kimstchronik.  —  XXVII  (1915),  7  :  H.  Machowsky,  Franz 
Zauner  |  sculpteur,  1746-1822]. 

Lectura  (La).  —  Février  1915  :  Cartas  de  Bolivar,  1799-1822. 
—  Avril  :  Julian  Juderias,  Simon  Bolivar,  libertador  de  la  Ame- 
rica del  Sur. 

Légitimité  (La).  —  Avril-juin  1915  :  Le  vœu  de  Louis  XVI  ; 
OsMOXD,  L'idée  de  Barras  et  des  Thermidoriens  ;  Osmond,  Liste 
civile  des  serviteurs  de  Louis  XVI  ;  Y.  Chantelys,  Naundorff  et 
les  anciens  serviteurs  de  Louis  XVL 

Linzgau-Chronik.  —  19U,  n"^  1-15  :  Maier,  Badens  Anteilnahme 
an  den  Franzosen-  und  Freiheitskriegen. 

Literary  Guide  (The).  —  Juin  1915  :  E.  S.  P.  Haynes,  Lady 
Hamilton. 

Lombardia  (La).  —  20  avril  19U  :  La  morte  del  Prina. 

London  Magazine  (The).  —  Juin  1915  :  Clifford  Hosken,  Stories 
of  the  Iron  Duke  :  the  human  side  of  the  great  soldier  ;  William 
Bateman,  The  field  of  Waterloo. 

Lyzeum  (Bas).  —  II  (19U),  7  :  P.  Ostwald,  Von  der  Marwitz, 
der  Gegner  der  Stein-Hardenbergschen  Beforra. 

Mannheimer  Geschichtsblatter.  —  XVI  (1915),  1  :  Friedrich 
Walter,  Die  Uebergabe  der  Bheinschanze  an  die  Franzosen,  24. 
December  1794  ;  Gustav  Christ,  Der  abgesàgte  Freiheitsbaum  in 
Zweibrùcken.  —  3-A  :  Friedrich  Walter,  Der  Musikverlag  des 
Michael  Gôtz  in  Mannheim,  1776-1810  ;  Die  Mitgliederder  Mann- 
heimer Handlungs-Innung  1791. 

Mathematisch-naturwissenschaftliche  Blàtter.  —  A7  (19U),  1  : 
Rudolf  Zaunick,  Goethe  und  Vicq-d'  Azyr,  1784(suite  dans  leno  2). 

Mémoires  de  la  Société  Royale  du  Canada.  —  VII  (1913)  :  E.  A. 
Cruikshank,  From  Isie  aux  Noix  to  Chateauguay  :  a  study  of  the 
military  opérations  on  the  frontier  of  Lower  Canada  in  1812  and 
1813  (suite  dans  le  tome  VIII,  19U-1915). 

Mitteilungen  zur  Geschichte  der  Medizin  und  der  Naturwissen- 
schaften.  —  XIV  (1915),  2:  Schmutzer,  Eine  Chirurgenrechnung 
aus  dem  Jahre  1789.  —  5  :  J.  Wittmann,  Ein  Brotrezept  aus  dem 
Jahre  1817. 

Modem  Philology.  German  section.  — XII  (19U),  8:  Ch.  Hand- 
SCHIN,  Gœthe  und  die  bildende  Kunst. 

Monatsschrift  fiir  hôhere  Schulen.  —  XIII  (19U),  11-12:  Frie- 
drich Heggen,  Wieland  und  das  Drama. 

Monatsschrift  fur  Ohrenheilkunde  und  Laryngo-Rhinologie.  — 
XLVIII  (19U),  pp.  358-368  :  H.  Schrôder,  Jean  M.  G.  Itard, 
1775-1838  [continuateur  de  l'abbé  de  l'Epée  et  de  Sicard]. 


166  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Monistische  Jahrhundert  (Das).  —  IV  (1915),  1-2  :  Robert  Rie- 
MANN,  1815  :  Ein  Rûckblick. 

Musée  neuchâtelois.  —  //  (1915),  3  :  Marcel  Godet,  Lettres 
de  l'avoyer  Nicolas-Frédéric  de  Steiger  à  Louis  de  Marval,  de 
1777  à  1798  ;  Léopold  de  Rougemont,  Le  gouverneur  de  Béville 
et  le  procureur  général  de  Rougemont  à  propos  du  bail  emphy- 
téotique du  Domaine  de  Colombier,  1801-1804. 

Musical  Times  (The).  —  Juin  1915  :  Scrutineer,  Germany's 
claim  to  «  La  Marseillaise  ». 

Nature  (La). —  6  mars  1915:  A.  Chaplet,  L'industrie  française 
pendant  les  guerres  de  la  Révolution  et  de  l'Empire. 

Naturwissenschaftliche  Wochenschrift.  —  XIII  (191A),  pp.  577- 
519  :  A.  Hansen,  Gœthes  naturwissenschaftliche  Sammlungen 
im  Neubau  des  Gœthehauses  zu  Weimar. 

Neue  Bûndner  Zeitung.  —  191^,  n°  127-139  :  Das  Prâtigau  vor 
125  Jahren. 

Neue  Heidelherger  Jahrbucher.  —  XIX  (1915),  1  :U.  Vôlter, 
Die  grundherrschaftlich-bâuerlichen  Verhâltnisse  im  nôrdlichen 
Baden  bis  Ende  des  18.  Jahrhunderts. 

Neue  Jahrbucher  fiir  das  klassische  Altertum,  Geschichte...  und 
Pàdagogik.  —  19H,  n"  h  :  Félix  Kuberka,  Die  Freiheitskriege 
im  Lichte  der  systeraatischen  Entwicklung  ;  Paul  Johann  Arnold, 
Gœthes  «  Novelle  ». 

NeuesArchiv  fur  Sâchsische  Geschichte.  —XXXWI(1915),  1-2  : 
W.  Friedensburg,  Die  sâchsische  Landwehr  bei  Courtray  (31. 
Mârz  1814)  ;  P.  A.  Merbach,  Aus  dem  Leben  eines  sâchsischen 
Staatsbeamten  :  Johann  Daniel  Merbach,  1777-1861  ;  L.  Berg- 
strasser,  Nochmals  Theodor  Kôrners  Tod. 

Neue  Zeit  (Die).  —  P^  janvier  1915  :  N.  Rjasanow,  Die  eng- 
lische  Arbeiterklasse  und  der  Antijakobiner-Krieg. —  12  février: 
Fr.  Mehring,  Die  napoleonische  Strategik. 

Neue  Zeitschrift  fiir  Musik.  —  19U,  n°^  W-41  :  M.  Unger,  Neue 
Beethoven-Studien. 

Neujahrsblatt  herausgegeben  von  der  Stadtbibliothek  Zurich.  — 
1915  :  W.  Oechsli,  Eine  ungedruckte  Kriegszeitung  vor  hundert 
Jahren, 1813-1815. 

Nieuw  Theologisch  Tijdschrift.  —  IV  (1915),  1  :  P.  Feenstra 
jr.,  De  Godsdienst  in  de  Fransche  Revolutie. 

North  American  Review  (The).  —  Avril  1915  :  G.  Bradford,  Por- 
trait of  a  lady  :  Mme  du  DefFand. 

Nouvelles  étrennes  fribourgeoises.  —  XL  VIII  (19U)  :  Dom 
Grangier  d'Estavayer,  Noies  prises  en  1817. 


PÉRIODIQUES  167 

Oesterreichische  Rundschau.  —  15  septembre  19H  :  Fr.  Rosen- 
THA.L,  Iffland.  —  1"  novembre  :  Eisa  von  Klein,  Ein  Kriegsbûro 
im  Jahre  1813. 

Pàdagogisches  Archiv.  —  LV  (1914),  10:  Richard  Groeper, 
Goethe  1813. 

Pàdagogisches  Magazin.  —  19H,  Heft  524-  :  Georg  Helleb, 
Pestalozzis  Verhaltnis  zu  den  Philanthropen  und  ihrerPâdagogik. 

Pâdagogische  Studien.  —  1914,  Heft  5  :  W.  Schmidt,  J.  G. 
Fichte  und  seine  Enlwicklung  zum  Philosophen  der  deutschen 
Befreiung.  —  1915,  Heft  /  :  E.  v.  Sallwûrk,  Rousseaus  Stellung 
in  der  Pâdagogik  und  in  der  Geschichte  der  Piidagogik. 

Patria  e  colonie  [Milan]  —  ///  (1914),  10  :  G.  Nurra,  Contrasti 
internazionali  nell'Adriatico  all'epoca  Napoîeonica. 

Pearson's  Magazine.  —  Juin  1915  :  Hilaire  Belloc,  The  battle 
of  Waterloo. 

Petrus-Blâtter.  —  Janvier  1915  :  Alfons  Lauter,  Wessenberg 
gegenûber  der  franzôsischen  Fremdherrschaft. 

Pharus.  Katholische  Monatsschrift.  —  VI  (1913),  11  :  W . 
Scherer,  Eine  Théorie  der  Jugendkunde  aus  dem  Aufang  des 
19.  Jahrhunderts. 

Philosophical  Review  (The).  —  XXIV  (1915),  1  :  Becker,  The 
dilemma  of  Diderot. 

Preussische  Jahrbiicher.  —  CLIX  (1915),  2  :  H.  Scholz,  Fichte 
als  Dichter. 

Proceedings  of  the  Royal  Society  for  Médecine.  Historical  Section. 
—  VUI(1915),  pp.  95-102  :  J.  A.  Nixon,  Thomas  Boynton,  1761- 
1820. 

Publications  of  the  modem  language  association  of  America.  — 
XXX  (1915),  2  :  Me  Burney  Mitchell,  Gœthe's  theory  of  the 
novelle,  1785-1827. 

Rassegna  bibliografica  délia  letteratura  italiana.  — 1915  :  G.  Fer- 
RETTi,  Intorno  al  «  Panegirico  di  Napoleone»  di  Pietro  Giordani. 

Rassegna  contemporanea.  —  VI  (1913),  16  :  L.  Callari,  Un 
amore  del  Canova.  —  19  :  G.  Cucchetti,  Il  rifugio  di  madame 
de  Staël. 

Réforme  sociale  (La).  —  P'-15  février  1915  :  Hubert- Valle- 
Roux,  Opinion  d'un  Anglais  contemporain  |Burke|  sur  notre 
Révolution  de  1789.  —  P^-15  mars  :  Hubert- Valleroux,  Le 
Journal  d'un  volontaire  de  1791. 

Religion  und  Geisteskultur.  —  VHI  (1914),  4  :  G.  Wehrung, 
Zum  Streit  um  Schleiermacher. 

Revista  de  filosofia   (  Buenos- Ayres|.  —  Janvier  1915   :  José 


168  REVUE  HISTORIQUE    DE   LA    REVOLUTION    FRANÇAISE 

Ingenieros,  Le  contenu  philosophique  de  la  culture  argentine 
[l'influence  de  l'Encyclopédie  et  delà  Révolution]. 

Révolution  française  (La).  —  Avril-mai  1915  :  A.  Aulard,  Pa- 
trie, patriotisme  avant  1789  ;  L.  Dubreuil,  Les  origines  de  la 
chouannerie  dans  le  département  des  Côtes-du-Nord. 

Revue  canadienne.  —  Juin  1915  :  L.  Groulx,  Nos  luttes  cons- 
titutionnelles (1791-1840). 

Revue  chrétienne.  —  Janvier-avril  1915  :  J.-E.  Neel,  Kant 
contre  l'Allemagne  d'aujourd'hui. 

Revue  de  Hongrie.  —  P'  janvier  1915  :  Pensées  de  Napoléon  I" 
sur  la  guerre.  —  15  avril  :  Une  lettre  de  Napoléon  I"  au  sultan 
Sélim. 

Revue  de  l'Agenais.  —  Mars-avril  1915  :  J.-R.  Marhoutin, 
Notes  historiques  sur  l'expédition  de  Leclerc  à  Saint-Domingue 
et  sur  la  famille  Louverture  (suite  en  mai-juin)  ;  R.  Donnât, 
Cryptographie  agenaise,  ou  Journal  secret  d'Agen  depuis  le  l*"" 
mars  1814  jusquesà  pareil  jour  1817,  de  Jean-Florimond  Boudon 
de  Saint-Amans  (suite  en  mai-juin).  — Mai-juin  :  P.  Lauzun,  Pro- 
fils militaires  :  le  contre-amiral  baron  de  Lacrosse  (1760-1829). 

Revue  de  Paris  (La).  —  15  juin  1915  :  Commandant  Weil, 
Les  Cent-Jours. 

Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis.  —  P^  avril  1915  :  Chanoine 
Lemonnier,  La  déportation  ecclésiastique  à  Rochefort  ;  Les  Cent- 
Jours  en  Charente-Inférieure. 

Revue  des  colonies  françaises.  —  2^  trimestre  1915  :  G.  Desde- 
vises DU  Dézert,  La  Louisiane  à  la  fin  du  XVIII^  siècle. 

Revue  des  Deux-Mondes.  —  P'  mars  1915  :  G.  Faure,  Napoléon 
à  Laffrey  (7  mars  1815).  —  15  avril  :  L.  Bertrand,  Goethe  et  le 
germanisme.  —  P^  juin  :  H.  Welschinger,  Les  préliminaires 
d'Iéna. 

Revue  des  études  napoléoniennes.  —  Janvier-février  1915  :  E. 
Driault,  Une  conception  nouvelle  de  la  politique  extérieure  de 
Napoléon  ;  P.  Mai-.mottan,  Le  voyage  de  la  Grande-Duchesse 
Elisa  à  Paris  en  1810  (suite  en  mars-avril)  ;  G.  Rudler,  Le  vrai 
«  Journal  intime  »  de  Benjamin  Constant,  1814-1815.  —  Mars- 
avril  :  A.  LiPiNSKA,  La  Lithuanie  en  1812  ;  H.  Chouet,  Ney  à 
Lons-le-Saunier,  14  mars  1815  ;  G.  Vauthisr,  L'installation  de 
Pie  VII  au  pavillon  de  Flore  ;  M.  Dunan,  Un  adversaire  du  sys- 
tème continental  ;  L.  Batcave,  Espagnols  réfugiés  en  France  en 
1813. 

Revue  des  sciences  politiques.  —  15  avril  1915  :  E.  d'EicpTHAL, 
Kant  et  la  guerre. 


PÉRIODIQUES  169 

Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France.  — Janvier-juin  1915  :  H. 
MoNiN,  Les  œuvres  posthumes  et  la  musique  de  Jean-Jacques 
Rousseau  aux  «  Enfants-Trouvés  »  ;  L.  Morel,  L'influence  ger- 
manique chez  Benjamin  Constant  :  Benjamin  Constant  à  la  cour 
de  Brunswick  ;  Raoul  Bonnet,  Quelques  lettres  de  Collin  d'Har- 
leville  (1788-1806)  ;  Jean  Ducros,  Notes  sur  une  épopée  révolu- 
tionnaire «  Les  Helvétiens  »  (1800),  par  Ch.-Ph.  Masson. 

Revue  du  Bas-Poitou.  —  Janvier-mars  1915  :  Lieutenant-colo- 
nel d'ELBÉE,  Missions  d'émigrés  en  Vendée  :  le  colonel  d'An- 
gély  (suite  en  avril-juin)  ;  E.  Bourloton,  Le  Clergé  de  la  Vendée 
pendant  la  Révolution  :  Les  Sables  d'Olonne.  —  Avril-juin  : 
Abbé  Poirier,  L'affaire  de  la  Proustière  (juin-septembre  1791). 

Revue  du  mois.  —  10  mai  1915  :  Les  troupes   noires  sous  la' 
Révolution. 

Revue  historique.  —  Mai-juin  1915  :  W.-M.  Kozlowski,  Kos- 
ciuszko  et  les  légions  polonaises  en  France  (1798-1801). 

Revue  historique  de  Bordeaux.  —  Janvier-février  1915  :  M.  de 
L.,  Le  blocus  des  côtes  de  France  et  la  disette  à  Bordeaux  en 
1793-1795.  —  Mars-avril  :  Abbé  A.  Gaillard,  Un  ami  des  Giron- 
dins I Nicolas  Paris,  1756-1821].  —  Mai-juin  :  Michel  Lhéritier, 
La  Révolution  à  Bordeaux  de  1789  à  1791  ;  André  Vovard,  La 
défense  navale  de  la  Gironde  en  mars-avril  1814  ;  E.  Rousselot, 
Cagliostro  à  Bordeaux  (1784). 

Revue  militaire  suisse.  —  LIX  (19H)  :  Hintermann,  Le  combat 
du  8  septembre  1798,  au  Nidwald  :  une  étude  de  la  guerre  en 
montagne. 

Revue  savoisienne  (La).  —  Janvier-mars  1915  :  Marc  Le  Roux, 
Exposition  des  trophées  de  guerre  à  l'Hôtel-de-Ville  d'Annecy  : 
I,  Souvenirs  de  1814-1815. 

Revue  suisse  de  musique  instrumentale.  —  IV  (1915),  5  :  L. 
Waeber,  Joseph  Haydn,  1732-1809  (suite  dans  le  n»  6'). 

Revue  suisse  de  numismatique.  —  XX  (1915),  1  :  F.  Hans-Zum- 
BÛHL,  Die  Tàtigkeit  der  Mûnzstâtte  in  Luzern,  1803-1848. 

Rheinische  Zeitschrift  fiir  Zivil-  und  Prozessrecht.  —  VII  (1914), 
1  :  W.  Silberschmidt,  Die  Grûndung  der  rheinischen  Oberge- 
richte  vor  100  Jahren. 

Rivista  araldica.  —  XIII(1915),  3  :  C.-A.  Bertini,  Gioacchino 
Murât  e  l'Ordine  délie  due  Sicilie.  —  5  :  R.  Baldi,  La  controri- 
voluzione  Cavese  del  1799  e  il  capitano  don  Vincenzo  Baldi. 

Rivista  di  storia  e  d'arte  délia  provincia  di  Alessandria.  —  XXIII 
(1914)  :  F.  Valerani,  L'imperatore  Napoleone  I  a  Casale  (1805|  ; 
Doçuinento    délia    Loggia    massonica   di   Alessandria  all'epoca 


170  REVUE  HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

napoleonica.  —  XXIV  (1915)  :  G.  Pochettino,  Diario  dell'anno 
1800  cotnposto  da  un  aristocratico  torinese. 

Rivista  italiana  di  numismatica.  —  1915,  fasc.  1  :  Roberto 
Cramer,  Duc  medaglie  dell'  epoca  napoleonica  forse  uniche  ed 
inédite. 

Rivista  musicale  italiana.  —  XXII  (1915),  2  :  E.  Celant,  Musica 
e  musicisti  in  Roma,  1750-1850  ;  F.  Barbiero,  G.  Paisiello  tra  le 
ire  di  un  copista  e  di  un  innovatore,  1796. 

Sammelbânde  der  internationalen  Musikgesellschaft.  —  XV 
(1914), 2:  Otto  RiESS,  Johann  Abraham  Peter  Schulz'  Leben,  1747- 
1800. 

Sammelblatt  des  Historischen  Vereins  Eichstâtt.  —  XXIX  (19U- 
1915)  :  W.  WiDMANN,  Christof  Willibald  Ritter  von  Gluck. 

Sammler  (Der).  —  1914-,  n"^  26  et  27:  Ferdinand  Eckert,  Das 
pariser  Theater  wâhrend  und  nach  der  Schreckensherrschaft. 

Schau-ins-Land.  —  LXI  (19U),  1  :  H.  Mayer,  Freiburg  vor 
hundert  Jahren. 

Schmollers  Jahrbuch.  —  XXXVIII  (19 U),  1  :  Hermann  Mauer, 
Wilhelin  von  Humboldt  und  die  Entschuldung  des  làndlichen 
Grundbesitzes.  —  2  :  Eugen  Tarlé,  Deutsch-franzôsische  Wirt- 
schaftsbeziehungen  zur  napoleonischen  Zeit. 

Schweizerische  Blàtter  fiir  Wirtschafts-  und  Sozialpolitik.  — 
XXII  (1915),  3  :  Paul  Steiner,  Die  Mililârpflichtersatzsteuer 
iFrance,  1800  ;  Zurich  et  Berne,  1804  ;  St-Gall,  1805  ;  ^ucerne, 
1806  ;etc.|. 

Schweizerische  theologische  Zeitschrift.  —  XXXII  (1915),  1  :  O. 
Moppeut,  Vom  Geist  der  Erhebung  Preussens  vor  hundert 
Jahren. 

Schweizer  Monatsschrift  fur  Offiziere  aller  Waffen.— JXVi  (1914)  : 
R.  Marti,  Verteidigung  in  den  Ormonts  und  im  Saanetal  im 
Frûhjahr  1798  ;  Ein  ôsterreichisches  Soldatendenkmal  in  Kling- 
nau  in  der  Schweiz,  1815. 

Schweizer  Studien  zur  Geschichtswissenschaft.  —  VIII  (1915),  3  : 
Ernst  Oppliger,  Neuenburg,  die  Schweiz  und  Preussen,  1798- 
1806. 

Scientia.  —  Avril  1915  :  A.  Mieli,  La  posizione  di  Lavoisier 
nella  storia  délia  chiraica. 

Secolo  XX  (II)  iMilan].—  XIII  (19U),  U:  A.  Pedrazzoli, 
Marescialli  francesi.  —  12  :  A.  Curti,  La  battaglia  del  Mincio 
(1814). 

Sendero  teosofico  (El).  —  VI  (19U),  5  :  El  conde  de  Saint- 
Germain  en  la  corte  de  Francia  (suite  dans  le  n"  6). 


PÉRIODIQUES  171 

Sitzungsberichte  der  kgl.  preussischen  Akademie  der  Wissenschaf- 
ten.  —  19U,  n°  16  :  F.  Schillmann,  Der  Anteil  Kônig  Friedrich 
Wilhelm  IV  an  der  Berufung  der  Brûder  Grimm  nach  Berlin. 

Sozialist  (Der).  —  VJ  (WU),  9:  Friedrich  August  Hahnrieder, 
ein  Genosse  des  Sozialistischen  Bundes  aus  der  Aufklàrungszeit. 
—  2t  :  Georg  FoRSTER,  Belgien  und  die  Scheldemûndung. 

Stimmen  aus  Maria-Laach.  —  LXXXVI(19U),  /  :  R.  v.  Nostiz- 

RlENECK,   1813. 

Taschenbuch  der  historischen  Gesellschaft  des  Kantons  Aargau 
fur  das  Jahr  1914.  —  A.  Brugger,  Politische  Schicksale  der 
Aargauer  Presse  von  1814  biszum  Eingehen  der  Aarauer  Zeitung 
(1825). 

Tauernpost.  —  17  janvier  19H  :  J.  Steiner-Wischenbart, 
Obersteirische  Trachten  vor  100  Jahren. 

Teachers  Guild  (The).  —  1913,  n°  1  :  M.-W.  Smertz,  Goethe  as 
an  educationist. 

Theologisch-praktische  Quartalsschrift.  —  5"  trimestre  1914  :  J. 
HôLLER,  Pie  VII  et  Napoléon  I«^ 

Thurgauische  Beitrâge  zur  vaterlândischen  Geschichte.  —  19H, 
Helft  54  :  Albert  Leutenegger,  Der  erste  thurgauische  Erzieh- 
ungsrat,  1798-1805. 

Thiiringisch-sâchsische  Zeitsnhrift  fur  Geschichte  und  Kunst.  —  V 
(1915),  1:  Th.  SoMUERLKD,  Der  Provinz  Sachsen  zum  100.  Ge- 
burfstag. 

Turmer  (Der).  —  Avril  1914  :  D'  Joh.  Haberkant,  Napoléons 
Zustand  im  April  1814.  —  Juillet  :  Sufragetten  iui  18.  Jahrhun- 
dert. 

Ungarische  Rundschau.  —  Janvier  1914  :  A.  Weber,  Theodor 
Kôrner  und  seine  Beziehungen  zu  Ungarn  ;  E.  Molden,  Vom 
Wiener  Kongress  ;  E.  Paloczi,  Napoléon  in  Ungarn. 

University  of  California.  Publications  in  modem  philology.  —  IV 
(1915),  2  :  G.  Chinard,  Notes  sur  le  voyage  de  Chateaubriand  en 
Amérique,  1791. 

Vierteljahrschrift  fur  Sozial-  und  Wirtschaftsgeschichte.  —  XII 
(1914),  3  :  Victor  Hofmann  v.  Wellendorf,  Die  Sonderbesteu- 
erung  der  jûdischen  Bevôlkerung  in  Galizienund  der  Bukovina, 
1774-1848  ;  Sigismund  Gargas,  Staszyc  als  Statistiker  (1807). 

Vierteljahrschrift  fur  Wappen-,  Siegel-  und  Familienkunde.  — 
1914,  n"  1  :  Auszùge  aus  den  Militarkirchenbûchern  des  chema- 
ligen  Infanterieregiracnts  von  Zeuge  (n°  24)  von  1723  bis  1806. 

Viglevanum.  —  VIII  (1914),  1,  8,  9  :  G.  Ambrosini,  Le  due 
odi  di  Ugo  Foscolo  [1800  et  1802). 


172  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Wûrttembergische  Vierteljabrhefte  fùrLandesgeschichte.  —  A'X/// 
(19H),  2  :  WiNTTERLiN,  Die  altwûrttembergische  Verfassung  ara 
Ende  des  18.  Jahrhunderts  ;  Fr.  Thiess,  Moritz  Rapp  und  Goethe. 

Zeitschrift  der  Gesellschaft  fur  die  Befôrderung  der  Geschichts-, 
Altertums-  und  Volkskunde  von  FreiburgunddemBreisgau.  —  XXX 
(191A)  :  Karl  Metzger,  Die  Entwicklung  der  Beamten-  und 
Wirtschaftsorganisation  der  Universitât  zu  Freiburg  i.  B.  von 
den  Anfângen  ihres  Bestehens  bis  1806  ;  Richard  Krauel,  Tage- 
buch-Aufzeichnungen  des  Prinzen  Wilhelm  von  Preussen  ûber 
seinen  Aufenthalt  zu  Freiburg  i.  B.  [janvier  1814|  ;  Fr.  Hefele, 
Anekdoten  von  Kaiser  Joseph  II  als  er  in  Jahre  1777  dahier  in 
Freiburg  war. 

Zeitschrift  der  Gesellschaft  fiir  Schleswig-Holsteinische  Geschichte. 
—  XLIV  (19H)  :  K.  G.  Rockstroh,  Ereignisse  und  Verhâltnisse 
in  den  Herzogtûmern  Schleswig  und  Holstein  wàhrend  der 
Invasion  1813-1814. 

Zeitschrift  des  Harz-Vereins  fiir  Geschichte  und  Altertumskunde.— 
XLVII  (19U)  :  W.  Stammler,  Gleim  und  Claudius,  1775-1794  ; 
D'"  Strassburger,  Aschersleben  in  den  Jahren  1814  und  1815. 

Zeitschrift  des  Vereins  fur  thùringische  Geschichte  und  Altertums- 
kunde. —  XXII  (19U),  1  :  W.  MûLLER,  Die  Kriegsleiden  und 
Kriegskosten  des  Herzogtums  Sachsen-Weimar-Eisenach  von 
1806  bis  1814  (nach  Aufzeichnungen  des  Freiherrn  von  Fritsch); 
Hans  Knoll,  Friedrich  Hildebrand  von  Einsiedel,  ein  Liebhaber 
der  schônen  Wissenschaften  und  Kûnste,  1750-1828.  —  2  :  Gurt 
Fischer,  Eine  Erinnerung  an  1813:  das  «Banner  derfreiwilligen 
Sachsen  ». 

Zeitschrift  fiir  Biicherfreunde.  —  19U,  Heft  3  :  J.  Kôrner, 
Briefe  von  August  Wilhelm  und  Friedrich  Schlegel  ;  K.  v. 
RozYCKi,  Unbekannte  Besuche  bei  Gœlhe.  —  S  :  G.  Schumann, 
Gœlhes  Reinecke  Fuchs  vom  Jahre  1814. 

Zeitschrift  fiir  die  gesammte  Neurologie  und  Psychiatrie.  — 
XXV  {i91J^),  1  :  Fritz  Taubert,  Kants  Beziehungen  zur  Psycho- 
logie und  Psychiatrie. 

Zeitschrift  fur  die  Geschichte  des  Oberrheins.  —  XXIX  (Î9U) 
2  :  Hermann  Haering,  Die  Organisierung  von  Landwehr  und 
Landsturm  in  Baden  in  den  Jahren  1813  und  1814  ;  Paul  Wentzke, 
Josef  Gôrres  und  das  Elsass. 

Zeitschrift  fiir  die  œsterreichischen  Gymnasien.  —  LXV  (19U), 
6  :  Olto  Demuth,  Der  Lyriker  Millevoj^e  :  ein  Literaturbild  aus 
der  Glanzzeit  Napoléons  (suite  dans  le  n°  7). —  8  :  Josef  Kôrner, 
A.  W.  Schlegel  und  sein  Heidelberger  Verleger  (1810). 


PÉRIODIQUES  173 

Zeitschrift  fur  Philosophie  und  Pâdagogik.  —  XXI  (1913),  1  : 
O.  Conrad,  Fichtes  Idée  derNationalerziehung  und  die  deutsche 
Lehrerschaft. 

Zeitschrift  fur  Philosophie  und  philosophische  Kritik.  —  CLVI 
(1914),  1  :  E.  DosENHEiMER,  Fichtes  Idée  des  deutschen  Volkes  ; 
H.  Kleinpeter,  Goethe,  Kant  und  Schiller. 

Zeitschrift  fiir  Rechtsphilosophie  inLeben  und  Praxis.  —  I  (1914), 
1  :  E.  V.  Syuow,  Die  Bedeutung  des  «  Volkes  »  im  System 
Hegels. 

Zeitschrift  fiir  Sexualwissenschaft.  —  /  (1914),  1  :  J.  Bloch, 
Zwei  unverôffentlichte  Originaldokumente  ûber  den  Marquis  de 
Sade. 

Zoologische  Annalen.  —  //  (1914),  1  :  F.  Bruce  Commings,  A 
biographical  sketch  of  colonel  George  Montagu,  1755-1815. 


CHRONIQUE 


A  travers  les  journaux.  —  Parmi  les  articles  d'histoire  publiés, 
au  cours  de  ces  derniers  mois  (du  1"'  février  au  30  avril  î915), 
dans  les  journaux  quotidiens,  nous  relevons  les  titres  suivants  ; 

Kant  et  la  paix,  par  M.  H.  Vaugeois,  dans  l'Action  française 
du  27  avril  ; 

Napoléons  Kontinentalsperre,  par  M.  Ottokar  Nemecek,  dans 
VArbeiter-Zeitung  (Vienne)  du  5  mars  ;  Necker  und  der 
«  Mehlkrieg  »,  par  M.  Ludo  M.  Hartmann  (ibid.,  21  mars)  ; 

L'auteur  de  la  «  Marseillaise  »,  par  M.  Georges  Montorgueil, 
dans  l'Eclair  du  26  avril  ; 

L'hymne  de  guerre  (la  Marseillaise),  par  M.  le  général  Zur- 
linden,  dans  le  Gaulois  du  19  mars  ;  Napoléon,  par  M.  Georges 
Ohnet  (ibid.,  29  mars)  ; 

Il  y  a  cent  ans  :  Prussiens  et  Russes  à  Vitry-le-François  en  1815, 
par  M.  le  comte  de  Sérignan,  dans  la  Gazette  de  l^ausanne  du 
14  mars  ; 

Le  soldat  français  et  la  guerre  de  mines  :  un  épisode  des  guerres 
du  premier  Empire,  par  M.  R.  Pej-re,  dans  le  Journal  des  Débals 
du  18  février  ;  Kant  et  la  guerre,  par  M.  E.  d'Eichthal  (ibid.,  26 
février)  ;  Madame  de  Staël  et  les  Allemands,  par  M.  M.  Spronck, 
(ibid.,  19  mars)  ;  Les  Amazones  de  1815,  par  M.  le  baron  Marc  de 
Villiers(/7>jd.,  2  avril)  ;  Les  Français  à  Berlin  en  1806,  par  M.  R. 
Peyre  (lèzcf.,  13  avril)  ; 

«  La  Marseillaise  »,  par  M.  Charles  Richet,  dans  le  Petit 
Journal  du  28  avril   ; 

La  légende  de  «  la  Marseillaise  »,  par  M.  P.  Adam,  dans  le 
Temps  du  16  février  ; 

Le  Théâtre  patriotique  (sous  la  Révolution),  par  M.  A.  Aderer 
(ibid.,  7  avril). 

Autographes  et  documents.  —  Comme  nous  l'avons  fait  précé- 
demment, nous  continuons  à  signaler  les  principaux  documents 


CHRONIQUE  175 

mentionnés  dans  les  catalogues  mensuels  de  la  maison  Noël  Cha- 
ravay.  Les  indications  que  nous  donnons  ci-dessous  sont  tirées 
des  catalogues  459  et  460  (janvier-février  et  mars-avril  1915)  : 

—  Une  lettre  (en  français)  de  Lord  Dorsel,  ambassadeur 
d'Angleterre  à  Paris,  au  comte  de  Montmorin,  datée  de  Paris, 
26  juillet  1789. 

Il  défend  son  gouvernement,  accusé  d'avoir  fomenté  les  troubles  de 
Paris  et  d'armer  une  flotte  qui  devait  coopérer  avec  les  mécontents.  Il  le 
prie  de  donner  connaissance  de  sa  lettre  au  président  de  l'Assemblée 
Nationale.  «  Il  importe  infiniment  que  l'Assemblée  nationale  connaisse 
mes  sentiments,  qu'elle  rende  justice  à  ceux  de  ma  nation  et  à  la  conduite 
franche  qu'elle  a  toujours  eu  envers  la  France  depuis  que  j'ai  eu  l'hon- 
neur d'en  être  l'organe.  » 

—  Une  lettre  du  conventionnel  Hentz,  signée  aussi  par  son 
collègue  Francastel,  adressée  au  Comité  de  salut  public,  et  datée 
de  Doué,  22  germinal  an  II  : 

Ils  font  le  récit  des  défaites  infligées  aux  troupes  républicaines  par  les 
Vendéens. 

—  Un  arrêté  du  Comité  de  salut  public,  signé  par  Carnot, 
J.-F.-B.  Delmas,  Cambacérès,  Thuriot,  Pelet,  Merlin  (de  Douai), 
et  Prieur  (de  la  Marne),  et  daté  du  15  brumaire  an  III  : 

Arrêté  organisant  une  expédition  de  douze  mille  hommes  pour  la  con- 
quête de  la  Corse. 

—  Six  lettres  de  Sotin,  ministre  de  la  police  générale,  aux 
administrateurs  municipaux  du  7^  arrondissement  du  canton  de 
Paris,  s'échelonnant  du  19  brumaire  au  21  nivôse  an  VI  : 

Visa  des  passeports  et  formalités  pour  la  résidence  à  Paris,  mesures 
pour  la  surveillance  des  cercles  constitutionnels,  distinctions  à  faire  entre 
les   Français  qui  résidaient  à  l'étranger  avant  la  Révolution. 

—  Une  lettre  du  marquis  de  Bouille  à  Malouet,  datée  de  La 
Martinique,  18  juin  1798: 

Il  se  déclare  de  son  avis  :  l'Europe  et  le  monde  social  courent  un 
grand  danger.  Leur  sort  dépend  de  l'Angleterre  ;  il  espère  qu'elle  résis- 
tera à  ce  torrent  de  crimes  (la  Révolution)  et  ralliera  encore  une  fois  les 
autres  nations  avec  plus  de  succès  que  par  le  passé.  Il  attend  avec  im- 
patience la  nouvelle  de  l'insuccès  du  projet  d'invasion  en  Angleterre  (la 
seconde  tentative  d'invasion  commandée  par  le  général  Humbert)  pour 
former  de  nouvelles  espérances.  «  C'est  là,  il  me  semble,  que  viendra 
s'écrouler  ce  colosse  effrayant  que  les  différents  peuples  réunis  par  la 
sagesse  de  l'Angleterre  et  rassurés  par   son  exemple,  détruiront  ensuite. 


176  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

mais  j'aperçois  une  longue  série  de  maux  encore  pour  nous  autres,  pre- 
mières victimes  de  cette  révolution.  Je  ne  saurais,  en  vérité,  quel  conseil 
vous  donner  pour  vous  faire  éviter  les  suites  affreuses  de  notre  malheur 
actuel,  qui  sont  —  il  faut  trancher  le  mot  —  la  misère  et  la  faim.  » 
Bouille  expose  ensuite  la  difficulté  d'un  établissement  aux  colonies  et 
prévoit  son  retour  en  Europe. 

—  Une  lettre  de  David  à  la  citoyenne  Peyre,  datée  du  27'"^ 
jour  du  l^^'  mois  de  l'an  11(18  octobre  1793)  : 

En  réponse  à  sa  demande  de  mise  en  liberté  de  son  mari,  adressée 
au  Comité  de  sûreté  générale  de  la  Convention,  David  informe  la  citoyenne 
Peyre  que  c'est  au  Comité  révolutionnaire,  qui  l'a  fait  mettre  en  état 
d'arrestation,  à  demander  sa  relaxation  ;  le  Comité  de  sûreté  générale  ne 
peut  prononcer  que  sur  le  désistement  du  Comité  révolutionnaire.  David 
fait  prévoir  en  ces  termes  l'issue  de  la  réclamation  :  «  Je  profite  de  l'occa- 
sion pour  vous  prévenir  qu'en  général  ceux  qui  ont  tenu  à  des  académies 
sont  fort  mauvais  patriotes  et  que  si  notre  révolution  éprouve  des  re- 
tards c'est  à  eux  principalement  à  qui  il  faut  en  attribuer  la  cause.  » 

—  Une  promesse  de  mariage,  signée  par  Dufriche-Valazé,  sa 
fiancée,  et  leurs  parents,  datée  d'Aunou,  l^'"  septembre  1777. 

—  Une  lettre  de  Desmousseaux,  procureur  de  la  Commune  de 
Paris,  au  procureur-général  syndic,  datée  de  Paris,  24  janvier 
1792: 

Il  lui  annonce  que  tout  est  tranquille,  autant  que  cela  est  possible 
après  les  événements  qui  venaient  de  se  passer  (le  pillage  des  épiceries, 
suscité  par  le  renchérissement  de  certaines  denrées).  La  garde  et  la 
gendarmerie  nationales  sont  toujours  sur  pied.  «  On  a  cependant  entendu 
dire  aux  environs  du  faubourg  Saint-Antoine  que  ce  serait  demain  le 
grand  jour.   C'est  peut-être  un  désir  plus  qu'une  certitude.  » 


Le  Directeur-Gérant  :  Charles  Vellay. 


Largentière.   —  Imprimerie  Mazel  &  Plancher 


ni 


LES  FINANCES  RUSSES  EN  1812 


ET  LA 


MISSION   DE  SIR  FR4NCIS  DIVERNOIS 
A  SAINT-PÉTERSBOURG 


On  ne  connaît  encore  que  d'une  manière  très  imparfaite  l'his- 
toire de  la  mobilisation  financière  russe  lors  de  la  guerre  de  1812. 

Les  documents  publiés  ci-dessous  permettront  peut-être  de 
s'en  former  une  image  plus  précise. 

Ces  pièces  sont  conservées  soit  au  British  Muséum,  soit  à  la 
Bibliothèque  de  Genève.  Nous  nous  sommes  borné  à  les  ranger 
par  ordre  chronologique  et  à  les  accompagner  de  notes.  Nous 
comptons  en  tirer  les  conclusions  dans  un  travail  ultérieur. 

Otto  Karmin. 

D'IVERNOIS  A  VaNSITTART  * 

Je  viens  vous  consulter,  mon  cher  Vansittart-,  sur  un 
projet  qui  vous  surprendra  peut-être.  Depuis  que  la  guerre 
est  prête  à  se  rallumer  sur  le  Continent,  je  me  sens  une  vive 
velléité  de  renouveller  l'excursion  que  j'y  fis  en  1805  et  1806  ^ , 
et  ce  ne  serait  pas  un  objet  de  curiosité.  D'abord,  j'y  rece- 


1.  Bibliothèque  de  Geaève.  Papiers  D'Ivernois.  Correspondance,  t.  II. 
Brouillon.  «  expédié  le  10  juillet  1812  » 

2.  Nicolas  Vansittart,  176(5-1851,  entré  au  parlement  anglais,  comme  député 
tor3',  en  1796  ;  envoyé  extraordinaire  à  Copenhague  en  1801  ;  1804,  secrétaire 
de  la  trésorerie  ;  1805,  secrétaire  principal  pour  l'Irlande  ;  1806-07,  de  nouveau 
secrétaire  de  la  trésorerie;  1812-1823,  chancelier  de  l'échiquier.  Quittant  ce  poste 
on  février  1823,  il  fut  nommé  Lord  Bexley  et  chancelier  du  duché  de   Lancaster. 

3.  D'Ivernois,  alors,  avait  fait  un  voyage  en  Suéde  et  en  Allemagne. 


178  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA     RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

vrais  beaucoup  plus  vite  qu'ici  le  nouveau  budget  F'rançais 
ainsi  que  les  comptes  de  1811  qui  raccompagneront,  et  je 
désire  profiter  de  ces  pièces  pour  une  nouvelle  édition  de 
mon  dernier  écrit  ',  qui,  à  ce  que  j'ai  le  plaisir  d'apprendre, 
a  eu  sur  le  Continent  plus  de  succès  que  je  ne  l'avais  espéré. 
Or  l'occasion  serait  d'autant  plus  favorable  que  Bonaparte 
est  certainement  à  la  veille  de  ses  plus  grands  embarras 
pécuniaires,  si  le  pillage  de  la  Prusse  se  trouve  épuisé  cette 
automne,  avant  qu'il  ait  réussi  à  y  suppléer  par  celui  de  la 
Livonie  et  de  la  Courlande. 

En  second  lieu,  je  regarde  toujours  ses  décrets  commer- 
ciaux comme  devant  durer  autant  que  son  règne.  Or  au- 
jourd'hui que  cette  question  se  trouve  dégagée  des  Ordres 
du  Conseil  qui  la  compliquaient  et  l'embrouillaient,  j'ai 
quelque  envie  de  reprendre  sous  œuvre  et  de  mettre  au  jour 
ïhistoire  des  décrets  anti-commerciaux  de  Bonaparte  et  de  leurs 
effets  sur  l'appauvrissement  des  divers  peuples  qui  y  ont  été 
soum/s.  Mais  quoique  j'aie  déjà  rassemblé  à  ce  sujet  beaucoup 
de  matériaux,  autant  je  me  crois  fort  en  principes,  autant  je 
me  trouve  encore  faible  en  faits  positifs-  .  Ce  n'est  qu'à  Pé- 
tersbourg  ou  à  Riga  que  je  pourrai  recueillir  des  documents 
détaillés  et  authentiques  sur  les  résultats  du  système  conti- 
nental, tant  en  Russie  que  dans  les  principales  contrées  de 
l'Allemagne.  L'époque  toute  récente  de  leurs  souCFrances  me 
paraît  [être]  le  moment  le  plus  opportun  pour  traiter  ce  sujet 
de  manière  à  y  produire  [une]  impression  durable. 

En  troisième  lieu,  je  crois  savoir  de  bonne  part  qu'en 
1811  les  recettes  de  la  trésorerie  Russe  ont  été  de  80  millions 
de  roubles  inférieures  à  ses  dépenses,  et  quoique  pour  cou- 
vrir ce  déficit  on  y  ait  établi,  entr'autres  nouvelles  taxes, 
celle  d'un  dixième  sur  le  revenu  des  propriétés  foncières,  il 

1.  Son  Napoléon    administrateur  et  financier,  p:iru  à    Londres,  en  avril  1812. 

2.  La  Hibliothèque  de  Genève  conserve,  tirée  en  épreuves,  une  plaquette  de  72 
pages  in-8°,  intitulée  :  F'ragment.  Histoire  des  décrets  anti-commerciaux  de  Bona- 
parte etdeleurs  effets  xur  l  agriculture,  les  manufactures,  leconimerce  et  lesfînances 
delà  France,  pour  faire  suite  aux  Effets  du  hlocus  continental  sur  le  commerce,  es 
finances,  le  crédit  et  la  prospérité  des  Iles  Britanniques.  Par  Sir  Francis  D  Iver- 
nois.    London,    \'ogel   et   Schulzi',    août   1811. 


LES    FINANCES    RUSSES   EN   liSl'i  179 

n'est  pas  difficile  d'entrevoir  que  l'insuffisance  des  ressour- 
ces financières  sera  le  plus  grand  obstacle  au  succès  de  cette 
nouvelle  lutte,  et  qu'on  ne  peut  guère  espérer  ce  succès 
qu'autant  qu'elle  se  prolongera  quelques  campagnes.  En  ma 
qualité  d'écrivain  financier  ceux  de  Pétersbourg  me  feront 
l'honneur  de  me  consulter.  Peut-être  leur  proposerai-je  une 
opération  fiscale  d'un  genre  nouveau  et  qui  me  semblerait 
de  nature  à  leur  fournir  un  subside  additionnel  et  annuel  de 
40  à  50  millions  de  roubles.  Elle  consisterait  à  prolonger 
d'avance  le  nouvel  impôt  sur  le  revenu  des  biens  fonciers  une 
année  de  paix  pour  chaque  année  que  durera  la  guerre,  d'en 
faire  anticiper  le  payement  en  promesses  portant  intérêt,  et 
de  dépenser  celles-ci  à  l'aide  de  quelque  billet  d'Etat  h3'po- 
thequé  sur  ces  mêmes  promesses  qui  serviraient  de  gages  à 
son  remboursement  graduel  après  la  paix.  Mais  encore  faut- 
il  être  sur  les  lieux  pour  juger  si  ce  nouveau  genre  d'emprunt 
sur  les  contribuables  serait  pratiquable  en  Russie. 

Finalement,  je  voudrais  aussi  voir  sur  les  lieux  mêmes, 
si,  le  cas  avenant  où  vous  jugeriez  indispensable  d'ac- 
corder des  subsides  pécuniaires  à  la  Russie,  à  la  Suède  et  à 
l'Autriche,  il  ne  serait  point  possible  de  leur  prêter,  non  des 
métaux  précieux,  mais  votre  crédit,  à  l'aide  duquel  ces  gou- 
vernements emprunteraient,  en  votre  nom,  chez  eux  et  à 
leurs  propres  sujets,  les  sommes  convenues. 

Tels  sont,  en  abrégé,  les  motifs  qui  m'ont  fait  naître 
l'idée  de  cette  excursion,  et  j'entrevois  du  reste  que,  si  je 
l'entreprends,  elle  se  prolongera  autant  que  la  guerre.  Main- 
tenant, et  pour  peu  que  vous  la  jugiez  utile,  il  faudra,  mon 
cher  Vansittart,  que  vous  veuilliez  bien  la  seconder,  car 
vous  —  qui  connaissez  mieux  que  personne  avec  quel  dé- 
sintéressement je  fais  ici,  depuis  vingt  ans,  la  guerre  de 
plume  —  devez  savoir  aussi  que  mon  petit  revenu  serait  tout 
à  fait  insuffisant  aux  dépenses  de  voyage  et  de  résidence,  à 
Pétersbourg  surtout,  où  ces  dépenses  sont  beaucoup  plus 
fortes  que  partout  ailleurs. 

Je  demanderai  donc  que  le  Gouvernement  couvrit  mes 


180  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

frais  et  qu'ils  fussent  fixés  d'avance  pour  que  j'eusse  l'esprit 
pleinement  tranquille  sous  ce  rapport.  C'est  ainsi  qu'en 
agirent  en  1805  M.  Pitt  et  Lord  Liverpool.  Or  j'ai  tout  lieu 
de  croire  que  si  vous  voulez  bien  communiquer  mon  projet 
à  ce  dernier,  ainsi  qu'à  Lord  Castlereagh,  ils  y  donneront 
volontiers  les  mains  comme  l'aurait  fait  très  certainement 
M.  Perceval  si  je  lui  en  eusse  témoigné  le  désir. 

Bien  entendu  que  je  ne  me  présenterais  à  Pétersbourg 
que  comme  simple  voyageur,  que  je  n'aurai  ni  d'autre  mis- 
sion que  mon  zèle,  ni  d'autres  instructions  que  celles  que 
je  vous  [prie]  de  me  tracer,  et  que,  si  je  reviens  sans  avoir 
accompli  ni  même  tenté  d'accomplir  aucun  des  projets  ci- 
dessus,  vous  voudrez  bien  ne  l'attribuer  qu'à  ce  que  des 
considérations  de  prudence  m'en  auront  détourné. 

Vansittart  a  D'Ivernois* 

Ce  mardi  14  juillet  [1812] 

Mon  cher  Chevalier 
J'ai  parlé  aux  Lords  Liverpool  et  Castlereagh  de  votre 
projet  de  voyage  et  ils  l'approuvent  fort,  et  m'ont  autorisé  à  me 
concerter  avec  vous  sur  les  détails.  Je  ne  puis  pas  espérer  à 
vous  donnera  dîner  pendant  quelques  jours  :  je  vous  prierai 
donc  de  déjeuner  demain  ici  à  neuf  heures  et  un  quart. 

Tout  à  vous 

X.  Y. 
Sir  Francis  Ulvernois 

Duke  Street 
S  t- James' s 

Vansittart  a  D'Ivernois  - 
Private 

Great  George  Street,  31  july  1812 

My  dear  Sir 
I  hâve  communicated  to  Lord  Liverpool  and  Lord  Cas- 

1.  Bibliothèque  de  Genève.   Papiers  D'Ivernois.  Correspondance,  t.  II. 

2.  Ibid. 


LES  FINAN'CES  RUSSES  EN     1812  181 

tlereagh  the  motives  and  objets  of  your  intended  journey  to 
Russia  of  which  they  highly  approve.  With  respect  to  the 
expences  of  your  journey  we  think  the  most  couvenient 
arrangement  will  be  that  they  should  be  settled  by  the 
Foreign  Office  by  a  payment  of  three  hundred  Pounds  (300) 
in  advance  and  to  be  continued  every  quarter  till  your 
retourn  or  till  notice  shouldhave  been  given  to  the  contrary. 
Lord  Castlereagh  will  give  the  necessary  directions  for  ma- 
king  such  payments  to  Messrs  Coutts  Se  C°  on  your  account. 
I  am  ever  my  dear  Sir 

very  sincerely  yours, 

N.  Vansittart. 
Sir  Francis  Ulvernois. 

Vansittart  a  D'Ivernois  ^ 

Vous  aurez  la  bonté  de  me  rendre  la  lettre  confidentielle 
que  je  vous  envoie  aussitôt  que  vous  l'aurez  lue  .  Elle  me 
parait  intéressante  et  tout  à  fait  conforme  à  votre  manière 
de  penser.  Adieu,  bon  voyage  et  une  heureuse  campagne 
contre  les  armées  et  les  finances  de  Bonaparte. 

Ce  1  août  1812.  Vous  ne  pouvez  l'entreprendre  dans  un 
jour  de  meilleur  augure  que  sur  l'anniversaire  de  la  victoire 
d'Aboukir. 

[sans  signature  3  ] 

D'Ivernois  a  Vansittart* 

Pétersbourg,  ce  16  septembre  (1812) 

Me  voici  depuis  six  jours  à  Pétersbourg,  et  c'est  cepen- 
dant de  la  Suède  uniquement  que  je  me  propose  de  vous 
parler,    quoique  je  n'aie  passé  (jue  48  heures  à  Stockholm. 


1.  ihid. 

2.  Nous  ignorons  do  quelle  lettre  il  s'agit. 

8.   L'écriture  de  celte  pièce  est  indubitablement   celle  de  \'ansitlart. 
4.  Hritish  Muséum,  Add.  31230.  Hexley  Fapers,  f"^  242-24.-). 


182  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Ce  n'est  guère  là  un  temps  suffisant  pour  y  rassembler  des 
observations  qui  vaillent  la  peine  de  vous  être  communiquées. 
Mais  le  hasard  a  voulu  ([ue  je  me  trouvasse  adressé  à  un 
homme  qui,  par  la  place  qu'il  occupe,  par  sa  capacité  obser- 
vatrice et  par  la  confiance  qu'il  a  bien  voulu  me  témoigner, 
m'en  a  plus  appris  dans  une  heure  que  je  n'en  eusse  appris 
sans  lui  dans  six  mois  de  séjour.  Voici  l'abrégé  de  ses  con- 
fidences. 

Sans  être  encore  absolument  impopulaire  en  Suède,  le 
Prince  Royal  '  n'y  est  nullement  populaire.  Son  autorité, 
quoique  ferme  en  apparence,  y  est  si  chancellante  qu'elle 
ne  résisterait  pas  à  deux  revers  militaires  et  peut-être  pas 
même  au  premier.  Le  gros  de  la  nation  y  paraît  assez  indif- 
férente à  la  marche  des  affaires  publiques  ;  mais  la  partie 
saine  eut  désiré  qu'on  se  fut  ménagé  une  paix  commerciale 
avec  l'Angleterre  sans  se  compromettre  militairement  avec 
la  F'rance.  La  noblesse  n'ose  pas  encore  en  murmurer  trop 
hautement,  mais  elle  reste  française  au  fond  du  cœur,  et  les 
projets  guerriers  du  Prince  déplaisent  d'autant  plus  qu'ils 
menacent  la  France  qu'on  aime  et  sont  en  faveur  de  la 
Russie  contre  qui  la  haine  est  plus  profonde  que  jamais, 
depuis  la  perte  de  la  Finlande  -. 

Mais  voici  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux  dans  les  confiden- 
ces de  mon  informateur.  A  l'en  croire  (et  je  le  crois)  une 
grande  partie  de  la  noblesse  n'a  donné  jusqu'ici  son  assenti- 
ment aux  projets  guerriers  du  Prince  que  dans  la  persuasion 
que  c'était  de  sa  ])art  une  politique  destinée  à  jeter  la  Russie 
dans  une  guerre  dont  les  revers  amèneront  des  chances  fa- 
vorables pour  que  la  Suède  rentre  en  possession  de  la  Fin- 
lande. Cette  opinion  est  enracinée  au  point  que  le  service 
éminent  qu'a  rendu  le  Prince  à  la  Russie  en  contribuant 
éminemment  à  sa  paix  avec  les  Turcs  '  ,  paraît  à  ces  mêmes 


1.  Bernadette. 

2.  Cédée  par  la  Suéde    à   la   Russie    Icrs   de    la    paix  de  Fredrikshf.mn,  le  17 
septembre  1809. 

3.  Paix  de  Bucarest,  28  mai  1812. 


LES  FINANCES    RUSSES    EN  1812  183 

nobles  Suédois  une  preuve  de  son  ascendant  sur  les  Turcs 
qu'il  saura  lâcher  sur  la  Russie  au  moment  opportun. 

Ce  qu'il  y  a  de  bien  certain,  c'est  que  le  prince  a  été  la 
cheville  ouvrière  de  la  résolution  qu'a  prise  Alexandre  de 
résister  à  Napoléon,  que  cette  résolution  a  été  prise  il  y  a 
treize  mois  et  que  les  encouragements  du  Prince  l'y  ont  tel- 
lement confirmé  à  Abo  que,  quoiqu'il  sût  déjà  la  prise  de 
Smolensk  et  qu'il  eut  alors  les  plus  justes  anxiétés  sur  celle 
de  Moscou  qui  aurait  coupé  son  Empire  en  deux,  il  n'a  pas 
laissé  échapper  un  mot  qui  ait  pu  faire  soupçonner  ceux 
même  qui  se  défient  de  sa  fermeté,  qu'il  en  manquât  en 
pareil  cas. 

J'ai  joué  de  guignon  à  l'occasion  de  cette  conférence 
d'Abo.  J'arrivai  à  Stockholm  pour  y  apprendre  le  départ  du 
Prince  que  j'aurais  beaucoup  désiré  connaître  et  dont  on 
m'a  dit  que  j'aurais  été  bien  accueilli.  Le  désir  de  me  rap- 
procher des  grands  personnages  qui  assistaient  à  cette  fa- 
meuse entrevue  me  fit  prendre  la  résolution  de  m'embarquer, 
et  j'eus  le  chagrin  d'arriver  à  Abo  au  moment  où  la  frégate 
du  Prince  partait  et  où  l'Empereur  et  ses  ministres  s'étaient 
remis  en  route  pour  Pétersbourg.  J'ai  cependant  eu  l'avan- 
tage de  rencontrer  un  des  traîneurs  qui  m'a  pris  dans  sa 
voiture  et  dont  je  tiens  quelques  anecdotes  qui  vous  intéres- 
seront peut-être. 

B[ernadotte]  a  montré  à  A[lexandre]  une  lettre  récente 
et  très  affectueuse  de  sa  belle-sœur,  femme  du  Roi  Joseph, 
qui  se  terminait  à  peu  près  par  ces  mots  :  «  Vos  amis  vous 
rendent  la  justice  de  croire  que  vous  ne  sacrifierez  point  les 
intérêts  de  vos  sujets  à  ce  qu'on  appelle  les  convenances  de 
ce  pays-ci.  » 

Tout  en  assurant  qu'il  était  déterminé  à  se  mettre  à  la 
tête  d'une  diversion,  il  a  laissé  échapper  que  l'acte  de  porter 
les  armes  contre  les  Français  pourrait  lui  ôter  la  chance  de 
remplacer  Napoléon  au  besoin.  N'a-t-il  jeté  cette  idée  en 
avant  que  pour  se  donner  plus  d'importance  aux  yeux 
d'Alexandre,  ou   germerait-elle  vraiment  dans  sa  tête  ?  En 


184  REVCE    HISTORIQUE  DE  LA  REVOLUTION  FRANÇAISE 

ce  cas  je  m'étonne  qu'il  ait  chargé  l'aide  de  camp  de  Moreau 
de  le  presser  vivement  de  venir  dans  le  Nord,  commission 
dont  je  connais  toutes  les  particularités  et  que  je  puis  vous 
garantir. 

Dans  les  derniers  moments  de  cette  conférence,  où  il 
paraît  complètement  avoir  réussi  à  s'attirer  la  confiance 
d'Alexandre,  il  a  achevé  cette  œuvre  en  lui  disant,  mais  dans 
un  tête  à  tête  :  ((  Sire,  vous  devez  me  trouver  la  franchise 
d'un  Béarnais  et  je  vais  vous  en  donner  une  nouvelle  preuve. 
La  satisfaction  que  j'éprouve  en  vous  connaissant  person- 
nellement est  d'autant  plus  vive  que  Napoléon  nous  avait 
fait  de  vous  un  portrait  entièrement  contraire  à  la  vérité.  Il 
vous  présentait  comme  un  Monarque  plein  de  bonnes  in- 
tentions, mais  faible  et  facile  à  en  convenir.  Je  me  suis 
assuré  par  moi-même  que  V.  M.  est  pleine  de  fermeté, 
qu'elle  apprécie  à  dominer  les  hommes  qui  l'environnent  et 
je  me  félicite  plus  que  jamais  d'avoir  associé  mon  sort  et 
celui  de  la  Suède,  à  celui  de  votre  personne  et  de  votre 
empire.  »  —  Cette  confidence,  fausse  ou  vraie,  a  réussi,  car 
Alexandre  la  rapporta  d'abord  après  à  la  personne  de  qui  je 
la  tiens  en  se  plaignant  de  la  fausseté  de  Bonaparte  qui 
s'est  permis  à  Paris  un  langage  si  différent  de  celui  qu'il  a 
tenu  à  Tilsitt  et  à  Erfurt.  Le  temps  seul  nous  apprendra  si, 
au  cas  que  la  Russie  éprouvât  de  grands  revers,  Bernadotte 
n'en  profiterait  pas  pour  se  tourner  contr'elle,  ouïes  Suédois 
contre  lui,  en  recevant  des  mains  de  Napoléon  le  fils  de 
Gustave  IV  *  avec  la  Finlande  et  Pétersbourg  pour  apanage. 
D'après  toutes  les  données  que  j'ai  pu  rassembler,  je  per- 
siste à  croire  Bernadotte  sincère.  Si  quelque  chose  m'inspi- 
rait encore  des  doutes,  ce  sont  les  épithètes  dont  il  se  sert 
en  parlant  de  son  ci-devant  héros.  Celle  de  brigand  est  du 
nombre. 

D'Abo  à  Pétersbourg  j'ai  vu  à  Helsingfors  l'armée  du 
général  Steinhel  mettre  à  la  voile  pour  Revel,  et  j'ai  appris 

1.  Gustave,  17')9-1877,  connu  comme  prince  de  ^^  asa. 


LES  FINANCES    RUSSES    EN   1<S12  185 

de  son  quartier-maître,  le  général  Folle,  un  fait  qu'il  m'a 
certifié  et  qui  vous  consolera  peut-être  du  haut  prix  que 
vous  coule  le  pain  à  l'armée  de  Lord  Wellington.  ]J embar- 
quement de  chaque  cheval,  pour  un  passage  de  36  à  48  heures, 
a  coûté  1500  Roubles  au  Gouvernement  Russe  !  Il  est  vrai 
que  cette  dépense  est  due  en  grande  partie  à  ce  que  cette 
cavalerie  est  restée  à  bord  près  de  deux  mois  et  demi  dans 
l'attente  du  corps  Suédois  qui  devait  la  joindre. 

A  mon  arrivée  ici,  j'ai  appris  que  l'Empereur  avait 
chargé  il  y  a  quatre  mois  le  général  D'[Armfelt]*  de  m'écrire 
une  lettre  que  je  n'ai  point  reçue  et  où  il  témoignait  le  désir 
que  je  fusse  consulté  sur  l'état  de  ses  finances.  Dès  le  len- 
demain de  mon  arrivée  il  a  fait  donner  l'ordre  à  l'un  de  ses 
conseillers  d'Etat  de  passer  chez  moi  pour  me  dire  que 
j'aurai  à  cet  égard  tous  les  éclaircissements  que  je  peux 
désirer.  A  la  première  entrevue,  S.  E.  m'a  promis  monts  et 
merveilles,  mais  quoiqu'on  me  le  représente  comme  la  per- 
sonne la  plus  éclairée  en  finances,  toutes  les  fois  que  j'ai 
voulu  en  venir  à  des  faits,  elle  s'est  jetée  dans  des  généralités, 
dans  les  grands  principes  et  dans  les  théories  à  perte  de  vue. 
Elle  a  repassé  hier  chez  moi  pour  me  renouveler  ses  offres, 
me  dire  de  préparer  mes  questions,  et  m'annoncer  qu'on 
me  soumettra  les  budgets  des  sept  dernières  années.  Puis 
elle  a  ajouté  que  n'ayant  encore  qu'un  ordre  verbal  pour 
une  chose  aussi  inusitée  qu'une  pareille  révélation  faite  à  un 
étranger,  il  lui  faut  à  cet  effet  un  rescript  de  la  Chancellerie, 
mais  ce  n'est  qu'une  affaire  de  forme  et  qu'elle  ne  tardera 
pas  à  en  être  nantie.  Je  suis  presque  tenté  de  croire  qu'on 
préférerait  ne  point  me  laisser  voir  le  dessous  des  cartes. 
Mais  j'espère  que  l'Empereur,  auquel  je  n'ai  point  encore 
eu  l'honneur  d'être  présenté,  tiendra  bon.  Il  m'a  fait  non 
seulement  celui   de  lire  mon    dernier    ouvrage,    mais   d'en 


1.  Gustaf-Maurilz  Armfelt,  IT.'iT-lSH,  le  favori  d'Alexandre  I.  Nous  avons 
publié,  en  collaboration  avec  feu  Henry  Biaudet,  six  lettres  inédites  de  lui  à 
D'Ivernois,  dans  Annules  academiae  scienliurunt  fcnnicac,  Ser.  H.,  t.  \'III,  N*  3. 


186  REVUE     HISTORIQUE     DE     LA     RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

extraire  les  morceaux  qui  lui  paraissent  propres  à  être  mis 
sous  les  yeux  du  publie  Russe,  et  il  croit  que  je  pourrai  lui 
indiquer  quelque  moyen  d'arrêter  la  dépréciation  de  ses 
billets  de  banque,  dépréciation  qui  est  la  principale  et  peut- 
être  l'unique  plaie  de  ses  finances,  car  grâce  aux  nouveaux 
impôts  ses  revenus  sont  beaucoup  plus  considérables  que  je 
ne  le  pensais.  Ils  s'élèvent,  me  dit-on,  à  près  de  300  millions 
de  roubles,  mais  il  se  prélèvent  tous  en  papier,  et  en  papier 
tellement  déprécié  qu'il  faut  près  de  4  roubles  en  billets 
pour  acheter  un  rouble  en  argent.  Si  j'obtiens  les  documents 
qu'on  me  promet,  ou  plutôt  qu'on  m'offre.  Monsieur  le 
Chancelier  de  l'Echiquier  Britannique  '  peut  s'attendre  à  ce 
que  ma  première  missive  sera  un  long  mémoire. 

Je  ne  vous  parle  point  de  la  grande  bataille  du  26  passé 
(vieux  style)  2  ,  parceque  vous  aurez  déjà  reçu  des  détails 
plus  circonstanciés  et  plus  vrais  que  ceux  que  j'ai  pu  re- 
cueillir dans  le  public.  Je  l'envisage  comme  une  seconde 
bataille  de  Prussian  Eylau  (sic),  mais  beaucoup  plus  meur- 
trière. Mr.  de  St-Priest  ^  écrit  que  la  première  n'était  qu'une 
miniature  de  la  seconde,  et  Koutousow  écrit  de  son  côté  à 
sa  femme  :  «  Bonaparte  ne  dira  plus  qu'il  n'a  jamais  été 
battu,  je  te  garantis  que  je  l'ai  battu  et  bien  battu.  » 

Je  soupçonne  que  j'avais  eu  grande  raison  de  vous  de- 
mander les  deux  billets  que  vous  avez  eu  la  complaisance 
de  me  remettre  à  votre  départ  et  je  ne  suis  pas  même  sûr 
qu'ils  aient  en  tout  l'effet  que  j'en  attendais.  Mais  je  puis  me 
tromper  et  j'en  jugerai  mieux  dans  quelques  jours. 


Agréez  mon  entier  dévouement. 


F.  D'I. 


1.  \'ansittart. 

2.  Bataille  de  Borodino,  du  7  septembre  1812. 

3.  Giiillaunie-Eininanuel,  comte  de  Salnl-Priest,  général-major  au  service 
de  la  Russie,  1770-1814  ;  fils  du  comte  de  Saiiit-Priest,  ministre  de  Louis 
XVIII. 


LES    FINANCES    RUSSES    EN   1812  187 

[Suit,  dans  les  papiers  de  Vansittart,  un  brouillon  de  réponse 
(f"  246),  remerciant  de  la  lettre  du  16.  Le  ministre  s'y  félicite 
d'avoir  pu  contribuer  à  la  nomination  de  D'I.  «  sur  la  scène  la 
plus  importante  de  l'Europe  ».  —  Il  ajoute  :  «  Tout  ce  que  vous 
me  dites  sur  la  position  de  la  Suède  s'accorde  parfaitement  avec 
ce  que  j'ai  pu  accueillir  de  plus  précis  ou  pour  mieux  dire  de 
plus  probable.  »] 

D'IvERxois  A  Vansittart  ^ 

9 
St-Pélersboiiriï,  ce  — —  octobre  1812. 
"  21 

J'espère,  mon  cher  Vansittart,  que  vous  avez  reçu  mon 
n°  1  que  je  vous  adressai,  il  y  a  quelques  semaines,  par  un 
courrier  espagnol,  dès  les  premiers  jours  de  mon  arrivée  ici, 
je  vous  y  mandais  ce  que  m'apprit  le  général  D'[Armfelt]  en 
Finlande  :  que  l'Empereur  m'avait  fait  écrire  pour  me  té- 
moigner son  désir  de  savoir  quelles  mesures  fiscales  j'aurais 
à  lui  proposer  pour  développer  ses  ressources  en  grand  pen- 
dant la  guerre.  Cette  lettre  (que  je  n'ai  point  reçue)  tenait  à 
l'impression  favorable  qu'a  fait  sur  lui  mon  dernier  écrit,  qui 
a  été  beaucoup  lu  à  Wilna,  où  il  aurait  mieux  valu,  sans 
doute,  étudier  les  progrès  des  armées  de  Bonaparte  que  ceux 
de  la  décadence  de  ses  finances.  —  Bref,  en  apprenant  mon 
arrivée  ici,  l'Empereur  me  dépêcha  l'un  de  ses  Conseillers 
d'Etat  pour  me  dire  qu'il  était  chargé  de  me  fournir  tous  les 
documents  officiels  que  je  désirerais.  Après  avoir  reçu  la  liste 
de  ceux  qui  m'étaient  le  plus  nécessaires  et  en  tète  desquels  je 
plaçai  les  budgets,  il  revint  le  surlendemain  m'annoncer  que 
ces  papiers  étaient  d'une  telle  nature  et  leur  exhibition  à  un 
étranger  une  chose  si  inusitée  qu'il  croyait  de  son  devoir  de 
mettre  avant  tout  sa  responsabilité  à  l'abri  en  se  procurant 
à  cet  efïet  un  rescript  de  la  Chancellerie.  —  En  vous  faisant 
part  de  tout  ceci,  je  vous  mandai  qu'au  cas  que  je  reçusse 
ces  papiers,  vous  deviez  vous  attendre  incessament  à  une 
longue  dépêche  et  je  vous  la  transmettrai  ouverte  par  Lord 

1.  Brilish  Miiscimi,  I.c,  r  '  247-2.').S. 


188  RKVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLLTION  FRANÇAISE 

Cathcait  ' ,  afin  de  mettre  tout  à  la  fois  sous  les  yeux  de  l'un 
et  de  l'autre  l'extrait  des  renseignements  que  j'aurai  obtenus. 
A  vous  dire  le  vrai,  je  pris  le  second  message  du  Con- 
seiller d'Etat  pour  une  défaite  et  cru  qu'on  avait  donné  des 
scrupules  à  l'Empereur  en  lui  présentant  que  me  remettre 
de  pareils  papiers  serait  faire  connaître  aux  Anglais  le  fort 
et  le  faible  de  ses  finances.  Je  vis  le  général  D'[Armfelt],  par 
l'entremise  duquel  tout  ceci  s'était  arrangé  et  lui  observai 
que  ce  rescript  de  la  Chancellerie,  en  éventant  l'objet  de  mon 
travail,  me  mettrait  d'avance  à  dos  R.  -  et  d'autres  individus 
qui  me  croiseraient  assez  après  coup,  sans  qu'il  fut  néces- 
saire de  leur  donner  ainsi  l'éveil.  Le  résultat  en  fut  une 
nouvelle  visite  du  même  Conseiller  d'Etat,  porteur  d'un 
ordre  privé  de  me  fournir  tous  les  papiers  qu'il  serait  en 
son  pouvoir  de  me  procurer,  sans  toutefois  qu'aucun  des 
ministres  en  fut  informé,  ce  à  quoi  le  chef  mettait  la  même 
importance  que  moi.  Le  dépôt  qu'on  m'a  confié  (en  exigeant 
un  reçu  en  forme)  ne  m'a  point  fourni,  ni  tant  s'en  faut, 
tous  les  renseignements  que  j'aurais  désirés  ;  mais  chaque 
fois  que  j'ai  demandé  des  explications  ou  des  faits  précis, 
l'informateur  qu'on  m'avait  donné  pour  un  aigle  en  finances 
s'est  jeté  dans  des  généralités  qui  m'ont  bien  vite  montré 
qu'il  était  théoriste  {sic)  aussi  faible  que  praticien  ignorant. 
Des  immenses  paperasses  qu'il  m'a  fallu  parcourir  j'ai  ce- 
pendant extrait  les  huit  pages  f"  incluses  ^.  Je  présume  qu'a- 
près les  avoir  lus,  vous  jugerez  ainsi  que  moi  que  l'essai  de 
toutes  ressources  fiscales  artificielles  qu'on  pourrait  indiquer 
à  la  Russie  serait  superflu  et  même  dangereux,  tant  qu'on 
n'aura  pas  remonté,  sinon  au  pair,  du  moins  à  peu  près  au 
pair,  le  papier-monnaie  qui  depuis  deux  ans  perd  environ 
4  contre  L  C'est  évidemment  ce  dont  il  s'agit  de  s'occuper 
avant  tout.    Quoique   difficile,    la    chose   ne  me  paraît  pas 

1.  William    Shaw,    vicomte     Cathcart,    17.').")- 1843.    Alors    ambassadeur    de 
George  III  auprès  d'Alexandre  I. 

2.  Sans  doute  Xikolai  Petrovilch  RoumianzofV,  17.')4-182G,  alors  chancelier  de 
la  Russie. 

3.  Ne  semblent  pas  avoir  été  conservées. 


LES  FINANCES    RUSSES   EN    1812  189 

impossible,  et  lorsque  l'Empereur  m'accorda,  il  y  a  quinze 
jours,  la  faveur  de  lui  être  présenté  dans  son  cabinet,  je 
m'attachai  de  très  bonne  foi  à  lui  donner  une  idée  encoura- 
geante de  ses  finances,  surtout  si  l'on  s'applique  à  remonter 
la  valeur  nominale  des  300  millions  de  Roubles  qui  consti- 
tuent ses  recettes  présumées  de  1812, 

Il  me  fit  avec  beaucoup  de  candeur  son  confiteor  sur  le 
regret  qu'il  avait  d'avoir  suivi  les  errements  de  ses  prédéces- 
seurs en  multipliant  les  émissions  du  papier,  et  après  m'avoir 
tracé  l'histoire  de  ses  finances  avec  une  facilité  d'élocution 
et  une  netteté  d'idées  qui  ferait  honneur  même  à  l'un  de  vos 
bons  orateurs  parlementaires,  il  me  pressa  de  mettre  mes 
idées  sur  le  papier  en  m'assurant  de  l'attention  immédiate 
et  sérieuse  qu'il  y  donnerait. 

J'ai  quelques  raisons  de  croire  que  l'accueil  que  j'en 
reçus,  tient,  en  grande  partie,  à  la  précaution  que  j'avais 
eue  de  lui  faire  dire  par  le  général  D"[Armfelt]  que  je  me  re- 
connais et  me  déclare  absolument  impropre  à  toute  espèce 
d'emploi  (vue  que  ses  ministres  ne  manqueront  pas  de  me 
prêter),  que  pour  rien  au  monde  je  ne  renoncerais  soit  à  mon 
indépendance,  soit  à  la  patrie  que  j'ai  adoptée,  et  qu'ayant 
d'ailleurs  une  pension  de  S.  M.  Britannique  je  ne  saurais 
entrer  au  service  d'aucun  souverain  ;  mais  que  plus  j'ai 
d'obligations  à  l'Angleterre,  plus  je  me  croirais  acquitté  en- 
vers elle  si  j'avais  le  bonheur  d'aider  Messieurs  les  financiers 
Russes  à  découvrir  quelque  nouvelle  ressource  fiscale  propre 
à  prolonger  la  lutte  actuelle  pendant  plusieurs  campagnes. 

J'ai  eu  le  plaisir  d'apprendre  qu'au  sortir  de  ce  premier 
entretien,  l'Empereur  s'est  exprimé  sur  mon  compte  avec 
autant  de  confiance  que  de  bonté.  Malgré  les  agitations  que 
lui  donne  en  ce  moment  la  situation  si  critique  de  ses  affaires 
militaires,  dès  qu'il  a  appris  que  mon  travail  était  achevé, 
il  a  bien  voulu  m'accorder  une  audience  qui  a  duré  près  de 
deux  heures  et  pendant  lesquelles  nous  avons  lu  et  com- 
menté le  long  mémoire  qu'on  s'occupe  en  ce  moment  à 
transcrire.   L'idée  fondamentale,   celle  de  repomper  immé- 


190  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

datement  les  3  .")  de  son  papier  en  le  fondant  en  rentes  à  5  "'„ 
différées  lui  a  paru  d'abord  assez  difficile  à  saisir,  et  comme 
il  lui  a  fallu  quelques  explications  verbales  pour  la  conce- 
voir nettement,  il  m'a  exprimé  la  crainte  qu'il  ne  soit  pas  si 
facile  de  la  faire  comprendre  aux  intéressés,  crainte  que  je 
partage  jusqu'à  un  certain  point. 

D'après  ce  premier  aperçu  il  a  paru  approuver  également 
le  but,  l'ensemble  et  les  détails  de  mon  projet.  Puis,  lors- 
qu'il fut  question  de  savoir  à  qui  le  soumettre,  nous  tom- 
bâmes l'un  et  l'autre  sur  le  même  choix.  Le  Baron  de 
Stein  *  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  retrouver  ici,  qui,  ayant  été 
lui-même  ministre  des  finances  prussiennes  et  ayant  vécu 
en  Allemagne  et  en  Autriche  au  milieu  des  convulsions  du 
papier-monnaie,  est  mieux  à  même  que  personne  déjuger, 
soit  à  quel  point  il  est  urgent  d'en  secouer  les  chaînes  soit 
les  meilleurs  moyens  à  embrasser  pour  y  réussir.  Dans  le 
fait,  je  ne  connais  ici  aucun  meilleur  juge  de  tout  plan  sem- 
blable, et  j'ai  vu  avec  grand  plaisir  qu'il  jouit  de  la  confiance 
entière  de  l'Empereur. 

Mais  ce  juge  ne  me  suffit  point,  mon  cher  Vansittart, 
car  mon  plan  —  en  supposant  qu'on  l'adopte  et  qu'on  l'exé- 
cute —  doit  avoir  des  résultats  si  utiles,  mais  peut  aussi 
rencontrer  dans  l'exécution  des  obstacles  si  fâcheux  pour  la 
Russie  et  par  cela  même  pour  la  cause  générale,  que  j'ai 
prié  l'Empereur  de  m'autoriser  à  vous  le  soumettre,  en  lui 
observant  que  j'entends  vous  consulter  non  comme  ministre 
anglais  mais  comme  l'homme  de  l'Europe  qui,  ayant  le  plus 
fondé  (après  M.  Pitt),  entend  le  mieux  à  fond  cette  matière. 
J'ai  eu  grand  soin  de  prévenir  S.  M.  que  comme  vous  ne  con- 
naissez, ni  ne  pouvez  connaître  les  obstacles  locaux  qui  pour- 
raient rendre  facile  ou  difficile  l'exécution  de  mon  projet,  je  ne 
prétens,  ni  ne  réussirais  même  à  obtenir  votre  avis  sur  ce  point; 
mais  que  je  mettais  un  prix  infini  à  savoir  de  vous  si,  au  cas 
que  les  ministres  russes  reconnussent  l'opération  bonne  dans 

1.  Henri-Frc-déric-Charles,  baron  de  Stein,  1757-1831,  venu,  en  mai  1812,  de 
Prague  à  Fétersbourg,  invité  par  Alexandre  h'. 


LES    FINANCES   BUSSES   EN  1812  191 

son  ensemble  et  exécutable  dans  ses  détails,  vous  ne  m'indi- 
querez pas  différents  moyens  de  l'améliorer  en  simplifiant 
les  rouages,  en  évitant  les  frottements,  etc.  etc.  Voici  mot  à 
mot  la  réponse  de  S.  M.  :  «  J'ai  l'honneur  de  connaître  de- 
puis longtemps  M.  Vansittart  par  la  réputation  de  ses  lu  - 
mières  en  finances  et  n'entrevois  en  effet  personne  dont 
l'opinion  soit  plus  désirable.  Mais  en  vous  autorisant  plei- 
nement à  lui  communiquer  ce  travail,  il  me  semble  que  pour 
ne  pas  perdre  de  temps  on  pourrait  toujours  procéder  ici 
au  même  examen,  ne  fut-ce  que  pour  préparer  les  moyens 
d'exécution.  » 

Observez  donc,  mon  cher  Vansittart,  qu'en  sollicitant 
votre  critique  ou  votre  approbation  sur  mon  travail,  il 
n'est  pas  question  de  vous  associer  le  moins  du  monde  à  sa 
responsabilité,  car  je  prétends  bien  la  prendre  tout  entière 
sur  moi  et  sans  me  faire  illusion  sur  les  contrariétés  et  sur 
les  dégoûts  de  plus  d'un  genre  qu'elle  me  prépare.  Mais 
j'attends  de  vous  que  vous  voudrez  bien  jeter  en  marge  du 
long  mémoire  qui,  je  l'espère,  pourra  partir  avec  le  Comte 
de  Lieben  \  toutes  les  observations  critiques  que  vous  sug- 
gérera cette  opération  fiscale  d'un  genre  nouveau,  de  bien 
examiner  si  —  comme  je  le  crois  —  elle  sera  éminem- 
ment et  immédiatement  profitable  au  fisc,  et  d'avoir  surtout 
en  vue  qu'il  s'agit  de  s'assurer  que  la  Trésorerie  impériale 
ne  souffre  ni  retards,  ni  gênes  durant  le  passage  des  anciens 
billets  aux  nouveaux,  car  nous  ne  sommes  pas  dans  des  cir- 
constances où  elle  puisse  et  doive  courir  la  chance  possible 
d'embarras  présents  pour  la  perspective  même  assurée  d'une 
aisance  future. 

Les  60  pages  de  mon  Mémoire  où  j'ai  voulu  bien  mâ- 
cher toute  la  besogne  pour  MM.  les  financiers  russes  peu- 
vent se  réduire  à  très  peu  de  lignes  pour  M.  le  Chancelier 
de  l'Echiquier  britannique  -. 

1.  Christophe  André  je  witdi,  prince  de  Lieven,  1774-1839,  ambassadeur  russe 
à  Berlir.,  duis,  de  1812  à  1834,  à  Londres. 

2.  Une  copie  de  ce  Mémoire  est  conservée  à  la  lîibhothèque  de  Genève  :  Pa- 
piers D'Ivernois.  Il  porte  la  date  du  1/12  octobre  1812. 


192  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Je  propose  de  fonder  les  3/5  des  575  millions  Roubles  de 
billets  émis,  et  dont  il  ne  se  retrouvera  vraisemblablement 
pas  pour  plus  de  500  millions,  en  inscrivant  les  3/5  fondés 
en  rente  de  5  7o  qui  ne  commenceraient  à  courir  que  du 
second  mois  de  Janvier  qui  suivra  les  ratifications  de  la  paix. 

Je  propose  d'associer  immédiatement  à  cette  mesure  (et 
par  de  nouveaux  impôts  créés  ad  hoc)  8  à  9  millions  Rou- 
bles pour  un  fonds  d'amortissement  destiné  :  en  partie  au 
rachat  de  ces  nouvelles  rentes,  avant  même  qu'elles  com- 
mencent à  courir  ;  en  partie  à  brûler  des  nouveaux  billets 
jusqu'à  la  concurrence  d'environ  80.000  Roubles  par  semaine, 
aussi  longtemps  qu'ils  n'auront  pas  repris  toute  leur  valeur 
nominale. 

Comme  on  peut  présumer  que  l'échange  des  anciens 
billets  contre  les  nouveaux  prendra  au  moins  quatre  mois, 
durant  lesquels  la  Trésorerie  percevra  environ  100  millions 
en  vieux  billets,  qu'il  s'agirait  d'échanger  contre  40  millions 
de  nouveaux  et  3  millions  de  rentes  différées  en  5  7o,  je 
propose  que  ces  rentes,  da:it  elle  ne  saurait  que  faire,  lui 
soient  immédiatement  achetées  à  20  fois  la  rente  par  une 
émission  de  60  millions  de  nouveaux  billets,  et  que  les  3 
millions  de  rentes  ainsi  paj^és  soient  inscrits  sur  le  Grand 
Livre  au  nom  de  la  Chambre  d'amortissement  qui  en  jouira 
du  jour  où  elles  commenceront  à  courir. 

En  supposant  que  celles-ci  ne  commencent  à  courir  qu'en 
l'année  1817  et  que  la  chambre  d'amortissement  les  rachète, 
d'abord  à  7  fois  la  rente,  puis  à  8  fois,  puis  à  9  et  ainsi  de 
suite,  d'année  en  année  —  le  fond  d'amortissement  aura  tout 
racheté  dans  une  dixaine  ou  douzaine  d'années,  et  sera  alors 
un  revenu  libre  et  disponible,  ainsi  que  les  rentes. 

Les  (50  millions  de  billets  additionnels  surajoutés  aux  2/5 
à  émettre,  porteront  vraisemblablement  la  masse  des  nou- 
veaux billets  à  260  millions,  un  peu  plus  de  moitié  en  sus 
de  ceux  qu'on  peut  supposer  aujourd'hui  en  existence. 

Je  développe  au  long  dans  mon  mémoire  les  motifs  qui 
me  font  conjecturer 


LES   FINANCES   RUSSES   EN    1812  193 

1°  que  ce  retranchement  relèvera  peu  à  peu  la  valeur  du 
papier  au  même  taux  qu'en  1804,  où  il  y  avait  précisément 
260  millions  de  billets  émis  et  où  le  Rouble  argent  qui  coûte 
aujourd'hui  4  Roubles  en  papier,  ne  se  payait  que  1  Rouble 
26  Kopèkes, 

2°  que  le  prix  du  travail  et  des  productions  Russes  qui 
depuis  douze  ans  a  un  peu  plus  que  doublé,  ne  baissera 
point,  ni  tant  s'en  faut,  dans  le  même  rapport  que  haussera 
la  valeur  des  nouveaux  billets  et  ne  diminuera  vraisembla- 
blement pas  de  plus  de  l/7^ 

3°  que  si  le  prix  du  travail  et  des  denrées  diminue  de 
1/7%  les  profits  du  journalier  et  le  revenu  du  proprié- 
taire foncier,  leurs  dépenses  seront  réduites  dans  la  même 
proportion  et  que  l'impôt  étant  le  seul  article  de  celles-ci 
qui  n'aura  pas  diminué,  on  peut  se  flatter  que  —  du  moins 
pendant  la  guerre  —  il  sera  possible  d'obtenir  des  contri- 
buables, en  nouveaux  billets,  les  mêmes  recettes  qu'on 
perçoit  aujourd'hui  en  papier  déprécié  des  trois  quarts. 

L'avantage  qu'y  trouvera  le  fisc  sera,  non  une  augmenta- 
tion de  revenus,  mais  la  triple  épargne  résultante  :  d'une 
réduction  de  1/7^  dans  le  prix  des  achats  qui  constituent 
entre  le  tiers  et  la  moitié  de  ses  dépenses;  —  d'une  réduc- 
tion beaucoup  plus  forte  dans  le  prix  de  l'argent  dont  il  a 
besoin  pour  ses  dépenses  tant  du  dehors  que  du  dedans  ;  — 
et  de  la  cessation  des  gratifications  qu'il  accorde  à  une  foule 
de  fonctionnaires  en  indemnités  de  la  perte  qu'ils  éprouvent 
sur  son  papier. 

Je  ne  dois  pas  oublier  de  vous  dire  que  S.  M.  m'a  con- 
firmé ce  qu'on  m'avait  dit  que,  sinon  Napoléon,  du  moins 
ses  dignes  compagnons,  viennent  d'émettre  à  Moscou  des 
billets  russes  admirablement  bien  contrefaits,  émission  qui 
me  paraît  rendre  plus  urgente  la  convenance  de  retirer  tous 
ceux  qui  existent.  L'empereur  m'a  déjà  demandé  un  projet 
d'Ukase  pour  l'organisation  législative  de  mon  plan.  Je  vais 
m'en  occuper  et  si  S.  M.  adopte  l'usage  que  je  me  propose 
de  faire  de  cette  scandaleuse   émission,  dans  le  préambule 


194  REVL'E   HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION"   FRANÇAISE 

du  manifeste,  j'espère  que  le  faux-monnayeur  ne  le  lui  par- 
donnera pas  de  longtemps. 

Il  y  a  vingt  cinq  ans  que  l'accueil  dont  l'Empereur  et  les 
deux  Impératrices  ont  daigné  m'honorer,  m'aurait  fait  tourner 
la  tète,  mais  l'âge  l'a  si  bien  rassise  '  que  j'entrevois  des  obs- 
tacles et  des  déplaisirs  de  plus  d'un  genre  dans  le  service  que 
je  viens  d'entreprendre  comme  volontaire.  N'importe,  me 
voilà  résolu  à  les  braver,  tant  que  j'aurai  l'espoir  de  réussir, 
et  si  j'ai  le  bonheur  d'aider  les  financiers  Russes  à  recruter 
leurs  finances  de  manière  à  pouvoir  faire  face  à  plusieurs 
campagnes,  je  croirai  avoir  bien  mieux  servi  la  cause  sociale 
qu'en  me  consumant  à  attaquer  les  finances  de  Bonaparte. 

Du  premier  jour  où  le  Conseiller  d'Etat  passa  chez  moi, 
j'eus  soin  de  communiquer  à  Lord  Cathcart  et  à  Lord  Wal- 
pole-  que  j'allais  m'occuper  de  l'examen  des  finances  Russes, 
et  que  je  ne  manquerais  pas  de  leur  fournir  copie  de  l'extrait 
raisonné  que  je  vous  en  préparais.  Et  en  reparlant  ensuite 
à  Lord  Cathcart  pour  lui  dire  que  j'entrevoyais  déjà  la  pos- 
sibilité de  relever  la  valeur  des  assignats  Russes,  et  que  je 
travaillais  sur  cette  idée,  je  crus  devoir,  par  délicatesse,  ne 
point  l'ennuyer  des  détails  de  mon  plan,  afin  que  si  celui-ci 
vient  à  être  rejeté  et  même  blâmé  (ce  qui  est  très  possible 
et  n'est  nullement  improbable)  votre  Ambassadeur  puisse 
dire  avec  vérité  que  tout  ce  dont  je  l'avais  informé  d'avance, 
c'est  qu'à  la  demande  expresse  de  S.  M.  I.,  je  m'occupais  de 
quelque  travail  de  ce  genre  ;  que  du  reste,  et  quoiqu'il 
puisse  répondre  des  intentions  qui  m'animent,  que  mon 
plan  soit  bon  ou  mauvais,  c'est  à  moi  seul  à  en  répondre 
ou  à  le  défendre.  Je  le  lui  ai  exposé  hier  sommairement  en 
attendant  que  je  puisse  lui  soumettre,  ainsi  qu'à  vous,  le 
long  mémoire  qu'on  transcrit. 

J'ai  reçu  la  semaine  passée  une  longue  et  excellente 
lettre  de  Walsh  ^  où  il    y  a  de  grands   éloges    sur  certain 


1.  D'Ivernois  avait  alors  7)6  ans. 

2.  Lequel  ? 

3.  Robert  Walsh,  1784-1858.  Ecrivain  et  journaliste  américain. 


LES   FINANCES    BUSSES    EN   1<S12  195 

envoi  que  vous  m'aviez  chargé  de  lui  faire.  En  le  lui  trans- 
mettant, je  lui  avais  grièvement  reproché  le  découragement 
qu'il  risque  de  répandre  dans  le  Nord  de  l'Europe,  en  per- 
sistant à  déprécier  les  ressources  de  la  Russie  et  à  exagérer 
celles  de  la  France.  Voilà  que,  sans  me  savoir  ici,  il  m'y  a 
fait  passer  fort  à  propos  son  poeniteor,  en  m'assurant  que 
mon  dernier  écrit  l'a  fait  changer  d'opinion  sur  plusieurs 
points,  et  qu'il  partage,  en  grande  partie,  mes  espérances, 
pourvu  que  l'Empereur  Alexandre  ait  le  courage  de  prolonger 
la  lutte  et  d'en  faire  une  guerre  d'épuisement.  Le  général 
D'[Armfelt]  à  qui  je  lus  ce  passage,  me  le  demanda  pour  le 
montrer  à  l'Empereur  sur  qui  certains  passages  du  premier 
écrit  de  Walsh  avaient  produit  une  impression  qu'il  serait 
bon  d'effacer.  Vous  ne  sauriez  croire  combien  cette  récan- 
tation  d'un  écrivain  converti  paraît  avoir  fait  plaisir,  surtout 
à  l'Impératrice  mère.  Mais  il  est  temps  de  finir  cette  longue 
épitre  qui  sera  bientôt  suivi  par  un  envoi  plus  long  encore. 
Cependant,  je  n'ai  pas  plus  de  temps  qu'il  ne  m'en  faut,  car 
imaginez  que  je  suis  obligé  de  travailler,  pour  ainsi  dire, 
en  cachette  et  d'aller  dans  le  monde,  afin  que  personne  ne 
soupçonne  ce  dont  je  m'occupe,  j'apprends  néanmoins  que 
le  Président  du  Conseil  d'Etat  a  dit  hier  qu'il  croyait  que 
je  me  mêlais  ici  de  finances.  Ceci,  si  je  ne  me  trompe,  vient 
de  mon  informateur  en  chef,  mécontent  de  ce  que  je  ne  lui 
ai  point  communiqué  le  contenu  de  mon  travail,  de  ce  que 
S.  M.  ne  l'en  fera  pas  juge  et  de  ce  qu'elle  lui  a  pris  tem- 
porairement son  premier  secrétaire  pour  me  le  donner. 
Certes,  je  vous  ferais  bien  rire  si  je  vous  disais  le  plan  de 
réforme  qu'il  avait  soumis  avant  mon  arrivée  au  Conseil 
d'Etat  et  sur  lequel  on  avait  gravement  délibéré,  tant  de  vive 
voix  que  par  écrit. 

Adieu,  mon  cher  Vansittart,  prenez  patience  sur  cette 
longue  épitre  et  agréez  l'expression  bien  sincère  de  tous  les 
sentiments  d'estime  et  d'attachement  que  je  vous  ai  voués, 

F.   D'IVERNOIS. 


196  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

P.  S.  En  voyant  que  tout  mon  édifice  de  rentes  différées 
repose  sur  un  fonds  d'amortissement,  vous  direz,  sans  doute, 
comme  Lord  Cathcart,  que  ce  fonds  risque  bien  de  recevoir 
son  coup  de  mort  longtemps  avant  d'avoir  amorti  la  dette  à 
laquelle  je  l'associe.  A  dire  le  vrai,  j'en  pense  assez  de  même 
et  c'est  aussi  pour  parer  de  mon  mieux  au  coup,  et  pour 
inspirer  plus  de  confiance  dans  ce  fonds,  que  je  me  suis  appli- 
qué à  rendre  sa  marche  trois  ou  quatre  fois  plus  rapide  que 
celle  du  vôtre.  Après  tout,  veuillez  considérer  que  puisqu'il 
s'agit  pour  la  Russie  de  trouver  de  nouvelles  ressources  de 
guerre,  elle  ne  peut  les  prendre  que  sur  le  présent  ou  sur 
ïavenir.  —  Sur  le  présent,  ce  ne  serait  que  de  deux  ma- 
nières :  1*^  par  de  nouveaux  impôts,  mais  les  additions  re- 
doublées qu'[ils]  ont  éprouvé  depuis  trois  ans  sont  telles  que 
je  crains  que  la  difficulté  d'en  lever  d'additionnelles  pour 
8.500.000  Roubles  ne  soit  l'une  des  principales  pierres 
d'achoppement  de  mon  plan.  — 2"  par  des  réquisitions  en  na- 
ture ;  mais  celles-ci  ne  pourraient  se  lever  et  se  prolonger  qu'en 
renonçant  aux  contributions  régulières,  ce  qui  ne  tarderait 
guère  à  tout  désorganiser.  —  Sur  l'avenir,  c.  a.  d.  sur  les 
revenus  de  la  paix.  Mais  s'il  est  possible  d'anticiper  ceux-ci, 
ce  ne  peut  être  que  par  le  crédit.  Or  je  ne  vois  aucune  per- 
spective de  crédit  s'il  n'est  pas  appuyé  sur  quelque  caisse 
d'amortissement  qui,  par  sa  marche  active  et  prompte, 
compense  les  risques  que  ne  manquera  pas  de  courir  ici  sa 
dot  à  mesure  qu'elle  grossira.  Si  ce  fonds  est  une  fois  en 
pleine  activité  et  qu'à  la  paix  les  ministres  de  l'Empereur 
actuel  ou  ses  successeurs  y  portent  une  main  violente,  j'en 
aurai  regret,  mais  ce  sera  leur  affaire,  et  je  n'en  aurais  pas 
moins  atteint  mon  but  principal,  celui  de  trouver,  pour  la 
guerre  actuelle,  quelques  ressources  effectives  prises  sur  les 
revenus  de  la  paix  future.  Le  fonds  d'amortissement  ne 
coûterait  chaque  campagne  que  8.500.000  Roubles  et  amè- 
nerait dans  les  dépenses  actuelles  une  épargne  immédiate  et 
effective  que  j'évalue  entre  60  et  70  millions. 

En  relisant  cette   lettre,  j'ai  jugé   convenable  d'en  trans- 


LES   FINANCES  RUSSES    EN  1812  197 

crire  ce  qui  vous  concerne,  pour  pouvoir,  s'il  est  nécessaire, 
le  montrer  à  l'Empereur,  afin  que  S.  M.  ne  puisse  point  se 
méprendre  sur  ce  que  je  demande  votre  avis  en  droit,  non 
comme  Chancelier  de  l'Echiquier  Anglais,  mais  précisément 
comme  je  vous  consultais  avant  votre  ministère  sur  certains 
chapitres  de  mes  écrits  financiers. 

p      S_  Ce  11/23  octobre  1812 

Un  entretien  de  six  heures  que  j'ai  eu  hier  soir  avec  le 
Contrôleur  général  m'a  appris,  entr'autres  choses,  pourquoi 
les  produits  présumés  de  l'impôt  du  10"  des  revenus  ne  sont 
pas  portés  sur  le  dernier  budget.  C'est  que  cet  impôt,  ainsi 
que  tous  ceux  de  1812,  devait  être  versé  dans  une  prétendue 
caisse  d'amortissement  qui  n'a  rien  amorti,  parce  que  les 
Ministères  s'en  sont  partagés  le  fonds,  évalué  à  environ  50 
millions. 

Voilà  donc,  allez-vous  dire,  un  autre  revenu  à  ajouter 
aux  300  millions  des  recettes  publiques.  Fort  bien  ;  mais 
quoiqu'on  l'ait  pris  et  dépensé,  la  dette  arriérée  de  l'année 
courante  s'élèvera,  à  ce  qu'on  croit,  entre  40  à  60  millions, 
et  ce  qu'il  y  a  de  pire,  c'est  que  le  déficit,  auquel  il  s'agit 
de  pourvoir  pour  l'année  prochaine,  s'évalue  déjà  à  une  cen- 
taine de  millions.  Ceci  parait  assez  naturel,  si  l'on  considère 
que  les  provinces  occupées  par  l'ennemi  rapportaient  environ 
50  millions.  Mais  voici  ce  qui  est  extraordinaire.  Malgré  les 
nouvelles  levées  de  milices  équipées  et  entretenues  par  plu- 
sieurs provinces,  le  ministre  de  la  guerre  demande  pour 
l'année  prochaine  200  millions  au  lieu  de  150,  et  celui  de  la 
marine  'M)  au  lieu  de  18.  Cette  dernière  augmentation  me 
paraît  si  inconcevable,  surtout  à  la  suite  de  la  paix  avec 
l'Angleterre,  (ju'il  m'est  entré  dans  l'esprit  —  à  tort  peut-être  — 
que  certains  ministres  se  coalisent  pour  montrer  à  l'Empe- 
reur, par  des  chiflres,  l'impossibilité  d'aller  en  avant,  et 
par  cela  même  la  nécessité  de  songer  à  la  paix,  conjecture 
dont  Lord  Cathcart  saura  bien  démêler  le  fondement,  en 
supposant  qu'elle  soit  fondée. 


198  REVUE  HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Le  Contrôleur  général  —  une  des  deux  personnes  à  qui 
l'Empereur  avait  référé  mon  projet,  ne  m'a  fait  jusqu'ici  que 
deux  objections,  mais  elles  sont  passablement  découra- 
geantes. 

La  l'"'^  est  que  son  exécution,  en  la  supposant  couronnée 
d'un  succès  complet,  ne  couvrirait  guère  encore  que  la 
moitié  du  déficit. 

La  2^,  qu'il  ne  se  trouvera  personne  d'assez  hardi  pour 
y  mettre  la  main,  et  que  lui,  comme  étranger  (on  le  consi- 
dère ici  comme  tel  à  titre  de  Livonien)  ne  pourrait  s'en 
charger  qu'avec  la  certitude  d'être  croisé  et  de  s'exposer, 
s'il  échouait,  à  des  accusations  de  trahison.  Il  n'y  a  qu'un 
Russe,  m'a-t-il  dit,  qui  put  l'entreprendre.  Or,  où  le  trou- 
ver ? 

Je  suis  sorti  de  chez  lui  avec  l'impression  que  les  finan- 
ces sont  dans  un  état  plus  fâcheux  que  je  ne  le  croyais,  et 
avec  la  pleine  conviction  qu'il  n'y  a  point  de  gouvernements 
plus  faibles  que  les  gouvernements  despotiques. 

Il  y  a  eu  hier  à  la  bourse,  dans  le  prix  de  l'argent  et 
dans  le  taux  du  change,  une  révolution  qui  vous  étonnera. 
Le  Rouble  argent  qui  coûtait,  il  y  a  huit  jours,  3  Roubles  80 
kopèques  en  papier,  s'est  vendu  à  3  Roubles- 15  kopèques, 
et  le  change  a,  en  même  temps,  tourné  d'environ  8%  contre 
la  Russie.  Tout  singulier  que  paraisse  ce  phénomène,  je 
crois  pouvoir  l'expliquer  et  vous  annoncer  qu'il  y  aura, 
avant  la  fin  de  ce  mois,  un  autre  soubresaut  en  sens  con- 
traire. 

J'espère,  mon  cher  Vansitlart,  que  ce  gros  volume  m'ar- 
rive  à  temps  pour  vous  l'expédier  avec  le  courrier  qui  doit 
vous  porter  mon  n°  2  et  mon  P.  S.  du  9  oct.  —  Depuis 
les  tristes  révélations  que  m'a  faites  le  Contrôleur  général 
sur  l'étendue  des  besoins  de  1813,  et  sur  celle  des  dettes  ar- 
riérées de  1812,  il  m'est  venu  dans  l'esprit  qu'on  pourrait,  à 
l'aide  de  mon  plan,  balayer  presqu'entièrement  celles-ci.  — 
Je  vous  laisse  à  deviner  par  quel  moyen,  mais  vous  le  com- 
prendrez, je  crois,  si  je  vous  dis  qu'en  pareil  cas,  et  en  sup- 


LES    FIXAN'CES    RUSSES  EN   1812  199 

posant  que  les  arrérages  s'élèvent  à  50  millions  (ce  qui  en 
est  sûrement  le  minimum)  il  s'agirait  de  laisser  en  circula- 
tion 250  millions  de  nouveaux  billets  et  par  conséquent  d'y 
en  trouver  en  décembre  prochain  625  millions  d'anciens. 

Mon  Mémoire  est  dans  les  mains  de  l'Empereur  qui,  à 
ce  que  je  crois,  va  le  référer  à  quelque  commission,  si  ce 
n'est  pas  déjà  fait. 

Je  n'ai  pas  le  temps  de  fermer  ce  paquet  dans  la  crainte 
que  Lord  Walpole  ne  le  reçoive  pas  à  temps  pour  l'expédier. 

Recevez  l'assurance  de  mon  entier  dénouement. 

F.  D'I. 

Ce  13  2ô  octobre  1812. 

{A  suivre) 


FÉLIX  DE  WIMPFFEN 

ET  LE    SIÈGE    DE   THIONVILLE 

EN  1792 


I 

La  petite  et  belliqueuse  cité  de  Thionville  revêtait,  à  la 
fin  du  XVIIP  siècle,  l'aspect  grave  et  imposant  des  places 
fortes  ^  Entourée  de  remparts  et  de  bastions,  elle  se  dessi- 
nait vaguement  dans  le  ciel  par  l'émergement  timide  de  son 
beffroi,  la  masse  un  peu  lourde  des  tours  de  la  nouvelle 
«  paroisse  »  *,  et  les  flèches  grêles  et  ajourées  qui  surmon- 
taient les  églises  conventuelles.  Son  enceinte  renfermait  près 
de  8.000  habitants  \ 

Quelques  vestiges  de  la  forteresse  subsistent  encore  et  se 
mirent  dans  les  eaux  limpides  de  la  Moselle,  comme  les 
témoins  attardés  d'un  passé  qui  ne  fut  pas  sans  gloire.  En 
effet,  plusieurs  des  nombreux  sièges  que  la  place  de  Thion- 

1.  Les  travaux  de  démantèlement  de  la  forteresse  ont  commencé  en  1902.  S'il 
est  vrai  que  la  population  étouffait  presque  dans  son  étroit  corset  de  pierre,  il 
faut  convenir  que  la  démolition  des  remparts  de  la  Moselle  ne  s'imposait  pas 
nécessairement.  Ces  remparts,  percés  d'une  porte  monumentale  avec  pont-levis, 
donnaient  à  la  ville  un  cachet  militaire  qu'elle  n'a  plus.  Plantés  de  marronniers 
séculaires,  agrémentés  de  kiosques  d'où  l'on  découvrait  la  vallée  de  la  Moselle, 
ces  remparts  étaient  pour  les  Thionvillois  le   lieu  favori  de  leurs  promenades. 

2.  C'est  ainsi  qu'on  appelait  alors  l'église  paroissiale  pour  la  distinguer  sans 
doute  des  églises  conventuelles.  Il  existe  aujourd'hui  encore  une  «  rue  de  la 
paroisse  ».  L'église  paroissiale,  sous  la  dénomination  de  Saint-Maximin,  venait 
d'être  reconstruite  en  1756,  non  loin  de  l'emplacement  de  l'ancienne. 

3.  Un  dictionnaire  de  l'époque  (R.  de  Hesseln,  Dictionnaire  de  la  France  ; 
Paris,  1761  ;  VL  313)  n'attribue  à  Thionville  que  ,").6()0  hab.,  probablement  sans 
tenir  compte  de  la  garnison,  car  les  registres  de  l'Hôtel  de  S'ille,  à  la  date  du  10 
janvier  1791,  attestent  une  population  totale  de  prés  de  8.000  habitants. 


WIMPFFEN  ET  LE  SIÈGE  DE  THIONVJLLE  201 

ville  eut  à  subir  sont  restés  célèbres.  L'histoire  militaire  de 
l'Europe  y  fait  allusion  parfois,  la  chronique  locale  les 
rappelle  toujours  avec  complaisance. 

Depuis  la  conquête  de  cette  ville  par  le  grand  Condé,  en 
1643,  conquête  qui  «  était  le  digne  prix  de  la  victoire  de 
Rocroy  »,  selon  la  parole  de  Bossuet  \  les  Thionvillois 
avaient  joui  d'une  paix  profonde  et  continue. 

Les  peuples    heureux,    a-t-on   dit,   n'ont  pas   d'histoire. 
L'intéressant  historien  de  Thionville  -  paraît  convaincu  de 
cet  axiome,  puisque,  parvenu  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV 
il   dépose  la  plume  pour  ne   plus   la  reprendre  que  d'une 
façon  irrégulière  et  intermittente... 

Sans  doute,  aucun  fait  marquant  ne  devait  mettre  de 
longtemps  en  relief  le  nom  de  Thionville,  mais  ce  que  Teis- 
sier  n'a  pas  relaté,  c'est  la  lente  et  réelle  évolution  qui  se 
poursuivit  dans  les  esprits  à  partir  de  l'annexion  de  la  ville 
à  la  couronne  de  France. 

Le  gouvernement  royal  avait  sagement  profité  de  cette 
longue  ère  de  paix  pour  acclimater  dans  le  Luxembourg 
français  '^  les  institutions  du  royaume.  Le  petit  peuple  de 
Thionville  s'était  prêté  sans  mauvaise  grâce  aux  efforts  per- 
sévérants de  son  nouveau  maître,  il  y  avait  même  apporté 
d'autant  plus  de  bonne  volonté  que  «  la  seconde  conquête 
de  Thionville  *  par  les  Français  en  1643  ne  fut  point  marquée 
par  des  mesures  violentes,  comme  l'observe  très  judicieuse- 

1.  Bossi'ET,  Oraison  funèbre  de  Louis  de  Bourbon,  prince  de  Condé. 

2.  G. -F.  Teissier,  sous-préfet  de  l'arrondissement  de  Thionville  de  1819  à 
1830.  Auteur  de  l'unique  histoire  de  Thionville  qui  ait  été  publiée  (Metz,  Ver- 
ronnais,  1828)  et  qui  reste  comme  le  livre  de  chevet,  le  bréviaire  que  les  vieilles 
familles  thionvilloises  se  transmettent  de  génération  en  génération.  Cet  ouvrage 
est  intéressant,  bien  écrit,  d'une  lecture  facile  et  agréable,  mais  ne  répond  plus 
aux  exigences  de  l'histoire  documentaire  d'aujourd'hui.  Les  phases  les  plus  im- 
portantes de  l'histoire  thionvilloise  ont  été  écrites  à  nouveau  et  par  des  auteurs 
différents.  Il  serait  facile  de  les  relier  ensemble  et  d'en  former  une  nouvelle 
histoire  de  la  cité,  plus  développée  et  plus  exacte  que  celle  de  Teissier. 

3.  Le  gouvernement  de  Thionville,  établi  aussitôt  après  la  conquête,  était 
appelé  communément  «  Luxembourg  françois  »  en  souvenir  du  pays  auquel  il 
avait  appartenu  jusqu'alors. 

4.  La  ville,  prise  une  première  fois  par  le  duc  de  Guise  en  1558,  fut  restituée 
l'année  suivante  à  Philippe  II,  roi  d'Espagne,  par  le  traité  de  Cateau-Cam- 
brésis. 


202  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

ment  un  historien  belge  ',  mais  par  un  travail  lent  et  d'autant 
plus  sûr.  Les  mœurs,  les  idées  reçues  se  modifièrent  de 
génération  en  génération.  » 

Un  siècle  plus  tard,  cette  évolution  paraissait  achevée  et 
toutes  les  classes  de  la  population  s'unissaient  dans  un  ma- 
gnifique élan  de  reconnaissance  et  de  loyalisme  pour  célébrer 
avec  éclat  le  centenaire  de  l'incorporation  de  Thionville  à  la 
monarchie  française  -. 

A  lire  la  relation  de  cette  fête  commémojative,  on  éprouve 
le  sentiment  intime  de  la  sincérité  de  cet  enthousiasme  ; 
toutefois,  il  est  à  remarquer  qu'on  y  parle  plutôt  de  la -France 
que  du  roi,  et  cela  peut-être  avec  une  insistance  voulue. 
Cette  indifférence  à  l'égard  de  la  dynastie  régnante  n'est  pas 
pour  étonner  ceux  qui  connaissent  le  tempérament  thionvil- 
lois,  très  indépendant  et  parfois  même  frondeur.  Déjà  en 
1545,  le  conseiller  Scepperus  écrivait  dans  un  rapport  adressé 
à  l'empereur  Charles-Quint  ^  que  «  le  peuple  (de  Thionville) 
était  de  nulle  obéissance  ».  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner 
que  ce  sentiment  d'indépendance  ait  été  en  germe  parmi  ces 
bourgeois  qui  avaient  joui,  dès  le  XIIP  siècle,  des  libertés 
communales  ^.  Ce  sentiment,  tour  à  tour  encouragé  et  com- 
primé, allait  enfin  pouvoir  s'épanouir  pleinement  pendant  la 
période  révolutionnaire  \ 


1.  Ch.  Raiilknbixk,  Metz  et  Thionville  sous  Charles-Quint  (Bruxelles,  1881), 
p.  294. 

2.  <(  Toute  la  ville  en  général,  et  chacun  en  particulier,  a  donné  des 
marques  publiques  d'une  joie  véritablement  sincère  de  ce  qu'il  a  plu  à  Dieu  de 
mettre  cette  ville  et  nos  pères  sous  la  domination  delà  France  et  avons  redoublé 
nos  vœux  pour  qu'il  nous  y  maintienne  et  ne  permette  pas  que  nous  en  sortions 
jamais...  C'est  pour  laisser  à  la  postérité  des  preuves  convaincantes  que  toute 
la  bourgeoisie  en  a  données,  que  la  chambre  a  dressé  le  présent  acte  sur  les 
registres  de  l'hôtel  de  ville.  »  (Arch.  Th.) 

3.  Achiues  gén.  de  Belgique,  Liasse  18.  Rapport  de  M"  Corneille  Scepperus  sur 
la  situation  des  affaires  au  pays  de  Luxembourg. 

4.  La  charte  d'affranchissement  des  bourgeois  de  Thionville  est  du  15  aotit 
1239.  L'original  se  trouve  heureusement  encore  aux  archives  municipales  ;  voir 
aussi  Teissiek,  Op.  cit.,  pp.  448  à  4(52. 

5.  Les  quatres  députés  thionvillois  à  la  Convention  nationale,  Bar,  Hentz, 
Merlin  et  Thirion,  siégèrent  sur  les  bancs  de  la  Montagne.  Bar  et  Thirion 
votèrent  pour  la  mort  de  Louis  XVI.  Hentz  vota  pour  la  mort  «  sans  sursis  ». 
Merlin,  qui  n'était  pas  soumis  au  vote  puisqu'il  était  enfermé  dans  Mayence,  où 
il  était  représentant  auprès  des  armées,  écrivit  cependant  à  la  Convention  pour 


WIMPFFEX  ET  LE    SIEGE  DE  THIONVtLLE  203 

L'annonce  de  la  convocation  des  Etats-Généraux  fut  pour 
les  électeurs  une  occasion  de  s'agiter  dans  les  réunions  pré- 
paratoires et  dans  les  assemblées  primaires  ^  de  discuter 
sur  le  choix  des  députés  avec  une  hardiesse  de  langage 
jusqu'alors  inconnue. 

Deux  députés  seulement  avaient  été  admis  à  siéger  aux 
Etats-Généraux  pour  y  représenter  le  bailliage  de  Thionville  : 
Mathias  Brousse,  curé  de  Volckrange,  et  Wolter  de  Neur- 
bourg,  seigneur  de  Cattenom.  Comme  ces  deux  députés 
appartenaient  aux  deux  ordres  privilégiés,  la  ville  de  Thion- 
ville et  son  bailliage  voulurent  avoir  un  troisième  représen- 
tant pour  le  tiers-état,  sans  préjudice  du  droit  particulier  de 
la  ville  d'avoir  un  député  spécial,  droit  dont  elle  avait  Joui 
aux  Etats  du  duché  de  Luxembourg,  lorsqu'elle  faisait  partie 
de  cette  province. 

Ces  prétentions  ne  furent  pas  accueillies  -,  et  le  parti 
novateur,  qui,  depuis  quelques  années  déjà,  soutenait  l'hon- 
neur du  tiers  contre  les  audaces  des  officiers  de  la  garnison, 
eut  ainsi  l'occasion  de  s'apercevoir  que  son  heure  n'avait 
pas  encore  sonné. 

Sur  ces  entrefaites,  on  apprit  la  nouvelle  de  la  prise  de  la 
Bastille. 


voter  «  pour  la  mort  de  Capet  et  la  prompte  exécution  du  jugement  »  (6  janvier 
1793). 

1.  Jacques-Barthélémy  Bleuet,  conseiller  du  roi,  lieutenant  général  civil  et 
criminel  au  bailliage  de  Thion\illc,  à  défaut  de  bailli,  avait  convoqué  l'assemblée 
préliminaire  pour  le  10  mars  (1789).  J.-B.  Blouet,  Schweitzer,  Bolly,  Mathias 
Klelîert,  Probst,  J.-B.  Tailleur,  furent  élus  par  la  ville  de  Thionville  députés  au 
bailliage.  Tous  les  six  prirent  part  à  l'assemblée  des  trois  ordres,  qui  eut  lieu  le 
12  mars.  A  part  Blouet,  ils  concoururent  à  la  rédaction  du  cahier  des  doléances. 
Le  lendemain,  13  mars,  il  fut  procédé  à  l'élection  des  députés  envojés  à  Metz,  à 
l'assemblée  de  réduction.  Mathias  Brousse,  curé  de  \'olckrange,  et  François 
Jacobi,  curé  de  Kédange,  furent  élus  pour  le  clergé  ;  Wolter  de  Neurbourg, 
seigneur  de  Cattenom,  et  Turlure  de  Vellecour,  commissaire  ordonnateur  des 
guerres  à  Thionville,  pour  la  noblesse  ;  J  -B.  Blouet,  Nicolas  Schweitzer,  Le 
Dure  et  Durbach,  pour  le  tiers-état. 

Pour  de  plus  amples  détails  sur  cette  procédure  bizarre  et  très  compliquée, 
le  lecteur  pourra  utilement  consulter  l'article  de  M.  Lesprand,  sur  les  Cahiers 
lorrains  de  1189,  paru  dans  le  Jahr-Bnch  dcr  Gesellschaft  fur  lolhringische 
(ifxchichte  und  Allerliimskitnde  (Metz,  1904). 

'2.  Tkissiku,  Op.  cil.,  p.  ;;23. 


204  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Cet  événement,  on  le  sait,  fut  le  signal  de  graves  désor- 
dres dans  toute  la  France. 

Taine,  dans  un  des  chapitres  les  mieux  documentés  de 
son  ouvrage  sur  les  Origines  de  la  France  contemporaine, 
souligne  la  simultanéité  surprenante  delémeute  dans  presque 
toute  l'étendue  du  royaume. 

Thionville,  quoique  sur  la  limite  extrême  de  ce  royaume, 
ne  resta  pas  en  dehors  du  mouvement. 

Le  22  juillet  1789,  les  employés  de  la  ferme  générale 
étaient  mis  en  fuite,  et  leurs  baraques  démolies  par  la  popu- 
lace ;  le  25,  c'était  le  pillage  de  la  boutique  d'un  boulanger  ; 
le  26,  c'était  la  mise  en  liberté,  exigée  par  le  peuple,  de  trois 
contrebandiers  de  tabac. 

Affolée  par  ces  premiers  troubles  qu'elle  n'avait  pas  su 
prévoir,  l'Assemblée  municipale  résolut  de  faire  cesser  im- 
médiatement la  perception  du  pied-fourché  \  et  supprima, 
avec  les  maîtrises,  la  chambre  syndicale  des  marchands. 

Le  maire,  les  officiers  municipaux  et  les  notables  de  la 
ville  n'étaient  pour  la  plupart  ni  des  novateurs  ni  des  déma- 
gogues. Animés  des  sentiments  les  plus  respectables,  ils 
n'avaient,  surtout  après  cette  première  panique,  qu'une  seule 
préoccupation,  celle  de  ramener  la  paix  dans  les  esprits  par 
une  administration  sage,  mais  ferme  et  dénuée  de  toute 
équivoque. 

La  garde  bourgeoise,  formée  à  la  hâte,  le  25  juillet  au 
soir,  fut,  peu  de  temps  après,  régulièrement  organisée  sous  le 
nom  de  régiment  municipal.  Ce  corps  qui  n'était,  après  tout, 
qu'une  sorte  de  résurrection  des  anciennes  milices  urbaines, 
devait  devenir  le  germe  de  la  future  garde  nationale  -. 


1.  Le  pied-fourché  se  faisait  au  profit  de  la  ville  comme  l'octroi  actuel. 

2.  François  Petit  (1716  à  1793),  maire  de  la  ville,  avocat  au  bailliage  et  pourvu 
du  titre  de  conseiller  de  la  maison  du  margrave  de  Bade,  était  le  cclonel-né  de 
ce  régiment.  Le  comte  Charles-Gabriel  de  Gévigny,  ancien  maire,  en  était  le 
commandant  effectif.  Le  27  septembre  1789  eut  lieu  en  grande  pompe  la  béné- 
diction du  drapeau  de  ce  corps.  Les  officiers  prêtèrent  le  serment,  entre  les 
mains  du  comte  de  Gévigny,  dans  l'église  même  ;  les  bas-officiers  ainsi  que  les 
fusiliers  le  prêtèrent  à  l'issue  de  la  messe,  sur  la  place  du  marché,  entre  les 
mains  du  maire,  «  le  tout  conformément  au  décret  de  l'.^ssemblée  nationale  du 
dix  aoust  dernier  sanctionné  par  le  Roi.  »  (Arch.  Th.) 


WIMPFFEX  ET  LE  SIÈGE  DE  THIOWILLE  205 

Si  d'une  part,  il  fallait  à  tout  prix  contenir  les  fauteurs 
de  troubles,  de  l'autre,  il  importait  de  rassurer  la  partie 
saine  de  la  population  qui  était  justement  émue  des  bruits 
qui  circulaient  et  qui  annonçaient  comme  prochaine  la  sup- 
pression des  maisons  religieuses. 

Les  élus  de  la  ville  se  réunirent  et  adressèrent  une  sup- 
plique à  l'Assemblée  nationale  pour  demander  le  maintien 
de  ces  maisons,  qui  rendaient  aux  habitants  les  services  les 
plus  signalés  '. 

Ces  mesures,  et  d'autres  encore  de  moindre  importance, 
étaient  bien  faites  pour  calmer  les  appréhensions  des  plus 
timorés.  Malheureusement,  cette  accalmie  devait  être  sans 
lendemain,  car  les  lois  des  14  et  22  décembre  1789  sur  les 
nouvelles  municipalités  allaient  réveiller  des  passions  mal 
éteintes  en  suscitant  des  compétitions  sans  nombre. 

Des  hommes  nouveaux,  acquis  aux  idées  révolutionnaires, 
vinrent  siéger  à  l'hôtel  de  ville. 

Le  renouvellement  de  la  municipalité  n'était  pas  un  fait 


1.  Il  s'agissait  des  couvents  des  Pères  Augustins  et  des  dames  du  St- Esprit 
(Clarisses)  ainsi  que  de  la  Chartreuse  de  Rettel-lès-Sierck. 

Les  Augustins,  établis  à  Thionville  dès  le  XIV"  siècle,  tenaient  un  collège  très 
apprécié  de  la  population.  Le  personnel  ne  comprenait  que  5  pères,  2  novices  et 
1  frère  (les  PP.  Bacholt,  Mick,  Leutin,  Fleuriche  et  Fritche,  presque  tous 
originaires  de  Thionville).  On  ne  tint  pas  compte,  à  l'Assemblée  nationale,  de  cette 
pétition,  et  malgré  le  serment  prêté  sans  discussion  par  Bacholt,  Mick  et  Leutin, 
et  en  dépit  de  toutes  leurs  concessions  lamentables,  de  Mick  en  particulier,  le 
couvent  des  Augustins  était  fermé  le  16  août  1791,  la  messe  3'  était  interdite  et  la 
vie  conventuelle  purement  et  simplement  supprimée. 

Les  religieuses  du  St-Esprit,  ou  Clarisses,  donnaient  l'enseignement  gratuit 
aux  jeunes  filles  de  la  ville.  Il  y  avait  1  abbesse  et  13  religieuses.  Médiocrement 
Tentées,  elles  vivaient  dans  un  état  voisin  de  la  gêne. 

Il  n'en  était  pas  de  même  des  Chartreux  de  Rettel  qui  employaient  leurs 
richesses  en  d'abondantes  aumônes.  Dans  la  susdite  pétition,  on  rend  particuliè- 
rement hommage  aux  très  grands  services  rendus  par  eux  aux  pauvres  pendant 
l'hiver  si  rigoureux  de  1788-1789.  Dans  leurs  cahiers  de  doléances,  le  clergé  et  la 
noblesse  de  Thionville  avaient  déjà  instamment  demandé  le  maintien  de  cette 
chartreuse  (V .  Archiiies  parlementaires,  III,  p.  775  et  suiv.).  Dans  celui  du  tiers- 
état,  où  il  eut  dû  figurer  en  tête,  il  n'en  est  pas  fait  mention.  —  «  La  Chartreuse, 
disent  les  notables  de  Sierck,  est  à  tous  égards  pour  nous  l'arche  du  Seigneur  ; 
c'est  la  principale  ressource  de  plus  de  douze  à  quinze  cents  personnes  qui 
viennent  tous  les  jours  de  la  semaine.  Cette  année  les  moines  leur  ont  distribué 
leur  propre  provision  de  grain  à  16  livres  au-dessous  du  cours.  »  ^Archiv.  Nat., 
D.  XIX). 

Dans  la  pétition,  il  n'est  pas  question  des  capucins  (14  pères,  3  novices  et  2 
frères),  sans  doute  parce  qu'ils  n'étaient  pas  affectés  à  un  service  public. 


206  REVL'E  HISTORIQUE    DE   LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

isolé.  Comme  partout,  il  marquait  le  début  d'une  longue 
série  de  transformations  qui  devaient  s'opérer  à  coups  de 
lois,  dans  tous  les  domaines  de  Tordre  administratif. 

De  chef-lieu  de  subdélégation,  Thionville  s'était  vu 
transformé  en  chef-lieu  de  district.  Le  subdélégué,  Robert 
du  Château  ',  était  remplacé  par  un  directoire  et  un  conseil 
général  élus.  Christophe  Merlin,  Trotyanne,  Schweitzer  et 
Simminger  devaient  être  les  membres  les  plus  influents 
et  les  plus  actifs  de  cette  nouvelle  administration. 

Le  très  respectable  bailliage  royal  se  voyait  supplanté 
par  un  tribunal  de  district  aidé  d'une  justice  de  paix. 

Si  l'institution  et  les  charges  changeaient  de  nom,  les 
magistrats  restaient  en  place,  confirmés  dans  leurs  fonctions 
par  les  suffrages  des  électeurs.  Le  lieutenant -général  civil 
et  criminel  au  bailliage,  Jacques-Barthélémy  Blouet,  deve- 
nait président  du  tribunal  ;  Jean-Baptiste  Tailleur,  lieute- 
nant particulier,  devenait  juge.  Robert  du  Château  échangeait 
l'appellation  d'avocat  du  roi  contre  celle  de  commissaire  du 
gouvernement.  Joseph-Antoine  Collas,  de  procureur  du  roi, 
devenait  juge  de  paix. 

De  semblables  changements  s'opéraient  jusque  dans  l'or- 
ganisation militaire  de  la  bourgeoisie. 

Le  régiment  de  la  ville  se  transformait  en  garde  nationale. 
Celle-ci  se  composait  tout  d'abord  de  dix  compagnies,  dont 
huit  recrutées  parmi  les  habitants  de  la  ville,  et  deux  parmi 
ceux  de  la  banlieue.  Deux  autres  furent  formées  peu  après, 
l'une  par  des  jeunes  citoyens  non  mariés,  et  l'autre  par  des 
vétérans,  qui  tous  s'étaient  enrôlés  volontairement  -. 

1.  Jean-Mathias-Robert  du  Château  fut  subdélégue*  à  Thionville  de  l'intendant 
de  la  généralité  de  Metz,  de  1779  à  179<l,  avocat  du  roi  au  bailliage  jusqu'à 
l'époque  de  sa  suppression.  Il  signa  le  c;ïhier  de  doléances  du  tiers-état,  le  9 
mars  1789,  et  consentit  à  faire  partie  du  tribunal  de  district,  comme  il  a  été  dit 
plus  haut.  Il  semble  avoir  accueilli  sans  répugnance  le  nouvel  état  de  choses.  Il 
fut  élu  lieutenant-colonel  de  la  garde  nationale,  mais  en  juin  1791  il  était  rem- 
placé dans  ses  fonctions  militaires  par  un  certain  Morcl.  Enfin,  en  août  1792,  il 
émigrait  avec  ses  deux  fils.  (Arch.  Th.  et  Lis/c  cjén.  des  Emigrés). 

2.  La  garde  nationale  a  été  formée  à  Thionville,  en  février  1790.  L'ancien 
maire.  Petit,  en  était  le  colonel,  Robert  du  Château,  lieutenant-colonel,  Girar- 
din,  major  ;  dans  la  liste  des  capitaines,  nous  lisons  les  noms  de  Merlin  et 
d'.\bel.  On  remarquera  que  le  comte  de  Gévigny  est  tenu  ou  s'est  tenu  à  l'écart. 


WIMPFFEN  ET  LE  SIÈGE   DE  THIONVILLE  207 

Tous  ces  changements,  dans  l'ordre  communal,  admi- 
nistratif, judiciaire  et  militaire,  s'étaient  opérés  sans  secousse 
apparente,  d'une  façon  régulière  et  normale.  Il  n'en  devait 
pas  être  de  même  de  l'application  de  la  constitution  civile 
du  cierge.  Les  prêtres  thionvillois  qui  avaient  paru  tout 
d'abord  s'y  prêter,  d'assez  mauvaise  grâce,  il  est  vrai,  lui 
opposèrent  dans  la  suite  une  force  de  résistance  que  l'exil  ou 
la  mort  devaient  seuls  briser  '. 

1.  Pour  apprécier  la  conduite  des  prêtres  qui  habitaient  Thionville,  il  convient 
de  faire  une  distinction  entre  le  clergé  séculier  et  le  clergé  régulier.  Daniel-Henri 
Tinot,  curé,  Rolly,  primissaire,  Munier,  second  vicaire,  Fendl  et  Médinger, 
prêtres-sacristains,  Pàquin,  vicaire-résident  à  Guentrange,  La  Motte,  ci-devant 
prébende  à  la  cathédrale  de  Metz,  les  Pères  de  Millj%  religieux  cordelier,  direc- 
teur des  dames  du  St-Esprit,  Bacholt,  Mick,  Leutin  et  Mer,  religieux  augustins, 
les  trois  premiers  professeurs  au  collège,  et  le  dernier  aumônier  du  régiment 
d'Armagnac,  Hermand,  Félix  et  Honoré,  religieux  capucins,  ce  dernier  aumô- 
nier de  l'hôpital  régimentaire,  ont  chacun  individuellement  prêté  le  serment,  sans 
aucune  restriction,  entre  les  mains  du  maire,  assisté  d'officiers  municipaux  et  de 
notables,  le  23  janvier  1791,  à  l'issue  de  la  masse  paroissiale,  en  présence  d'un 
grand  nombre  de  fidèles.  (Arch.  Th.) 

Soit  que  leur  bonne  foi  ait  été  surprise,  soit  qu'ils  aient  été  victimes  d'une 
crainte  excessive,  toujours  est-il  que  Tinot  et  ses  vicaires  s'empressèrent  de 
rétracter  leur  serment.  A  une  sommation  d'avoir  à  le  réitérer,  Tinot  s'y  refuse 
catégoriquement  (20  février).  Le  16  avril,  il  donne  sa  démission  d'officier  muni- 
cipal ;  le  7  mai,  la  cure  est  considérée  comme  vacante,  mais  Tinot  ne  s'en  va 
pas  ;  le  6  août,  il  est  remplacé  par  Mick  qui  prend  le  titre  d'administrateur  en 
attendant  l'élection  du  nouveau  titulaire  de  la  cure  (J.-C.  Dumère).  L'ex-curé 
Tinot  avait  accepté  l'hospitalité  chez  une  demoiselle  Latouche.  Le  30  janvier 
1792,  l'affiche  suivante  fut  apposée  sur  la  maison  de  cette  personne  :  «  Dernier 
avis  aux  habitants  de  cette  maison  pour  choisir  entre  le  feu  et  l'éloignement  du 
J...  f...  de  curé  aristocrate.  Prenez  votre  parti  d'ici  au  l^"^  février.  «L'affiche  fut 
arrachée  et  le  fait  dénoncé  à  l'accusateur  public.  Tinot  parait  être  resté  à  Thion- 
ville jusqu'en  mai  1792.  Peu  de  temps  après,  il  a  été  déporté  sur  les  pontons,  en 
rade  de  Rochefort.  Il  est  mort,  :\gé  de  64  ans,  à  bord  du  «  Washington  »,  et  a 
été  inhumj  à  l'île  Madame  (Charc>nte-Inférieure)  le  19  septembre  1794. 

Rolly  est  cité  comme  n'ayant  jamais  prêté  le  serment  (31  décembre  1792). 
Munier  l'avait  rétracté  en  même  temps  que  Tinot.  Fendt  le  rétracta  publique- 
ment à  l'église  (28  avril  1791).  Il  est  révoqué  de  ses  fonctions  en  même  temps  que 
Médinger,  qui,  semble-t-il,  a  dû  aussi  rétracter  le  serment,  car,  autrement,  sa  ré- 
vocation ne  s'expliquerait  pas.  Si  on  ajoute  à  ces  noms  celui  de  Pàquin,  le  vicaire- 
résident  de  Guentrange,  qui  fut  expulsé  de  son  presbytère,  manu  mililari,  le  9 
juillet  1791,  nous  aurons  cité  tous  les  membres  du  clergé  séculier. 

Les  religieux  des  couvents  de  Thionville  avaient  «  juré  »  pour  la  plupart. 
Leur  attitude  soumise  contrastait  étrangement  avec  celle  des  prêtres  de  la 
paroisse,  lesquels  cependant,  par  leur  vocation,  étaient  appelés  à  une  moindre 
perfection.  L'un  des  leurs,  le  P.  Mick,  alla  jusqu'à  s'égarer  au  club  des  jacobins^ 
dont  il  fut  même  élu  président,  le  12  février  1792,  par  34  voix  sur  61  votants. 
Il  gravit  le  siège  présidentiel  aux  applaudissements  —  ironiques  sans  doute  —  des 
tribunes,  ("/est  ainsi  que  sombraient  dans  le  mépris  public  les  derniers  repré- 
sentants à  Thionville  de  cet  ordre  des  Augustins  qu'on  }'  avait  tant  apprécié  durant 
cinq  siècles  !...  (Arch.  Th.  :  Djli'o.  du  Cous.  (jt'u.  de  la  commune,  Délib.  de  la 
Société  populaire). 


208  REVUE   HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Conformément  au  décret  du  21  janvier  1791,  le  texte  de 
cette  loi  devait  être  lu,  à  l'église,  en  présence  des  fidèles. 

Le  curé  refusa  de  le  lire  ;  le  maire  de  son  côté,  se  récusa  ; 
c'était  donc  à  Antoine  Merlin,  premier  officier  municipal, 
qu'incombait  cette  mission.  Il  ne  s'y  déroba  point. 

Le  20  février  1791,  pendant  qu'à  l'issue  de  l'office,  le 
curé  Tinot  et  ses  vicaires  se  retiraient  ostensiblement  de 
l'église,  Merlin  gravissait  les  marches  de  la  chaire  pour  y 
déclamer  avec  emphase  le  «  mandement  »  de  l'Assemblée 
nationale.  Ce  spectacle  pouvait  paraître  étrange  :  il  n'était 
encore  que  le  premier  pas  du  futur  conventionnel. 

La  situation  du  clergé  devenait  de  jour  en  jour  plus  dif- 
ficile. Tenaillé  d'un  côté  par  le  besoin,  si  impérieux  à  cette 
époque,  d'éviter  toute  suspicion  relative  au  patriotisme  et  à 
l'obéissance  aux  lois,  et  de  l'autre,  par  la  nécessité  de  rester 
dans  les  limites  de  l'orthodoxie,  on  s'imagine  sans  peine 
l'embarras  cruel  dans  lequel  il  se  débattait.  Le  parti  avancé 
ne  pouvait  pas,  ou  plutôt  ne  voulait  pas  comprendre  cette 
dualité  de  sentiments  en  perpétuel  conflit,  et  c'est  pourquoi 
il  mit  tout  en  œuvre  pour  obliger  les  prêtres  à  se  prononcer. 

L'arrivée  prochaine  de  l'évêque  constitutionnel  devait  le 
servir  à  souhait. 

L'ex-curé  de  Koenigsmacker  n'avait  ni  la  pourpre  ni  le 
grand  nom  de  celui  auquel,  de  bonne  foi  peut-être,  il  croyait 
succéder.  Il  était  1'  «  intrus  »  pour  la  très  grande  majorité 
des  prêtres  de  l'ancien  diocèse  de  Metz,  restés  fidèles  au 
cardinal  duc  de  Montmorency-Laval. 

Cette  situation  humiliante  était-elle  connue,  ou  plutôt 
avait-elle  été  devinée  par  les  corps  élus  de  Thionville  ?  On 
serait  tenté  de  le  croire,  si  l'on  s'en  rapporte  aux  comptes- 
rendus  très  suggestifs  que  nous  ont  gardés  les  registres  de  la 
municipalité  sur  la  première  visite  de  l'évêque  du  départe- 
ment à  Thionville. 

Il  fut  reçu  avec  des  honneurs  exceptionnels.  Les  repré- 
tants  de  la  cité  allèrent  au-devant  de  lui,  en  grand  costume, 
jusqu'au  dehors  de  la  porte   de  Metz.  Il    fut   harangué    en 


WIMPFFEN  ET  LE  SIÈGE  DE  THIONVIl.LE  209 

bonne  et  due  forme,  escorté  d'une  double  haie  de  gardes 
nationaux,  et  conduit  processionnellement  à  l'église,  où  il 
donna  sa  bénédiction. 

On  comprend  sans  peine  que  la  tête  de  l'évêque  n'ait  pu 
résister  aux  assauts  répétés  d'aussi  chaudes  démonstrations. 
Toutefois,  il  y  avait  une  ombre  au  tableau.  Les  cloches 
étaient  restées  silencieuses,  et  le  curé  Tinot  avec  ses  vicaires 
avaient  brillé  par  leur  absence. 

Cette  attitude  devait  être  bientôt  le  point  de  départ  d'une 
recrudescence  de  haines  et  de  violences  de  la  part  des  élus 
de  la  cité  à  l'égard  du  clergé  réfractaire  ^ 

Pendant  que  tous  ces  faits  passionnaient  l'opinion  pu- 
blique à  Thionville,  le  marquis  de  Bouille  méditait  l'évasion 
du  roi  et  s'enquérait  de  l'esprit  des  populations  pour  assurer 
un  refuge  à  la  famille  royale. 

Metz  était  «  une  ville  trop  grande,  trop  mal  peuplée,  et 
d'un  trop  mauvais  esprit  »  -  pour  que  la  famille  royale  y 
pût  être  en  sûreté.  Il  la  jugeait  d'ailleurs  «  trop  éloignée 
de  la  frontière  »  ^  Pourquoi  n'a-t-il  pas  proposé  la  place  de 
Thionville  ?  Elle  ne  présentait  pas  les  mêmes  inconvénients, 
elle  était  de  beaucoup  plus  petite  que  celle  de  Metz,  elle 
passait  pour  imprenable,  et  puis  elle  n'était  qu'à  deux  pas 
de  Luxembourg,  l'une  des  citadelles  de  l'Empire. 

Bouille  ne  pouvait  douter  des  sentiments  du  commandant 
supérieur  de  Thionville  —  ce  fameux  baron  de  Klinglin  *, 
qui  devait  être  l'un  de  ses  plus  fidèles  lieutenants  lors  de  la 
formation  du  camp  de  Montmédy  —  ni  même  de  ceux  de  la 
garnison,  puisque  le  Nassau-Infanterie  et  le   Dauphin-Dra- 


1 .  L'évêque  Francin  est  venu  deux  fois  à  Thionville.  En  tournée  pastorale 
d'abord,  le  15  avril  1791,  et  ensuite  le  5  mai  suivant,  à  l'occasion  du  service  célé- 
bré à  la  mémoire  de  Mirabeau.  Il  est  question  plus  haut  de  sa  première  visite.  La 
seconde  dont  il  «  honora  »  les  partisans  du  nouveau  régime  ne  fut  guère  plus 
heureuse.  Tinot  s'abstint  encore  de  paraître,  et  avec  lui  non  pas  ses  prêtres 
seulement,  mais  encore  ses  séminaristes  (Schousten,  Grandmange  et  Klébert).  On 
les  assigna  tous  devant  le  tribunal  civil.  (Arch.  Th.) 

2  et  3.  Ces  paroles  sont  rapportées  dans  une  lettre  de  Marie-Antoinette  au 
comte  de  Morcy,  du  3  février  1791  (Feiillet  di;  Conçues,  Louis  XVI,  Marie-An- 
toinette et  Madame  Elisabeth,  Lettres  et  documents  inédits,  1,  p.  446). 

4.  Il  en  sera  question  plus  loin. 

liLV.   I11^T.    Itt.   LA  liliVOl,.  3 


210  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

gons  qui  tenaient  garnison  *  à  Thionville,  avaient  été  choisis, 
à  cause  de  leur  persévérante  fidélité  à  la  monarchie,  pour 
protéger  le  roi  dans  son  évasion  et  lui  servir  d'escorte.  Le 
seul  obstacle  qui  subsistait  ne  pouvait  être  autre  que  la  popu- 
lation civile,  cette  population  de  plus  en  plus  indépendante  et 
frondeuse,  dont  l'intuition  et  l'imminence  du  danger  exal- 
taient chaque  jour  davantage  le  patriotisme. 

Bouille  ne  s'était  pas  trompé.  Dès  que  la  municipalité 
thionvilloise  eût  appris  la  fuite  du  roi,  elle  dépêcha  aussitôt 
200  gardes  nationaux  et  50  dragons,  pourvus  de  munitions, 
pour  se  porter  sur  Varennes  par  la  traverse  et  concourir  à 
l'arrestation  des  fugitifs. 

Le  lendemain,  23  juin  1791,  la  procession  traditionnelle 
de  la  Fête-Dieu  se  déroulait  paisiblement  à  travers  les  rues, 
quand  un  officier  du  1"  hussards  vint  se  présenter  à  l'une 
des  portes  de  la  ville  qui  toutes  trois  étaient  fermées.  Cet 
officier  s'étant  refusé  à  montrer  ses  dépêches  fut  aussitôt 
désarmé  et  conduit  en  prison  avec  son  ordonnance. 

L'une  des  lettres  qu'il  portait  était  à  l'adresse  de  Bouille 
à  Montmédy.  Elle  était  datée  de  Sarrelouis  et  signée  du 
maréchal  de  camp  Heyraann.  Cet  officier  général  annonçait 
le  passage  de  240  hussards  de  Bercheny  qu'il  assurait  avoir 
trouvés  bien  disposés  pour  le  lendemain,  et  celui  du  régi- 
ment de  Saxe  à  la  tête  duquel  il  devait  marcher   lui-même 


1.  La  garnison  de  Thionville  a  été  souvent  renouvelée  ou  modifiée  depuis 
1789  jusqu'au  début  du  siège.  Les  régiments  de  Brie  et  de  Bretagne  étaient  partis 
en  1789,  laissant  un  excellent  souvenir.  Une  députation  de  la  municipalité  avait 
vainement  sollicité  à  Paris  leur  retour.  {Arch.  Th.,  9  mars  1790). 

Le  régiment  Nassau- Infanterie,  dont  il  est  question  plus  haut,  avait  même  été 
dénoncé  comme  suspect  à  l'Assemblée  constituante  par  les  «  citoyens-soldats  »  de 
la  garde  nationale  de  Thionville.  Les  chefs  de  ce  corps  (Petit,  colonel,  et  Morel, 
lieutenant-colonel)  se  sont  empressés  de  désavouer  leurs  hommes,  et  d'affirmer 
que  ce  régiment,  au  contraire,  s'était  jusqu'alors  montré  l'ami  de  la  constitution 
{Journal  des  départements  de  la  Moselle,  Meurthe...  du  7  juillet  1791).  Les  événe- 
ments de  Varennes  devaient  jusqu'à  un  certain  point  confirmer  l'appréciation  des 
premiers.  «  Lorsque  le  traître  Bouille  fit  marcher  le  Nassau-Infanterie  de  Thion- 
ville à  Montmédy,  pour  y  favoriser  la  fuite  du  perfide  Louis,  j'avais  été  envoyé 
en  avant,  à  Sedan,  où  le  régiment  devait  arriver  en  garnison.  »  (Kriey  aux  véri- 
tables républicains.  Factum  in-iS",  .^0  pp.).  Krieg,  alors  sous-lieutenant  au  Nassau- 
Infanterie,  devait  revenir  à  Thionville  et  jouer  un  rôle  très  actif  pendant  le 
siège,  à  propos  duquel  nous  aurons  occasion  de  reparler  de  lui. 


WIMPFFEN  ET  LE  SIÈGE  DE  THIONVILLC  211 

le  surlendemain  pour  se  rendre  en  toute  hâte  à  Mont- 
médy  '. 

Le  soir,  vers  5  heures,  ce  fut  Turlure  de  Vellecour  -  qui 
demandait  à  entrer  ou  plutôt  à  rentrer  dans  la  place. 

L'absence  du  commissaire-ordonnateur  des  guerres  de  la 
place  de  Thionville  n'avait  pas  dû  passer  inaperçue.  Son 
retour  fit  sensation. 

Malgré  son  titre  et  ses  qualités,  il  fut  conduit  devant  les 
corps  élus  pour  être  interrogé  sur  le  motif  de  son  voyage.  Il 
avoua  revenir  de  Montmédy  où  il  s'était  i  encontre  avec 
Bouille  et  Klinglin.  Il  fut  arrêté  séance  tenante  et  reconduit 
dans  sa  maison  qui  fut  gardée  militairement.  Puis,  dans  la 
crainte  de  violences  de  la  part  de  la  population,  il  fut  transféré 
à  la  prison  militaire. 

La  municipalité,  justement  émue  de  toutes  ces  défec- 
tions, comprit  qu'il  fallait  prendre  de  suite  les  mesures  les 
plus  énergiques  pour  mettre  la  place  à  l'abri  d'un  coup  de 
main. 

Les  postes  de  garde  nationale  furent  immédiatement  ren- 

1.  Arch.  Thionu.,  Rég.  délih.,  23  juin  1791.  —  Après  l'affaire  de  Varennes, 
Heymann  émigra  avec  Bouille  et  Klinglin,  et  accepta  le  grade  de  général-major 
dans  l'armée  prussienne.  Bouille  parle,  dans  ses  mémoires,  du  fait  dont  il  est 
question  plus  haut.  «  J'envoyai  le  général  Heymann  chercher  deux  régiments  de 
hussards  cantonnés  sur  la  Sarre,  dit-il,  dans  la  crainte  que  le  mouvement  que 
je  prévoyais  devoir  être  excité  par  la  fuite  du  roi,  parmi  les  troupes  des  diffé- 
rentes garnisons,  et  parmi  le  peuple,  ne  l'cmpéchàt  de  gagner  Monlmédj'.  Je 
lui  enjoignis  de  prendre  une  route  de  traverse  que  je  lui  indiquai,  par  laquelle 
il  éviterait  Metz,  Thionville  et  Longwy,  qu'il  eût  fallu  traverser  en  suivant  la 
route  ordinaire.  »  (Marquis  de  Boltllé,  Mémoires  ;  Londres,  1797  ;  II,  62,  63). 
Pourquoi  Heymann  u'avait-il  pas  indiqué  le  même  itinéraire  à  son  officier  d'or- 
donnance qui  est  venu  sottement  se  laisser  prendre  à  Thionville  comme  dans 
une  souricière  ? 

2.  François  Turlure  de  Vellecour,  seigneur  de  Blettange,  commissaire-ordon- 
nateur des  guerres  à  Thionville,  a  été  député  de  la  noblesse  à  l'assemblée  pro- 
vinciale pour  le  district  de  Thionville,  de  1787  à  1789.  Les  commissaires  de 
l'Assemblée  nationale,  venus  à  Thionville  le  4  juillet  1791,  ordonnèrent  son 
transfert  à  la  prison  de  Metz.  Son  incarcération  n'a  pas  dû  être  de  longue  durée, 
car  il  est  inscrit  pour  avoir  émigré  le  13  octobre  1793.  Il  est  donc  vraisemblable 
qu'il  avait  quitté  la  France  avant  cette  date.  Le  nom  de  T.  de  Vellecour  réap- 
paraît en  mai  1814,  à  propos  d'une  députation  thionvilloise  envoyée  à  Paris  pour 
complimenter  Louis  XVIII  «  le  Désiré  ».  (Archiu.  Thionv.) 

Aussitôt  après  l'arrestation  de  T.  de  Vellecour,  la  municipalité  fit  procédera 
l'inventaire  des  papiers  de  l'cx-commandant  supérieur,  baron  de  Klinglin.  Une 
semblable  perquisition  fut  faite  au  domicile  de  l'ingénieur  de  place  Chauvelau 
qui  avait  également  pris  la  fuite. 


212  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

forcés.  La  Moselle  fut  particulièrement  surveillée,  surtout 
dans  ses  endroits  guéables.  Tous  les  bateaux  furent  sub- 
mergés depuis  Metz  jusqu'à  Sierck.  Le  commandant  supé- 
rieur de  la  place,  le  baron  de  Klinglin  ',  étant  considéré 
comme  émigré,  la  municipalité  le  remplaça  par  le  lieute- 
nant-colonel de  Guibert,  du  7*"  dragons.  Il  fut  proclamé 
comme  tel  à  une  parade  commune  de  la  garde  nationale  et 
des  troupes  de  ligne,  le  25  juin  1791  -  . 

Chateaubriand  et  les  émigrés  croyaient  sincèrement  à 
l'existence  d'un  parti  royaliste  à  Thionville. 

Si  ce  parti  a  pu  exister,  après  le  départ  de  Klinglin  et 
l'arrestatian  de  Turlure  de  Vellecour,  il  ne  pouvait  plus  en 
être  question. 

On  identifiait  alors  la  noblesse  avec  les  tenants  de  la 
monarchie.  Or,  à  part  quelques  très  rares  exceptions  ■',  tous 
les  nobles  qui  habitaient  Thionville  n'étaient  autres  que  des 
fonctionnaires  et  surtout  des  officiers  de  la  garnison.  La 
plupart  de  ces  officiers  avaient  prêté  le  serment  à  la  consti- 
tution de  1791  '*.  Pouvaient-ils  avoir  quelque  hésitation 
quand  ceux  qui  étaient  venus  pour  le  leur  faire  prêter  s'appe- 


1.  Klinglin  entra  au  service  de  l'Autriche. 

2.  Guibert  ne  fut  commandant  supérieur  que  par  intérim,  du  25  juin  au  17 
juillet.  Il  fut  remplacé  par  le  m^'  de  camp  de  Plantade,  nommé  par  de  Belmont, 
commandant  en  chef  du  département.  Celui-ci  fut  lui-même  remplacé  par  le  m"' 
de  camp  de  Paignat,  un  vieux  brave  qui  sortait  de  la  gendarmerie,  et  qui, 
effraj'é  du  commandement  lourd  et  précaire  de  la  place  de  Thionville,  demanda 
et  obtint  d'être  relevé  de  son  commandement.  Il  fut  remplacé  par  le  m*'  de 
camp  Rivé,  dont  le  séjour  à  Thionville  fut,  lui  aussi,  des  plus  éphémères.  C'est 
lui  qui  fut  le  prédécesseur  immédiat  de  Wimpffen. 

3.  Les  nobles  originaires  de  Thionville  qui  émigrèrent  furent  Gabriel- Fran- 
çois Boudet  de  Puymaigre,  qui  combattit  dans  l'armée  de  Condé  avec  le  grade 
de  lieutenant-général  ;  son  fils  Jean-François-Alexandre  B.  de  Pu^'maigre,  qui 
fit  partie  de  la  même  armée  et  laissa  des  souvenirs  intéressants  sur  l'émigration; 

le  comte  de  Jaubert,  le  baron   de    Boek, La    liste    générale  des  émigrés    cite 

environ  50  habitants  de  Thionville,  ayant  quitté  le  sol  national   de   juin  1792  à 
juin  1793. 

4.  Cette  prestation  du  serment  eut  lieu  le  3  juillet  1791,  au  (^hamp  de  Mars. 
En  dehors  de  l'état-major  de  la  place  et  des  corps  royaux  du  génie  et  de  l'ar- 
tillerie, la  garnison  était  alors  composée  d'un  détachement  du  hb"  de  ligne 
(ex-Condé)  ;  du  2«  bataillon  du  2"  de  ligne  (ex-Picardie)  ;  d'un  détachement  du 
99^  de  ligne  (ex-Deux-Ponts)  et  du  7^  dragons  (ex-Dauphins). 

Parmi  ceux  qui  avaient  refusé  de  prêter  le  serment  se  trouve  un  certain  M. 
de  Nangeville  «  cy-devant  lieutenant  du  roy  et  commandant  dans  la  ditte  place.  » 
II  s'était  retiré  à  Metz  le  26  juin. 


WIMPFFEN  ET  LE  SIÈGE  DE  THIONVILLE  213 

laient  le  marquis  de  Montesquieu  et  le  comte  d'Hunolstein? 
Plusieurs  d'entre  eux  se  sont  sincèrement  ralliés  au  nouvel 
ordre  de  choses,  il  en  est  même  qui,  soit  pour  dissiper  toute 
méfiance  de  la  part  des  hommes  du  jour,  soit  pour  s'attirer 
leurs  faveurs,  allèrent  jusqu'à  s'inscrire  au  club,  qui  le  20 
juillet  1791  s'était  affilié  à  la  Société  des  Jacobins  de  Paris. 
Aux  côtés  d'Antoine  Merlin,  qui  en  avait  été  élu  prési- 
dent le  17  juillet,  on  voyait  s'asseoir  le  lieutenant-colonel  de 
Guibert  en  qualité  de  vice-président.  Parmi  les  membres,  on 
pouvait  rencontrer  un  de  Valcourt,  un  de  Brécourt,  un  de 
Gasparin  *  et  d'autres  noms  encore  figurant  sur  l'armoriai. 

Le  parti  de  l'émigration  pouvait-il  compter  sur  tous  ces 
nobles  qui  pactisaient  avec  les  patriotes  et  les  démagogues  ? 
Evidemment  non.  Malheureusement  pour  lui,  il  ne  connais- 
sait pas  la  situation,  et  cela  seul  explique  son  attitude  molle, 
faible  et  indécise,  pendant  toute  la  durée  du  siège  auquel  il 
allait  être  appelé  à  prendre  part. 

Une  bourgeoisie  nombreuse,  ambitieuse  et  envahissante 
s'était  subsituée,  à  Thionville,  à  la  classe  de  la  noblesse. 

Cette  bourgeoisie  avait  tout  d'abord  applaudi  des  deux 
mains  aux  grandes  réformes  réalisées  par  l'Assemblée  sou- 
veraine, mais  ses  initiatives  de  plus  en  plus  hardies  devaient 
peu  à  peu  calmer  ce  premier  enthousiasme. 

Parmi  ces  bourgeois,  il  y  avait  les  avancés  et  les  mo- 
dérés. Ceux-ci  préféraient  à  des  espérances  problématiques 
une  situation  acquise,  assurée  et  de  tout  repos.  Ceux-là 
subissaient  avec  une  remarquable  docilité  l'influence  nou- 
velle. Si  cetle  docilité  était  souvent  la  résultante  d'une  réelle 
et  sincère  évolution,  elle  n'allait  pas  cependant  jusqu'à 
exclure  toujours  le  calcul  et  l'intérêt. 

Pour  n'en  citer  qu'un  exemple,  il  suffit  d'évoquer  le 
souvenir  de  Merlin,   le  père  du  futur  conventionnel. 

1.  Thomas- Augustin  de  (iasparin,  capitaine  au  'i*"  régiment  d'infanterie,  fut 
admis  au  club  le  15  août  1791.  Il  quitta  Thionville  le  30  septembre  pour  aller 
représenter  le  département  des  Bouches-du-Rhône  à  l'Assemblée  législative. 
Elu  à  la  (Convention,  il  fit  partie  du  fameux  Comité  de  salut  i)ublic.  Il  mourut  à 
Orange,  le  11  novembre  179,'5,  pendant  sa  mission  à  l'armée  de  Toulon. 


214  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Il  appartenait  à  une  famille  bourgeoise  par  excellence, 
établie  à  Thionville  dès  avant  la  conquête  française  en  1643. 
Il  avait  été  procureur  du  roi  au  bailliage  ^  et  avait  repré- 
senté comme  notable,  à  l'assemblée  municipale  antérieure 
à  1790,  la  communauté  des  procureurs  et  notaires. 

Au  début  de  1792,  Merlin  s'était  rendu  à  Metz,  devenu 
le  chef-lieu  du  nouveau  département  de  la  Moselle,  pour 
prendre  part  à  l'élection  -  de  son  fils  connu  dans  l'histoire 
sous  le    nom  resté  célèbre  de  «  Merlin  de  Thionville  ». 

Cette  élection  fut  un  triomphe.  «  Te  voilà  immortel 
dans  toute  la  France,  lui  écrit  son  père  dans  un  transport 
d'orgueil,  il  ne  faut  pas  reculer.  Si  la  Convention  se  lève, 
nous  serons  heureux  ;  si  nous  avons  le  dessous,  nous  sommes 
perdus  !  »  ^ 

Ce  parti  bourgeois,  composé  des  Merlin,  des  Rolly,  des 
Hentz,  etc.,  dominait  un  peu  partout.  Avant  la  révolution, 
il  avait  su  accaparer  les  honneurs  de  l'hôtel  de  ville  et  les 
charges  du  bailliage  ;  depuis  1789,  il  avait  su  se  maintenir 
aussi  bien  à  la  mairie  qu'au  tribunal.  En  fait,  il  était  le 
maître  de  la  situation  et  semblait  devoir  le  rester  longtemps 
encore. 

Sans  doute  quelques  meneurs  s'agitaient  dans  l'ombre, 
impatients  de  jouer  un  rôle,  au  lendemain  d'une  révolution 
qui  était  loin  d'avoir  satisfait  tous  leurs  désirs.  La  salle  du 
club  *  retentissait  des  échos  de  leurs  harangues  enflammées, 
mais  ces  impatiences  devaient  être  contenues,  sinon  répri- 
mées, par  l'élément  modérateur  du  club,  les  hommes  de  loi, 
les  fonctionnaires  et  les  officiers,  qui  s'étaient  égarés  dans 
cette  assemblée  disparate  qui  portait  depuis  peu  le  nom 
très  anodin  de  «  Société  des  amis  de  la  Constitution  ». 

1.  Avant  J.-A.  Collas,  dernier  titulaire  de  cette  charge. 

2.  Il  s'agit  ici  de  son  élection  à  la  Convention,  en  septembre  1792. 

3.  Jean  Reynaud,   Vie  et  correspondance  de  Merlin  de  Thionirille,  II,  p.  298. 

4.  Le  Club  de  Thionville  fut  créé  en  juillet  1791.  Il  a  porté  tour  à  tour  les 
noms  de  «  (!lub  patriotique  «  affilié  à  la  Société  des  .lacobins  de  Paris,  de  «  So- 
ciété des  amis  de  la  (Constitution  »  et  de  <f  Société  populaire  ».  Il  fut  présidé  par 
trois  futurs  conventionnels  :  Merlin,  Thirion  et  Bar.  Un  autre,  Hentz,  en  était 
membre.  Les  séances  eurent  lieu  d'abord  dans  la  salle  de  l'ancien  bailliage, 
puis  dans  «  le  temple  des  ci-devant    capucins  ».   Le  club  comptait  90  membres. 


WIMPFFEN   ET  LE   SIÈGE  DE  THIONVILLE  215 

Les  questions  les  plus  étranges,  voire  même  les  plus 
burlesques,  y  étaient  traitées  avec  un  sérieux  imperturbable. 

Un  membre  demandait  un  jour  si  l'absolution  d'un 
prêtre  non  assermenté  était  bonne.  «  Il  n'y  a  que  la  foi  qui 
sauve  »,  lui  fut-il  répondu.  Cette  brève  réponse  fut  jugée  in- 
suffisante, sans  aucun  doute,  car  plusieurs  membres  décidè- 
rent d'envoyer  une  adresse  à  l'Assemblée  nationale  pour  que 
les  prêtres  assermentés  portassent  une  ceinture...  tricolore! 

Une  autre  fois,  un  membre  demandait  que  dans  l'envoi 
d'une  lettre  les  mots  «  agioteurs,  infâmes  »  fussent  substitués 
à  celui  de  «  juifs  ».  La  société  y  accéda  volontiers.  C'était 
pour  elle  peut-être  moins  une  question  de  convenance  qu'une 
preuve  de  son  respect  à  l'égard  de  toutes  les  lois,  voire  même 
à  l'égard  de  celle  qui  venait  si  généreusement  d'octroyer 
l'égalité  civile  aux  juifs  K 

Les  séances  se  déroulaient  de  plus  en  plus  dans  la  dis- 
cussion de  ces  futilités,  dans  une  atmosphère  de  lassitude 
et  de  désespérante  monotonie.  Les  rangs  des  clubistes 
s'éclaircirent  peu  à  peu.  Le  17  juillet  1792,  le  «  déficit  »  des 
membres  ne  permit  pas  au  président  d'ouvrir  la  séance. 
Le  23  juillet,  le  «  refroidissement  »  de  ces  mêmes  membres 
aboutit  au  même  échec.  La  perspective  d'un  siège  prochain 
devait  servir  de  prétexte  aux  quelques  têtes  chaudes  de  Thion- 
ville  pour  interrompre  les  séances  et  pallier  les  mauvais  effets 
d'une  lamentable  défaite. 

Si  la  plupart  des  Thionvillois  étaient  indépendants  et 
frondeurs,  altérés  de  libertés  et  de  justice,  ils  n'étaient  ni 
exaltés,  ni  fanatiques.  Les  agitateurs  étaient  le  petit  nombre, 
et  ils  terrorisaient  plus  qu'ils  ne  convertissaient  les  employés 

1.  Les  bourgeois  de  Thionville  étaient  plutôt  antisémistes.  Nous  en  trouvons 
la  preuve  dans  le  «Cahier  des  doléances  du  tiers-état  du  bailliage  de  Thionville». 
L'article  XXVIllf,  en  eflet,  est  ainsi  conçu  :  «  D'après  les  lois  du  duché  de  Luxem- 
bourg, dont  l'usage  a  été  conserve  à  Thionville,  les  juifs  sont  exclus  de  la  province. 
Un  seul  ménage  avait  été,  par  tolérance,  établi  à  Thionville.  On  a  surpris  de  la 
religion  de  votre  Majesté  l'établissement  d'un  second  ménage  en  cette  ville,  de 
cette  nation.  Les  officiers  municipaux  ont  protesté  contre  cet  établissement,  et  en 
suppliant  Sa  Majesté  de  maintenir  la  ville  dans  ses  franchises  et  privilèges,  elle 
ose  demander  qu'il  n'y  ait  qu'un  ménage  de  la  nation  juive  à  Thionville,  et  que 
la  permission  accordée  à  Mayer  LéTy  de  s'y  établir  soit  révoquée.  » 


216  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

modestes  et  les  ouvriers  besogneux  qui  formaient  à  Thion- 
ville  le  véritable  tiers-état  K 

C'est  au  beau  milieu  de  cette  effervescence  populaire 
qu'arriva  à  Thionville  —  le  18  mai  1792  —  le  nouveau 
commandant  supérieur  de  la  place. 

Louis-Félix  de  Wimpffen  -,  quoique  jeune  encore,  avait 
déjà  fourni  une  très  brillante  carrière  militaire. 

Né  à  Minfeld,  dans  l'ancien  duché  des  Deux-Ponts,  de 
Jean-Georges  de  Wimpffen,  chambellan  du  roi  Stanislas,  et 
de  Dorothée,  baronne  de  Fouquerolles,  Félix,  comme  ses 
six  frères,  embrassa  la  carrière  des  armes.  Dès  l'âge  de  douze 
ans,  il  entra  dans  le  régiment  que  le  duc  Maximilien  de 
Deux-Ponts  avait  levé  au  service  de  la  France.  Son  avan- 
cement fut  rapide  pour  l'époque  :  lieutenant  en  1759,  capi- 
taine en  1766  au  régiment  de  la  Marck,  lieutenant-colonel 
et  chevalier  de  Saint-Louis  en  1770,  il  obtint  avec  le  grade 
de  colonel  en  1776  le  commandement  du  régiment  Bouillon- 
Infanterie.  Entre  temps,  il  avait  pris  part  à  la  guerre  de 
Sept  ans,  à  la  campagne  de  Corse,  aux  sièges  de  Mahon  et 
de  Gibraltar.  Il  accompagna  Rochambeau  et  Lafayette  en 
Amérique  en  qualité  de  brigadier  des  armées  du  roi,  et  fut 
enfin  promu  maréchal  de  camp,  le  9  mars  1788.  Pourvu 
d'une  pension  de  mille  écus,  Félix  de  Wimpffen  s'était 
retiré  dans  une  terre  qu'il  possédait  en  Normandie.  Sa 
retraite  ne  fut  que  de  courte  durée,  car  la  noblesse  du 
bailliage  de  Caen  l'envoya  peu  après  aux  Etats-Généraux. 

Aristocrate  de  naissance,  royaliste  par  sentiment,  par 
devoir,  par  reconnaissance,  la  monarchie  devait  espérer  le 
compter  parmi  ses  défenseurs...  Cette  attente  de  la  part  de 
ceux  qui  l'avaient  élu  ne  fut  pas  entièrement  réalisée.  Il 
s'avança  dans  la  voie  des  innovations  au-delà  des  espérances 

1.  Le  22  juillet  1791,  un  nommé  Pichenet,  journalier,  était  dénoncé  à  l'accu- 
sateur public,  pour  avoir  menacé    d'aller,    avec  500  autres  citoyens  de  la  ville, 
mettre  le  feu  au  château  de  Lagrange.  Ce  chifi're  est  évidemment  exagéré,  et  ne  ' 
peut  pas  servir  de  base  à  une  évaluation  sérieuse  des  forces  de  cette  populace. 

2.  Les  armes  de  la  famille  de  Wimplién  étaient  :  de  gueules  à  un  bélier  d'ar- 
gent grimpant  sur  trois  monticules,  le  bélier  tenant  dans  ses  pattes  de  devant 
une  croix  d'argent. 


WIMPFFEN  ET  LE  SIÈGE  DE  THIONVILLE  217 

OU  des  opinions  de  la  majorité  dont  il  avait  reçu  le  mandat. 
Le  général  de  Wimpfifen  avait  fait  la  guerre  d'Amérique  ; 
il  retrouva  sur  les  bancs  de  l'Assemblée  beaucoup  de  ses 
compagnons  d'armes.  Partis  de  F'rance  roj^alistes,  beaucoup 
alors  étaient  revenus  sinon  républicains,  du  moins  influencés 
par  les  idées  et  l'enthousiasme  du  Nouveau-Monde  '. 

Faut-il  s'étonner  qu'il  ait  entraîné  la  minorité  de  son 
ordre  à  se  réunir  au  tiers-état  et  qu'il  ait  rédigé  lui-même 
l'adresse  remise  au  roi  par  cette  même  minorité  ? 

Son  influence  était  alors  très  grande,  sinon  retentissante, 
à  l'Assemblée  nationale,  mais  elle  devait  être  de  courte 
durée. 

Justement  inquiet  de  la  tournure  que  prenaient  les  évé- 
nements, WimpflFen  se  rapprocha  de  ses  anciens  amis,  et  l'As- 
semblée ne  fut  pas  peu  surprise  de  le  voir  prendre  publi- 
quement la  défense  de  Bouille  et  s'associer  aux  298  signa- 
taires de  la  protestation  du  29  juin  1791  en  faveur  du  prin- 
cipe monarchique  et  des  droits  de  la  royauté. 

Le  30  septembre  1791,  l'Assemblée  constituante  déclarait 
sa  mission  terminée  et  se  séparait,  après  avoir  décidé  que  ses 
membres  ne  pourraient  être  réélus  à  l'Assemblée  nouvelle.  Dès 
lors,  le  rôle  parlementaire  joué  par  Wimpfl'en  était  définiti- 
vement terminé.  A  nouveau  il  se  retira  dans  ses  domaines  de 
Normandie  où  la  confiance  du  gouvernement  girondin  devait 
venir  le  trouver,  quelques  mois  plus  tard,  pour  lui  confier 
l'important  commandement  de  Thionville. 

Dubois-Crancé,  qui  connaissait  Wimpffen  de  très  près, 
fait  de  lui  un  portrait  rien  moins  que  flatteur.  <(  Sous  la 
bonhomie  d'un  Allemand,  dit-il,  cachant  toute  la  forme  d'un 
Gascon,  Wimpfl'en  n'a  jamais  eu  que  son  intérêt  personnel 
en  vue.  Il  n'était  ni  aristocrate  ni  patriote...  Elevé  au  régime 
allemand,  dans  l'état  militaire  qu'il  connaissait  bien,  son 
cœur  penchait  secrètement   pour  le  despotisme,  et  il  avait 


1.  Pezet,  Bayeux  à  la  fin  du  XYIII"  siècle.  (Ment.   Soc.  agr.,   sciences,  arts  et 
btlles-leltres  de  Bai/eu.r,  V,  1859,  p.  107  et  suivj 


218  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

pour  les  choses  qui  ne  lui  étaient  pas  personnelles,  cette 
insouciance  des  esclaves.  »  ^ 

La  place  qui  était  confiée  à  Wimpffen  passait  pour  l'une 
des  meilleures  de  la  frontière  française  -. 

Ses  fortifications  se  composaient  de  11  bastions  couverts 
par  quelques  travaux  avancés.  Un  grand  ouvrage  à  cornes 
défendait  la  porte  qui  s'ouvre  sur  la  route  de  Luxembourg. 
Un  solide  rempart  se  développait  le  long  de  la  rive  gauche 
de  la  Moselle.  La  rive  droite,  reliée  à  l'autre  bord  par  l'ar- 
chaïque pont  couvert,  était  protégée  par  une  couronne  et 
par  un  fort  qui  commandait  les  routes  de  Sarrelouis  et  de 
Trêves. 

En  1792,  cette  place  risquait  beaucoup  de  ne  plus  jus- 
tifier la  réputation  que  lui  avaient  value  et  les  assauts  du 
passé  et  les  travaux  relativement  récents  de  Vauban  et  de 
Cormontaigne.  «  Elle  n'état  pas  en  état  de  défense  »,  écrit  le 
légitimiste  Teissier  ^ ,  mais  bien  vite,  il  s'empresse  d'ajouter, 
et  cela  pour  excuser  l'inertie  de  l'ancien  régime,  que  c'était 
«  l'effet  de  la  sécurité  qu'inspire  une  longue  paix  ». 

Bouille,  qui  connaissait  toutes  les  places  de  la  frontière, 
avoue  qu'elles  étaient  dans  le  plus  mauvais  état.  «  Toute- 
fois, dit-il  '*,  elles  étaient  bien  approvisionnées  en  subsis- 
tances de  tout  genre,  bien  fournies  en  artillerie  et  en  muni- 
tions de  guerre.  »  Cela  même  n'était  pas  vrai  pour  ce  qui 
concerne  la  place  de  Tliionville.  Au  dire  de  Wimpffen  \ 
lorsqu'il  y  arriva,  elle  était  dénuée  de  tout.  Elle  n'avait  ni 
vivres,  ni  hôpital  de  siège,  ni  agents,  pas  même  de  commis- 

1.  Jung,  Dubois-Crancé,  I,  96.  —  Edmond  Biré,  et  avant  lui  plusieurs  com- 
pilateurs, ont  prétendu  que  F.  de  Wimpffen  avait  laissé  des  mémoires.  Les 
«  Mémoires  du  général  baron  de  Wimpffen  écrits  par  lui-même  »  (Paris,  Didot), 
sont  d'un  frère  de-  notre  héros. 

2.  "  La  place  de  Thionville  est  des  plus  fortes.  »  (Las-Cases,  Mémorial  de  Sainte- 
Hélène,  V);  «  ...  place  régulièrement  fortifiée  et  l'une  des  plus  fortes  de  la  fron- 
tière »  (Marcillac.  Souvenirs  de  l'émigration  ;  Paris,  1825  ;  p.  52).  «  L'une  des 
meilleures  et  des  plus  fortes  places  de  France  »  (Reuss  à  Spielmann,  dans  Vivenot, 
Die  Politik  des  oesterr.  Vice-Staatskanzlers  ;  Wien,  1874  ;  I,  207). 

3.  Teissier,  Op.  cit.,  p.  462. 

4.  Bouille,  Mémoires,  II,  p.  291. 

5.  Lettre  de  Wimpffen  aux  citovens  ministres,  10  décembre,  l'an  I  de  la  Répu- 
bique.  (Arch.  nat..  A  F  II,  281)." 


WIMPFFEN  ET  LE  SIÈGE  DE  THIONVILLE  219 

saire  des  guerres  *.  Elle  ne  comptait  que  84  artilleurs  pour 
136  bouches  à  feu,  et  pas  une  seule  pièce  de  4  pour  la 
défense  des  avancées.  Le  18  juillet  1791,  il  manquait  encore 
10.000  palissades  pour  achever  le  tour  de  l'enceinte  exté- 
rieure ^.  Le  23  juillet  1792,  il  n'y  avait  que  5000  fusils  dans 
l'arsenal  •^  Les  casernes  étaient  insuffisantes  pour  contenir 
la  garnison.  Elles  devaient  l'être  encore  bien  plus  par  la  suite, 
puisqu'une  partie  des  troupes  dut  s'abriter  dans  les  cou- 
vents désaffectés,  ou  camper  sur  les  glacis  ''. 

Depuis  1789,  cette  garnison  avait  été  fréquemment  mo- 
difiée. En  voici  la  composition  au  3  septembre  1792  '  : 

103^  régiment  d'infanterie  (ex-gardes  françaises),  colonel 
Mautpertuis  ;  les  dépôts  des 

2"  rég.  d'inf.  (ex-Picardie),  lient. -colonel  Bourcier  ; 
6^         —         (ex-Armagnac),  lient. -colonel  Bertaux  ; 
58'         —         (ex-Rouergue),  capitaine-com.  Colombe  ; 
13'  dragons  (ex-Monsieur)  ; 
12"  chasseurs  (ex-Champagne)  ; 
un  bataillon  de  grenadiers  et  5  bataillons  de  volontaires 
le  P""  de  la  Creuse,  lieutenant-colonel  Nallèche  ; 
l^""  des  Ardennes,  id.  Moreaux  ; 

S""  de  la  Moselle,  id.  Duprat  ; 

4^  de  la  Meurthe,  id.  Poincaré  ''  ; 


1.  On  a  vu  plus  haut  que  le  dernier  commissaire-ordonnateur  des  guerres, 
Turlure  de  \'elIecour,  avait  été  arrêté,  puis  incarcéré,  en  juin  1791,  pour  avoir 
connivé  avec  Bouille  et  Klinglin,  lors  de  la  fuite  du  roi. 

2.  et  3.  Arch.  dép.  Metz,  L.  29.  3. 

4.  Le  21  septembre  1791,  la  municipalité  cherchait  un  emplacement  pour 
loger  le  2"=  bat.de  la  Meurthe  (Arch.  Th.).  Le  4<=  iiat.  du  même  département 
campa  sur  les  glacis  lors  du  siège.  (Général  Pouget,  Souvenirs  de  guerre,  p. 
13)._ 

.).  .4rc/i.  Guerre.  Armée  du  Centre.  Etats  de  situation  des  places  du  3  septem- 
bre 1792.  «  Le  103e  est  un  régiment  enragé,  écrit  Esterhazj-  à  Spielmann,  son 
arrivée  à  rendue  douteuses  la  position  du  commandant  et  l'espérance  du  succès.  » 
(VivEXOT,  Quellen,  II). 

6.  Amé- François  Poincaré,  capitaine-réformé  aux  ci-devant  chasseurs  à  che- 
val des  Vosges.  Commandant  en  chef  de  la  garde  nationale  de  Nancy,  le  6  juin 
1790,  premier  lieutenant-colonel  du  4'  bataillon  de  la  Meurthe,  le  18  août  1791. 
L'ne  proposition  davancement  pour  le  grade  de  général  de  brigade  (datée  du 
bivouac  devant  Mayence,  le  18  frimaire  an  III)  porte  qu'il  avait  48  ans  de  ser- 
vice. D'un  civisme  très  connu,   sa  complexion   était  usée  par   les   campagnes  de 


220  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

2^  de  Seine-et-Marne,  lieutenant-colonel  Lequoy  *  ; 
2  compagnies  d'artillerie.  En  tout  :  5400  hommes. 

Parmi  les  officiers  de  cette  garnison,  il  s'en  trouve  plu- 
sieurs qui  devaient  acquérir  par  la  suite  une  réputation 
militaire  justement  méritée. 

Il  convient  de  citer,  en  première  ligne,  le  futur  pacifica- 
teur de  la  Vendée. 

Lazare  Hoche  était  alors  lieutenant  au  2^  bataillon  du 
58^  (ex-Rouergue).  Il  reçut  le  baptême  du  feu  sous  les  rem- 
parts de  Thionville,  et  accomplit  durant  le  siège,  dit  son 
biographe,  «des  prodiges  de  valeur  -  ». 

Après  lui,  il  faut  citer  le  lieutenant-colonel  René  Mo- 
reaux,  du  1"  des  Ardennes,  l'adjudant-major  Semelle,  du 
S''  de  la  Moselle,  le  lieutenant-colonel  Krieg,  chef  des  com- 
pagnies franches,  et  le  lieutenant  Pouget,  du  4^  de  la 
Meurthe. 

René  Moreaux  ^  comme  Hoche,  devait  mourir  jeune, 
à  l'apogée  d'une  carrière  aussi  rapide  sinon  aussi  brillante. 

Semelle  *  et  Pouget  ^  allaient  prendre  part,  sous  peu,  à  la 
merveilleuse  épopée  napoléonienne  où  leur  bravoure  leur 
mérita,  avec  le  grade  de  général,  la  noblesse  d'empire. 


la  guerre  de  Sept  ans  et  de  la  Révolution.  Il  démissionna  le  2  mai  1795.  C'est 
sans  doute  à  titre  de  dojen  d'âge  des  lieut.- colonels  de  volontaires  qu'il  signa 
les  réponses  aux  sommations  dont  il  sera  question  plus  loin. 

î.  Lequoy  devint  général  de  division  le  30  juillet  1793,  fut  suspendu  le  23 
brumaire  an  III. 

2.  RorssELiN,  Vie  de  Lazare  Hoche  (Paris,  an  VIII),  pp.  .30,  31.  —  Hoche 
revint  à  Thionville,  deux  ans  plus  tard,  avec  le  grade  de  général  en  chef,  pour 
y  épouser  Adélaïde  Dechaux,  l'une  des  filles  du  garde-magasin  des  vivres  de  la 
place.  Voir  sur  cette  question  :  Teissier,  Op.  cit.,  pp.  470-473;  Lorédan  Larche^-, 
La  Lorraine  illustrée,  pp.   132  et  suivantes. 

3.  René  Moreaux,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  vainqueur  de  Hohen- 
linden,  naquit  à  Rocroi  en  1758.  Général  en  chef  de  l'armée  de  la  Moselle,  il 
faisait  le  siège  de  Luxembourg  (1795)  quand  il  tomba  malade.  Transporté  à 
Thionville,  il  y  mourut  quelques  jours  après. 

4.  Semelle,  né  à  Metz  en  1773,  mort  à  Urville  en  1839.  Baron  de  l'Empire 
en  1808,  général  de  division  en  1811,  continua  de  servir  sous  la  Restauration  et 
fut  élu  député  de  la  Moselle. 

5.  Pouget,  né  à  Haroué  en  1767,  général  de  brigade  et  baron  de  l'Empire  en 
1809,  mort  en  1851.  Il  a  laissé  des  «  Souvenirs  de  guerre  »  publiés  en  1894  par 
sa  fille,  M"<'  de  Boisdefl're.  Il  y  consacre  quelques  pages  intéressantes  au  siège 
de  Thionville. 


WIMPFFEX  ET  LE   SIÈGE  DE  THIONVILLE  221 

Kiieg  ^  seul  devait  voir  sa  carrière  prématurément  brisée 
et  mourir  dans  une  obscure  disgrâce  que  son  passé  n'avait 
pas  fait  prévoir. 

L'état-major  de  la  place  était  composé  d'un  commandant 
supérieur,  le  maréchal  de  camp  Félix  de  Wimpffen  ;  d'un 
commandant  de  place,  le  lieut. -colonel  Duprat  père,  com- 
mandant le  3^  bataillon  de  la  Moselle,  nommé  par  Wimpf- 
fen ;  de  3  adjudants  de  place.  L'officier  municipal  Dumère 
remplissait  les  fonctions  de  commissaire-ordonnateur  des 
guerres.  Le  colonel  de  St-Hillier  commandait  le  génie  de  la 
place.  L'artillerie  était  sous  les  ordres  du  lieutenant-colonel 
de  Percy. 

Malgré  sa  bravoure  et  la  valeur  professionnelle  de  ses 
chefs,  la  garnison  de  Thionville  était  incapable  de  surveiller 
efficacement  le  périmètre  très  considérable  de  la  forteresse. 
En  admettant  même  qu'elle  le  fût,  pouvait-on  compter  sur 
tous  ces  volontaires  fraîchement  incorporés  qui  formaient 
la  partie  la  plus  imposante  de  l'effectif  ? 

D'innombrables  compilateurs  ont  fait  de  cette  campagne 
—  la  guerre  en  sabots  !  — -  un  poëme  épique  dont  les  volon- 
taires furent  les  héros. 

L'histoire,  aujourd'hui  plus  sévère,  a  rectifié  cette  opi- 
nion et  rétabli  la  vérité.  L'honneur  d'avoir  résisté  à  l'inva- 
sion revient  presque  exclusivement  aux  troupes  de  ligne,  et 
non  pas  à  ces  «  citoyens-soldats  »  dont  l'indiscipline,  la 
méfiance  vis-à-vis  des  chefs  et  l'inexpérience  du  métier  ont 
trop  souvent  abouti  à  des  manifestations  déplorables. 

Appelé  à  défendre  une  place  sans  défense,  trop  étendue, 
avec  une  garnison  numériquement  insuffisante,  et  au  milieu 
d'une  population  divisée,  que  les  troubles  de  l'intérieur  et 
l'approche  de  l'ennemi  avaient  surexcitée  et  rendue  défiante. 


1.  Krieg,  né  à  Lahr-en-Brisgau,  en  1739,  mort  à  Bar-sur-Ornain  en  1803.  Il 
fut  nommé  au  commandement  provisoire  de  la  place  de  Thionville  par  le 
général  en  chef  Houchard,  le  12  juin  1793.  Peu  après,  il  devint  général  de  divi- 
sion. Il  fut  réformé  le  25  fructidor  an  V.  Il  a  publié  pour  se  justifier  une  petite 
plaquette  intitulée  :  «  Krieg  aux  véritables  républicains  ».  On  y  trouve  quelques 
détails  très  précis  sur  le  siège,  et  notamment  sur  le  rôle  joué  par  Wimpffen. 


222  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA.    RéVOLUTION    FRANÇAISE 

le  maréchal  de  camp  Félix  de  Wimpffen  recevait  une  tâche, 
il  faut  l'avouer,  des  plus  difficiles  et  des  plus  ingrates. 

Le  lieutenant-colonel  Galbaud,  nommé  au  commandement 
supérieur  de  Verdun,  demanda,  après  quelques  semaines  de 
présence  dans  celte  place  —  délabrée  elle  aussi  — ,  à  être 
relevé  de  son  commandement,  préférant  s'enrôler  comme 
simple  soldat  dans  un  bataillon  de  volontaires,  disait-il  à 
La  Fayette,  plutôt  que  de  se  déshonorer  par  une  capitula- 
tion inévitable. 

WimpfiFen,  lui,  préféra  rester  à  Thionville. 

Etait-ce  pour  livrer  la  place  aux  émigrés,  ou  pour  la 
défendre  désespérément  ?  Telle  est  la  question  à  laquelle 
nous  essaierons  de  répondre. 

Paul  Heckmann. 

(A  suivre) 


L^ENSEIGNEMENT  A  NICE 

sous  LE  CONSULAT 


DE   L'ECOLE   CENTRALE  AU   LYCEE 

(13  BRUMAIUE  AN  XI  GEKMINAL  AN  Xlll) 


Dans  l'étude  si  vivante  et  si  substantielle  que  le  regretté 
érudit  niçois,  Victor  Emanuel,  a  consacrée  à  l'Instruction 
Publique  à  Nice,  de  1580  à  1830  *  ,  quelques  points  ont 
lalalement  été  laissés  dans  l'ombre. 

C'est  ainsi  que  quelques  lignes  à  peine  font  allusion  aux 
curieuses  tentatives  faites  par  l'édilité  niçoise  pour  suppléer 
au  manque  d'établissements  d'enseignement  secondaire,  dans 
le  chef-lieu  de  l'ancien  comté,  pendant  la  période,  où,  l'Ecole 
Centrale  '  ayant  été  supprimée  par  l'autorité  supérieure, 
aucune  organisation  scolaire  constituée  ne  subsista  plus 
jusqu'au  jour  où  le  Lycée  de  Nice  ouvrit  ses  portes  à  la 
jeunesse  studieuse  du  pays. 

C'est  cette  lacune  que  nous  nous  proposons  de  combler 
à  l'aide  des  registres  de  délibérations  municipales  insuf- 
fisamment dépouillés   par  notre  estimé  confrère  ^  . 


1.  Victor  Emanvki,,  Notes  sur  l'Instruction  Publique  A  Nice.  Le  régime  Sarde. 
La  Résolution.  L'Empire.  La  Restauration.   1580-ÎS'MJ  (}iïce,  1902). 

2.  Pour  l'Ecole  Centrale  des  Alpes-Maritimes  voir  la  brochure  sus-indiquée 
et  nos  ouvrages  :  La  RéDolution  à  Nice  (Paris,  1912)  et  La  Révolution  dans  les 
Alpes-Maritimes  et  la  principauté  de  Monaco  (sous  presse). 

;S.  Les  documents  ayant  trait  à  cette  étude  proviennent  des  Archives  Munici- 
pales de  Nice  :  Délibérations  :   XIII  et  XV. 


224  REVUE   HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Lorscfue  la  loi  du  11  floréal  an  X  (1"  mai  1802)  eût  sup- 
primé les  Ecoles  Centrales,  Nice  se  trouva  subitement  privée 
de  tout  établissement  d'enseignement  secondaire.  Aussi, 
lorsque,  conformément  à  la  loi,  le  préfet,  le  général  Chateau- 
neuf-Randon,  eût,  le  13  brumaire  an  XI,  décidé  la  fermeture 
de  l'Ecole  Centrale,  de  nombreuses  doléances  se  firent  en- 
tendre venant  aussi  bien  des  familles  que   des  professeurs. 

Le  conseil  municipal  et  le  conseil  général  émirent  alors 
un  vœu  en  faveur  de  l'ouverture  rapide  du  Lycée  dont  la 
fondation  était  annoncée  par  le  décret  de  floréal. 

En  attendant  qu'il  fût  ouvert,  le  conseil  municipal  de- 
manda instamment  par  une  délibération  en  date  du  21  plu- 
viôse an  XI  la  création  d'une  école  intérimaire  qu'il  appela 
«  Ecole  de  l'arrondissement  de  Nice  »,  et  le  préfet  exauça 
cette  demande,  le  1"  germinal  an  XI,  en  publiant  un  arrêté 
qui  en  autorisait  l'ouverture. 

Le  23  floréal  an  XI  (13  mai  1803)  paraissait  le  «  Règle- 
ment de  l'Ecole  d'Arrondissement  de  Nice  »,  suivi,  le  25, 
du  «  Règlement  de  l'école  primaire  de  Nice  ». 

Le  1"  prairial,  le  maire  *  annonçait  l'ouverture  des 
écoles  nouvelles  par  un  avis  au  public  dans  lequel  il  résu- 
mait l'organisation  des  écoles  «  dont  l'ouverture  est  fixée 
au  3  du  courant  à  10  heures  du  matin  ». 

Le  conseil  «  effrayé  de  la  nullité  presque  totale  de  l'ins- 
truction publique  dans  la  commune  et  des  suites  que  doit 
amener  cet  état  de  choses  qui  laisse  la  génération  présente 
dénuée  de  connaissances  indispensables  pour  communiquer 
avec  celles  qui  la  précèdent  et  qui  doivent  la  suivre  »  a 
décidé  la  création  de  ces  écoles  dont  «  le  plan  a  été  adopté 
par  le  préfet  ». 

L'instruction  particulière  —  ajoute  le  maire  —  sera  tolé- 
rée mais  soumise  à  des  épreuves,  des  formalités  et  étroite- 
ment surveillée  «  pour  ne  pas  voir  élever  la  jeunesse  dans 
l'erreur  et   l'ignorance.    Il  faut    se   métier  des   concurrents 

1.  Le  maire  était  alors  Deily.  Comme  il  était  absent  il  fut  suppléé  par  le  l""" 
adjoint  Torrini. 


L  ENSEIGNEMENT  A  NICE  SOUS  LE   CONSU  LAT  225 

sachant  un  peu  de  latin  et  d'italien  et  possédant  une  mau- 
vaise écriture  ». 

L'ouverture  de  l'école  primaire  eut  lieu  le  6  prairial,  et 
non  le  3,  comme  il  avait  été  fixé,  dans  le  local  choisi  :  l'hô- 
pital de  la  Croix,  rue  de  la  Vertu,  isle  59  '. 

L'adjoint,  le  second  adjoint,  le  secrétaire  en  chef,  les 
instituteurs  de  l'école  primaire,  les  professeurs  de  l'école 
d'arrondissement,  le  conservateur  de  la  bibliothèque  se  ren- 
dirent, à  11  heures  du  matin,  rue  de  la  Vertu.  Dans  l'une 
des  salles  de  l'hôpital  ils  trouvèrent  «  une  foule  de  person- 
nes, surtout  de  jeunes  gens  qui  attendaient  impatiemment 
l'ouverture  ».  L'adjoint  Torrini  ouvrit  l'école  «  par  un  dis- 
cours analogue  à  la  cérémonie  ».  Scudéry,  professeur  de 
4',  Glérico,  instituteur  de  5^,  prononcèrent  aussi  une  ha- 
rangue. Les  assistants  manifestèrent  leur  satisfaction  «  de 
l'établissement  et  de  la  cérémonie  »  et  l'on  retourna  en  cor- 
tège à  la  mairie. 

L'école  d'arrondissement  fut  transformée  quelques  jours 
plus  tard,  le  14  prairial  an  XI,  par  décret  gouvernemental, 
en  école  secondaire  préparatoire  au  Lycée. 

Le  1^""  vendémiaire  an  XII  (24  septembre  1803)  une 
école  primaire  de  garçons  et  de  filles  fut  instituée.  Les 
maîtres  devaient  subir  devant  le  jury  d'instruction  un  exa- 
men probatoire. 

L'école  secondaire  s'ouvrit  le  15  brumaire  an  XII.  Un 
discours  fut  prononcé  par  le  directeur.  Les  professeurs  et  le 
bibliothécaire  étaient  présents  et  prêtèrent  serment  de  fidé- 
lité à  la  constitution.  Ils  signèrent  au  procès  verbal,  ainsi 
que  Jean-Baptiste,  évêque  de  Nice,  et  du  Bouchage,  préfet, 
qui  assistaient  à  la  cérémonie. 

Le  25  vendémiaire  an  XIII  (17  octobre  1804),  enfin,  vu 
l'ouverture  prochaine  du  Lycée  -,  dont  l'établissement  avait 


1.  L'hôpital  de    la  Croix  était  situe  entre  les    rues   actuelles   Pierre   Sola,  St- 
Augustin  et  Pairolière. 

2.  Le   Lycée  fut  installé  dans  les  locaux  de   l'ancien  couvent  des  Augustins 
au  Pont  Vieux  qui  est  resté   sous  l'Empire,  sous  la  domination   sarde  et   la  S""" 

REV.    IIIST.    Dli    l.A    RKVDI..  4 


226  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

été  décrété  le  1*"^  vendémiaire  an  XII,  l'école  secondaire, 
étant  donné  le  petit  nombre  de  ses  élèves,  fut  réformée  et 
devint  une  sorte  d'école  primaire  supérieure. 

Comment  furent  organisés  ces  divers  établissements, 
quel  fut  leur  personnel,  comment  fonctionnèrent-ils,  tels 
sont  les  points  qui  restent  à  déterminer.  Organisation  et 
fonctionnement  sont  des  plus  curieux. 

L'école  secondaire,  préparatoire  au  Lycée,  dont  l'établis- 
sement avait  été  approuvé  par  décret  préfectoral  du  5  com- 
plémentaire an  XI,  comprit  5  professeurs  et  un  maître  de 
dessin.  L'enseignement  comportait  l'étude  des  langues  fran- 
çaise et  latine,  l'histoire  et  la  géographie,  les  belles-lettres, 
l'éloquence,  les  mathématiques  et  la  philosophie.  Le  profes- 
seur de  philosophie,  qui  était  de  droit  directeur  de  l'école, 
enseignait  non  seulement  l'art  de  penser  et  de  raisonner  et 
la  morale,  mais  encore  les  éléments  de  la  physique. 

Les  professeurs  furent  :  Scudéri,  prêtre,  ci-devant  moine, 
pour  le  latin  et  le  français  (traitement  :  800  fr.)  ;  Raibaud, 
prêtre,  pour  le  latin,  le  français,  l'histoire  ancienne,  moderne, 
sacrée  et  profane  et  la  géographie  (traitement  :  900  fr.)  ; 
Pierrugues,  prêtre,  pour  les  belles-lettres,  l'éloquence,  la 
poésie  française  et  latine  (traitement  :  1000  fr.)  ;  Giraudi,  prê- 
tre, pour  les  mathématiques  (traitement  :  1000  fr.)  ;  Fodéré, 
docteur,  pour  la  philosophie  (traitement  :  1.200  fr.)  ;  Flo- 
rence, officier  de  santé,  pour  le  dessin  (traitement  :  000  fr., 
plus  3  francs  par  mois  par  élève  sauf  un  cinquième  des 
élèves  pauvres).  Borelli,  prêtre,  docteur  en  théologie,  fut 
nommé  conservateur  de  la  bibliothèque  de  la  ville  aux 
appointements  de  600  francs.  Il  devait  tenir  la  bibliothèque 
ouverte  pendant  5  heures  tous  les  jours  non  fériés.  En  cas 
de  maladie  il  suppléait  les  professeurs  et  en  cas  de  démis- 
sion ou  d'absence  volontaire  de  leur  part  il  ajoutait  leur 
traitement  au  sien. 


République  le  Lj'cée  de  Nice  jusqu'à  la  construction  de  l'établissement  actuel. 
Les  travaux  furent  mis  en  adjudication  le  2  pluviôse  an  XIII,  mais  le  Lycée  ne 
fut  réellement  inauguré  qu'en  frimaiie  an  X\'II. 


l'f,NSEIGXEMENT  a  NICE    SOUS  LE  CONSULAT  227 

Le  30  prairial  an  XII,  le  ministre  de  l'intérieur  (qui  est 
alors  chargé  de  l'instruction  publique)  ayant  arrêté  que  l'art 
de  la  natation  ferait  partie  de  l'éducation  de  la  jeunesse 
dans  les  lycées  et  écoles  secondaires,  on  dût  à  Nice  adjoin- 
dre au  personnel  des  maîtres  nageurs.  Ils  devaient  donner 
leurs  leçons  sous  les  yeux  des  maîtres  d'études  et  des  garçons 
de  salle.  Les  élèves  devaient  être  «  vêtus  d'un  caleçon  de 
bain  ». 

Le  concierge  de  l'école  Lazarot  recevait  300  francs  avec 
le  logement.  Un  crédit  de  300  francs  était  affecté  aux  dépen- 
ses, au  chauffage  et  à  l'éclairage. 

L'année  scolaire  est  de  10  mois  et  demi  pour  le  français, 
le  latin,  l'histoire  et  la  géographie  ;  de  10  mois  pour  les 
belles  lettres,  l'éloquence  et  les  mathématiques  ;  de  9  mois 
et  demi  pour  la  philosophie.  Il  n'y  a  d'autres  vacances  dans 
l'année  que  les  jeudis,  dimanches  et  fêtes.  Les  leçons  durent 
2  heures  pour  les  langues,  l'histoire,  la  géographie  et  le 
dessin  ;  1  heure  et  demie  pour  les  belles  lettres,  l'éloquence 
et  les  mathématiques  ;  une  heure  pour  la  philosophie. 

Le  directeur  surveille  l'enseignement.  Il  rend  «  compte  » 
au  maire  tous  les  mois.  Il  visite  les  écoles  primaires  et 
assiste  aux  compositions  dans  toutes  les  écoles.  Il  doit  pré- 
senter au  maire  «  un  projet  de  règlement  pour  les  détails  », 
autrement  dit  un  plan  d'études  ou  un  tableau  de  service. 

Il  est  en  outre  décidé  que  toutes  les  places  qui  devien- 
dront vacantes  seront  à  l'avenir  données  au  concours. 

L'école  primaire  annexe,  qui  ouvrit  le  1"  vendémiaire 
an  XII,  comprenait  3  instituteurs  pour  les  garçons,  deux 
institutrices  pour  les  filles.  Ces  maîtres  devaient  être  exami- 
nés par  le  jury  d'instruction  auquel  on  adjoignit  deux 
femmes.  Le  programme  d'enseignement  des  garçons  était 
le  suivant  :  lecture,  écriture,  les  4  premières  règles  de 
l'arithmétique,  l'obligation  de  parler  correctement  le  français, 
les  devoirs  de  la  religion.  Aux  fiiles  on  devait  enseigner,  en 
sus,  à  tricoter,  coudre,  filer,  les  devoirs  d'épouses  et  de 
mères. 


228  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Les  classes  duraient  du  15  vendémiaire  au  dernier  com- 
plémentaire, ce  qui  donne,  en  plus  des  jeudis,  dimanches  et 
fêtes,  15  jours  de  grandes  vacances.  Il  y  avait  5  heures  de 
classe  par  jour,  dont  3  le  matin.  Pour  exciter  1  émulation 
des  élèves  la  municipalité  mettait  à  la  disposition  des  maî- 
tres 5  médailles  d'argent,  qui  devaient  être  portées  chaque 
lundi  par  les  premiers. 

Le  traitement  était  de  300  francs  avec  le  logement.  En 
plus  chaque  instituteur  recevait  1  fr.  50  par  mois  et  par 
élève.  Cette  rétribution,  dont  étaient  exempts  les  enfants 
pauvres,  à  raison  d'un  cinquième,  était  payée  d'avance. 

Le  7  vendémiaire  an  XII  (30  septembre  1803),  le  maire, 
Defly,  avisait  les  postulants  que  les  places  d'instituteurs  et 
d'institutrices  seraient  mises  au  concours  le  17  à  11  heures 
du  matin.  L'examen  devait  être  public.  Il  avait  lieu  devant 
le  maire  et  le  jury  d'instruction,  dont  un  membre,  le  citoyen 
Capelle,  secrétaire  général  de  la  préfecture,  absent,  était 
suppléé  par  le  chef  du  3^  bureau,  de  Butel. 

Les  conditions  requises  étaient  :  1°  savoir  parler,  lire, 
écrire  correctement  le  français  tant  sur  les  livres  que  sur 
les  manuscrits,  posséder  les  4  règles  de  l'arithmétique  ;  2° 
pour  les  institutrices,  outre  les  notions  demandées  aux  ins- 
tituteurs, savoir  coudre  toutes  sortes  d'ouvrages  et  tricoter  ; 
3°  présenter  un  certificat  de  bonne  vie  et  mœurs  délivré  par 
les  voisins  et  signé  par  le  maire. 

L'examen  se  passa  le  20  vendémiaire  devant  le  maire, 
les  adjoints,  le  secrétaire  en  chef,  le  jury  d'instruction  aug- 
menté de  Mmes  Mieulle  et  Fodéré. 

Les  candidats  étaient  :  Giles  François  Ruftel  Montreuil 
et  Barthélémy  Bailet,  «  instituteur  actuel  »  ;  Mmes  Margue- 
rite Montel,  épouse  Parent  ;  Victoire  Didier,  épouse  Patrice; 
Suzanne  Labori,  épouse  Tomati.  Leur  aptitude  fut  reconnue 
et  les  membres  du  jury  d'instruction  :  Fodéré,  Giraudi,  de 
Butel,  leur  délivrèrent  un  certificat  qui  fut  contresigné  par 
le  maire,  Defly,  et  le  secrétaire  en  chef,  Grivel. 

Le  3'"  poste  d'instituteur  fut  pourvu  le  26   vendémiaire. 


l'enseignement  a  NICE  SOUS  LE  CONSULAT  229 

Le  candidat,  Giraudi,  passa  son  examen  à  la  préfecture  et 
fut  reconnu  apte. 

Quant  à  l'école  secondaire  de  l'an  XIII,  elle  ne  fut,  au 
fait,  qu'une  école  primaire  supérieure. 

On  y  enseigna  gratuitement  la  lecture,  l'écriture,  la  gram- 
maire, l'orthographe,  le  français,  le  latin,  les  éléments  de  la 
géographie  et  de  la  mythologie,  l'histoire  sainte,  les  prin- 
cipes de  la  littérature  française  et  latine,  les  mathématiques. 

Elle  était  «  régie  »  par  un  professeur  de  mathématiques, 
deux  professeurs  de  latin,  un  instituteur  primaire  et  un 
maître  écrivain. 

Les  parents  devaient  faire  inscrire  leurs  enfants  à  la 
mairie.  Les  élèves  devaient  aller  à  l'école  décemment  vêtus, 
avoir  leurs  livres,  cahiers  et  autres  ustensiles  et  se  confor- 
mer au  règlement. 

Plus  intéressantes  furent  les  Ecoles  d'arrondissement 
et  primaire  de  Nice  qui  ont  été  une  curieuse  tentative  d'or- 
ganisation du  Lycée  avant  le  Lycée  et  que  nous  connais- 
sons par  l'original  règlement  que  la  municipalité  élabora, 
pour  chacune  d'elles,  au  moment  de  leur  création  *  . 

Les  deux  établissements  sont  dans  la  dépendance  étroite 
l'un  de  l'autre.  Ils  se  complètent  mutuellement.  L'une  pour- 
rait s'appeller  —  avant  la  lettre  —  le  Petit,  l'autre  le  Grand 
Lycée. 

Les  programmes  correspondent  avec  ceux  de  nos  deux 
cycles  actuels  d'enseignement.  L'Ecole  primaire  n'est,  en 
effet,  pas  autre  chose  que  notre  1^"^  cycle  et  l'Ecole  d'arron- 
dissement est  identique  à  notre  2^  cycle. 

Tout  a  été  minutieusement  prévu  :  inscription  des  élèves, 
discipline,  classes,  interclasse,  auteurs  à  expliquer,  devoirs, 
compositions,  conseil  d'administration  et  de  discipline, 
vacances. 

La  comparaison  avec  l'élat  présent  ne  laisse  pas  que 
d'être  assez  suggestive. 

1.  Nous  publions  en  appendice  ces  deux  règlemenls  et  la  délibération  très 
importante  du  21  pluviôse  an  XI. 


230  REVUE  HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Les  deux  écoles  sont  placées  sous  l'autorité  du  maire  et 
du  préfet  dont  les  avis  sont  prépondérants  en  cas  d'exclu- 
sion des  élèves.  Ils  ont  ainsi,  en  partie,  les  attributions  des 
inspecteurs  d'académie  et  des  recteurs  actuels.  L'école  pri- 
maire est  sous  la  surveillance  et  direction  du  directeur  de 
l'école  d'arrondissement  qui,  tout  en  participant  à  l'enseigne- 
ment, dirige  de  haut  les  deux  établissements.  Il  joue  de  la 
sorte,  simultanément,  le  rôle  d'un  proviseur,  d'un  censeur 
et  d'un  principal  de  collège  chargé  de  classe  de  nos  jours. 

Les  deux  établissements  furent  au  début  ce  que  nous 
appelons  aujourd'hui  un  Lycée  d'externes.  Cependant  la 
municipalité  se  réserva  le  droit  d'établir  un  «  pensionnat  ». 

Le  directeur  du  ((  Petit  Lycée  »  fut  J.  Scudéri  aîné,  ex-ins- 
tituteur de  l'école  de  Contes,  professeur  de  4*^.  L'école  pri- 
maire comprenait  4  classes  :  7^,  6^,  5^  et  4^.  dont  les  profes- 
seurs furent  :  Vignal,  Jouffroy  (bientôt  remplacé  par  Bailet), 
Clérico  et  Scudéry,  ces  deux  derniers,  abbés.  Ces  profes- 
seurs ont  un  traitement  de  600  fr.  en  7"  et  &  ;  de  700  fr.  en 
en  5^  ;  de  800  fr.  en  4''.  Ce  traitement  est  payé  «  échu  »  tous 
les  mois.  Les  professeurs  devaient  avoir,  pour  enseigner, 
été  examinés  par  un  jury  composé  de  deux  professeurs  de 
l'Ecole  d'arrondissement.  Ils  sont  soumis  à  la  même  surveil- 
lance que  les  élèves  «  car  il  n'y  a  rien  de  plus  essentiel  et 
de  plus  délicat  que  l'instruction  ». 

L'enseignement  est  «  progressif  ».  Les  élèves  ne  peuvent 
être  admis  dans  une  classe  que  s'ils  sont  jugés  capables  de 
la  suivre.  Pour  être  admis  en  7",  il  est  nécessaire  de  con- 
naître l'alphabet  et  de  savoir  épeler.  Les  examens  de  pas- 
sage sont  présidés  par  le  directeur.  Chaque  élève  ne  peut 
être  reçu  dans  une  classe  sans  un  billet  d'entrée  signé  par 
le  directeur.  Il  doit  être  inscrit  sur  un  registre  tenu  par 
chaque  professeur.  Les  élèves  sont  présentés  par  leurs 
parents  au  chef  de  l'établissement.  Ils  sont  examinés,  avant 
leur  entrée,  par  le  professeur  de  5''  et  le  directeur  de  l'école 
d'arrondissement.  Leur  conduite  doit  être  décente  et  ils 
sont  tenus  d'obéir  à  leurs   maîtres.  Les  heures  d'entrée  en 


l'enseignement  a    NICE  SOUS  LE  CONSULAT  231 

classe  sont  les  mêmes  qu'à  l'école  d'arrondissement  et  elles 
sont  annoncées  par  la  cloche  de  la  ville.  Il  y  a,  le  matin, 
un  «  interclasse  »  d'une  demi-heure.  Chaque  professeur,  à 
son  tour,  est  chargé  pendant  ce  temps  de  veiller  à  la  disci- 
pline. La  discipline  était  toute  paternelle.  Les  punitions 
consistent  «  en  des  peines  qui  affectent  l'àme  et  le  cœur  de 
l'élève  et  jamais  le  physique  ».  La  seule  peine  sévère  est 
l'exclusion.  Elle  est  «  temporaire  ou  perpétuelle  »,  mais  elle 
ne  peut  être  prononcée  qu'après  l'avis  du  maire. 

L'année  scolaire  dure  11  mois,  du  l*'"  vendémiaire  au 
30  thermidor.  Les  grandes  vacances  ne  durent  qu'un  mois  : 
30  thermidor  —  5  complémentaire.  Dans  l'année,  les  vacan- 
ces sont  les  mêmes  qu'à  l'école  d'arrondissement. 

Il  y  a  classe  matin  et  soir.  La  durée  de  chaque  classe 
est  de  deux  heures.  L'enseignement  comprend  :  en  7^,  la 
lecture  et  l'écriture  ;  en  6*,  les  déclinaisons,  conjugaisons 
et  concordances  ;  en  5^,  les  concordances,  la  grammaire, 
l'histoire  sainte,  des  traductions  de  latin  en  français,  l'expli- 
cation des  Colloques  d'Erasme,  de  VAppendix  de  Diis  de 
Juvency,  les  2  premiers  livres  de  Phèdre,  le  Selectœ.  Deux 
fois  par  semaine  le  professeur  donne  une  leçon  d'italien. 
En  4^,  continuation  des  traductions,  compléments  d'histoire 
sainte,  explication  des  3  derniers  livres  de  Phèdre,  du  De 
Viris,  des  Epitres  fameuses  de  Cicéron,  notamment  le  De 
Offîciis,  des  Eglogiies  de  Virgile  et  de  Sévère  Sulpice.  Le 
professeur  rendra  familier  à  ses  élèves  l'abrégé   de  Wailly. 

Les  langues  vivantes  commencent  à  être  étudiées  dès  la 
6^.  Les  professeurs,  qui,  dans  ces  trois  classes,  doivent  exer- 
cer la  mémoire  des  élèves,  sont  dans  l'obligation,  afin  qu'il 
y  ait  concordance  avec  l'Ecole  d'arrondissement,  d'user 
uniquement  comme  li'^e  de  langues  des  Rudiments  de  Bis- 
tac  et  ne  peuvent  en  suivre  d'autres.  Il  y  a  des  compositions 
dans  les  classes  de  6^,  5'  et  4^  seulement.  Elles  ont  lieu  aux 
mêmes  jours  qu'à  l'école  d'arrondissement.  Ces  compositions 
sont  générales  et  particulières.  Les  compositions  générales 
sont  le  lot  du  directeur  du  grand  Lycée.  En  5*  et  en  4^^  il  y 


232  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

a  des  «  exercices  littéraires  ».  Les  élèves  expliquent  les 
auteurs  qu'ils  ont  suivi  et  ceux  qui  se  sont  distingués  peu- 
vent  recevoir  des  prix. 

Le  «  grand  Lycée  »,  l'école  d'arrondissement  de  Nice, 
est  placé  sous  la  «  surveillance  immédiate  »  du  préfet.  Son 
directeur  était  Bernardin  Clericy.  Les  professeurs,  dont 
nous  n'avons  pas  les  noms,  furent  vraisemblablement  ceux 
de  l'ancienne  Ecole  Centrale  qui  enseignèrent  ensuite,  sans 
nul  doute,  à  l'école  secondaire  * . 

Le  directeur  est  assisté  d'un  conseil  d'administration  qui 
tient  quatre  séances  par  an  au  moins.  Il  reçoit  les  comptes 
du  chef  d'établissement  et  les  plaintes  contre  les  élèves  et 
aussi  contre  les  professeurs.  Pour  ces  derniers  le  «dossier» 
est  communiqué  à  l'intéressé  et  la  réponse  de  celui-ci  trans- 
mise au  préfet.  Les  élèv^es  sont  admis  dans  les  mêmes  con- 
ditions qu'à  l'Ecole  primaire. 

L'année  scolaire  va  du  1"  brumaire  au  15  thermidor. 
Les  «  vacances  »  durent  donc,  comme  aujourd  hui,  deux 
mois  et  demi.  Dans  l'année;  il  y  a  congés  «  réguliers  »  les 
jeudis,  dimanches,  fêtes  nationales  et  concordataires.  Des 
congés  «  extraordinaires  »  sont,  comme  de  nos  jours, 
prévus.  Le  conseil  d'administration  les  fixe  sur  la  pro- 
position du  directeur,  sans  recours  à  l'autorité  supérieure. 
Les  jours  de  fête  il  y  a  exercice  spirituel  et  un  «  discours 
moral  »  est  adressé  aux  élèves.  L'office  est  prévu  pour 
le  moment  où  il  y  aura  une  chapelle  et  la  création  d'un 
poste  d'aumônier  est  demandée  au  préfet.  L'ouverture  des 
classes,  le  1"  brumaire,  se  fait  par  un  discours  en  français 
ou  en  latin  prononcé  par  le  professeur  de  3^  ou  de  belles- 
lettres,  qui  a  le  choix  de  son  sujet.  L'un  des  membres  du 
conseil  d'administration  prononce  aussi   une  harangue.  De 

1.  La  délibération  du  21  pluviôse  an  XI  proposait  comme  professeurs  :  pour 
la  3',  Loques  ;  pour  la  seconde,  Raybaud  ;  pour  l'éloquence,  Pierrugues  ;  pour 
la  logique,  morale  et  mathématiques,  Travagna  ;  pour  la  physique,  chimie, 
histoire  naturelle,  Fodéré  ;  pour  le  dessin,  Florence.  Le  professeur  surnumé- 
raire et  bibliothécaire  devait  être  Giraudi.  Il  est  vraisemblable  qu'ils  furent 
acceptés.  Ces  professeurs  étaient  payés  «  trimestres  expirés  ».  Leur  traitement 
n'excédait  pas  1200  fr. 


l'enseignement  a  NICE  SOUS  LE  CONSULAT  233 

même,  l'année  se  termine  sur  un  discours  prononcé  par  le 
professeur  de  rhétorique  qui,  lui  aussi,  choisit  son  sujet- 
La  distribution  des  prix  a  lieu  le  13  thermidor.  Un  «  pal- 
marès »  est  établi  et  adressé  aux  familles  ainsi  qu'au  minis- 
tre de  l'intérieur.  Le  14  thermidor,  le  directeur  «  annonce  » 
les  vacances  et  un  membre  du  conseil  d'administration  fait 
le  «  discours  d'usage  ».  Les  classes  ont  lieu  matin  et  soir  et 
leur  durée  est  différente.  Les  «  séances  »  sont  de  deux  heures 
pour  la  3*",  la  2"  et  le  dessin  ;  d'une  heure  et  demie  pour  la 
rhétorique,  la  logique  et  la  physique. 

L'entrée  des  classes,  qui  a  lieu  le  matin  à  8  heures,  est 
annoncée  par  la  grande  cloche  de  la  ville.  Le  concierge 
sonne  la  cloche.  Il  est  aux  ordres  des  professeurs  et  du 
bibliothécaire.  Il  doit  maintenir  la  propreté  partout  et  ne 
pas  s'absenter  sans  autorisation.  Pendant  les  cinq  premiers 
mois  de  l'année,  les  classes  ont  lieu  le  matin  de  8  heures  1/2 
à  10  heures  12  et  le  soir  de  1  heure  1/2  à  4  heures.  Pen- 
dant les  autres  mois  on  rentre  une  demi-heure  plus  tôt  le 
matin,  une  demi-heure  plus  tard  le  soir.  Il  y  a  toujours,  le 
matin,  «  interclasse  »  de  8  heures  à  8  heures  1/2,  sous  la 
surveillance  d'un  professeur. 

La  discipline  n'est  guère  plus  sévère  qu'au  Petit  Lycée. 
L'élève  qui  «  manque  à  son  devoir  »  est  d'abord  admonesté 
par  son  professeur.  Vient  ensuite  l'admonestation  directo- 
riale devant  le  conseil  d'administration  et  les  élèves.  C'est 
le  blâme  avant  l'exclusion.  Il  y  a  en  troisième  lieu  «  l'affi- 
chage public  »  à  l'intérieur  de  l'établissement  avec  la  dési- 
gnation du  motif,  ce  qui  n'existe  plus  maintenant.  Enfin 
on  a  le  renvoi  pour  «  choses  graves  »  surtout  «  en  matière 
de  mœurs  »  après  jugement  du  conseil  d'administration  qui 
possède  ainsi,  en  partie,  les  attributions  de  nos  conseils  de 
discipline,  et  après  approbation  préfectorale.  L'autorisation 
accordée  aux  professeurs  de  faire  appel  à  la  «  force  coactive  », 
c'est-à-dire  à  la  force  armée  (même  faculté  avait  été  laissée 
aux  maîtres  de  l'Ecole  Centrale),  en  dit  long  sur  les  résultats 
de  cette  discipline  «  paternelle  ». 


234  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

L'instruction  est  «  graduelle  »  et  chaque  élève  est  astreint 
à  un  examen  de  passage  devant  un  jury  comprenant  les 
professeurs  et  présidé  par  le  directeur. 

Chaque  professeur  suit  dans  son  enseignement  «  la 
méthode  qu'il  connaît  être  la  meilleure  d'après  son  expé- 
rience ».  C'est  le  système  de  la  liberté. 

L'enseignement  correspond  à  notre  second  cycle.  Il  y  a 
quatre  divisions,  plus  le  dessin. 

Le  professeur  de  3^  perfectionne  la  connaissance  du 
français  par  la  grammaire  de  Wailly  et  les  Synonymes  de 
Girard.  En  latin  il  explique  Ovide  Tristium,  le  De  officiis  de 
Cicéron,  Cornélius  Nepos,  les  2  premiers  livres  de  l'Enéide, 
Quinte  Curce,  les  Commentaires.  11  exerce  la  mémoire  des 
élèves  par  la  récitation  de  morceaux  choisis  dans  ces  auteurs. 
Il  se  sert  pour  la  grammaire  et  pour  les  règles  de  la  quan- 
tité en  poésie  latine  de  la  Nouvelle  Méthode  de  Port  Royal. 
Il  apprend  la  poésie  latine,  dont  l'étude  doit  être  continuée 
dans  les  classes  supérieures,  exerce  ses  élèves  à  la  traduc- 
tion du  latin  en  français  et  réciproquement.  Il  donne  en 
plus  —  ce  qui  est  déjà  méritoire  —  les  éléments  de  la  géo- 
graphie et  fait  tous  les  jours  une  demi-heure  d'histoire. 
Enfin  —  ce  qui  est  mieux  —  il  enseigne  en  outre  l'anglais. 
Les  professeurs  —  comme  nous  Talions  voir  —  doivent 
être  des  encyclopédies  vivantes. 

Le  professeur  de  seconde  ou  de  belles-lettres  «  suit  la 
même  marche  ».  Il  explique  les  livres  III  et  lY  de  l'Enéide, 
les  Odes  d'Horace,  Salluste  pour  l'histoire,  les  Géorgiques, 
les  Commentaires  ou  Quinte  Curce,  les  «  Oraisons  »  de 
Cicéron  :  Pro  Lege  Manilia,  Pro  Archia,  Pro  Marcello.  Il  fait 
réciter  aux  élèves  des  morceaux  choisis  de  ces  auteurs.  Les 
auteurs  français  sont  représentés  par  les  fables  de  La  Fon- 
taine. Il  perfectionne  l'exercice  de  la  traduction  et  accou- 
tume les  élèves  à  la  composition  des  fables  et  des  narra- 
tions. Il  donne  les  règles  de  la  poésie  française,  enseigne  la 
poésie  latine.  Il  est  «  de  plus  »  chargé  d'un  cours  de  mytho- 
logie, ce  qui  est  naturel  en  somme.  Mais  par  contre,  ce  qui 


l'enseignement  a  NICE    SOUS  LE  CONSULAT  235 

l'est  moins,  c'est  l'obligation  où  il  se  voit  d'enseigner  le 
calcul  «  tant  de  l'ancien  que  du  nouveau  système  »  et  la 
«  géométrie  jusqu'à  la  trigonométrie  ». 

Le  professeur  de  rhétorique  est  le  professeur  d'éloquence. 
Il  donne  les  règles  de  l'éloquence  et  exerce  ses  élèves  à  l'élo- 
quence du  barreau  et  de  la  chaire.  Il  explique  les  Odes 
d'Horace,  VEncidc,  le  Pro  Milone,  Tite  Live,  pour  l'histoire, 
les  Odes  de  Rousseau.  Il  est  chargé  d'enseigner  l'histoire  et 
la  diction.  Il  doit  habituer  ses  élèves  à  une  diction  «  courte, 
simple  et  laconique  ».  Il  les  exerce  au  genre  épistolaire  et 
à  la  composition  de  petits  discours  dits  «  amplifications  », 
ainsi  qu'à  la  poésie  française.  Enfin  il  fait  apprendre  par 
cœur  l'Art  Poétique  de  Boileau  afin  de  le  comparer  avec 
celui  d'Horace. 

Le  professeur  de  logique,  physique  expérimentale,  chimie, 
histoire  naturelle  s'applique  à  perfectionner  l'art  de  raison- 
ner. Il  enseigne  la  dialectique  et  l'idéologie.  En  physique  il 
étudie  les  principaux  phénomènes  de  la  nature,  il  applique 
la  chinîie  aux  arts  cultivés  dans  le  département,  il  analyse 
les  métaux. 

Le  professeur  de  dessin  fait  l'application  de  cet  art  à 
toutes  les  professions  qui  en  ont  un  besoin  direct  :  architec- 
ture, génie,  serrurerie,  maçonnerie.  Il  donne  à  ses  élèves  la 
théorie  de  la  figure  et  de  la  perspective  linéaire  et  les  divise 
en  deux  classes  :  les  peintres  et  les  autres. 

A  ces  professeurs  est  adjoint  un  «  démonstrateur  »  de 
botanique  dont  les  cours  ont  lieu  dans  la  «  saison  propice  » 
et  qui  durent  le  temps  nécessaire.  Le  «  lieu  de  ses  séances  » 
est  le  jardin  botanique.  Il  conduit  les  élèves  en  promenades 
aux  environs  pour  la  connaissance  des  plantes. 

Le  professeur  de  seconde  donne  ses  leçons  d'arithméti- 
que, de  calcul  décimal  et  de  géométrie  pendant  les  trois 
derniers  mois  de  l'année,  les  jours  pairs,  de  10  heures  à 
midi.  Il  est  dispensé  de  toute  autre  classe  le  matin. 

Le  bibliothécaire,  professeur  suppléant,  enseigne  la  tri- 
gonométrie et  l'algèbre  pendant  les  trois    derniers   mois  de 


236  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

l'année,  lui  aussi,  mais  les  jours  impairs,  de  10  à  12.  Durant 
ces  journées  la  bibliothèque  est  close.  Il  y  a  donc,  durant 
le  dernier  trimestre,  prédominance  de  l'enseignement  mathé- 
matique. 

Les  professeurs  ont  à  leur  disposition  la  bibliothèque 
de  l'ancienne  Ecole  Centrale.  Elle  est  ouverte  tous  les  jours 
pairs  de  10  heures  à  midi  et  de  3  heures  à  5  heures.  Le 
prêt  des  livres  leur  est  consenti  à  condition  qu'ils  prennent 
la  responsabilité  de  leurs  emprunts. 

Il  y  a  dans  toutes  les  classes  des  compositions.  Les 
compositions  particulières  ont  lieu,  dans  les  classes  d'huma- 
nités, tous  les  vendredis.  Les  places  doivent  être  données 
le  samedi  ou  au  plus  tard  le  lundi.  Les  compositions  géné- 
rales sont  du  ressort  du  Directeur.  L'une  est  au  commence- 
ment du  Carême,  les  autres  à  la  fin  de  l'année  scolaire. 
Pendant  les  douze  premiers  jours  de  thermidor  ont  lieu  les 
examens  de  passage,  des  exercices  littéraires  et  des  explica- 
tions d'auteurs. 

L'exercice  littéraire  donné  par  le  professeur  de  rhétori- 
que et  le  discours  qu'il  prononce  à  cette  occasion  précèdent 
la  distribution  des  prix. 

Telle  fut  l'organisation  —  ingénieuse  —  que  la  munici- 
palité niçoise,  avec  le  concours  zélé  des  anciens  professeurs 
de  l'Ecole  Centrale,  donna  à  l'instruction  publique  durant 
les  deux  années  qui  s'écoulèrent  entre  la  disparition  des 
créations  scolaires  de  la  RévoluHon  et  l'avènement  de 
l'Université  napoléonienne.  Elles  permirent  à  la  ville  et  au 
département  de  ne  pas  êlre  complètement  privés  de  cet 
objet,  «  qui  est  l'un  des  plus  importants  pour  le  bonheur 
de  l'humanité  :  l'instruction  »  et  ils  purent  attendre  —  sans 
impatience  —  le  moment  où  Nice  put  enfin  jouir  de  «  son  » 
Lycée. 

A  juste  titre,  la  municipalité  niçoise  pouvait,  le  29  ven- 
démiaire an  XIII,  en  annonçant  l'ouverture,  «  pour  germi- 
nal prochain  »,  de  cet  établissement,  dire  en  termes  excel- 
lents :  «  Les  élèves  y  deviendront  utiles  à  l'Empire  et  prou- 


l'enseignement  a  NICE  SOUS   LE  CONSULAT  287 

veront  au  gouvernement  qu'en  plaçant  un  Lycée  dans  cette 
ville,  il  vient  d'assurer  à  la  France  une  foule  de  citoyens 
qui  se  distingueront  dans  la  suite  par  leurs  lumières  et  par 
leur  zèle  pour  le  bien  public  ». 

Joseph  Combet. 


APPENDICES 
I 

DÉLIBÉRATION   RELATIVE   A   L'ÉTABLISSEMENT 
DE   l'école    SECONDAIRE 

(Nice:  Arch.  Municipales  :  21  pluviôse  an XI,  D  :  XV,  p.  203  etsq.) 

En  vertu  de  l'article  15  de  la  loi  du  28  pluviôse  an  8^,  le 
conseil  municipal  de  cette  ville  s'est  assemblé  et  réuni  aujourd'hui 
21  pluviôse  à  la  mairie  et  dans  la  salle  ordinaire  de  ses  séances 
composé  des  citoyens  Torrini,  adjoint  faisant  les  fonctions  de 
maire,  président  du  dit  conseil,  Bernard,  Cléricy,  Pierrugues, 
Simon,  Cauvin,  Roux,  Cougnet,  Serrât,  Guigo,  Négrin,  Avigdor, 
Mabil  et  Martin  secrétaire,  lequel  sur  l'invitation  du  président  a 
donné  lecture  du  dernier  procès  verbal  qui  a  été  adopté.  La 
séance  étant  ouverte.  Un  membre  a  dit  que  la  suppression  de 
l'Ecole  Centrale  nécessitait  le  prompt  établissement  d'une  Ecole 
Secondaire  et  qu'il  faisait  la  motion  expresse  que  le  conseil  s'oc- 
cupât des  moyens  de  l'établir,  de  la  quantité  des  professeurs  à 
nommer,  du  local  pour  y  placer  la  dite  école  ainsi  que  des 
moyens  de  subvenir  aux  frais  tant  de  premier  établissement  que 
d'entretien  et  de  rétribution  à  accorder  aux  professeurs. 

Sur  quoi,  le  conseil  après  s'être  occupé  sérieusement  de  l'im- 
portance de  la  motion  et  après  une  lumineuse  discussion, 

Considérant  que  l'instruction  publique  est  un  des  objets  les 
plus  importants  pour  le  bonheur  de  la  société. 

Que  le  gouvernement  sage,  philosophique  et  paternel  dont  la 
Providence  a  enfin  favorisé  la  République  française,  a  par  la 
dernière  loi  sur  cet  objet  remédié  aux  inconvénients  attachés  à 
l'ancienne  méthode  d'enseignement,  —  que  les  écoles  primaires, 
écoles  secondaires,  Licées  et  écoles  spéciales,  une  fois  établies 
démontreront  la  sagesse  et  la  prévoyance  du  chef  suprême  de  la 
nation  qui  en  a  provoqué  la  loi  et  que  le  peuple  français  grand  à 


238  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

tant  d'égards  deviendra  encore  le  plus^  instruit,  si  les  autorités 
locales  en  secondant  ses  grandes  vues,  se  hâteront  d'organiser 
les  écoles,  dont  l'établissement  est  à  leurs  soins,  à  mesure  que 
les  Licéeset  Ecoles  spéciales  s'établissent  sur  les  différents  points 
de  la  république. 

Considérant  que  le  préfet  qui  a  plu  au  gouvernement  de  nous 
donner  est  si  justeet  si  porté  pour  le  bien  du  pays  confié  à  sonad- 
ministration  et  qu'il  employera  avec  zèle  et  son  autorité  pour  l'exé- 
cution de  ce  point  si  iraportantet  sa  médiation  efficace  pour  obtenir 
du  gouvernement  ce  dont  on  pourrait  lui  demander  pour  cet  objet. 

Considérant  que  la  loi  accorde  des  places  gratuites  dans  les 
Licées  aux  élèves  qui  se  seront  distingués  dans  les  écoles  secon- 
daires et  qu'il  en  résulterait  un  tort  infini  pour  nos  enfants,  si 
faute  d'établir  l'école  secondaire,  ils  vennaicnt  à  être  frustrés 
d'un  si  grand  bienfait. 

Considérant  que  le  gouvernement  a  manifesté  la  bienfaisante 
intention  d'accorder  des  bâtiments  nationaux  pour  servir  d'em- 
placement aux  écoles  secondaires. 

Considérant  que  l'école  secondaire  doit  embrasser  assez  de 
branches  d'instructions,  afin  que  celui,  qui  ne  gagnant  point  de 
places  aux  Licées,  et  ne  pouvant  faire  la  dépense  pour  y  aller  à 
ses  frais,  puisse  y  recevoir  assez  d'instruction  pour  être  familia- 
risé avec  les  éléments  des  dilTérentes  sciences. 

Considérant  que  la  langue  française  devenue  notre  langue  a 
besoin  d'être  familiarisée  dans  ce  département  que  la  langue 
latine  étant  la  langue  de  convention  entre  les  nations  doit  être 
conservée,  que  la  langue  italienne  est  très  nécessaire  dans  ce 
pays  soit  par  la  proximité  de  l'Italie  soit  pour  comprendre  les 
anciens  actes  écrits  en  cette  langue,  que  la  géographie,  l'histoire, 
les  belles-lettres,  l'éloquence,  la  poésie,  la  logique,  la  morale,  la 
grammaire,  les  éléments  des  mathématiques,  la  phisique,  la  chi- 
mie, l'histoire  naturelle  du  département  et  le  dessin  sont  des 
points  indispensables  pour  une  bonne  éducation. 

Considérant  que  quoique  le  traitement  des  professeurs  ne 
puisse  être  dans  un  pays  pauvre,  ruiné  par  l'effet  de  la  dernière 
guerre,  par  les  épidémies  et  dernièrement  encore  par  les  ravages 
de  l'inondation,  ne  puisse  être  analogue  à  l'importance  de  leur 
emploi,  doit  cependant  être  dune  telle  donnée,  que  le  professeur 
en  retire  un  salaire  qui  suffise  à  son  entretien. 


l'enseignement  a   NICE  SOUS  LE  CONSULAT  239 

Considérant  que  ce  traitement  ne  doit  point  être  le  produit 
d'une  rétribution  prise  sur  les  élèves,  mais  qu'ils  doivent  trouver 
l'instruction  gratuite,  afin  que  quelque  citoj^en  peu  fortuné  ne 
puisse  être  privé  par  une  rétribution  quoique  modique,  du  bon- 
heur de  donner  de  l'instruction  à  ses  enfants  et  la  société  perdre 
par  ce  moyen  quelque  génie. 

Considérant  enfin  que  quoique  l'école  secondaire  établie  sur 
les  bases  ci-dessus  énoncées  soit  en  effet  un  collège  qui  servira 
pour  tout  le  département  et  que  sous  ce  rapport  le  département 
devrait  contribuer  à  ces  fraix,  cependant  le  conseil  municipal  est 
disposé  à  les  faire  supporter  tous  provisoirement  à  la  ville  de 
Nice  plutôt  que  de  voir  ou  entraver  ou  retarder  sa  mise  en  acti- 
vité par  les  difficultés  à  faire  concourir  les  autres  communes. 

Délibère 

Art.  1.  If  sera  demandé  au  gouvernement  le  même  local  de 
l'école  centrale  suprimée  pour  servir  à  l'école  secondaire  de  cette 
ville  et  à  cet  effet  le  préfet  sera  prié  d'appuj'er  cette  demande. 

Art.  2.  II  sera  demandé  au  préfet  l'autorisation  de  la  lui  établir 
provisoirement. 

Art.  3.  Dans  cette  école  on  y  enseignera  sans  obliger  les  élèves 
à  aucune  rétribution  la  langue  française,  la  latine  et  l'italienne, 
la  géographie,  l'histoire,  les  belles-lettres,  l'éloquence,  la  poésie, 
la  logique,  la  morale,  la  grammaire,  les  éléments  des  mathémati- 
ques, la  phisique,  la  chimie,  l'histoire  naturelle  du  déparlement 
el  le  dessin.  Q  en  conséquence  il  y  aura  les  classes  ci-après. 

Cinquième,  dans  laquelle  on  expliquerait  les  deux  premiers 
livres  de  Phèdre,  les  Colloques  d'Erasme,  les  Selectœ  è  veteri 
testamento,  on  exercerait  la  mémoire  des  élèves,  en  leur  faisant 
réciter  le  nouveau  testament  et  les  rudiments  des  langues  fran- 
çaise et  latine  et  deux  fois  par  semaine  on  donnera  une  leçon  de 
langue  italienne. 

Quatrième,  dans  laquelle  on  commencerait  par  expliquer  les 
trois  derniers  livres  de  Phèdre,  les  épitres  familières  de  Cicéron 
et  à  enseigner  la  mithologie,  et  les  éléments  de  la  géographie, 
ensuite  on  expliquerait  le  Cornélius  Nepos,  les  Eglogues  de  Vir- 
gile, et  le  Cicero  d'officiis,  on  continuerait  à  exercer  la  mémoire 
des  élèves  en  leur  faisant  réciter  par  cœur  au  commencement  de 
la  classe,   une  portion  donnée  des  livres  ci-dessus,  il  serait  bien 


240  REVUE   HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

de  donner  aussi  dans  cette  classe  la  nouvelle  méthode  de  Port 
Roj'^al  pour  apprendre  la  quantité. 

Troisième,  on  expliquera  dans  cette  classe  les  deux  premiers 
livres  de  l'Enéide,  le  Quinte  Curse,  les  Commentaires  de  César 
et  quelques  Oraisons  de  Gicéron  ;  on  obligera  les  élèves  à  réciter 
les  meilleurs  morceaux  de  ces  auteurs  et  à  les  traduire  de  latin 
en  français  ;  on  commencera  aussi  à  exercer  les  élèves  à  la  poésie 
latine  et  chaque  jour  on  enseignera  pendant  demi-heure  la  partie 
de  l'histoire  qui  serait  désignée. 

Seconde  ou  Belles-Lettres.  Le  professeur  devra  aussi  exercer 
les  élèves  à  la  traduction,  il  leur  fera  connaître  les  différents 
poètes  français,  et  leur  expliquera  les  troisième  et  quatrième 
livres  de  l'Enéide,  les  Odes  d'Horace,  les  Oraisons  de  Cicéron  et 
Salluste  pour  l'histoire. 

Eloquence  ou  Rhétorique.  On  s'appliquera  à  cette  classe  à 
faire  composer  aux  élèves  des  petits  discours,  dits  amplifications, 
on  les  exercera  à  la  poésie  française,  et  à  l'éloquence,  on  expli- 
quera les  derniers  livres  de  l'Enéide,  l'art  poétique  d'Horace  et 
de  Boileau  pour  les  comparer  et  Tite  Live  pour  l'histoire. 

Logique  et  Morale.  Dans  cette  classe  on  enseignerait  la  gram- 
maire générale,  la  Logique  et  la  morale  pour  la  leçon  du  matin 
et  donnerait  pour  la  leçon  du  soir  les  éléments  des  mathémati- 
ques savoir  tout  ce  qui  a  rapport,  à  l'arithmétique,  la  géométrie, 
jusqu'à  la  trigonométrie  et  l'algèbre  jusqu'aux  équations  du 
second  degré. 

Phisique.  Dans  cette  classe  on  enseignera  la  phisique  et  chi- 
mie autant  que  les  moyens  du  pays  le  permettraient,  les  objets 
d'histoire  naturelle  du  département  seraient  préférés  pour  les 
expériences. 

Dessein.  Dans  cette  classe  on  s'appliquera  de  préférence  aux 
objets  utiles  aux  arts  mécaniques. 

Art.  4.  Il  y  aura  un  professeur  surnuméraire  qui  en  cas  de 
maladie  de  quelque  professeur  le  remplacera  et  il  sera  en  même 
temps  chargé  de  la  bibliothèque. 

Art.  5.  Il  y  aura  aussi  un  concierge  qui  aura  soin  d'ouvrir 
et  fermer  les  classes,  les  balayer  ainsi  que  les  corridors  et  fera 
tout  ce  qui  lui  sera  ordonné  par  les  professeurs  pour  le  service 
de  l'école. 

Art.  6.  On  fera  les   démarches  nécessaires   pour  obtenir  du 


l'enseignement  a  NICE  SOUS  LE   CONSULAT  241 

gouvernement  la  bibliothèque  de  l'école  centrale,  le  préfet  sera 
de  même  prié  d'employer  ses  bons  offices  pour  cet  objet. 

Art.  7.  Les  professeurs  jouiront  d'un  traitement  de  douze  cent 
francs  par  an,  payé  par  trimestres  expirés  ;  le  concierge  aura 
trois  cent  francs  et  le  logement. 

Art.  8.  Le  conseil  fera  provisoirement  les  fonds  au  budget  de 
l'an  douze  et  ainsi  d'année  en  année  et  pour  les  six  mois  de  l'an- 
née courante  il  y  sera  pourvu  par  tous  les  moyens  possibles. 

Art.  9.  La  phisique,  la  chimie,  et  le  dessein  nécessitant  des  dé- 
penses journalières  :  le  conseil  fixe  la  somme  de  cinq  cent  francs 
par  an  à  cet  objet  qui  seront  aussi  comprises  dans  le  budget 
annuel. 

Art.  10.  L'année  scolastique  commencera  au  l^""  brumaire  et 
terminera  au  30  thermidor,  mais  les  derniers  quinze  jours  seront 
employés  à  l'examen  des  élèves  pour  reconnaître  s'ils  sont  dans 
le  cas  de  passer  d'une  classe  à  l'autre. 

Art.  11.  Toutes  les  classes  auront  deux  séances  d'instruction 
par  jour,  une  le  matin,  l'autre  l'après  midi.  La  cinquième,  qua- 
trième, troisième,  seconde  et  rhétorique  resteront  deux  heures  en 
séance.  La  logique,  la  phisique,  ne  resteront  qu'une  heure,  le 
dessein  ne  donnant  qu'une  leçon  le  soir,  elle  sera  de  deux  heures. 
Le  professeur  donnera  dans  la  même  leçon  les  principes  de  l'or- 
nement, de  l'architecture,  de  la  perspective,  de  sculpture,  de 
dessein  et  de  peinture  selon  que  les  élèves  se  destineront  à  quel- 
qu'une de  ces  différentes  matières.  Il  n'y  aura  de  jour  de  vacance 
que  le  jeudi  et  le  dimanche  et  les  fêtes  nationales  et  autres  recon- 
nues par  le  concordat. 

Art.  12.  Le  conseil  se  réserve  à  prendre  les  moj'^ens  d'établir 
un  pensionnat  après  avoir  obtenu  du  gouvernement  le  tout 
demandé  et  après  la  mise  en  activité  de  l'école. 

Art.  13.  Les  trois  écoles  primaires  établies  dans  cette  ville  se 
tiendront  dans  un  local  qui  puisse  les  réunir  et  il  sera  établi  une 
gradation  dans  l'enseignement  afin  que  le  premier  enseigne  sim- 
plement à  lire  et  écrire  correctement  le  français,  le  second  ensei- 
gne à  lire  le  français  et  le  latin  et  commence  à  exercer  la  mémoire 
des  élèves  ;  le  troisième  enseigne  les  déclinaisons  et  les  conjugai- 
sons, qu'il  exerce  la  mémoire  en  faisant  réciter  les  noms  et  les 
verbes  en  latin  et  français,  enfin  qu'il  enseigne  les  concordances 
pour  que  ses  élèves  puissent  passer  en  cinquième   en  état  d'y 

IIKV.   mST.    UE   L.\  KkVOL.  3 


242  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

profiter.  Ces  instituteurs  auront  un  traitement  de  six  cent  francs 
chaque  par  an  et  ne  retireront  aucune  rétribution  des  élèves.  Le 
conseil  leur  fournira  en  outre  le  local  pour  leurs  classes. 

Art.  14.  Le  conseil  propose  pour  professeurs  les  citoyens 
ci-après. 

Jaume  pour  professeur  de  cinquième  ;  Scudéry  ex  moine,  de 
quatrième;  Loques,  de  troisième  ;  Raybaud,  de  seconde  et  belles- 
lettres  ;  Pierrugues,  éloquence  et  rhétorique  ;  Travagne,  Logique, 
morale  et  Mathématiques  ;  Foderé,  physique,  chimie,  et  histoire 
naturelle  ;  Florence,  pour  le  dessein  ;  Giraudi,  bibliothécaire  et 
surnuméraire  ;  Loigerot,  concierge. 

Art.  15.  Le  maire  est  invité  de  vouloir  avant  l'époque  de  la 
mise  en  activité  de  l'école,  faire  imprimer  une  circulaire  qui 
annonce  toutes  les  parties  de  l'enseignement  et  le  nom  des  profes- 
seurs pour  être  envoj'ée  dans  toutes  les  communes  du  départe- 
ment et  environnantes  tant  dans  le  département  du  Var  que  de 
la  Ligurie. 

Art.  16.  La  présente  délibération  sera  sans  délai  envoj'ée  au 
préfet  pour  être  soumise  à  son  approbation. 

Art.  17.  Une  commission  de  trois  membres  du  conseil  sera 
chargée  de  la  lui  présenter, 

Fait  et  délibéré  en  séance,  à  Nice,  les  jours,  mois  et  an  que 
dessus. 

F.  ToRRiNi,  adjoint. 

II 

RÈGLEMENT  DE  l'ÉCOLE   PRIMAIRE  DE  NICE 

(Nice.  Arch.  M'"  :  D  :  XfH.  25  floréal  an  XI,  p.  269  el  sq.) 
Chapitre  I 

Art.  1.  L'enseignement  est  divisé  en  4  parties  sous  la  déno- 
mination de  7*.  6*^,  5-  et  4^. 

Art.  2.  L'instruction  est  progressive,  les  élèves  seront  seule- 
ment admis  dans  les  classes  qui  sont  à  leur  portée.  Le  directeur 
de  l'école  secondaire  conjointement  avec  deux  instituteurs  de  la 
dite  école  primaire  fairont  des  examens  pour  juger  de  leur  capa- 
cité et  de  la  classe  à  laquelle  ils  pourront  être  admis. 

Art.  3.  Chaque  instituteur  tiendra  le  nom  de   ses   élèves  dans 


l'enseignement  a  NICE  SOUS  LE  CONSULAT  243 

un  registre  où  il  sera  inscrit,  il  ne  pourra  refuser  un  élève  qui  lui 
présentera  un  billet  d'admission  du  directeur. 


Chapitre  II 
Enseignemenl 

Art.  4.  La  lecture,  l'écriture,  les  déclinaisons,  les  conjugai- 
sons, les  langues  latine  et  française,  et  l'histoire  sainte  seront 
enseignées  à  l'école  primaire. 

Art.  5.  L'instituteur  de  7«  est  chargé  d'enseigner  à  lire  et 
écrire  correctement  le  français. 

Art.  6.  L'instituteur  de  6*^  enseignera  les  déclinaisons,  les 
conjugaisons  et  les  concordances  et  commencera  à  faire  réciter 
les  élèves. 

Art.  7.  L'instituteur  de  h'^  donne  les  premiers  éléments  de  la 
grammaire  de  Wailly  et  continue  à  faire  faire  les  concordances  ; 
il  explique  les  colloques  d'Erasme  et  l'Appendix  de  Diis  de 
Juvency,  il  faira  traduire  du  latin  en  français,  l'histoire  faira 
partie  de  sa  classe. 

Art.  8.  L'instituteur  de  4'-'  suivra  la  méthode  qui  sera  la  plus 
convenable  à  ses  élèves,  il  leur  rendra  familier  l'abrégé  de 
Waill}',  il  exercera  ses  élèves  à  la  traduction  du  latin  en  français, 
il  expliquera  Phèdre,  De  Viris  illustribus,  le  Sévère  Sulpice, 
l'étude  de  l'histoire  sainte  sera  complétée  dans  cette  classe. 

Art.  9.  Les  rudiments  des  langues  par  Bistac  seront  adoptés 
et  suivis  dans  ces  3  dernières  classes  ;  on  ne  pourra  en  suivre 
d'autres,  attendu  l'uniformité  qui  doit  régner  entre  l'école  pri- 
maire et  l'école  d'arrondissement.  On  exercera  la  mémoire  des 
élèves  dans  ces  3  classes,  au  moyen  des  déclinaisons,  des  conju- 
gaisons et  de  tout  ce  qu'il  appartient  aux  règles  des  grammaires 
latine  et  française. 

Chapitre  III 

Des  leçons  et  des  éludes 

Art.  10.  Toutes  les  classes  auront  deux  séances  par  jour. 
Art.  IL  La  durée  des  leçons  est  de  deux  heures  par  séances 
indistinctement  pour  chaque  classe. 


244  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA.    RÉVOLUTION  FRANÇAI  SE 

Chapitre  IV 
De  l'ouverture  des  écoles  et  des  vacances 

Art.  12.  L'ouverture  de  l'année  scholastique  primaire  est  fixée 
au  1^'^  vendémiaire.  Pour  le  temps  qui  reste  de  l'année  courante, 
elle  s'ouvrira  au  l'^'"  prairial  prochain. 

Art.  13.  Les  vacances  commenceront  au  30  thermidor  de 
chaque  année,  et  finissent  le  5"  jour  complémentaire. 

Art.  14.  —  Les  vacances  pendant  l'année  scholastique  sont  les 
mêmes  qu'à  l'école  d'arrondissement. 

Chapitre  V 

Des  compositions 

Art.  15.  Il  y  aura  des  compositions  particulières  et  générales 
pour  les  classes  de  6*^,  5''  et  4<=. 

Art.  16.  Les  jours  et  époques  pour  ces  compositions  seront 
les  mêmes  qu'à  l'école  d'arrondissement.  Le  Directeur  de  cette 
école  est  chargé  en  outre  des  compositions  générales. 

Art.  17.  Il  y  aura  pour  la  5'=  et  4®  des  exercices  littéraires,  les 
élèves  expliqueront  les  auteurs  qu'ils  ont  suivi. 

Art.  18.  Des  prix  seront  distribués  à  ceux  des  élèves  qui  se 
seront  distingués  dans  ces  deux  dernières  classes. 

Chapitre  VI 
De  l'entrée  et  sortie  des  classes 

Art.  19.  L'heure  d'entrée  et  sortie  des  classes  est  la  même 
qu'à  l'école  d'arrondissement,  elles  seront  annoncées  par  le  son 
de  la  cloche. 

Art.  2J.  Il  y  aura  une  demi-heure  d'attente.  Chaque  institu- 
teur se  rendra  à  son  tour  au  local  destiné  à  l'école  primaire  pour 
faire  observer  pendant  cette  demi-heure  la  discipline  et  y  mainte- 
nir la  décence  et  la  concordance. 

Chapitre  VII 

Des  élèves 

Art.  21.  Nul  élève  ne  sera  reçu  à  l'école  primaire  sans  se 
présenter  au  Directeur,  qui  l'examinera  de  concert  avec  l'institu- 
teur de  ô**  et  en  présence  du  Directeur  de  l'école  d'arrondisse- 


l'enseignement  a  NICE    SOUS  LE  CONSULAT  245 

ment  ;  l'élève  sera  ensuite  admis  dans  la  classe  pour  laquelle  il 
aura  été  jugé  capable. 

Art.  22.  Les  élèves  se  conformeront  au  règlement  ;  ils  sont 
tous  sous  la  police  immédiate  du  Directeur,  et  des  Instituteurs, 
ils  se  comporteront  avec  décence  dans  l'école. 

Art.  23.  Les  instituteurs  ont  chacun  en  ce  qui  les  concerne 
la  force  coactive. 

Chapitre  VIII 
Des  punitions 

Art.  24.  Tout  élève  qui  manque  à  son  devoir  est  puni. 

Art.  25.  Les  punissions  consistent  à  des  peines  qui  affectent 
l'âme  et  le  cœur  de  l'élève  et  jamais  le  phj'sique,  les  punitions 
peuvent  s'élever  jusques  à  l'exclusion  de  l'école. 

Art.  26.  L'exclusion  temporaire  ou  perpétuelle  de  l'Ecole  ne 
peut  avoir  lieu  qu'après  avoir  été  prononcée  par  le  directeur  et 
approuvée  par  le  maire. 

Art.  27.  La  surveillance  immédiate  de  l'école  primaire  appar- 
tient au  directeur  de  l'école  d'arrondissement  sous  l'inspection 
du  maire. 

Art.  28.  Pour  prévenir  tout  abus  dans  l'instruction,  pour 
tâcher  d'obtenir  cette  uniformité,  de  laquelle  résulte  le  progrès 
de  la  jeunesse,  nul  individu,  autre  que  les  instituteurs  primaires, 
ne  pourra  enseigner,  s'il  n'a  subi  un  examen  donné  par  deux 
professeurs  de  l'école  d'arrondissement  en  présence  du  conseil 
d'administration  et  s'il  n'a  obtenu  l'autorisation  du  préfet. 

Art.  29.  Comme  on  ne  saurait  trop  s'assurer  de  la  moralité 
d'une  personne  qui  se  destine  à  l'éducation  de  la  jeunesse, 
comme  il  n'y  a  rien  de  plus  essentiel,  et  de  plus  délicat  que  l'ins- 
truction, que  c'est  par  elle  que  l'on  forme  des  citoyens  vertueux, 
honnêtes,  probes,  et  attachés  au  gouvernement,  des  bons  fils,  de 
bons  pères,  de  bons  amis,  de  bons  époux;  que  par  conséquent  le 
Magistrat  ne  peut  user  trop  d'attention  et  de  vigilance;  !es  institu- 
teurs qui  obtiendraient  la  faculté  d'enseigner  seront  tant  eux,  que 
leurs  élèves  soumis  à  la  même  surveillance,  que  celle  qui  est 
exercée  pour  l'école  primaire. 

Art.  30.  Le  présent  règlement  sera  imprimé,  publié  et  affiché 
dans  les  lieux  accoutumés  dans  cette  commune  ;  des  exemplaires 


246  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

en  seront  envoyés  aux  instituteurs  et  au  directeur,  qui  est  chargé 
d'en  surveiller  l'exécution. 

Art.  31.  Le  présent  sera  adressé  au  préfet  pour  avoir  son 
approbation.  Fait  à  la  Mairie  de  Nice,  en  conseil  d'administra- 
tion le  23  floréal  an  11^  rép".  Signé  :  F.  Torrini,  adjoint  faisant 
les  fonctions  de  Maire,  Joseph  Scudéry  aîné  directeur  de  l'école 
primaire,  Joseph  André  Clerico  professeur  de  grammaire. 

Vu  el  approuvé 

Nice  le  25  floréal  an  onze.  Le  préfet  du  département  des 
Alpes-Maritimes. 

Signé  :  Chateauneuf-Randon. 

III 

REGLEMENT    DE    l'eCOLE    d'aRRONDISSEMENT     DE    MCE 

(Nice.  Arch.  Af^^  D.  XIII.  23  fioréal  an  XI,  p.  273  et  sq.) 

Chapitre  I 
Du  mode  de  l'Enseignement 

Art.  1.  L'instruction  est  graduelle  ;  les  élèves  ne  fréquente- 
ront que  les  classes  qui  sont  à  leur  portée,  ils  ne  sont  admis  et 
ne  passent  à  des  classes  d'un  degré  supérieur  qu'après  en  avoir 
été  jugés  dignes  par  un  examen. 

Art.  2.  Cet  examen  est  fait  par  le  directeur  de  l'école  et  les 
professeurs. 

Art.  3.  Chaque  professeur  est  chargé  de  prendre  le  nom  et 
l'âge  de  ses  élèves  et  d'en  tenir  registre,  chaque  professeur  rece- 
vra et  admettra  dans  la  classe  tout  élève  qui  lui  présentera  un 
billet  dadmission  signé  du  Directeur  pour  la  classe  dont  il  est 
chargé. 

Chapitre  II 

Objets  de  l'enseignement 

Art.  4.  Le  professeur  de  3^  suit  la  méthode  qu'il  connoit  être 
la  meilleure  d'après  son  expérience  ;  il  perfectionnera  la  connais- 
sance de  la  langue  française  ;  et  pour  y  parvenir  il  fera  lire  la 
grammaire  de  Wailly,  les  Synonimes  de  Girard,  Ovide  Tristium, 
les  Offices  de  Ciceron  et  Cornélius  Nepos.  Il  fait  réciter  pour  for- 


l'enseignement  a  NICE  SOUS  LE   CONSULAT  247 

mer  la  mémoire  des  jeunes  élèves  des  morceaux  choisis  de  ces 
auteurs  et  il  se  sert  de  Fabrégé  de  la  nouvelle  méthode  de  Port 
Royal  pour  approfondir  les  règles  de  la  grammaire  et  apprendre 
celles  de  la  quantité  pour  la  Poésie  latine.  Il  donne  de  plus  les 
éléments  de  la  géographie,  il  exerce  ses  élèves  à  la  composition 
et  à  la  traduction  du  latin  en  français  et  du  français  en  latin.  On 
apprendra  dans  cette  classe  la  poésie  latine  qui  sera  continuée 
dans  les  classes  supérieures.  Dans  cette  classe  il  sera  donné  égale- 
ment des  leçons  d'anglais. 

Art.  5.  Le  professeur  de  seconde  ou  belles-lettres  suit  la  même 
marche  ;  il  explique  les  Géorgiques  de  Virgile,  les  Commentaires 
de  César  ou  Quinte  Curce,  les  Oraisons  de  Cicéron  pro  lege  Ma- 
nilia,  pro  Archia  poeta,  pro  Marcello  etc.  Il  fait  réciter  aux  élè- 
ves des  morceaux  choisis  de  ces  auteurs  auxquels  il  joindra  les 
fables  de  la  Fontaine,  il  donnera  les  règles  de  la  poésie  française; 
on  perfectionnera  dans  cette  classe  les  élèves  pour  la  traduction  ; 
on  les  exercera  dans  la  composition  des  fables  et  des  narrations  ; 
le  même  professeur  est  chargé  du  calcul  tant  de  l'ancien  que  du 
nouveau  système  ainsi  que  de  la  géométrie  jusqu'à  la  trigonomé- 
trie, il  enseignera  de  plus  la  mythologie  ;  la  poésie  latine  faira 
aussi  partie  de  cette  classe. 

Art.  6.  Le  professeur  de  rhétorique  donnera  les  règles  de 
l'éloquence  ;  il  expliquera  les  odes  et  l'art  poétique  d'Horace, 
l'Enéide,  les  discours  de  Cicéron  pro  Millon,  Tite  Live  et  il  y 
joindra  les  Odes  de  Rousseau  ;  il  est  chargé  d'enseigner  l'his- 
toire ;  il  accoutumera  ses  élèves  à  une  diction  courte,  simple  et  la- 
conique ;  il  les  exercera  dans  le  genre  épistolaire  et  à  la  composi- 
tion de  petits  discours,  dits  amplification,  de  même  qu'à  la  poésie 
française.  C'est  surtout  dans  cette  classe  que  le  génie  des  élèves 
doit  être  stimulé  et  formé  par  la  citation  et  les  comparaisons  des 
meilleurs  auteurs  soit  anciens,  soit  modernes,  soit  latins  ou 
français.  Il  les  exercera  à  l'éloquence  du  barreau  et  de  la  chaire. 
Il  ne  manquera  pas  de  faire  apprendre  par  cœur  l'Art  poétique  de 
Boileau,  afin  d'être  dans  le  cas  de  le  comparer  avec  celui 
d'Horace,  les  autres  leçons  seront  tirées  des  auteurs  qu'il  expli- 
quera. 

Art.  7.  Le  professeur  de  Logique,  Physique  expérimentale, 
Chimie  et  histoire  naturelle,  s'applique  à  perfectionner  l'art  de 
raisonner,    il    donne    un  traité    d'idéologie  et  de  Dialectique,  il 


248  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

expose  en  physique  tous  les  principaux  phénomènes  de  la  nature; 
en  chimie  il  tâche  d'appliquer  cette  science  aux  arts  en  général  et 
particulièrement  à  ceux  qui  sont  cultivés  ou  qui  peuvent  l'être 
dans  ce  département  de  même  qu'à  l'analyse  de  ses  minéraux  et 
au  parti  qu'on  peut  en  tirer. 

Art.  8.  Le  professeur  du  dessein  fait  l'application  de  cet  art  à 
toutes  les  professions  qui  en  ont  un  besoin  direct  comme  l'archi- 
tecture, le  génie,  la  serrurerie,  la  maçonnerie  et  autres  branches 
de  mécanique.  Après  avoir  achevé  de  donner  à  ses  élèves  la 
théorie  du  Genèse,  de  la  figure  et  de  la  perspective  linéaire,  il  les 
divise  en  deux  classes,  en  ceux  qui  se  destinent  à  la  peinture  pro- 
prement dite  et  en  ceux  qui  désirent  embrasser  une  autre  profes- 
sion. Il  insiste  pour  ces  derniers  dans  la  théorie  des  genres  de 
l'ornement,  de  la  fleur,  de  la  feuille  et  dans  la  touche  comparative 
des  solides  et  des  fluides  etc. 

Chapitre  III 
Des  leçons  et  des  classes 

Art.  9.  Toutes  les  classes  auront  deux  séances  par  jour. 

Art.  10.  La  durée  des  leçons  est  de  deux  heures  le  matin  et  au- 
tant le  soir  pour  les  classes  de  3^,  belles-lettres  et  dessein  ;  d'une 
et  demi  pour  les  classes  de  rhétorique,  de  logique  et   physique. 

Art.  IL  Dans  ces  deux  heures  n'est  point  comprise  la  demi- 
heure  d'entrée. 

Art.  12.  La  bibliothèque  est  ouverte  tous  les  jours  pairs  pen- 
dant l'année  scholastique  depuis  10  heures  du  matin  jusqu'à  midi 
et  depuis  3  heures  après-midi  jusqu'à  cinq  ;  il  ne  sera  remis  qu'aux  ' 
professeurs  des  livres  pour  lire  chez  eux,  ils  en  feront  un  reçu 
qu'ils  signeront.  Dans  les  jours  impairs  le  bibliothécaire  donnera 
des  leçons  de  trigonométrie  et  d'algèbre  jusqu'aux  équations 
du  2°. 

Chapitre  IV 

Ouvertures  et  vacances  des  Ecoles 

Art.  13.  L'ouverture  de  l'école  a  lieu  au  1«'  brumaire. 

Art.  14.  Un  discours  en  français  ou  latin  est  prononcé  à  cette 
occasion  alternativement  par  le  professeur  de  3'^,  de  belles-lettres; 
le  sujet  est  indéterminé,  un  discours  sera  également  prononcé  par 
un  des  membres  du  conseil  d'administration  de  l'école. 


l'enseignement  a  NICE  SOUS  LE  CONSULAT  249 

Art.  15.  A  la  clôture  de  l'année  scholatique  le  professeur  de 
rhétorique  prononcera  un  discours  en  français  dont  le  sujet  est 
aussi  indéterminé. 

Art.  16.  Les  vacances  commencent  au  15  thermidor  de  chaque 
année  et  finissent  au  30  vendémiaire  suivant. 

Art.  17.  Pendant  l'année  scholatique  il  n'y  a  d'autres  vacances 
que  le  jeudi,  le  dimanche,  les  fêtes  nationales  et  autres  détermi- 
nées par  le  concordat. 

Art.  18.  On  pourra  dans  des  circonstances  extraordinaires 
accorder  d'autres  vacances  ;  dans  ce  cas,  elles  seront  déterminées 
par  le  conseil  d'administration  sur  la  proposition  du  directeur. 

Art.  19.  Tous  les  jours  de  fête  il  y  aura  exercice  spirituel  dans 
lequel  on  adressera  aux  élèves  un  discours  moral,  et  on  y  célé- 
brera l'office  divin  lorsque  l'on  aura  pu  obtenir  un  local  pour  cet 
objet. 

Art.  20.  Pour  l'exécution  de  l'article  précédent  il  sera  demandé 
au  préfet  l'autorisation  d'obtenir  un  aumônier  de  l'école  et  il  lui 
sera  fait  invitation  pour  l'établissement  d'une  chapelle  particu- 
lière. 

Chapitre  V 

Des  compositions 

Art,  21.  Il  y  aura  des  compositions  particulières  et  des  com- 
positions générales. 

Art.  22.  Les  compositions  particulières  auront  lieu  dans  cha- 
que classe  d'humanité  une  fois  toutes  les  semaines.  Les  profes- 
seurs feront  cette  composition  le  vendredi  de  préférence,  ils  as- 
signeront les  places  le  lendemain,  ou  pour  le  plus  tard  le  lundi 
suivant. 

Art.  23.  Le  directeur  fera  faire  une  composition  générale  au 
commencement  du  carême,  et  plusieurs  autres  à  la  fin  de  l'année 
scholastique. 

Art.  24.  Il  sera  donné  des  exercices  littéraires  où  les  élèves 
expliqueront  et  rendront  compte  des  auteurs  qu'ils  auront  suivis  ; 
les  douze  premiers  jours  de  Thermidor  seront  employés  à  ces 
exercices,  qui  seront  accompagnés  des  examens  particuliers  pour 
s'assurer  des  progrès  et  de  la  capacité  des  élèves  et  leur  servir  de 
titre  pour  passer  à  une  classe  supérieure. 

Art.  25.  L'exercice  littéraire  donné  par  le  professeur  de  rhéto. 


250  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

rique  et  le  discours  qu'il  prononcera  seront  suivis  de  la  distribu- 
tion des  prix. 

Art.  26.  Des  prix  seront  solennellement  distribués  le  13  ther- 
midor ;  les  noms  des  élèves  qui  les  ont  obtenus  seront  proclamés, 
il  sera  dressé  procès-verbal  de  cette  distribution  et  copie  en  sera 
envoyée  au  ministre  de  l'intérieure,  au  conseiller  d'état  chargé  de 
l'instruction  publique,  au  préfet  du  département  et  aux  parens  des 
élèves  qui  auront  remportés  les  prix. 

Chapitre  VI 
Des  heures  d'entrée  et  de  sortie  des  classes 

Art.  27.  Pendant  les  cinq  premiers  mois  de  l'année  scholasti- 
que  on  ira  à  l'école  le  matin  à  huit  heures,  et  on  entrera  en  classe 
à  huit  heures  et  demi  précises,  pour  en  sortir  à  dix  heures  et 
demi,  on  retournera  à  l'école  à  urje  heure  et  demi  après  midi  et  on 
en  sortira  à  quatre  heures  précises.  Pendant  les  autres  mois  on 
entrera  en  classe  demi-heure  plutôt  le  matin  et  demi  heure  plus 
tard  l'après  midi,  la  séance  durera  toujours  deux  heures. 

L'ouverture  des  classes  sera  annoncée  par  la  grande  cloche  de 
la  ville. 

Art.  28.  Les  séances  des  classes  de  rhétorique  et  de  philoso- 
phie ne  dureront  qu'une  heure  et  demi. 

Art.  29.  Le  professeur  de  belles-lettres  étant  chargé  aussi  des 
leçons  d'arithmétique,  du  calcul  décimal  et  de  géométrie,  il  don- 
nera ces  leçons  dans  les  jours  pairs  des  trois  derniers  mois  de 
l'année  scholastique  depuis  dix  heures  du  matin  jusqu'à  midi  et 
pendant  ce  tems  il  ne  fera  point  d'autre  classe  le  matin  des  jours 
pairs. 

Art.  30.  Le  bibliothécaire  étant  pareillement  chargé  des  leçons 
de  trigonométrie  et  d'algèbre,  il  les  donnera  dans  les  jours  impairs 
depuis  dix  heures  jusqu'à  midi  et  pendant  ce  temps  la  bibliothè- 
que sera  fermée  le  matin. 

Art.  3L  Une  cloche  placée  dans  l'intérieur  de  l'école  annoncera 
l'entrée  et  la  sortie  des  classes,  le  concierge  est  chargé  de  cette 
opération. 

Art.  32.  Chaque  professeur  à  son  tour  se  rendra  à  l'école 
pour  veiller  au  maintien  du  bon  ordre  pendant  la  demi-heure 
d'attente. 


l'enseignement  a  NICE  SOUS  LE   CONSULAT  251 

Chapitre   VII 
Des  Elèves 

Art.  33.  Pour  être  admis  à  l'école,  les  élèves  doivent  se  pré- 
senter au  directeur,  en  obtenir  un  billet  portant  déclaration  que 
par  l'examen  subi  ils  ont  mérité  d'être  admis  à  la  classe  désigné 
dans  ledit  billet.  Les  professeurs  rempliront  ensuite  les  conditions 
portées  par  l'article  3. 

Art.  34.  Les  élèves  une  fois  admis  devront  se  conformer  au  rè- 
glement, ils  sont  sous  la  police  immédiate  du  professeur  et  du  direc- 
teur, ils  doivent  se  comporter  avec  décence  dans  l'enceinte  de  l'école 
et  ils  ne  peuvent  y  entrer  qu'aux  heures  fixées  pour  les  leçons. 

Art.  35.  Les  professeurs  ont  chacun  en  ce  qui  les  concerne  la 
force  coactive. 

Art.  36.  Tout  élève  qui  manque  à  ses  devoirs  est  pour  la  pre- 
mière fois  admonesté  par  son  professeur,  pour  la  seconde  fois  il 
l'est  par  le  directeur  en  présence  du  conseil  d'administration  de 
l'école  et  des  autres  élèves.  S'il  récidive  son  nom  est  affiché 
publiquement  dans  l'enceinte  de  l'école  avec  la  désignation  des 
manquements  auxquels  il  s'est  livré,  et  pour  des  choses  graves, 
surtout  en  matière  de  rnœurs,  il  est  renvoyé  de  l'école  après  un 
jugement  du  conseil  d'administration  et  après  en  avoir  obtenu 
l'approbation  du  préfet. 

Chapitre  VIII 
De    la    Botanique 

Art.  37,  Le  démonstrateur  de  botanique  donnera  ses  leçons 
dans  la  saison  propice,  son  cours  durera  tant  qu'il  sera  nécessaire. 
Le  Jardin  botanique  est  le  lieu  de  ses  séances,  il  fera  en  outre  des 
observations  dans  les  environs  de  Nice  pour  faire  connaître  aux 
élèves  particulièrement  les  plantes  marines  et  subalpines  qui  sont 
dans  ce  climat  très  fécond  dans  cette  production. 

Chapitre  IX 

Du   Concierge 

Art.  38.  Le  concierge  est  aux  ordres  des  professeurs  et  du 
bibliothécaire  pour  tout  ce  qui  concerne  l'école,  il  maintient  la 
propreté  dans  l'intérieur  des  salles  et  des  corridors  ainsi  que  dans 
la  salle  de  la  bibliothèque,  il  ne  peut  jamais  s'absenter  sans  en 
avoir  prévenu  les  professeurs  et  obtenu  la  permission. 


252  REVUE   HISTORIQUE    DE   LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Chapitre  X 

Administration  de  l'Ecole 

Art.  39.  Les  fonctions  du  conseil  d'administration  de  l'école 
seront  gratuites  ;  il  s'assemblera  quatre  fois  par  an  et  plus  souvent 
s'il  le  juge  convenable  ou  si  le  directeur  de  l'école  l'invite.  Le 
directeur  rend  compte  au  conseil  d'administration,  il  y  porte  les 
plaintes  relatives  aux  fautes  graves  qui  pourraient  être  commises 
par  les  professeurs  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  et  par  les 
élèves  dans  leur  conduite.  Dans  le  premier  cas  la  plainte  sera 
communiquée  au  professeur  contre  lequel  elle  sera  dirigée,  elle 
sera  ensuite  adressée  ainsi  que  la  réponse  au  Préfet.  Dans  le  cas 
d'inconduite  ou  d'indiscipline  l'élève  pourra  être  exclu  de  l'école 
par  le  conseil  à  la  charge  par  celui-ci  d'en  rendre  compte  au  pré- 
fet, auquel  appartient  la  surveillance  immédiate  de  l'école. 

Art.  40.  Le  directeur  de  l'Ecole  dans  la  séance  publique  du 
14  thermidor  annoncera  les  vacances  après  avoir  proclamé  le  nom 
de  tous  les  élèves  qui  auront  mérité  par  leur  application  et  leurs 
progrès  de  passer  à  une  classe  supérieure,  il  sera  prononcé  dans 
cette  circonstance  un  discours  par  un  des  membres  du  conseil 
d'administration. 

Art.  41.  Le  présent  règlement  sera  imprimé,  publié  et  affiché 
dans  toutes  les  communes  du  département.  Des  exemplaires  en 
seront  envoyés  au  Ministre  de  l'intérieure,  au  conseiller  d'état 
chargé  de  l'instruction  publique,  aux  professeurs  de  l'école  et  au 
directeur  qui  est  spécialement  chargé  d'en  surveiller  l'exécution. 
Fait  à  Nice,  en  conseil  d'administration  pour  être  soumis  à 
l'approbation  du  préfet,  le  23  floréal  an  onze  de  la  république 
française  une  et  indivisible. 

Signé  fs  ToRRiNi,  adjoint  faisant  les  fonctions  de 
maire.  Bernardin  Clericy  directeur  de  l'école  et  Caravel 
chef  de  la  3''  division  de  la  préfecture. 

Vu  et  approuvé 
Nice  le  25  floréal  an  XI  de  la  république  française 
une  et  indivisible. 
Le  préfet  du  département  des  Alpes-Maritimes. 
Signé  :  Chateacneuf-Randon. 

François  Torrini  adj'  f'  f''"  de  maire. 


LES  PRODROMES  DE   LA   REVOLUTION 
DANS  L'ARDÈCHE  ET  LE  GARD 


UNE  RELATION   INÉDITE 


DE    LA 


RÉVOLTE  DES  MASQUES  ARMES 
DANS  LEBAS-V[VARAIS 

PENDANT  LES  ANNÉES  1782-1783 


Les  troubles  graves  qui  éclatèrent  dans  le  midi  du  Vivarais 
et  dans  le  nord  de  l'Uzège  en  1782-1783  paraissent  avoir  été 
provoqués  en  grande  partie  par  les  abus  des  hommes  d'affaires. 
Les  écrits  du  temps  ne  sont  pas  tendres  pour  les  procureurs,  les 
praticiens  et  autres  gens  de  loi.  Théodore  Chomel  nous  signale 
les  agissements  repréhensibles  des  praticiens  du  Vivarais  dans 
leurs  rapports  avec  la  Cour  des  Conventions  deNimes  ^  Qu'en- 
tendait-on au  juste  par  praticien  et  par  procureur  à  la  fin  de 
l'Ancien-Régime  ?  Guyot,  dans  son  Répertoire  de  Jurisprudence  ^, 
nous  donne  du  praticien  la  définition  suivante  :  «  C'est  celui  qui 
entend  l'ordre  et  la  manière  de  procéder  en  justice  et  qui  suit  le 
barreau.  Et  quand  on  parle  d'un  praticien  simplement,  on  en- 
tend quelqu'un  qui  n'a  d'autre  emploi  que  de  postuler  dans  une 
petite  juridiction  seigneuriale.    Les  juges   absens   peuvent   être 

1.  Mémoire  sur  l'administration  de  la  justice  en  Viuarais.  Toulouse,  1778,  iu- 
4*.  p.  85-6. 

2.  Tome  XLVI  (1781),  p.  524. 


254  REVUE     HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

suppléés  par  desimpies  praticiens  à  défaut  de  gradués.  Les  pro- 
cureurs sont  regardés  comme  les  premiers  praticiens.  «  * 

Quant  au  procureur  postulant,  ou  simplement  procureur  *  , 
«  c'est  un  officier  établi  pour  agir  en  justice  au  nom  de  ceux  qui 
plaident  dans  quelque  juridiction...  A  l'audience,  le  procureur 
assiste  l'avocat  qui  plaide  la  cause  de  sa  partie.  »  Le  juriscon- 
sulte Guyot,  bien  qu'il  ne  traite  que  la  question  de  droit,  ne 
nous  laisse  pas  ignorer  «  ces  chicanes  ou  subtilités  qui  compo- 
sent toute  la  science  de  la  plupart  des  procureurs,  et  par  le 
moyen  desquelles  ils  savent  si  bien  pour  leur  profit  et  à  la  ruine 
de  leurs  parties,  multiplier  les  actes  et  éterniser  les  procès  -  .» 

Un  autre  contemporain,  très  bien  placé  pour  relever  les  exac- 
tions des  hommes  de  loi,  puisqu'il  remplissait  l'office  de  lieute- 
nant-criminel au  bailliage  de  Villeneuve-de-Berg,  M.  de  Ta- 
vernol,  a  laissé  un  mémoire  manuscrit  «  sur  les  abus  et  malver- 
sations des  procureurs  et  gens  d'affaires  du  Vivarais  et  des  Cé- 
vennes  ^  ». 

Les  faits  qui  se  rattachent  à  la  révolte  des  masques  armés  sont 
pour  la  plupart  connus.  Comme  au  temps  des  Camisards,  on  vit 
des  hommes  grimés,  le  visage  recouvert  d'un  masque  ou  bar- 
bouillé de  suie,  pénétrer  inopinément  dans  les  officines  de  pro- 
cureurs, de  praticiens  ou  même  de  notaires  ;  ils  enlevaient  tous 
les  papiers,  les  brûlaient  séance  tenante  dans  les  cheminées  de 
la  maison,  ou  si  la  quantité  en  était  trop  considérable,  les  empor- 
taient dans  des  draps  de  lit  et  y  mettaient  le  feu  en  rase  campagne. 

Les  exploits  de  ces  bandes,  leur  composition  et  leur  allure 
mystérieuses,  ont  fortement  frappé  l'imagination  populaire  et  de 
nombreux  écrivains  en  ont  recueilli  les  échos  dramatiques  dans 
leurs  publications.  Notre  dessein  n'est  pas  d'en  reconstituer  au- 
jourd'hui les  épisodes  sanglants.  Le  sujet  est  trop  considérable  ; 
la  révolte  est  d'ailleurs  liée  à  la  question  de  la  réforme  judiciaire, 
—  une  des  grandes  causes  de  la  Révolution,  —  et  l'ensemble  de 
ces  faits  sera  amplement  étudié  ailleurs  ^  .  Il  nous  suffira  pour 
le  quart  d'heure  d'apporter  au  volumineux  dossier  -*  de  l'affaire 

1.  TomeXLVIII  (1781),  p.  428-38. 

2.  Ibid.,  p.  431. 

3.  Archives  de  M.  Hevraud,  à  Villeueuve-de-Herg  ;  cite  par  l'abbé    Mollier, 
p.    284. 

4.  Histoire  du  Viuarais,  t.  III. 

5.  Sources  manuscrites  :  Archives  de  l'Hérault,  C  47  ;  Archives    de  la  Haute- 


LA    RÉVOLTE    DES    MASQUES    ARMÉS  255 

des  masques  armés  une  relation  inédite  fournie  précisément  par 
l'un  de  ceux  qui  furent  appelés  à  disperser  les  infernales  bandes: 
le  commandant  de  Dampmartin. 

L'historien  de  la  petite  ville  des  Vans,  Marins  Talion,  a  con- 
sacré tout  un  chapitre  de  son  tome  II  aux  masques  armés.  Il  a 
utilisé,  entre  autres  sources,  l'ouvrage  de  M.  Anne-Henri  Cabot, 
vicomte  de  Dampmartin  ,  le  fils  de  ce  même  commandant  qui 
avait  été  chargé  de  la  répression  des  troubles. 

Talion  note  l'arrivée  aux  Vans  de  la  petite  troupe  du  régiment 
de  Périgord  commandée  par  M.  de  Dampmartin.  Il  constate  que 
ce  dernier  dut  se  donner  beaucoup  de  mal  pour  parvenir  à  sur- 
prendre une  trentaine  de  brigands.  Le  comte  de  Périgord,  com- 
mandant en  chef  de  la  province  de  Languedoc,  écrivit  à  M.  de 
Dampmartin  pour  lui  transmettre  les  félicitations  du  ministre, 
mais  en  ajoutant  que  les  éloges  et  les  récompenses  qui  lui  seraient 
décernés  ne  pourraient  avoir  aucun  éclat  :  «  il  faut  même  que 
vous  secondiez  le  désir  qu'a  la  cour  de  présenter  ces  attroupe- 
ments comme  trop  méprisables  pour  avoir  jamais  menacé  de 
produire  quelques  conséquences  fâcheuses  -  »  . 

En  réalité,  la  révolte  des  masques  armés  ne  fut  pas  enrayée  ; 
l'incendie  n'était  que  momentanément  maîtrisé  ;  le  feu  couvait 
sous  la  cendre  ;  il  allait  se  raviver  au  premier  souffle  de  la  tour- 
mente révolutionnaire  et  sous  couleur  de  représailles  accumuler 
bien  des  ruines. 

Jean  Régné. 


Garonne,  C  242fi  ;  Archives  de  l'Ardèche,  G  1084  ;  —  Fonds  Mazon,  Encja-lo- 
pédie  de  l'Ardèche,  suh  verho  Masques  armés  ;  Ghronologie  de  l'Ardèche,  année 
1783  ;  Manuscrits  de  Délichères  ;  Notes  et  pièces  sur  l'histoire  du  canton  des 
Vans  ;  Notes  et  documents  sur  les  Masques  armés,  dossier  formé  par  Firmiu 
Boissin. 

Bibliographie  :  Soulavie,  Mémoires  sur  le  règne  de  Louis  XVI,  t.  \'  (1801),  p. 
199  ;  Abbé  Mollier,  Recherches  sur  Villeneuue-dc-Bcry,  Avignon,  1866,  in-S»,  p. 
284-6;  Védel,  Une  excursion  dans  le  passé,  dans  Annuaire  de  l'Ardèche.  de  1868,  p. 
311-2;  Journal  de  l'Ardèche,  20  avril  1873;  Mazon,  Petites  notes  ardéchoises,  2"  série 
(1874),  p.  54-61)  ;  Histoire  de  Languedoc,  t.  XIII  (1877),  p.  1310-3  ;  Boissin,  Le 
Vivarais  et  leDauphiné  aux  jeux  florau.v  de  Toulouse,  Vienne,  1878,  in-8",  p.  101  ; 
Mazon,  Voyage  autour  de  Priuas  (IHH2),  p.  460-1  ;  Talion,  Histoire  des  Vans, 
t.  II  (1885),  p.  181-96  ;  P.  d'Albigny,  La  criminalité  dans  l'Ardèche,  Privas. 
1887,  in-4',  lettre  de  M.  F.  Boissin  sur  la  criminalité  dans  le  Vivarais,  p.  9-10  ; 
Mazon,  Notice  historique  sur  Jaujac,  La  Souche,  etc.  Privas,  1898,  in- 16,  p. 
236-40. 

1.  La  France  sous  ses  rois,  Paris,  1810,  5  vol.  in-8",  t.  V,  p.  195. 

2.  M.  Talion,  Histoire  des  Vans.  t.  II,  p.  181,  185,  187,  195-6. 


256  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Journal  de  ce  quisest  passé  en  Cévennes  et  en  Viuarais,  lors 
des  attroupemens  masqués  et  armés,  dissipés  par  M.  de  Damp- 
martin,  commandant  de  la  ville  et  département  d'Uzès  et  de 
St-Ambroix  *. 

Il  est  nécessaire  de  prévenir  que  la  misère  des  temps,  le  man- 
que de  récolte  dans  tous  les  genres,  l'exprit  processif  qui  règne 
dans  ce  pays-là,  la  conduite  des  procureurs  et  des  gens  d'af- 
faires, qui  ont  réussi  à  s'enrichir  aux  dépens  des  paysans,  sont 
les  premiers  et  seuls  motifs  des  troubles  qu'il  y  a  eu  en  1783. 

Dez  le  mois  de  juin  1782,  il  parut  une  bande  de  mas- 
que[s]  au  Malpas,  sur  le  chemin  des  Vans-  à  Bannes  ^ ,  qui 
arrêtèrent  un  diné,  que  fesoit  porter  un  avocat,  nommé  par 
M.  le  comte  du  Roure  *  pour  être  juge  de  Bannes  ;  ils  firent 
signe  au  juge  et  aux  procureurs  de  s'en  retourner,  ce  qu'ils 
firent   et    les    masques    mangèrent    le   diné. 

Environ  huit  jours  après,  deux  procureurs  des  Vans 
allant  à  l'audience  à  Bannes,  furent  au  même  lieu  accueillis 
de  quelques  coups  de  fusil,  toujours  par  des  gens  masqués  ; 
ils  retournèrent  bien  vite  sur  leurs  pas. 

On  ne  fit  pas  grand  cas  de  ces  deux  levées  de  boucliers  ; 
tout  paroissoit  tranquile  ;  maisdaas  le  mois  de  janvier  1783, 
on  tenoit  des  propos,  on  disoit  qu'il  faloit  brûler  les  papiers 
des  procureurs  et  on  les  enmenaçoitdans  toutes  les  occasions. 

Le  30  de  janvier,  à  neuf  heures  du  matin,  trente  trois 
masques  armés  entrèrent  dans  la  ville  des  Vans  ;  ils  fu- 
rent directement  chez  le  S*^  Monteil,  procureur,  mirent  des 
sentinelles  aux  avenues  de  sa  maison,  deux  à  la  porte,  et 
montèrent  à  son  cabinet  ;  ils  lui  demandèrent  2000  1.  et 
ses   papiers  ;  celui-cy  leur  dit    qu'il  n'avoit  que   12   1.,  qu'il 

1 .  Saint-Ambroix,  Gard,  arr.  d'Alais.  —  Nous  avons  rectifié  l'accentuation 
par  trop  rudinientaire  du  Journal  ;  mais  nous  avons  cru  ne  devoir  en  corriger 
que  très  légèrement  l'orthographe. 

2.  La  localité  des  \'ans,  aujourd'hui  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement 
de  Largentière,  faisait  partie  autrefois  du  diocèse  d'Uzès  ;  elle  fut  réunie  au 
département  de  l'Ardèche  en  1790. 

3.  Banne,  Ardèche,  arr.  de  Largentière,  cant.  des  Vans. 

4.  Sans  doute,  Denis  Auguste  de  Grimoard  de  Beau\oir  du  Roure,  lieutenant 
général  des  armées  du  roi,  seigneur  de  Banne  et  autres  terres. 


LA    RÉVOLTE    DES    MASQUES    ARMÉS  257 

leur  donna  et  les  conduisit  dans  son  étude  ;  ils  y  trouvè- 
rent un  louis  qu'ils  prirent  et  tous  les  papiers  qu'ils  em- 
portèrent dans  des  draps  hors  de  la  ville  et  y  mirent  le 
feu  ;  pendant  ces  expéditions  les  exprits  se  remirent  un  peu 
de  leur  peur  ;  on  ferma  les  portes  de  la  ville  et  ils  ne  pu- 
rent entrer  après  le  déjeuné  qu'ils  firent  sur  la  promenade 
de  la  Grave,  exactement  à  la  porte  de  la  ville  ;  en  se  retirant, 
ils  passèrent  devant  chez  le  S"^  Roure,  procureur,  qui  habite 
le  fauxbourg  ;  ses  portes  étant  fermées,  ils  ne  tentèrent  pas 
de  les  enfoncer  et  se  bornèrent  à  tirer  quelque  coup  de 
fusil  à  balles  dans  ses  fenêtres. 

Pendant  huit  jours  on  n'entendit  plus  parler  de  rien, 
mais  on  sut  qu'il  y  avoit  des  gens  qui  cherchoient  à  ameu- 
ter le  peuple,  à  faire  des  recrues,  qu'ils  qualifioient  leur 
bande  du  nom  de  troupe  bonnette  du  Vivarais  et  qu'on  en- 
rôloit  tout  ce  qu'on  pouvoit  ;  ils  s'assemblèrent  enfin  et 
nommèrent  des  chefs  et  envoyèrent  dans  les  meilleures 
maisons  de  la  paroisse  de  Banne  et  aux  environs  avec  une 
lettre  portant  :  n  Le  Sr  X  X  X.  donnera  au  porteur  la  somme 
de  X  X.  pour  fournir  à  Ventretient  et  la  subsistance  de  la 
troupe  anglaise  \  qui  a  pris  les  armes  contre  les  procureurs  ». 
Chacun  donna  ce  à  quoi  il  avoit  été  taxé.  L'argent  fut  em- 
ployé à  acheter  de  la  poudre  et  des  balles,  et  le  6  février 
leurs  courses  commancèrent  ;  une  bande  de  23  hommes 
furent  chez  le  S'  Thomas,  brûlèrent  ses  papiers  sous  ses 
fenêtres,  brisèrent  les  armoires,  les  garderobes,  lui  enle- 
vèrent son  linge,  ses  habits,  ceux  de  sa  femme,  s'empa- 
rèrent de  toutes  les  provisions  de  bouche  et  répandirent 
dans  la  cour  toute  son  huile. 

Le  7',  cette  bande  doublée  fut  aux  Salles  2  de  Gravières  ^, 
chez  le  S''  Masméjan,  notaire  ;  ils  firent  l'éloge  de  sa  pro- 
bité, l'assurèrent  qu'il  ne  lui  arriveroit  rien  ni  à  ses  papiers, 

1.  C'est  sans  cloute  cette  lettre  qui  a  fait  croire  à  Giraud  Soulavie  que  l'or 
anglais  n'avait  pas  été  étranger  à  l'apparition  des  masques  armés  {Mémoires  du 
règne  de  Louis  XVI,  t.  V,  p.  198). 

2.  La  Salle,  dans  la  commune  et  au  sud  de  Gravières. 

3.  Gravières,  commune  du  canton  des  Vans. 

HKV.  IllST.   l)K  LA  RkVOL.  n 


258  REVUE   HISTORIQUE   DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

lui  dirent  qu'ils  venoient  pour  recevoir  ce  qu'il  leur  vou- 
droit  donner  pour  la  subsistance  de  la  troupe  ;  celui-cy  les 
fit  boire  et  manger  et  leur  donna  12  1.  ;  de  suite  ils  se  trans- 
portèrent chez  le  S'^  Ginoux,  voisin  du  premier,  se  con- 
tentèrent de  24  s.,  et  lui  proposèrent  de  prendre  parti  avec 
eux,  n'ignorant  pas  qu'il  avoit  été  ruiné  par  les  procureurs, 
mais  celui-cy  leur  marqua  son  indignation  et  les  renvoya. 

En  allant  des  Salles  au  Masbousquet  i,  ils  rencontrèrent 
un  nommé  Costé,  qui  courroit  à  ce  hameau  pour  avertir  le 
S"^  Castenier,  procureur,  de  leur  arrivée  ;  les  masques  s'en 
doutèrent,  lui  crièrent  d'arrêter  ;  celui-cy  n'en  faisant  rien, 
il  lui  fut  tiré  plusieurs  coups  de  fusil,  dont  l'un  le  renversa  ; 
ils  le  laissèrent  sans  le  regarder,  le  croyant  mort,  et  conti- 
nuèrent leur  chemin  ;  arrivés  chez  Castenier,  ils  lui  de- 
mandèrent sa  vie  ou  cent  louis  et  ses  papiers  ;  il  sacrifia 
ces  derniers,  qui  furent  brûlés  et  s'emparèrent  ensuite  de 
tout  le  comestible  de  sa  maison  qu'ils  trouvèrent  et  empor- 
tèrent tout  le  linge  et  les  habits  qu'ils  purent. 

Le  8  février,  les  masques  furent  inombrables  ;  on  en 
rencontroit  par  tout  ;  ils  en  passa  plus  de  cent  dans  la 
barque  du  Chapiscol  ^  ,  dont  partie  prit  le  chemin  du  Vi- 
varais  et  partie  celui  de  Chambonnas  •*  ;  ils  furent  à 
Ponge  *,  chez  le  S"^  Morier,  procureur  ;  sa  maison  fut  in- 
vestie ;  ils  le  fouillèrent,  lui  prirent  l'argent  qu'il  avoit  sur 
lui,  brûlèrent  ses  papiers  et  enlevèrent,  selon  leur  usage, 
les  provisions,  le  linge,  habits,  etc. 

De  chez  le  S'  Morier,  ils  furent  chez  le  S""  Deschanel, 
notaire  et  procureur;  celui-cy  va  au  chef,  lui  donne  quelque 
argent,  invite  la  bande  à  déjeuner,  les  fait  servir  avec  pro- 
fusion et  demande  grâce  pour  ses  papiers,  ce  qu'il  obtint  ; 
et  ils  se  séparèrent  très  contents  les  uns  des  autres. 


1.  Le  Mas,  dans  la  commune  et  au  sud  de  Gravières. 

2.  Chabiscol,    bac  et    moulin    dans   la  commune    et  au  nord-ouest  de  Chas- 
sagnes. 

.3.  Chambonas,   avant  1790,  paroisse  de    l'Uzège  ;  aujourd'hui   commune  du 
canton  des  Vans. 

4.  Ponges,  hameau  dans  la  commune  et  au  nord   de  Chambonas. 


LA    RKVOLTE    DES    MASQUES    ARMÉS  259 

Cette  bande  arrive  le  soir  au  rendés-vous  et  se  trouve 
forte  de  l40  hommes  armés,  couverts  d'une  chemise  sur  leur 
habit,  nouée  par  une  ceinture  de  corde,  le  visage  barbouillé 
ou  couvert  d'une  gase  ou  d'un  filet  noir  ;  elle  se  rend  à 
neuf  heures  du  soir  à  la  Blachère  '  et  va  à  la  maison  du 
S""  Salel,  procureur  ;  [ils]  enfoncent  les  portes,  le  détè- 
rent  caché  dans  du  foin,  lui  enlèvent  sa  montre  et  cent  un 
louis,  brisent  ses  armoires,  enlèvent  son  linge,  ses  habits, 
les  provisions  de  bouche  et  brûlent  ses   papiers. 

Le  lendemain  neuf,  se  trouvant  trop  nombreux  pour 
vivre  ensemble,  et  ne  voulant  pas  émeuter  contre  eux  le 
peuple,  ils  se  séparèrent,  firent  encore  des  recrues  et  cou- 
rurent le  pays,  où  ils  commirent  les  mêmes  excès,  en  se 
vantant  d'être  assés  nombreux  pour  attaquer  même  les 
villes  fermées,  ce  qui  fit  prendre  des  précautions  aux 
maires  et  consuls  pour  se  mettre  à  l'abri  de  toute  surprise. 
M.  le  comte  de  Périgord  permit  à  ceux-cy  de  faire  armer 
les  bourgeois. 

Les  bandes  des  masques  qui  étoient  aux  environs  de 
St-Ambroix  écrivirent  le  dix  à  M.  Toulouse,  1"  consul  ;  ils 
luiexposoient  la  misère  qui  les  accabloit,  les  griefs  qu'ils 
avoient  contre  les  gens  d'affaire  et  les  marchands  de  bleds, 
et  le  prévenoient  que,  si  les  uns  et  les  autres  ne  leur  fai- 
soient  passer  deux  mille  cinq  cens  livres,  ils  viendroient 
500  ravager  les  greniers,  les  études  et  la  ville.  Le  maire 
leur  fit  répondre  que  ce  n'étoit  pas  ainsi  qu'ils  obtiendroient 
des  secours,  qu'il  ne  les  craignoit  pas  et  qu'ils  s'exposoient 
à  courir  les  plus  grands  risques. 

Le  10  au  matin,  50  grenadiers  du  régiment  de  Piémont 
arrivèrent  à  St-Ambroix  ;  demi-heure  après,  les  masques 
s'approchaient  pour  insulter  la  ville  ;  l'apparition  des  soldats 
les  fit  bien  vile  fuir,  surtout  les  voyant  venir  au  devant 
d'eux,  suivis  de  la  majeure  partie  de  la  bourgeoisie  ;  ils  se 
retirèrent  du  côté  de   St-Brest  -  ;    ce  fut  là  que   le  vicaire 

1.  La  Hlachcrc,  :ut.  de  Lagentière,  cant.  de  Joycus<;. 

2.  Saint-Brès,  (iaril,  arr.  d'Alais,  caiil.  de  Sl-Ainl)roix.. 


260  REVUE  HISTORIQUE   DE  LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

de  St-Aml)roix,  nommé  Geneston,  fut  les  cathéchiser  ; 
ils  le  reçurent  avec  respect  et  lui  retracèrent  leurs  do- 
léances ;  celui-cy  les  exhorta  à  se  retirer  et  à  mettre  bas  les 
armes  ;  il  leur  offrit  sa  bourse  et  sa  montre  qu'ils  ne  vou- 
lurent pas  accepter. 

Le  onze,  25  grenadiers  des  50  arrivés  à  St-Ambroix 
partirent  pour  les  Vans  ;  ce  même  jour,  les  masques  furent 
à  St-André  de  Cruzières  *,  y  rançonnèrent  les  S'^^  Lèbre  et 
Grafaud,  notaires  et  procureurs,  sans  aller  à  leurs  maisons, 
crainte  (dirent-ils)  d'épouvanter  leurs  femmes  ;  ils  les  en- 
voyèrent chercher  au  cabaret  et  les  forcèrent  de  capituler 
avec  eux  :  Lèbre  pour  36  1.  et  Graffaud  pour  48  1.  ;  ils  assu- 
rèrent l'un  et  l'autre  que,  quant  même  ils  auroient  été  chez 
eux  ;  ils  n'auroient  pas  touché  à  leurs  papiers,  les  recon- 
naissant pour  des  très  braves  et  bonnettes  gens. 

Le  12  à  minuit,  un  courier  de  M.  le  Comte  de  Périgord 
arriva  à  M.  de  Dampmartin  à  Uzès  et  lui  porta  l'ordre  de 
prendre  150  hommes  de  sa  garnison  du  régiment  de  Pié- 
mont et  d'aller  joindre  les  50  grenadiers  de  ce  régiment, 
arrivés  le  10  et  le  11  à  St-Ambroix  et  aux  Vans  ;  cet  offi- 
cier partit  le  13  à  7  heures  du  matin  et  arriva  le  même 
jour  à  St-Ambroix,  Sa  marche  ne  fut  que  pénible  ;  ils  ne 
rencontrèrent  pas  un  masque  ;  ceux-cy  le  même  jour  furent 
chez  le  S"^  Channac  au  nombre  d'environ  cinquante  ;  le  fils 
de  la  maison,  qui  étoit  avec  ses  ouvriers,  les  quitte,  va  au 
devant  d'eux,  tâche  de  calmer  leur  fureur  ;  ils  lui  deman- 
dent 25  louis  ;  il  n'en  avoit  qu'un  qu'il  leur  donna  ;  fu- 
rieux, ils  le  font  mettre  à  genoux,  lui  disent  de  se  recom- 
mander à  Dieu,  le  couchant  en  joue,  par  réflexion  le  font 
relever,  se  font  conduire  à  son  étude,  lui  permettent  d'en 
retirer  les  papiers  les  plus  essentiels,  prennent  les  autres, 
les  brûlent  devant  lui,  enfoncent  les  armoires,  y  prennent 
tout  ce  qui  leur  convient  en  linge,  habits,  meubles,  etc.,  et 
s'emparent  de  toutes  les  provisions  comestibles  ;  de   là,  ils 

1.  St-André-de-Cruziùrcs,  autrefois  paroisse  du  diocèse  d'Uzès  ;    aujourd'hui 
commune  ardéchoise  du  canton  des  Vans. 


LA    RÉVOLTE    DES    MASQUES    ARMÉS  261 

vont  chez  le  S'"  Bérard,  notaire  du  môme  lieu,  qui  croyoit 
ses  papiers  en  sûreté,  n'étant  pas  procureur  ;  ils  lui  deman- 
dèrent quatre  louis  qu'il  n'avoit  pas  ;  il  court  les  chercher 
dans  le  village  et,  pendant  ce  iems,  on  brûle  ses  papiers 
et  ses  registres. 

Ce  même  jour  13,  une  bande  d'environ  15  capitulèrent 
et  posèrent  leur  armes  au  moyen  de  54  1.  qu'on  leur 
donnât  ;  ce  fut  au  moment  que  M.  de  Dampmartin  arrivoit 
à  St-Ambroix  ;  mais,  quelques  heures  après,  on  fut  instruit 
qu'en  se  retirant  ils  avoient  rençonnés  plusieurs  parti- 
culiers. 

Le  14,  M.  de  Dampmartin,  ayant  laissé  50  hommes  à 
St-Ambroix,  en  partit  à  6  heures  du  matin  avec  125  pour  se 
rendre  aux  Yans  ;  il  faisoit  un  tems  affreux,  une  pluye  à 
verse  ;  arrivé  à  Banne,  il  y  prit  des  renseignemens  et  sût 
que,  ce  même  jour,  cinq  cens  hommes  dévoient  se  rassem- 
bler pour  forcer  et  piller  la  ville  des  Vans,  afin  de  punir  les 
habitans  de  ce  qu'ils  avoient  fermé  les  portes  lors  de  l'ex- 
pédition qu'ils  avoient  faite  chez  le  S'  Monteil  ;  cette 
nouvelle  hâta  sa  marche  ;  la  pluye  cesse  ;  le  tems  se  lève 
et,  vers  onze  heures,  il  arrive  au  haut  de  la  descente  des 
Vans  sans  rien  voir  ni  rien  appercevoir  qui  aye  trait  à  ces 
gens-là,  qui  dans  le  même  instant  se  rassembloient  dans  la 
prérie  de  M,  de  Casteljoux  '  ,  à  une  portée  de  fusil  des  Vans, 
mais  située  de  façon  qu'on  ni  voit  ce  qui  s'i  passe 
que  lorsqu'on  y  est  dedans  ;  c'est  là  où  les  prétendus  chefs 
les  mettaient  en  bataille,  donnant  à  chacun  ses  ordres,  et 
[on]  finit  en  leur  disant  :  Courage  mes  amis,  bientôt  la  ville 
des  Vans  sera  en  notre  pouvoir  :  je  vous  la  livre  au  pillage  et 
je  ne  me  réserve  que  les  maisons  des  M^^  Chambon,  Lahondcs  et 
Colomb.  Il  se  met  à  leur  tète  et  marche.  M.  Muttel,  lieu- 
tenant de  grenadiers  du  rt'giment  de  Piémont,  fait  prendre 


1.  Nous  relovons  le  nom  de  Castelj.TU  parmi  les  principaux  contriluialiles  dos- 
Vans,  de  1747  à  1780  (Talion,  II,  337).  Il  existait  aux  Vans  une  l'amille  de 
Fagot,  qui,  à  la  suite  d'une  alliance  avec  les  Lahaunie-Casteljau,  ajouta  ce 
dernier  nom  au  sien  (Revue  du   Virarais,  t.   X,  lilO'i,  p.  542). 


262  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

les  armes  à  ses  25  grenadiers,  en  place  six  à  la  petite  porte 
du  côté  de  Chauves,  avec  ordre  de  faire  feu  sur  ces  [gensj 
là,  s'ils  veulent  y  entrer  et  se  place  quelques  pas  en  arrière  ; 
les  masques  s'i  présentent  ;  mais  voyant  les  grenadiers,  ils 
tournent  la  ville  pour  gagner  celle  de  La  Grave  '  .  M.  de 
Muttet  laisse  là  ses  six  grenadiers,  traverse  la  ville,  va  sortir 
par  ladite  porte  et  marche  au  devant  des  masques,  qui 
s'arrêtèrent,  voyant  venir  à  eux  les  grenadiers,  auxquels 
s'étoient  joints  deux  soldats  invalides,  qui  se  sont  conduits 
avec  la  plus  grande  valleur  et  intrépidité  ;  cet  officier  envoya 
son  tambour  demander  aux  masques  qu'est-ce  qu'ils  vou- 
loient  ;  ils  répondirent  qu'il  leur  falloit  4  procureurs  qu'ils 
nommèrent.  —  «  Qu'en  voulez  vous  faire  ?  »  —  «  Nous  les 
pendrons  et  nous  nous  retirerons.  »  —  Cet  officier  leur 
répondit  qu'il  étoit  là  pour  les  deffendre  et  il  chercha  à  ga- 
gner du  tems,  instruit  que  M.  de  Dainpmartin,  commandant 
d'Uzès,  arrivoit  avec  125  hommes  du  régiment  de  Piémont. 
Son  attente  ne  fut  pas  déçue  ;  cet  officier  parut  au  moment 
où  ses  gens  l'attendoient  le  moins  ;  il  eût  pu  tomber  sur 
eux  et  en  faire  une  boucherie,  mais  il  préféra  les  laisser 
sauver  ;  ils  gravirent  avec  une  rapidité  étonante  la  mon- 
tagne voisine  et  virent  défiler  la  troupe,  sans  oser  l'in- 
sulter. Deux  heures  après,  ils  écrivirent  à  M.  Chalmeton, 
juge  des  Yans,  pour  lui  demander  les  quatre  mêmes  pro- 
cureurs ;  celui-cy  leur  fut  envoyé  avec  M.  Muttet  par  M. 
de  Dampmarlin  pour  les  engager  à  se  retirer  et  à  poser  les 
armes  ;  ils  promirent  le  premier  article  et  non  le  second  ; 
ils  se  séparèrent  effectivement,  mais  se  mirent  par  petites 
bandes,  de  15  à  20  ;  une  d'entre  elles  tira  plusieurs  coups 
de  fusil  chez  le  S'  Gautier,  marchand  quincallier  d'Alais, 
qui  partoit  des  Yans  pour  Joyeuse  ;  le  sifflement  des  balles 
l'effraya  tellement  qu'arrivé,  il' fut  obligé  de  se  faire 
saigner. 

Environ  100  de   ces   masques  passèrent,   le  même  soir, 

1.  La  porto  (lo°  La  (îravc. 


LA  RÉVOLTE  DES  MASQUES  ARMÉS  263 

la  barque  du  Chapiscol,  et  15  d'entre  eux  se  firent  donner  à 
manger  et  à  boire  chez  ledit  Salel,  où  précédemment  ils 
avoient  été. 

Un  pareil  nombre  fut  à  Banne  chez  le  S'  Marron,  pro- 
cureur ;  ils  brûlèrent  ses  papiers,  pillèrent  sa  maison  et 
l'accablèrent  d'injures  et  d'invectives. 

Le  samedy  15,  malgré  la  promesse  qu'ils  avoient  faite, 
les  masques  s'attroupèrent  de  nouveau  ;  mais  instruits  que 
M.  de  Dampmartin  marchoit  contre  eux,  ils  se  divisèrent 
bien  vite  et  se  répandirent  dans  le  pays  ;  ils  tombèrent 
chez  les  particuliers  pour  avoir  des  vivres  ou  de  l'argent  ;  45 
furent  chez  ledit  Salel,  de  Montel,  paroisse  de  St-Jean 
des  Bancs  ^  ,  riche  ménager  ;  celui-cy  leur  offrit  à  boire  et 
à  manger  ;  ils  lui  prirent  78  1.  en  argent,  toutes  les  pro- 
visions et  pillèrent  tous  ses  effets. 

Quinze  d'eux  furent  dans  le  même  tems  chez  le  S'  Bois- 
son, de  Vagnas  -  ,  notaire  et  féodiste,  dansl'intention.de  brûler 
ses  registres  et  papiers.  Le  curé  de  la  paroisse  en  étant  ins- 
truit, s'i  rendit  et  les  pérora  pour  tâcher  de  les  dissuader  ; 
ils  demandèrent  300  1.  ;  cet  homme  ne  les  avoit  pas  ;  le 
curé  leur  donna  4  louis  ;  ils  obligèrent  encore  le  notaire  à 
payer  la  dépense  qu'ils  furent  faire  au  cabaret  de  ce  village  ; 
leur  intention  étoit  d'aller  à  Barjac  ^  ,  dont  ils  prirent  le 
chemin  ;  mais  M.  de  Dampmartin  avoit  mis,  ce  même  jour, 
cette  ville  en  sûreté  ;  il  y  avoit  euAoyé  un  lieutenant  et  30 
hommes.  Voyant  des  troupes,  ils  filèrent  le  long  de  la  ville 
et  gagnèrent  Pierregras,  hameau  de  St-André-de-Crusières  ; 
ils  alloient  enfoncer  la  porte  du  S»"  Lèbre  ;  la  Dame  la  leur 
ouvrit  bien  vite  et  leur  représenta  qu'ils  étoient  déjà  venus 
chez  elle  ;  ils  se  bornèrent  à  manger  ce  qu'ils  trouvèrent 
dans  le  buffet  ;  une  autre  bande  de  20  se  transportèrent 
encore  le  même  jour  à  Ponge,  et,  instruits  que  le  S"^  Moriés 
avoit  acheté   et  mis   chez   un  de   ses  voisins  20  salmées  de 


1.  Los  Bancs,  dans  la  commune  et  au  nord  de  Chambonas. 

2.  Vagnas,  commune  du  canton  de  \'alloii. 
;i.  Haijac,  (iard,  arr.  d'Alais. 


264  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

grains,  ils  les  voulurent,  se  les  firent  remettre  et  les  empor- 
portèrent.  Une  autre  bande  d'environ  20  fut  le  16  à  Dor- 
bons,  paroisse  de  St-Ginés^  ,  chez  le  nommé  Joanneur,  et  lui 
enlevèrent  l'argent  d'un  troupeau  de  moutons  qu'il  avoit 
retiré  la  veille. 

Ce  même  jour,  M.  de  la  Boissonnade,  revenant  chez  lui, 
fut  attaqué  par  deux  masques,  qui  lui  demandèrent  la 
bourse  ou  la  vie  et  lui  prirent  neuf  livres  qu'il  avoit  dans 
sa  poche  ;  ceux-cy  l'avertirent  qu'ils  alloient  en  grande 
bande  arriver  chez  lui,  ce  qui  le  détermina  d'envoyer  à 
Berrias  -  ,  chez  M.  de  Malbos  ^  ,  le  prier  de  venir  à  son  se- 
cours et  de  lui  mener  des  habitans  pour  le  deffendre,  ce 
que  celui-cy  fit  ;  il  arriva  avec  20  hommes  armés  ;  ils  se 
mirent  en  état  de  deftense.  Mais  personne  ne  parut.  M.  de 
Malbos  retourna  chez  lui  avec  la  majeure  partie  des  habi- 
tans de  Berrias.  Vers  les  onze  heures  du  soir,  M.  de  la  Bois- 
sonnade fut  instruit  que  2  masques  s'étoient  réfugiés  dans 
une  maison  voisine  ;  il  prit  trois  hommes  avec  lui  et  les 
reconnut  pour  ceux  qui  l'avoient  attaqué  ;  il  les  prit,  les  fit 
lier  et  garoter  et  mener  chez  lui,  d'où  il  renvoya  de  suite  à 
M.  de  Malbos,  qui  vint  avec  tous  ses  gens  ;  ces  MM.  con- 
clurent de  les  traduire  aux  Vans  ;  ils  partent  après  minuit, 
se  font  escorter  par  douze  hommes,  passent  par  des  che- 
mins détournés,  mais  arrivés  au  pont  de  la  Bane,  à  demi 
quart  de  lieue  des  Vans,  ils  y  trouvèrent  environ  60  mas- 
ques, qui  leur  enlevèrent  les  prisonniers.  M.  de  Dampmar- 
tin  envoya  le  lendemain  un  détachement  d'un  sergent  et  20 
soldats  à  Berrias. 

Le  17,  une  bande  de  quinze  à  vingt  furent  chez  le  S'" 
Castanier,  de  Bedous,  paroisse  d'Aujac  ^ ,  brûlèrent  les  pa- 


1.  St-Geniès-de-Claissc,  paroisse  su{}priméf  ;  faisait  partie  du  diocèse  d'U- 
zès  ;  c'est  aujourd'hui  un  hameau  de  St-Sauveur-de-Cruzières. 

2.  Berrias,  commune  du  canton  des  \'ans. 

.3.  Louis  Bastide  de  Malbos,  maire  de  Berrias  ;  véritable  organisateur  des 
camps  de  Jalès,  il  mourut,  peut-être  étrangle,  dans  sa  prison  au  Poni-Sainl- 
Esprit,  en  février  1791. 

4.  Aujac,  Gard,  arr.  d'Alais,  cant.  de  Génolhac.  Le  hameau  des  Bedousses 
.ï  e  trouve  enclavé  aujourd'hui  dans  la  commune  de  Sénéchas. 


LA    RÉVOLTE    DES    MASQUES    ARMÉS  265 

piers  de  ce  féodiste,  brisèrent  les  armoires  et  pillèrent  tout 
ce  qu'ils  peurent  ;  le  S""  Deleuze,  avocat  habitant  le  même 
lieu,  craignant  qu'ils  ne  se  conduisissent  de  même  chez  lui, 
fut  les  trouver  au  cabaret,  leur  fit  donner  à  boire  et  à  man- 
ger et  48  1.,  que  le  cabaretier  lui  prêta. 

Ce  même  jour,  M.  de  Malbos  étant  chez  M.  de  la  Bois- 
sonnade  '  ,  on  vint  lui  dire  que  des  masques  le  deman- 
doient  ;  il  y  va  armé  de  son  fusil  ;  4  masques  viennent  au 
devant  de  lui  armés  aussi,  le  saluent  et  lui  disent  :  «  Nous 
avons  apris  que  M.  de  la  Boissonnade  a  été  arrêté  et  volé 
hier  au  soir  par  deux  masques.  Cette  nouvelle  nous  a  mis 
au  désespoir  ;  nous  pouvons  vous  assurer  que,  quant  nous, 
nous  sommes  armés  contre  les  procureurs  à  cause  de  leur 
injustice  ;  nous  n'avons  jamais  prétendu  faire  la  moindre 
peine  aux  bonnettes  gens  ;  nous  savons  cependant  que, 
parmi  les  recrues  que  nous  avons  été  forcés  de  faire  pour 
nous  seconder  dans  notre  entreprise,  nous  avons  enrôlés 
beaucoup  de  mauvais  sujets,  qui  ne  se  sont  pas  toujours 
conformés  à  notre  intention.  Aussi,  nous  les  avons  toujours 
blâmés  et  nous  sommes  indignés  contre  ceux  qui  attaquè- 
rent votre  ami.  Nous  venons  de  leur  habitation  où  nous 
avons  été  pour  les  punir  ;  bien  leur  a  valu  d'avoir  pris  la 
fuite  ;  ils  ne  seroient  pas  à  présent  en  vie  ;  leur  perte  étoit 
jurée.  » 

M.  de  Malbos  les  exhorta  à  poser  les  armes,  à  se  retirer 
chez  eux,  ce  qu'ils  promirent  de  faire  ;  ils  étoient  là  au 
nombre  de  35  ou  40.  Dès  le  16,  M.  de  Dampmartin  avoit 
fait  enlever  trois  masques  dans  la  paroisse  de  Gravières  ; 
le  17  -  ,  une  bande  va  chez  le  S*"  Bourdagier,  paroisse  de  Pei- 
remale  ■' ,  et,  quoique  octogénaire,  il  n'essuya  pas  moins 
leurs  brigandages  ;  ils  l'assaillirent  d'injures  et   dévastèrent 

1.  11  y  a  un  hanu'au  de  la  Boissonadc  dans  la  commune  de  Ponteils-el- 
Brézis,  canton  de  Génolhac.  Mais  les  anciens  registres  des  tailles  montrent 
qu'il  y  avait  aux  \'ans  une  famille  de  La  Boissonnade  (Talion,  Histoire  des 
Vans,  H,  :VM). 

2.  On  lit  en  inaige  :  "  Le  20,  M.  de  Dampmartin  reçut  nn  renfort  de  60  hommes 
commandés  par  un  capitaine  et  deux  lieutenans.  » 

3.  Peyremale,  Gard,  arr.  d'Alais,  cant.  de  Bcssèges. 


266  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

sa  maison,  brisèrent  portes  et  fenêtres,  et  emportèrent  tous 
ses   meubles.   Cet   homme  fait    courir  après  et,   à  force   de 
prières,  on  lui  en  rend  partie   moyennant  quatre  louis.  Ils 
passèrent  ensuite  chez  le  S"^  Coste.    procureur  et    voisin  de 
Bourdagier  ;  il  s'i  contentèrent  de  quelque  argent  qu'il  leur 
donna    et    lui    demandèrent    des    papiers    qui    lui    fussent 
inutiles  ;  et  ils  les  brûlèrent.  Ce  même  jour,  M.  le  chevalier 
de  Vernède  vint  avertir  M.  de  Dampmartin   qu'une  bande 
d'environ    20,  qui  dévastoient  sa  contrée,  dévoient  souper 
dans  un  cabaret,   au  millieu  de   ses  bois,  et  qu'il  se  faisoit 
fort  de  les  faire  arrêter,  s'il  vouloit  lui  donner  un   détache- 
ment  d'un   sergent   et  douze  grenadiers,  qui    investirent  la 
maison   où   cette   troupe  soupait.  Le  brigadier  s'avance  à  la 
porte,  qui  étoit  fermée,  il  frape  ;  au    qui   va    là,    il    répond 
ami.  L'hôte  refuse  d'ouvrir,  dit  qu'il  n'a  personne  et,  comme 
on  se  dispose  à  enfoncer  la  porte,  on  entend  crier  aux  armes; 
et  le  moment  d'après,  on  tirra  par  la  fenêtre  trois  coups  de 
fusils  sur  les   soldats,  qui  le  leur  rendirent  avec  usure.  La 
porte  enfoncée,  on  ne  trouva  personne  ;  ils  s'étoient  cachés 
sous  le  lit,   dans   les  greniers    à  foin,  où  on    les  prit,  ainsi 
que  ile  maître   de  la  maison  ;  le    chef,    procureur  fiscal   de 
Malbos  '  ,   s'étoit  caché  dans  le  tuyeau  de  la  cheminée  ;  ils 
furent  liés   et   garrotés  et  conduits  aux  Vans,  où  ils   n'arri- 
vèrent qu'à   huit  heures   du  matin    du    18.    Ce  même  jour, 
une     autre     troupe     fut   chez     le    S'    Martin,     procureur, 
pillèrent    et  dévastèrent  sa    maison.  L'enlèvement  de    cette 
bande  fit  assez  d'impression  pour  faire  poser  les  armes  à  la 
majeure  partie  de  ces  gens  et,    sous  peu   de  jours,  il  ne  fut 
plus  question  de  masques  dans  le  pays,    que   M.  de  Damp- 
martin parcouroit    et    lesoit    parcourir    par    les  troupes  et 
maréchaussée  qui   étoient  sous  ses  ordres.  Le  15  de  mars, 
M.  de  Dampmartin,    allant   à    Bagnols  -  pour  y  voir   M.   le 
comte  de  Périgord,   reçut  une   affiche,    qui    avoit  été  posée 
dans  divers  villages  autour  de  St-Ambroix,  quiindiquoit  au 

1.  Malbosc,  comimine  du  canton  des  \'ans. 

2.  Bagnols-sur-Cèzc,  (îard,  arr.  d'Uzès. 


LA    RÉVOLTE    DES    MASQUES    ARMÉS  267 

peuple  pauvre  et  qui  a  voit  besoin  de  bled  de  se  trouver 
sans  armes,  le  21  ou  le  26,  à  St-Ambroix,  munis  de  sacs 
seulement,  et  qu'on  leur  en  donneroit.  M.  de  Dampmartin 
si  rendit  à  cette  époque,  après  en  avoir  rendu  compte  à  M. 
de  Périgord.  11  vit  effectivement  nombre  de  paysans,  qui 
avoient  eut  la  bonne  homie  d'y  croire  ;  il  les  calmât,  fut 
assez  heureux  pour  leur  en  faire  donner  à  crédit  à  plusieurs 
d'entre  eux  et  tout  se  passa  tranquilement.  Les  secours,  que 
M,  l'évèque  d'Uzès  obtint  du  gouvernement,  ayant  permis 
de  placer  deux  attelliers  de  charité,  un  aux  Vans  et  l'autre 
à  St-Ambroix,  calmèrent  les  exprits,  en  fournissant  au  peuple 
de  quoi  subsister  jusques  à  l'ouverture  des  travaux  de  la 
campagne,  qu'une  sécheresse  a  voit  empêché  d'ouvrir.  Enfin, 
la  pluye  vint  seconder  les  vœux  du  gouvernement,  et  tout 
rentra  dans  l'ordre  accoutumée.  Des  nouvelles  imprudences 
des  gens  d'affaire  ont  failli  le  troubler  et  ont  forcé  le  gou- 
vernement à  envoyer  sur  les  lieux  une  commission  du 
Parlement,  qui  achèvera  sans  doute  de  l'y  consolider. 

Le  17  octobre,  M.  de  Dampmartin  reçut  les  ordres  de 
^L  le  vicomte  de  Cambis  pour  se  rendre  aux  Vans. 

Le  IcS,  la  compagnie  de  grenadiers  du  régiment  de 
Soissonnois  est  partie  d'Alais  pour  St-Ambroix,  le  20  à 
Vallon  ',  le  21  à  Villeneuve-de-Berg  -  ,  où  elle  séjourna  le 
22  ;  elle  en  partit  le  23  avec  les  trois  prévenus  condamnés 
à  mort  et  vint  coucher  à  Joyeuse,  le  24  aux  Vans. 

La  compagnie  des  chasseurs  de  ce  même  régiment  partit 
d'Alais  le  20  pour  St-Ambroix,  le  21  aux  Vans  ;  la  moitié 
de  cette  compagnie  fut  le  22  à  Joyeuse  au  devant  des  gre- 
nadiers ;  elle  y  séjourna  le  23  et  le  24  ;  le  25  elle  battit 
l'estrade  entre  Joyeuse  ^  et  les  Vans  ;  le  24,  je  fus  avec  la 
demi  compagnie  des  chasseurs  à  une  lieue  au  devant  des 
criminels. 

Le   25.  on   lut   la    sentence  de   ces    malheureux  à    neuf 


1.  \'allon,  chof-licu  de  canton  de  l'arr.  de  Largentièrc. 

2    Villeneuve-de-licrg,   chei-lieu  de  canton  de  l'arr.  de  Privas. 

3.  Joj-euse,  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Largentière. 


268  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA.    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

heures  du  matin.  Je  fis  prendre  les  armes  à  deux  heures  et, 
après  avoir  placé  des  petits  postes  de  la  garnison  sur  les 
hauteurs  et  aux  avenues  des  divers  chemins  pour  découvrir 
s'il  ne  paroissoit  point  de  gens  armés,  je  donnai  un  sergent 
et  douze  grenadiers  pour,  avec  les  4  brigades  de  maré- 
chaussée, escorter  les  criminels.  Je  fis  entourer  par  lesdits 
grenadiers  l'échaffaud  et  je  plaçai  les  chasseurs  en  bataille  à 
150  pas  en  arriére,  à  la  tète  desquels  je  me  plaçai  pour,  en 
cas  de  désordre,  pouvoir  les  porter  où  j'en  aurais  besoin. 

On  amena  les  malheureux  faire  amende  honnorable  à  la 
porte  de  la  paroisse  et,  arrivés  au  lieu  du  suplice,  on  com- 
mença par  y  pendre  La  Billerie,  procureur  fiscal  de 
Malbos  ;  on  y  roua  Combe,  des  Assions  '  ,  et  Favant,  de 
Malbos  ;  ils  furent  avant  étranglés  ;  les  troupes  restèrent 
une  demi-heure  en  place  pour  donner  le  tems  à  la  populace 
de  se  retirer,  et  les  douze  grenadiers  y  demeurèrent  jusques 
à  ce  que  les  bourreaux  fussent  été  esposer  sur  les  divers 
chemins  les  cadavres. 

Il  y  avoit  plus  de  6.000  âmes  à  ces  exécutions  ;  tous 
avoient  l'air  triste  et  consterné  ;  les  procureurs  et  gens 
d'affaire  de  la  ville  et  des  environs,  qui  s'i  étoient  rendus 
en  très  grand  nombre,  avoient  l'air  de  la  satisfaction  ré- 
pendue sur  leurs  visages.  Je  fis  séjourner  toutes  les  troupes 
et  la    maréchaussée  le    20. 

Le  27,  la  maréchaussée  partit,  chaque  brigade  pour  sa 
résidence,  et  la  compagnie  des  chasseurs  pour  St-Ambroix. 
Le  28,  elle  rentra  à  Alais  et  y  joignit  son  régiment. 

Le  28,  je  partis  avec  les  grenadiers  pour  St-Ambroix  et 
je  les  ramenai  le  29  à  leur  régiment.  Jai  séjourné  le  30  à 
Alais  pour  arrêter  et  voir  les  comptes  de  l'étapier  et  je  suis 
rentré  à  Uzès  le  3L 

(Arcliines  de  l'Hcraull.  C.  47,  petit  cahier  de  37  pages) 
1.  Malbosc,  les  Assions  ;  communes  du  canton  des  \'aus. 


SOUVENIRS  INEDITS 

DE  J.-P.  PICQUÉ 

DÉPUTÉ  DES  HAUTES-PYRÉXÉES   A  LA   CONVENTION 
(Suite  ') 


RKVOLUTION    DE    1789 

(Suite) 

Il  y  a  des  époques  où  il  n'est  pas  permis  d'être  plus  sage 
que  son  siècle  ;  il  est  des  moments  où  prudent  est  syno- 
nime  de  vil.  J'avois  à  choisir  entre  l'armée  où  j'aurais  pro- 
bablement été  un  pauvre  soldat,  une  maison  d'arrêt,  ou  la 
mission  de  représentant  du  peuple.  Dans  la  confiance  d'une 
àme  pure,  voulant  moins  pour  moi  que  pour  la  nation  la 
liberté  pour  laquelle  elle  s'était  si  fortement  prononcée  et 
sans  trop  prévoir  les  dangers  qui  m'attendaient,  je  devins 
membre  d'une  assemblée  assassinée  par  tous  les  partis, 
occupée  au  milieu  d'un  grand  incendie  à  sauver  l'Etat,  résis- 
tant à  tous  les  forfaits,  restant  debout  après  la  perte  de 
cent  cinquante  de  ses  membres,  comme  des  chênes  dans 
une  forêt  où  l'on  a  porté  la  cognée. 

Cette  ville  si  frivole,  si  tumultueuse,  Paris,  couvert  d'un 
crêpe,  livré  à  la  stupeur,  à  tous  les  dangers  ;  la  famine  orga- 
nisée par  l'Angleterre  au  sein  de  l'abondance  ;  le  fond  des 
caisses  dispersé  n'offrant  aucune  ressource  contre  l'Europe 
entière  coalisée  ;  les  Autrichiens  maîtres  de  plusieurs  places 

1.  Voir  Revue  Iiisti>rique  de    la  Béiioluiion    française    de  janvier-mars  1915  et 
numéros  suivants. 


270  REVUE    HISTORIQUE    DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

fortes,  marchant  à  grandes  journées  pour  se  joindre  à  l'ar- 
mée prussienne  ;  enfin  le  10  août  (1792)  si  fatal  à  la  cour 
imprudente,  laissant  dans  les  esprits  des  craintes  les  plus 
allarmantes  pour  l'avenir.  C'est  en  présence  de  tant  de  dan- 
gers que  la  Convention  nationale  ouvrit  sa  mémorable  ses- 
sion, en  proclamant  la  République. 

Quel  sera  mon  premier  soin,  en  entrant  dans  cette 
assemblée  ?  Elle  appela  mon  attention  sur  les  chefs  direc- 
teurs des  mouvements,  divisés  déjà  à  la  fin  de  l'assemblée 
constituante  et  durant  la  première  législative,  tous  les  élé- 
ments de  discorde  préparés  ;  dès  lors  se  livrent  les  combats 
redoutables  de  vanité,  le  pouvoir  servant  puissamment  les 
royalistes  pour  entretenir  des  préventions  et  des  haines 
cruelles.  On  ne  se  communique  entre  députés  qu'avec  une 
méfiance  extrême  ;  les  noms  de  fédéralistes,  de  girondins, 
brissotins,  de  royalistes,  de  factieux,  de  modérés,  de  maratistes, 
de  ventrus  se  donnaient  aux  hommes  les  plus  estimables  paf 
les  talens  de  la  tribune  et  par  de  grandes  réputations  de 
probité,  divisés  seulement  par  quelques  nuances  d'opinion. 

Eloigné  de  toutes  les  intrigues,  n'ayant  pas  le  secret  des 
honteuses  menées  des  cabinets  et  des  ambitions  particu- 
lières, forcées  de  combattre  bientôt  à  découvert,  cependant 
je  n'ai  rien  perdu  de  la  liaison  des  événements  et  de  leur 
sens  naturel.  Modéré  et  républicain  parmi  des  furieux,  con- 
vaincu que  les  factions  des  tems  anciens  et  modernes  étaient 
des  jeux  d'enfans  auprès  des  intrigues  secrètes  qui  se  compli- 
quaient ;  les  vaincus  étaient  sans  pitié  précipités,  dévoués 
à  la  mort. 

Ma  vie  dévouée  à  la  liberté,  je  tenais  par  goût  à  la  mon- 
tagne et  par  quelques  répugnances  à  tous  les  partis.  D'abord, 
ceux  qui  ne  trouvaient  point  Robespierre  assez  révolution- 
naire me  prirent  pour  un  royaliste.  A  la  Convention,  cha- 
que séance  était  une  bataille  ou  une  tragédie  ;  chaque  ora- 
teur portait  sa  tête  comme  caution  de  son  opinion,  comme 
dans  cette  république  de  Charondas  où  l'on  ne  pouvait 
demander  une  modification   de  la  loi  que  la  corde  au  cou. 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE     J.-P.     PiCQCÉ  271 

Les  Girondins  en  possession  de  grands  talens,  l'un  d'eux 
Vergniaud,  orateur,  rappelait  le  célèbre  Mirabeau;  il  opposa 
souvent  et  avec  succès  ses  improvisations  au  pouvoir  de 
Robespierre,  placé  à  la  tête  des  républicains  par  son  élo- 
quence sombre,  apportant  de  l'Assemblée  Constituante  le 
surnom  d'Incorruptible,  jouissant  d'une  confiance  étendue 
aux  Jacobins  et  dans  les  sections  de  Paris. 

Les  Indépendans  reprochaient  avec  raison  aux  Girondins, 
trop  sophistes,  un  défaut  de  plan  fixe,  d'anciennes  commu- 
nications avec  les  prisonniers  du  Temple,  une  grande  osten- 
tation de  patriotisme,  des  liaisons  avec  le  général  Dumou- 
riez  qui  avait  osé  menacer  la  Convention  et  de  marcher 
avec  son  armée  sur  Paris  ;  qui  depuis  livra  aux  ennemis 
les  commissaires  de  cette  assemblée.  Les  malheurs  des  Giron- 
dins ont  prouvé  leur  imprévoyante  incertitude  sur  les  résul- 
tats du  10  août.  Brissot  avait  acquis  aux  Etats-Unis  d'excel- 
lens  principes  de  gouvernement.  Accusé  faussement  sans 
doute  d'intelligence  avec  l'Angleterre,  associé  aux  Girondins, 
éprouva  leur  infortune. 

Marat,  enfant  perdu  des  ultra-démocrates,  méprisé  de 
tous  les  partis,  n'en  imposa  longtemps  qu'à  ceux  qui  étaient 
étrangers  à  la  Révolution  ;  Charlotte  Corday  devança  le 
supplice  que  lui  préparait  Robespierre. 

Suivant  l'opinion  la  plus  accréditée,  Pitt,  cet  implacable 
ennemi  de  la  France,  ne  pouvant  pardonner  au  gouverne- 
ment français  les  secours  accordés  aux  Américains,  résolut 
de  s'en  venger  ;  profita  des  circonstances  de  l'avilissement 
delà  Cour  à  la  suite  du  procès  du  Collier 'de  la  Reine,  de 
l'impossibilité  où  se  trouvait  le  gouvernement  de  combler  le 
déficit  par  les  moyens  ordinaires  et  du  mécontentement  de 
la  nation.  Il  fonda  son  projet  et  presque  tout  le  système 
révolutionnaire  sur  le  duc  d'Orléans  '   lié  au  prince  de  Gal- 


1.  La  faction  d'Orléans,  peu  dangereuse,  le  chef  inanqu;int  d'audace,  à  une 
époque  où  elle  auroit  été  anéantie  par  l'enthousiasme  républicain,  eût-il  eu  en 
opposition  le  chef  militaire  le  plus  célèbre  du  siècle,  Bonaparte.  Philippe  Ega- 
lité ne  manquait  pas  d'esprit.  (S'oie  de  Picqué) 


272  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

les,  partisan  des  mœurs  anglaises  et  qui  avait  un  hôtel  '  à 
Londres  -  .  Il  compta  sur  l'ambition  et  le  crédit  du  duc 
mécontent  de  la  cour,  dont  je  sais  qu'il  reçut  des  mortifica- 
tions du  roi  et  de  la  reine,  et  qu'il  aggrava  par  sa  protesta- 
tion au  Parlement  dans  le  lit  de  justice,  dernière  représenta- 
tion parlementaire.  Il  fut  véritablement  le  chef  invisible  ou 
visible  d'un  parti  directeur  des  mouvemens  et  d'un  change- 
ment opposé  au  gouvernement.  Le  caractère  de  ce  prince 
le  rendait  peu  redoutable  ;  ami  de  tous  les  plaisirs,  formé 
aux  habitudes  populaires  ;  avec  de  l'esprit  et  de  l'instruc- 
tion, il  manquait  de  l'audace  d'un  chef  de  conspirateurs  ; 
mais  il  pouvait  favoriser  les  espérances  de  quelques  courti- 
sans, les  Genlis,  les  Biron.  La  part  qu'il  prit  à  la  Révolu- 
tion le  conduisit  à  l'échafaud  ;  Robespierre,  auquel  il 
demanda  de  passer  en  Amérique,  refusa  de  le  voir  la  veille 
de  son  supplice,  qu'il  subit  avec  fermeté. 

Une  faction  plus  dangereuse,  encore  inaperçue  aux  yeux 
de  beaucoup  de  Français,  à  l'aide  des  vieilles  habitudes, 
des  superstitions  monarchiques,  religieuses  et  de  la  corrup- 
tion anglaise,  travailla  d'abord  dans  l'ombre  et  se  manifesta 
ensuite  par  des  insurections  à  Paris  et  dans  les  grandes 
villes.  User  la  Révolution  par  ses  excès  fut  toujours  son 
affreux  calcul  suivi  avec  obstination  et  une  grande  adresse 
en  divisant  les  républicains.  La  commune  de  Paris  sous 
Pache  et  Chaumette  ne  fut  pas  étrangère  à  des  projets  roya- 
lement anarchistes  et  de  domination  municipale,  romaine, 
dont  les  Français  auraient  été  les  ilotes. 

Les  ennemis  de  la  Révolution  ont  toujours  compté  sur  la 
légèreté  et  l'esprit  de  changement  des  français.  Louis  XVIII, 
pressé  de  donner  des  interprétations  attachées  à  la  consi- 
dération nécessaire  à  la  charte,  la  laissait  avilir  par  ses 
courtisans,  ses  ministres,  sa  famille...  Une  faction  la  brullait 
dans  un  comité  près  des  Tuileries.    Butte  des  Moulins,  des 


1.  Acheté  pour  ses  fréquents  voyages.   {Note  de  Picqiic) 

2.  On  le  crut  partisan   des   idées  libérales    ;  il   fut  du    moins    indépendant. 
(Note  de  Picqué) 


SOUVENIRS    INÉDITS     DE    J.-P.      PICQUÉ  273 

missionnaires  violens  prêchaient  la  contre-révolution,  pu- 
bliaient dans  toute  la  France  que  l'auteur  de  la  charte  était 
damné.  Des  congrégations  de  moines  se  sont  organisées 
sous  ses  yeux  ;  elles  le  pressaient  d'adopter  plus  de  mouve- 
ment à  certaines  opérations  illégales  ;  l'auteur  du  parti 
sacré  répondait  :  il  n'est  pas  tems.  On  marchait  ouvertement 
en  1815  à  la  contre-révolution.  Bonaparte  paraît;  on  jure  le 
maintien  de  la  charte  qu'on  viole  et  qu'on  jure  encore  à 
l'ouverture  des  chambres. 

Vaincus  ou  dispersés,  les  émigrés  plus  coupables,  les 
Français  dans  leur  honteuse  neutralité  ;  ceux  qui  ont  fait 
la  révolution  comme  ceux  qui  l'ont  soufferte  l'accusaient  et 
calomniaient  déjà  ouvertement  la  Convention,  affectant  ainsi 
de  confondre  les  malheurs  inévitables  dans  un  aussi  grand 
changement,  provoqués  par  les  ennemis  de  la  prospérité 
publique  de  la  France,  avec  les  immenses  bienfaits  d'un  inté- 
rêt général,  la  justice  et  l'honneur  de  la  patrie. 

Tels  furent  à  peu  près  les  résultats  de  mes  observations, 
puisées  dans  la  société  intéressante  de  Vergniaux,  de  Gen- 
soné,  de  Guadet,  de  Diicos,  de  Pétion,  maire  de  Paris. 
J'avais  connu  Brissot  et  Robespierre  aux  premières  journées 
de  1789.  Ne  leur  étant  nullement  suspect,  j'approchai  d'eux 
avec  confiance.  Pour  la  fortifier  je  publiai  mon  opinion  sur 
la  Xécessité  de  conserver  nos  relations  avec  l'Espagne.  Le  projet 
du  Comité  de  défense  générale  prévalut.  Je  doute  qu'il  ait 
lu  mon  opinion.  Ce  qu'il  y  a  de  vrai,  c'est  qu'elle  eût  empê- 
ché, si  on  l'eut  adoptée,  les  frais  inutiles  d'une  guerre  glo- 
rieuse à  la  vérité  pour  nos  armées,  mais  sans  aucun  autre 
avantage.  La  guerre,  on  devait  s'y  attendre,  réunit  tous  les 
Espagnols.  L'explosion  projettée  contre  le  Bourbon  de  Ma- 
drid n'a  éclaté  qu'en  1820.  Honneur  aux  immortels  Quiroga 
et  Riegos. 

Les  partis  veulent  de  la  haine,  et  moi  je  ne  sais  pas  haïr. 
Placé  par  mes  opinions  au  rang  des  républicains,  sincè- 
rement dévoué  à  la  patrie,  les  succès  du  nouveau  gouver- 
nement me   consolaient  des  privations  et  des  dangers,    des 

nEV.  IIIST.    DK  LA  RKVOL.  7 


274  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

journées  et  des  nuits  entières  passées  sous  le  couteau  des 
égorgeurs.  Je  ne  quittai  pas  le  poste  le  plus  périlleux  pour 
les  proconsiilats  recherchés  avec  empressement  et  que  j'ai 
constament  refusés. 

Je  dois  faire  connaître  la  députation  des  Hautes-Pyré- 
nées, mes  honorables  collègues.  Barère,  avec  un  talent  facile, 
avide  de  gloire,  la  rechercha  dans  tous  les  partis,  avec  tous 
les  dangers  qui  suivirent  la  chute  des  Girondins  et  des  Jaco- 
bins '  .  Membre  du  Comité  de  Salut  public,  il  dédaigna  des 
modestes  collègues  ;  ses  rapports  à  la  tribune  sur  les  succès 
éclatans  de  nos  armées  lui  donnèrent  cette  grande  réputa- 
tion dont  il  jouit.  Entraîné  dans  la  perte  de  Robespierre,  et 
ses  calculs  politiques  en  défaut,  il  sut  éviter  la  déportation 
et  conserver  la  confiance  des  patriotes  de  son  département, 
dont  il  fut  le  représentant  en  1815.  Réfugié  dans  la  Belgi- 
que, il  doit  se  consoler  et  trouver  des  souvenirs  dans  sa 
renomée.  Dupont  de  Barèges,  ancien  professeur  h  Pau,  mou- 
rut durant  la  session,  républicain,  assez  instruit,  il  laissa 
des  regrets.  Mon  parent  Gertoux  possédait  tout  juste  le  pa- 
triotisme d'un  négociant  intéressé  au  soutien  du  nouveau 
gouvernement.  Lacrampe  d'Argellez,  cinquième  député, 
réunissait  tout  ce  qu'on  peut  imaginer  d'oppositions.  L'or- 
gueil de  sa  richesse,  l'ostentation  de  figurer  avec  une  bour- 
geoisie se  disant  nobiliaire  ;  attaché  aux  hochets  monarchi- 
ques ;  cependant  il  vote  la  mort  du  roi  ;  avec  sa  figure 
niaise  et  ses  manières  frivoles,  il  acquit  des  grands  biens 
nationaux  et  mourut  aveugle.  Les  députés  qui  remplacèrent 
Dupont  et  Barrère,  Féraud  tué  au  sein  de  la  Convention  par 
son  imprudence  et  ses  folies,  les  suppléans  Guchan  et  Dau- 
phaule  ne  méritent  aucune  mention.  Quant  à  moi  il  m'a 
toujours  manqué  ambition  et  hypocrisie  ;  le  désir  de  con- 
server ma  tète  m'a  retenu  ;  sa  chute  à  quoi  aurait-elle  servi? 

L'imprudence  de  mon  collègue  Féraud  causa  sa  mort  et 


1.  Comme  il  égaiait  les  mesures  les  plus  acerbes,  Pitt  l'appela  l'Anacréon 
de  la  (luillotine.  Four  connaître  la  vie  pulilique  et  politique  de  Barrère,  on  doit 
lire  l'Hist.  de  F'rance  de  Montgaillard,  t.  3  et  4.  (Note  de  Picqué) 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE    J.-P.    PICQUÉ  275 

sa  funeste  renommée  ;  ce  député  né  à  Arreau  vallée  d'Aure, 
faisant  aujourd'hui  partie  des  Hautes-Pyrénées,  revenait  de 
l'armée  le  jour  qu'une  faction  qui  se  rattachait  à  quelques 
membres  de  la  Convention,  en  brisa  les  portes,  s'empara  de 
la  salle,  délibéra  pêle-mêle  avec  les  députés  insurgés.  La 
foule  armée  prodiguait  les  menaces  et  ivre  de  vin  tenait  la 
représentation  nationale  captive.  Elle  attendait  sa  délivrance 
du  Comité  de  Sûreté  générale  ou  une  mort  inévitable.  Dans 
ce  tumulte  effroyable,  le  calme  des  députés  commençant  à 
dissiper  un  désordre  aussi  dangereux  pour  la  représentation, 
Féraud  en  costume  militaire  ordonne  aux  brigands  de  se 
retirer.  Un  de  ces  assassins  lui  trancha  la  tête.  Il  avoua 
avant  de  monter  à  l'échafaud  qu'après  avoir  été  réuni  à  ses 
complices  et  avoir  bu  largement,  il  avait  reçu  trente  sous 
pour  marcher  contre  la  Convention,  Journée  déplorable  qui 
entraîna  la  perte  des  députés,  le  valeureux  Soubrani,  le 
docte  Rome, 

L'histoire  conservera  la  constante  unanimité  de  la  Con- 
vention, malgré  quelques  dissentimens  élevés  dans  son  sein 
par  les  despotes  coalisés.  Elle  adopta  tous  les  moyens  de 
garantir  la  France  des  maux  d'une  invasion  ;  elle  ne  fut 
divisée  pour  la  première  fois  que  sur  le  jugement  du  Roi, 

A  cette  époque  il  n'était  au  pouvoir  d'aucune  espèce  hu- 
maine d'éviter  les  conjurations  formidables  de  tous  les  rois 
de  l'Europe.  Durant  quatre  mois  occupée  à  établir  les  ques- 
tions préliminaires  à  ce  jugement,  l'assemblée  menacée  par 
l'ascendant  de  la  Commune  de  Paris  et  celui  des  sociétés  po- 
pulaires eut  à  se  défendre  encore  des  insurrections  journa- 
lières d'assassins  à  main  armée,  émissaires  des  rois. 

L'Angleterre  avait  à  Baie  et  à  Paris  ses  confidens  et  ses 
banquiers  ;  des  agents  répandus,  bien  stylés,  ayant  le  tarif 
des  insurrections  :  leur  correspondance  saisie  portait  l'ordre 
de  Pitt  de  ne  pas  compter  les  millions  pour  réussir. 

On  demande  froidement  aujourd'hui  aux  républicains 
quel  pouvoir  devait  prononcer  sur  le  sort  du  roi  ?  devait-il 
être  renvoyé  à  une  commission,    moyen  toujours  odieux  à 


276  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA     RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

tout  le  monde.  Par  qui  donc  sera-t-il  jugé?  est-ce  par  la 
réunion  de  trente  millions  de  Français  en  assemblées  pri- 
maires ?  Existe-t-il  un  tribunal  assez  élevé  par  son  indépen- 
dance pour  juger  une  cause  à  laquelle  étaient  attachées  les 
destinées  d'une  grande  nation,  agitée  par  des  ennemis  puis- 
sants en  guerre  avec  la  république  au  dehors  aux  portes 
de  son  gouvernement  occupant  plusieurs  points  de  la 
France. 

L'aristocratie  restée  avec  sa  puissance  sur  les  bords  du 
Rhin,  n'était  pas  étrangère  à  ces  questions.  Toutes  les  his- 
toires, et  particulièrement  celle  de  la  France,  dévoilent  à 
différentes  époques  les  entreprises  ambitieuses  de  la  classe 
de  ceux  qu'on  appelait  grands,  auteurs  de  tous  les  troubles, 
égarant  la  multitude  paisible  qui  ne  demande  que  la  paix, 
du  travail  et  du  pain.  Les  nobles  deffenseurs  du  trône  ont  à 
leur  gré  changé  les  dinasties  héréditaires,  immolant  des  rois, 
vivant  aux  dépens  du  peuple.  On  doit  remarquer  que  per- 
sonnellement Louis  XVI  n'avait  aucun  ennemi  dans  l'assem- 
blée ;  d'assez  nombreux  partisans  se  déclaraient  en  sa 
faveur.  On  n'accusera  pas  un  seul  député  de  la  folie  de  vou- 
loir régner  à  sa  place.  Le  duc  d'Orléans,  avec  son  nom  adop- 
tif  à'Egalité,  pouvait  avoir  cette  ambition  ;  mais  César  ou 
Bonaparte  eussent  tenté  inutilement  à  cette  époque  de  rele- 
ver la  monarchie  des  Bourbons,  monarchie  avilie  s'appuyant 
sur  le  droit  divin,  illusion  qui  disparaissait  devant  la  sou- 
veraineté nationale. 

Uappel  au  peuple,  idée  vraiment  grande,  sublime,  ne  fut 
rejettée  qu'à  la  vue  du  danger  de  tout  un  peuple  excité  à 
tous  les  excès  par  les  émigrés  auxiliaires  des  factieux  et 
des  ennemis  extérieurs,  annonçant  des  projets  d'exterminer 
tous  les  fonctionnaires  publics  et  même  les  prisonniers  du 
Temple,  au  moment  où  dans  l'attente  d'un  jugement  les 
départemens  accusaient  hautement  de  lenteur  les  représen- 
tans  bien  embarrassés  dans  des  circonstances  aussi  extraor- 
dinaires. 

Le  bannissement  ou  la  détention  pouvaient-ils  rassurer  et 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE    J.-P.    PICQUÉ  277 

satisfaire    la    nation  ?  questions    politiques    soumises  à    la 
postérité... 

Au  sein  de  tant  de  dangers  une  assemblée  de  républi- 
cains conservera-t-elle  le  trône  au  Roi,  appellant  par  ses 
parjures,  ses  manifestes,  ses  protestations,  son  adhésion  au 
partage  de  la  France  et  aux  vengeances  les  plus  étendues  ? 
Quelle  sécurité  peut  obtenir  un  grand  peuple  contre  tant 
d'actes  de  mauvaise  foi  ? 

On  a  publié  les  qualités  privées  du  roi  :  inutiles  au  bien 
général,  sa  faiblesse  pour  sa  femme  laissa  la  corruption  et 
la  frivolité  s'établir  avec  plus  de  mépris  pour  la  cour  que 
sous  ses  prédécesseurs  les  plus  scandaleux. 

Le  supplice  de  Louis  et  de  Marie-Antoinette  son  épouse 
firent  peu  de  sensation.  On  avait  placé  des  canons  à  l'entrée 
des  rues  qui  mennent  à  la  place  Louis  XV  ;  aucune  affluence 
de  spectateurs  ne  se  fit  remarquer.  Les  Parisiens  se  livrè- 
rent comme  à  l'ordinaire  à  leurs  occupations,  et,  à  voir 
l'indifférence  et  la  tranquillité  qu'on  aperçoit  dans  les  rues 
et  dans  les  lieux  publics,  on  ne  se  serait  pas  douté  que  le 
21  janvier  et  le  17  octobre  voyaient  tomber  les  têtes  d'un 
roi  et  d'une  reine  qu'on  avait  ennivrés  d'adulations  et  d'hom- 
mages honteux.  Toutes  les  salles  de  spectacle  furent  rem- 
plies. Les  félicitations  à  la  Convention  arrivèrent  de  tous 
côtés. 

Des  censeurs  amers,  si  courageux  aujourd'hui,  si  lâches 
lorsqu'il  fallait  seconder  les  amis  de  la  patrie  contre  tous 
les  oppresseurs,  décident  ces  questions  d'Etat  avec  un  rare 
talent  et  une  admirable  impartialité.  Mais  les  faits  sont  au- 
dessus  des  raisonnemens  des  esclaves,  de  la  faiblesse,  et  des 
ennemis  de  la  révolution. 

Qu'on  se  transporte  à  ces  tems  et  {{u'on  demande  aux 
hommes  de  celte  époque  si  l'Assemblée  Constituante  ne 
porta  pas  la  première  le  décret  de  suspension  du  Roi  après 
sa  fuite  et  son  arrestation  à  Varennes  ?  Mais  l'autorilé  du 
monarque  ?  il  l'avait  abdiquée  par  sa  fuite,  son  adhésion 
au    traité  de  Pilnitz  et  ses  manifestes  ;   l'histoire  reprochera 


278  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

à  l'Assemblée  Constituante,  la  revision  de  la  constitution  et 
de  n'avoir  opposé  aucun  obstacle  aux  trahisons  de  la  cour 
en  livrant  la  France  à  tous  les  hasards  des  factions  anar- 
chiques,  de  l'abandon  des  places  fortes,  des  traités  avec  les 
ennemis  extérieurs  pour  la  cession  du  territoire. 

Qu'on  demande  à  VAssemblée  législative  en  butte  à 
toutes  les  factions,  au  mépris  de  la  cour,  le  compte  de  tous 
les  décrets  qu'elle  prononça  pour  la  déchéance  et  l'arresta- 
tion du  Roi  !  Alors  on  verra  tous  les  malheurs  légués  à  la 
Convention  nationale  tant  calomniée  dont  personne  ne  prend 
la  défense.  Son  courage  prévint  les  plus  grands  malheurs, 
ne  craignant  pas  de  s'exposer  à  toutes  les  vengeances,  aux 
persécutions  ;  elles  ne  lui  ont  pas  manqué. 

Le  Roi  déclaré  unanimement  coupable  ;  s'il  y  eut  diffé- 
rence dans  le  vote  du  jury,  tel  que  les  annales  d'aucun 
peuple  n'en  offrent  de  si  grand,  la  conviction  fut  unanime. 
L'histoire  pèsera  toutes  les  causes  antérieures  au  jugement 
de  sept  cent  cinquante  mandataires  du  peuple,  investis  de 
tous  les  pouvoirs. 

Les  massacres  des  prisons  aux  mois  d'août  et  de  sep- 
tembre, par  une  funeste  ressemblance,  rappellent  ceux  des 
Armagnacs  en  1418  ;  ils  ont  été  la  suite  des  émeutes  excitées 
par  les  ennemis  de  la  France  ;  les  émigrés  et  les  Anglais 
pour  décrier  la  Révolution  secondèrent  et  payèrent  les  révol- 
tes de  germinal,  prairial,  vendémiaire,  fructidor  ;  leurs 
agens  présidèrent  aux  massacres.  Les  tyrans  populaires,  on  les 
a  vus  sous  la  Convention  en  1793,  devenus  seigneurs  impé- 
riaux, pachas  titrés  en  1804,  et  en  1814  ultra  bourboniens. 
Fouché,  Rarras,  Savari,  Merlin.  Dans  des  circonstances  à  peu 
près  semblables,  la  princesse  Lambale,  des  é\èques,  des 
prêtres  missionnaires  furent  enlevés  à  la  justice  qu'on  doit 
aux  conspirateurs.  Le  12  juin  1418,  le  peuple  de  Paris, 
excité  par  les  Anglais  comme  il  le  fut  en  1793,  se  porta 
aux  prisons,  y  massacra  le  connétable  Armagnac,  le  chan- 
celier, quatre  évoques,  deux  présidens  du  parlement  et 
2000  partisans. 


SOUVENIRS    INÉDITS    DE    J.-P.    PICQUÉ  279 

Acteur,  spectateur,  durant  ce  grand  orage,  souvent  en 
présence  de  la  mort,  je  dois  rappeller  une  conversation 
dont  le  souvenir  n'est  ni  une  justification  sollicitée  par  les 
républicains  ni  une  anecdote  inutile  pour  les  écrivains.  Je 
voyais  Danton  jouissant  de  toute  la  force  populaire.  Je  lui 
demandai  ce  qui  convenait  aux  circonstances.  Danton,  avec 
l'énergie  et  la  franchise  qu'on  ne  lui  dispute  pas,  répond  : 
«  Capet  plus  dangereux  parmi  nous  qu'à  Coblens  où  l'on 
préfère  son  frère,  doit  y  semer  la  discorde.  Donnons-le  aux 
émigrés  qui  le  détestent.   » 

On  apprit  vers  ce  tems  là  que  Fox,  Shéridan,  Grey,  lord 
Landswon,  demandent  que  l'on  intervienne  au  nom  de  l'hu- 
manité ;  plusieurs  membres  de  la  chambre  des  pairs  du 
parlement  d'Angleterre,  et  l'illustre  Fox,  de  celle  des  Commu- 
nes, avaient  proposé  cette  intervention  pour  adoucir  le  sort 
de  Louis  XVI.  L'implacable  Pitt  s'opposa  à  des  sentimens 
généreux  qui  auraient  honoré  l'humanité  et  sa  nation  ;  pour- 
suivant son  système,  d'accord  avec  Coblens,  les  émigrés  et 
leurs  émissaires,  il  multiplia  les  troubles  et  les  réclamations 
de  la  France  entière  pour  provoquer  un  jugement  sévère. 
S'il  existait  le  moindre  doute  sur  cet  accord  pour  la  perte 
du  Roi,  concertée  à  Coblens  et  à  Londres,  le  traité  trouvé 
dans  les  papiers  du  royaliste  conventionnel  Duran  de  Mail- 
lane,  imprimé  et  avoué  de  leurs  auteurs  ',  explique  le  vote 
des  Girondins  eux-mêmes  pour  la  peine  capitale.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  que  ce  vote  entraîna  celui  de  plusieurs 
républicains  disposés  à  voter  l'expulsion.  Dans  ces  moments 
décisifs,  l'ambassadeur  d'Espagne  à  Paris  proposa  des  com- 
munications favorables  à  l'accusé  mais  aussitôt  désavouées 
par  son  maître.  Louis,  abandonné  de  sa  famille  et  des  Rois 
ses  alliés,  poursuivi  par  ses  lâches  courtisans,  il  fallait  une 
victime  aux  ennemis  de  la  révolution  pour  la  rendre  plus 
odieuse.  D'après  cet  affreux  système,  la  Convention  ne  reçut 
aucune  proposition,  l'orgueil,  dit-on,  n'en  permettant  aucune 

1.    La    correspondance    de  Louis    XVI  avec  le    Roi  de  Prusse    trouvée  dans 
l'armoire  de  fer.  (Note  de  Picqné) 


280  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

avec  des  plébéiens  qui  dispersaient  leurs  nombreuses  armées 
et  faisaient  trembler  l'Europe. 

Le  jour  qu'on  apprit  à  la  Cour  d'un  grand  prince  d'Alle- 
magne la  mort  de  Louis  XYI,  il  donna  un  grand  bal  ;  les 
émigrés  y  dansèrent  avec  toute  la  Cour.  On  ne  cessait  de 
dire  à  Coblenz  :  «  Périsse  plutôt  le  roy  que  la  royauté  ;  il 
nous  faut  un  roy  féodal,  chevalier.  »  C'est  leur  même  lan- 
gage en  1830.  Charles  X  justiffiera  les  espérances  de  ses 
courtisans  atteints  de  monomanie.  Polygnac,  aventurier  fol 
et  imbécille,  se  place  à  leur  tète. 

On  a  vu  bientôt  les  rois  de  Prusse  et  d'Espagne,  le  duc 
de  Florence,  conclure  des  traités  avec  la  République  Fran- 
çaise, l'empereur  d'Autriche  (sic)  et  l'Angleterre,  établir  avec 
elle  des  communications  commerciales  et  politiques. 

Il  ne  me  resta  plus  que  d'attacher  mon  vote  à  la  suspen- 
sion du  jugement  jusqu'à  la  paix.  Elle  aurait  laissé  un  libre 
cours  aux  sentimens,  à  la  pitié  d'une  nation  souveraine, 
généreuse,  fière  et  libre.  Cette  opinion  et  quelques  autres 
pouvaient  conduire  à  l'échafaud.  Il  n'y  a  qu'heur  et  malheur. 
J'échapai  par  miracle  comme  au  31  mai  et  aux  conspira- 
tions contre  Bonaparte  auxquelles  j'étais  étranger. 

On  a  vu  dans  ces  circonstances  extraordinaires,  ce  qu'on 
pouvait  soupçonner  à  peine.  Ceux  qui  avaient  paru  le  plus 
attachés  à  l'infortuné  monarque,  ou  plutôt  à  sa  liste  civile, 
se  montrèrent  les  plus  empressés  pour  le  perdre  ou  les  plus 
lâches  à  le  défendre.  Dès  lors  les  émigrés  dissimulèrent 
encore  moins  leurs  espérances  de  reprendre  sous  une  dy- 
nastie nouvelle  leur  ancienne  domination  féodale  avec  un 
roi  de  leur  choix  désigné,  voué  au  despotisme  des  privilè- 
ges et  comme  eux  émigré,  implorant  la  colère  des  armées 
de  tous  les  despotes  intéressés  à  leurs  vengeances.  Cette 
situation  violente  devait  avoir  un  terme.  On  accusait 
Louis  XVI  publiquement  à  Coblens  d'être  jacobin.  Les 
émigrés  ne  voulaient  ni  de  lui,  ni  de  son  fils,  ni  de  la  reine 
pour  régente.  Ils  combattaient  pour  la  royauté  absolue  de 
Louis  XVIII. 


SOUVENIRS    INÉDITS     DE     J.-P.     PICQUÉ  281 

La  Convention  n'eut  pas  à  se  défendre  contre  l'éloquence 
de  Desaise,  avocat  de  Bordeaux.  Il  plaida  la  cause  du  Roi 
comme  s'il  eut  parle  pour  un  mur  mitoyen,  sans  énergie, 
sans  dignité  et  sans  talent.  Capet  (on  appela  Louis  XVI  de 
ce  nom  depuis  sa  déchéance)  ne  fut  défendu  que  par  les 
larmes  du  vertueux  Malesherbes.  Triste  et  déplorable  néces- 
sité ;  acte  de  justice  rigoureuse.  On  ne  justifiera  jamais  le 
funeste  aveuglement  du  Roi.  Il  dédaigna  un  trône  constitu- 
tionnel, lui  qu'on  savait  se  plaire  dans  agrémens  d'une  vie 
simple,  se  plaindre  des  fonctions  pénibles  de  la  royauté 
et  les  abandonner  à  des  ministres  pervers,  à  Calonnc,  au 
card'  de  Brienne,  à  Maurepas,  successeurs  de  St  Floren- 
tin, parjure  et  religieux,  humain  et  appellant  tous  les  maux 
de  la  guerre  sur  une  nation  qui  ne  voulait  plus  être  gouver- 
née comme  elle  l'avait  été  durant  sa  longue  oppression.  Phi- 
sionomie  de  Louis  XVI  dans  la  circonstance  la  plus  impor- 
tante... Le  10  août  1792  le  roi  avait  rassemblé  un  bataillon 
soldé  disposé  à  le  defîendre  ;  il  le  passa  en  revue  l'épée  au 
côté  en  habit  violet,  les  yeux  humides,  sans  prononcer  un 
seul  mot,  chapeau  sous  le  bras.  Ce  n'était  pas  la  contenance 
de  celui  dont  il  se  disait  le  successeur  et  qui  voulait  cjue 
dans  les  plus  grands  dangers  on  se  ralliât  à  sa  cornette 
blanche.  Louis  XVI  découragea  ses  partisans  par  sa  versa- 
lité  (sic),  n'accordant  sa  confiance  à  aucun  ministre,  à  Laro- 
chefoucault-Lyancour,  constitutionel  et  dévoué  ;  sa  femme 
seule,  inspirée  par  d'autres  femmes  et  par  son  orgueil  autri- 
chien, implacable  ennemi,  transmis  à  sa  fille  la  duchesse 
cV Angoulème  qui  a  gouverné  Louis  18  et  Charles  X  dont 
elle  a  amené  la  chiite  ;  présidente  de  la  Camarilla  Villèle, 
Peyronet,  Polignac  ;  elle  a  peu  d'esprit,  des  passions  som- 
bres, religieuses,  de  la  morgue,  une  haine  profonde  contre 
la  France. 

Il  se  résigna  dévolieusement,  n'ayant  ni  prévoj'ance,  ni 
forces,  ni  sagesse,  ni  politique,  manquant  de  dignité,  délica- 
tesse. Il  chargea  de  ses  fautes  ses  ministres  les  plus  dévoués. 
Beaucoup  de  députés,  profondément  versés  dans  la  science 


282  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

des  temps  anciens  et  même  enthousiastes  des  grands  noms 
de  l'antiquité,  voulaient  prévenir  le  retour  des  grands  maux. 
Le  jugement  du  roi,  exemple  d'une  justice  incontestable 
selon  les  uns,  d'un  crime  horrible  selon  les  autres,  doit  être 
considéré  sous  deux  points  de  vue.  N'était-il  pas  juste  et 
nécessaire  ?  L'exemple  était-il  pernicieux  ou  salutaire  ? 
Hume  a  présenté  ce  qu'il  y  avait  de  plus  capable  de  justi- 
fier cet  acte  en  disant  qu'il  fallait  ou  que  Charles  I"  pérît 
ou  renoncer  au  projet  d'une  république.  L'emprisonnement 
ou  le  banissement  de  Louis  eut-il  suffi  pour  donner  à  la 
France  un  degré  de  sécurité  tel  que  le  gouvernement  eût  dû 
s'en  contenter?  Cet  acte  de  publicité  solemnelle  ne  fut  pas 
sans  magnanimité  et  consommé  dans  les  ténèbres  comme 
tant  d'autres  exemples  de  flétrissure  qu'on  trouve  pour  de 
pareils  personnages  dans  nos  anales,  saisi,  livré  à  la  haine 
de  l'aristocratie.  Cet  exemple  n'a  pas  été  profitable  puisque 
le  successeur  de  Louis  ne  craignit  pas  d'enfreindre  les 
libertés  qu'il  avait  reconnues  et  de  courir  de  semblables 
hasards  dans  une  période  d'oppression  et  de  calamités. 
Quelque  soit  le  jugement  de  ceux  dont  le  sentiment  pour  le 
courage  et  la  piété  attachèrent  à  la  mémoire  de  Louis  (sic), 
son  jugement  dans  leur  esprit  même  a  laissé  une  impression 
qui  est  plutôt  celle  de  l'admiration  que  celle  de  l'horreur. 
Cinq  millions  quatre  cent  mille  français  ont  sanctionné  par 
écrit  le  jugement  de  la  Convention  ;  adhésion  d'un  plus 
grand  nombre  ne  sachant  pas  lire. 

J'ai  plaint  Louis  XYI,  tombé  des  grandeurs  d'un  roi  de 
France  dans  la  plus  grande  infortune  ;  mais  enfin  ne  s'appi- 
toyera-t-on  jamais  que  sur  le  sort  des  rois  ?  Celui  des  peu- 
ples ne  sera-t-il  rien  auprès  de  l'usurpation  de  quelques 
familles  longuement  occupées  d'elles  et  des  esclaves  qui  les 
trompent,  toujoburs  avides  d'argent  et  d'honneurs  ?  Les  peu- 
ples sensibles  vexés  de  mille  manières,  trahis  dans  leurs 
droits  naturels,  seront-ils  éternellement  voués  à  l'esclavage, 
à  la  misère,  aux  fureurs  du  fanatisme  de  la  cour  des  Rois  ? 

Le  peuple  français,  celui  de  tous  les  peuples  qui  cède  le 


SOrVENIRS    INÉDITS     DE     J.-P.     PICQUÉ  283 

plus  facilement  aux  sentimens  élevés,  qui  attache  le  plus  de 
prix  à  la  vertu,  à  l'honneur,  à  l'instruction,  mériterait,  si 
l'on  écoutait  des  hypocrites  détracteurs,  les  qualifications  de 
barbares,  de  régicides?  Ils  forcent  à  des  raprochemens  entre 
de  vils  mandians  partisans  du  gouvernement  despotique  et 
les  amis  d'une  liberté  fondée  sur  des  lois  positives,  elles  en 
ont  justice.  Chaque  page  de  notre  histoire  prouve  les  abus 
de  la  puissance,  la  confiance  généreuse  et  trompée  d'une 
nation  sensible  et  belliqueuse. 

On  peut  dire  avec  Fénelon  que  dans  tous  les  pays  du 
monde  presque  tous  les  honnêtes  gens  sont  peuple.  Ecarté 
des  sources  d'instruction,  il  ne  puise  que  dans  lui-même 
l'amour  de  la  vertu,  de  la  patrie  et  de  la  société.  On  ne  perd 
aucune  occasion  d'avilir  ses  mœurs  et  de  le  fanatiser  pour 
des  choses  qu'il  n'entend  pas  et  ne  veut  entendre,  au  degré 
d'instruction  et  de  civilisation  auquel  il  est  parvenu.  Assez 
insensé  pour  méconnaître  sa  dignité  et  pour  se  distinguer 
par  les  ridicules  d'une  caste  qui  le  méprise  et  des  prêtres 
qui  le  pillçnt.  Les  auteurs  de  tous  ses  maux,  tous  les  fléaux 
physiques  et  les  calamités  humaines,  la  guerre,  la  famine, 
la  peste  ayant  amené  dans  des  tems  d'ignorance  les  gouver- 
nemens  héréditaires  confiés  à  toutes  les  chances  des  rois, 
enfans,  vieillards,  foux,  imbéciles,  guerriers,  insensés,  pares- 
seux, nous  supportons  ces  dynasties  ineptes  et  dégradés, 
divines,  soutiens  de  la  tyrannie  royale  et  presbitérale  enne- 
mies ou  secrètes  ou  déclarées  des  nations  tranquilles  et 
éclairées  possédant  tous  les  moyens  de  corruption  du  gou- 
vernement absolu.  Les  plus  dangereux  de  ces  tyrans,  les 
ministres-rois,  la  police  et  les  gensdarmes  s'étant  hardi- 
ment placés  au-dessus  de  toutes  les  loix,  la  raison,  l'équité 
s'indignent  de  ne  trouver  aucune  punition  infligée  dans 
l'immense  succession  des  ministres  eff"rontés  liberticides  qui 
ont  élevé  des  fortunes  colossales,  trafiqué  du  sang  du  peu- 
ple et  de  son  existence.  Les  plus  odieux  obtiennent  des  pen- 
sions et  des  titres  ;  la  loi  s'étant  toujours  appesentie  sur  les 
indigens.  Avant  Sully,  Colbert,  Malesherbes,  Turgot,  Neker, 


284  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

seuls   dépositaires  du  pouvoir  exceptes,  on  est   honteux   de 
n'avoir  à  citer  que  des  voleurs. 

ÉTAT  DE  LA  FRANCE  APRÈS  LE  21  JANVIER  1793 

Sans  empiéter  sur  les  droits  de  l'histoire,  je  me  hâte  de 
reprendre  et  de  terminer  le  plus  promptement  possible  la 
suite  des  événements  de  cette  époque  à  laquelle  je  me 
trouve  associé.  Les  ennemis  de  la  Convention  ne  lui  par- 
donnèrent pas  d'avoir  détruit  les  derniers  rameaux  de  l'op- 
pression féodale.  Dès  la  première  campagne  le  succès  de 
nos  armées  assurant  le  sort  de  la  république  elle  n'a  plus 
d'ennemis  dangereux  :  les  intrigans  s'agitent  inutilement  ; 
les  phalanges  des  coalisés  dispersées,  l'Europe  étonnée,  avilie, 
menacée  *  par  les  lumières  et  la  proclamation  de  la  souve- 
raineté du  peuple,  reconnut  enfin  son  gouvernement  et  lui 
demanda  la  paix.  Ces  événements  glorieux,  la  Convention 
les  dut  en  grande  partie  à  l'énergie  de  ses  représentans,  à 
ceux,  il  faut  en  convenir,  pris  dans  les  rangs  des  républi- 
cains audacieux  montagnards  en  opposition  ouverte  avec 
les  Girondins  plus  éloquens,  mais  moins  intrépides.  Dans 
les  circonstances  aussi  difficiles,  les  montagnards  glorieux 
de  leur  nom  de  sans-culottes  forçaient  inconsidérément  le 
char  de  la  révolution,  livré  souvent  à  des  mains  inhabiles. 

La  Convention  n'en  posa  pas  moins  les  limites  naturelles 


1.  Dans  celte  guerre,  si  les  ennemis  triomphaient  avec  le  roi  parjure, 
qui  ne  dissimulaient  pas  leurs  projets  de  vengeance,  quelle  catastrophe  !  Louis 
subit  la  loi  du  vaincu...  La  Convention  n'avait  de  salut  pour  la  France  et  pour 
elle-même  que  dans  l'audace  et  dans  le  secours  des  masses  du  peuple  et  dans 
son  élan...  Seul  moyen  de  salut...  Secours  des  niasses...  Quatorze  armées  sont 
mises  en  mouvement,  sans  expérience,  avec  la  ressource  des  assignats.  La  baïo- 
nette  arme  terrible  de  l'impétuosité  française  substituée  à  l'ancienne  impétuosité 
par  l'enthousiasme  et  à  la  vieille  tactique.  Les  généraux  n'avaient  qu'à  entonner 
la  M.^RSEiLi-AiSK  pour  voir  au  même  instant  courir  sur  l'ennemi  des  novices  vo- 
lontaires :  ils  terrassent  les  phalanges  les  mieux  disciplinées  avec  des  chansons. 
300.000  volontaires  sans  solde  rejettent  1  Euroj)e  coalisée  au-delà  de  nos  fron- 
tières :  des  soupçons  de  trahison  font  croire  que  le  roi  de  Prusse  Guillaume  et  le 
duc  d'York  auraient  été  prisonniers  des  républicains  après  les  succès  éclatans 
des  jeunes  volontaires  dans  les  plaines  de  .Jemmapes,  de  Fleurus  et  de  la 
Champagne,  à  ^'almi.  {Xute  de  Picqtic) 


SOUVENIRS  INÉDITS    DE    J.    P.    PICQUÉ  285 

de  la  France  au  bord  du  Rhin.  Elle  augmenta  la  population 
de  la  république  de  celle  des  Pays-Bas,  de  Liège,  de  Luxem- 
bourg, de  Genève,  de  la  Savoie,  de  Nice,  pays  dévoués  à  la 
République,  plus  de  quinze  millions  d'habitans.  Cette  assem- 
blée accusée  pour  avoir  fait  disparaître  les  signes  de  servi- 
tude, légua  à  la  France  une  constitution  qu'elle  ne  sut  con- 
server '.  Pour  répondre  aux  reproches  de  vandalisme,  elle 
fonda  les  écoles  normale  et  polytechnique,  le  Conservatoire 
des  arts,  un  muséum  enrichi  par  des  traités  avec  les  nations 
vaincues.  Le  génie  de  la  liberté  accorda  au  génie  des  arts 
et  des  sciences  l'unité  fixe  et  invariable,  résultat  combiné 
le  plus  absolu,  la  mesure  d'une  (sic)  pendule  et  du  méridien, 
unité  stable,  nouveau  lien  des  nations,  conquête  de  l'égalité, 
la  base  de  toutes  les  mesures.  L'équitable  postérité  dira  qu'au- 
cune assemblée  n'apporta  dans  aucun  siècle  plus  loin  l'en- 
thousiasme de  la  liberté.  Divisée  d'opinions,  toujours  réunie 
pour  sauver  l'état  du  joug  de  l'étranger  ;  délibérant  sous  le 
poignard  des  factions,  elles  s'envoyèrent  de  la  tribune  à 
l'échafaud,  mais  les  hommes  grandissent  avec  les  dangers. 
Tout  dans  tous  les  partis  fut  empreint  d'un  grand  caractère. 
Sincèrement  attaché  aux  ardens  défenseurs  de  la  répu- 
blique je  m'éloignai  au  31  mai  des  furieux  ultra-révolution- 
naires.  Jour  funeste  du  31  mai  où  la  Convention    livrée  à 


1.  La  Terreur  a  laissé  de  cruels  souvenirs.  Dirigée  contre  cent  mille  étran- 
gers réunis  aux  conspirateurs,  aux  mécontens  de  l'intérieur  ;  les  lois  reçurent 
une  application  forcée,  exagérée,  confiée  à  des  fanatiques,  à  des  hommes  peu 
instruits.  La  Convention  comme  tous  les  gouvernemcns  même  les  mieux  cons- 
titués dans  les  temps  le  plus  pacifiques  devait  opposer  impérieusement  son  pou- 
voir aux  actions  menaçantes  et  hardies  qui  l'attaquèrent  jusques  dans  son  sein 
au  nombre  desquelles  il  faut  compter  80.000  hommes  armés  des  sections  de 
Paris  et  toute  la  population  de  la  \'^endée.  Les  nobles  dames  femmes  agens 
puissans  en  France  où  elles  commandent  et  les  prêtres  formèrent  une  ligue 
redoutable,  religieuse,  intolérante  qui  se  reproduisait  sous  mille  et  mille  arti- 
fices ;  il  exista  de  véritables  et  dangereux  coupables.  Leur  suplice  s'étendit 
malheureusement  sur  des  hommes  faibles,  trompés,  sur  des  femmes  imprudentes, 
crédules,  ambitieuses,  fanatiques,  folles,  qu'il  suffisait  peut-être  d'enfermer,  qui 
dans  cette  tourmente  généralle  furent  immolées.  Leur  suplice  a  fourni  aux 
royalistes  ces  relations,  ces  anecdotes  touchantes  et  criminelles  sans  doute,  mais 
qu'ils  provoquèrent  par  leur  imprévoyante  audace  ;  les  vengeances  particulières 
d'après  les  listes  de  In  Conciergerie  conduisirent  à  l'échafaud  plus  de  révoiutio- 
naires  que  de  roj'alistes  ennemis  conspirateurs  pris  les  armes  à  la  main.  (Note 
de  Picqué) 


286  KEVLE   HISTORIQUE  DE   LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

l'oppression  de  quelques  montagnards  associés  à  la  force 
armée  de  la  Commune  de  Paris,  la  proscription  des  Giron- 
dins fut  la  suite  de  cet  insolent  et  horrible  attentat.  Ver- 
gniaud,  Gensoné,  Duco's  périrent  avec  une  dignité  républi- 
caine —  d'autres  députés,  Pétion,  Buzot,  furent  dévorés  par 
les  chiens  en  fuyant  vers  le  Midi.  Condorcet  mourant  de 
faim  aux  environs  de  Paris,  privé  d'asile  chez  des  prétendus 
amis,  ne  trouve  que  du  poison  pour  terminer  sa  carrière  ' 
que  tant  de  travaux  et  de  sacrifices  à  la  liberté  avaient 
rendue-  célèbre  -. 

5  avril  1794,  Robespierre  n'ayant  pas  encore  accompli 
son  système  d'épuration  osa  attaquer  le  colosse  de  la  révo- 
lution d'Anton  (sic)  et  son  ami  l'intéressant  Camille  Des- 
moulins. Malheureux  !  le  premier  en  1789  il  prit  la  cocarde 
nationale  ^.  An  4,  13  juin,  Rabaud,  Rome,  Soubrany,  Bour- 
bote,  Duquesnoy,  Gougeon,  Leroi,  Yalazé  se  donnèrent  la 
mort,  se  dévouant  eux-mêmes  en  sacrifice  à  leurs  propres 
vertus.  Mourrir  n'est  rien  quand  on  se  croit  grand  sur 
l'échafaud  ^.  Soixante-douze  députés  protestant  contre  le 
résultat  de  l'affreux  31  mai  languirent  deux  ans  dans  les 
prisons  de  Paris.  Menacé  des  mêmes  peines  pour  avoir 
dénoncé  à  mon  département  ces  crimes  et  ceux  du  2  juin 
les  projets  de  la  faction  usurpatrice  qui  devaient  être  suivis 
du  massacre  de  la  Convention,  par  un  bonheur  singulier 
j'évitai  leur  captivité. 


1.  Deux  jours  avant  le  9  thermidor  et  le  supplice  de  Robespierre,  craignant 
d'être  arretto,  manquant  d'asile,  de  pain,  il  prit  le  parti  de  se  détruire  dans  la 
plaine  de  Montrouge.  (Xote  de  Picqiié) 

2.  Il  avait  conservé  dans  un  anneau  le  mélange  d'estramonium  (sic)  et 
d'opium  dont  il  se  servit.  Déniosthènes  eut  le  même  sort.  Socrate  but  la  ciguë. 
(Xote  de  Picquc) 

3.  Les  députés  Soubrani,  brave  et  savant,  Rome,  savant,  Roi,  fanatique, 
périssent  de  leurs  propres  mains.  Disciple  d'Aristide  et  de  Démosthènes,  Danton 
à  la  voix  de  stentor  tomba  sous  la  hache  du  bourreau.  (Xote  de  Picqiié) 

4.  La  Convention  h'épargna  aucun  de  ses  membres  coupables.  Elle  accusa 
deux  tigres  couverts  d'énormes  forfaits.  Ses  décrets  furent  unanimes  contre 
Carrier,  ancien  procureur,  et  contre  le  prêtre  Lebon  condamnés  à  la  peine  de 
mort  le  premier  le  9  août  1795.  Fouquier-Tinville  et  quinze  juges  de  l'ancien 
tribunal  révolutionnaire  tombèrent  sous  le  fer  de  la  guillotine.  Pitt  et  l'Angle- 
terre mécontens  du  retour  à  la  justice  et  à  la  modération,  affligés  de  la  mort 
de  Robespierre,  exécuté  le  9  thermidor.  (Note  de  Puqiié) 


SOUVENIRS  INÉDITS  DE   J.-P.   PICQUÉ  287 

Le  même  bonheur  m'a  préservé  des  plus  grands  dangers 
dont  mon  éloignement  des  factions  n'aurait  pu  me  garantir. 
Je  dois  les  rappeler  comme  la  preuve  qu'en  révolution  les 
événements  de  notre  vie  sont  au-dessus  des  calculs  de  la 
prudence  et  sont  souvent  le  produit  des  plus  minces  circons- 
tances. 

(A  suivre) 


HIPPOLYTE  MONIN 

(1854-1915) 


Le  10  juillet  1915,  après  une  courte  maladie,  dont  rien 
ne  permettait  de  prévoir  la  rapide  et  fatale  issue,  mourait  le 
professeur  Hippolyte  Monin. 

Monin  était  né  le  18  août  1854  à  Besançon,  où  son  père 
était  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres.  Après  avoir  fait  de 
brillantes  études  au  Lycée  de  sa  ville  natale,  il  entra  à  18 
ans,  en  1872,  à  l'Ecole  Normale  Supérieure  ;  il  en  sortait 
en  1875  et  enseigna  successivement  comme  professeur  au 
collège  de  Blois  et  comme  chargé  de  cours  au  Lycée  de  Ve- 
soul.  Agrégé  d'histoire  par  arrêté  ministériel  du  8  septembre 
1877,  il  fut  nommé  professeur  au  Lycée  de  Nîmes,  où  il 
enseigna  pendant  quatre  ans  ;  il  passa  ensuite  à  celui  de 
Montpellier,  où  il  professa  de  1880  à  1885.  De  Montpellier 
il  fut  appelé  à  Versailles,  où  il  ne  resta  qu'une  année,  de 
1885  à  1886.  A  cette  dernière  date  il  fut  chargé  de  l'ensei- 
gnement de  l'histoire  au  Collège  RoUin,  où  il  a  laissé  à  ses 
collègues  comme  à  ses  élèves  le  souvenir  d'un  maître  hors 
de  pair.  Pendant  28  ans,  il  y  professa,  et,  après  avoir  de- 
mandé au  mois  d'octobre  1914  sa  mise  à  la  retraite,  il  était 
nommé,  le  8  juin  1915,  professeur  honoraire.  A  peine  avait- 
il  obtenu  cette  retraite  que  la  confiance  de  ses  concitoyens 
l'appelait  à  la  Mairie  du  IX™^  arrondissement  où  jusqu'à 
son  dernier  jour  il  excerça  les  fonctions  si  absorbantes  et 
si  pénibles  d'Adjoint  au  Maire.  Monin,  qui  était  l'homme 
de  tous  les  dévouements,  accepta,  à  la  Municipalité  du  IX""^ 


HIPPOLYTE    MONIN  289 

arrondissement,  la  charge  la  plus  pénible,  celle  qui  consistait 
à  présider  aux  œuvres  spéciales  d'assistance  dont  les  événe- 
ments avaient  exigé  la  création  :  allocations  militaires,  se- 
cours de  chômage,  envois  de  tous  genres  aux  soldats  du  front, 
aux  prisonniers  de  guerre,  et  il  n'est  pas  téméraire  de  croire 
que  l'ardeur  avec  laquelle  il  se  voua  à  son  œuvre  de  charité, 
et  la  besogne  formidable  à  laquelle  il  se  consacra,  n'ont  pas 
été  étrangères  à  sa  fin  prématurée. 

Son  activité  pédagogique  ne  se  borna  pas  d'ailleurs  à 
l'enseignement  secondaire.  Déjà,  en  1883,  à  Montpellier,  des 
arrêtés  des  l^""  et  16  décembre  l'avaient  chargé  d'une  confé- 
rence de  géographie.  Plus  tard,  à  peine  arrivé  à  Paris,  il 
obtenait  l'autorisation  de  faire  à  la  Faculté  des  Lettres  un 
cours  libre  en  13  leçons  sur  «  l'Etat  des  Généralités  compo- 
sant le  ressort  du  Parlement  de  Paris  pendant  les  dernières 
années  de  l'ancien  régime  ». 

Mais  il  allait  bientôt  pouvoir  donner  sa  mesure  dans  un 
ordre  d'enseignement  aujourd'hui  disparu  et  où  Monin  s'ac- 
quit une  haute  et  juste  renommée.  Quand,  il  y  a  vingt-cinq 
ans,  le  Conseil  Municipal  de  Paris  créa  à  l'Hôtel  de  Ville 
des  cours  d'enseignement  populaire  supérieur,  Monin  fut 
chargé  d'enseigner  l'Histoire  de  Paris.  Ce  cours  fut  professé 
par  lui  de  1890  à  1901.  Il  y  traita  surtout  l'Histoire  politi- 
que de  Paris  et  le  rôle  de  la  capitale  dans  la  formation  na- 
tionale. Si  les  vicissitudes  de  la  politique  n'avaient  pas  mis 
fin,  après  dix  ans,  à  cet  enseignement,  il  eut  sans  doute 
consacré  son  cours  à  l'étude  des  divers  aspects  de  l'Histoire 
parisienne.  Tel  qu'il  est  cependant,  son  travail  est  sans 
doute  le  plus  considérable  qu'un  savant  ait  consacré  jusqu'à 
présent  à  l'Histoire  parisienne  mise  à  la  portée  de  tous. 

Si  l'on  ne  peut  songer  à  publier  ce  grand  ensemble,  qui 
apporterait  pourtant  bien  des  révélations  sur  le  passé  de  la 
grande  ville,  il  serait  à  désirer  que  tout  au  moins  on  pût 
donner  au  public  la  partie  qu'il  a  consacrée  au  XVIII"'^  siè- 
cle, et  ce  serait  rendre  service  à  l'histoire  à  la  fois  de  la 
ville  et  de  la  littérature   que    de   publier    les    chapitres    si 

r.Ev.  msr.  ue  la  révoi..  8 


290  REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

remarquables  et  d'un  enseignement  si  nouveau  qu'il  avait 
intitulés  «  Voltaire  et  Paris  »  et  «  Montesquieu   et  Paris  ». 

A  côté  de  ses  études  d'histoire  générale,  de  ses  vastes 
travaux  sur  la  Révolution  Française  et  sur  la  Révolution 
de  1848,  Monin  aimait  —  et  c'était  pour  lui  une  sorte  de 
délassement  —  à  écrire  dans  des  revues  de  spécialité  ou 
dans  les  revues  d'histoire  locale,  dans  ces  revues  histori- 
ques de  quartier  qui  se  sont  multipliées  à  Paris  depuis  vingt 
ans.  La  liste  des  articles  qu'il  a  donnés  dans  ces  fascicules 
trouvera  sa  place  dans  la  bibliographie  qui  suit  ces  quel- 
ques pages.  Mais,  là  encore,  l'originalité  de  son  esprit,  cette 
extraordinaire  perspicacité  qui  eut  fait  de  Monin  le  plus 
merveilleux  des  juges  d'instruction,  et  celte  faculté  de  géné- 
raliser des  faits  d'histoire  locale  et  de  les  rattacher  à  l'évo- 
lution du  pays  entier,  ont  pu  se  donner  libre  carrière.  Rien 
n'est  à  cet  égard  plus  curieux  que  la  série  des  articles  qu'il 
a  publiés  dans  la  revue  Le  Vieux  Montmartre. 

Cette  revue  est  éditée  par  un  société  fondée  il  y  a  trente 
ans,  à  Montmartre,  pour  essayer  de  protéger  les  jardins  et 
les  sites  pittoresques  de  la  Vieille  Butte,  en  même  temps 
que  pour  écrire  l'histoire  de  cet  antique  village  auquel  se 
rattachent  quelques-unes  des  plus  glorieuses  traditions  du 
passé  de  la  France  :  introduction  du  christianisme  dans 
les  Gaules,  luttes  contre  les  Normands  et  les  invasions  ger- 
maniques du  VHP  au  XP  siècle,  combats  sanglants  des 
guerres  religieuses  du  XVP  siècle,  naissance  de  l'ordre  des 
Jésuites  ;  séjour  d'Henri  IV  au  cours  de  sa  lutte  contre  la 
Ligue,  et  enfin,  à  l'aurore  du  XIX^  siècle,  travaux  de  Cuvier 
dans  les  carrières  de  Montmartre,  qui  ont  donné  à  la  France 
et  au  monde  cette  science  nouvelle,  la  Paléontologie.  Très 
attaché  à  ce  groupement,  Monin  fut  membre  de  son  comité 
directeur  depuis  1894  jusqu'à  sa  mort,  et  il  n'a  pas  donné 
à  la  Revue  moins  de  11  articles.  Nous  ne  dirons  un  mot 
que  de  ceux  où  il  a  écrit  l'histoire  de  la  Révolution  de  1848 
à  Montmartre.  Le  Banquet  de  Saint-Denis,  Le  Banquet  du 
Château-Rouge,   longue  étude   de  50  pages  où   est  racontée 


HIPPOLYTE    MONIN  291 

l'histoire  de  la  plus  importante  des  manifestations  prélimi- 
naires aux  journées  de  Février.  Puis  viennent  Les  Murailles 
Révolutionnaires  de  18^8  à  Montmartre,  curieux  ensemble 
d'affiches,  la  plupart  inédites  ;  Montmartre  en  novembre  et 
décembre  18^8  ;  pour  aboutir  à  un  article  intitulé  Le  Coup 
d'Etat  du  2  décembre  1851  à  Montmartre,  sur  lequel  je  de- 
mande la  permission  d'insister  quelque  peu. 

On  sait  qu'il  n'y  a  guère  d'espoir  de  jamais  pouvoir  écrire 
une  histoire  réellement  documentée  de  ce  coup  de  force. 
Par  un  accident  qui  n'est  peut-être  pas  entièrement  dû  au 
hasard  la  fraction  des  archives  du  Ministère  de  l'Intérieur 
qui  concerne  cette  période  a  disparu.  On  sent  donc  tout  le 
prix  d'une  de  ces  études  de  détail,  qui,  dans  une  petite  ville, 
présente  le  tableau  de  la  lente  préparation  de  l'attentat.  A 
cet  égard  le  travail  de  Monin  est  un  modèle.  A  l'aide  de 
quelques  dossiers  conservés  aux  Archives  de  la  Seine  et 
provenant  de  la  sous-préfecture  de  Saint-'Denis,  et  de  quel- 
ques révélations  dues  aux  complices,  il  a  pu  reconstituer 
toute  l'élaboration  du  coup  d'Etat  dans  une  petite  localité 
de  la  banlieue  parisienne,  le  rôle  de  l'homme  à  tout  faire, 
Piémontézi,  que  l'on  avait  chargé  de  la  besogne,  et  les  pro- 
cédés qui  durent  être  les  mêmes  partout  et  qui  aboutirent 
au  second  empire.  C'est  surtout  quand  on  parle  d'un  homme 
comme  Monin,  qui  fut  la  modestie  même,  qu'il  faut  éviter 
l'enflure  et  l'exagération.  Mais  ce  n'est  pas  trop  s'avancer 
de  dire  que  ce  petit  travail  de  15  pages  apprend  plus  au 
lecteur  sur  l'état  des  esprits  à  cette  époque,  et  sur  la  prépa- 
ration du  coup  d'Etat,  que  bien  des  gros  volumes.  Cet  article 
dépasse  les  limites  de  l'histoire  locale  et  sera  pour  les  his- 
toriens de  la  seconde  moitié  du  XIX*  siècle  un  vrai  modèle. 
La  conclusion  qui  s'impose  est  la  suivante  :  le  18  brumaire 
avait  été  presque  improvisé,  le  deux  décembre  1851  fut  len- 
tement et  savamment  préparé,  et  réussit  pour  cette  raison 
même. 

La  dernière  œuvre  à  laquelle  Monin  s'était  consacré 
reste   malheureusement  inachevée.   Depuis  plus  de  10  ans, 


292  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

avec  un  de  ses  amis,  il  travaillait  à  la  publication  du  Som- 
mier des  Biens  Nationaux  Parisiens,  c'est  à-dire  des  regis- 
tres où,  en  Tan  VII,  on  a  résumé  l'opération  de  la  vente  des 
biens  des  communautés,  des  corps,  des  congrégations  et  des 
émigrés  que  la  Révolution  avait  déclarés  biens  nationaux. 
Ces  registres  indiquent,  pour  chacun  des  maisons  ou  domai- 
nes de  l'intérieur  de  Paris,  la  situation,  l'origine,  l'estimation, 
le  montant  des  locations  et  la  liste  des  locataires,  le  prix  de 
vente,  les  noms  et  qualités  des  acquéreurs.  De  la  sorte  ces  regis- 
tres tiennent  lieu  des  procès-verbaux  originaux  accompagnés 
de  plans  et  que  l'incendie  du  24  mai  1871  a  fait  disparaître  à 
l'Hôtel  de  Ville,  où  ilis  étaient  conservés.  Des  éclaircissements 
étendus,  et  dont  beaucoup  sont  dus  à  Monin,  suppléent 
aux  lacunes  ou  rectifient  les  erreurs  des  registres,  et  Monin 
se  proposait,  dans  une  introduction,  qu'il  voulait  faire  très 
développée,  d'étudier  l'histoire  du  régime  des  biens  nationaux 
à  Paris,  régime  assez  différent  de  celui  des  biens  ruraux  du 
reste  de  la  France. 

Ce  serait  presque  faire  injure  à  la  mémoire  de  Monin 
que  de  ne  voir  en  lui  que  le  professeur  et  l'historien.  Jamais 
personne  ne  fut  moins  que  lui  «  l'homme  de  cabinet  »  ren- 
fermé égoïstement  dans  sa  littérature  ou  son  érudition.  Tou- 
tes les  manifestations  de  la  vie  et  de  la  solidarité  étaient 
assurées  de  son  concours.  Aux  Commissions  historiques  de 
la  Ville,  au  Comité  des  Inscriptions  Parisiennes,  au  Comité 
des  Recherches  sur  l'Histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution 
Française,  il  prêta  un  large  et  utile  concours.  Soldat  dans 
la  Garde  Nationale  de  Besançon  en  1870,  il  fut,  au  cours  de 
la  dure  guerre  actuelle,  la  cheville  ouvrière  de  toutes  les 
œuvres  d'aide  sociale  à  la  Mairie  du  IX^  arrondissement. 
S'il  ne  fut  pas  un  homme  politique  au  sens  précis  du  mot, 
ce  républicain  à  l'àme  chevaleresque  luttait  contre  le  16  mai 
à  Vesoul,  collaborait  à  de  nombreux  journaux  tels  que  le 
Siècle  ou  la  Dépêche  de  Toulouse,  siégeait  pendant  30  ans  au 
Comité  Radical  du  IX"",  et  acceptait  par  devoir  une  candi- 
dature aux  élections  législatives  de  1914.  sachant  bien  qu'elle 


HIPPOLYTE    MONIN  293 

ne  devait  avoir  d'autre  succès  que  de  faire  entendre  dans 
ces  quartiers  aux  opinions  vacillantes  une  voix  réellement 
républicaine. 

L'ami  fidèle,  l'époux  tendre,  l'homme  au  désintéresse- 
ment antique  ont  été  appréciés  de  tous  ceux  qui  ont  pu  l'ap- 
procher. Le  Maître  en  histoire  sera  estimé  de  plus  en  plus 
dans  l'avenir  et  jouira  un  jour  de  la  juste  renommée  que 
mérite  son  labeur  considérable  et  perspicace. 

Lucien   Lazard. 


Aux  pages  qu'on  vient  de  lire,  et  où  M.  Lucien  Lazard  a 
si  bien  marqué  le  caractère,  l'importance  et  l'intérêt  de  l'œu- 
vre historique  qu'a  laissée  notre  cher  collaborateur  H. 
Monin,  qu'on  nous  permette  d'ajoutet  quelques  lignes  pour 
retracer  brièvement  ce  que  furent  pour  nous  son  amitié  sin- 
cère, son  dévouement  de  tous  les  instants  et  son  érudition 
toujours  si  vigilante  et  si  sûre. 

Comme  J.- Félix-Bouvier,  comme  L.-G.  Pélissier,  si  pré- 
maturément enlevés,  eux  aussi,  à  notre  affection,  il  parti- 
cipa, dans  les  dernières  semaines  de  1909,  à  la  fondation  de 
la  Revue  historique  de  la  Révolution  française.  Il  concevait, 
comme  nous,  la  nécessité  d'une  grande  revue  historique  qui 
ne  fût  ni  l'organe  d'un  groupe  fermé,  ni  l'instrument  d'une 
ambition  personnelle,  mais,  au  contraire,  un  large  champ 
de  discussions  et  d'études,  un  recueil  documentaire  où  ne 
régnât  que  la  seule  passion  de  la  vérité.  Il  s'attacha  à  notre 
œuvre  avec  un  zèle  qui,  pendant  plus  de  six  années,  ne  se 
démentit  jamais.  On  trouvera  plus  loin,  dans  la  bibliogra- 
phie de  ses  travaux,  la  longue  liste  des  études  qu'il  publia 
dans  notre  Revue,  depuis  le  premier  numéro,  et  même, 
peut-on  dire,  depuis  la  première  page,  puisque  ce  fut  lui  qui 
nous  apporta  le  fragment  inédit  d'Edgard  Quinet  qui  servit 
de  préface  à  ce  recueil.  Dès  ce  numéro  aussi,  il  commença 
la  publication  de  son  histoire  des  relations  de  Quinet  et  de 
Chassin,    étude   capitale   pour  la    biographie   de   ces    deux 


294  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

hommes.  Sans  nous  arrêter  à  chacun  des  travaux,  si  variés 
et  si  vivants,  qui  parurent  successivement  ici  même,  rappe- 
lons, en  raison  de  leur  importance  particulière,  sa  critique 
serrée  et  précise  de  l'œuvre  de  la  Commission  des  documents 
relatifs  à  la  vie  économique  de  la  Révolution  (numéro  d'oc- 
tobre-décembre 1911),  son  étude  sur  la  Montansier  (numéro 
de  janvier-mars  1914),  et  la  discussion  des  témoignages 
relatifs  à  la  mort  du  tsar  Paul  P*"  (ibicL).  Rappelons  aussi, 
puisqu'on  n'en  trouvera  pas  la  mention  dans  la  liste  de  ses 
travaux,  les  nombreux  articles  bibliographiques  qu'il  a 
donnés  dans  les  divers  fascicules  de  la  Revue  historique  de 
la  Révolution  française,  et  dont  quelques-uns  dépassent  de 
beaucoup  le  ton  ordinaire  des  comptes-rendus  et  ajoutent 
aux  volumes  qui  en  font  l'objet  de  véritables  études  com- 
plémentaires. 

Incapable  de  délaisser,  même  pour  un  temps,  le  cher 
domaine  de  l'histoire,  il  poursuivait,  malgré  sa  collaboration 
à  plusieurs  journaux  quotidiens,  malgré  aussi  les  fonctions 
administratives  dont  il  était  chargé  depuis  le  début  de  la 
guerre,  des  recherches  dont  il  se  plaisait  à  nous  raconter  les 
étapes,  et  qui  devait,  dans  sa  pensée,  aboutir  à  un  travail 
très  complet  et  très  nouveau  sur  la  vaste  et  complexe  ques- 
tion du  transfert  en  France  des  objets  d'art  prélevés  en 
Italie  par  Bonaparte  au  cours  de  la  campagne  de  1796-1797. 
Malheureusement  ce  travail  est  resté  inachevé  dans  toutes 
ses  parties.  Nous  espérons  du  moins  pouvoir  recueillir  dans 
les  divers  manuscrits  que  Madame  V'"  Monin  a  bien  voulu 
mettre  à  notre  disposition  quelques  pages  qui  seront  pour 
nos  lecteurs  une  occasion  nouvelle  d'admirer  celte  noble 
intelligence,  et  d'en    regretter,   comme  nous,  la  disparition 

prématurée. 

Charles  Vellay. 


Bibliographie  des  travaux  historiques  d'H.  Moxin 

[L'œuvre  historique  d'H.  Monin  se  trouvant  dispersée  dans  un  grand 
nombre  de  publications  périodiques,  nous  n'avons  pas  la  prétention  d'en 


HIPPOLYTE    MONIN  295 

donner  ici  un  tableau  complet.  Nous  avons  simplement  réuni,  avec  le 
précieux  concours  de  M.  Lucien  Lazard,  tout  ce  qu'il  nous  a  été  possible 
de  retrouver,  et  nous  en  donnons,  sans  commentaire,  la  nomenclature,  en 
nous  excusant  par  avance  des  lacunes  qu'on  pourra  y  trouver  et  qui  sont 
presque  toujours  inévitables  en  pareil  cas.  —  C.  V.] 

1.  —  Essai  sur  l'histoire  administrative  du  Languedoc  pendant  Vin- 
tendance  de  Basinlle  (1685-1719).  Paris,  Hachette,  1884.  Un  vol.  in-8  de 
430  p.  (thèse). 

2.  —  De  Unitate  Religionis  homericœ  in  Iliade.  Paris,  Hachette,  1884. 
Un  vol.  in-8  de  73  p.  (thèse). 

3.  —  Etat  du  ressort  du  Parlement  de  Paris  en  1789  (dans  la  Révo- 
lution française,  tome  XL  année  1886,  pp.  104  et  sq.). 

4.  —  Les  élections  et  les  cahiers  de  Paris  en  1789  (dans  la  Revue  bleue, 
tome  XLL  année  1888,  pp.  591-594). 

5.  —  Institutions  de  Paris  en  1789  (dans  la  Révolution  française, 
tome  XVL  année  1889,  pp.  301  et  sq.). 

6.  —  La  séance  du  16  juin  1789  d'après  un  témoin  oculaire  (dans  la 
Révolution  française,  tome  XVL  année  1889,  pp.  536  et  sq.). 

7.  — Journal  d'un  bourgeois  de  Paris  pendant  la  Révolution  française, 
année  1789.  Paris,  Colin,  1889.  Un  vol.  in-8  de  435  p. 

8.  —  L'Etat  de  Paris  en  1789.  Etudes  et  documents  sur  l'Ancien  Ré- 
gime à  Paris.  Paris,  Jouaust,  1889.  Un  vol.  in-8  de  iv-689  p. 

9.  —  La  province  du  Languedoc  en  1789.  S.  1.  n.  d.  In-8  de  176  p. 

10.  —  Etudes  révolutionnaires  :  La  chanson  historique  pendant  la 
Révolution,  de  1787  à  1791  (dans  la  Revue  bleue  du  8  février  1890,  pp. 
173-180). 

11.  —  Les  archives  révolutionnaires  de  Paris  (dans  la  Revue  bleue  du 
23  août  1890,  pp.  253-256). 

12.  —  La  chanson  historique  pendant  la  Révolution.  Période  de  1789 
à  1792  (dans  la  Revue  bleue,  tome  XLV,  année  1890). 

13.  —  Philippe-Egalité  (dans  la  Révolution  française,  tome  XX,  année 
1891,  pp.  442  et  sq.). 

14.  —  Les  Juifs  de  Paris  à  la  fin  de  l'ancien  régime  (dans  la  Revue 
des  études  juives,  tome  XXIH,  année  1892,  pp.  95  et  sq.). 

15.  —  Catherine  Pochetat  (dans  la  Révolution  française,  tome  XXH, 
année  1892,  pp.  83  et  sq.). 

16.  —  Chansons  historiques  de  1792  (dans  lu  Révolution  française, 
tome  XXII,  année  1892,  pp.  385  et  sq.). 

17.  —  La  Chanson  et  l'Eglise  sous  la  Révolution  (dans  la  Révolution 
française,  tome  XXIII,  année  1892,  pp.  234  et  sq.). 


296  REVUE   HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

18.  —  La  fête  nationale  du  52  septembre  1892  et  ses  précédents  histo- 
riques (dans  la  Révolution  française,  tome  XXIII,  année  1892,  pp.  289  et 
sq.), 

19.  —  Le  discours  de  Mirabeau  sur  les  fctes  publiques  (dans  la  Révo- 
lution française,  tome  XXV,  année  1893,  pp.  214  et  sq.). 

20.  —  Notes  sur  la  famille  de  Raffet  (dans  la  Révolution  française, 
tome  XXV,  année  1893,  pp.  527  etsq.). 

21.  — Les  Bourbons  franc-maçons  (dans  la  Revue  bleue,  4c  série,  tome 
III,  année  1893,  pp.  653-658). 

22.  —  Les  derniers  corps  de  métiers  en  France,  1776-1791  (dans  la 
Révolution  française,  tome  XXVI,  année  1894,  pp.  326  et  sq.). 

23.  —  Bibliothèque  d'histoire  illustrée  (dans  la  Révolution  française, 
tome  XXVII,  année  1894,  pp.  379  et  sq.). 

24.  —  Les  dernières  années  de  la  Restauration,  d'après  les  Mémoires 
du  baron  d' Haussez  (dans  la  Revue  Meue,  année  1894). 

25.  —  Une  épidémie  anarchiste  sous  la  Restauration  (Extrait  de  la  Re- 
vue de  Sociologie).  Paris,  Giard  et  Brière,  1894.  Une  broch.  in-8. 

26.  —  La  Pairie  sous  la  Restauration  (dans  la  Revue  politique  et  par- 
lementaire de  mai  1895). 

27.  —  La  Justice  de  Montmartre  en  1775  (dans  le  Vieux  Montmartre, 
tome  I,  années  1895-1896,  p.  181). 

28.  —  Le  Mur  de  la  Ferme  générale  et  le  Bas  Montmartre  (dans  le 
yieux  Montmartre,  tome  I,  années  1895-1896,  pp.  184-185). 

29.  —  Le  banquet  de  Saint-Denis,  /4  décembre  18¥I  (dans  le  Vieux 
Montmartre,  tome  I,  années  1895-1896.  p.  193). 

30.  —  Les  Murailles  révolutionnaires  de  Montmartre  en  184^8  (dans 
le  Vieux  Montmartre,  tome  I,  années  1895-1896,  pp.  253-258). 

31.  —  Le  banquet  du  Chateau-Rouge  (dans  le  Vieux  Montmartre, 
tomel,  années  1895-1896,  pp.  277-325). 

32.  —  La  translation  de  Voltaire  au  Panthéon  a-t-clle  été  un  simula- 
cre ?  (dans  la  Révolution  française,  tome  XXX,  année  1896,  p.  193  et 
sq.). 

33.  —  L'histoire  de  la  Révolution  aux  salons  de  peinture  en  1896  (dans 
la  Révolution  française,  tome  XXX,  année  1896,  pp.  .554  et  sq). 

34.  —  Lamartine  et  la  campagne  des  banquets  (dans  la  Révolution 
française,  tome  XXXI,  année  1896,  pp.  548  et  sq.). 

35.  —  Le  Lord  de  Montmartre  (dans  le  Vieux  Montmartre,  tome  II, 
années  1897-1900,  pp.  29-32). 

36.  —  Montmartre  en  novembre  et  en  décembre  1848  (dans  le  Vieux 
Montmartre,  tome  II,  y  nnées  1897-1900,  pp.  90  101). 


HIPPOLYTE    MONIN  297 

37.  —  Montmartre  en  1865  (dans  le  Vieux  Montmartre,  tome  II,  an- 
nées 1897-1900,  pp.  218-220). 

38.  —  Le  Coup  d'Etat  du  2  décembre  1851  à  Montmartre  (dans  le 
Vieux  Montmartre,  tome  II,  années  1897-1900,  pp.  245-261). 

39.  —  Une  médaille  commémorativc  de  la  Commune  de  1871  (dans  le 
Vieux  Montmartre,  tome  II,  années  1897-1900,   p.  287). 

40.  —  Piémontési,  avant-der.nier  maire  de  Montmartre  (dans  le  Vieux 
Montmartre,  tome  II,  années  1897-1900,  p.  291). 

41.  —  L'original  de  la  musique  du  «  Ça  ira  »  (dans  la  Révolution 
française,  tome  XXXV,  année  1898,  pp.  481  et  sq.). 

42.  —  George  Sand  et  la  République  de  février  18i8  (dans  la  Révolu- 
tion française,  tome  XXXVII,  année  1899,  pp.  428  et  sq.,  543  et  sq.,  et 
tome  XXXVIII,  année  1900,  pp.  53  et  sq.,  166  et  sq.). 

43.  —  Un  discours  peu  connu  de  Danton  (dans  la  Révolution  française, 
tome  XXXVIII,  année  1900,  pp.  551  et  sq.). 

44.  —  Charles-Louis  Chassin  (dans  la  Révolution  française,  tomeXLI, 
année  1901,  pp.  97  et  sq.). 

45.  —  Les  sommiers  de  la  vente  des  biens  nationaux  (dans  la  Révolu- 
tion française,  tome  L,  année  1906,  pp.  91  et  sq.). 

46.  —  Etude  critique  sur  le  texte  des  <(  Lettres  d'exil  »  d'Edgar  Qui- 
net  (dans  la  Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France  de  juillet-septembre 
1907,  de  juillet-septembre  1908,  et  de  juillet-septembre  1910). 

47.  —  Pujol  et  George  Sand  (dans  la  Révolution  de  1848  de  novem- 
bre-décembre 1907). 

48.  —  Devant  la  statue  d'Edgar  Quinet  (dans  la  Révolution  de  1848 
de  septembre-octobre  1907). 

49.  —  Rapport  sur  le  concours  Ténicheff  (dans  les  Annales  de  l'Listi- 
tut  international  de  sociologie,  1907). 

50.  —  Procès-verbaux  du  Comité  du  Travail  à  l'Assemblée  consti- 
tuante de  1848  (en  collaboration  avec  MM.  Moysset  et  G.  Renard).  Paris, 
Cornély,  1908.  Un  vol.  in-8  de  328  p. 

51.  —  Histoire  extraordinaire  des  papiers  Baudot  et  de  leur  publica- 
tion (dans  les  Anna/es  révolutionnaires  d'avril-juin  1909,  pp.  180-200). 

52.  —  Deux  historiens  de  la  Révolution  :  Edgar  Quinet  et  Charles- 
Louis  Chassin,  d'après  leur  correspondance  originale  (dans  la  Revue  his- 
torique de  la  Révolution  française  de  janvier-mars  1910,  pp.  51-80,  d'avril- 
juin,  pp.  199-218,  de  juillet-septembre,  pp.  380-403,  d'octobre-décembre, 
pp.  528-544,  de  janvier-mars  1911,  pp.  76-89,  d'avril-juin,  pp.  228-245, 
de  juillet-septembre,   pp.  405-424,  d'octobre-décembre,  pp.  572-591,  de 


298  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

janvier-mars  1912,  pp.  90-109,  d'avril-juin,  pp.  276-293,  de  juillet-septem- 
bre, pp.  447-460,  de  janvier-mars  1913,  pp.  100-113,  et  d'avril-juin,  pp. 
291-307). 

53.  —  Le  magasin  des  «  Trois  Pigeons  »  (dans  la  Revue  historique  de 
la  Révolution  française  d'avril-juin  1910,  pp.  240-243). 

54.  —  La  prise  de  la  Bastille,  histoire  et  légende  (dans  la  Revue  histo- 
Jique  de  la  Révolution  française  d'octobre-décembre  1910,  pp.  547-549). 

55.  —  Un  bail  de  dîmes  en  1789  (dans  la  Revue  historique  de  la  Révo- 
lution française  de  janvier-mars  1911,  pp.  94-96). 

56.  —  Les  républicains  français  et  l'unité  italienne  (dans  la  Révolu- 
tion de  18^8  de  mars-avril   1911,  pp.  11-20). 

57.  —  C'est  la  faute  à  Voltaire,  c'est  la  faute  à  Rousseau  (dans  la 
Revue  historique  de  la  Révolution  française  de  juillet-septembre  1911, 
pp.  425-430). 

58.  —  L'œuvre  de  la  Commission  des  documents  relatifs  à  la  vie  éco- 
nomique de  la  Révolution  (dans  la  Revue  historique  de  la  Révolution 
française  d'octobre- décembre  1911,  pp.  592-597). 

59.  —  Un  éducateur  alsacien  :  Joseph  Willm  (dans  la  Révolution  de 
18^8,  tome  VIII,  année  1911,  pp.  409-414). 

60.  —  Histoire  du  siège  et  de  l'occupation  de  Saint-Denis  par  les  Alle- 
mands en  1870-1871.  Saint-Denis,  Impr.  H.  Bouillant,  1911.  Un  vol. 
in-8  de  vi-377  p. 

61.  Le  refrain  de  Gavroche  dans  une  chanson  inédite  de  la  Restaura- 
tion (1817).  Paris,  1911.  In-8  de  8  p.  (Tirage  à  part  de  l'article  paru  dans 
la  Revue  historique  de  la  Révolution  française  sous  le  titre  :  C'est  la  faute 
ù  Voltaire,  c'est  la  faute  à  Rousseau  ;  cf.  plus  haut,  n»  57). 

62.  —  Pourquoi  ?  En  marge  de  la  pétition  de  Naundorff  et  du  rapport 
de  M.  Boissg  d'Anglas  au  Sénat.   Paris,  Figuière,  1911.  In-8  de  15  p. 

63.  —  Une  lettre  de  Victor  Schœlcher  à  Edgar  Quinet,  1862  (dans  la 
Révolution  de  18^8  de  septembre-octobre  1911). 

64.  —  Une  lettre  d'Arnold  Scheffer  à  Edgar  Quinet  (dans  la  Révolution 
de  18i8  de  novembre-décembre  1911). 

65.  —  François-Désiré  Bancel,  représentant  de  la  Drôme,  proscrit, 
professeur  à  Bruxelles,  député  de  Paris.  1822-1871,  d'après  ses  lettres  iné- 
dites. Paris,  Cornély,  1911.  Un  vol.  in-8  de  148  p. 

66.  —  Le  chapitre  78  du  Projet  de  budget  de  llnstruction  publique 
(dans  la  Revue  historique  de  la  Révolution  française  de  janvier-mars 
1912,  pp.  121-123). 

67.  —  Théophile  Dufour.  représentant  du  peuple  en  18i8  pour  le  dé~ 
parlement  de  l'Aisne  (dans  la  Révolution  de  18^f8  de  mars-avril  1912). 


HIPPOLYTE    MONIN  299 

68.  —  Une  lettre  d'Edgar  Qinnet  à  Henri  Brisson  (dans  la  Révolution 
de  18iS  de  mars-avril  1912). 

69.  —  Les  Rapports  des  observateurs  dans  les  «  Petites  Archives  pari- 
siennes »  de  G.  Saint-Joanny  (dans  la  Revue  historique  de  la  Révolution 
française  d'avril-juin  1912,   pp.  298-301). 

70.  —  La  rupture  de  Michclet  et  de  Quinet  (dans  la  Revue  d'histoire 
littéraire  de  la  France  d'octobre-décenibre  1912). 

71.  —  Le  nom  révolutionnaire  du  socialiste  Saint-Simon  (dans  la 
Revue  historique  de  la  Révolution  française  de  janvier-mars  1913,  pp. 
115-118). 

72.  —  Le  problème  méditerranéen  (dans  la  Vie  du  l«^r  mars  1913). 

73.  —  Nicolas-Eugène  Paute-Lafaurie  (dans  la  Révolution  de  18^8  de 
mars-avril  1913). 

74.  —  A  propos  de  chansons  (dans  la  Revue  historique  de  la  Révolution 
française  d'avril-juin  1913,  pp.  310-312). 

75.  —  Cinq  lettres  de  Sainte-Beuve  à  Edgar  Quinet,  1831-1839  (dans  la 
Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France  de  juillet-septembre  1913). 

76.  —  Le  Collège  Louis-le-Grand,  séminaire  de  la  Révolution  (dans  la 
Revue  historique  de  la  Révolution  française  de  juillet-septembre  1913, 
pp.    503-507). 

77.  —  La  Montansier,  fondatrice  et  directrice  de  théâtres  sous  l'ancien 
régime  et  pendant  la  Révolution,  1730-18W  (dans  la  Revue  historique  de 
la  Révolution  française  de  janvier-mars  1914,  pp.  42-98). 

78.  —  A  propos  de  la  mort  du  tzar  Paul  /e'',  11/23  mars  1801)  dans  la 
Revue  historique  de  la  Révolution  française  de  janvier-mars  1914,  pp. 
149-158). 

79.  —  La  Montansier,  femme  galante  et  femme  d'affaires,  directrice  et 
fondatrice  de  théâtres  (1730-18W).  Paris,  aux  bureaux  de  la  Revue  histo- 
rique de  la  Révolution  française,  1914.  Une  broch.  in-8  de  61  p.  (Tirage 
à  part  ;  cf.  plus  haut,  n»  77). 

80.  —  Blanqui  et  la  police,  lSi7-18i8  (dans  la  Révolution  de  18i8  de 
mars-avril  1914). 

81.  —  Les  papiers  de  Boissg  d'Anglas  (dans  la  Revue  historique  de  la 
Révolution  française  d'octobre-décembre  1914,  pp.  288-293). 

82.  —  Une  leçon  de  Michclet  sur  Rome,  1830  (dans  la  Revue  histo- 
rique de  la  Révolution  française  de  janvier-mars  1915,  pp.  134-139). 

83.  —  Les  a'uvres  posthumes  et  la  musique  de  Jean-Jacques  Rousseau 
aux  ((  Enfants-Trouvés  »  (dans  la  Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France 
de  janvier-juin   1915). 


300  BEVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

84.  —  Bonaparte  et  la  République  de  Saint-Marin  (dans  la  Revue 
historique  de  la  Révolution  française  de  juillet-septembre  1915,  pp.  140- 
144). 

85.  —  La  Géographie  de  la  Guerre,  dans  la  Dépêche  de  Toulouse  (1914- 
1915)  ;  —  Questions  historiques,  comptes-rendus  et  analyses  d'articles, 
dans  la  Grande  Revue  ;  —  Articles  divers  dans  la  Grande  Encyclopédie, 
le  Siècle,  la  Dépêche,  la  France  de  demain. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS 


DEUX  LETTRES  DE  SYLVAIN  MARECHAL 
CONTRE  L'ÉTAT  DES  RUES  PARISIENNES  EN  1786  ET  1787 

Deux  fois  Sylvain  Maréchal  s'est  servi  du  Journal  de  Paris 
pour  exprimer  son  mécontentement  contre  l'état  des  rues  parisien- 
nes et  pour  proposer  des  moyens  d'obvier  à  certains  inconvé- 
nients constatés  par  lui. 

La  première  de  ces  lettres,  relative  à  la  vente  des  fleurs,  parut 
dans  le  Journal  de  Paris  du  13  juin  1786  *  ;  la  seconde,  protes- 
tant contre  regorgement  des  agneaux  dans  la  rue,  le  25  mai  1787  *  . 

Voici  ces  deux  lettres,  curieuses  autant  comme  contribution  à 
la  connaissance  du  «  vieux  Paris  »  qu'à  celle  du  caractère  du  fu- 
tur auteur  du  Jugement  dernier  des  rois. 

O.  K. 

I 

PROJET   d'un   marché  AUX  FLEURS 

Aux  Auteurs  du  Journal 

Paris,  mai  1786. 
Messieurs, 

Les  marchés  publics  d'Athènes  et  de  Rome  portoient  l'empreinte 
d'élégance  et  de  grandeur  qui  caractérise  les  monumens  3  de  ces  deux 
premières  villes  de  l'antiquité. 

Rempli  de  ces  souvenirs,  un  des  matins  du  mois  de  Mai,  je  visitai  la 
rue  au  Fer,  dont  je  suis  le  voisin.   Des  deux  côtés  d'un  ruisseau  fétide, 

1.  Pp.  678,  679. 

2.  P.  633. 

3.  Voyez  mes  explications  des  Antiquité  (sic)  d'Herculanum,  T.  III,  in-4''  fig. 
(Note  de  Sylvain  Maréchal) 


302  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

cette  rue  étroite  était  occupée  par  quantité  de  villageoises  chargées  de 
plusieurs  paquets  de  fleurs  entassées  sans  ordre,  et  dont  elles  ne  pou- 
vaient étaler  les  beautés  faute  d'espace. 

Ce  spectacle  me  fit  naître  l'idée  d'un  marché  aux  fleurs  à  construire 
sur  l'un  des  nouveaux  emplacements  que  le  Bureau  de  la  Ville  vient  de 
se  procurer. 

Une  rotonde,  d'un  style  léger,  recevant  le  jour  par  un  dôme  de  vitrage, 
rafraîchie  d'une  fontaine  placée  au  milieu,  pourroit  être  consacrée  uni- 
quement au  commerce  des  fleurs  :  on  yréuniroit  celui  des  arbres  et  arbus- 
tes qu'on  met  en  vente  deux  jours  de  la  semaine  sur  le  quai  dit  de  la 
Féraille  i  .  Cet  (sfc)  petit  établissement  serviroit  en  même  tems  de  parure 
à  la  Capitale.  Nos  Parisiennes  paresseuses  le  seroient  bientôt  moins, 
attirées  par  le  spectacle  riant  qui  les  attendroit  au  lever  de  l'aurore.  Les 
Amateurs  de  la  belle  nature,  retenus  au  centre  de  la  ville  par  leurs  affai- 
res, déroberoient  volontiers  une  heure  au  sommeil  pour  se  récréer  par 
des  images  fraîches  et  aimables.  La  vue  journalière  d'un  parterre  de  fleurs, 
au  centre  de  Paris,  pourroit  avoir  plus  d'influence  qu'on   ne  se  l'imagine. 

J'ai  pensé.  Messieurs,  que  ce  petit  projet  patriotique  pourroit  obtenir 
une  place  à  la  suite  des  plans  plus  vastes  que  vous  avez  offerts  dans  vos 
Feuilles  consacrées  tout  à  la  fois  à  1  utilité  et  aux  plaisirs  du  Public,  dont 
vous  êtes  devenus  les  Confidens. 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 

Signé,  Silvain  Maréchal. 

Il 

Aux  Auteurs  du  Journal 

Au  mois  de  Mai. 

«  Vous  n'égorgerez  point  l'agneau  sous  les  yeux  de  sa  mère  »,  a  dit 
Moj'se  dans  son  Deuteronome. 

Ce  passage  de  la  Bible  m'autorise  à  vous  dénoncer  un  usage  dont  je 
suis  le  témoin  journalier.  Depuis  les  Pâques  jusqu'aux  Fêtes  de  la  Pente- 
côte, tous  les  jours,  sous  les  fenêtres  -  de  la  maison  de  mon  père,  des 
gens,  qu'on  appelle  Rjtisseurs-Traiteurs,  se  placent  dans  le  milieu  de  la 
rue  pour  enfoncer  le  coutelas  dans  le  gosier  d'un  agneau  bêlant,  qu'on  ne 
se  donne  pas  même  la  peine  de  lier  ;  puis  on  abandonne  le  pauvre  animal, 
qui,  après  avoir  perdu  son  sang  goutte  à  goutte,  expire  dans  une  longue 
agonie.  Cette  scène,  qui  se  renouvelle  à  toutes  les  heures  de  la  journée,  a 
pour  spectateurs  tous  les  enfans  du  voisinage,  qui,  déjà  aussi  intrépides 
que  le  Victimaire,  insultent  à  l'agneau  immolé,  et  se  font  un  jeu  de  ses 
convulsions  mortelles. 

1.  Il  est  assez  singulier  que  le  marché  des  fleurs  et  des  arbres  se  tienne  pré- 
cisément dans  deux  endroits  destinés  jadis  à  un  tout  autre  objet  ;  comme  il 
appert  par  les  noms  de  ces  deux  locals  (sic)  :  la  rue  an  Fer  et  le  quai  de  la  Féraille, 
(Sote  de  Sylvain  Maréchal) 

2.  Rue  des  Prêcheurs,  proche  les  Halles.   {Note  de  Sylucun  Maréchal) 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  303 

S'il  n'existe  aucun  règlement  qui  défende  aux  Rôtisseurs-Traiteurs  de 
faire  leurs  exécutions  sous  les  yeux  du  Public,  ne  seroit-il  pas  convena- 
ble d'y  pourvoir  et  de  soustraire  aux  regards  de  l'enfance  des  tableaux 
révoltans,  capables  d'émousser  ce  caractère  compatissant  que  la  nature 
nous  a  donné  pour  de  bonnes  raisons,  et  dont  la  société  a  tiré  de  si  grands 
avantages  ? 

Signé,  Sylvain  Maréchal. 


ROBESPIERRE  ET  LES  TROUBLES  DE  SOISSONS 
{U  février  1790) 

Le  11  février  1790,  Target  appelait  l'attention  de  l'Assemblée 
constituante  sur  des  incidents  tumultueux  qui  s'étaient  produits  à 
Soissons  à  propos  de  la  fixation  du  prix  de  la  journée  de  travail. 
«  Les  citoyens,  dit-il,  se  sont  assemblés  par  quartier  pour  procéder 
eux-mêmes  à  cette  fixation  ;  vos  décrets  avaient  cependant  prévu 
toutes  les  difficultés  :  par  celui  du  15  janvier  vous  avez  fixé  le 
maximum  du  prix  des  journées  à  20  sous  ;  et  par  celui  du  2  du 
présent  mois,  vous  avez  confié  l'exécution  des  formalités  à  suivre 
pour  les  élections  aux  comités  librement  élus,  aux  municipalités 
où  il  n'y  a  point  de  comités  établis,  et  aux  uns  et  aux  autres  dans 
les  lieux  où  ils  administrent  conjointement  •.  » 

En  réalité,  les  troubles  de  Soissons  n'avaient  pas  eu  la  gravité 
que  semblait  leur  attribuer  Target.  Ils  se  réduisaient  à  un  dissen- 
timent, d'ailleurs  passager,  entre  la  municipalité  et  les  trois  dis- 
tricts, celle-là  ayant  fixé  à  20  sous  la  taxe  des  journées  et  ceux-ci 
ayant  demandé  qu'elle  fût  réduite  à  12  sous  afin  d'étendre  les 
droits  de  citoyens  actifs  à  un  plus  grand  nombre  de  citoyens. 
L'entente  se  fit  assez  rapidement  entre  les  districts  et  la  munici- 
palité, sur  la  base  de  12  sous  réclamée  par  les  districts. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  paroles  de  Target  provoquèrent  despro- 
testations immédiates.   Le  17  février,  on  écrivait  de  Soissons  au 
Moniteur  :  «  Le  comité  de  constitution  a  été  mal  informé  ;  il  n'est 
pas  une  ville  du  royaume  où  le  décret  de  l'Assemblée  nationale 
ait  été  plus  respecté  relativement  à  la  disposition  (jui  confère  aux 

1.  Moniteur  du  12  février  1790,  Rcimpr.,  tome  III,  p.  344. 


304  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

municipalités  le  droit  de  faire  cette  fixation  des  journées  de  travail. 
Depuis  le  commencement  des  assemblées  à  Soissons,  c'est  sous 
les  formes  respectueuses  d'un  vœu,  que  les  trois  districts  ont  de- 
mandé la  réduction  de  la  taxe  des  journées  à  12  sous,  fixée  à  20 
sous  par  la  municipalité,  parce  que,  d'après  cette  fixation,  sur 
mille  quatre  cents  citoyens,  plus  de  cinq  cents  étaient  privés  des 
droits  de  citoyens  actifs.  Nul  trouble,  nul  mouvement  même  n'a 
accompagné  cette  réclamation,  et  la  diversité  d'opinions  sur  cet 
article  n'a  point  altéré  la  paix.  Nous  étions  à  la  veille  de  nommer 
un  maire  ;  mais  on  a  suspendu  l'activité  des  districts  pour  vérifier 
les  listes  des  électeurs  et  des  éligibles,  d'après  la  fixation  à  12  sous, 
convenue  entre  la  municipalité  et  les  trois  districts.  '  » 

Dans  une  autre  protestation,  adressée  au  Moniteur  par  le  pro- 
cureur du  roi  au  bureau  des  finances  de  la  généralité  de  Soissons, 
Goulliart,  et  publiée  dans  le  numéro  du  27  février^  ,  on  trouve  un 
récit  succinct  des  événements.  Ce  fut  le  9  février  que  les  districts 
adressèrent  un  voeu  à  la  municipalité  pour  demander  que  la  taxe 
fût  abaissée  de  20  sous  à  12  sous.  La  municipalité  3'  consentit  ; 
mais,  le  14,  elle  prorogea  les  séances  des  sections.  Il  y  eut  des 
plaintes,  et,  selon  les  expressions  même  de  Goulliart,  un  mécon- 
tentement extrême,  mais  pas  de  désordres. 

D  autre  part  Goulliart  affirme  nettement  que  «  des  calomnia- 
teurs ont  surpris  la  religion  du  comité  de  constitution  »,  ce  qui 
laisse  supposer  qu'il  y  eut,  autour  de  ces  incidents,  beaucoup 
d'intrigues.  Les  éléments  aristocratiques  de  Soissons  profitèrent 
vraisemblablement  de  ces  circonstances  pour  exciter  contre  la 
municipalité  et  la  commune  de  Soissons  le  Comité  de  constitution 
de  l'Assemblée  constituante.  Il  est  également  vraisemblable  que 
Goulliart  donna,  à  ce  sujet,  des  détails  plus  précis  et  plus  complets 
dans  la  lettre  à  laquelle  Robespierre  répondit  le  14  février,  puisque 
Robespierre,  en  lui  répondant,  parle,  lui  aussi,  des  manœuvres 
de  «  l'aristocratie  soissonnoise  ». 

Voici  le  texte  complet  de  cette  lettre  de  Robespierre  : 

Monsieur 

Votre  patriotisme  est  au  dessus  de  tout  éloge.  Les  entreprises  de 
l'aristocratie  soissonnoise  contre  les  droits  des  citoiens  sont  un  scan- 

1.  Moniteur  du  21  février  1790,  Réimpr.,  tome  III.  p.  49. 

2.  Réimpr.,  III,  p.  475. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  305 

dale  pour  tous  les  amis  de  la  patrie  et  de  la  liberté.  Une  cause  aussi 
juste  que  la  votre  doit  infailliblement  triompher,  si  elle  est  défendue 
avec  toute  la  fermeté  qu'elle  mérite.  C'est  un  crime  d'en  manquer, 
quand  il  s'agit  de  la  cause  du  peuple.  Vous  pouvez  compter  sur  mon 
zèle,  autant  que  sur  la  haute  estime  et  le  sincère  attachement  avec 
lequel  j'ai  l'honneur  d'être,  monsieur,  votre  très  humble  et  très 
obéissant  serviteur. 

DE  ROBESPIE/iriE 

Paris,  le  U  fev.   il 90 

A  Monsieur 
Monsieur  Goidliart 
procureur  du  roi  à  Soissons.  l 

Nous  ignorons  si  Goulliart  continua  à  tenir  Robespierre  au 
courant  de  la  marche  des  événements.  Nous  savons  seulement, 
par  l'article  de  Goulliart  lui-même  dans  le  Moniteur  du  27  février, 
que  les  trois  districts  de  Soissons  décidèrent  de  «  s'adresser  à 
l'Assemblée  nationale  ».  Le  23  février,  l'un  d'eux  demanda  que, 
d'un  commun  accord  avec  la  municipalité,  une  démarche  fût  faite 
auprès  du  président  de  l'Assemblée  constituante  pour  obtenir  de 
lui  une  lettre  désavouant  les  accusations  dont  la  ville  de  Soissons 
avait  été  l'objet.  Il  ne  semble  pas  que,  sur  cette  question-là  du 
moins,  les  manifestations  et  les  réclamations  se  soient  prolongées 
au-delà  de  cette  date. 

Charles  Vellay. 


UN  ESSAI  DE  BALLON  DIRIGEABLE  EN  1793 

Le  lendemain  du  jour  où  s'éleva  dans  les  airs  le  premier 
ballon,  on  chercha  à  tirer  des  avantages  pratiques  de  la  nouvelle 
invention. 

Des  esprits  chimériques  se  donnèrent  carrière.  Deux  projets 
de  construction   furent  présentés  ;  l'un  avait  pour  objet  de  faire 

1.  Nous  devons  la  communication  de  cette  lettre  à  lobligeance  de  M.  Noël 
("ha  ravay,  entre  les  mains  duquel  se  trouve  actuellement  l'original  autographe 
de  cette  pièce.  A  notre  connaissance,  elle  n'a  jamais  été  publiée  intégralement. 
On  en  trouve  seulement  deux  ou  trois  lignes  citées  dans  une  communication  de 
M.  de  la  Prairie  publiée  dans  le  Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Soissons, 
2*=  série,  tome  V'IIl  (année  1877),  p.  282. 

lîEV.    UIST.    I)K    LA    Rl;V.  9 


306  REVUE   HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

les  plus  longs  voyages,  (rmême  au-dessus  des  mers  et  dans  les 
climats  peu  connus  ;  ce  projet  est  l'image  de  ce  que  pourrait 
devenir  un  jour  la  navigation  aérienne.  Cette  machine  porterait 
trente  hommes  avec  des  vivres  pour  soixante  jours,  et  son  exé- 
cution coûterait  plus  de  trois  millions  ».  Dans  le  second,  un 
aérostat,  portant  six  hommes,  aurait  été  destiné  à  faire  sur  le 
continent  une  campagne,  une  sorte  de  «  croisière  d'observations 
et  d'expériences  ». 

Le  roi,  en  janvier  1784,  par  l'intermédiaire  du  baron  de  Bre- 
teuil,  s'adressa  à  l'Académie  des  sciences,  en  priant  quelques-uns 
de  ses  membres  de  s'occuper  «  de  la  construction  propre  à  rendre 
les  machines  aérostatiques  utiles  ».  Les  premières  recherches 
eurent  pour  but  d'obtenir  des  enveloppes  imperméables  à  l'air. 
Fortier,  constructeur  d'instruments  de  mathématiques,  présenta 
la  composition  d'un  vernis  qui  donna  d'excellents  résultats. 

«  On  voyait  déjà  la  direction  des  ballons  trouvée  »,  dit  le 
comte  de  Ségur  en  racontant  l'ascension  que  firent,  le  4  juin  1783, 
dans  le  jardin  des  Tuileries,  les  physiciens  Charles  et  Robert. 
Dès  lors,  ce  problème  hante  les  esprits  ;  il  est,  dit  Tissandier, 
résolument  abordé,  mais  sans  succès,  par  l'Académie  des 
sciences  de  Dijon.  Les  inventeurs  ne  se  découragent  pas  ;  les 
projets  succèdent  aux  projets  II  en  est  un  que  nous  n'avons 
vu  mentionné  nulle  part,  et  qui  attira  l'attention  de  Monge  et  de 
Guyton  de  Morveau.  Ils  le  crurent  assez  réalisable  pour  présenter 
à  son  sujet,  le 29  août  1793,  un  rapport  adressé  à  la  Convention. 
Nous  demandons  la  permission  de  le  reproduire  en  entier,  car  il 
n'est  pas  possible  de  couper  ou  de  résumer  un  travail  technique. 

Les  citoyens  Marre  et  Desquimare  ont  présente  le  28  mai  der- 
nier un  mémoire  dans  lequel  ils  annoncent  qu  après  de  longues 
recherches  sur  le  vol  djs  oiseaux  et  la  natation  des  poissons,  ils 
étaient  parvenus  à  trouver  le  moyen  de  diriger  les  aérostats  en 
temps  calme,  et  demandent  qu'il  leur  fut  accordé  un  emplacement 
dans  lequel  ils  pourraient  démontrer  leur  mécanique  aux  commis- 
saires chargés  de  l'examiner  et  de  rendre  compte  des  avantages  que 
la  République  pourrait  en  retirer. 

Ces  citoyens  proposaient  en  même  temps  des  vues  sur  l'appli- 
cation du  cerf-volant  ;  cette  partie  sera  traitée  dans  un  rapport 
séparé.  Il  n'est  ici  question  que  de  la  direction  des  aérostats. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  307 

La  demande  de  ces  citoyens  ayant  été  renvoyée  par  la  Com- 
mission an  Ministre  de  l'Intérieur  pour  qu'il  indiquât  un  local  dans 
l'un  des  édifices  nationaux%  il  leur  a  fait  ouvrir  la  partie  de  la  ga- 
lerie qui  tient  au  pavillon  de  l' Egalité. 

Les  machines  que  les  citoyens  Marre  et  Desquimare  y  ont 
montées  par  rapport  à  la  direction,  consistent  principalement  en  de 
grandes  ailes  composées  chacune  de  plusieurs  parties  qui  ont  la  forme 
de  plumes  de  16,  19,  22  et  25  décimètres  de  longueur,  de  22,  27,  Ai, 
4-9  centimètres  de  largeur,  et  qui  sont  emmanchées  et  réunies  à  la 
façon  des  plumes  des  ailes  d'un  oiseau.  Chacune  de  ces  plumes  est 
formée  d'une  membrure  qui  en  fait  la  charpente  et  divise  en  deux 
parties  inégales  leur  face  qui  est  en  taffetas  tendu  sur  des  nervures 
légèrement  arquées,  formées  de  roseau  et  terminées  dans  son  pour- 
tour par  des  cordes  dont  la  tension  détermine  d'un  côté  un  peu  de 
convexité,  de  l'autre,  un  peu  de  concavité,  et,  par  conséquent,  de 
flexibilité,  de  sorte  que  cette  imitation  est  aussi  rapprochée  de  la  na- 
ture qu'il  est  possible,  et  que  l'exécution  réunit  en  même  temps  la 
solidité  et  la  légèreté  nécessaires. 

Les  avantages  que  les  inventeurs  se  promettent  de  cette  structure 
est  qu'en  élevant  et  abaissant  ces  ailes  alternativement  et  par  un 
mouvement  rapide  et  continu,  il  n'y  aura  aucun  temps  perdu,  parce 
que  la  partie  large  de  la  plume  s'inclinant  au  premier  instant  dans 
chaque  position  tantôt  en  haut,  tantôt  en  bas,  frappe  l'air  de  manière 
à  porter  en  avant  le  corps  auquel  elle  est  fixée,  ce  qu'on  ne  peut 
obtenir  que  successivement  et  par  intervalles  avec  des  rames.  Ils 
pensent  encore  que  l'air  continuement  poussé  à  l'arrière  par  le  plan 
oblique  de  ces  plumes,  détermine  à  l'avant  une  raréfaction  qui 
diminue  la  résistance  et  favorise  la  marche.  Pour  rendre  ces  effets 
sensibles,  les  citoyens  Marre  et  Desquimare  prennent  par  le  manche 
une  de  ces  plumes  artificielles  ;  ils  en  frappent  l'air  de  bas  en  haut, 
et  l'on  voit  que  quelqu'effort  qu'on  fasse  pour  l'abaisser  verticale- 
ment, elle  se  porte  du  côté  du  tranchant  avec  une  force  proportion- 
nelle à  l'impulsion  et  qui  va  jusqu'à  faire  tourner  celui  qui  la  tient. 

D'autre  part,  ils  ont  construit  un  petit  chariot  porté  sur  quatre 
roulettes  de  22  centimètres  de  diamètre.  Deii.v  hommes  montés  sur 
ce  chariot  l'ont  fait  marcher  en  élevant  et  baissant  successivement 
deux  ailes  en  longues  plumes  de  la  structure  ci-devant  décrite,  qui 
avaient  chacune  6  décimètres  de  longueur  depuis  l'axe  porté  sur  la 
balustrade  du  chariot  ù  .îi  centimètres  de  largeur  dans  leur  milieu. 


308  KEVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Pour  la  démonstration  du  second  effet,  ou  de  la  raréfaction  de 
l'air  en  avant,  ils  ont  abaissé  rapidement  une  de  leurs  plumes  arti- 
ficielles à  la  proximité  de  plusieurs  chcmdelles  allumées  ou  récem- 
ment éteintes  (le  tranchant  de  la  plume  du  côté  de  la  chandelle),  et 
l'on  a  vu  la  flamme  ou  la  fumée  manifestement  entraînée  de  ce  côté 
par  le  courant  qui  détermine  le  déplacement  subit  de  l'air  frappé. 

S'il  est  vrai  de  dire  que,  dès  les  premiers  temps  de  l'invention 
des  ballons,  on  avait  pensé  à  imiter  pour  la  direction  le  vol  des  oi- 
seaux, il  n'est  pas  moins  certain  que  personne  n'avait  mis  dans  un 
jour  aussi  frappant  l'observation  de  ce  mécanisme  et  l'application 
qu'on  peut  en  faire  aux  aérostats.  En  principe  général,  il  est  évident 
que  tout  ce  que  l'on  peut  imaginer  et  tenter  en  ce  genre,  se  réduira 
toujours  à  des  ailes,  des  pales,  des  nageoires  ou  des  corps  semblables 
sous  diverses  formes  qui,  en  frappant  l'cùr,  portent  l'aérostat  en 
avant  avec  une  force  égale  à  la  résistance  que  le  fluide  opvose  à  son 
déplacement,  et  qui  est,  par  conséquent,  en  raison  de  la  surface  qui 
résiste  et  de  la  vitesse  avec  laquelle  il  est  frappé,  mais  ce  serait  une 
erreur  de  penser,  parce  que  quelques-uns  des  moyens  connus  de 
remplir  cette  condition  n'ont  pas  eu  un  succès  complet,  que  tous  les 
autres  sont  jugés.  La  solution  du  problème  dépend  précisément  du 
choix  ou  de  la  découverte  des  moyens  qui,  en  produisant  cet  effet, 
soient  en  même  temps  susceptibles  d'une  application  facile  à  une 
machine  d'une  construction  aussi  légère,  qui  se  prête  aux  mouve- 
ments que  l'on  veut  lui  imprimer  en  divers  sens,  et  surtout  que  l'on 
puisse  multiplier  asse:  pour  obtenir  une  somme  de  forces  capable 
de  vaincre  la  résistance  du  fluide  extérieur,  d'accélérer  la  marche 
dans  le  calme  et  de  nmintenir  enfin  la  direction  dans  un  vent 
modéré. 

C'est  sous  ce  point  de  vue  que  les  citoyens  Marre  et  Desquimare 
sont  véritablement  dignes  d'attention.  Les  ailes  qu'ils  proposent  sont 
légères  et  solides  ;  elles  pourront  être  fixées  sur  l'équateur  :  leur  jeu 
pourra  être  réglé  par  des  ressorts  ;  il  sera  à  volonté  simultané  pour 
porter  en  avant  ou  inégal  pour  aider  au  changement  de  direction  ; 
la  continuité  de  leur  action  sera  très  avantageuse  ;  leur  multipli- 
cation ne  présente  aucun  inconvénient  ;  enfin,  leurs  dimensions,  leur 
nombre  et,  par  conséquent,  leurs  effets  n'auront  de  limites  que 
celles  des  forces  des  hommes  que  l'aérostat  pourra  porter.  Or,  il  est 
bien  connu  qu'en  donnant  au  ballon  une  forme  allongée,  on  le 
rendra  capable  de  porter  trois  ou  quatre  fois  autant  d'hommes,  sans 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  309 

augmenter  la  surface  exposée  au  choc  du  fluide  dont  il  faut  vaincre 
la  résistance.  Cependant,  pour  ne  pas  accorder  une  confiance  pré- 
maturée ou  trop  étendue  aux  moyens  indiqués  par  les  citoyens 
Marre  et  Desquimare,  il  serait  convenable  de  les  soumettre  à  une 
expérience  préliminaire  qui  se  ferait  à  très  peu  de  frais,  et  qu'il 
serait  facile  de  rendre  décisive  P  sur  la  valeur  de  ces  moyens,  sur 
l'estimation  rigoureuse  de  leur  produit  et  sur  la  meilleure  manière 
de  les  employer  ;  2"  pour  l'évaluation  précise  de  la  résistance  à 
vaincre  dans  un  air  non  agité,  ainsi  que  sur  la  forme  à  donner  à 
l'aérostat  pour  qu'elle  fût  la  moindre  possible  :  3°  pour  la  compa- 
raison de  l'effet  des  rames  et  des  ailes  avec  le  même  effort  et  dans  le 
même  temps,  soit  en  les  faisant  jouer  sur  la  nacelle,  .^oit  en  les 
posant  sur  ïéquateur.  Cet  essai,  quelqu'en  fût  le  résultat,  aurait 
toujours  l'avantage  de  donner  des  bases  fixes  à  des  spéculations  qui 
jusqu'ici  n'ont  porté  que  sur  des  suppositions  vagues  et  liasardées. 

Voici  comment  l'expérience  pourrait  être  ordonnée,  et  ce  détail 
mettra  à  même  d'estimer  les  petits  frais  qu'elle  occasionnera.  On 
prendrait  des  cercles  de  bois  et  de  fil,  tels  que  ceux  qu'on  emploie  à 
relier  les  cuves,  et  en  les  rentrant,  on  en  formerait  deux  grands 
cercles  de  97  décimètres  de  diamètre.  Ces  cercles  seraient  réunis 
parallèlement  à  65  centimètres  de  distance  l'un  de  l'autre  par 
quatre  ou  six  traverses  clouées  sur  les  deux  cercles.  Deux  de  ces 
traverses  placées  dans  la  ligne  horizontale  du  centre  de  ces  cercles 
représentera  une  portion  de  ïéquateur  d'un  globe  entier.  Sur  ces 
traverses,  on  établirait  une  des  ailes  ou  des  grandes  plumes  pro- 
posées, de  manière  que  son  manche  fût  solidement  attaché  à  un 
barillet  sur  lequel  on  aurait  placé  un  ressort  en  spirale,  de  l'espèce 
de  ceux  qu'on  emploie  dans  les  pendules,  et  qui  étant  tendu,  eût  la 
force  de  relever  jusqu'à  la  ligne  verticale  supérieure  l'aile  qui  aurait 
été  abaissée,  d'environ  12,5  degrés  au  dessous  de  la  ligne  Ixorizon- 
tale.  Cet  appareil  étant  suspendu  au  plafond  de  la  portion  de  la 
galerie  où  sont  déposées  les  machines  des  citoyens  Marre  et  Desqui- 
mare (elle  a  la  hauteur  et  la  largeur  nécessaires),  on  y  adapterait 
une  nacelle  soutenue  comme  si  c'était  un  ballon,  et  de  là  on  ferait 
jouer  les  deux  ailes  par  des  cordons  attachés  à  un  petit  bras  saillant 
de  16  cerdimètres  du  manche  de  l'aile  et  fi.vés  à  même  distance  de  son 
axe  de  révolution,  pour  que  l'effort  ne  se  porte  pas  sur  cet  axe 
même.  On  parviendra  aisément  à  prévenir  cet  effet  et  à  rendre  en 
même  temps  les  mouvements  plus  réguliers  en  arrêtant  le  retour  de 


310  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

l'aile  en  haut  à  un  même  nombre  de  degrés  que  celui  précédemment 
indiqué  pour  rabaissement  par  le  moyen  d'une  ficelle  attachée  à  la 
galerie  de  la  nacelle. 

Sur  l'un  des  cercles  qui  représenterait  l'avant  de  l'aérostat  on 
tendrait  une  toile  légère  sur  laquelle  on  collerait  encore  du  papier, 
afin  qu'elle  ne  tamisât  pas  l'air  et  que  la  résistance  du  fluide  choqué 
fût  absolument  égale  à  celle  de  l'axe  du  grand  cercle  d'un  ballon  de 
même  diamètre.  Deux  cordes  attachées  aux  extrémités  postérieures 
des  deux  portions  du  cercle  équatorial  et  se  réunissant  pour  passer 
sur  une  poulie  de  renvoi  fixée  au  mur  porterait  un  plateau  de  ba- 
lance destiné  à  recevoir  des  poids.  Enfin,  une  rondelle  de  cuir 
coulant  sur  la  corde  à  frottement  dur  et  retenue  près  de  la  poulie 
par  un  anneau  fixe,  servirait  d'index  pour  mesurer  le  mouvement 
imprimé.  Un  coup  d'œil  sur  l'esquisse  ci-jointe  fera  connaître  par- 
faitement l'ensemble  de  cet  appareil. 

Il  est  évident  que  par  ce  moyen  on  aura  une  évaluation  exacte  de 
la  résistance  de  l'air  choqué  par  l'avant  de  l'aérostat  de  l'excès  de 
la  puissance  des  ailes  sur  cette  résistance,  car  l'expression  de  cette 
valeur  sera  l'espace  parcouru  à  chaque  révolution  des  ailes  par  un 
poids  donné  et  le  temps  qu'il  aura  mis  à  le  parcourir.  Or,  si  l'on 
observe  de  n'appliquer  au  mouvement  de  ces  ailes  que  la  force  qu'un 
homme  peut  entretenir  plusieurs  heures  de  suite,  il  sera  prouvé 
qu'elle  suffit  pour  diriger  la  marche  d'un  aérostat  dans  un  temps 
calme  ou  d'un  vent  faible,  et  cela  ne  paraîtra  pas  surprenant  à  ceux 
qui  ont  vu  deux  hommes  remorquer  sans  efforts  et  pendant  plusieurs 
heures  sans  quitter  la  route,  un  ballon  portant  une  nacelle  dans 
laquelle  étaient  deux  voyageurs.  L'expérience  indiquée  sera  d'autant 
plus  concluante  qu'elle  met  l'aérostat  dans  la  condition  la  plus 
défavorable,  celle  où  la  résistance  de  son  avant  serait  égale  à  celle 
de  la  surface  entière  de  son  grand  cercle,  et  les  géomètres  démon- 
trent que  le  volume  de  fluide  déplacé  est  en  raison  de  la  surface 
antérieure  du  corps  qui  se  meut,  tellement  que  la  résistance  d'un 
triangle  isocèle  qui  présente  sa  base,  est  à  la  résistance  du  même 
triangle  qui  présente  la  pointe  comme  le  carré  de  l'un  de  côtés  est 
au  carré  de  la  moitié  de  la  base. 

Jl  y  aurait  donc  déjà  une  grande  différence  à  l'avantage  de  la 
puissance  quand  on  conserverait  à  l'avant  la  forme  hémisphérique. 
Mais  l'appareil  précédemment  décrit  servira  encore  à  faire  connaître 
jusqu'à  quel  point    on   peut   faire  aux    aérostats  l'application  de  ce 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  311 

principe  et  même  à  déterminer  par  des  résultats  comparés,  celle  des 
formes  de  l'aérostat  de  l'avant  qui,  sans  trop  ajouter  au  poids  de 
l'enveloppe,  la  disposera  de  manière  à  éprouver  moins  de  résistance. 
Il  suffira  pour  cela  de  couvrir  le  cercle  antérieur  d'une  pyramide, 
d'un  cône,  d'un  prisme,  ou  de  tout  autre  solide  plus  ou  moins 
allongé,  ce  qui  se  fera  aisément  par  le  moyen  d'un  léger  bâtis  cou- 
vert de  toile  et  de  papier.  Les  ailes  étant  mises  en  mouvement  après 
la  substitution  de  chacun  de  ces  solides,  la  différence  des  poids  et 
leur  élévation  dans  le  même  temps  donnera  l'échelle  des  résistances 
éprouvées  par  l'aire  du  grand  cercle  et  par  chacun  des  solides  dont 
cette  base  aura  été  successivement  couverte.  En  faisant  également 
dans  toutes  ces  positions  la  substitution  des  rames  aux  ailes,  il  sera 
facile  d'en  évaluer  comparative  ment  l'effet,  non  seulement  d'une 
manière  absolue,  mais  aussi  relativement  à  la  facilité  avec  laquelle 
les  unes  et  les  autres  pourront  être  organisées  pour  remplir  les  con- 
ditions de  légèreté,  solidité,  régularité  et  aisance  des  mouvements. 
Ainsi,  la  résolution  de  ces  questions  ne  peut  manquer  d'avancer 
l'art  de  V aérostation,  de  fixer  du  moins  les  idées  d'après  lesquelles 
on  peut  y  travailler  utilement,  les  frais  de  ces  expériences  ne  pou- 
vant s'élever  au  dessus  d'une  somme  de  3.000  livres.  Ce  sera  une 
faible  mise  dans  la  perspective  des  avantages  que  l'on  pourrait  se 
promettre  en  cas  de  succès,  de  l'application  de  ces  machines  à  la 
défense  de  la  liberté  contre  la  ligue  des  despotes. 

Monge  et  Guj'ton  de  Morveau  apportent  dans  ce  rapport  tout 

ce  que  pouvait  donner  la  science  de  leur  époque.  Que  pouvait-on 

espérer   de  cette  machine  lourde  et  compliquée  ?    On  cherchait, 

mais  il  fallait  laisser  faire  le  temps  qui  réservait  au  siècle  suivant 

de  si  rapides  et  de  si  belles  découvertes,  et  qui  les  couronnait  par 

la  conquête  de  l'air. 

Gabriel  Vauthier. 


QUELQUES  NOTES  ET  DOCUMENTS  INEDITS 

POUR  LA  DEUXIÈME  ÉDITION  DU  RAPPORT  DE  COURTOIS 

SUR  LES  PAPIERS  TROUVÉS  CHEZ  ROBESPIERRE 

Courtois  avait  annoté  l'exemplaire  personnel  qu'il  conservait 
de  son  Rapport  fait  au  nom  de  la  commission  chargée  de  l'examen 
des  papiers  trouvés  chez  Robespierre  et  ses  complices.. 


312  REVUE    HISTORIQUE   DE  LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Ces  annotations,  que  nous  reproduisons  ici,  paraissent  avoir 
été  faites  en  vue  de  la  seconde  édition  de  son  Rapport,  que  Cour- 
tois préparait.  Elles  sont  écrites  au  crayon  au  bas  des  pages  et 
correspondent  à  un  renvoi  marginal  '  . 

P.  5,  1.  16.  —  Voyez  les  anecdotes  sur  St-Jnst. 

P.  10,  1.  6.  —  Lettre  écrite  par  Lehon  en  réponse. 

P.  14,  1.  32.  —  Brûlure  des  feuilles  de  Maral  au  Nord.  De  là 
peut-être  leur  excessive  rareté. 

P.  15,  1.  3.  —  Réponse  de  Bouchotte  dans  mes  papiers. 

P.  17,  1.  5.  —  Notes  sur  tous  ces  hommes  2  pas  assez  connus. 
Anecdotes. 

P.  20,  1.  32.  —  C'est  cet  article  qui  m'a  aliéné  Lindet  que  je  suis 
loin  d'assimiler  aux  scélérats  qui  composaient  alors  le  Comité,  etc. 

P.  22,  1.  6.  —  Lettres  de  Worms  et  Sneider  (sic). 

P.  23,  1.  7.  —  Anecdote  relative  à  son  obscurité  de  commande . 
—  Anecdotes  sur  Camille  Desmoulins,  le  bon  et  honnête  Desmoulins. 

P.  29,  1.  5.  —  Tribut  à  payer  aux  mânes  de  cet  excellent  répu- 
blicain •'  .  Sa  lettre  à  sa  femme. 

P.  33,  1.  5.  —  Barère  se  proposait  de  réfuter  cet  article  *.  De- 
lille  de  Salles  m'a  avoué  qu'il  devait  lui  prêter  sa  plume. 

P.  41,  1.  39.  —  Lettre  supposée  écrite  par  Danton  au  législateur. 
Robespierre  voulait  envelopper  dans  cette  proscription  Duh.  Cr.  ^ 

P.  43,  1.4.  —  Gobel.  Anecdote  relative  à  son  avilissement.  Per- 
fidie du  Comité  de  Salut  public. 

P.  44,  1.  17.  —  Je  vengerai  les  mânes  de  cet  énergique  républi- 
cain ^.  Anecdotes  relatives  à  lui  et  à  Danton. 

Ce  Bourdon  de  l'Oise  !  Oh  exécrable  homme. 

P.  46,  1.  5.  —  Historique  plaisant  fourni  par  un  des  éclaireurs 
de  la  police  '  .  —  Pièce  curieuse. 

P.  §2,  1.  16  —  L'imprimeur  Nicolas.  Anecdotes  sur  sa  conduite 
relativement  aux  17  prisonniers  de  Troyes . 


1.  L'exemplaire  original  est  l.a  propriété  de  M.  L.  Mausscnet,  de  Chàlons. 

2.  Dumas,  Flcuriot,  Payan,  Col'finhal,  Nicolas. 
.3.  Philippeaux. 

4.  Le  mot  de  Robespierre  :  «  Il  faut  une  volonté  une.  » 

5.  Dubois-Crancé. 

6.  Westerman. 

7.  Sur  l'affaire  Catherine  Théot. 


MELANGES     ET    DOCUMENTS 


313 


P.  61,  1.  9.  —  Coupeur  croreilles  de  morts  *. 

P.  64,  1.  13.  —  Lebas,  sa  mission  dans  le  Bas-Rhin,  curieuse.  — 
Partage  de  Luiza  fait  en  présence  de  Gâteau.  —  Anecdotes. 

P.  69,  1.  33.  —  Voyez  le  rapport  du  9  Thermidor.  Anecdotes  de 
la  préface. 

P.  74,  1.  32.  —  Anecdote  curieuse  sur  ce  personnage  émigré  - 
par  suite  des  persécutions  de  Lebon  et  aide  de  camp  de  Dampierre. 

P.  76,  1.  33.  —  Dorfeuille  natif  de  Sézanne.  Son  nom  était  Go- 
bet.  J'ai  étudié  avec  lui  au  collège  de  Troyes.  Anecdotes  sur. 

P.  78,  1.  10.  —  Achard.  2  lettres  de  lui  où  il  affecte  de  la  philo- 
sophie. Son  opinion  sur  le  père  de  Darcé,  de  la  République. 

P.  79,  1.  26.  —  Voyez  les  révolutions  de  Lyon.  Anecdotes  patri- 
culières.  Sa  lettre  à  Renaudin. 

P.  87,  1.  17.  —  Anecdotes  de  la  femme  Meyer  sur  Danton. 
Robesp.  ne  lui  avait  jamais  pardonné  le  mot  ultra-révolution. 

P.  89,  1.  20.  —  Maignet.  Ses  menaces  et  celles  de  ses  amis.  At- 
taqué le  lendemain  du  rapport  par  lA  députés.  Mon  courage  à  les 
repousser  lui 

P.  91,  1.  21.  —  Agricola  Moreau  ^.  L'un  des  plus  terribles  agi- 
tateurs du  Midi.  Anecdotes. 

P.  93,  1.  29.  —  Guillotiné  *  depuis  à  Oranges. 

P.  99,  1.  21.  —  Je  ne  me  repens  point  de  cet  éloge  malgré  les 
torts  qu'il  '  eut  depuis  avec  moi.  Anecdote  relative  à  la  croix  du 
Calvados. 


Voici  maintenant  deux  documents  conservés  par  Courtois  dans 
ses  papiers  et  qui  lui  furent  évidemment  adressés  en  manière  de 
justification  par  Donneau,  l'auteur  de  la  lettre  à  Claude  Payan 
publiée  dans  \e  Rapport  de  Courtois  (Pièces  justificatives,  p.  407, 
pièce  n°  CXXI). 

Le  premier  de  ces  documents  est  un  «  Certificat  de  justice  et 
d'humanité  délivré  le  22  ventôse  an  III  par  Esprit-Joseph  Castel- 
lane  à  Louis-Ignace  Donneau.  »  En  voici  le  texte  : 


1.  Cousin. 

2.  Compcrc. 

3.  Agricol  Moureau. 

4.  Roman-Fonrosa. 

5.  Robert  Lindet. 


314  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Je  soussigné  Esprit  Joseph  Castellane,  commandant  la  Garde 
nationalle  de  St-Paul  trois  Châteaux,  district  de  Montélimar,  dépar- 
tement de  La  Drôme,  certifie  que  le  citoyen  Louis  Ignace  Donneau, 
membre  du  cy  devant  comité  révolutionnaire  de  cette  commune,  s'y 
est  toujours  conduit  en  homme  d'honneur  et  de  probité,  que  dans  les 
moments  les  plus  difficiles  j'ay  épprouvé  de  sa  part  tout  ce  que  l'on 
pouvait  attendre  d'un  citoyen  humain  autant  que  juste  ;  et  qu'il  a 
fait  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour  me  mettre  à  l'abri  et  nom- 
bre de  nos  citoyens  ;  de  la  vexation  et  de  la  persécution  de  nos  enne- 
mis. En  témoignage  de  quoy  ;  et  pour  rendre  hommage  à  la  vérité, 
je  fais  la  présante  déclaration.  A  St-Paul  trois  Châteaux,  le  vingt 
deux  ventôse  an  troisième  de  la  République  française  une  et  indivi- 
sible. 

Esp.  Jos.  Castellaxe  * 

Le  second  des  deux  docujnents  est  un  certificat  du  même 
genre,  délivré  à  Louis  Ignace  Donneau  par  Marie  Gabriel  Lau- 
rent Arnaud  (de  Lestang).  Il  est  ainsi  conçu  : 

Je  soussigné  Marie  Gabriel  Laurent  Arnaud  habitant  cette  com- 
mune de  St-Paul  trois  châteaux  district  de  Montélimart  département 
de  la  Drôme,  après  avoir  pris  lecture  de  l'article  du  Mercure  qui 
inculpe  le  citoyen  Louis-Ignace  Donneau  qui  y  est  représenté  comme 
un  des  agents  des  scélérats  payans  voulant  donner  à  ce  citoyen  les 
témoignages  de  justice  qui  lui  sont  dus  certifions  que  pendant  tout  le 
temps  qu'il  était  membre  du  cy  devant  comité  révolutionnaire  de  cette 
commune  il  n'a  cessé  de  donner  des  preuves  de  son  humanité  de  jus- 
tice, et  de  probité  qu'il  était  le  seul  et  unique  espoir  des  honnêtes 
citoyens  qu'il  a  garanti  de  la  vexation,  et  de  la  persécution  des  scé- 
lérats que  quoique  j'aye  été  détenu,  néanmoins  il  n'a  contribué  en 
rien  à  ma  détention  et  qu'il  n'a  pas  dépendu  de  lui  si  je  n'ai  pas 
obtenu  ma  liberté.  En  foy  de  ce  je  lui'  ai  délivré  le  présent  au  dit 
St-Paul  ce  vingt  six  ventôse  an  trois'^  de  la  Rep.  f^. 

Alt  y  AT  D - 


1.  A  ce    cerliGcat  est  jointe  une    note  ainsi  conçue  :    «  Cette  décloi^   ^l'a  été 
donnée  par  Castellanne  désigné  dans  ma  lettre  à  Paj'an.  » 

2.  Note  jointe  au  certificat  :  «  Cette  déclaration    m'a  été  donnée  par  Arnaud 
de  Lestang  qui  se  trouve  désigné  dans  nia  lettre  à  Claude  Paj-an.  » 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  315 


Telles  sont  les  notes  et  pièces  que  nous  avons  pu  retrouver  en 
ce  qui  concerne  la  seconde  édition  du  Rapport  de  Courtois.  Si  elles 
n'apportent  pas  de  lumières  nouvelles  sur  les  parties  principa- 
les de  ce  Rapport,  elles  indiquent  du  moins  quels  sont  les  points 
que  Courtois  se  proposait  de  développer,  et  ce  qu'il  comptait 
ajouter,  soit  en  arguments,  soit  en  anecdotes,  à  sa  première  ré- 
daction. 

P. -M.  Fâvret. 


UNE  LETTRE  INEDITE  DE  MALTHUS  A  FRANCIS  D'IVERNOIS 

RELATIVE  AUX  EFFETS  DE  LA  RÉVOLUTION 

SUR  LA  NATALITÉ  FRANÇAISE 

(29  octobre  1813) 

Dans  son  ouvrage  sur  la  population,  Malthus  avait  appuyé  sa 
théorie  sur  des  statistiques  prises  un  peu  partout  et  dont  il  tirait 
des  conclusions  parfois  fantaisistes.  Sir  Francis  D'Ivernois,  un  de 
ses  plus  fervents  disciples,  procédait  de  la  même  manière.  Mais 
comme  ni  l'un  ni  l'autre  ne  disposait  de  données  exactes,  ils  arri- 
vaient facilement  à  se  contredire  mutuellement,  et  Malthus  avait 
attaqué  D'Ivernois  *,  notamment  pour  avoir  prétendu  que  le  nom- 
bre annuel  des  naissances  françaises  avait  diminué  d'un  septième 
pendant  la  Révolution  -,  tandis  que,  d'après  la  théorie  malthu- 
sienne, il  aurait  dû,  au  contraire,  augmenter  d'autant. 

La  lettre  que  nous  publions  ci-après  semble  faire  partie  d'une 
correspondance  plus  étendue  qui  s'engagea  entre  les  deux  hommes 
à  propos  de  cet  incident  '. 

Otto  Karmin. 


1.  T.  R.  Mai.tiivs,  An  essaij  on  thc  principle  of  pvpiilalicn    (4"  étlil.,  Londres, 
1807),  tome  I,  p.  48.3. 

2.  Sir  Francis  D'Ivkhxois,  Tableau  des  perles...  Tome  II,  p.  14. 

!5.   Bibliotlièque  <!e  (ïenèvc.   Papiers  D'Ivernois.  (lorrespondance.  Tome  II. 


316  REVUE    HISTORIQUE     DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Sir  -Francis  D'Jvernois 
Bi  iinet's  Holel 
Leicestcr  Square. 

East  Iiidia  Collège  1 

Oct.  29lh,  1813. 

Sir, 

I  am  much  flatlered  by  your  obliging  communication,  and  the 
first  lime  I  am  in  Town,  will  certainly  hâve  the  honour  of  calling 
uponyou  to  thank  you  in  person  ;  and  avail  myself  ofthe  permission 
you  sa  kindly  offer  of  seeiny  the  last  population  returns  for  France. 

I  hâve  long  suspectcd  that  Xeckers  multiplier  -  for  the  birth  was 
too  small,  and  indeed  one  of  the  returns  made  by  the  constituent 
Assembly  in  which  the  population  is  given  at  nearly  its  présent 
amount  seemed  abundanlly  to  shoiv  it.  At  the  same  time  I should  not 
perhaps  take  it  quitc  so  high  as  30,  although  I  am  not  surprised  that 
this  should  he  the  présent  proportion,  as  I  always  thought  and  I  believe 
expressed  in  a  note  to  my  chapter  on  France  ^,  that  if  the  conditions 
ofthe  lower  classes  of  people  mère  in  any  way  improved  by  the 
révolution,  a  smaller  proportion  of  birth  would  be  the  conséquence  *. 

You  are  aware  that  the  population  of  this  country  has  been  in- 
creasing  most  rapidly  during  the  last  10  years,  with  a  decidely 
smaller  proportion  of  birth  than  that  which  is  taking  place  in  France 
at  présent.  I  should  not  however  hâve  expected  so  great  an  absolute 


1.  Malthus  était,  depuis  1805,  professeur  d'économie  politique  et  d'histoire 
au  Collège  de  la  East  India  (>ompagny,  à  Haileybury  (Hertfordshire). 

2.  Necker  avait  prétendu  que  le  rapport  des  naissances  à  celui  de  la  popula- 
tion totale  était  de  1  à  25,75. 

3.  Mallhus  fait  probablement  allusion  au  passage  suivant  de  son  Essai  on  tlic 
Principle  of  Population  C4'' édit.  ;  Londres,  1807),  tome  I,  p.  437  :  «  Si  la  situa- 
tion de  la  partie  agricole  de  la  population  [française]  a  été  améliorée  par  la 
Révolution,  j'incline  fortement  à  croire  qu'on  trouvera  une  diminution  de  la 
proportion  des  décès  et  des  naissances.  Dans  un  climat  aussi  beau  que  celui  de 
la  France,    seule  une  très  grande  misère    des  classes   inférieures   pourrait  occa- 

1  .  .  13 

sionner  une  mortalité  de   — ,    et    une  proportion  des  naissances  de  ,  d'après 

30  '      *^  45  '^ 

les  calculs  de  Necker.  Suivant  cette  supposition,  les  naissances  [indiquées]  pour 
l'année  IX  peuvent  élre  exactes,  et  à  l'avenir  les  naissances  et  les  décès  n'engen- 
dreront probablement  pas  une  si  large  proportion  [par  rapport]  à  la  population. 
Le  contraste  entre  la  France  et  l'Angleterre,  à  ce  point  de  vue,  est  tout  à  fait 
miraculeux.  » 

4.  C'est-à-dire  qu'il  y  aura  une  naissance  pour  un  nombre  inférieur  à  25,75 
personnes  vivantes. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  317 

diminution  of  them  as  yoii  state  to  hâve  heen  the  case  in  the  gear 
IX  *  ;  and  I  cannot  help  still  thinking  that  there  was  a  période 
subséquent  to  the  revohition,  before  the  conscription  attached  the 
married  men,  when  there  was  a  greater  number  both  of  mar liages 
and  births  than  there  has  been  since. 

If  that  retnrn  [of\  the  constituent  Assembly  be  correct,  it  would 
appear  that  the  population  of  France  during  the  last  W  years  had 
not  essentiallg  uaried,  while  our  population  had  increased  nearlg 
2  lj2  millions.  This  would  bc  allowing  something  considérable  for 
the  effects  of  the  Révolution. 

I  hâve  been  so  particularlg  busy  the  last  2  or  3  days,  that  I  hâve 
not  yet  leisure  to  look  over  gour  Exposé,  but  I  propose  myself  that 
pleasure  tomorrow,  or  the  day  after,  and  am  sure  that  I  shall  readit 
with  great  intcrest  and  instruction. 

I  congratulate  you  on  your  présent  prospects  on  the  Continent, 
and  am  Sir  with  great  respect 

Your  very  obed^  humble  s'. 
T.  R.  Malthus  -. 

The  account  you  mention  of  La  Vendée  is  ver  y  curions  and  ex- 
traordinary  indeed. 

Traduction 
Monsieur, 

Je  suis  très  flatté  de  votre  obligeante  communication,  et  la  première 
fois  que  je  serai  en  ville,  j'aurai  certainement  l'honneur  de  vous  rendre 
visite  pour  vous  remercier  en  personne,  et  pour  profiter  de  votre  permis- 
sion, si  aimablement  offerte,  de  voir  les  derniers  rapports  sur  la  popula- 
tion en  France. 

Depuis  longtemps  je  me  suis  douté  que  le  multiplicateur  de  Necker 
pour  les  naissances  était  trop  petit  et,  en  effet,  un  des  rapports  faits  par 
l'Assemblée  Constituante,  dans  lequel  la  population  est  indiquée  à  peu 
près  avec  le  même  nombre  qu'à  présent,  le  prouve  abondamment.  En 
même  temps  je  ne  le  prendrais  peut-être  pas  aussi  élevé  que  30,  quoique 
je  ne  serais  pas  surpris  si  cela  était  la  proportion  actuelle,  comme  je  l'ai 
toujours  pensé,  et  comme  je  crois  l'avoir  dit  dans  une  note  de  mon  cha- 
pitre sur  la  France,  savoir,  que  si  les  conditions  de  vie  des  basses  classes 
du  peuple  étaient,  de  n'importe  quelle    manière,  améliorées  par  la  Hévo- 


1.  D'apri's  les  rapports  adressés  au  gouvcrnoment  consulaire   à  la  suite  d'en- 
quêtes ordonnées  par  lui,  au  comnienceuient  de  l'an  I\. 

2.  La  signature  et  le  posl-scriptum  ont  été  découpés  par  Dlvernois.  et    rem- 
placés  par  une  bande  de  papier. 


318  REVUE  HISTORIQUE   DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

lution,  cette  amélioration   aurait  pour  conséquence  une  moindre  propor- 
tion des  naissances. 

Vous  savez  que  la  population  de  ce  pays  [l'Angleterre]  a  augmenté  très 
rapidement  dans  les  10  dernières  années,  avec  une  proportion  sûrement 
plus  faible  de  naissances  que  celle  qui  se  produit  actuellement  en  France. 
Cependant  je  ne  me  serais  point  attendu  à  une  diminution  absolue  aussi 
grande  que  celle  que  vous  me  signalez  pour  l'an  IX  ;  et  je  ne  peu.x  m'em- 
pêcher  de  penser  qu'il  y  a  eu  une  période  après  la  Révolution,  et  avant 
que  la  conscription  ait  saisi  les  hommes  mariés,  où  il  y  a  eu  un  plus 
grand  nombre  et  de  mariages  et  de  naissances  qu'il  n'y  en  a  à  présent. 

Si  le  rapport  de  l'Assemblée  Constituante  était  exact,  il  prouverait  que 
la  population  française  n'a  pas  varié  sensiblement  dans  les  vingt  dernières 
années,  tandis  que  notre  population  a  augmenté  d'environ  2  1/2  millions. 
Ce  qui  serait  un  heureux  et  considérable  effet  de  la  Révolution. 

J'ai  été  si  particulièrement  occupé  ces  2  ou  3  derniers  jours,  que  je 
n'ai  pas  encore  eu  de  loisir  pour  regarder  votre  exposé,  mais  je  me  propose 
ce  plaisir  pour  demain,  ou  le  jour  après,  et  je  suis  sûr  que  la  lecture  en 
sera  pour  moi  très  intéressante  et  instructive. 

Je  vous  félicite  de  vos  perspectives  actuelles  sur  le  Continent,  et  je 
suis.  Monsieur,  avec  un  grand  respect,  votre  très  obéissant  serviteur. 

T.  R.   Malthus. 

Les  calculs  que  vous  donnez  relativement  à  la  Vendée  sont  très  curieux 
et  tout  à  fait  extraordinaires. 


NOTES   ET   GLANES 


La  situation  agricole  dans  le  Bordelais  en  juillet  1814.  —  «  Bau- 

rech,  le  6  juillet  1814 Les  blés  viennent  d'essuyer  une  baisse 

considérable,  ils  sont  à  15  et  16  francs  la  l^'^  qualité.  La  paix  va 
faire  retomber  cette  marchandise  aux  prix  de  14  et  15  francs  ;  il 
faut  en  conséquence  que  par  la  culture  bien  ordonnée  des  terres 
une  quantité  plus  considérable  balance  les  prix  élevés  que  la  guerre 
nous  a  donnés  pendant  quelque  temps.  Et  je  répéterai  qu'heureux 
sont  ceux  dont  les  troupeaux  et  principalement  les  vignes  sont  en 
état,  que  c'est  le  vin  dorénavant  qui  augmentera  le  plus,  comme 
un  exemple  sensible  nous  en  ont  fourni  les  preuves  pécuniaires 
en  temps  de  paix  ;  mais  quoique  je  sois  bien  convaincu  qu'on  ne 
peut  aujourd'hui  apporter  trop  de  soin  à  cette  culture,  négligée 
par  les  circonstances  et  le  malheur  des  temps,  je  ne  prétends  pas 
pour  cela  qu'on  doive  négliger  tous  les  autres  genres  d'industrie 
qui  ne  font,  au  contraire,  que  tendre  une  main  secondaire  (sic)  à 

toutes  les  branches  d'une  exploitation  conséquente »  (Extrait 

d'une  lettre  de  Victor  Desgardis  à  sa  mère,  M'"^  Desgardis,  à  Mé- 
ric,  en  Bas-Médoc  ;  conservée  dans  les  papiers  de  famille  de  Ma- 
dame Louis  Reutter  de  Rosemont,  à  Genève).  —  O.  K. 


Benjamin  Constant  prophète.  —  «  Si  une  race  purement  mili- 
taire se  formait  actuellement,  comme  son  ardeur  ne  reposerait 
sur  aucune  conviction  ^  ,  sur  aucun  sentiment  ^  ,  sur  aucune  pen- 
sée ;  comme  toutes  les  causes  d'exaltation,  qui,  jadis,  annoblis- 
saient  le  carnage  même,  lui  seraient  étrangères,  elle  n'aurait  d'ali- 
ment ou  de   mobile  que  la  plus  étroite  et  la  plus  âpre  personna- 

1.  Religieuse  ou  de  propagande  des  idées  de  liberté. 

2.  De  la  gloire. 


320  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

lité.  Elle  prendrait  la  férocité  de  l'esprit  guerrier,  mais  elle 
conserverait  le  calcul  de  l'esprit  commercial.  Ces  Vandales  res- 
suscites n'auraient  point  cette  ignorance  du  luxe,  cette  simplicité 
de  mœurs,  ce  dédain  de  toute  action  basse,  qui  pouvaient  carac- 
tériser leurs  grossiers  prédécesseurs.  Ils  réuniraient  à  la  bruta- 
lité de  la  barbarie  les  raffinements  de  la  molesse,  aux  excès  de 
la  violence  les  ruses  de  l'avidité Ce  qu'ils  auraient  de  con- 
naissances pratiques  leur  servirait  à  mieux  rédiger  leurs  arrêts 
de  massacre  ou  de  spoliation.  L'habitude  des  formes  légales  don- 
nerait à  leurs  injustices  l'impassibilité  de  la  loi.  L'habitude  des 
formes  sociales  répandrait  sur  leurs  cruautés  un  vernis  d'insou- 
ciance et  de  légèreté  qu'ils  croiraient  de  l'élégance.  Ils  parcour- 
raient ainsi  le  monde,  tournant  les  progrès  de  la  civilisation 
contre  elle-même,  tout  entiers  à  leurs  intérêts,  prenant  le  meurtre 
pour  moyen,  la  débauche  pour  passe-temps,  la  dérision  pour 
gaîté,  le  pillage  pour  but,  séparés  par  un  abîme  moral  du  reste 
de  l'espèce  humaine,  et  n'étant  unis  entr'eux  que  comme  les  ani- 
maux féroces  qui  se  jettent  rassemblés  sur  les  troupeaux.  »  (Ben- 
jamin Constant,  De  l'esprit  de  conquête  et  de  l'usurpation  ;  1814  ; 
pp.  14-16).  —  O.  K. 


BIBLIOGRAPHIE 


François  Laurentie,  Le  cas  de  M.  Aulard.   Paris,  Librairie  Bar- 
bou,  1914.  In-16de76  p. 

Nous  avons  signalé,  à  plusieurs  reprises,  les  graves  défectuo- 
sités des  publications  documentaires  de  M.  Aulard.  Cfes  défec- 
tuosités sont  à  la  fois  si  nombreuses  et  si  essentielles  qu'elles 
vicient  le  travail  tout  entier,  auquel  aucun  historien  ne  peut 
désormais  se  reporter  avec  con6ance,  et  qui,  dès  lors,  n'est  plus 
qu'une  œuvre  inutile,  stérile,  et  dangereuse. 

M.  François  Laurentie  a  rassemblé  quelques  exemples  carac- 
téristiques de  la  méthode  —  ou  plutôt  de  l'absence  de  méthode 
—  de  M.  Aulard,  et  des  conséquences  qu'elle  entraîne.  Son  petit 
volume,  venant  après  celui  de  M.  Augustin  Cochin  S  constitue 
un  réquisitoire  si  précis,  si  abondant,  si  décisif,  qu'il  servira  à 
éclairer  quelques-uns  de  ceux  qui,  de  moins  en  moins  nombreux, 
s'illusionnent  encore  sur  la  valeur  exacte  de  l'œuvre  de  M.  Aulard. 

Après  avoir  fait  remarquer  qu'il  ne  prétend  pas  donner  la 
liste  complète  des  erreurs  de  M.  Aulard,  car,  dit-il,  «  toute  la 
publication  de  M.  Aulard  étant  à  refaire,  on  ne  saurait,  sur  le 
chapitre  des  inexactitudes,  des  fausses  lectures,  des  bévues  et  des 
coquilles,  viser  à  être  complet  »,  M.  Laurentie  s'attaque  résolu- 
ment à  l'énorme  Recueil  des  Actes  du  Comité  de  salut  public. 

Les  noms  propres  y  sont  souvent  orthographiés  de  la  façon 
la  plus  fantaisiste  et  de  tant  de  manières  différentes  que  le  person- 
nage ou  le  lieu  deviennent  méconnaissables,  que  les  confusions 
les  plus  inattendues  déroutent  le  lecteur,  et  qu'en  fin  de  compte, 
il  n'est  plus  possible  de  mettre  un  peu  de  clarté  dans  ce  chaos, 
^L  Aulard  ayant  dû  renoncer  lui-même  à  donner,  sous  forme  de 
tables  générales  et  d'index,  le  seul  fil  d'Ariane  qui  pourrait  per- 
mettre de  traverser  ces  ténèbres. 

1.  La  crise  de  l'histoire  rcuoliitionnairc  :  Taine  et  M.  Aulard,  Paris,  1909. 

r.EV.  !i;ST.  UE  mA  klvol.  '■> 


322  REVUE    HISTORIQUE   DE   LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

En  ce  qui  concerne  l'exactitude  matérielle  des  textes,  M.  L. 
a  procédé  à  l'expérience  suivante  : 

Ayant  pris  au  hasard,  dit-il,  une  des  plaquettes  où  sont  reliés  les 
arrêtés,  nous  avons  comparé  ces  textes  manuscrits  aux  textes  imprimés 
par  le  Président  de  la  commission  supérieure  des  Archives  [M.  Aulard]. 
Voici  le  résultat  de  cette  collation.  M.  Aulard  peut  nous  en  croire,  lorsque 
nous  assurons  que  des  juxtapositions  semblables  donnent  des  résultats 
analogues. 

Il  s'agit  de  la  plaquette  1834  du  carton  AF^ii  214.  Elle  est  formée  de 
43  pièces,  numérotées  de  1  à  43,  et  donne  24  arrêtés. 

De  ces  24  arrêtés,  qui  devraient  se  trouver  au  Recueil  de  M.  Aulard, 
2  y  manquent  (nos  3^  27). 

Sur  les  22  arrêtés  transcrits,  17  accusent  54  erreurs  de  copie  (sous  les 
no«  3,  6,  7,  10,  14, 15,  17,  19,  21,  29,  31,  33,  35,  36,  40,  42,  43). 

Parmi  ces  54  erreurs  relevées,  15  faussent  le  sens  du  texte  ou  amè- 
nent des  non-sens. 

Et,  après  avoir  cité  les  versions  extravagantes  données  par 
M.  Aulard,  M.  L.  ajoute  : 

Si  l'on  veut  bien  s'imposer  l'examen  sérieux  de  la  collection  Aulard, 
c'est  à  la  pelle  qu'on  y  ramassera  l'inintelligible.  A  d'innombrables 
reprises,  le  lecteur  est  arrêté  par  des  billevesées  inouïes  qui  n'ont  pu 
échapper  qu'à  un  correcteur  inattentif,  pressé,  superficiel,  aussi  étranger 
à  la  langue  française  qu'à  la  langue  révolutionnaire. 

Et  les  exemples  défilent  de  nouveau  :  M.  Aulard  écrit  Manche 
au  lieu  de  Marne  (tome  IX,  p.  253),  millions  au  lieu  de  milliers 
(tome  XII,  p.  72),  francs  au  lieu  de  voitures  (tome  XII,  p.  147), 
chevaux  au  lieu  de  livres  (tome  XIII,  p.  599),  bois  taillés  au  lieu  de 
bois  taillis  (tome  XIII,  p.  464),  à  portée  des  résines  au  lieu  de  à 
portée  des  usines  (ibid.)  Et  ainsi  de  suite,  inépuisablement. 

Le  classement  des  matériaux  eux-mêmes  aboutit  à  un  désordre 
inexprimable,  où  M.  Aulard  est  aussi  incapable  de  s'orienter  que 
son  lecteur.  Là  encore,  les  exemples  abondent  : 

Tome  XI,  p.  44,  n"  4  (10  février  1794),  renvoi  à  un  arrêté  non  daté. 
«  Nous  n'avons  pas  retrouvé  cet  arrêté»,  dit  M.  Aulard  (note  4).  Il  l'a 
publié,  t.  X,  p.  634,  n°  10  (du  3  février  1794). 

Ibid.,  p.  693,  n"  11  (14  mars  1794),  renvoi  à  un  arrêté  du  6  mars.  — 
«  Je  ne  trouve  pas,  à  cette  date,  d'arrêté  sur  cet  objet  »,  dit  M.  Aulard 
(note  4).  Il  y  est  bien,  et  à  cette  date  (p.  567,  nf"*  8,  9,  10  ou  11),  mais  en 
analyse  et  méconnaissable  à  son  éditeur  même  :  car  l'analyse  est  à  con- 
tre-sens, si  vague  qu'elle  soit,  et  on  ne  peut  reconnaître  l'arrêté  qu'en 
se  reportant  à  la  cote,  donnée  par  M.  Aulard. 

Tome  XIV,  p.  56,  n»  8  (l'^'"  juin)  ;  p.  327,  n"  3  (15  juin)  ;  p.  576,  n"  8 


BIBLIOGRAPHIE  323 

(28  juin),  etc.,  renvois  à  un  arrêté  du  21  avril.  —  «  Nous  n'avons  pas 
à  cette  date  d'arrêté  sur  cet  ol)jet  »,  écrit,  p.  327,  note  3,  et  ailleurs,  à 
l'occasion,  M.  x\ulard,  toujours  précis.  Voici  l'affaire.  Les  références  à 
cet  arrêté  sont  nombreuses,  car  il  est  très  important  :  il  s'agit  d'une  levée 
de  3.000  voitures  pour  l'armée  du  Nord,  sur  les  départements  de  Seine- 
Inférieure,  Eure,  Oise,  Seine-et-Marne.  Les  textes  renvoient  toujours  à 
la  date  du  21  avril,  qui  est  la  bonne  évidemment.  Mais  M.  Aulard  ayant 
publié  l'arrêté  (t.  XII,  p.  755,  W^  16)  à  la  date  du  22,  —  parce  qu'il  se 
sert  du  brouillon  de  l'AF  n,  qui  porte  bien  en  effet  cette  date,  —  n'a 
pas  su  le  retrouver  dans  son  propre  ouvrage  à  un  jour  de  distance.  No- 
tons pourtant  que  cet  arrêté  (vaste  règlement  pour  la  levée  des  voitures) 
compte  vingt  articles  et  remplit  à  lui  seul  trois  pages  du  Recueil. 

Ibid.,  p.  534,  n'^  6  (26  juin  1794),  renvoi  à  un  arrêté  du  16  floréal  (5 
mai).  —  «  Nous  n'avons  pas  retrouvé,  à  cette  date,  d'arrêté  du  Comité 
de  salut  public  sur  cet  objet  »,  dit  M.  Aulard,  note  3.  —  Or  on  peut  le 
lire  dans  son  Recueil  (tome  XIII,  p.  292,  n"  16),  à  cette  date  et  in  extenso! 

ibid.,  pp.  614-615,  n°  22  (30  juin  1794),  renvoi  à  un  arrêté  du  9  mes- 
sidor (27  juin).  —  ((  Nous  n'avons  pas  à  cette  date  d'arrêté  sur  cet 
objet  »,  dit  M.  Aulard,  note  3.  C'est  vrai.  Mais  il  le  donne  le  lendemain, 
10  messidor  (28  juin),  p.  571,  n^  1.  Et  c'est  un  arrêté  très  important,  — 
l'arrêté  organique  créant  l'agence  de  la  navigation  intérieure.  Onze  arti- 
cles, près  d'une  page  et  demie  du  Recueil. 

T.  XV,  p.  401,  n*^  11,  renvoi  à  un  arrêté  du  2  thermidor.  —  «  Cet 
arrêté  nous  manque  »,  dit  M.  Aulard,  note  1.  Or  il  l'a  donné,  mais  au  3 
thermidor  (p.  326,  n"  7),  etc. 

On  comprend  qu'avec  une  telle  ignorance  de  son  propre 
ouvrage,  M.  Aulard  soit  amené  à  reproduire  plusieurs  fois  le 
même  texte,  sans  s'apercevoir  de  son  erreur.  M.  L.  en  cite  quel- 
ques exemples  caractéristiques. 

Ainsi,  peu  à  peu,  à  mesure  qu'on  avance  dans  l'examen  de 
cette  œuvre  touffue,  inextricable,  on  constate  que  l'éditeur,  inca- 
pable de  se  plier  à  une  sévère  méthode  historique,  n'a  abouti  qu'à 
une  confusion  désordonnée.  La  correspondance  des  représentants 
en  mission,  qu'il  a  voulu  joindre,  on  ne  sait  pourquoi,  aux  actes 
du  comité  de  salut  public,  pourrait  donner  lieu,  elle  aussi,  aux 
plus  humiliantes  critiques.  Là  encore,  M.  Aulard  n'a  ni  compris 
ni  mesuré  le  caractère  et  l'étendue  de  la  publication  qu'il  entre- 
prenait ;  il  n'a  pas  su  procéder  à  une  exploration  sérieuse  des 
sources  ;  il  n'a  pas  su  respecter  les  textes  qu'il  publiait,  et  dont 
quelques-uns  sont  impudemment  tronqués  et  déformés. 

On  sait  que  M.  Aulard  a  placé  en  tête  du  tome  XVIII  du 
Recueil  des  Actes  duCoinité  de  salut  public  unerratum.  Cet  erratum 
est  l'aveu  manifeste  de  la  faillite  de  toute  son  œuvre,  parce  qu'il 
ne  révèle  pas  seulement  au  lecteur  une  liste  de  pièces  omises, 


324  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA.    RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

mais,  chose  infiniment  plus  grave,  une   série   de  sources  inexplo- 


Tout  le  monde,  dit  M.  L.,  excuse  les  omissions  isolées,  même  nom- 
breuses. Mais  il  ne  s'agit  pas  de  cela.  Il  s'agit  de  séries  entières,  qui 
fournissent  à  bien  des  égards  les  textes  les  plus  sûrs.  Il  s'agit  de  la 
source  capitale.  Ce  sont  ici  les  éléments  les  plus  clairs,  les  plus  légitimes, 
les  plus  considérables  de  la  collection  entreprise,  qu'on  a  négligés  depuis 
dix-huit  ans.  après  les  avoir  soi-même  signalés,  énumérés  comme  essen- 
tiels !....  Pour  ne  citer  que  les  principales,  37  séries  d'arrêtés,  formées 
de  plus  de  69  registres,  cahiers  ou  liasses,  et  dont  la  plupart  contien- 
nent des  centaines  d'articles,  affalaient  l'éditeur,  lui  révélant  des  lacunes 
Innombrables,  des  omissions  de  documents  essentiels. 

Mais  cet  erratum  lui-même  est  prodigieusement  incomplet  ; 
d'autre  part,  il  regorge  d'erreurs.  » 

Le  seul  énoncé  des  sources  donne  au  moins  sept  cotes  fausses.  Quant 
à  la  liste  des  pièces,  rien  de  moins  sûr.  Par  exemple,  sur  les  275  pre- 
miers arrêtés  du  registre  AF  n*  221,  M.  Aulard  avoue  236  omissions  ; 
mais  il  se  trompe  en  trop  et  en  moins.  Il  accuse  5  omissions  qu'il  n  a 
pas  commises  et  en  omet  17  qu'il  a  commises.  Mêmes  erreurs  en  ce  dou- 
ble sens  dans  AF  ii'  121,  123,  130,  etc.  Est-il  besoin  cependant  de  dire 
que  les  erreurs  en  moins  prévalent  ?  MM.  Ch.  Charpentier  et  A.  Cochin 
ont  vérifié,  pour  la  seule  année  de  la  Terreur  (août  1793-août  1794)  et 
pour  les  seuls  registres  du  fonds  AF  n*,  un  millier  d'arrêtés,  au  hasard.  • 
En  établissant,  d'après  ces  vérifications,  des  moyennes  par  registre,  il 
.faudrait  élèvera  1000  le  chiffre  de  lacunes  —  629  —  donné  par  M.  Aulard 
pour  ce  fonds  et  pour  cette  période  1.  Où  va  donc  le  total  général  des 
omissions,  avouées  ou  non  ?  Ce  chiffre  sans    doute,  monte  à  l'Himalaja. 

Que  dire  encore  ?  On  pourrait  prolonger  à  l'infini,  sans 
l'épuiser  jamais,  la  liste  des  omissions,  des  bévues,  des  erreurs 
de  toute  nature  qui  font  du  Recueil  des  Actes  du  Comité  de  salut 
public  une  sorte  de  contrefaçon  historique,  une  véritable  mystifi- 
cation, dont  les  deniers  publics,  hélas  !  payent  les  frais.  Et  si 
jamais,  à  force  de  courageuse  patience,  on  parvenait  un  jour  à 
dresser  l'erratum  formidable  de  cette  entreprise  scandaleuse,   il 

].  Quant  au  reste  de  son  erratum  (fonds  des  Commissions  et  ministères),  M. 
Aulard  avoue  pour  cette  période  96  omissions  d'arrêtés.  Que  penser  de  ce 
chiffre  ?  Nous  ferons  seulement  les  remarquas  suivantes  :  l'éditeur  ignore  un 
cahier  d'analyses  d'arrêtés  sur  la  Marine  (Marine  BB  2  547)  qui,  sur  119  arrêtés 
vérifiés,  lui  aurait  révélé  62  lacunes  à  son  Recueil  ;  —  il  ignore  un    recueil  du 

ministère  de  la  guerre  (  — - —  j  qui,  sur  ses  31  premiers  arrêtés,  en  contient  20 

qui  manquent  à  son  Recueil.  Enfin,  sur  les  100  premiers  arrêtés  recueillis  et 
numérotés  par  la  Commission  dagriculture,  il  y  a  54  lacunes,  et  seulement  44 
aveux.  (Note  de  M.  Lanrentie) 


BIBLIOGRAPHIE  325 

resterait  encore  à  soumettre  au  même  examen  méthodique  tous 
les  autres  recueils  dus  à  M.  Aulard  :  la  Société  des  Jacobins  ; 
Paris  pendant  la  réaction  thermidorienne  et  le  Directoire  ;  Paris 
sous  le  Consulat  ;  Paris  sous  le  premier  Empire.  Et  quand  tout 
cela  serait  terminé,  il  resterait  encore  à  passer  au  même  crible 
les  autres  ouvrages  de  M.  Aulard,  et  notamment  cette  Histoire 
politique  de  la  Révolution  française,  qui  a  fait  tant  de  dupes,  et 
où  la  vérité  historique  est,  presque  à  chaque  page,  submergée 
par  une  passion  puérile  et  haineuse,  où  les  faits  les  plus  certains, 
les  plus  évidents,  sont  audacieusement  dénaturés,  où  le  prodi- 
gieux pédantisme  de  Tauteur  remplace  la  science  et  l'impartialité 
qu'on  y  chercherait  en  vain. 

Charles  Vellav. 


William  W.  Wight,  Louis  XVII  ;  a  bibliography.  Boston,  Marvin, 
1915.  In-8  de  159  p. 

Ayant  réuni  un  ensemble  assez  important  d'ouvrages  relatifs 
à  Louis  XVII  et  à  toutes  les  discussions  qui  se  sont  élevées 
autour  de  ce  nom,  M.  Willian  W.  Wight  a  eu  l'heureuse  idée  de 
publier  l'inventaire  de  cette  collection.  Il  est  regrettable  qu'il 
n'ait  point  élargi  son  effort,  et  qu'il  n'ait  point  essayé  de  nous 
donner  une  bibliographie  complète.  Même  en  supposant  que  cet 
essai  eût  présenté  quelques  lacunes,  il  eût  été  plus  utile  et  plus 
méritoire  que  la  liste,  nécessairement  restreinte,  qu'il  nous  offre 
aujourd'hui. 

Néanmoins,  telle  qu'elle  est,  cette  bibliographie  est  intéres- 
sante et  rendra  de  grands  services  à  ceux  qui  auront  l'occasion 
de  la  consulter.  Elle  ne  comprend  pas  seulement  les  volumes,, 
brochures,  pamphlets,  périodiques  qui  ont  trait  à  Louis  XVII  ou 
à  la  «  question  Louis  XVII  »  ;  elle  mentionne  aussi  les  simples 
articles  de  journaux,  et  c'est  peut-être  dans  cet  ordre  d'idées 
qu'elle  apportera  aux  chercheurs  le  plus  d'indications  nouvelles, 
parce  que  c'est  précisément  le  domaine  qu'il  est  le  plus  malaisé 
d'explorer. 

Si  M.  W.  a  laissé  hors  de  son  travail  ce  qui  ne  figurait  pas 
dans  sa  bibliothèque  personnelle,  on  peut  lui  reprocher  d'avoir» 
par  contre,  fait  entrer  dans  cette  bibliographie  des  ouvrages  qui, 
par  leur  nature  ou  leur  objet,  ne  paraissaient  pas  destinés  à  y 
prendre  place.  Xi  le  Dictionnaire  des  ouvrages  anonymes  de  Bar- 
bier, ni  le  catalogue  de  la  Bibliothèque  de  l'Université  Cornell,  ni 


326  REVUE     HISTORIQUE     DE     LA     RÉVOLUTION    ERANÇAISE 

le  Manuel  pratique  pour  r élude  de  la  Révolution  française  de  M. 
Caron,  ni  le  Dictionnaire  de  la  Révolution  fvançaisc  dcDécembreet 
Alonnier,  ni  vingt  autres  ouvrages  du  même  genre,  n'appartien- 
nent, à  proprement  parler,  à  la  bibliographie  de  Louis  XVII, 
et  une  bibliographie  ainsi  comprise  n'a  plus  de  limites  et  dépasse 
démesurément  son  but. 

Mais,  ces  réserves  faites,  le  recueil  de  M.  W.,  qui  fournit  un 
total  de  478  numéros,  accompagnés  d'un  index  des  noms  pro- 
pres, constitue  un  ouvrage  d'une  valeur  et  d'un  intérêt  indiscu- 
tables, et  auquel  il  sera  souvent  utile  de  se  reporter. 

C.  V. 


Jehan   d'IvRAY,    Bonaparte   et  TEgypte.    Paris,   Lemerre,    1914. 
In-18  ;  3  fr.  50. 

Le  titre  de  ce  petit  livre  ne  correspond  guère  à  sa  substance, 
car  des  rapports  de  Bonaparte  avec  l'Egypte  et  les  Egyptiens  ou 
les  Turcs  il  n'est  guère  question.  Sauf  quelques  citations  d'Abd  er 
Raman  Gabarti,  le  fond  du  récit  est  bien  mince.  Quelques  anec- 
dotes et  quelques  faits  divers  —  historiettes,  mais  pas  même 
petite  histoire  —  émaillent  ce  volume,  d'ailleurs  point  consacré 
uniquement  à  l'époque  de  Bonaparte,  puisqu'il  empiète  assez  lar- 
gement sur  les  commandements  de  Kléber  et  de  Menou. 

J.  A. 


LIVRES    NOUVEAUX 

Philippe  Benoît,  Souvenirs  d'un  Ardéchois,  prisonnier  de 
guerre  en  Russie,  1812-1814.  Aubenas,  Impr.  Habauzit,  1913. 
In-8  de  72  p.  —  Simon  Bolivar,  libertador  de  la  America  del  Sur. 
Madrid,  Tip.  editor.,  1914.  In-8  de  xvi-542  p.  ;  4  fr,  —  Charles 
Borgeaud,  Les  promotions  de  1814  (à  Genève).  Genève,  Jullien. 
In-8  de  14  p.  ;  0  fr.  75.  —  Armand  Brette,  Recueil  de  documents 
relatifs  à  la  convocation  des  Etats  généraux  de  1789.  Tome  IV. 
Paris,  Leroux,  1915.  In-8  de  707  p.  ;  15  fr.  —  Edouard  Chapuisat, 
La  restauration  de  la  République  de  Genève.  Genève,  Atar. 
In-8  de  48  p.  ;  1  fr.  —  D^  P.  Chatin,  A. -M.  Ampère 
(1775-183G).  Lyon,  Rey,    1914.    In-8  de  32  p.  —  Lucien  Cramer, 


BIBLIOGRAPHIE  327 

Genève  et  les  traités  de  1815  :  Correspondance  diplomatique  de 
Ch.  Pictet  de  Rochemont  et  de  Francis  D'Ivernois  (1814-1816). 
Genève,  Kiindig,  1914.  In-8  de  xlviii-753  et  viii-642  p.  et  pi.  ;  20 
fr.  —  M.  A.  Dubois,  Necker  économiste.  Paris,  Rivière.  In-8  de 
316  p.  ;  8  fr.  —  Lettres  inédites  du  général  G. -H.  Dufour  (1807- 
1810),  publiées  et  annotées  par  Otto  K.\rmin.  Largentière,  Impr. 
Mazel  et  Plancher,  1915.  In-8  de  39  p.  —  Chanoine  A.  Durand, 
L'abbé  Bonhomme  (1759-1844).  Nîmes,  Imp.  Gellion,  1914.  In-8 
de  109  p.  —  Wilhelm  Ermann,  Jean-Pierre  Ermann,  1735-1814  ; 
ein  Lebensbild  aus  der  berliner  franzôsischen  Kolonie.  Berlin, 
Mittler.  In-8  de  viii-122  p.  ;  4  mk.  —  Karl  Esseborn,  Die  Hessen 
in  Spanien  und  in  englischer  Gefangenschaft,  1808-1814.  Darm- 
stadt,  Schlapp.  In-8  de  273  p.  ;  1  mk.  50.  —  Alfredo  Flores  y 
Caamaiio,  Don  José  Mejia  Lequerica  en  las  Cortes  de  Cadiz  de 
1810  a  1813.  Barcelona,  Maucci.  In-8  de  567  p.  — J.  Gass,  Erleb- 
nisse  eines  elsiissischen  Jesuiten  wâhrend  der  Révolution. 
Strasbourg,  Le  Roux.  In-8  de  72  p.  ;  0  mk.  60.  —  Paul  Geiger, 
Volksliedinteresse  und  Volksliedforschung  in  der  Schweiz  vom 
Anfang  des  18.  Jahrhunderts  bis  1830,  Berne,  Francke.  In-8 
de  137  p.  ;  3  fr.  50.  —  Henryk  Grossmann,  Oesterreichische 
Handelspolitik  mit  Bezug  auf  Galizien  in  der  Reformpe- 
riode  1772-1790.  Wien,  Konegen  ;  gr.  in-8  de  xvii-510  p.  ;  12 
mk.  —  George  Guigue,  Un  faux  décret  de  Napoléon  I^f  (3  juil- 
let 1806).  Lyon,  Rey,  1914.  In-8  de  40  p.  —  Félix  Haase,  Die 
katholische  Kirche  Schlesiens  im  Befreiungskriege  1813.Breslau, 
Gôrlich.  In-8  de  60  p.  ;  1  mk.  —  Julian  Juderias,  Don  Gaspar 
Melchor  de  Jovellanos  ;  su  vida,  su  tiempo,  sus  obras,  su  influ- 
encia  social.  Madrid,  Ratés.  In-8  de  136  p.  —  Georg  Lang,  Aus 
dem  Volksleben  der  Hessen  vor  100  Jahren.  Darmstadt,  Winter. 
In-8  de  196  p.  ;  1  mk.  20.  —  Hermann  Loening,  Johann  Gottfried 
Hoflmann  und  sein  Anteil  an  der  staatswirtschaftlichen  Gesetz- 
gebung  Preussens.  Erster  Teil  :  1785-1813.  Tûbingen  (thèse  de 
doctorat,  1914).  —  Paul  Marmottan,  Le  voj^age  de  la  Grande- 
Duchesse  Elisa  à  Paris  en  1810.  Paris,  Alcan,  1915.  In-8  de  43 
p.  —  T.  Massereau,  Documents  d'archives  sur  l'histoire  écono- 
mique de  la  Révolution  française  ou  Recueil  de  documents  iné- 
dits et  d'ordre  économique  contenus  dans  les  registres  des  déli- 
bérations de  la  ville  et  des  quatorze  communes  rurales  du  canton 
d'Amboise  de  1788  à  frimaire  an  VIL  Orléans,  Impr.  moderne, 
1915.  In-8  de  xiv-263  p.  —  Sir  Herbert  Maxwell,  The  life  of  Wel- 
lington :  the  restoration  of  the  martial  power  of  Great  Britain. 
London,  Low,    1914.   In-8  de  446  p.  et  fig.  ;  20  fr.    —  J.-B.-S. 


328  REVUE    HISTORIQUE    DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Morritt,  Letters,  descriptive  of  journeys  in  Europe  and  Asia  Minor 
in  the  years  1794-1796.  London,  Murray.  In-8  de  332  p.  ;  10  sh. 
6  p.  —  Henryk  Moscicki,  Dzieje  porozbiorowc  Lihvy  i  Rusi.  I 
(1772-1800).  Wilno,  nak.  «  Kuryera  Litewskiego  »,  1913.  In-8  de 
476  p.  et  pi.  ;  12  fr. —  Charles  Oman,  A  History  of  the  Penin- 
sularwar.  V(oct.  1811-aug.  1812).  London,  Milford,  1914.  In-8 
de  648  p.  et  pi.  ;  17  fr.  80.  —  G.  Petit,  La  terre  et  la  seigneurie 
épiscopale  de  Charbuj'  à  la  veille  de  la  Révolution.  Auxerre, 
Impr.  Gallot.  In-8  de  21  p.  —  Georg  Friedrich  Preuss,  Die  Quel- 
len  des  Nationalgeistes  der  Befreiungskriege.Rerlin,  Mittler.  In-8 
de  74  p.  ;  1  mk.  20.  —  A.  Puis,  Les  lettres  de  cachet  à  Toulouse 
au  XVIIP  siècle.  Toulouse,  Privât,  1914.  In-8  de  333  p.  et  fig.  ; 
5fr.  —  Nicola  Ratti,  Il  processo  di  Giovanna  Bonanno  (avvelena- 
trice),  Palermo  1788-1789.  Palermo,  Boccone  del  Povero.  In  8 
de  83  p.  —  D.  Enrique  G.  Rendueles,  Jovellanos  y  las  cientias 
morales  y  politicas.  Madrid,  Ratés.  In-8  de  82  p.  —  A.  RuplingeF, 
Un  contradicteur  de  J.-J.  Rousseau:  le  Lyonnais  Charles  Bordes. 
Lyon,  Rey,  1915.  In-8  de  19  p.  —  Dorothea  und  Friedrich 
Schlegel,  Briefe  an  die  Familie  Paulus  (1801-1819).  Hgg.  v.  Ru- 
dolf Unger.  Berlin,  Behr.  In-8  de  xxviii-192  p.  ;  4  mk.  —  Otto 
Eduard  Schmidt,  Aus  der  Zeit  der  Freiheitskriege  und  des  Wiener 
Kongresses  :  87  ungedruckte  Briefe  und  Urkunden  aus  sâchsi- 
schen  Adelsarchiven.  Leipzig,  Teubner.  In-8  de  viii-186  p.  ;  3 
mk.  80.  —  Maryan  Szyjkowski,  Mysl  Jana  Jakôba  Rousseau  w 
Polsce  XVIII  wieku.  Krakow,  Gebethner,  1913.  In-8  de  270  p.  ; 
6  fr.  30.  —  Alexandre  Tuetey,  Répertoire  général  des  sources 
manuscrites  de  l'histoire  de  Paris  pendant  la  Révolution  fran- 
çaise. Tome  XI  (Convention  nationale,  4«  partie).  Paris,  Champion, 
1914.  In-4  de  c-9l6  p.  à  2  col.  ;  10  fr.  —  F.Uzureau,  Andegaviana 
(16^  série).  Angers,  Siraudeau,  1915.  In-8  de  503  p.  et  une  carte. 
—  F.  Uzureau,  Le  mouvement  religieux  en  Maine  et-Loire  après 
le  18  brumaire.  Angers,  Grassin,  1915.  In-8  de  139  p.  —  F.  Uzu- 
reau, La  Société  ro^'ale  d'agriculture  d'Angers  (1761-1793).  An- 
gers, Grassin,  1915.  In-8  de  42  p.  —  A.  Vorberg,  Die  sittlich-reli- 
giôsen  Kràfte  der  Volkserhebung  von  1813.  Rostock,  Kaufungen- 
Verlag.  In-8  de  32  p.  ;  0  mk.  50. 


PERIODIQUES 


Académie  Roumaine.  Bulletin  de  la  Section  historique.  —  P^ 
juillet  1915  :  N.  Iorga,  Lettres  inédites  de  Tudor  Vladimirescu 
(1814-1815). 

American  catholic  quarterly  Review.  —  Juillet  1915  :  R.  F. 
O'CoNNOR,  The  French  Révolution  and  anti-clericalism. 

American  Historical  Review  (The).  —  XX  {1915),  1  :  E.  S. 
CoRwiN,  The  French  objective  in  ihe  American  Révolution  ;  C. 
D.  CoLBY,  The  earlier  relations  of  England  and  Belgium  ;  Frank 
A.  GoLDER,  Catherine  II  and  the  American  Révolution. 

Anjou  historique  (L').  —  Jaillet-août  1915  :  L'application  de  la 
Constitution  civile  du  clergé  en  Maine-et-Loire  ;  Le  Conseil  géné- 
ral de  Maine-et-Loire  et  le  début  de  la  guerre  de  Vendée  ;  La 
pacification  de  Hoche  (1796)  ;  Angers  au  mois  de  juillet  1815  ; 
Les  Prussiens  à  Angers  (août-septembre  1815). 

Annales  médico-chirurgicales  du  Centre.  —  Tomes  XII-XIV 
(1912-191i)  :  F.  Caillet,  J.  S.  Bruneau,  médecin  du  duc  de 
Choiseul  à  Amboise,  premier  président  de  la  Société  médicale  de 
Tours,   1740-1823. 

Archiginnasio  (L')  [Bologna].  —  7A'  {191/t),  5  :  T.  Casini,  La 
prima  sessione  del  Collegio  elettorale  dei  dotti  in  Bologna  nel 
1802  (suite  dans  le  n°  6'). 

Archiv  des  ôiTentlichen  Rechts.  —  XX XI 11  (1915),  5  :  H.  O. 
Meisner,  Bemerkungen  zu  Oescheys  Buch  ûber  die  Bayrische 
Verfassungsurkunde  von  1818  und  die  Charte  Ludwigs  XVIII  von 
1814. 

Archives  héraldiques  suisses.  —  XXIX  (1915),  3  :  Luigi  Bren- 
TANi,  Les  armoiries  et  couleurs  de  la  République  et  Canton  du 
Tessin.  —  4  :  A.  Gavard,  Armoiries  du  diocèse  et  des  évêques 
de  Genève  [Joseph-Marie  Paget,  1787-1801  ;  René  de  Moustiers 
de  Mérinville,  1802-1805  ;  Irénée-Yves  Dessolle,  1805-1823]. 

Archives  suisses  des  traditions  populaires.  —  XIX  (1915),  2  : 
H,  B.ECHTOLD,  Ziircherische   Gebrauche  und  Missbràuche,  1790, 


330  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

—  4  :  Schweizerisches  Soldatenlied  aus  der  Zeit  Napoléons  I., 
wie  es  im  solothurnischen  Gàu  gesungen  wurde. 

Archiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen  und  Literaturen. 

—  XXXIII  0915),  3-4  :  Albert  Leitzmann,  Im  polnischen  Exil  : 
Briefe  von  Thérèse  Forster  an  ihre  Stiefmutter,  1785-1786  ;  Max 
Lederer,  Zeitgenôssische  Urteile  ûber  Iffland  ;  Ludwig  Geiger, 
Unbekannte  Briefe  Ifflands,  1801-1814  ;  Albert  Leitzmann,  Zu 
Rudolf  Hayms  Biographie  Wilhelm  von  Humboldts. 

Archiv  fiir  hessische  Geschichte  und  Altertumskunde.  —  X(1915), 
3  :  H.  Reichert,  Die  Aufhebung  der  Vogtei  und  Abtei  Seligen- 
stadt  im  Jahre  1802. 

Archivio  pugliese  del  risorgimento  italiano  iBari].  —  /  (19U),  1  : 
G.  del  Re,  Ignazio  Ciaja.  —  2-3  :  Fr.  de  Ambrosio,  Sansevero 
nel  1799  ;  G.  Maselli-Campagna,  Il  repubblicanismo  di  un  pre- 
lato  pugliese  ;  V.  Durante,  Gli  Anglo-Corsi  De  Broccheciampe 
e  De  Cesari  nella  controrivoluzione  pugliese  del  1799.  —  A  : 
P.  Galletti,  Sugli  avvenimenti  successi  in  Andria  ncl  1799  ; 
L.  Sylos,  Massoneria  e  carboneria  nel  Barese  nei  primi  anni  del 
sec.  XIX. 

Archivio  storico  siciliano.  —  A'A'AVA'  (19H)  1-2  :  G.  Pitre, 
I  Cronici  e  gli  Anticronici  in   Sicilia  e  la  loro  poesia,  1812-1815. 

Archivio  trentino.  —  XXIX  (1915),  1-2  :  G.  Bertagnolli,  Luci 
ed  ombre  nel  nostro  primo  risorgimento  (fin  dans  le  n°  5-4). 

Argovia.  —  XXXVI  (1915)  :  Séraphin  Meier,  Geschichte  von 
Tâgerig  (Aargau)  :  XXIII,  1798-1816. 

Atti  délia  I.  R.  Accademia  roveretana  degli  Agiati.  —  1914,  n"  4: 
A.  Rossaro,  Cenni  storico-biografici  di  nions.  Carlo  Emmanuele 
Sardagna,  già  vescovo  di  Cremona,  arcivescovo  di  Ccsarea  e  mem- 
bro  dell'Accademia  roveretana  degli  Agiati  (1772-1840). 

Bank-Archiv,  —  XV  (1915),  4-8  :  Mauer,  Kriegskontribution 
und  Domànenbeleihung  in  Preussen  zu  Anfang  des  19.  Jahr- 
hunderts. 

Blàtter  fiir  bernische  Geschichte,  Kunst  und  Altertumskunde.  — 
XI  (1915),  1  :  G.  Gr^nicher,  Das  bernische  Lager  in  Genf,  1782. 

British  Médical  Journal.  —  1915,  II,  p.  552  :  A.  Chaplin,  Napo- 
leon's  funeral. 

Bulletin  archéologique,  historique  et  artistique  de  la  Société 
d'archéologie  de  Tarn-et-Garonne.  — AX/F(79/4).  1:  De  I'Estoile, 
Le  dernier  maître  de  chapelle  de  la  cathédrale  de  Montauban 
avant  la  Révolution. 

Bulletin  de  la  Commission  historique  et  archéologique  de  la 
Mayenne.  —  A^A'A7  (1915)  :  Queruau-Lamerie,  Les  Chouans  de 


PÉRIODIQUES  331 

la  Basse-Mayenne  ;  E.  Laurain,  Le  Bureau  de  correspondance 
du  district  de  Craon  (1787-1788). 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Sens. —  XXVII  (1912) 
[paru  en  1914]  :  Abbé  Chartraire,  Le  caveau  funéraire  du  Dau- 
phin et  de  la  Dauphine  (1814)  ;  M.  Porée,  La  propriété  ecclé- 
siastique, noble,  bourgeoise  et  paj'sanne,  dans  le  district  de  Sens, 
en  1789  ;  D"^  Moreau,  Les  souvenirs  napoléoniens  du  musée  de 
Sens. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique,  historique  et  artistique 
((  Le  Vieux  Papier  ».  —  Juillet  lOli-juillet  1915  :  P.  Sarry,  Le 
prince  Charles  de  Clarj^  et  Aldringen  à  Paris  en  1810  ;  M. 
Perrot,  Les  acquéreurs  de  biens  nationaux. 

Bulletin  de  la  Société  des  antiquaires  de  l'Ouest.  —  ///  <J915),  9  : 
P.  Rambaud,  La  question  du  pain  de  pommes  de  terre  à  Poitiers 
avant  la  Révolution. 

Bulletin  trimestriel  de  la  Société  archéologique  de  Touraine.  — 
2^  trimestre  1915  :  E.-G.  de  Clérambault,  Le  théâtre  à  Tours  à 
l'époque  de  la  Révolution  ;  Charles  de  Beaumont,  Le  duel 
d'Alexis-Germain  Bruley  (1787)  ;  Abbé  Audard,  Catalogue  de 
l'exposition  des  souvenirs  religieux  delà  Révolution  en  Touraine. 

Bulletin  trimestriel  de  la  Société  des  antiquaires  de  Picardie.  — 
1914,  3-4  :  Octave  Thorel,  Une  estampe  politique  amiénoise  de 
1787  [contre  De  Chocqueuse,  maire  d'Amiens]. 

Burlington  Magazine  (The).  —  Avril  1915  :  Lionel  Cust,  On 
some  portraits  of  Lord  Byron  (suite  en  mai).  —  Juillet  :  Thomas 
Gosse,  Fragments  of  the  autobiography,  1799.  —  Septembre  : 
Lionel  CusT,  A  portrait  by  Gilbert  Stuart  :  William  Harwood, 
of  the  East  India  Company,  1744-1802. 

Correspondant  (Le).  —  10  août  1915  :  De  Lanzac  de  Laborie, 
Pourquoi  et  comment  Madame  de  Staël  a-t-elle  visité  l'Allema- 
gne ? 

Deutsche  Revue.  —  Juillet  1915  :  V.  Gôrtz,  Der  fûnftâgige 
Feldzug  in  Belgien  vor  hundert  Jahren.  —  Août  :  E.  Leunhoff, 
Ein  Fùrstenbundplan  des  Freiherrn  Hans  von  Gagern  aus  dem 
Jahre  1794. 

Deutsche  Rundschau.  —  Juillet  1915  :  A.  Fournier,  Briefe 
Tom  Wiener  Kongress.  —  i4o///  :  Ernst  Mûsebeck,  Ernst  Moritz 
Arndts  Urteil  ûber  England  und  engliche  Politik  ;  Gottfried 
Fittbogen,  Gœlhe  aïs  nationaler  Dichler. 

Deutsche  Rundschau  fiir  Géographie.  —  XXXV II  (1915),  9  : 
Mausus  Hoffmann,  Christian  Crusius,  ein  osterreichischer  Topo- 
graph  des  18    Jahrhunderts,  1758-1831. 


332  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA     RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Deutsches  Philologen-Blatt.  —  XXIIl  (1915),  26  :  R.  Philipp- 
STHAL,  Schiller  als  Erzieher  zur  Mannhafligkeit.  — >  36-37  :  J. 
RiCHTEK,  Heinrich  von  Kleist  und  unser  Krieg. 

Drapeau  suisse  (Le).  —  17  {1915),  10  :  François  Ducrest,  Les 
soldats  du  contingent  fribourgeois  à  Râle,  1792-1794. 

English  Eistorical  Review  (The).  —  Octobre  1915  :  C.  K.  Web- 
ster, Castlereagh  and  the  Spanish  Colonies  (II,  1818-1822)  ;  C. 
Plummer,  Some  letters  from  the  correspondence  of  Sir  Herbert 
Taylor,  1801-1813. 

Enskal-Erria.  —  15  seplembre  1915  :  Informacidn  instruida  en 
1813  sobre  la  conducta  observada  por  las  tropas  aliadas  en  el 
asalto  de  San  Sébastian  (suite  le  30  septembre). 

Euphorion.  —  XXI  (1915),  3  :  E.  Sauer,  Die  franzôsische 
Révolution  von  1789  in  den  Gedichten  Klopstocks  und  der  Gôt- 
tinger  ;  Rettina  Friess,  Gœthe  und  Lesage  ;  A.  Funck,  Zwei 
Rriefe  Jean  Pauls  ;  Josefa  Elster,  Rriefe  Friedrich  Schleierma- 
chers  an  August  Wilhelm  Schlcgel. 

Familiengeschichtliche  Blâtter.  —  1915,  n^'  7  :  Von  den  Fran- 
zosen  im  Jahre  17i6  in  Ravensburg  ^eplûnderte  Faniilien. 

Fanfulla  délia  Domenica.  —  XXXVII  (1915),  3  :  Antona  Tra- 
versi,  Un  nemico  di  Ugo  Foscolo  :  G.  R.  Rrocchi, 

Feuilles  d'histoire.  —  P'  juin  1915  :  R.  Reuss,  La  Révolution 
en  Alsace  (suite  \e  1'' jaillet  et  le  P''  aoû/)  ;  G.  Vauthier,  Le 
cardinal  Fesch  durant  l'invasion  de  1814  ;  E.  Welvert,  Les  der- 
nières années  de  Lakanal  (suite  le  :/«■  juillet).  —  1"  août  :  G. 
Vauthier,  La  théologie  sous  le  premier  Empire.  —  P^  septembre  : 
A.  Chuquet,  Saint-Mihiel  en  1792  ;  J.  Durieux,  Lettre  d'un 
Parisien  sur  le  14  Juillet  1789  ;  R.  Reuss,  La  Révolution  dans 
le  Ras-Rhin,  1793  ;  E.  Welvert,  Les  observateurs  de  1793  et  de 
l'an  II  ;  M.  Schveitzer,  La  Chouannerie  et  le  brigandage  dans 
l'Eure  sous  le  Directoire  ;  G.  Vauthier,  Variétés  historiques. 

Fopschungen  und  Mitteilungen  zur  Geschichte  Tirols  und  Vorarl- 
bergs.  —  A7/  (1915),  3  :  K.  Klaar,  Die  Rriefe  der  Dorothea  von 
Schlegel  an  Theresia  Unterkirchner  ;  M.  Mayr,  Kleine  Reitràge 
zur  Lebensgeschichte  J.  Speckbachers  ;  Das  Lebensalter  der 
Maria  Schmiderer,  Frau  von  Josef  Speckbacher. 

Forschungen  zur  brandenburgischen  und  preussischen  Geschichte. 
—  XXVIII(1915),2:  J.  v.  Pflugk-Harttung,  Rriefe Rlûchers  und 
Gneisenaus  an  Thile,  1812-1816  ;  M.  Laubert,  Ein  Provinziaî- 
abgrenzungs-Projekt  Theodor  v.  Schôns. 

Frauenfrage  (Bie).  —  XVII  (1915),  7  :  Anna  Rrunnemann, 
Deutsche  Frauen    in   Kriegszeiten  :  Helmina    von   Chézy,   1813- 


PÉRIODIQUES  333 

1815.  —  13  :  Anna  Brunnemann,  Briefe  Dorothea  Schlegels  aus 
den  Freiheitskriegen. 

Géographie  (La).  —  XXX  (1915),  3  :  Henri  Dehérain,  Un 
officier  de  Tarmée  d'Egypte,  Théviotte,  et  son  œuvre  géographi- 
que. —  4  :  Etienne  Glouzot,  Une  ville  neuve  en  France  sous  le 
premier  Empire  :  La  Roche-sur-Yon. 

Germanisch-romanische  Monatsschrift.  —  VU  (1915),  3  :  W. 
Matz,  Gœthes  Verhàltnis  zu  Lichtenberg. 

Geschichtsfreund  (Der)  [Stans].  —  LXX  (1915)  :  D'  Rudolf 
ScHMiD,  Stadt  und  Amt  Zug  bis  1798  :  Beitrag  zur  Keuntnis  des 
àltern  Staatsrechts  des   Kanton   Zug. 

Giornale  storico  délia  letteratura  italiana.  —  LXV  (1915),  2-3  : 
G.  Gambarin,  Melchior  Cesarotli  e  Vincenzo  Monti  (1785-1810). 

Grenzboten  (Die).  —  7  juillet  1915  :  Alfred  Menzel,  Immanuel 
Kant  ûber  Politik,  Krieg  und  Frieden. 

Gynaecologia  Helvetica.  —  XV  (1915)  :  Franz  Zimmerlin,  Das 
Hebammenwesen  im  Bezirk  Zofingen  in  den  Jahren  1809-1818. 

Hannoversciie  Geschichtsblatter.  —  XVIII  (1915),  2  :  Ernst 
Oehlmann,  Waterloo  ;  W.  Pessler,  Deutsche  Waterloo-Erin- 
nerungen  in  Vaterlàndischen  Muséum  der  Stadt  Hannover.  —  3  : 
H.  Brûning,  Die  preussisclie  Stiidteordnung  vom  19.  November 
1808  ;  W.  Pessler,  Die  Waterloo-Jahrhundert-Anstellung  im 
Vaterlàndischen  Muséum  der  Stadt  Hannover. 

Hessische  Chronik.  —  IV (1915),  7  :  W.  Diehl,  Die  Personalien 
der  lutherischen  Pfarrer  Rheinhessens  aus   dem  Jahre  1816. 

Historische  Forschungen.  — Heft  124  (1915)  :  H.  Buchi,  Finan- 
zen  und  Finanzpolitik  Toskanas,  1737-1790,  im  Rahmen  der 
Wirtschaftspolitik. 

Historisches  Neujahrsblatt  |Urij .  —  A'A7  (1915)  :  Joseph  Muller, 
Chroniknotizen  aus  dem  Jahrzeitbuch  von  Spiringen,  1705-1831. 

Historisch-politisshe  Blâtter  fiir  das  katholische  Deutschland.  — 
1915,  n^  9:  K.  v.  Hertling,  Holland  1807-1810(suitedansle  n°70). 

Historisk  Tidskrift  | Stockholm].  —  XXXIV  (1915),  3  :  F.  W. 
Moren,  Det  engelske  fredsanbudet  till  Frederik  VI  af  Danmark 
hôsten  1812  ;  H.  Almquist,  Karl  XIV  Johan  och  ded  begynnande 
skandinavismen. 

Indicateur  d'histoire  suisse.  —  A7/  (1914),  n''  1  :  F.  Aubert, 
La  lettre  d'adieux  de  l'ancien  S3'ndic  Guillaume  Cayla  (1794).  — 
N°  2  :  Ch.  Borgeaud,  La  question  de  l'Université  à  Genève  il  y 
a  cent  ans. 

Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux.  —  10-20-30  juillet  1915: 
Les  restes  de  Louis  XVI  et  de  Marie-Antoinette.  —  10-20-30  sep- 


334  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

tembre  :  Les  restes  du  roi  et  de  la  reine  furent-ils  authentiqués 
en  1815  ? 

Internationale  kirchliche  Zeitschrift.  —  V  (1915),  3:  A.  Kûry, 
Die  Durchfûhrung  der  kirchlichen  Verordnungen  des  Konstanzer 
Generalvikars  J.-H.  von  Wessenberg  in  der  Schweiz  (suite  dans 
le  n"  4).  —  4  :  M.  Menn,  Johann  Michael  Sailers  Geistesarbeit, 
1751-1823. 

Jahrbiicber  fiir  die  deutsche  Armée  und  Marine.  —  19H  :  V. 
Briesen,  Die  Bedeutung  Blûchers  fur  die  Koalition  gegen  Napo- 
léon. 

Journal  des  Savants.  —  Août  1915  :  P.  Durrieu,  Les  goûts 
archéologiques  d'un  pharmacien  militaire  de  l'armée  française 
(Antoine  Fée)  en  Espagne  sous  le  premier  Empire. 

Journal  of  the  American  Institute  for  Pénal  Law.  —  1915,  pp. 
165-175  :  William  R.  Riddell,  The  duel  in  the  earlj-  Upper 
Canada,   1759-1800. 

Lectura  (La).  —  Juin  1915  :  J.  Deleito,  Relaciones  entre 
Espana  é  Inglaterra  durante  la  guerra  de  la  Independencia  :  La 
embajada  del  Conde  de  Fernan  Nunez. 

Légitimité  (La).  —  Juillet-septembre  1915  :  Procès  criminel  de 
Marie-Antoinette  ;  Y.  Chantelys,  Naundorfif  et  les  anciens  ser- 
viteurs de  Louis  XVL 

Mannheimer  Geschichtsblâtter.  —  XVI  (1915),  5-6  :  F.  Walter, 
Das  Tagebuch  des  Ingenieurmajors  Ferdinand  Denis,  1769-1792. 
—  7-8  :  Karl  Christ,  Die  Marseillaise,  eine  angeblich  deutsche 
Komposition. 

Manuel  général  de  l'instruction  primaire.  —  LXXXII  (1915),  1  : 
Defresne,  Patriotisme  d'un  instituteur  en  1793. 

Marine-Rundschau.  —  Décembre  1913  :  Becké,  Die  entschei- 
denden  Ursachen  der  Niederlage  Napoléons  im  Herbstfeldzug 
1813. 

Médical  Magazine.  —  XXIV  (1915),  pp.  81-85  :  M.  Yearsley, 
D"^  Joseph  Ignace  Guillotin. 

Médical  Review  of  Reviews.  —  XXI  (1915),  pp.  216-219  :  N. 
Tourneur,  A  prince  of  médical  charlatans  :  Mesmer. 

Mémoires  de  la  Société  académique  du  Nivernais.  —  Deuxième 
série,  Tome  IV  (1915):  Victor  Guexeau,  Recherches  sur  les  écoles 
et  le  collège  de  Nevers  [L'Ecole  centrale,  1795-1801J. 

Mémoires  de  la  Société  d'émulation  du  Doubs.  —  VIII  (1913) 
[paru  en  1914|  :  L.  Pingaud,  La  jeunesse  de  Charles  Nodier. 

Mémoires  de  la  Société  éduenne.  —  XLII  {191  A)  :  Paul  Mon- 
tarlot,  Les  émigrés  de  Saône-et-Loirc. 


PÉRIODIQUES  335 

Mémoires  de  la  Société  royale  du  Canada.  —  IX  (1915)  :  George 
M.  Wroxg,  Elba,  a  hundred  years  after. 

Mémoires  et  documents  de  la  Société  savoisienne  d'histoire  et 
d'archéologie.  —  LV  (191^)  :  C.  Bouvier,  La  bibliothèque  des 
Charmettes  ;  J.  Cochon,  Le  général  Songeon,  sa  vie  militaire  et 
civile,  1771-1834  ;  F.  Vermale,  Journal  d'un  pajsan  de  Mau- 
rienne  pendant  la  Révolution  et  l'Empire. 

Mémoires  et  documents  publiés  par  la  Société  d'histoire  et  d'ar- 
chéologie de  Genève.  —  IV  (191'})  :  Charles  Borgeaud,  La  chute, 
la  restauration  de  la  République  de  Genève,  et  son  entrée  dans 
la  Confédération  suisse,  1798-1815  ;  Eugène  Demole,  Les  mé- 
dailles rappelant  les  anciennes  relations  de  Genève  et  des  cantons 
suisses,   1584-1815. 

Miscellanea  di  storia  patria.  —  XVII  (1915)  :  Giovanni  Sforza, 
Gli  antenati  di  Xapoleone  I  in  Lunigiana. 

Mitteilungen  des  Vereins  fiir  Gescbichte  der  Deutschenin  Bohmen, 
—  1914:  J.  Friedrich,  Der  schwarz  Herzog  im  Deutsch-Gabler 
Bezirke  im  Jahre  1809  ;  J.  Friedrich,  Die  Russen  im  Deutsch- 
Gabler  Bezirk  im  Jahre  1809. 

Mois  littéraire  et  pittoresque  (Le).  —  Août  1915  :  J.  Carvalho, 
Le  château  de  Saint-Cloud. 

Monatshefte  der  Comenius-Gesellschaft.  —  Mai  1915  :  Adolphe 
KoHUT,  Gœlhe  und  Iffland. 

Monistische  Sonntagspredigten.  —  1915,  n°  30  :  Wilhelm  Ost- 
WALD,  Goethe  in  Italien. 

Musical  Times  (The).  —  Aoùl  1915  :  Ernest  Newman,  Rouget 
de  risle,  la  Marseillaise,  and  Berlioz. 

Musique  populaire  (La)  [Genève].  —  IV  (1915),  5  et  7  :  «  La 
Marseillaise  ». 

Neue  Jahrbiicher  fur  das  klassische  Altertum,  Gescbichte  und 
deutsche  Literatur.  —  1915,  n"  ,5  :  Ernst  Maass,  Gœthes  Geheira- 
nisse  und  Wahlverwandschaften.  —  6'  :  Paul  Ortlepp,  Schillers 
Bibliothek  und  Lektûre. — 5  :  Richard  Lixder,  Rousseau  und 
Schiller. 

Nieuw  Theologisch  Tijdschrift.  —  IV  (1915),  2  :  P.  Feenstra, 
De  Godsdienst  en  de  Fransche  Revolutie  (IV). 

Nineteenth  Century  and  after  (The).  —  Juillet  1915  :  Y.  Guyot, 
The  great  mistake  of  Talleyrand  and  Lord  Castlereagh  ;  L.  R, 
Brown,  Waterloo  in  romance.  —  Septembre  :  E.  Dimnet,  Ma- 
dame de  Slaël  in  the  light  of  currcnt  events. 

Nord  und  Siid.  —  Juillet  1915  :  W,  Streit,  Oesterreichs  und 
Russiands   Beziehungen  in  der   Vergangenheit  ;   E.   Haendcke, 


336  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Alexander  I  von  Russland  ;  K.  Fuchs,  Die  Grùndung  der  deut- 
schen  Burschenschaft  in  Jena  ;  E.  Métis,  Fichtes  «  Geschlosse- 
ner  Handelsstaat  », 

Nuova  Antologia.  —  15  avril  1915  :  Luigi  Rava,  Le  Memorie 
de  prigione  del  conte  Eduardo  Fabbri,  1778-1853.  —  15  juin  : 
Mario  FoRESi,  Di  un  principe  russo  e  diuna  principessa  napo- 
leonica  [Anatole  Demidoff  et  Mathilde  Bonaparte],  —  1"  août  : 
Nemi,  Il  primo -parlamento  elettivo  in  Italia,  1797, 

Nuovo  Archivio  veneto.  —  XXIX  (1915),  1  :  G,  Bustico, 
Mattia  Batturini,  1752-1817  [professeur  de  droit  à  l'Université  de 
Pavie], 

Oesterreichiso.he  Rundschau,  —  XLIII  (1915),  1  :  Franz  Zwey- 
BRÛCK,  Die  hundert  Tage. 

Paris  médical.  —  V  (1915),  10  :  K.,  Le  baron  Larrey.  —  17  : 
Le  baron  Desgenettes,  1762-1837, 

Petermanns  Mitteilungen.  —  Juillet  1915  :  N,  Jorga,  Die  Ent- 
wicklung  des  rumânischen  Staatswesens  (V,  1716-1821), 

Philosophisches  Jahrbuch  des  Gorres-Gesellschaft.  —  XXVIII 
(1915),  3  :  J,  Thomé,  Kants  Stellung  zu  den  Gottesbeweisen  in 
seiner  vorkritischen  Période. 

Prager  medizinische  Wochenschrift.  —  XL  (1915),  p.  222  :  F. 
Kanngiesser,  War  Napoléon  Epileptiker  ? 

Preussisches  Yerwaltungs-Blatt.  —  XXXVII  (1915),  1-6  :  V, 
BucHKA,  Die  Staatsaufsicht  ûber  die  Kommunalangelegenheiten 
der  Stâdte  in  Brandenburg-Preussen  vor  der  Révolution  von 
1848,  ausschliesslich  der  1814-1815  erworbenen  Gebiete. 

Proceedings  of  the  Huguenot  Society  of  London,  —  XI  (1915),  1  : 
E.-H.  Lefroy,  Some  Huguenot  Wills.  1773-1795  ;  R.  W.  Dixon, 
Some  account  of  the  French  Rcfugee  family  of  Courtauld, 

Proceedings  of  the  Royal  Society  for  Médecine.  Historical  Section. 
—  VIII  (1915),  103  :  G,  G.  Peachey,  William  Bromfield,  1713- 
1792. 

Rassegna  nazionale  (La).  —  16  juillet  1915  :  C,  Meda,  Nel  cen- 
tenario  dell'assetto  europeo  alla  caduta  di  Napoleone. 

Réforme  sociale  (La).  —  P'^-16  août  1915  :  P.  Nourrisson,  Les 
tentatives  de  restauration  des  corporations  sous  Napoléon  l'^. 

Revista  de  Archivos,  Bibliotecas  y  Museos,  —  XIX  (1915),  1-2  : 
Camille  Pitollet,  Notes  sur  la  première  femme  de  Ferdinand 
VII,  Marie- Antoinette-Thérèse  de  Naples  (suite  dans  les  ii°^  3-4-); 
M,  Serrano  y  Sanz,  El  brigadier  Jaime  Wilkinson  y  sus  tratos 
con  Espana  para  la  independencia  del  Kentucky,  1787-1797 
(suite   dans  les  n"*  3-4). 


PÉRIODIQUES  337 

Révolution  de  1848  (La).  —  Juillet-août  1915  :  A.  Gourvirch, 
Le  mouvement  pour  la  réforme  électorale  (1838-1841)  ;  Ph. 
MoRÈRE,  L' Ariège  avant  le  régime  démocratique  ;  Emile  Dagnan, 
Le  coup  d'Etat  dans  le  Gers. 

Révolution  française  (La).  —  Juin-juillet  1915  :  A.  Aulard,  Pa- 
trie, patriotisme  sous  Louis  XVI  et  dans  les  Cahiers  ;  R.  Bonnet, 
Le  conventionnel  Baudot  et  la  «  Biographie  nouvelle  des  con- 
temporains »  ;  L.  DuBREUiL,  Les  origines  de  la  chouannerie  dans 
le  département  des  Côtes-du-Nord  (suite  en  août-septembre- 
octobre).  —  Aoùt-septembre-octobre  :  E.  Lintilhac,  La  défense 
posthume  de  Vergniaud,  d'après  son  manuscrit  ;  A.  Aulard, 
Patrie,  patriotisme,  au  début  de  la  Révolution  française  ;  P. 
Mautouchet,  Carnot  et  l'w  Union  sacrée  »  en  1815. 

Revue  catholique  d'Alsace.  —  XXXIII  (WU),  1  :  J.  Gass, 
Plaintes  de  Jacobins  en  Alsace,  1792. 

Revue  catholique  de  Normandie.  —  15  juillet  1915  :  J.  Porquet, 
Les  Prussiens  à  Vire  en  1815. 

Revue  de  l'Agenais.  —  Juillet-août  1915  :  P,  Lauzun,  Profils 
militaires  :  Le  général  Lafon-Blaniac  (1774-1833)  ;  R.  Bonnat, 
Crj'ptographie  agenaise,  ou  Journal  secret  d'Agen  depuis  le  1«' 
mars  1814  jusques  à  pareil  jour  1817,  de  Jean-Florimond  Bou- 
don  de  Saint-Amans  ;  Isaac  Louverturs,  Notes  historiques  sur 
l'expédition  de  Leclerc  à  Saint-Domingue  et  sur  la  famille  Lou- 
verture. 

Revue  de  Paris  (La).  —  P'  juillet  1915  :  Commandant  Weil, 
Les  Cent-Jours. 

Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis.  —  P"  août  1915  :  Abbé  Lemon- 
nier,  La  déportation  ecclésiastique  à  Rochefort  (suite  le  /•''  sep- 
tembre). 

Revue  des  études  historiques.  —  Juillet-septembre  1915  :  L. 
Misermont,  Joseph  Lebon,  membre  de  la  Convention  ;  A.  Au- 
zoux.  Lettre  d'un  chirurgien  de  l'expédition  de  Linois  (1803). 

Revue  des  études  napoléoniennes.  —  Mai-juin  1915  :  C.  Ballot, 
Les  banques  d'émission  sous  le  Consulat  ;  R.  Simon,  Un  lycée 
sous  l'Empire  :  le  lycée  de  Poitiers  (1802-1815)  ;  E.  Le  Gallo, 
Le  Waterloo  de  Henry  Houssaye  ;  F.  Dutacq,  Le  duc  de  Persi- 
gny,  d'après  une  notice  de  son  ancien  secrétaire  ;  P.  Marmottan, 
Les  logements  de  cours  à  Erfurt  lors  du  congrès  de  1808  ;  G. 
RuDLER,  Une  créance  de  Talleyrand. —  Juillet-août  :  R.  Lévy,  La 
disette  au  Havre  en  1812  ;  J.-H.  Rose,  Wellington  dans  la  cam- 
pagne de  Waterloo. 

Revue  des  Facultés  catholiques  de  TOuest.  —  Juin  1915  :  F. 

HKV.    Ill>ï.    IIK   LA    Iii;V.  1  1 


338  REVUE    HISTORIQUE  DE   LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

UzuREAU,  Les  colonnes  infernales  dans  la  Vendée  angevine  :  les 
généraux  Cordellier  et  Crouzat.  —  Août  :  F,  Uzureau,  Les  écoles 
secondaires  à  Angers  sous  le  Consulat  et  l'Empire. 

Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France.  —  XXII  (1915),  3-A  :  F. 
Baldensperger,  a  propos  de  Chateaubriand  en  Amérique,  1813. 

Revue  du  Bas-Poitou.  —  Jaillet-seplemb  re  1915  :  E.  Bourloton, 
Le  Clergé  de  la  Vendée  pendant  la  Révolution  :  Les  Sables  d'O- 
lonne. 

Revue  du  Vivarais.  —  XXII  {191ï)  :  Cahier  des  doléances  de 
la  communauté  du  Pouzin  ;  J.  Régné,  Situation  économique  et 
hospitalière  du  Bas- Vivarais  à  la  veille  de  la  Révolution  ;  Quel- 
ques fêtes  et  cérémonies  civiques  à  Privas  pendant  la  Révolution; 
Une  lettre  du  général  Rampon  (15  frimaire  an  VI)  ;  Correspon- 
dance administrative  du  citoyen  Robert,  commissaire  du  gouver- 
nement dans  l'Ardèche  (1799-1800). 

Revue  historique.  —  Seplembre-oclohre  1915  :  R.  Reuss,  Le 
sac  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Strasbourg  (juillet  1789)  ;  W.  M.  Koz- 
LOWSKi,  Kosciuszko  et  les  légions  polonaises  en  France  (1798-1801). 

Revue  historique  de  Bordeaux.  —  Jaillet-aoûl  1915  :  Michel 
Lhéritier,  La  Révolution  à  Bordeaux,  de  1789  à  1791  (suite  en 
septembre-octobre).  —  Septembre-octobre  :  J.  Woevre,  Les  indus- 
tries de  guerre  à  Bordeaux  pendant  la  Révolution. 

Revue  historique  vaudoise.  —  Janvier  1915  :  E.-L.  Burnet,  La 
Révolution  genevoise,  1789-1797,  d'après  une  correspondance 
privée  (suite  en  février  et  mars)  ;  Eugène  Ritter,  Une  lettre  de 
Théodore  Jouffroy,  30  mai  1822.  —  Mars  :  Othon  Guerlac,  Une 
Vaudoise  aux  Etats-Unis,  1794-1827.  —  Mai  :  L.  Mogeox,  Les 
arbres  de  la  liberté  en  1798. 

Revue  pédagogique.  —  LXVI  (1915),  4  :  André  Boudier,  Un 
essai  d'éducation  morale  sous  la  Révolution. 

Revue  philosophique  de  la  France  et  de  l'étranger.  —  XL  (1915), 
8  :  L.  Proal,  Les  lacunes  intellectuelles  et  morales  de  J.-J. 
Rousseau. 

Revue  politique  et  littéraire  (Revue  bleue).  —  H-21  août  1915  : 
A.  Chaboseau,  Un  projet  de  colonie  d'émigrés  en  Russie,  1792- 
1799  (suite  le  28  août-4  septembre). 

Revue  universitaire.  —  XXIV  (1915),  6  :  Jean  Giraud,  Alfred 
de  Vigny  écrivain  militaire.  —  8  :  Charles  Adam,  Encore  Rouget 
de  Lisle  et  la  «  Marseillaise  ». 

Rivista  abruzzese  di  scienze,  lettere  ed  arti.  —  A'A'iA"  (19U),  9  : 
G.  Ferretti,  Melchiore  Delfico  e  P.  Giordani,  1809. 


PÉRIODIQUES  339 

Rivista  délie  Biblioteche  e  degli  Archivi.  —  XXV  (19U),  10-12  : 
L.  Fasso,  Una  Jettera  inedita  di  V.  Monti,  1805. 

Rivista  di  Roma.  —  VI(19H),  4-7  :  G.  Pecchio,  Ugo  Foscolo 
professore. 

Rivista  d'Italia.  —  31  juillet  1915  :  G. -P.  Clerici,  Contorni 
napoleoaici. 

Rivista  ligure  di  scienze,  lettere  ed  arti.  —  XLII  (1915),  2  :  G. 
Natali,  Un  traduttore  genovese  del  Candido  :  Gaetano  Marré, 
1772-1825. 

Rivista  militare  italiana.  —  LX  (1915),  2,  3  :  A.  V.  Vecchi,  La 
virtu  bellica  abruzzese  nel  1798-99.  —  4,  5  :  Napoleone  I. 

Rivista  musicale  [Turin].  —  XXII  (1915),  2  :  F.  Barberio, 
Giovanni  Paisiello  tra  le  ire  di  un  copista  e  di  un  innovatore. 

Schweiz  (Die).  —  XIX  (1915),  3  :  H.  Reinacher,  E.  G.  von 
Kleist.  —  7  :  Mia  Liebreich-Landolt,  Aus  dem  Tagebuche  des 
Zûrchers  J.-H.  Landolt  vom  Jahre  1783. 

Scuola  cattolica  (La).  — ■  1^''  août  1915  :  E.  Galli,  Il  congresso 
di  Vienna  del  1815. 

Séances  et  travaux  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politi- 
ques. Compte-rendu.  —  Avril  1915  :  E.  d'EicHTHAL,  Kant  et  la 
guerre.  —  Septembre-octobre  :  H.  Welschinger,  Les  prélimi- 
naires d'Iéna. 

Schweizerische  theologische  Zeitschrift.  —  XXXII  (1915),  3  : 
O.  MopPERT,  Vom  Geist  der  Erhebung  Preussens  vor  hundert 
Jahren. 

Sozialist  (Der)  [Berlin].  —  VII  (1915),  5  :  Ernst  Moritz  Arndt, 
Nach  der  Befreiung  —  vor  der  Befreiung  (1818). 

Sphinx.  —  XIX  (1915),  3  :  E.  Akmar,  Letters  of  Champollion 
le  jeune  and  of  Sej'ffarth  to  Sir  William  Gell. 

Stimmen  der  Zeit.  —  LXXXVIII  (1915),  2  :.].  Fischer,  Eine 
Heldentat  der  ôsterreichischen  Artillerie  vor  hundert  Jahren.  — 
6  :  D.  WoLFiNGER,  Wie  Frau  von  Staël  Deutschland  entdeckt 
hat.  —  7  :  A.  Stockmann,  Klemens  Brentano  als  vaterlandischer 
Dichter. 

Tat(Die).  —  VII  (1915),  7  :  H.  Ullmann,  Das  Id«al  der  deut- 
schen  Gemeinschaft  heute  und  vor  hundert  Jahren. 

Theologische  Studien  und  Kritiken.  —  1915,  n»  3  :  Fr.  Loofs, 
Zum  Gedàchtnis  des  Wandsbecker  Botens  (II). 

Tiirmer  (Der).  —  Mai  1915  :  V.  Ardenne,  Die  geistige  Bedrùk- 
kung  Deutschlands  zur  Zeit  Napoléons  I.  —  Septembre  :  H. 
Geffers,  Ausbildung  des  tûrkischen  Heeres  durch  Napoléon  I. 


340  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Ungarische  Rundschau.  —  IV  (1915),  1  :  E.  Karacson,  Die 
Pforte  und  Ungarn  ira  Jahre  1788  ;  J.  Peisner,  Das  deutsche 
Theater  in  Budapest  bis  1812  ;  A.  Weber,  Zur  politischen  Lyrik 
des  Kriegsjahrs  1809.  —  2  :  L.  v.  Thalloczy,  J.  Chr,  v.  Engel 
und  seine  Korrespondenz,  1770-1814  ;  L.  Racz,  Montesquieu  in 
Ungarn. 

University  of  California  Publications  in  History.  —  //  (1915)  : 
T.  M.  Marshall,  A  history  of  the  western  boundar}'  of  the 
Louisiana  Purchase,  1819-1841. 

Velhagen  und  Klasings  Monatshefte.  —  Septembre  1915  :  Carry 
Brachvogel,  Gœthes  letzte  Liebe  :  Ulrike  von  Levetzow  ;  Georg 
Biermann,  Heinrich  Friedrich  Fûger  als  Miniaturenmaler  (1770- 
1798). 

Vergangenheit  und  Gegenwart.  —  V  (1915),  A  :  Max  Grùnbaum, 
Das  preussische  Zivil-  und  Militarkabinett,  1714-1810. 

Vierteljahrshefte  fiir  Truppenfiihrung  und  Heereskunde.  —  191  A, 
Heft  1  :  V.  ZiMMERMANN,  Die  Kârapfe  der  schlesischen  Armée  im 
Februar 1814. 

Vita  internazionale  (La).  —  AT///  (1915),  5  :  M.,  I  trattati  del 
1815  e  la  Santa  Alleanza. 

Vrede  door  Recht.  —  Mai-juin  1915  :  Hans  Wehberg,  Het 
Rush-Bagotverdrag  van  1817. 

Western  Reserve  Historical  Society.  —  N"  95  (1915)  :  Letters 
from  the  Samuel  Huntington  Correspondence,  1800-1812. 

Wissenund  Leben  ^Zurich].  —  VIII  (1915).  20  :  Otto  Karmin, 
Der  heutige  Stand  der  Revolutionsforschung  im  franzôsischen 
Sprachgebiet.  —  IX  (1915),  1  :  R.  Meyer,  Die  Politik  Englands 
Und  die  europaischen  Kleinstaaten.  1792-1848. 

Zeitschrift  des  Bernischen  Juristenvereins.  •—  LI  (1915),  5  :  R. 
Wagner,  Ueber  die  Alpgenossenschaften  von  Grindelwald  [«Tal- 
einungsbrief  »  de  1805]. 

Zeitschrift  des  Vereins  fur  Volkskunde.  —  XXV  (1915),  1-2  : 
Adolf  Hauffen,  Deutschbôhmische  Volkslieder  aus  der  Zeit  der 
napoleonischen  Kriege  ;  John  Meier,  Volkslieder  von  der  Kôni- 
gin  Luise. 

Zeitschrift  fur  Bùcherfreunde.  —  VII  (1915),  1  :  G.  Wagner, 
Napoléon  I  in  der  Lithographie. 

Zeitschrift  fiir  die  Geschichte  des  Oberrheins.  —  XXX  (1915),  1  : 
Franz  Schnabel,  Ludwig  von  Liebenstein  und  der  politische 
Geist  vom  Rheinbund  bis  zur  Restauration. 

Zeitschrift  fur  historische  Waffenkunde.  —  VII  (1915),  2-3  :  K.- 
K.  Meinander,  Finnische  Fahnen  vor  1808. 


PÉRIODIQUES  341 

Zeitschrift  fur  die  ôsterreichischen  Gymnasien.  —  LXVI  {1915), 
5  :  F.  V.  Lentner,  Helmina  v.  Chezy  und  die  grâfliche  Familie 
Wickenburg. 

Zeitschrift  fiir  Geschichte  der  Erziehung  und  des  Unterrichts.  — 
IV  (1915),  4  :  H.  Schwanold,  Gesetzeskunde  in  den  lippisclien 
Volksschulen  am  Ende  des  18.  Jahrhunderts. 

Zeitschrift  fur  Politik.  —  VIII  (1915),  3-4  :  A.  Bhûckner,  Die 
leitenden  Ideen  in  der  polnischen  Politik,  1795-1863. 

Zeitschrift  fiir  schweizerische  Kirchengeschichte.  —  IX  (1915), 
2  :  U.  Lampert,  Der  Collaturhandel  in  Riscli  (Kanton  Zug), 
1798. 

Zeitschrift  fiir  Vôlkerrecht.  —  IX  (1915),  1  :  V.  Kirchenheim, 
England  unter  falscher  Flagge,  1800. 


CHRONIQUE 


A  travers  les  journaux.  —  Parmi  les  articles  d'histoire  publiés, 
au  cours  de  ces  derniers  mois  (du  1*^''  mai  au  31  juillet  1915),  dans 
les  journaux  quotidiens,  nous  relevons  les  titres  suivants  : 

Rouget  de  Liste  aux  Invalides  :  Les  origines  de  «  la  Marseil- 
laise »,  dans  la  Croix  du  15  juillet; 

Metternich  et  les  provinces  rhénanes,  par  M.  F.  de  Nion,  dans 
le  Gaulois  du  7  mai  ;  Un  Wellington  peu  connu  (A  propos  du  18  juin 
1815),  par  M™^  Jenny  Baissac  (ibid.,  18  juin)  ;  Rouget  de  Lisle  et 
«  la  Marseillaise  »,  par  M.   L.   Schneider  (i6jd.,  14  juillet); 

Waterloo,  par  M.  le  comte  de  Sérignan,  dans  la  Gazette  de 
Lausanne  du  20  juin  ; 

Waterloo,  dans  l'Indépendance  belge  du  18  juin  ; 

Waterloo,  par  M.  Georges  Gain,  dans  le  Journal  du  16  juin  ; 

Le  centenaire  de  Waterloo,  par  M.  Henri  Welschinger,  dans 
le  Journal  des  Débats  du  19  juin  ; 

Le  centenaire  de  Waterloo,  par  M.  Edouard  Drumont,  dans 
la  Libre  Parole  du  18  juin  ; 

Danton  et  Gamhetta,  par  M.  H.  Galli,  dans  le  Matin  du  14 
juin  ; 

The  centenary  of  Waterloo  :  where  tlie  Prussians  failed,  dans 
le  Morning  Post  du  18  juin  ;  Waterloo  described  in  an  old  letter  : 
D'  John  Davij  to  Mrs  Fletcher,  Paris,  July  26,  1815  (ibid.  et 
même  date)  ; 

Un  Dieu  de  rOlgmpe  prussien  LBlûcher",  par  M.  G.  Lenôtre, 
dans  le  Temps  du  2  mai  ;  Les  secours  aux  victimes  civiles  de  la 
guerre  pendant  la  Révolution,  par  M.  M.  Gabion  (ibid,  4  mai)  ; 
IJ Allemagne  de  Madame  de  Staël,  par  M.  P.  Souday  (ibid.,  26 
mai)  ;  Service  militaire  et  fabrication  d'armes  (1793-179^),  par  M. 
P.  Caron  (ibid.,  10  juin);  Une  fête  des  poudres  et  salpêtres  en  l'an 
II,  par  M.  J.  Lortel  (ibid.,  8  juillet);  David  d'Angers  chez  Rou- 
get de  Lisle,  par  M.  J.  Bertaut  (ibid.,  12  juillet)  ;  «  Allons,  enfants 
de  la  Patrie  !  »  Comment  le  chant  de  guerre  de  l'armée  du  Rhin 
devint  «  la  Marseillaise  »  grcice  au  médecin  Ltienne-François 
Mireur.  par  M.  le  D"^  F.  Helme(j7)ù/.,  15  juillet)  ;  David  d'Angers 


CHRONIQUE  343 

et  Rouget  de  Lisle,  par  M.  L.  Delabrousse  (ibid.,  16  juillet)  ;  Le 
miracle  de  «  la  Marseillaise  »,  par  M.  G.  Lenôtre  (ibid.,  17 
juillet)  ;  Rouget  de  Lisle  et  «  la  Marseillaise  »,  par  M.  Brada  {ibid., 
18  juillet); 

«  La  Garde  meurt  »,  par  M.  Mackworth-Drake,  dans  le  Times 
du  18  juin  ;  «  La  Garde  meurt  »  [réponse  à  l'article  précédent], 
par  M.  George  E.  Whatley  (ibid.,  22  juin). 

Autographes  et  documents.  —  Voici  quelques  indications  pui- 
sées dans  les  catalogues  462  et  463  (juillet  et  août  1915)  de  la 
maison  Noël  Charavay  : 

—  Une  lettre  de  Pauline  Bonaparte  à  Madame  de  Montholon, 
datée  du  11  juillet  (1820)  : 

Lettre  écrite  à  une  époque  où  la  princesse  Pauline  songeait  à  rejoindre 
sou  frère,  détenu  à  Sainte-Hélène.  La  princesse  Pauline  remercie  M.  et 
M"^^  Montholon  de  leur  attachement  envers  l'Empereur.  «  Je  l'aime. 
Madame,  l'Empereur,  plus  que  ma  vie  ;  je  vais  le  lui  prouver  d'une 
manière  non  équivoque.  » 

—  Une  lettre  du  général  Championnet  au  général  Grenier, 
commandant  l'aile  gauche  de  l'armée  d'Italie,  datée  de  Coni,  7 
brumaire  an  VIII  : 

L'ennemi  a  abandonné  Bcnette  et  le  général  Victor  s'en  est  emparé. 
Grenier  doit  se  tenir  sur  ses  gardes  parce  que  si  l'ennemi  abandonne 
Victor  il  fera  retomber  la  majeure  partie  de  ses  forces  sur  Grenier.  Il  lui 
demande  de  lui  envoyer  25  chevaux,  moitié  chasseurs,  moitié  hussards, 
parce  que  tous  les  chevaux  des  guides  de  l'armée  sont  morts  ou  agoni- 
sants. 

—  Une  lettre  de  Daunouà  la  Commission  nationale  des  admi- 
nistrations civile,  police  et  tribunaux,  datée  de  Paris,  2  brumaire 
an  III. 

Il  leur  accuse  réception  de  l'expédition  du  décret  de  la  Convention 
qui  l'autorise  à  se  retirer  dans  son  domicile. 

—  Une  lettre  du  général  Duhesme  au  général  Grenier,  datée 
de  Chaumont,  10  vendémiaire  an  VIII  : 

Lettre  relative  à  l'organisation  de  la  défense  des  Alpes. 

—  Une  lettre  de  Jourdan  au  général  Grenier,  datée  de  Dentz, 
2  vendémiaire  an  IV  : 


344  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Il  le  prévient  que  le  général  Beurnonville  prendra  le  commandement 
de  l'armée  à  la  date  du  lendemain.  Il  lui  prescrit  certaines  mesures  de 
précaution  et  lui  recommande  de  le  prévenir  de  tout  ce  qui  pourra  sur- 
venir afin  que,  de  concert  avec  le  général  Beurnonville,  il  puisse  se  porter 
sur  les  points  menacés. 

—  Ordres  de  Kléber,  datés  d'Ober-Hadamar,  19  prairial  an  IV  : 

Ordres  donnés  en  qualité  de  commandant  le  corps  d'armée  sur  la 
rive  droite  du  Rhin.  Il  donne  ses  instructions  pour  occuper  le  débouché 
de  la  Lahu,  cette  garde  incombera  à  la  division  Championnet.  La  divi- 
sion Colaud  prendra  position  sur  les  hauteurs  derrière  la  rivière  d'Els  ; 
l'avant-garde  aux  ordres  de  Lefebvre  prendra  position  en  avant  de  la 
rivière  d'Els,  etc. 

—  Une  lettre  du  général  Lahorie  au  général  Grenier,  datée  de 
Steyer,  3  nivôse  an  IX  : 

Il  l'informe  des  mouvements  des  troupes  aux  ordres  de  Richepance  et 
de  Decaen.  Le  général  Grouchy  reste  encore  pour  la  journée  sur  Steyer. 
«  J'espère  que  demain  vous  pourrés  arriver  sur  l'Erlaph.  Le  centre  s'y 
portera.  Notre  ligne  sera  alors  bien  tracée  pour  s'appuyer  à  Leoben.  Il 
faut  nous  dépêcher  de  jetter  l'archiduc  sous  Vienne  pour  se  porter  sur 
les  derrières  de  l'armée  d'Italie.  » 

—  Une  lettre  du  général  Legrand  au  général  Grenier,  datée 
de  Straubing,  20  brumaire  an  IX  : 

Il  lui  fait  part  des  mouvements  des  troupes  ennemies  qui  paraissent 
s'être  retirées  à  Muhldorf  et  aux  environs  sur  l'Inn.  Les  officiers  autri- 
chiens annoncent  que  la  campagne  ne  commencera  qu'au  mois  de  mars. 
«  Ils  disent  également  que  l'envov'é  de  la  Bavière  à  Paris  a  été  fort  mal 
reçu  par  Buonaparte  et  qu'il  est  certain  que  les  Bavarois  n'obtiendront 
pas  une  paix  particulière.  » 

—  Une  lettre  du  général  Moreau  au  général  Grenier,  dalée  de 
Conegliano,  28  fructidor  an  VII  : 

Il  lui  donne  des  conseils  pour  l'occupation  du  Piémont,  où  il  pourra 
faire  vivre  plus  aisément  ses  troupes  et  empêcher  l'ennemi  de  nous  atta- 
quer. Les  succès  de  Lecourbe  en  Helvétie  rendront  impossible  toute 
tentative  de  l'ennemi  si  l'on  manœuvre  bien.  «  Je  crains  plus  la  guerre 
du  pain  et  celle  de  l'argent  que  celle  des  austro-russes.  » 

—  Une  lettre  de  Madame  de  Staël  à  Louis  XVIII,  datée  de 
Coppet,  28  juillet  1814  : 

Elle  lui  demande  avec  une  vive  insistance  de  la  comprendre  au  nom- 
bre des  personnes  qui  verront  le  paiement  de  leurs  dettes.  «  Mes  enfants 


CHRONIQUE  .  345 

et  moi  nous  regarderons  cet  acte  de  justice  comme  un  bienfait  et  des 
sentiments  profonds  et  animés  rempliront  à  jamais  nos  cœurs  de  dévoue- 
ment et  de  reconnaissance.  » 

—  Une  lettre  de  Talleyrand  à  Frochot,  datée  de  Paris,  6 
décembre  1804  : 

Lettre  relative  à  l'organisation  d'une  fête  donnée  par  la  ville  de  Paris 
à  Napoléon  I'''  ;  il  conseille  à  ce  sujet  de  consulter  le  grand-maître  des 
cérémonies.  «  Ce  n'est  pas  que  l'Empereur  ne  m'ait  paru  disposé  à 
approuver  qu'on  se  rapprochât  à  cet  égard  autant  qu'il  sera  possible  des 
formes  et  des  usages  qui  étaient  suivis  en  pareille  circonstance  par  le 
prévôt  des  marchands  et  la  ville  de  Paris.  » 

—  Une  lettre  de  Baudot  à  l'éditeur  de  la  Nouvelle  biographie 
des  hommes  vivants,  datée  de  Liège,  2  juillet  1820  : 

Il  signale  que  les  biographies  qui  se  sont  occupées  de  sa  personne  ont 
commis  des  erreurs.  Il  en  relève  quelques-unes  et  les  rectifie,  particu- 
lièrement en  ce  qui  concerne  sa  mission  dans  le  midi  de  la  France  En 
1816  il  fut  contraint  de  se  réfugier  en  Suisse  où  de  nouvelles  persécu- 
tions l'attendaient.  Enfin  il  trouva  un  abri  comme  médecin  dans  un 
asile  d'aliénés,  puis,  après  un  séjour  de  cinq  mois,  il  parvint  avec  beau- 
coup de  peine  jusqu'à  Liège. 

—  Une  lettre  du  conventionnel  Gamon  à  Fouché,  datée  de 
Paris,  30  août  1815  : 

Il  se  plaint  que  les  royalistes  aient  pillé  et  dévasté  sa  maison  de 
Nîmes,  louée  depuis  un  an  au  général  Gilly.  C'était  presque  toute  sa 
fortune.  Il  compte  sur  une  réparation  en  des  temps  plus  heureux,  parce 
qu'il  a  servi  sa  patrie  avec  fidélité  et  dévouement  depuis  vingt-cinq  ans. 
«  En  l'an  15  [1815],  mes  concitoyens  de  l'Ardèche  me  voyant  à  regret 
éloigné  des  fonctions  publiques,*  me  nommèrent,  quoiqu'absent  de  leur 
collège  électoral,  membre  de  la  dernière  chambre  des  représentants. 
Dans  cette  chambre  je  n'ai  pris  la  parole  qu'une  seule  fois  et  j'ai  pro- 
noncé un  discours  qui  m'attira  des  suffrages  publics,  le  suffrage  de  tous 
ceux  qui  sentaient  la  nécessité  de  maintenir  un  bon  système  monarchi- 
que, de  se  rallier  au  roi,  qui  devait  donner  à  la  charte  constitutionnelle 
le  mouvement  et  la  vie,  enfin  d'amener  la  réconciliation  des  partis,  seul 
et  dernier  moyen  peut-être  de  préserver  du  plus  affreux  naufrage  l'hon- 
neur et  l'indépendance  nationale.  » 

—  Une  lettre  du  conventionnel  Niou,  datée  de  Londres,  8 
frimaire  an  VIII  : 

Niou,  qui  était  à  Londres  pour  négocier  la  mise  en  liberté  de  6.500 
prisonniers,  se  félicite  des  événements  du  18  brumaire  précédent.  «  Il  y 


346 


REVUE  HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 


a  longtemps  que  la  fluctuation  des  mouvements  politiques  qui  avait  lieu 
en  France  désolaient  les  bons  citoyens  et  tous  les  vrais  amis  de  la  patrie. 
Le  gouvernement  acquérant  plus  de  fixité,  la  prospérité  publique,  la 
paix  tant  désirée  en  seront  vraisemblablement  la  suite.  Enfin,  les 
citoyens  Buonaparte,  Scies  et  Roger  Ducos  étant  à  la  tête  du  gouverne- 
ment, mon  cœur  s'ouvre  doublement  à  l'espérance.  » 


TABLES 


tome:    tlTJITIIilA^IE 

Juillet-Décembre    1915 


TABLE    DES    MATIÈRES' 


Pages 

CoMBET  (Joseph)  :  L'enseignement  à  Nice  sous  le  Consulat.  De 
l'Ecole  centrale  au  Lycée  (13  brumaire  an  Xl-germinal  an 
XIII) 223 

EspiTALiER  (Albert)  :  Antonmarchi  était-il  médecin  ?      .      .      r      •  51 

Hautefort  (Comtesse  d')  :  La  Duchesse  de  Berrj'  à  Blaye.  Journal 

de  sa  compagne  de  captivité  (1832-1833) >i 

Heckmann  (Paul)  :  Félix  de  Wimpffen  et  le  siège  de  Thionville  en 

1792 200 

Karmin  (Otto)  :  Les  finances  russes   en   1812  et  la  mission  de  Sir 

Francis  d'Ivernois  à  Saint-Pétersbourg 1'' 

Lazard   (Lucien)   et  Vellay   (Charles)  :  Hippolvte   Monin    (1854- 

1915) ' 288 

Marie-Caroline,  reine  des  Deux-Siciles  :  Lettres  inédites  au  mar- 
quis de  Gallo  (1789-1806) 101 

Peise  (Lucien)  :  Rovère  acquéreur  du  couvent  de  Gentilly  à  Sorgucs         74 

PiCQUÉ    (J.-P.),    député   des   Hautes-Pyrénées  à   la  Convention   : 

Souvenirs  inédits "-»  2oJ 

Régné  (Jean)  :  Les  prodromes  de  la  Révolution  dans  l'Ardèche  et  le 
Gard.  Une  relation  inédite  de  la  révolte  des  masques  armés 
dans  le  Bas-Vivarais  pendant  les  années  1782-1783.  •      •        -o3 

1.  Les  articles  de  fond  sont  rangée  par  ordre  alphabétique  des  noms  des 
auteurs,  les  inéhinges  et  documents  j>ar  ordre  chronologique  des  matières,  les 
notes  et  glanes  par  ordre  alphahélique  des  litres,  la  bibliographie  par  ordre 
alphabétique  des  noms  des  auteurs  des  ouvrages,  les  notes  de  chronique  par 
ordre  alphabétique  des  litres. 


348  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Mélangées  et  documents 
Deux  lettres  de  Sylvain  Maréchal  contre  l'état  des  rues  parisiennes 

en  1786  et  1787  (Otto  Karmin) 301 

Robespierre   et   les  troubles  de  Soissons,  14  février  1790  (Charles 

Vellay) 303 

Un  essai  de  ballon  dirigeable  en  1793  (Gabriel  Vauthier)      .      .      .       305 
Un  procès-verbal  de  la  Section  de   Mutius  Scœvola  sur  l'explosion 

de  la  poudrerie  de  (îrenelle,  14  fructidor  an  II  (Otto  Karmin)       135 
Quelques  notes  et  documents  inédits  pour  la  deuxième  édition  du 
Rapport  de  Courtois  sur  les  papiers  trouvés  chez  Robespierre 

(P.-M.  Favret) 311 

Quelques  remarques  inédites  de  Francis  d'Ivcrnois  sur  la  popula- 
rité de  Frédéric   II  de  Prusse  à  Neuchâtel  et  dans  le  reste  de 

l'Europe  (Otto  Karmin) 139 

Bonaparte  et  la  République  de  Saint-Marin  (H.  Monin).                  .        140 
Une   lettre   inédite   de   Malthus  à  Francis   d'Ivernois  relative  aux 
effets  de  la    Révolution    sur    la   natalité   française,  29  octobre 
1813  (Otto  Karmin) 315 

Notes  et  glanes 

Bordelais  en  juillet  1814  (La  situation  agricole  dans  le).  .      .       319 

Constant  prophète  (Benjamin) 319 

Fabre  d'Eglantine  à  J.-J.   Rousseau  (Un  hommage  de).      .      .      .        145 

Bibliographie 

(Les  noms  placés  entre  parenthèses  à  la  suite  des  titres  sont  ceux 
des  auteurs  des  comptes-rendus) 

Arezzo   (Pietro   dei   Marchesi),   Quattro  personnagi  délia   famiglia 

Arezzo  (M.  H.) 149 

Barth  (Hans),  Bibliographie  der  Schweizer  Geschichte  enthaltend 
die  selbstandig  erschienenen  Druckwerke  zur  Geschichte  der 
Schweiz  bis  Ende  1913,  Tome  III  (Otto  Karmin)      ....        152 

Ivraij  (Jehan  d'),  Bonaparte  et  l'Egypte  (J.  A.) 326 

La  l^our  (Commandant  Jean  de).  Les  prémices  de  l'alliance  franco- 
russe  :  Deux  missions  de  Barthélémy  de  Lesseps  à  Saint- 
Pétersbourg  (1806-1807),    d'après  sa   correspondance    inédite 

(M.  H.) 149 

Laurentie  (François),  Le  cas  de  M.  Aulard  (Charles  Vellay)     .      .        321 
Lavoine  (A.),  La  famille  de  Robespierre  (Charles  Vellaj-)    .      .  147 

Mellini  (Vincenzo),  L'Isola  d'Elba  durante  il  governo  di  Napolconc  I 

(M.  H.)     ... 150 

Perroiid  (V.  Roland). 

Roland  (Madame),  Lettres,  publiées  par  (Jaudc  Pcrroud.    .  .        148 

Wight  (William  W.),  Louis  XVII  ;  a  bibliography  (Charles  Vellay).       325 

Livres  nouveaux 153,  326 

Périodiques 157,   329 


TABLES 

Chronique 


Autographes  et  documents 
Journaux   (A   travers    les) 


349 


174,  343 
174,  342 


II 


INDEX  ALPHABÉTIQUE 


Antonmarchi  :  —  était-il  méde- 
cin ?  p.  51  ;  Lettre  d'  —  à  la 
Commission  de  1  hôpital  de  Santa 
Maria  Nuova  (13  janvier  1812), 
p.  56  ;  Lettre  d'  —  à  Fontanes 
(17  décembre  1812),  p.  58;  Lettre 
d'  —  au  grand-duc  de  Toscane 
(28  novembre  1818),  p.  68. 

Ardèche  :  Les  prodromes  de  la 
Révolution  dans  1'  —  et  le  Gard  : 
Une  relation  inédite  de  la  révolte 
des  masques  armés  dans  le  Bas- 
Vivarais  pendant  les  années  1782- 
1783,  p.  253. 

Autographes  : —  et  documents,  pp. 
174,  343. 

Ballon  :  Un  essai  de  —  dirigeable 
en  1793,  p.  305. 

Berry  (Duchesse  de)  :  La  —  à 
Blaye  :  Journal  de  la  comtesse 
d'Hautefort,  sa  compagne  de 
captivité  (1832-1833),  p.  5. 

Bibliographie  :  —  des  travaux  his- 
toriques d'H.  Monin,  p.  294. 
(Pour  les  comptes-rendus  biblio- 
graphiques, voir  le  détail  supra, 
à  la  Table  des  matières.) 

Blaye  :  La  Duchesse  de  Berry  à 
—  :  Journal  de  la  comtesse 
d'Hautefort,  sa  compagne  de  cap- 
tivité (1832-1833),  p.  5. 

Bonaparte  :  —  et  la  République 
de  Saint-Marin,  p.  140. 


Bordelais  :  La  situation  agricole 
dans  le  —  en  juillet  1814,  p.  319. 

Brissac  (De)  :  Lettre  du  général 
Bugeaud  à  M.  —  et  à  M™" 
d'Hautefort  (3  mai  1833),   p.  40. 

Bugeaud  (Général)  :  Lettre  du  — 
à  M.  de  Brissac  et  à  Mme  d'Hau- 
tefort (3  mai  1833),  p.  40. 

CoMBET  (Joseph)  :  L'enseignement 
à  Nice  sous  le  Consulat  :  De 
l'Ecole  centrale  au  Lycée  (13  bru- 
maire an  Xl-germinal  an  XIII), 
p.  223. 

Constant  (Benjamin):  —  prophète, 
p.  319. 

Consulat  :  L'enseignement  à  Nice 
sous  le  —  :  De  l'Ecole  centrale  au 
Lj'cée  (13  brumaire  an  Xl-ger- 
minal  an  XIII),  p.  223. 

Convention  :  Rapport  de  Monge  et 
de  Guyton  de  Morveau  à  la  — 
sur  le  projet  de  ballon  dirigeable 
des  citoyens  Marre  et  Desqui- 
mare  (29  août  1793),  p.  306. 

CoRSiNi  :  Lettre  de  —  à  la  Com- 
mission de  l'hôpital  de  Santa 
Maria  Nuova  (29  décembre  1818), 
p.  69. 

Courtois  :  Quelques  notes  et  do- 
cuments inédits  pour  la  deuxième 
édition  du  Rapport  de  —  sur  les 
papiers  trouvés  chez  Robespierre, 
p.  311. 


350 


REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  REVOLUTION  FRANÇAISE 


DampMartin  (De)  :  Journal  de  ce 
qui  s'est  passé  en  Cévenncs  et  en 
Vivarais,  lors  des  attroupemens 
masqués  et  armés,  dissipés  par 
M.  — ,  commandant  de  la  ville  et 
département  d'Uzès  et  de  S'- 
Ambroix,  p.  256. 

Desquimare  :  Rapport  de  Monge  et 
de  Guyton  de  Morveau  à  la  Con- 
vention sur  le  projet  de  ballon 
dirigeable  des  citoyens  Marre  et 
—  (29  août  1793),  p.  306. 

DoNNEAU  (Louis-Ignace)  :  Certifi- 
cats délivrés  à  —  (22  et  26  ven- 
tôse an  III),  p.  314. 

Enseignement  :  L'  —  à  Nice  sous 
le  Consulat  :  De  l'Ecole  centrale 
au  Lycée  (13  brumaire  an  Xl-ger- 
minal  an  XIII),  p.  223. 

EspiTAMER  (Albert)  :  Antonmarchi 
était-il  médecin  ?  p.  51. 

Fabre  d'Egl.4NTine  :  Un  hommage 
de  —  à  J.-J.  Rousseau,  p.  145. 

Favret  (P.-M.)  :  Quelques  notes  et 
documents  inédits  pour  la  deu- 
xième édition  du  Rapport  de 
Courtois  sur  les  papiers  trouvés 
chez  Robespierre,  p.  311. 

Finances  :  Les  —  russes  en  1812  et 
la  mission  de  Sir  Francis  d'Iver- 
nois  à  Saint-Pétersbourg,  p.  177. 

Fontanes  ;  Lettre  de  François  An- 
tonmarchi à  —  (17  décembre 
1812),  p.  58  ;  Lettre  de  —  au 
recteur  Sproni  (15  juillet  1813), 
p.  62. 

Frédéric  II  :  Quelques  remarques 
inédites  de  Francis  d'Ivernois 
sur  la  popularité  de  —  de  Prusse 
à  Xeuchâtel  et  dans  le  reste  de 
l'Europe, p.  139. 

Gallo  (Marquis  de)  :  Lettres  iné- 
dites de  Marie-Caroline,  reine  des 
Deux-Siciles,  au  —  (1789-1806), 
p.  101  ;  Lettre  du  —  à  l'impéra- 
trice Joséphine  (27  janvier  1806)  , 


p.  130  ;  Lettre  du  —  à  la 
reine  Marie-Caroline  (16  février 
1860),  p.  132. 

Gard  :  Les  prodromes  de  la  Révo- 
lution dans  l'Ardèche  et  le  —  : 
Une  relation  inédite  de  la  révolte 
des  masques  armés  dans  le  Bas- 
Vivarais  pendant  les  années  1782- 
1783,  p.  253. 

Gentilly  :  Rovère  acquéreur  du 
couvent  de  —  à  Sorgues,  p.  74. 

GoL'LLiART  :  Lettre  de  Robespierre 
à  —  (14  février  1790),  p.  304. 

Grenelle  :  Un  procès-verbal  de  la 
Section  de  Mutius-Sca?vola  sur 
l'explosion  de  la  poudrerie  de  — 
(14  fructidor  an  II),  p.  135. 

GuYTOx  de  Morveau  :  Rapport  de 
Monge  et  de  —  à  la  Convention 
sur  le  projet  de  ballon  dirigea- 
ble des  citoyens  Marre  et  Des- 
quimare (29  août  1793),  p.  306. 

Hautefort  (Comtesse  d')  :  La 
Duchesse  de  Berry  à  Blaye  : 
Journal  de  la  — ,  sa  compagne 
de  captivité  (1832-1833),  p.  5  ; 
Lettre  du  général  Bugeaud  à  M. 
de  Brissac  et  à  M'"''  la  —  (3  mai 
1833),  p.  40. 

Heckmann  (Paul)  :  Félix  de  Winpf- 
fen  et  le  siège  de  Thionville  en 
1792,  p.  200. 

Ivernois  (Francis  d')  :  Quelques 
remarques  inédites  de  —  sur 
la  popularité  de  Frédéric  II  de 
Prusse  à  Neuchâtel  et  dans 
le  reste  de  l'Europe,  p.  139  ; 
Les  finances  russes  en  1812  et 
la  mission  de  Sir  —  à  Saint- 
Pétersbourg,  p.  177  ;  Lettres  de 
—  à  Vansittart  (10  juillet,  16 
septembre  et  21  octobre  1812), 
pp.  177,  181,  187  ;  Lettres  de 
Vansittart  à  —  (14  juillet,  31 
juillet  et  l'"'  août  1812),  pp. 
180,   181   ;   Une  lettre  inédite  de 


TABLES 


351 


Malthus  à  — ,  relative  aux  effets 
de  la  Révolution  sur  la  natalité 
française  (29  octobre  1813),  p. 
315.' 

Joséphine  :  Lettre  du  marquis  de 
Galle  à  l'impératrice  —  (27  jan- 
vier 1806),  p.   130. 

«Journal  DE  Paris  ))  :  Lettres  de 
Sylvain  Maréchal  au —  (mai  1780 
et  mai  1787),  pp.  301,  302. 

Journaux  :  A  travers  les  — ,  pp. 
174,  342. 

Karmin  (Otto)  :  Un  procès-verbal 
de  la  Section  de  Mutius-Scrcvola 
sur  l'explosion  de  la  poudrerie  de 
Grenelle  (14  fructidor  an  II),  p. 
135  ;  Quelques  remarques  inédites 
de  Francis  d'Ivernois  sur  la  po- 
pularité de  Frédéric  II  de  Prusse 
à  Neuchâtel  et  dans  le  reste  de 
l'Europe,  p.  139  ;  Les  finances 
russes  en  1812  et  la  mission  de 
Sir  Francis  d'Ivernois  à  Saint- 
Pétersbourg,  p.  177  ;  Deux  let- 
tres de  Sylvain  Mai'échal  contre 
l'état  des  rues  parisiennes  en 
1786  et  1787,  p.  301  ;  Une  lettre 
inédite  de  Malthus  à  Francis 
d'Ivernois,  relative  aux  effets  de 
la  Révolution  sur  la  natalité 
française  (29  octobre  1813),  p. 
315. 

Lazard  (Lucien)  :  Hyppolyte  Mo- 
nin  (1854-1915),  p.  288. 

Malthus  :  Une  lettre  inédite  de  — 
à  Francis  d'Ivernois,  relative  aux 
effets  de  la  Révolution  sur  la  na- 
talité française  (29  octobre  1813), 
p.  315. 

Marché  aux  fleurs  :  Projet  d'un 
—  par  Sylvain  Maréchal,  p.  301. 

Maréchal  (Sylvain)  :  Deux  lettres 
de  —  contre  l'état  des  rues  pa- 
risiennes en  1786  et  1787,  p.  301. 

Marie-Caroline,  reine  des  Deux- 
Siciles  :    Lettres   inédites  de  — 


au      marquis    de     Gallo     (1789- 
1806),  p.   101  ;    Lettre   du    mar 
quis   de   Gallo   à   —    (16  février 
1806),  p.  132. 

Marre  :  Rapport  de  Monge  et  de 
Guyton  de  Morveau  à  la  Conven- 
tion sur  le  projet  de  ballon  diri- 
geable des  citoyens  —  et  Des- 
quimare  (29  août  1793),  p.  306. 

Masques  :  Les  prodromes  de  la 
Révolution  dans  l'Ardèche  et  le 
Gard  :  Une  relation  inédite  de 
la  révolte  des  —  armés  dans  le 
Ras-Vivarais  j^endant  les  années 
1782-1783,  p.  253. 

Monge  :  Rapport  de  —  et  de  Guy- 
ton  de  Morveau  à  la  Convention 
sur  le  projet  de  ballon  dirigeable 
des  citoyens  Marre  et  Desqui- 
mare  (29  août  1793),  p.  306. 

MoNiN  (Hippolyte)  :  Bonaparte  et 
la  République  de  Saint-Marin, 
p.  140  ;  —  (1854-1915),  p.  288  ; 
Bibliographie  des  travaux  histo- 
riques d'  — ,  p.  294. 

Morveau  (Voir  Guyton  de  Mor- 
veau). 

MuTius-Sc.EVOLA  :  Uu  procès-ver- 
bal  de  la  Section  de  —  sur  l'ex- 
plosion de  la  poudrerie  de  Gre- 
nelle (14  fructidor  an  II),  p.  135. 

N.^TALiTÉ  :  Une  lettre  inédite  de 
Malthus  à  Francis  d'Ivernois, 
relative  aux  effets  de  la  Révolu- 
tion sur  la  —  française  (29  octo- 
bre 1813),  p.  315. 

Neuchatel  :  Quelques  remarques 
inédites  de  Francis  d'Ivernois 
sur  la  popularité  de  Frédéric  II 
de  Prusse  à  —  et  dans  le  reste 
de  l'Europe,  p.  139. 

Nice  :  L'enseignement  à  —  sous  le 
Consulat  :  De  l'Ecole  centrale  au 
Lvcée  (13  brumaire  an  Xl-ger- 
mnial  an  XIII),  p. 223:  Délibéra- 
tion du  Conseil  municipal  de  — 
relative      à     l'établissement      de 


352 


REVUE  HISTORIQUE  DE  LA.  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 


l'Ecole  secondaire,  p.  237  ;  Rè- 
glement de  l'Ecole  primaire  de 
— ,  p.  242  ;  Règlement  de  l'Ecole 
d'arrondissement  de  — ,  p.  246. 

Peise  (Lucien)  :  Rovère  acquéreur 
du  couvent  de  Gentilly  à  Sorgues, 
p.  74. 

PiCQUÉ  (J.-P.)  :  Souvenirs  inédits 
de  — ,  député  des  Hautes-Pyré- 
nées à  la  Convention,  pp.  82,  269. 

Régné  (Jean)  :  Les  prodromes  de 
de  la  Révolution  dans  l'Ardèche 
et  le  Gard  :  Une  relation  inédite 
la  révolte  des  masques  armés 
dans  le  Ras-Vivarais  pendant  les 
années  1782-1783,  p.  253. 

Robespierre  :  —  et  les  troubles 
de  Soissons  (14  février  1790),  p. 
303  ;  Quelques  notes  et  docu- 
ments inédits  pour  la  deuxième 
édition  du  Rapport  de  Courtois 
sur  les  papiers  trouvés  chez  — , 
p.  311. 

Rousseau  (Jean-Jacques)  :  Un 
hommage  de  Fabre  d'Eglantine 
à  —,  p.  145. 

Rovère  :  —  acquéreur  du  couvent 
de  Gentilh'  à  Sorgues,  p.  74. 

Saint-Marin  :  Bonaparte  et  la  Ré- 
publique de  — ,  p.  140. 

Saint-Pétershouug  :  Les  finances 
russes  en  1812  et  la  mission  de 
Sir  Francis  d'Ivernois  à  — ,  p.  177. 

Section  :  Un  procès-verbal  de  la 
—  de  Mutius-Scîevola  sur  l'ex- 
plosion de  la  poudrerie  de  Gi-e- 
nelle  (14  fructidor  an  II),  p.  135. 

Soissons  :  Robespierre  et  les  trou- 
bles de  -  (14  février  1790),  p.  303. 


Sorgues  :  Rovère  acquéreur  du 
couvent  de  Gentilly  à  — ,  p.  74. 

Sproni  :  Lettre  de  Fontanes  au  rec- 
teur —  (15  juillet  1813),  p.  62. 

Thionville  :  Félix  de  Wimpffen  et 
le  siège  de  —  en  1792,  p.  200. 

Toscane  :  Lettre  de  François  An- 
tonmarchi  au  grand-duc  de  — 
(28  novembre  1818),  p.  68. 

Uzureau  (F.)  :  La  Duchesse  de 
Berry  ù  Blaye  :  Journal  de  la 
comtesse  d'Hautefort,  sa  compa- 
gne de  captivité  (1832-1833), 
publié  et  annoté  par  — ,  p.  5. 

Vansittart  (Nicolas)  :  Lettre  de 
Francis  d'Ivernois  à  —  (10  juil- 
let, 16  septembre  et  21  octobre 
1812),  pp.  177,  181,  187;  Lettres 
de  —  à  Francis  d'Ivernois  (14 
juillet,  31  juillet  et  !«■  août  1812), 
pp.  180,  181. 

Vauthier  (Gabriel)  :  Un  essai  de 
ballon  dirigeable  en  1793,  p.  305. 

Vellay  (Charles)  :  Hippolyte  Mo- 
nin  (1854-1915),  p.  293  ;  Robes- 
pierre et  les  troubles  de  Soissons 
(14  février  1790),  p.  303. 

ViVARAis  (Bas-)  :  Les  prodromes 
de  la  Révolution  dans  l'Ardèche 
et  le  Gard  :  Une  relation  inédite 
de  la  révolte  des  masques  armés 
dans  lé  —  pendant  les  années 
1782-1783,  p.  253. 

Weil  (Commandant)  :  Lettres  iné- 
dites de  Marie-Caroline,  reine 
des  Deux-Siciles,  au  marquis  de 
Gallo,  publiées  et  annotées  par 
le—,  p.  101. 

Wimpffen  (Félix  de)  :  —  et  le  siège 
de  Thionville  en  1792,  p.  200. 


Le  Directeur-Gérant  :   Charles  Vellay. 


Largentière.  —  Imprimerie  Mazel  &  Plancher