Skip to main content

Full text of "Israël et l'ancien orient"

See other formats


!'^Â'\ 


e 


^<fj0- 


m 


# 


/ 


^ 


• 


A.    i^ 


W 


J.   VANDERVORST 


ISRAËL  ET 

L'Ancien  Orient 


PREFACE 

DE 

S.  E.   LE   Cardinal    MERCIER 


Illustrations  hors  texte 


BRUXELLES 

LIBRAIRIE    ALBERT   DEWIT 

Rue  Royale,  53 

I9I5 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  witii  funding  from 

University  of  Toronto 


littp://www.arcliive.org/details/israletlancienOOvand 


//  a  été  tiré  de  cet  ouvrage  quinze  exemplaires^ 
sur  papier  de  Hollande  Van  Gelder,  dont  dix 
hors    série    et    cifiq    numérotés    de    ii    à    i5. 


ISRAËL 


ET 


UANCIEN    ORIENT 


IMPRIMATUR 
Mechliniœ,  12  Jtdii  igi5. 


J.  Thys,  can.,  lib.  cens. 


TOUS   DROITS   RÉSERVÉS. 


J.   VANDERVORST 

DOCTEUR    EN    THÉOLOGIE 

ANCIEN      ÉLÈVE     DE     l'ÉCOLE     BIBLIQUE     DE     JÉRUSALEM 

PROFESSEUR    AU    GRAND   SÉMINAIRE    DE    MALINES 


ISRAËL 

ET 

L'Ancien   Orient 


Oli  !  si  mon  peuple  voulait  m'écouter,  Israël 
marcher  dans  mes  voies,  je  courberais  aussitôt 
la  tète  de  ses  ennemis,  je  tournerais  ma  main 
contre  ses  oppresseurs.         (Ps.  LXXXI,  i^-iô.) 


Préface  de  S.  Em.  le  Cardinal  MERCIER 


BRUXELLES 

LIBRAIRIE    ALBERT    DEWIT 

Rue  Royîile,  ô:i 


igio 


«IÇS«  < 


"8  55  12 


A    ^lA 

MÈRE    BIEN-AIMÉE 

^UI     CONSENTIT     GÉNÉREUSEMENT   A   MON   SÉJOUR    EN    PALESTINE 
A      SON 

ÉMINEXCE    RÉVÉREXDISSIME 

LE    CARDINAL    MERCIER 

ARCHEVÊQUE    DE    MALIXES 

<iVl    ME    FIT    ADMETTRE    A    l'ECOLE    BIBLIQUE    DOMINICAINE    DE    JÉRUSALEM 

AUX 

DÉVOUÉS    ET    SAVANTS    MAITRES 

OUI  m'y  FORMÈRENT. 


ARCHEVÊCHÉ  MuUues,  le  /2 Juillet  içiS. 

DE 

MAL  INES 


Mon  cher  Professeur, 

Votre  séjour  en  Orient,  votre  formation  à  l'École 
biblique  de  Jérusalem  vous  avaient  préparé  à  entre- 
prendre le  travail  que  vous  publiez  aujourd'hui  et  que, 
dans  un  sentiment  de  piété  filiale  auquel  je  suis  très 
sensible,  vous  voulez  bien  me  dédier. 

\'os  chers  élèves  du  Séminaire  ont  déjà  largement 
bénéficié  du  fruit  de  vos  études.  Votre  commerce  jour- 
nalier avec  eux  vous  a  fait  constater  que  vous  leur  faci- 
litiez beaucoup  l'intelligence  des  récits  bibliques  en  les 
replaçant  dans  leur  cadre  géographique  et  historique  de 
l'ancien  Orient. 

Le  clergé  qui,  de  plus  en  plus,  reprend  l'étude  des 
Livres  saints,  se  rend  compte  du  besoin  qu'il  a  de  mieux 
comprendre  l'histoire  d'Israël.  Mais  il  n'a  généralement 
ni  l'occasion  d'avoir  accès  aux  grandes  bibliothèques,  ni 
le  loisir  d'interroger  les  sources.  Vous  avez  fait  pour  lui 
le  travail  de  recherche  nécessaire,  et  il  vous  en  saura  gré. 

Les  gens  du  monde  eux-mêmes  s'attachent  avec  un 
intérêt  croissant  aux  problèmes  qui  touchent  à  l'origine 
de  notre  Sainte  Religion,  et  je  crois  que  tout  homme 
attentif  au  mouvement  de  la  pensée  religieuse  souscrira 
volontiers  à  cette  parole  qu'écrivait,  il  y  a  plus  de  dix 

7)5 

I  17 
,6 

y  3 


X  PREFACE. 

ans  déjà,  le  marquis  de  Vogué  qui  eut  le  premier, 
paraît-il,  l'idée  d'une  école  biblique  à  Jérusalem  :  «  Il 
«  est  temps  que  le  grand  public  soit  saisi  de  l'évolution 
«  qui  se  fait  dans  la  critique  des  sources  religieuses 
«  que,  pour  ma  part,  je  considère  comme  nécessaire  au 
«   maintien  de  la  foi  dans  les  régions  intellectuelles.  » 

Je  souhaite  le  succès  à  votre  travail;  nos  séminaristes 
vous  seront  reconnaissants  de  leur  avoir  rendu  plus 
faciles  et  plus  attrayantes  leurs  études  scripturaires ;  le 
clergé  et,  je  l'espère,  une  élite  de  laïques  vous  feront  bon 
accueil;  j'ai  confiance  que  Dieu  bénira  votre  activité 
scientifique  et  votre  zèle  sacerdotal. 

Recevez,  je  vous  prie,  mon  cher  Professeur,  avec  mes 
félicitations  bien  cordiales,  l'assurance  de  mon  affec- 
tueux dévouement. 


t  D.-J.  Card.  mercier, 

Arch.  de  ^lalines. 


AVANT-PROPOS 


Les  récits  de  la  Bible,  pour  circonstanciés  que  soient  plu- 
sieurs d'entre  eux,  gardent  presque  toujours  le  silence  sur  les 
faits  qui  se  passaient  à  l'écart  du  théâtre  de  leur  action.  Çà  et 
là  une  sobre  allusion  rattache  à  la  politique  générale  du  monde 
oriental  telle  répercussion  des  événements  sur  le  petit  État  juif. 
C'est  que,  contemporains  souvent  des  faits  relatés,  et  écrivant 
pour  des  contemporains,  les  historiographes  n'avaient  pas  à 
rappeler  des  choses  que  tous  avaient  présentes  à  la  mémoire  et 
qui,  du  reste,  n'étaient  pas  d'un  intérêt  aussi  immédiat  que  les 
souvenirs  proprement  nationaux. 

Alors  même  que  les  chroniqueurs  relataient  le  passé,  ce 
n'était  pas  toujours  à  des  annales  officielles  qu'ils  recouraient, 
mais  parfois  à  des  traditions  populaires,  pour  remettre  les 
actions  dans  leur  cadre  historique  ;  de  plus,  fréquemment,  le 
but  parénétique  de  l'auteur  dispensait  celui-ci  des  précisions 
qu'on  est  en  droit  d'exiger  de  l'historien. 

Seulement,  ceux-là  qui  relisent  ces  narrations  à  de  longs  siè- 
cles de  distance  et  se  meuvent  dans  une  tout  autre  civilisation, 
réclament  un  enchaînement  plus  rigoureux  et  des  rapports  plus 
nets  des  situations  entre  elles. 

Nous  avons  cru  faire  oeuvre  utile  en  essayant,  —  sans  trop 


XII  AVANT-PROPOS 

nous  étendre  toutefois,  —  ce  raccordement  des  événements 
bibliques  avec  l'histoire  des  anciens  peuples  d'Orient  qui 
influencèrent  les  destinées  de  la  race  élue  ;  —  œuvre  patrio- 
tique en  même  temps,  par  l'apport  de  notre  pierre,  si  modeste 
soit-elle,  à  l'édifice  intellectuel  de  notre  glorieux  pays. 

Sans  doute,  les  grandes  publications  sur  le  vieil  Orient  ne 
manquent  pas,  et  chaque  jour  paraissent  des  monographies  qui 
nous  permettent  de  préciser  les  physionomies  des  personnages 
et  de  mieux  comprendre  le  rôle  qu'ils  remplirent. 

Il  existe  aussi  des  histoires  étendues  du  peuple  juif  en  parti- 
culier, mais,  pour  ne  citer  que  celles  d'Ewald  et  de  Renan, 
elles  sont  un  peu  vieillies,  et  —  faut-il  le  dire?  —  trop  souvent 
entachées  des  préoccupations  rationalistes  de  leurs  auteurs.  A 
ce  dernier  reproche  n'échappent  ni  1'  «  Israëlitische  und 
Jûdische  Geschichte  »  de  Wellhausen,  ni  la  «  Geschichte  des 
Volkes  Israël  »  de  B.  Stade,  ni  la  «  Geschichte  des  Jùdischen 
Volkes  im  Zeitalter  Jesu-Christi  »  de  Schûrer.  D'ailleurs, 
si  les  spécialistes,  disposant  des  connaissances  et  du  temps 
voulus  pour  s'appliquer  à  une  étude  approfondie  des  sciences 
juives  et  orientales,  resteront  nécessairement  toujours  le  petit 
nombre,  par  contre,  ceux  qui  ont  avantage  à  s'initier  aux 
grandes  lignes  de  ces  mêmes  sciences,  à  connaître  les  conclu- 
sions auxquelles  aboutissent  les  érudits,  constituent  dans  la 
classe  instruite  un  respectable  contingent. 

Les  éditions  des  cunéiformes,  des  hiérogl3'phes,  des  papy  ri, 
des  écrits  rabbiniques,  des  historiens  de  l'antiquité;  les  revues, 
les  encyclopédies  et  les  grands  ouvrages  sur  l'histoire,  les 
mœurs  et  l'archéologie  des  peuples  orientaux,  ne  se  rencontrent 
que  dans  de  rares  bibliothèques  privées  ;  un  ouvrage  qui  les 
résume,  en  dégage  les  traits  principaux  et  essentiels,  a  l'avan- 
tage d'atteindre  quiconque  s'est  familiarisé  avec  la  lecture  des 
Livres  Saints  et  voudrait  disposer  de  certains  renseignements 
pour  situer  les  récits  qu'il  y  trouve. 


AVANT-PROPOS.  XIII 

Nous  sommes  convaincu  de  la  nécessité  qui  s'impose  actuel- 
lement à  tout  esprit  qui  s'applique  aux  études  bibliques,  ou 
qui  saisit  l'importance  du  rôle  joué  dans  l'histoire  générale 
par  l'ancienne  nation  juive,  d'être  édifié  au  moins  sur  les 
sources  où  l'on  peut  puiser  de  plus  amples  informations  et  de 
connaître  les  résultats,  auxquels  sont  arrivées  tant  d'investiga- 
tions laborieuses,  entreprises  pour  donner  une  intelligence  plus 
nette  des  péripéties  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament. 
Elaboré  en  vue  des  cours  donnés  à  nos  chers  élèves  du  Grand 
Séminaire  de  Malines,  ce  volume,  nous  osons  l'espérer,  ne 
rendra  pas  service  qu'à  eux  seuls. 

Ces  quelques  considérations  justifient,  ce  nous  semble,  la 
méthode  suivie  dans  ce  livre.  Là  où  les  auteurs  bibliques  ont 
donné  plus  de  développement  à  leur  récit,  surtout  quand  ils 
parlent  des  faits  domestiques  intéressant  une  tribu  ou  un  héros 
plus  connu  (nous  visons  ici,  par  exemple,  le  Pentateuque, 
Josué,  les  Juges,  les  deux  livres  de  Samuel),  nous  avons  été 
le  plus  sobre  ;  là  où  ils  se  bornent  à  des  indications  sommaires 
ou  négligent  la  connexion  de  la  politique  juive  avec  celle  du 
dehors,  là  surtout  où  leurs  renseignements  nous  font  totalement 
défaut,  nous  nous  sommes  étendu  davantage.  Il  en  résulte  dans 
l'exposé  une  inégalité  très  marquée,  mais  intentionnelle. 

L'ouvrage  a  été  réparti  en  six  grandes  périodes  nettement 
délimitées.  On  souhaiterait  à  première  vue  des  sections  plus 
nombreuses,  mais  on  conviendra  que  le  sujet  :  Israël  au  milieu 
de  l'Ancien  Orient,  est  trop  enchevêtré  pour  se  prêter  à  des 
divisions  faciles  et  adéquates.  A  titre  d'aide-mémoire  ou  de 
points  de  rattache,  nous  avons  mis  en  marge  quelques  noms 
permettant  de  mieux  repérer  les  événements  gravitant  autour 
d'un  personnage  ou  se  rapportant  à  son  époque.  Une  table 
des  noms  propres  ainsi  qu'une  table  des  textes  bibliques  cités, 
faciliteront  la  recherche  des  faits  particuliers. 

Une  grande  carte  de  l'Ancien  Orient,  avec,  en  surcharge, 


XIV  AVANT-PROPOS. 

une  carte  plus  petite  de  la  Palestine,  est  jointe  en  supplément 
à  l'ouvrage.  Elle  sert  à  toutes  les  époques  :  dès  lors  on  voudra 
ne  pas  s'étonner  de  trouver  des  noms  modernes  voisinant  avec 
des  désignations  franchement  archaïques  ;  la  multiplication  des 
cartes  aurait  rendu  excessif  le  prix  du  volume.  Faisant  suite 
aux  deux  tables  déjà  citées,  une  liste  alphabétique  des  noms 
géographiques  indiqués  sur  la  carte  renvoie  à  leur  segment 
respectif.  Il  est  à  remarquer  que  la  courbe  des  parallèles  des 
latitudes  est  dessinée  d'après  un  segment  de  sphère  s'étendant 
jusqu'au  80°  de  longitude,  pour  déterminer  aisément  la  situa- 
tion de  quelques  contrées  orientales  de  l'empire  d'Alexandre 
le  Grand,  mentionnées  à  l'extrémité  Est  de  la  carte. 

En  fait  d'illustrations,  nous  avons  fourni  ce  que  nous  avons 
pu.  Les  monnaies,  reproduites  toutes  en  grandeur  origi- 
nale, se  trouvent  pour  la  plupart  —  les  plus  rares  en  élec- 
trotypes —  au  Musée  biblique  de  l'Université  de  Louvain. 
Notre  vénéré  et  cher  maître,  le  Révérendissime  Père  Lagrange, 
après  nous  avoir  encouragé  à  entreprendre  ce  travail,  avait  mis 
à  notre  disposition  les  clichés  et  dessins  de  la  Revue  Biblique  : 
les  risques  et  dangers  de  guerre  ont  rendu  leur  envoi  impos- 
sible ;  nous  ne  lui  exprimons  pas  moins  toute  notre  gratitude 
pour  sa  délicate  et  gracieuse  avance. 

Nous  remercions  ceux  de  nos  collègues  et  élèves  qui  ont  eu 
l'amabilité  de  nous  prêter  leur  obligeant  concours  pour  la 
revision  de  notre  ouvrage,  la  transcription  du  manuscrit,  la 
correction  des  épreuves  et  le  dessin  de  la  carte. 

M.  le  chanoine  Caeymaex  s'est  acquis  un  titre  spécial  à 
notre  reconnaissance  pour  le  dévoûment  dont  il  n'a  cessé  de 
nous  donner  preuve  en  l'occurrence. 

L'Auteur. 


ADDENDA    ET    CORRIGENDA 


Page  II,  lignes  5  et  6,  au  lieu  de  :  sont  et  sortis  les  derniers  contin- 
gents cananéens  et  phéniciens  les  bandes  des  Hycsos...  lire  : 
sont  sortis  les  derniers  contingents  cananéens  et  phéniciens  et  les 
bandes  des  Ilycsos... 

Page  i6,  ligne  12  de  la  note,  lire  '.  dix-septième  —  vingtième. 

Page  21,  à  la  fin  de  la  ligne  16,  ajouter  :  et. 

Page  5.7,  ligne  8  de  la  note,  supprimer  :  pp.  après  2  Reg.,  III. 

Page  68,  note  i,  lire  :  pp.  1 58- 182. 

Page  121,  ligne  8,  au  lieu  de  ;  Asour-etili-lâni,  lire  :  Asour-etil-ilâni. 
Même  page^  note  2.  ligne  4,  lire  :  pp.  gq-io5. 

Page  i3o,  ligne  i,  au  lieu  de  :  Lybiens,  lire  :  Libyens. 

Page  137,  ligne  36,  lire  :  2  Reg.,  XXV,  4. 

Page  189,  ligne  7,  lire  :  Néhémie,  son  frère. 

Page  197,  ligne  i5,  au  lieu  de  :  'Séh.  XVIII,  29,  lire  :  XIII,  29. 

Page  198,  ligne  7,  au  lieu  de  :i\i,  lire  ;  fut. 

Page  21 5,  note  6,  au  lieu  de  :  TtpwTEÛ-rî'jov-ï?,  lire  :  -pwTÉuovxsi;. 

Page  222,  ligne  i3,  au  lieu  de  :  il  laisse,  lire  :  il  reste. 

Page  223,  remarque  à  la  ligne  23  :  C'est  un  fait  unique  dans  la 
grande  diaspora.  On  se  rappellera  qu'il  existait  déjà  au  commen- 
cement de  l'époque  perse  un  temple  de  Jahvé  dans  l'île  d'Eléphan- 
tine.  Voir  pp.  j  38-i  39  et  359-36 1 . 

Page  255,  en  marge,  au  lieu  de  :  smonéenne,  lire  :  asmonéenne. 

Page  3o6,  ligne  23,  lire  :  ]'^l-r]^'2. 

Page  327.  Dans  la  note  jointe  à  la  description  de  la  monnaie,  au  lieu 
de  :  De  Saulny,  lire  :  De  Saulcy. 


XVI  ADDENDA   ET   CORRIGENDA. 

Page  329,  dernière  ligne  de  la  note,  lire  :  Schiirer  I,  pp.  600-642. 

Page  336,  ligne  17,  au  lieu  de  :  aggera,  lire  :  aggeres. 

Page  339,  ligne  24,  au  lieu  de  :  et  l'un  des,  lire  :  l'un  des 

Page    346.    Dans    la  légende  du  revers   de  la  première    monnaie, 

lire  :  nnn% 

Page  363.  ]^e  deuxième  mois  du  calendrier  phénicien  doit  se  lire  ; 
Zîv,  le  cinquième  du  calendrier  macédonien  :  Aojo;. 


PREMIERE    PERIODE 

Des  origines 
à  rétablissement  de  la  Royauté  juive. 


PREMIÈRE    PÉRIODE 

Des  origines 
à  l'établissement  de  la  Royauté  juive. 


Aussi  haut  que  les  documents  historiques  nous  permettent  Akkadiens 
de  remonter,  nous  trouvons  dans  la  partie  basse  des  bassins  sumériens 
du  Tigre  et  de  l'Euphrate  deux  peuples  différents  de  langue  et 
de  race;  l'un  sémitique,  dans  la  région  Nord,  ayant  comme 
centre  Agadé  ;  l'autre  non  sémitique,  dans  le  Sud-Est  :  ce  sont 
les  Sumériens  (i).  Le  pays  de  Soumer  comprenait  les  villes 
d'Uruk,  Larsa,  Ur,  Nippour,  Oumma  et  Lagas.  C-^lui  d'Akkad, 
situé  au  Nord-Nord-Ouest  du  premier,  englobait  les  villes 
d'Agadé,  Kis,  Kutta,  Sippar,  Babylone  et  Borsippa. 

Dès  l'époque  la  plus  reculée,  dès  avant  le  troisième  millé- 


i)  Sur  la  (listinctiou  des  Sumériens  comme  race  différente  des  Sémites 
et  sur  la  première  histoire  de  ces  peuples,  résumée  ici,  voir  les  études  sui 
vantes  • 

Dhorme,  Les  Origines  bubyloniennes  dans  Conférences  de  Saint-Etienne, 
1909-1910,  pp.  3-52.  Paris,  Gabalda,  1910. 

Ilammourabi  Amruphel  dans  Reinie  Bibliqne,  190H,  jip.  2o5-2i>G.  Paris, 
Lecoffre  (Gabaldal. 

La  religion  assyro-babylonienne;  première  leçon.  Les  sources,  pp.  i-36. 
Paris,  Gal)alda,  1910. 

Le  R.  P.  Dhorme  nous  écrivait  encore  en  juillet  1918  :  «  Je  maintiens  cer- 
tainement l'origine  non  sémitique  des  Sumériens.  Plus  j'étuilie  la  Baby- 
lonie  ancienne,  plus  je  considère  connue  inexplicables  sa  religion  et  sa 
civilisation  en  dehors  de  l'hypothèse  sumérienne.  » 

L.\(;r.4N(;k,  Etudes  sur  les  religions  sémitiijues,  2""«  édition,  chap.  I",  Les 
Sémites,  i)p.  \\-iy^.  Paris,  Lecoffre,  1905. 

VIXCKXT,  Canaan  d'après  l'exploration  récente,  chap.  VIL  Canaan  dans 
r  Histoire  générale,  pp.  4^7  ss.  Paris,  (iabalda.  1907. 


4  DES    ORIGINES 

naire,  ce  sont  les  Sémites  d'Akkad  qui  exercent  la  suprématie 
sur  toute  la  Chaldée  ;  celle-ci  a  sa  civilisation  toute  faite  à  ce 
moment  et  cette  civilisation  est  sémitique  de  toutes  pièces. 
Cette  civilisation  est-elle  autonome  ou  a-t-elle  été  empruntée  à 
une  civilisation  voisine  :  celle  des  Sumériens?  Rien  ne  prouve 
cette  dernière  hypothèse.  L'art  des  Akkadiens  (la  stèle  de 
Naram-Sin,  conservée  au  Musée  du  Louvre,  en  est  un  spé- 
cimen) l'emporte  sur  celui  de  Lagas  ou  de  Nippour  plutôt 
qu'il  ne  lui  cède.  C'est  l'époque  des  rois  de  Kis.  Le  premier 
roi  connu,  Me-Silim,  un  Sémite,  établit  la  plus  ancienne 
stèle  de  démarcation  entre  les  territoires  sumériens  de  Lagas 
et  d'Oumma.  Pendant  un  certain  laps  de  temps  toutefois 
le  pays  de  Soumer  dispute  la  prééminence  au  pa3-s  d'Akkad, 
et  lorsque  la  stèle  de  Me-Silim  est  détruite  par  les  habitants 
d'Oumma,  ce  sera  un  roi  de  Lagas,  E-an-na-tum,  qui  la  rem- 
placera par  sa  propre  stèle,  connue  sous  le  non  de  «  stèle  des 
vautours  »  (i).  Nous  sommes  toujours  avant  l'an  3ooo.  Le  der- 
nier roi  de  la  première  dynastie  de  Lagas,  Uru-ka-gi-na,  qui 
réforma  les  abus  existants,  surtout  les  exactions  commises 
par  le  sacerdoce,  voit  son  pa3's  envahi  par  les  gens  d'Oumma, 
sous  la  conduite  du  roi  d'Erech,  Lugal-zag-gi-si. 

Pendant  que  Lagas  subit  cette  éclipse  et  que  le  roi  d'Erech 
s'étend  vers  le  Nord,  Kis  atteint  son  apogée  sous  le  règne  de 
Ma-an-is  tu-su.  Celui-ci  agrandit  la  ville  d'Agadé,  qui,  sous 
Sargon  l'ancien  et  Naràm-Sin,  son  fils,  occupe  le  premier  rang 
dans  les  bassins  de  l'Euphrate  et  du  Tigre  (2800-2750).  Sargon 
apparaît  aussi  comme  le  vainqueur  de  l'Elam  à  l'Est  et  de 
l'Amourrou  à  l'Ouest.  Il  construit  deux  temples  à  Babylone 
qui,  à  cette  occasion,  fait  son  entrée  dans  l'histoire. 

Naràm-Sin,  qui  nous  a  laissé  sa  superbe  stèle  de  victoire,  ré- 
prime au  Sud,  les  villes  d'Erech  et  de  Naksou,  à  l'Est,  l'Elam  ; 
et  au  Nord,  il  monte  jusqu'au  lac  de  Van  en  Arménie.  Aussi, 
le  premier  des  souverains  de  Soumer  et  d'Akkad,  il  prend  le 
titre  classique  de  «  roi  des  quatre  régions  »  c'est-à-dire  Akkad 
au   Nord,    Elam    au    Sud,  Amourrou    à    l'Ouest,    Soubartou 


(i)  Cette  stèle  est  conservée  en  ],)artieau  Musée  du  Louvre,  en  partie  au 
BritishMuseuin. 


A  l'établissement  de  la  royauté  juive  5 

(Assvrie)  à  l'Est.  Mais  cette  dynastie  d'Agaclé,  si  illustre  sous 
ces  deux  rois,  disparaît  brusquement,  et  nous  assistons  à  une 
véritable  renaissance  artistique  et  religieuse  de  Lagas,  la  capi- 
tale de  Soumer. 

Parmi  ses  Patesi  (i)  ou  monarques -prêtres,  le  nom  de 
Gu-de-a  (aSoo)  est  surtout  connu  par  les  constructions  reli- 
gieuses qu'il  entreprit.  Le  Louvre  possède  les  deux  cylindres 
de  fondation  du  temple  qu'il  dédia  à  Nin-gir-su,  dieu  de  Lagas. 
Mais  après  lui  Lagas  disparaît  à  son  tour  pour  ne  plus  se  rele- 
ver. Aux  environs  de  2400,  c'est  Ur  qui  devient  le  centre  de  la 
civilisation  chaldéenne,  surtout  sous  le  roi  Dungi,  bâtisseur 
de  nombreux  temples,  et  dominateur  des  pays  de  l'Est.  A  la 
dynastie  d'Ur  succèdent  immédiatement  les  rois  d'Isin,  dont  il 
nous  est  parvenu  moins  d'inscriptions  ;  ils  énumèrent  comme 
villes  principales  de  leur  royaume  :  Nippour,  Ur,  Eridou  (2), 
Erech  et  Isin.  Mais  bientôt  un  nouveau  courant  envahit  la 
Chaldée  ;  les  populations  sémitiques  de  l'Ouest,  qu'on  groupait 
sous  le  titre  général  de  «  gens  du  pays  de  l'Amourrou  »,  re- 
montent du  désert  arabique,  qui  s'étend  à  l'Ouest  de  l'Eu- 
phrate  et  communique  av^ec  la  péninsule  sinaïtique,  et  refluent 
vers  cette  terre  si  extraordinairement  riche.  Ces  Arabes 
chassent  Lipit-Istar,  dernier  roi  d'Isin,  et  un  des  leurs,  Sumu- 
abu,  fonde  la  première  dynastie  de  Babylone.  (3)  Elle  com- 
prend onze  rois,  dont  Ha-am-mu-ra-bi,  qui  en  sera  le  sixième 
monarque. 

Les  Elamites  avaient  profité  de  ces  troubles  occasionnés 
par  l'invasion  venue  de  l'Ouest  pour  attaquer  la  Chaldée  à 
l'Est.  i635  ans  avant  Assurbanipal,  vers  2285,  le  roi  d'Elam, 
Kutir-Nahhunte,  attaqua  la  Chaldée  à  l'Est;  il  ravagea  le  pays 
d'Akkad  (la  Babyloniei,  en  pilla  les  temples  et  établit  ainsi, 
pour  deux  siècles,  la  domination  d'Elam  sur  la  Mésopotamie. 

La  suprématie  sur  la  Chaldée  du  Sud  passa  alors  à  une 
nouvelle  dynastie  :  celle  de  Larsa  dont  l'un  des  représentants 


(i)  Pa-te-si.  représentant  du  dieu  de  la  cité  sur  la  terre,  ou  vicaire  d'un 
roi  plus  fort. 

(2)  Eridou,  ville  la  plus  méridionale  de  la  Chaldée  primitive. 

(3)  Chose  à  remarquer  :  cette  première  dynastie  babylonienne  qui  comp- 
tera onze  rois  n'est  pas  autochtone  mais  arabe. 


6  DES    ORIGINES 

postérieurs,  Rim-Sin  (i)  se  rendra  maître  à  la  fois  d'Ur, 
d'Erech,  d'Eridou,  d'Isin,  Nippour  et  Lagas,  tout  en  restant  un 
allié  soumis  de  l'Elam.  Quelques  années  après,  Rim-Sin  et  ses 
alliés  les  Elamites  seront  défaits  par  Hammourabi,  célèbre  à 
jamais  par  son  code  qui  nous  renseigne  sur  les  lois  civiles,  la 
religion  et  la  morale  de  la  société  babylonienne  vers  2040(2  . 
C'est  une  ère  de  prospérité,  pendant  laquelle  les  rois  res- 
taurent et  bâtissent  de  nombreux  temples,  fortifient  les  villes 
et  exécutent  toutes  sortes  de  travaux  d'utilité  publique. 

Pendant  toute  cette  période,  un  va-et-vient  incessant  mélan- 
geait les  populations  strictement  babyloniennes  et  les  popula- 
tions ouest-sémitiques 

Sous  la  poussée  des  envahisseurs  arabes  ou  amorrhéens  (3) 
les  Akkadiens  abandonnent  donc  les  rives  de  l'Euphrate  pour 
remonter  les  plaines  du  Tigre  jusqu'à  Asour.  Pendant  que 
Sumu-abu  inaugure  en  Babylonie  la  dynastie  amorrheenne 
vers  2i5o,  et  fortifie  Babylone  d'un  mur  qui  portera  son  nom, 
Ilu-Summa,  l'akkadien,  refoulé  vers  le  Nord,  repousse  plus 
septentrionalement  encore  l'ancienne  population  mittannite 
(apparentée  aux  Hittites  d'Asie-Mineure),  et  installe  à  Asour, 
fondée  par  les  Mittanites  maintenant  refoulés,  les  Sémites  qu'il 
a  amenés  du  pays  d'Akkad  (4).  C'est  ici  que  se  place  la  migra- 
tion de  Térah,  le  père  d'Abraham,  On  se  demande  si  cette 
famille  de  Térah,  en  d'autres  mots  les  Hébreux,  n'était  pas, 
elle  aussi,  de  race  arabe,  —  à  cause  de  la  ressemblance  des 
noms  arabes  ou  ouest-sémitiques,  qu'on  retrouve  dans  certains 
contrats  de  l'époque,  avec  ceux  des  descendants  de  Térah  (5). 
Le  Père  Lagrange  opine  en  ce  sens.  Le  Père  Dhorme  admet 
toutefois  que  ce  pourraient  être  aussi  de  purs  noms  babylo- 


(i)  Rim-Sin,  l'Ariok  d'Ellâssâr  de  la  Bible  :  Cfr.  Rev.  Bibl.,1908,  pi).2o8ss. 

(2)  Depuis  Hammourabi  l'axe  de  la  domination  est  à  jamais  déplacé  en- 
faveur  (le  la  Chaldée  du  Nord  Lagrangk,  Etudes  sur  les  relisrions  semi- 
tiques,  2^  édit.  p.  Go. 

i3)  Tous  ces  étrangers  que  diverses  poussées  amenaient  de  l'Ouest 
étaient  désignés  par  les  Babyloniens  sous  le  même  vocable  de  «  gens  de 
l'Ouest  •>  ou  Amorrhéens. 

4)  Conférences  de  Saint-Etienne,  loog-tjiio  :  Les  origines  babyloniennes, 
pp.  50-5*2. 

(5)  E.  R    52.,  pp.  60,  (il. 


A  l'établissement  de  la  royauté  juive  7 

niens.  Tout  fait  supposer  d'ailleurs  que  ce  clan  fixé  à  Ur  sera 
venu  d'une  première  intrusion  des  Sémites  en  Chaldée,  lors- 
que ceux-ci  supplantèrent  la  population  sumérienne  primitive. 
Il  n'est  pas  probable,  en  effet,  que,  si  la  famille  de  Térah  était 
seulement  venue  à  Ur  avec  le  flot  envahissant  qui  permit  à 
Sumu-abu  d'asseoir  sa  dynastie  en  Babylonie,  elle  eût  dû, 
comme  nous  allons  le  voir,  fuir  l'oppression  de  celle-ci. 

On  lit  dans  la  Genèse,  XI,  3i  :  Térah  prit  son  fils  Abrâm 
ainsi  que  Lot,  fils  de  Hâràn,  son  petit-fils,  et  vSàrai,  sa  bru, 
femme  de  son  fils  Abràm.  Il  les  fit  donc  sortir  d'Ur  des 
Chaldéens  pour  se  rendre  au  pays  de  Canaan,  et  ils  vinrent 
jusqu'à  Hâràn  où  ils^habitèrent. 

Or,  nous  savons  que,  vers  2046,  en  la  quatorzième  année  de 
son  règne,  Sin-muballit,  qui  régna  vingt  ans,  et  fut  le  père 
d'Hammourabi,  passa  les  gens  d'Ur  au  fil  de  l'épée.  Seulement, 
on  n'extermine  pas  une  ville  entière,  bon  nombre  d'habitants 
échappent  toujours;  "ensuite,  Ur,  sur  la  rive  occidentale  de 
l'Euphrate  et  la  ville  de  Hàràn  (i),  avaient  toutes  deux  comme 
culte  local  celui  du  dieu  Sin  (la  lune)  et  celui  de  sa  parèdre 
Nin-gal;  d'autre  part,  la  ville  de  Hàràn  n'est  pas  mentionnée 
dans  les  inscriptions  de  Soumer  et  d'Akkad  antérieures  à  cette 
période.  Eu  égard  à  ces  considérations,  on  se  demande  si  cette 
transposition  de  culte  n'a  pas  eu  lieu  à  l'occasion  d'une  émi- 
gration aux  temps  du  massacre  dont  nous  avons  parlé,  et 
si  Térah  et  sa  famille,  soucieux  de  se  mettre  en  sécurité 
et  de  sauver  leur  culte  qui  commençait  à  souffrir  de  l'ab- 
sorption des  divinités  locales  par  Mardouk  à  Babylone, 
n'ont  pas  fait  partie  de  cette  émigration  ;  le  synchronisme 
d'Abraham  et  d'Hammourabi  va  nous  faire  constater  que  les 
deux  événements  se  passèrent  à  la  même  époque. 

La  Genèse,  XII  à  XIII,  7,  nous  apprend  comment  Dieu 
choisit  Abraham  pour  être  le  père  d'un  grand  peuple,  —  de  ce 
peuple,  qui   sera  le   peuple  choisi  ;   comment,  sur  l'invitation 


(I)  Harrânu,  au  Sud  d'Ede.sse.  Cette  ville  était  laboutissant  des  cara- 
vanes, qui  venaient  du  Sud,  c'est-à-dire  de  la  Babvlonie,  de  l'Ouest  :  pays 
dWmurru,  et  de  l'Kst  :  Elam  et  Médie,  d'où  le  nom  do  :  IlaiTàuu.  qui  sif^ni- 
fie  «  route  ». 


8  DES   ORIGINES 

divine,  Abraham  quitta  le  pays  de  Hârân,  dressa  ses  tentes  en 
Canaan,  entre  Béthel  et  Haï,  descendit  en  Egypte  pour 
échapper  à  la  famine  qui  affligeait  le  pays  et  revint  quelque 
temps  après  à  son  ancien  caftipement. 

Au  chapitre  XIII,  7,  on  nous  dit  que  les  Cananéens  et  les 
Phéréséens  habitaient  la  contrée  au  moment  de  la  venue 
d'Abraham. 

C'est  donc  ici  le  moment  de  l'aire  la  connaissance  de  ces  peu- 
plades avec  lesquelles  les  descendants  du  patriarche  seront 
en  contact. 


Cananéens 

et 
Araméens. 


Nous  nommons  Cananéens  (i),  comme  la  Bible  le  fait  elle- 
même  communément,  tous  les  habitants  du  pays  qui  va  de 
rOuadi-el-Arich  (11  h.  au  Sud  de  Gaza)  à  la  hauteur  de 
Hamath  (2),  quoique  dans  le  sens  strict  et  restreint  (Num., 
XIII,  ig)  ce  nom  désigne  les  habitants  d'une  certaine  partie  du 
pa3^s  de  Canaan,  à  savoir,  ceux  qui  se  tenaient  dans  les  plaines  du 
Jourdain  et  au  bord  de  la  mer.  Il  semble  bien  que,  vers  le  milieu 
du  troisième  millénaire,  il  s'est  produit  un  grand  déplacement 
de  peuples  qui,  partis  des  lagunes  du  golfe  Persique,  ont  envahi 
d'abord  l'Elam  et  la  Chaldée,  —  ce  que  nous  avons  déjà  cons- 
taté, —  atteint  les  plaines  fertiles  et  les  riches  montagnes  de  la 
Syrie,  et  subjugué  l'Egypte  même  où  ils  sont  installés  dès  le 
XXI IP  siècle  :  ce  sont  les  Hycsos  (3).  D'après  Jules  l'Afri- 
cain, ces  Hycsos  étaient  phéniciens,  venus  peut-être  du  golfe 
Persique.  M.  Maspero  y  voit  des  Khàti,  mais  reconnaît  que  le 
gros  de  la  population  envahissante  était  sémite  et  fixe  la  date 
de  l'invasion  entre  25oo  et  225o.  Il  se  pourrait  aussi  que  ce 
mouvement  qui  créait  l'installation  des  Phéniciens  sur  le  litto- 
ral de  la  Méditerrannée  et  mettait  rEg3^pte  aux  mains  des  ■ 
Hycsos,  ne  fut  qu'un  simple  renfort  donné  à  un  ancien  élé- 
ment cananéen  déjà  fixé  dans  l'Ouest  (4).  Ce  dernier  fait  est 


(1)  E.R.S^^p.^-j. 

(2)  La  Bible  ne  les  considère  pas  comme  les  plus  anciens  liabitants  du 
pays.  Ceux-ci  seraient  les  Rcpliaïm,"Anaqim,  Kiinim,Zanizoumniin.  (Deut. 
II.,  20-21.)  Mais  riiistoire  ne  nous  renseigne  pas  sur  leur  compte. 

(3)  Voir  Masi'Kko,  Histoire  ancienne  des  Peuples  de  l'Orient  classique, 
3  vol.,  Paris,  Hachette,  1895-1899,  II,  pp.  53  ss. 

(4)  E.  R.Sa.,  pp.  57-5y. 


A  l'Établissement  de  la  royauté  juive  9 

confirmé  par  les  découvertes  récentes.  M.  Macalister,  interpré- 
tant les  fouilles  entreprises  par  lui  à  Gézer,  se  voit  obligé  de 
rapprocher  de  l'an  3ooo  les  débuts  sémitiques  de  cette  contrée 
(r).  D'autres  vagues,  issues  du  même  réservoir  de  peuples, 
viendront,  à  partir  du  XX®  siècle  environ,  déferler  sur  les  pre- 
mières couches  sémitiques  de  Syrie  ;  la  plus  fameuse  est  dite 
araniécnne  :  c'est  à  la  migration  de  ces  Araméens  que  doit  être 
soudée  celle  des  Hébreux.  Malgré  leur  communauté  probable 
d'origine  avec  les  Cananéens,  ni  Araméens,  ni  Hébreux  ne 
se  considéreront  comme  de  même  famille  avec  leurs  devanciers  : 
ils  ne  sont  nullement  imbus  de  leur  culture  et  n'ont,  pour  eux, 
que  de  l'antipathie. 

Avant  de  continuer  l'histoire  d'Abraham,  intercalons  en  cet 
endroit  quelques  détails  ethnologiques  sur  les  peuples  dont 
nous  citions  les  noms. 

Assvro-Babyloniens,  Cananéens,  Araméens,  Arabes,  tribus 
Thérakides,  Phéniciens,  établissements  éthiopiens,  sont  tous 
sémites.  Ce  n'est  pas  par  filiation  proprement  dite  que  tous 
ces  peuples  se  rattachent  à  Sem  :  Canaan,  par  exemple, 
était  son  neveu  (Genèse,  X). 

Ces  peuples  parlent  des  langues  apparentées  ;  elles  se  res- 
semblent tellement  qu'on  peut  les  considérer  comme  le?  frac- 
tionnements d'une  même  langue.  Ces  Sémites  ont  donc  vécu 
d'une  union  plus  étroite  que  ne  nous  tont  connaître  les  docu- 
ments écrits.  L'aire  occupée  par  les  Sémites  comprend  au  Sud 
l'Arabie,  s'arrête  au  Sud-Ouest  à  rEg3'pte,  à  l'Ouest  à  la 
Méditerranée;  le  Taurus  et  l'Amanus,  le  cours  supérieur  de 
l'Euphrate  et  les  montagnes  du  Kurdistan  lui  sont  la  limite 
au  Nord  ;  et  à  l'Est  elle  s'arrête  aux  plateaux  de  la  Médie. 

Hugo  Winckler  dans  sa  brochure  :  Die  Vôlker  J^ordera- 
siens  fait  venir  tous  les  Sémites  de  l'Arabie.  Qu'il  y  ait  eu 
plusieurs  migrations  sémites  venues  de  là,  c'est  incontes- 
table ;  mais  les  Sémites  que  nous  trouvons  solidement  établis 
en  Chaldée  dés  les  débuts  de  l'histoire,  viennent-ils  égale- 
ment de  là?  C'est  possible  mais  ce  n'est  pas  prouvé.  Le  Père 
Schwalm  trouve  que,   socialement,  il  est  plus   vraisemblable 


II)  Cfr.  Vincent,  Canaan,  pj).  4'^4.  435. 


lO  DES    ORIGINES 

que  les  Sémites  descendirent  des  plateaux  arméniens  (i), 
M.  Meyer  conjecture  que  les  envahisseurs  furent  les  Sumériens 
et  non  pas  les  Chaldéens  (2).  D'après  M.  de  Morgan,  les 
présémites  de  la  Mésopotamie  seraient  non  des  immigrés, 
mais  les  descendants  des  hommes  pléistocènes  de  l'Asie  anté- 
rieure (3). 

La  tradition  d'une  migration  cananéenne  vers  le  milieu  du 
troisième  millénaire  s'est  perpétuée  avec  une  singulière  préci- 
sion et  nous  est  rapportée  par  les  historiens  grecs  Hérodote, 
Strabon,  Pline,  Justin  (4)  ;  aussi  l'opinion  citée  ci-dessus  du 
Père  Lagrange  semble-t-elle  partagée  par  M.  de  Morgan  [op. 
laud.),  qui  dit  les  Cananéens  séparés  du  tronc  sémitique  à 
une  époque  fort  reculée  (p.  214)  et  distingue  deux  mouvements 
de  peuples  :  le  premier,  donnant  à  la  Syrie  et  à  la  Palestine 
des  colonies  mésopotamiennes  et  le  second,  espacé  par  bien 
des  siècles  du  premier,  qui  amena  les  Hycsos  en  Eg3^pte  et  les 
Hébreux  dans  le  pays  de  Canaan  (p.  217). 

Bientôt  après  l'invasion  les  Cananéens  s'étaient  dispersés. 
Les  uns  se  répandirent  dans  les  \  allées  de  l'intérieur,  ce  l'Ama- 
nos  au  Séir  et  dans  les  plaines  qui  se  déroulent  au  Sud  du 
Carmel  jusqu'au  désert  et  à  la  frontière  d'Egypte.  Les  autres 
se  logèrent  le  long  de  la  côte  entre  le  Liban,  les  massifs  de  la 
Palestine  et  la  mer.  Ceux-ci  étouffés  entre  le  Liban  et  la  Médi- 
terranée se  firent  marins  et  commerçants.  Ce  sont  les  Phéni- 
ciens, installés  sur  la  côte  depuis  l'Oronte  jusqu'au  promontoire 
du  Carmel.  Ils  devinrent  célèbres  par  leur  commerce,  leur  in- 
dustrie :  verrerie,  céramique,  étoffes,  objets  de  toilette,  et  leur 
navigation  qui  dégénéra  souvent  en  piraterie.  Leurs  comptoirs 
s'étendirent  jusqu'en  Espagne.  Le  nom  de  Phcenix  est  une 
forme  élargie  de  «  Pouanit  »,  pays  que  les  plus  anciens  monu- 
ments égyptiens  identifient  avec  les  régions  de  la  mer  Rouge. 
Les  Cananéens  du  golfe  Persique   en  transférèrent  le  nom  en 


II)  SCHWAI-M.    La  vie  privée  du  ]>euiiJe  juif  à  Vépoqne  de  Jésus-Christ . 
Paris,  Gabalda,  1910,  p.  44- 

2;  Meyek,  Sumerier  iind  Seinitcii   iit    Knbylonien.  Cottasclie  Jiùchhaud- 
liiiifj:,  r.erlin,  1906,  p.  m. 

i3)  Dh:  Morgan,  Les  premières  civilisntions.  Paris,  liCroux,  1909,  p.  iSi. 
4»  l'J.  R.  5a.,  pp.  57-58. 


A    l'établissement    Di:    LA    ROYAUTÉ    JUIVE  II 

Syrie,  les  Phéniciens  de  Syrie  le  menèrent  en  Afrique  et  les 
Phéniciens  d'Afrique  (Pœni)  l'exportèrent  dans  leurs  colonies 
les  plus  lointaines  (i). 

Nous  le  répétons  :  du  même  réservoir  de  peuples  dont 
sont  et  sortis  les  derniers  continj^ents  cananéens  et  phéni- 
ciens les  bandes  des  Hycsos,  d'autres  vai^ues  viendront,  à 
partir  du  XX*  siècle  environ,  déferler  sur  les  j^remières 
couches  sémitiques  de  Syrie  ;  la  plus  fameuse  est  dite 
araméenne.  Malgré  leur  communauté  probable  d'origine 
avec  les  Cananéens,  les  clans  araméens  ne  se  considé- 
rèrent pas  du  tout  comme  de  même  famille  avec  leurs  devan- 
ciers. A  cette  migration  araméenne  doit  être  soudée  celle  des 
Hébreux,  dont  l'antipathie  pour  les  Cananéens  qu'ils  trouveront 
plus  lard  devant  eux  s'expliquera  dès  lors  de  façon  plus 
saisissante  (2). 

Nous  rencontrons  tout  d'abord  les  Araméens  là  où  les  a  placés 
la  Bible,  c'est-à-dire  surtout  à  l'Ouest  de  l'Euphrate  à  partir 
de  Damas,  quoiqu'on  les  trouve  aussi  sur  )a  rive  orientale,  à 
Hàrân.  Le  cœur  de  l'Aramée  est  bien  l'Osrhoène  (Edesse, 
Mardin)  où  fleurit  plus  tard  la  littérature  syriaque.  Les  Ara- 
méens occupèrent  le  pays  du  Mitâni,  jadis  habité  par  une  race 
non-sémitique  et  s'implantèrent  d'ailleurs  sur  toutes  les  fron- 
tières du  désert  de  Svrie  (qu'ils  avaient  probablement  occupé 
précédemment),  depuis  Damas  jusqu'au  Bas-Euphrate. 

Au  IX^  siècle,  la  langue  araméenne  sera  répandue  partout  et 
prévaudra  bientôt  sur  la  langue  des  civilisés. (2  Reg., XVIII, 26.) 
Leur  pénétration  dans  tous  ces  pays  s'explique  plutôt  par  le 
commerce  que  par  la  guerre.  Nulle  part  les  Araméens  ne  for- 
ment un  groupement  compact  et  résistant.  Leur  manque  de 
cohésion  comme  nation  (3)  se  retrouve  dans  l'ordre  religieux  — 


(i)  Maspero,  Histoire  uncienne  des  Feujdes  de  l'Orient  7^  édit.  revue, 
Paris,  Ilac-hette.  1905,  pp.  216,  317. 

(2)  Vincent,  Canaan,  p.  435. 

(3)  Voir  sur  la  difficulté  de  la  répartition  exacte  des  Cananéens.  Anior- 
rhéens  et  .Vraméens  :  Masi'kro,  II,  i)p.  i^~  ss.  Vincent,  Canaan,  note, 
pp.  453-450. 

<(  II  est  d'autant  moins  aisé  de  distinguer  ces  Araméens  dans  lAntitiuité 
que  le  nom  d'Aram  représente  pour  les  Ilélireux  les  iiopulations  de  la  Syrie 


12  DES    ORIGINES 

ils  s'adaptent  à  tous  les  panthéons  des  pays  où  ils  s'installent  — 
et  dans  le  caractère  indécis  de  leur  langue.  C'est  ce  qui  en  fit 
un  utile  instrument  de  relations  internationales.  Mais  si 
la  couche  araméenne  est  devenue  comme  une  lisière  entre 
l'Arabie  et  les  pays  d'ancienne  culture  sémitique,  elle  a  pénétré 
cependant,  comme  un  coin,  du  côté  du  Nord  et  séparé  les  Cana- 
néens de  la  civilisation  euphratéenne.  C'est  dans  ce  mouvement 
araméen  que  la  Bible  range  Abraham.  Le  Père  Schwalm  a  très 
bien  fait  ressortir  cette  facilité  d'adaptation  aux  circonstances 
locales,  propre  aux  Araméens,  dans  les  différentes  situations 
par  lesquelles  passèrent  les  Hébreux  (i). 

Le»  Khâti.  Quant  au  peuple  nommé  Khétas  sur  les  monuments  ég3^p- 
tiens,  et  Khâti  par  les  Assyriens,  il  paraît  appartenir  aux  races 
qui  ont  peuplé  le  Caucase.  D'abord  cantonnés  sur  les  plateaux 
de  la  Cappadoce,  ils  débouchèrent  par  les  défilés  du  Taurus 
dans  la  Syrie  du  Nord  et  dans  la  Cilicie.  Quelques-unes  de 
leurs  tribus,  entraînées  à  la  suite  des  Hycsos,  s'étaient  épar- 
pillées dans  le  bassin  moyen  du  Jourdain  et  vers  les  côtes  de  la 
mer  Morte,  puis  elles  s'étaient  concentrées  autour  d'Hébron. 
Le  gros  de  la  nation  occupa  le  Naharanna  entre  le  Balikh  et 
l'Oronte,  les  versants  de  l'Amanos  et  une  partie  de  la  plaine 
cilicienne.  Situé  sur  le  passage  des  caravanes  entre  la  Chaldée 
et  rEg3'pte,  leur  domaine  fut  un  des  marchés  les  plus  riches  de 
l'Orient,  dont  Gargamish  fut  la  station  préférée  (2).  L'aire  de 
son  art  est  extrêmement  étendue;  on  en  trouve  les  traces  dans 
toute  l'Asie  mineure  et  jusqu'aux  confins  de  l'Assyrie. 

Vu  que  vers  2000,  époque  où  les  Babyloniens  se  vantaient 
de  régner  sur  l'Occident,  ceux-ci  reconnaissent  le  Khàtu  comme 
état  indépendant  et  que  Toutmès  III  (i5oo-i45o),  qui  a  conquis 
toute  la  Syrie  méridionale,  ne  le  compte  pas  parmi  ses  tribu- 
taires, le  Khâtu  devait  avoir  comme  limite  Sud  tout  au  plus  la 
Commagène  au  Nord  de  l'Osrhoène.   Ce'  point  de  départ  ainsi 


jusqu'à  l'Euphrate,  tandis  que  chez  les  Assyriens  il  ne  s'applique  qu'à 
l'Orient  de  l'Euphrate,  à  certains  petits  peuples  de  .Mésopotamie  et  de 
Basse-Chaldée  ».  Vincent,  Les  Nubateens,  llev.  Bibl.,  18.1)8,  p.  584. 

(I)  Op.  luud.,  pp.  25-46.  —  E.  li.  6'.=.,  pp.  Cl,  63. 

(a)  Masi'ERo,  Histoire  ancienne,  p.  2i5. 


A  l'ktablissement  de  la  royauté  juive  i3 

fixé  dans  l'Asie  minçure,  l'aire  recouverte  par  leurs  monuments 
et  les  noms  propres  (jue  nous  ont  transmis  les  Egyptiens  mon- 
trent bien  (jue  nous  n'avons  pas  affaire  aux  Sémites. 

Certains  passages  bibliques  (i)  semblent  pourtant  les  con- 
fondre avec  les  Cananéens.  Mais  une  simple  distinction  de 
temps  suffit  probablement  à  résoudre  cette  énigme.  Lorsque 
David  et  Salomon  entrèrent  en  contact  avec  les  Hétéens,  ceux- 
ci  étaient  déjà  sans  doute  presque  complètement  sémitisés  et 
ils  ne  durent  plus  se  distinguer  beaucoup  des  autres  Sémites  ; 
or,  .t  plus  ancienne  population  connue  entre  l'Oronte  et  l'Eu- 
phrate  était  de  race  cananéenne. 

Ce  qui  plus  est,  il  se  pourrait  que  ce  nom  de  Khàti  fut  moins 
un  nom  de  peuple  qu'un  nom  de  pays.  Or,  ce  pays  était  incon- 
testablement, avant  l'occupation  par  ces  Caucasiens,  un  pays 
sémite  où  se  sont  arrêtées  les  premières  hordes  des  Cananéens 
venues  du  Sud-Ouest. ^Rien  d'étonnant  dès  lors  que  les  occu- 
pants postérieurs  aient  été  désignés  comme  Cananéens.  D'ailleurs 
(i  Reg.,  X,  29)  la  Bible  parle  des  Hétéens  d'une  façon  qui  ne 
peut  s'appliquer  qu'aux  Khàti  et  par  opposition  aux  Ca- 
nanéens  strictement  dits    (2  Reg.,  VII,  6.) 

Ces  renseignements  ethnologiques  donnés,  revenons  aux 
événements  qui  intéressent  la  race  juive  naissante. 

Abraham,  de  retour  en  Canaan,  se  fixa,  après  quelques  mi-  Abraham 
grations,  près  d'Hébron  et  Lot  choisit  les  envn-ons  du  Jour-  ^^5^;**"° 
dain  et  les  bords  de  la  mer  Morte.  (Gen.,  XIII.) 

Le  chapitre  XIV  de  la  Genèse  nous  raconte  un  épisode  qui 
nous  permet,  grâce  aux  inscriptions  cunéiformes,  de  fixer  l'épo- 
que à  laquelle  nous  nous  trouvons  :  «  Au  temps  d'Amraphel, 
roi  de  Sennaar,  d'Arioch,  roi  d'Ellassar,  de  Chodorlahomor, 
roi  d'Elam,  et  de  Thadal,  roi  de  Goïm,  il  arriva  qu'ils  firent  la 
guerre  à  Bara,  roi  de  Sodome,  à  Bersa,  roi  de  Gomorrhe,  à 
Sennaab,  roi  d'Adama,  à  Séméber,  roi  de  Séboïm  et  au  roi  de 
Bala  qui  est  Ségor.  Ces  derniers  s'assemblèrent  tous  dans  la 


(i)  Gen.  XXIII,  3  .S.S.  -  Ex.  III,  8, 17.  XIII,  5,  XXIII,  28,  28,  XXXIV,  n.  - 
Num.  XIII.  3o.  —  Dent.  VII.  i,  XX,  17.  —  .los.  XXIV,  11.  -  i  Reg.  IX,  20  — 
Esd.:lX.  1.  —  Xeh  IX,  8.  —  Ezech.  XVI,  3,  45. 


14  DES   ORIGINES 

vallée  de  Siddim  qui  est  la  mer  Salée  ».  (Gen.,XIV,i-2.)  Nous 
voyons  que  c'est  Chodorlahomor,  roi  d'Elam,  qui  conduit  l'ex- 
pédition. Or,  Amraphel  de  Sennaar  n'est  autre  qu'Hammourabi 
de  Babylonie,  Ariok  d'EUassar  semble  bien  être  Rim-Aku  ou 
Rim-Sin  de  Larsa.  Quant  au  nom  de  Chodorlahomor,  il  est 
strictement  élamite  dans  ses  deux  composés  :  Kudur-lagamar. 
Cette  campagne  à  Sodome  doit  se  placer  vers  201 1,  avant 
la  trentième  année  d'Hammourabi,  monté  sur  le  trône 
vers  2041  (i);  en  effet,  c'est  le  roi  d'Elam  qui  apparaît  comme 
le  chef  de  l'expédition  et  Amraphel  comme  son  subordonné. 

Or,  parmi  toutes  les  dates  relevées,  soit  dans  les  listes  chro- 
nologiques, soit  dans  les  contrats  datés  du  règne  d'Hammou- 
rabi, le  nom  d'Elam  n'apparaît  pas  avant  la  trentième  année  du 
monarque;  mais,  pour  cette  année-là,  on  trouve  la  mention  que 
les  troupes  d'Elam  furent  battues;  de  vassal  Hammourabi 
devenait  suzerain,  et  c'est  pourquoi,  désormais  les  pièces  le 
concernant,  parleront  de  l'Elam.  L'année  suivante,  la  trente-et- 
unième  de  son  règne,  comme  nous  l'apprend  la  chronique  baby- 
lonienne d'Hammourabi,  il  marcha  contre  Rim-Sin  de  Larsa 
et  le  défit.  Voilà  donc  le  récit  d'Abraham  situé  dans  son  milieu 
et  à  sa  date  historique. 

Abraham  resta  dans  la  terre  de  Canaan;  toutefois  il  fit  cher- 
cher une  femme  de  son  pays  d'origine  en  Mésopotamie  pour 
Isaac,  son  fils  ;  c'est  encore  là  que  celui-ci  envoie  son  fils  Jacob 
dans  le  même  but,  pour  ne  pas  se  mêler  aux  Cananéens  au 
milieu  desquels  les  patriarches  habitaient  (2). 

Jacob  resta  vingt  ans  en  Mésopotamie,  après  quoi  il  revint 
en    Canaan  avec  sa  famille    et   tous  ses  biens  et  s'v  installa. 


(1)  Nous  serions  entrailles  dans  un  exposé  trop  long,  si  nous  voulions 
justifier  cotte  année  2041  connue  date  d'accession  au  trône  d'IIammou- 
ral)i.  Le  Père  Hcheil,  qui  s'appuyait  sur  des  données  étrangères  à  celles  sur 
lesquelles  table  le  Père  Dhorme, avait  abouti  à  2o5o  pour  le  coniniencemeut 
du  même  règne.  L'écart  n'est  pas  sensible.  On  trouvera  des  dét;  ils  justi- 
ficatifs dans  l'article  déjà  cité  du  Pèx-e  Dhorme  :  II ammoiirnbi- Amraphel. 
llev.  Bibl..  1908,  pp.  22o-22(). 

(2)  Le  pays  de  Paddan-Aram  dont  il  est  parlé,  Gen.  XXV.  20,  XXVIII,  2 
et  alibi,  est  situé  entre  l'Euphrate  et  le  cours  supérieur  du  Khabour,  à 
cheval  .sur  le  lialikh,  peut  être  Tell-Faddàn  près  de  Ilarrau.  Maspkko,  II, 
p.  64,  note  4 


A  l'Établissement  de  la  j>:()v\nTH  juive  i5 

L'aventure  de  son  fils  Joseph  et  la  famine  qui  sévit  dans  la 
contrée,  le  poussèrent  néanmoins  plus  tard  dans  le  delta  où  ses 
descendants  finirent  par  constituer  une  tribu  importante. 
Gen.,XXXVII-L.) 

Nous  voyons  les  fils  de  Jacob  accueillis  avec  laveur  par  ces 
populations  de  la  Basse  Egypte,  que  nous  avons  dit  être  en 
majeure  partie  sémites;  on  les  accueillit  d'autant  mieux  qu'on 
sentait  le  besoin  de  se  fortifier  continuellement  contre  les  po- 
pulations autochtones,  hostiles  malgré  tout  (i). 

Il  n'entre  pas  dans  les  cadres  de  notre  travail  de  faire  l'his-  L'Egypte 
toire  de  l'Egypte  avant  ses  rapports  avec  le  peuple  d'Israël.  ^"'^'^""^■ 
Nous  nous  contenterons  du  sommaire  dressé  par  M.  Maspero  : 
il  suffira  pour  rattacher  l'époque  présente  aux  âges  antérieurs 
de  l'histoire  égyptienne  et  donner  dès  maintenant  un  court 
aperçu  des  événements  postérieurs,  sur  lesquels  il  nous  faudra 
insister  davantage,  puisqu'ils  auront  leur  répercussion  sur  les 
destinées  de  la  nation  juive. 

«  Il  se  produisit  quatre  grandes  révolutions  dans  la  vie  poli- 
tique de  l'Egypte.  Au  début  des  âges,  le  centre  de  gravité  du 
pays  repose  sur  Thinis  (dans  la  Haute-Egypte  en  deçà  de 
Thèbes)  :  Thinis  est  la  capitale  et  le  tombeau  des  rois.  Bientôt, 
toutefois,  avec  la  troisième  dynastie,  Memphis  impose  ses  sou- 
verains à  tous  et  elle  est  l'entrepôt  du  commerce  et  de  l'indus- 
trie. C'est  la  seconde  période,  celle  qui  marque  l'apogée  de 
l'Egypte  archaïque,  mais  vers  la  sixième  dynastie,  le  centre  de 
gravité  se  déplace  et  tend  à  s'abaisser  vers  le  Sud.  Il  s'arrête 
d'abord  à  Héracléopolis  dans  la  Moyenne-Egypte  (neuvième  et 
dixième  dvnasties),  puis  il  descend  encore  et  se  fixe  à  Thèbes 
sous  la  onzième  dynastie.  Dès  ce  moment  Thèbes  reste  la  ca- 
pitale réelle  et  elle  fournit  les  rois  :  à  l'exception  de  la  quator- 
zième dynastie,  xoïte,  toutes  les  dynasties,*  de  la  onzième  à  la 
vingt-et-unième,  sont  thébaines  de  naissance.  Quand  les  pas- 
teurs envahirent  la  vallée,  la  Thébaïde  s'ouvre  comme  un 
refuge  à  la  nationalité  égyptienne,  et  ses  princes,  après  avoir 
lutté  pendant  des  siècles   contre  les  conquérants,  finissent  par 

(I ,  NLaspeko,  II,  !>.  1)2. 


l6  DES   ORIGINES 

affranchir  le  royaume  entier  au  profit  de  la  dynastie  thébaine,  la 
dix-huitième,  qui  ouvre  l'ère  des  guerres  étrangères.  Sous  la 
dix-neuvième  dynastie,  un  mouvement  inverse  à  celui  qui 
s'était  produit  vers  la  fin  de  la  sixième,  redresse  peu  à  peu  le 
centre  de  gravité  vers  le  Nord  et  vers  la  mer.  Avec  la  vingt-et- 
unième  dynastie,  tanite,  Thèbes  perdit  son  rang  de  capitale,  et 
les  villes  du  delta,  Tanis,  Bubaste,  Mendès,  Sébenn3-tos  et 
surtout  Sais,  se  disputèrent  la  primauté  avec  acharnement. 
Désormais  toute  la  vie  active  se  concentra  dans  les  nomes  ma- 
ritimes ;  ceux  de  la  Thébaïde,  ruinés  par  les  invasions  éthio- 
piennes et  assyriennes,  furent  privés  de  leur  influence  :  Thèbes 
tomba  en  ruines  et  ce  ne  fut  plus  qu'un  rendez-vous  de  tou- 
ristes curieux,    »   (i) 

A  cet  exposé  nous  ajouterons  deux  remarques  : 
1°  Au  moment  où  l'Egypte  débute  dans  l'histoire,  elle  ne 
débute  pas  dans  sa  civilisation.  Celle-ci  dénote  à  ce  moment 
(vers  le  cinquième  millénaire)  un  état  de  développement  qui, 
d'après  les  calculs  les  plus  modérés,  doit  avoir  exigé  trois 
mille  ans  de  formation.  Les  arts  y  avaient  atteint  à  cette  épo- 
que une  perfection  qui  ne  sera  guère  dépassée  (2). 


(i)M.  Maspero  se  propose  (lès  lors  (le  diviser  l'histoire  d'Egypte  en  trois 
périodes,  correspondant  chacune  à  la  suprématie  d'une  ville  ou  d'une  por- 
tion du  pays  sur  le  pays  entier  : 

i"  Période  archaïque  (première-dixième  dynasties).  Elle  se  subdivise  en 
deux  périodes  secondaires  : 

a)  Empire  thinite.  Première-deuxième  dynasties. 

b)  Empire memiîhite.  Troisième-dixième  dynasties. 

i>"  Période  thébaine  (onzième-vingtième  dynasties).  Supi'émalie  de 
Tlièbes  et  des  rois  thébains.  Cette  période  est  divisée  en  deux  parties 
par  l'invasion  des  Pasteurs  : 

a)  Ancien  empire  thébain.  Onzième-(iuatorzième  dynasties. 

b)  Nouvel  empire  thébain.  Dix-septième  vingtième  dynasties. 

3»  Période  saïte  (vingt  et  unième-trentième  dynasties).  Suprématie  de 
Sais  et  des  autres  villes  du  delta.  Cette  période  est  divisée  en  deux  parties 
par  l'invasion  perse  : 

a)  Première  période  saïte.  Vingt  et  uuième-vingl-sixièine  dynasties. 

b)  Deuxième  période  saïte.  Vingt-sei)tième-treiitième  dynasties. 
{Hist.  anc.  pp.  5i,52). 

(i>)  Rappelons  à  titre  documentaire  les  jjeintures  sur  stuc,  détachées  de 
l'un  des  mastabas  de  iMeidoum,  représentant  des  oies  (|ui  paissent  et  da- 
tant de  la  troisième  dynastie  (445o-424o)  (n»>  11  du  catalogue  du  Musée  du 
Caire),  ainsi  (jue  les  deux  statues  peintes  en  calcaire  du  prince  Rahospou 


A    L  KIABLISSEMENT    DE    LA    ROYAUTÉ    JUIVE 


17 


2*^'  Il  faut  se  mettre  en  j^arde  contre  l'idée  cjue  les  habitants 
de  l'Egypte  relevaient  toujours  en  droite  ligne,  sans  intermé- 
diaire, de  la  dynastie  dominante  de  l'époque.  Nul  pavs  n'a  été 
plus  téodal  que  l'Egypte  et  c'est  précisément  la  multiplicité  de 
ses  maîtres  locaux  et  conséquemment  leurs  continuelles  riva- 
lités qui  ont  nui  si  fréquemment  à  ses  intérêts  domestiques  et  à 
son  expansion  extérieure. 


Il  est  difficile,  sinon  impossible,  de  fixer  l'époque  exacte  à 
•laquelle  les  enfants  de  Jacob  pénétrèrent  dans  le  pays  du  Nil. 
M.  Maspero  (i)  fait  remarquer  que  les  récits  de  la  Genèse 
témoignent  d'un  état  de  choses  analogue  à  celui  que  le  roman 
égyptien  de  Sinouhit  nous  révèle  sur  les  Bédouins  pour  le 
temps  des  douzième  et  treizième  dynasties.  Ceux-ci  sont  tou- 
tefois antérieurs  à  ceux  de  l'immigration  hébraïque. 

Pendant  cette  période  de  domination  étrangère  dans  le  Nord 
de  l'Egypte,  au  cours  de  laquelle  les  Hébreux  y  entrèrent, 
Thèbes  n'avait  pas  perdu  complètement  l'ascendant  qu'elle 
avait  exercé  jadis  sur  les  barons  féodaux;  d'instinct,  on  ne  se 
soumettait  qu'à  contre-cœur  aux  Asiatiques  et,  quoique  ceux- 
ci  se  fussent  laissé  imprégner  de  la  civilisation  égyptienne,  ils 
étaient  toujours  considérés  comme  des  intrus;  aussi  la  période 
d'hégémonie  que  les  chroniques  égyptiennes  attribuent  aux 
Hycsos  de  la  seizième  dynastie  ne  fut-elle  pas  probablement 
pour  eux  un  temps  de  tranquillité  complète  et  de  domination 
incontestée.  Sous  la  dix-septième  dynastie,  les  princes  thébains 
se  soulèvent  et  Ahmosis  commença  contre  les  étrangers  la 
guerre  de  délivrance.  L'an  V  d'Ahmosis  il  n'y  eut  plus  en 
Egypte  de  rois  Pasteurs,  mais  une  partie  des  anciens  conqué- 
rants resta  dans  le  pays  à  l'état  d'esclaves  (2). 

«  La  longueur  de  la  domination  asiatique  n'est  pas  connue 
exactement.    On    est    d'accord    pour    supposer    que  les  trois 


et  (le  sa  femme  Nofrit.  découvertes  également  dans  un  des  nuistabas  de 
Meidoum  et  datant  de  la  quatrième  ou  cinquième  dynastie  (4240-37001  (n'^'9 
du  Musée  du  Caire).  L'expression  de  vie  et  le  naturel  des  altitudes  sont 
ravissants. 

(i)  Masi'kro,  II,  p.  71,  note  et  I,  pp.  47i-4"3- 

(2)  Maspkro,  II,  p.  81.  note  2. 


Entrée 

des 

Hébreux 

en 

Egypte. 


l8  DES    ORIGINES 

moments  distingués  dans  le  récit  de  Manéthon  (Miiller-Didot, 
Fragmenta  Jiistoricorîun grœcorum,  t.  II,  pp. '566-68)  répondent: 
1°  la  conquête  et  les  six  premiers  rois  à  la  quinzième  dynastie 
thébaine;  2°  la  soumission  complète  (du  delta)  à  la  seizième 
dynastie;  'i^  la  guerre  de  l'indépendance  à  la  dix-septième  d}^- 
nastie,  composée  de  deux  séries  parallèles,  l'une  de  Pasteurs, 
l'autre  de  Thébains.  On  discute  longuement  sur  le  temps  que 
l'oppression  (des  Pasteurs)  dura.  La  meilleure  solution  est 
encore  celle  qui  fut  préconisée  par  Erman,  d'après  laquelle  la 
quinzième  dynastie  aurait  régné  284  ans;  la  seizième  284;  la 
dix-septième  143;  ce  qui  donnerait  pour  les  trois  réunies  661  ans. 
L'invasion  (des  Hycsos)  aurait  donc  eu  lieu  vers  2346,  vers  le 
temps  où  la  puissance  des  Elamites  était  la  plus  forte;  l'avène- 
ment de  la  seizième  dynastie  tomberait  alors  vers  2062,  et  le 
commencement  de  la  guerre  sous  Ahmosis  entre  1730  et 
1720  (i).   » 

Les  Egyptiens  appelèrent  les  Bédouins  asiatiques  du  sobri- 
quet injurieux  de  «  Shaousou  »,  pillards,  voleurs,  qui  leur 
convenait  à  merveille;  ils  l'appliquèrent  par  la  suite  aux  étran- 
gers qui  s'emparèrent  du  delta,  à  l'époque  ci-dessus  indiquée  de 
cette  migration  de  peuples,  et  le  chef  qui  dominait  sur  eux,  ils 
le  saluèrent  dans  leur  langue  du  nom  de  «  roi  des  Shaousou  » 
—  Hiq  Shaousou  —  dont  les  Grecs  ont  tiré  pour  le  peuple  le 
mot  de  Hykoussos  «  Hycsos  »  (2). 

Le  Père  Lagrange  (3)  fait  remarquer  que  si  les  Egyptiens 
n'ont  pas  nommé  expressément  les  Hycsos  par  leur  nom  et  que 
si  les  désignations  sont  vagues,  elles  s'appliquent  pourtant 
toutes  sans  efforts  à  des  Sémites,  tandis  qu'elles  excluent  les 
Khâti  que  les  Egyptiens  connaissaient  bien  et  ont  décrits 
autrement. Quoique  M.  Masperose  soit  désisté  de  l'opinion  qui 
range  l'invasion  des  Hycsos  dans  le  grand  mouvement  cana- 
néen, c'est  pourtant  celle  qui  a  pour  elle  les  raisons  les  plus 
plausibles.  M.  Maspero  reconnaît  d'ailleurs  que  le  gros  de  ces 
étrangers  était  sémite,  puisqu'on  embaucha  souvent  des 
Cananéens    et    des    Bédouins    pour    le    camp    retranché    de 


(i)  Maspero,  II,  p.  73.  note  i. 

(2)  Maspero,  II,  p.  54  et  notes  3  et  4- 

(3)  h.  R.S^..  p.  5;).  note  2. 


A    L  ÉTABLISSEMENT    DE    LA    ROVAUTli^  JUIVE  IQ 

Haouarou  (Avaris-Tanis).  Ces  peuplades  ne  sont  toutefois  pas 
à  prendre  pour  des  nomades  ;  les  plus  voisines  de  la  mer  et  de  la 
Chaldée  avaient  dû  mener  la  vie  sédentaire  (i). 

Parmi  les  peuplades  du  delta  qui,  sous  la  deuxième  série  de 
la  dix-septième  dynastie  lurent  asservies  par  les  Thébains, après 
que  ceux-ci  eurent  repris  le  pouvoir  sur  ces  Hycsos,  il  iaut 
compter  les  Hébreux  dont  le  livre  de  l'Exode  nous  retrace  l'op- 
pression subie  en  Egypte  et  la  délivrance,  sur  l'ordre  de  Dieu, 
par  Moïse,  après  une  tyrannie  qui  dura  selon  la  Bible,  43o  ans. 
(D'après  Ex.,  XII,  40;  d'après  Gen.,  XV,  i3":  400  ans.) 

Sur  cette  question  de  l'époque  où  se  lit  l'exode,  les  avis  sont     L'Exode 
toujours  partagés. 

D'après  M.  Miketta  (2)  l'événement  se  passerait  sous  Amé- 
nophis  II  (1461-1436).  Il  prend  comme  date  minima  du  règne 
d'Hammourabi,  qu'il  considère  comme  contemporain  d'Abra- 
ham, l'année  2100  (alors  que  d'après  le  P.  Scheil  on  ne  peut 
remonter  au-delà  de  2o5o)  et  les  années  d'asservissement  des 
Hébreux  en  Egypte  comme  étant  de  430  (d'après  Ex.,  XII,  40 
et  non  d'après  Gen.,  XV,  i3,  qui,  étant  une  prophétie,  indique 
un  chiffre  rond  de  400  ans).  Additionnant  ces  430  ans  avec  les 
années  écoulées  entre  Abraham  et  l'immigration  en  Egvpte,  il 
obtient  une  période  de  645  ans  depuis  Abraham  jusqu'à  l'exode 
(3).  En  soustrayant  645  de  2100  on  arrive  à  1455,  en  plein 
règne  d'Aménophis  II  (1491-1436  d'après  lui).  M.  Miketta  voit 
dans  les  Habiru  des  lettres  de  Tell-el-Amarna  (4)  les  Hébreux. 


II)  Maspero.II,  j).  G2. 

(ti)  'y>llKV:\"\'A.^  Der  Pliarao  des  Auszns^ea,  ([a.i\s  la  collection  Biblische  Stu- 
ilien.   Ileriler.  rribourg,  igoS. 

(31  Les  LXX  (louneiit  Ex.,  XII,  4o  :  43<>  ans  pour  le  .séjour  en  Canaan  cl 
en  Eg>i)te. 

(4i  Les  lettres  ou  tablettes  cunéiformes  dites  de  Tell-el-Amarua  lurent 
trouvées,  vers  la  fin  de  1888,  dans  des  cassettes  en  bois,  par  une  fellahine 
égyptienne  qui  cherchait  du  sébah  (poussière  nitrée.  employée  comme 
engrais),  aux  environs  des  ruines  dites"  Tell-el-Aniarna  »,  où  fut  jadis  le 
palais  d'Aménophis  IV.  (Les  pavements  eu  stuc  peint  de  ce  palais  ont  été 
trouvés  par  M.  Fliuders  Pétrie,  en  1891-92,  du  côté  Est  du  Xil,  à  une  demi- 
heure  de  la  localité  riveraine  de  Hagg-Kandill.  La  pauvresse  les  vendit 
pour  quelques  piastres,  comme  «  antika  »  à  des  connaissances  qui  les  écou- 
lèrent à  .\chmim,  à  Louxor  et  au  Caire.    On  estime  à  36o  à  peu  près  le 


20  DES    ORIGINES 

Ces  Habiru  sont  représentés  dans  les  tablettes  du  roi  Abdi- 
hiba  d'Urusalim  comme  dévastant  les  territoires  du  pharaon 
dans  le  pavs  de  Canaan.  Cette  considération  lui  fait  maintenir 
son  avis  sur  le  pharaon  de  l'exode,  tout  en  reconnaissant  que 
ses  conclusions  ne  peuvent  être  qu'hypothétiques  (i). 

Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  cette  fixation  du  régne 
d'Hammourabi  à  l'époque  2100  est  discordante  de  celle  de  2o5o 


nombre  primitif  des  tablettes,  dout  ])lusieurs  lurent  brisées  au  cours  des 
négociations  (qu'elles  subirent. 

Le  Musée  de  Berlin  en  possède  la  plus  grande  partie  :  199  tablettes  et  une 
vingtaine  de  fragments  ;  80  reposent  au  Britisli-Museum  de  Londres  ;  ôo  au 
Musée  égyi)tieu  du  Caire  et  22  au  Musée  d'Oxford.  Ces  tablettes  en  terre 
cuite  appartiennent,  i)Our  le  plus  grand  nombre,  au  règne  d'Aniénophis  IVJ 
quelques-unes  à  celui  de  son  prédécesseur  Aménopliis  III.  Plusieurs  ont 
été  expédiées  par  la  chancellerie  i)haraonique  ;  la  plupart  i)rovienneiit  des 
roitelets  (KAsie-Mineure  et  du  pays  de  Canaan  ;  quelques-unes  inétne  des 
rois  do  Kabylonie  et  d'Assyrie,  et  elles  sont  adressées,  soit  aux  i)liaraons, 
soit  à  lies  personnages  de  leur  maison,  soit  à  leurs  luiuts  fonctionnaires; 
elles  sont  écrites  en  babylonien,  la  langue  diplomaticiue  internationale 
de  l'époque  ;  toutefois,  il  s'y  nièle  des  expressions  et  des  tournures 
cananéennes,  parfois  aussi  certaines  expressions  babyloniennes  sont  tra- 
duites jjar  le  mot  liébreu  correspondant.  (Quelques  unes  de  ces  tablettes 
contiennent  même  des  syllabaires  et  des  exercices  <le  lecture,  sans  doute 
à  l'usage  des  scribes  égyptiens.  Le  thème  de  ces  lettres  est  divers.  Cer- 
taines annoncent  l'envoi  de  présents  et  demandent  en  échange  des  pro" 
duits  égyptiens;  d'autres  contiennent  des  demandes  en  mariage,  ces 
alliances  récipi'oques  maintenant  la  bonne  entente  entre  les  cours  orien- 
tales de  l'Elgypte  et  de  l'Assyro-Babylonie  ;  beaucou])  sont  d'un  intérêt 
politique  i)lus  immédiat.  Nous  y  voyons  les  princes  jdiéniciens  et  cana" 
néens  rendre  compte  au  jiharaon  ou  à  ses  grands  de  la  situation  de  leurs 
pays  soumis  à  sa  suzeraineté.  On  y  lit  des  dénonciations  réciproques  d'in- 
fidélité,la  justification  de  griefs  formuléSjdes  protestations  de  soumission; 
souvent  une  demande  de  secours,  cjui  ne  vient  jamais,  pour  défendre  le 
pays  contre  les  incursions  des  Amurru,  des  Ilattatu  et  des  Habiru. 

L'impression  d'ensemble  qui  se  dégage  de  cette  correspondance,  c'est 
<iue  l'Egypte,  occupée  et  absorbée  par  des  difficultés  intimes,  n'est  pas  à 
mènie  de  retenir  sous  une  ilominatiou  efficace  et  par  des  démonstrations 
guerrières  ces  i)ays  dont  les  occupants  manifestent  des  velléités  d'indé- 
pen<lance  et  dont  les  territoires  sont  envahis  déjà  par  des  hordes  étran- 
gères. Nous  avons  ainsi  des  renseignements  sur  bien  des  (jnestions  clirono- 
logi(|ues,  géograi)hi(iues  et  ()oliti(iues  à  une  épo(iue  et  i)our  des  territoires 
sur  lesciuels  nous  sommes  si  i)eu  documentés. 

Voir  dans  l'appendice  la  copie  d'une  des  lelti'cs  d'Abdi-hiba  d'Urusalim 
à  Aménophis  IV. 

(I)  Die  Aniarnuseil,  p.  44-  brochure  de  la  collection  «  liihlisc/ic  Zeit- 
fragen  ».  .\schendorffsche  Buchhandl.  Miinster  i  W.,  i<)o8. 


A  l'ktahlissemext   de  la  royauté  juive  21 

(2040  d'après  le  P.  Dhorme)  donnée  par  le  P.  Scheil  (i).  En- 
suite, cette  identitication  des  Habiru  (qui  appartiennent  au 
groupe  des  Habbatu  ou  Sa-Gaz)  avec  les  Hébreux  n'est  jias 
certaine.  Les  lettres  de  Tel  1-el-A marna  ne  donnent  pas  à  enten- 
dre d'ailleurs  que  les  Habbatù,  dont  t'ont  partie  les  Habiru, 
soient  des  envahisseurs  venus  de  l'étranger,  tels  que  le  seraient 
les  Hébreux,  mais  bien  plutôt  des  nomades  qu'on  opposerait 
aux  habitants  des  villes.  Habiru  est  un  participe  qui  peut 
signifier  les  «  passants  »,  tandis  que  """IrV-  est  un  gentilice 
supposant  une  désignation  locale  ou  généalogique  (2). 

D'autres  voient  avec  plus  de  raison,  semble-t-il,  le  pharaon 
de  l'exode  en  Ménephtah  I  (i3oo-i25o  environ,  d'après  la  liste 
du  catalogue  du  British  Muséum).  Ex.,  I,  ss.  nous  apprend 
qu'Israël  bâtit  des  villes  en  Egvpte  pour  servir  d'entrepôts  de 
blé  à  pharaon,  savoir  Pithom  et  Ramsès. 

Or,  les  récits  égyptiens  (papyrus  Anastasi,  II,  pi.  1,2 
Anastasi,  IV,  pi.  6),  célèbrent  la  fondation  de  la  ville  de 
Ramsès  par  le  pharaon  Ramsès  II,  père  de  Ménephtah  (3). 
De  plus,  la  stèle  de  Ménephtah  (4)  semble  bien  faire  allusion 
à  l'exode  quand  elle  dit  :  ù  Le  Hittite  rend  hommage,  les  Ca- 
nanéens sont  capturés  comme  tous  mauvais,  l'Ascalonite  est 
transporté,  Gézer  est  empoigné,  Jamnia  est  lait  comme  n'exis- 
tant pas,  Israël  est  déraciné  et  n'a  pas  de  graine  ».  Cette  façon 
particulière  de  s'exprimer  sur  Israël  qui  est  comparé  à  une 
plante  déracinée,  (jui  ne  se  reproduira  pas,  s'applique  à  mer- 
veille à  une  race  errante  et  sans  patrie  qu'était  alors  Israël, 
après  son  départ  de  Gessen  et  avant  l'entrée  dans  la  terre  pro- 
mise (5). 


Il)  Oïl  eu  trouveiM  la  jiistific-iiLioii  dans  :  Textes  Elamiles-Aiiziinites, 
2«  série,  p.  XIII.  Tome  V  îles  Mémoires  rie  lu  déléi^'-iilioii  en  Perse.  Piir\s, 
Leroux. 

(1»)  Dhormi:,  Les  pays  l)il>li(/ues  tiiix  temps  d'El-Amurna.  lU'v.  Bibl.  1909. 
!>]>•  72,  73. 

(3)  Pllir.lPlM':  ViRKV,  \iite  sur  le  pharaon  Ménephtah  et  les  temps  de 
l  exode.  Rev.  Bibl.  1900,  p.  5So,  iiotei. 

(4>  Cette  stèle  lut  érij^t'e  par  ce  prince  à  Toccasiou  de  sa  virtoire  sur  les 
Lybiens  et  découverte  par  M.  Flinders  Pétrie  derrière  les  colosses  de 
Memnon,  près  de  Thèbes,  rive  Ouest,  à  10  iniiiutes  à  TEst  «le  Médinet- 
Ilabou.  ^ 

('11  Rev.  Kibl,,  i()oo.  p.  "85. 


22  DES   ORIGINES 

M.  Flinders-Pétrie  (i)  préfère  reconnaître  dans  «  Israïlou  » 
un  ancien  clan  des  montagnes  de  Canaan  qui  ne  se  serait  jamais 
fixé  en  EgN'pte,  ou  encore  un  clan  formé  et  grossi  par  des  émi- 
grations successives,  car  rien  ne  prouve  que  tons  les  Hébreux 
demeurèrent  en  Egypte  jusqu'au  moment  de  l'exode  sous 
Moïse;  Gen.,  L  nous  en  montre  allant  enterrer  Jacob  au  champ 
de  Macpéla  vis-à-vis  de  Mambré,  et  il  n'y  a  aucun  inconvénient 
à  admettre  qu'un  certain  nombre  soit  resté  sur  les  lieux  et 
ait  fini  par  constituer  un  groupe  assez  nombreux.  Cela  explique- 
rait pourquoi  la  stèle  les  appose  à  leurs  voisins  d'Ascalon,  de 
Gézer  et  de  Jamnia  (2).  Le  motif  en  est  que  M.  Flinders-Pétrie 
entend  cette  expression  «  Israël  est  déraciné  et  n'a  pas  de 
graine  »  d'une  défaite  en  bataille  rangée,  infligée  par  les 
Egyptiens  à  cet  Israël;  dès  lors,  ce  ne  peuvent  pas  être  les 
Hébreux  en  exode  sous  la  conduite  de  Moïse,  pour  le  motif 
justifié,  que  nulle  part,  dans  la  Bible,  au  milieu  des  guerres  et 
des  agitations  qui  se  produisaient  au  moment  de  la  prise  de 
possession  de  Canaan,  et  pas  davantage  sous  le  gouvernement 
des  Juges,  il  n'y  a  trace  d'invasion  égyptienne  en  Palestine. 
Cette  expédition  aurait  eu  lieu  dès  lors  avant  l'entrée  en 
Palestine  des  Hébreux  de  l'exode. 

Nous  préférons  partager  l'opinion  de  Virey  (3)  d'après 
lequel  le  sens  du  mot  égyptien  «  fekt  )>  qui  est  employé  pour 
caractériser  la  situation  d'Israël,  doit  signifier  autre  chose 
que  la  défaite  d'Hébreux,  fixés  définitivement  sur  une  terre. 
Il  est  à  remarquer  que  dans  cette  inscription  les  noms  des  autres 
peuples  sont  précédés  du  signe  hiéroglyphique  indiquant  une 

race  étrangère  ^  accompagné  du  signe  hiéroglvphique  <-  ^  i  qui 
indique    le    sol    étranger    possédé   par    cette    race   (J^).    Seul 

Israël  n'est  pas  distingué  par  le  second  signe,  et  cette  omission 
semble  bien  indiquer  que,  s'il  existe  comme  race,  il  n'existe  pas 
comme  pays.  Si  la  racine  «  fek  »  se  retrouve  dans  le  mot  copte 
uoi£   dont  le  sens  est  bien   «   arracher,  déraciner  «  {Version 

(i)  Coiih'inporary  licniew.  May  iHi}G.  \)\}.Q'2^>-2'].  Eg-ypt  tnui  Israël. 
(21  Dkiiuir,  La  stèle  de  Ménephtah  et  Israël,  Rev.  liihl.  1899,  p.  27"). 
(3)  Rev.  Bibl.  1900,  p.  582-85. 


A  l'Établissement  di:  la  royauté  juive  23 

copte.  Mat.  XIII,  29;  Luc,  X\'II,  6),  nous  aurions  une  confir- 
mation de  plus;  quoiqu'il  en  soit,  il  semble  bien  que  l'exode  se 
place  le  mieux  sous  le  successeur  du  roi  qui  fit  bâtir  Pithom  et 
Ramscs,  c'est-à-dire  sous  Ménephtah,  et  probablement  en 
l'an  III  de  son  règne,  la  stèle  ayant  été  gravée  l'an  V. 

M.  Maspero  est  entré  également  dans  ces  vues;  jadis  il  avait 
cru  devoir  mettre  l'exode  sous  un  des  successeurs  de  Mé- 
nephtah, maintenant  il  dit,  II,  pp.  443,  444  :  «  L'opinion  la  plus 
accréditée  place  l'exode  des  Hébreux  sous  le  règne  de  Mé- 
nephtah et  le  témoignage  d'une  inscription  triomphale  semble 
le  confirmer.  Si  c'est  bien  l'Israël  biblique  qui  se  révèle  pour 
la  première  fois  sur  un  monument  égyptien,  on  pourra  sup- 
poser qu'il  venait  à  peine  de  quitter  la  terre  de  servage  et  de 
commencer  ses  courses  errantes  )>. 

M.  Pelt  constate  aussi  que  l'opinion  la  plus  admise  est  celle 
qui  place  l'exode  sous  Ménephtah  (i). 

Les  Hébreux  passèrent  le  bras  de  la  mer  Rouge  probable- 
ment entre  le  lac  Timsah  et  les  lacs  amers  (2)  pour  se  lancer 
dans  les  déserts  de  la  presqu'île  sinaïtique,  où  ils  durent  endu- 
rer les  privations  qui  si  souvent  leur  arrachèrent  des  mur- 
mures; ils  eurent  même  à  combattre  les  Amalccites.  (Ex., 
XX'il,  S,  ss.)  On  lira  l'Exode  à  partir  de  XV  et  le  Lévitique 
jusqu'à  X,  II,  pour  se  rappeler  les  épisodes  qui  caractérisèrent 
le  séjour  des  Hé'nreux  avant  et  pendant  la  manifestation  de 
Jahvé  au  Sinaï. 

La  deuxième  année,  au  vingtième  jour  du  deuxième  mois,  ils 
levèrent  leur  campement  et  reprirent  leur  marche  vers  la  terre 
promise.  Ils  se  dirigèrent  sur  Cadès  (Ain  Gadès  ou  Kdeis),  d'où 
Moïse  envoya  des  explorateurs  se  rendre  compte  du  pays  jus- 
qu'à Hébron  (Xum.,  XIII).  Apprenant  les  difficultés  qu'il 
aurait  à  s'emparer  de  cette  contrée,  le  peuple  se  révolta,  en 
punition  de  quoi   il    dut   errer  pendant   38  ans   encore  dans  le 


(i)  PEr.T,  Histoire  de  l'Ancien  Testument,  vol.  I,  4^  éflitioii,  Paris,  Leooft're, 
19(4.  p.  Ii21. 

La  géog;rai)liie  du  teinj)»  de  la  dix-liuitiéiue  dynastie  nous  montre  la 
mer  Rouge  remontant,  <iuoi<iue  par  des  passages  à  peine  continus  et  par 
conséquent  à  peine  inondés,  jusqu'aux  environs  de  Pithom  ou  Ileroopolis. 
LaokanhK,  Itinéraire  des  Israélites.  Rev.  Bibl.  1900   pp.  'y8-8i. 

Ubach.  El  Sinai.  Oliva,  Harcelona.  191.3.  pp.  55  ss. 


24  DES   ORIGINES 

désert.  (Num.,XIV,32,  33).  Ce  temps  écoulé  (Num.,  XIV-XX), 
Moïse  envoya  de  Cadès  des  messagers  au  roi  d'Edom  pour  lui 
demander  iXX,  14,  ss.)  de  passer  par  son  territoire  et  d'entrer 
ainsi  dans  le  pays  de  Canaan,  mais  les  Edomites  s'opposèrent 
à  ce  projet  et  les  Israélites  furent  contraints  de  prendre  le  che- 
min de  la  mer  Rouge,  pour  passer  derrière  Edom  en  contour- 
nant le  mont  Séir,  qui  dans  la  Bible  désigne  toujours  le  massif 
de  montagnes  au  Sud  d'Hébron  (i)  et  non  pas  la  montagne 
orientale  où  est  Pétra.  Deut.,  II,  8  (LXX)  indique  la  route 
suivie  :  «  Nous  passâmes  donc  à  distance  de  nos  frères,  les 
enfants  d'Esaù  qui  habitent  en  Séir,  par  le  chemin  de  l'Arabah, 
près  d'Aïlon  et  d'Ezion  Gaber.  »  Ils  remontent  la  vallée  stérile 
et  inhabitée  de  l'Arabah  qui  divise  le  territoire  d'Edom,  pour 
obliquer  vers  l'Est  dans  le  désert  de  Moab,  probablement  au 
torrent  de  Zared.  Ils  arrivent  d'abord  à  Salmona  (inconnue  jus- 
qu'ici), puis  à  Phounon  (2)  et  ensuite  à  lyé-ha-'Abarim  (distin- 
guant ainsi  de  l3^é  de  Juda,  Jos.,  XV,  2g)  (3).  Or,  ces  monts 
Abarim  sont  ceux  qui  dominent  la  mer  Morte  jusqu'au  X^ébo 
au  Nord,  jusqu'à  la  limite  de  Moab  au  Sud,  Ce  ne  peuvent 
être  les  collines  à  l'Est  du  désert  de  Moab,  («  d  l'Orient  du 
soleil  »  qui  ne  figure  pas  dans  Num.,  XXXIII,  44,  doit  être 
rayé  de  Num., XXI,  11  ;  cfr.  Rev.Bibl,igoo,pp,286  et  443).C'est 
donc  le  long  de  la  vallée  de  Zared,  que  les  Israélites  con- 
tournent Moab,  à  l'Ouest,  en  passant  de  l'Arabah  entre  le 
Gébal  et  Kérak,  pour  arriver  au  désert  par  derrière  l'Arnon, 
Num.,  XXI,  i3,  (ils  contournent  donc  Moab  par  l'Ouest  et  par 
le  Nord.  Rev.  Bibl.  1900, p. 444),  et,  une  fois  passé  le  torrent  de 
l'Arnon,  ils  entreprirent  la  conquête  du  pays  des  Amorrhéens, 


(i)  Lagrangk,  Phounon,  Rev.  Bibl.  i8()8,  p.  ii5. 

(2)  Kirbet-Fenàu,  à  l'Est  des  sables  rouges  de  Feddâii,  à  10  kilomètres 
Nord-Ouest  de  Chôbak,  <à  la  lisière  Est  de  l'Ai'abali.  L'identification  faite 
eu  i8()()  du  Kirhet-Fenân  avec  le  Phounon  biblique  par  le  P.  Lagran^ije 
prouve  l'itiucraii'e  par  l'Arabah.  (Cfr.  Lagrauge.  Itinéraire  des  Israélites . 
Rev.  Hibl.  1900,  p.  28G  et  Phounon.  Rev.  Bibl.  iSi)8,  pp.  112  ss.) 

De  toutes  nos  chevauchées  en  Palestine  nous  n'en  avons  pas  connue  de 
plus  difficile  à  effectuer  (lue  celle  de  Phounon  et  si  nous  n'avions  pas  été 
précédés  i)iir  le  P.  Lagrange  en  181)6,  nous  ne  l'aurions  jamais  tentée.  Nos 
Arabes  d'ailleurs  ne  se  montraient  guère  enthousiastes  <le  l'expédition. 
Voir  le  récit  de  cette  journée  dans  Ubagh  :  El-Sinai,  pp.  .'{i5  ss. 

(3j  Rev.  Bibl..  if)Oo,  p.  28U. 


A    L  ETABLISSIiMEXT    DE    LA    KOVAUTi:    JUIVE 


2.") 


dont  le  roi  Séhon  d'Hésébon  avait  également  retusé  le  passage, 
puis  celle  du  pays  de  Basan  et  de  Galaad  (i)  pour  passer 
ensuite  à  l'Ouest  du  Jourdain  (clV.  Deut.,  I-III  et  Josué). 

Encore  une  fois,  nous  interrompons  le  récit  des  événements 
pour  donner  les  renseignements  nécessaires  sur  les  Deuples 
avec  lesquels  les  Hébreux  entrent  en  contact  :  Edomites, 
Moabites  et  Amorrhéens. 


Si  l'on  ne  compte  pas  la  tribu  ilkigitime  d'Amalec,  on  trouve 
douze  tribus  pour  Edom.  (Gen.,  XXXVI,  4-14;  16-22.) 

En  quittant  Canaan,  Esaù  vint  s'établir  dans  les  montagnes 
de  Séir  (Gen.,XIV,6,XXXVI,  8;Deut.,II,5),  d'abord  occupées 
par  les  Horites.  Il  est  prouvé  que  les  monts  et  les  plateaux  au 
Sud  de  la  Judée  portaient  le  nom  de  mont  Séir  et  qu'il  n'v 
a  pas  lieu  d'entendre  par  là  le  Djébel-ech-Chérah  (2).  Edom 
s'étendait,  en  plus,  à  l'Orient  de  1'  «  Arabah  »  dans  le  Chérà  et 
le  Djebàl  ;  au  Sud-Est,  il  comprenait  Elath  et  Eziongaber 
(I  Reg.,  IX,  26)  ;  à  l'Ouest  il  touchait  à  Cadès-Barné,  Aïn- 
Qdeis,  (Jos.,  XV,  2-4),  où  il  confinera  à  la  tribu  de  Juda. 
Bosra,  Phounon,  Théman  et  Pétra  étaient  de  ses  villes 
principales.  Au  moment  de  l'entrée  des  Hébreux  dans  la 
terre  promise,  nous  voyons  les  Edomites  leur  refuser  le  pas- 
sage par  leur  pays.  Plus  tard  David  les  soumit;  dans  la  suite 
ils   se    révolteront    souvent   et    attaqueront    fréquemment    les 

(1)  Un  différend  étant  né  entre  Laban  et  Jacob,  ceux-ci  pour  le  terminer 
firent  une  alliance  en  témoignage  de  laquelle  ils  érigèrent  un  monceau  <le 
pierres  tiue  Jacob  appela  "  Galaad  »  (-;y^'  :  «  monceau  du  témoignage  » 

de  ss»  :  «  rouler   des  pierres  »  et  i^j;  à  l'hiphil  :   «  rendre  témoignage, 
assurer  »    Gen.,  XXXI). 

Kst-ce  lorigi'ie  du  nom  donné  au  pays  ou  la  scène  se  passa  !  En  tout  cas, 
à  ce  pays  de  «  (Jalaad  »  dont  il  est  souvent  (juestion,  correspond  partielle- 
ment ce  (lui  sera  appelé  plus  tard  la  Transjordane  et  la  Pérée  ;  il  est  diffi- 
cile de  préciser  les  territoires  visés  dans  les  multiples  emplois  de  ce  mot. 
Les  limites  extrêmes  semblent  avoir  été  outre  le  Jourdain  à  l'Ouest,  les 
montagnes  du  Haurau  et  même  le  désert  de  Syrie  à  l'Est;  l'Arnon  au  Sud 
et  rilermon  au  Xord.  Le  pays  est  un  massif  de  montagnes  i)arallèles  à 
celles  qui  traversent  la  Palestine  de  Tautre  côté  du  Jourdain.  Lieu  de 
pâturage  recherché  jjar  les  Rubénites  et  les  Gadites,  Xum.,  XXXII,  1-4, 
Cant.,  IV.  I  et  VI.  ,");  il  était  occupé  par  de  vastes  forêts  :  Jér.,  XXII,  G.  Les 
Amorrhéens,  Ammonites  et  Israélites  en  occupèrent  diverses  j)arties. 

(2)  lj.\i.iR.\sv.v:,  Le  Si  liai  Biblique.  Rev.  Bibl  .  1899,  pp.  374-7»;. 


Edomites 
Moabites 
Amor- 
rhéens. 


26  DES    ORIGINES 

Juifs.  Ils  coopéreront  à  la  guerre  de  Nabuchodonosor  contre 
Sédécias  et  profiteront  de  cette  occasion  pour  occuper  le 
midi  de  la  Judée,  où  nous  les  retrouverons,  et  nulle  part 
ailleurs,  à  l'époque  des  Machabées.  Ils  auront  alors  dû 
évacuer  leurs  positions  à  l'Est  de  la  nier  Morte  devant 
les  Nabatéens.  Jean  Hyrcan  (i35-i04)  leur  imposera  la  cir- 
concision. A  l'époque  machabéenne  le  mot  Idumée  s'appli- 
que également  à  une  bonne  partie  de  la  Judée  Méridionale  (en 
comprenant  Hébron  et  Bethsura)  qui,  demeurée  sans  maîtres, 
au  moment  de  la  captivité,  tut  envahie  par  une  immigration 
considérable  de  la  population  édomite.  C'est  la  force  de  ses 
citadelles  bâties  sur  les  rochers  et  de  ses  refuges  inaccessibles 
qui    faisait  l'orgueil    d'Edom.    (Jer.,    XL.IX.    10-16;    Abdias, 

3-6.)  (I)  ,a.-A   _ 

Moab  était  frère  d'Ammon  et  fils  aîné  de  Lot.  (Gen.,  XIX, 
36-37. )A  l'époque  de  sa  plus  grande  extension,  Moab  s'étendait 
depuis  le  Jabbok  (partie  Sud-Est  :  Xahr-es-zerka)  jusqu'au 
moderne  Ouadi-el-Hésa  (torrent  de  Zared  au  Nord  de  Taphî- 
leh).  A  l'époque  de  la  conquête  Israélite,  il  était  borné  au 
Nord  par  TArnon  (Num.,  XXI,  i3);  au  Sud  par  :  lyé-ha-'Aba- 
rim  (Num.,  XXXIII,  43-45),  à  deux  journées  de  marche  de 
Phounon;  sa  frontière  orientale  était  le  désert  qui  s'étend 
jusqu'à  l'Euphrate  (Deut.,  II,  8),  à  l'Ouest  c'était  la  mer 
Morte.  Peu  de  temps  auparavant  (Num.,  XXI,  26  et  Jos., 
XIII,  25)  la  frontière  passait  au  Nord  d'Hésébon  et  atteignait 
Rabba,  Séhon  des  Ammonites  avait  déjà  repoussé  les  Moabites 
jusqu'à  l'Arnon,  lors  de  la  conquête  israélite. 

Le  roi  Mésa,  dont  il  sera  question  plus  loin,  ne  doit  pas  avoir 
reporté  sa  frontière  au  delà  de  Madaba,  car  c'est  la  dernière 
ville  septentrionale  qu'il  cite.  Du  temps  d'Isaie  et  Jérémie  le 
pays  s'étendait  de  nouveau  jusqu'à  Méphaath  (Jér.,  XLVIII, 
21),  à  dix  kilomètres  au  sud  de  Rabbath-Amon  iKirbet-Nefà?). 
C'est  dans  la  plaine  ou  sur  le  haut  plateau  de  Moab  que  se 
place  l'idylle  du  livre  de  Ruth.  Moab  suivra  les  destinées  des 
peuples  palestiniens   dans  leur  sujétion    aux    grands   empires 


(i)  Dictionnaire  de  la  Bible,  publié  par  Vl(H)LROlx.  Paris,  Letouzey  et 
Ane,  lyiîi,  cinq  tomes,  au  mot  Idumée. 


A  l'Établissement  de  la  rovaiti:  juivi:  27 

de  l'Asie.  Les  Asmonéens,  profitant  des  troubles  dans  lesquels 
se  trouvera  impliquée  la  Syrie,  s'empareront  de  Moab  septen- 
trional {.hit.  '}ud.,  1.  XIII,  cil.  i3.  î^  5),  dont  plusieurs  localités 
passeront  aux  Hérodes.  Le  reste  fera  partie  du  royaume 
arabe  nabatéen  dont  Damas  sera  la  capitale.  En  106.  Trajan 
réduira  l'Arabie,  dont  Moab  fait  partie,  en  province  ro- 
maine (i). 

Le  terme  d'Amorrhéen  désigne  dans  la  Bible,  parallèlement 
à  celui  de  Cananéen,  les  habitants  de  la  Palestine  antérieurs  aux 
Hébreux  (2).  On  s'est  aperçu  que  E  parle  d'Amorrhéens  là  où 
J  parle  de  Cananéens  et  P  de  Canaan,  toutelois  la  Bible 
elle-même  distingue  entre  les  deux,  tout  en  laissant  sub- 
sister une  unité  de  race,  par  le  fait  qu'elle  ne  leur  assigne 
jamais  le  même  habitat.  Le  pays  est  tout  d'abord  au  pouvoir 
des  Cananéens  :  ils  le  partagent  plus  tard  avec  les  Amorrhéens 
qui  occupent  tout  le  haut  du  pays,  la  plaine  restant  réservée 
aux  Cananéens  (Xum.,  XIIl.  29,  Deut.,  I,  7,  Jos.,  XL  3); 
plus  tard  encore  surviendront  des  épaves  hétéennes.  Cana- 
néens et  Amorrhéens  faisaient  partie  de  l'ébranlement  ini- 
tial qui  avait  introduit  les  Sémites  en  Svrie  ;  mais,  tandis 
que  les  premiers  pénétraient  jusqu'à  la  mer  et  s'y  instal- 
laient, les  Amorrhéens  se  cantonnaient  dans  la  plantureuse 
Coelé-Syrie(3)  autour  de  Ouodshou  (4  .  Dans  la  suite,  ébranlés 
par  le  choc  des  hordes  asiatiques,  harcelés  constamment  par 
les  Araméens,  ils  évacuèrent  en  partie  les  positions  qu'ils 
occupaient  sur  l'Oronte  et  le  Litany  et  descendirent  vers  le  Sud 
en  refoulant  les  Cananéens.  Ils  occupèrent  les  alentours  du  lac 
de  Génésarethjles  monts  au  sud  du  Thabor,le  bassin  moyen  du 
Jourdain  et  les  cités  à  l'Est  du  Jourdain.  Bientôt  le 
territoire  envahi  fut  partagé  en  deux  rovaumes  :  au  X^ord,  celui 
de  Bashan  qui  comprenait,  av^ecle  Hauran,  les  steppes  arrosés 
par  le  Yarmouk  ;  au  Sud,  celui  de  Hesbon  de  qui  relevaient 
les  districts  situés  sur  le  Jabbok  et  l'Arnon  à  l'Est  de  la  mer 


'  I)  Dict.  Uibl   au  mot  Moab 

(2)  M.\sPERo   II,  p.  148,  note  2. 

•  3)  Vincent,  Canaan,  pp.  4">3-5G,  note. 

<4i  Maspero,  II,  p.  i+S- 


28 


DES    ORIGINES 


Occupation 

de  la 
Palestine 

par  les 
Hébreux. 


Morte  (i).  Ils  assujettirent  encore  une  partie  des  petits  États 
cananéens  entre  le  Jourdain  et  la  Méditerranée.  Un  de  leurs 
clans  campait  au  bord  de  la  mer  entre  Ekron  et  Joppé  (Jud.,  I, 
34 j  :  un  autre  installé  à  Jébus  au  mont  Moriah  se  taisait  appeler 
Jébusites.  D'autres  s'étaient  fixés  près  de  Sichem  et  au  Sud 
d'Hébron,  en  assez  grand  nombre  pour  imposer  aux  monta- 
gnes qui  longent  la  mer  Morte  le  nom  de  «  monts  des  Amor- 
rhéens  ».  (Deut.,  I,  7,  22  ss.)  (2). 

Après  le  règne  de  Ménephtah  qui  avait,  comme  sa  stèle  nous 
l'apprend,  rétabli  la  domination  égyptienne  sur  les  provinces 
palestiniennes,  des  tendances  de  rébellion  se  manifestèrent  de 
nouveau  dans  les  régions  extrêmes. de  l'empire  (3).  -Les  peu- 
ples d'Asie  Mineure,  culbutés  apparemment  par  quelque  mi- 
gration septentrionale,  avaient  reflué  vers  la  Syrie.  Royaume 
hébreu,  régions  amorrhéennes,  Phénicie,  provinces  égyptien- 
nes de  Canaan,  tout  avait  été  mis  à  mal  par  les  envahisseurs. 
Ramsès  III,  en  l'an  VIII  de  son  règne  (peu  après  i25o  ?),  les 
défit  dans  la  Séphélah  et  les  poursuivit  par  terre  et  par  mer  le 
long  de  la  plage  jusqu'à  l'Oronte,  pendant  qu'une  partie  de  ses 
troupes  traversait  la  Cœlé-Syrie  et  ravageait  les  terres  jusque 
dans  les  plaines  de  l'Euphrate.  Ce  qui  restait  des  vaincus,  il 
l'installa  sur  la  côte,   les  Philistins  (4)  dans  la   Séphélah,  les 


(r)  Maspeko,  II.  pp.  6-G,  (377. 

(z)  Maspero,  Histoire  ancienne^  p  222. 

(3)  Clr.  ViNCK.NT,  CfiiiHan,  pp.  458  ss.  Maspkko,  II,  p.  466. 

(4)  La  Bible  (Deut.,  II,  33,  .Ter.,  XLVIII,  4  Amos,  IX,  7)  l'ait  venir  les 
Philistins  de  Caphtor  qu'on  identifie  communément  avec  l'île  de  Crète; 
aussi,  I  Sam.,  XXX.  14,  Ezéch.,  XXV,  1(5,  Soph.,  II,  5,  sont-ils  appelés  les 
Q^^  -|  3   :  (Van   IIoonacker,  Les  douze  /)etits  prophètes,   Paris,   Gabalda, 

i;)O.S,  pp.  280,81).  Sous  le  règne  de  Ramsès  III,  il  y  eut  dans  la  Syrie  et  la 
Palestine  une  invasion  des  peuples  du  centre  de  l'Asie  Mineure,  culbutés 
par  la  poussée  des  ma.sses  européennes,  qui  avaient  l'ranehi  le  Bosphore 
et  la  Propontide  (merde  Marmara).  Après  avoir  ravagé  la  C(ï'lé-Syrie.  ils 
s'attaijuèrent  au.\  sujets  du  pharaon.  La  Crète  était  à  ce  moment  le  siège 
d'un  empire  maritime,  dont  leschels  écumaientles  mers  et  harcelaient  les 
états  policés  de  la  Méditerranée  orientale.  Pendant  (juo  les  hordes  asia- 
tiques précitées  s'avant;aient  par  voie  de  terre,  ces  pirates  filaient  le 
long  <le  la  côte,  comme  nous  lavons  fait  remarquer  dans  le  texte.  Les 
armées  égyptiennes   rencontrèrent   probablement   dans  la  Séphélah   les 


A    L'ÉTAHLISSEMENT    de    la    ROVAUTi;    jri\i-  2g 

Zakkala  du  Cannol  à  l)or.  A  ce  moment  même  les  Héhreux 
iVanchissaient  le  Jourdain.  Canaan  décimé,  alïaihli  et  divisé, 
allait  se  voir  compénétré  par  les  nouveau- venus. 

Certains  récits  bibliques  à  tournure  synthétique  donneraient 
à  entendre  que  deux  ou  trois  campagnes  auraient  consommé  la 
conquête.  (}os.,  \'I-XII.)  D'autres  passages  nous  font  com- 
prendre qu'en  réalité  ni  conquête  ni  fusion  ne  furent  com- 
plétées de  si  tôt.  Le  passage  XIII,  i,  après  la  récapitulation 
de  XII  en  est  une  preuve  palpable  :  «  le  pays  qui  te  reste  à 
soumettre  est  très  grand  »  est-il  dit  à  Josué,  sur  la  fin  de  sa 
vie,  et  la  répartition  du  pays  entre  les  diverses  tribus,  donnée 
par  les  chapitres  suivants  XV-XX,  peut  être  considérée  plutôt 
comme  juridique  que  comme  une  (juestion  de  lait.  Les  récits 
du  livre  des  Juges  nous  en  donnent  la  preuve  manifeste. 

A  l'approche  de  l'invasion,  les  roitelets  cananéens  essayent 
un  mouvement  d'union,  (fos.,  IX,  i,  2  etX.)  Les  Cananéens  se 
coalisèrent  au  Sud,  à  l'instigation  d'Adonisédeq,  roi  de  Jébus; 
ils  furent  dispersés  non  loin  de  Gibéon.  (Jos.,  X,  Jud.,  I,  i-g.) 
Les  Amorrhéens  du  Nord,  rassemblés  autour  de  Jabin,  roi 
d'Hazbr,  furent  défaits  aux  eaux  de  Mérom,  et  la  Galilée  mise 
à  feu  et  à  sang,  ijos.,  XL)  (i) 

Mais  ces  premières  victoires  remportées,  les  Israélites  cessent 
l'action  commune;  la  prise  de  possession  effective  se  fait 
séparément,  chaque  tribu  se  dirigeant  vers  le  lot  de  son  choix, 
ou  celui  qui  lui  a  été  assigné.  Judas  et  Siméon  s'installent  dans 
le  Négeb;  Ruben  et  Gad  s'en  retournent  à  leurs  troupeaux 
parqués  à  l'Orient  du  Jourdain  et  de  la  mer  Morte,  pays  qu'ils 
avaient  obtenu  déjà  auparavant;  Ruben  occupait  la  côte  orien- 
tale de  la  mer  Morte  jusqu'à  Jéricho  aux   dépens  d'Ammon,  et 


bandes  venues  par  voie  <le  terre,  et  leurs  guli-res  poursuivirent  les  pirates 
jusqu'à  rOronte.  Ilamsès,  après  les  avoir  vaincus,  en  instal'a  une  partie 
sur  la  côte,  les  Zakkala  du  C'armel  à  Dor.et  les  Pulusati  dans  la  Séphélali, 
(Maspkro,  II,  pp.  4^9-7i;  Rev.  Bibl.,  i;)Oi,  p.  3i8>,  du  torrent  d'Egypte  aux 
environs  de  .loppc.  Ciaza,  Asdoud,  Ascalon,  (iath  et  Ekron  furent  les  villes 
principales  de  ce  peuple,  (jui  se  mêla  par  des  alliances  répétées  aux  mai- 
trcs  primitifs  du  sol,  dont  ils  adoptèrent  la  langue  et  la  religion.  Leur 
armée  valait  surtout  par  ses  chars  et  ses  archers.  \'ers  la  fin  du  douzième 
siècle,  une  de  leurs  flottes  s'empara  de  Sidon,  ce  qui  donna  pour  long- 
temps à  Tyr  la  prépondérance  en  Phénicie.(M.\si'KU(),///6'f.  anc  .  pp. 368-374)- 
(i)    MaSI'KKO.  II,  1).  G80. 


3o  DES    ORIGINES 

Gad  au  Nord  de  Ruben  jusqu'au  Jabbok.  (Num.,  XXXII, 
Deut.,  III,  12-17.)  Manassé  eut  également  une  enclave  dans  le 
pays  de  Galaad  et  de  Basan  et  disputa  aux  Araméens  les 
plaines  situées  entre  le  lac  de  Génésareth  et  la  rive  Nord  du 
Yarmouk.  Les  autres  tribus  entament  le  centre  et  le  Nord  de 
Canaan  :  Ephraïm  englobe  les  Amalécites  (i)  aux  environs  de 
Siloh;  Benjamin  s'installe  sur  les  hauteurs  qui  dominent  Jéri- 
cho; Issachar,  Zabulon,  Nephtali,  Aser  gagnèrent  les  collines 
qui  s'élèvent  derrière  Tyr  et  Sidon.  Outre  son  installation  dans 
le  Négeb,  Juda  occupa  encore  les  environs  de  Jérusalem  ; 
Dan  se  tint  d'abord  près  de  Juda  et  de  Siméon,  ensuite  à 
Laïs  (Ouest  de  Banéas).  La  tribu  de  Lévi  n'eut  jamais  d'exis- 
tence politique;  Ruben  se  fondit  bientôt  avec  Gad  {la  stèle  de 
Mésa  au  neuvième  siècle  ne  connaît  que  des  Gadites).  Plu- 
sieurs tribus  n'atteignirent  leur  croissance  normale  que  dans  la 
suite  des  temps,  notamment  Ephraïm,  Manassé,  Benjamin, 
Juda.    Siméon  s'unit  bientôt  à  Juda.  (Gen.,  XLIX,  7). 


(i  Amalec  était  le  petit-fils  d'Esaû  par  Eliphaz  et  Thamua  la  horéeniie. 
Il  est  possible  toutefois  que  la  Bible  ne  uous  indicpie  pas  en  cet  Amalec  le 
père  des  Amalécites.  En  effet  :  i»  Amalec  est  appelé  par  Balaam  :  «  le  com- 
mencement des  peuples  »  Xum.,  XXIV,  20,  ce  qui  se  comprendrait  difficile- 
ment, si  ou  y  voyait  le  descendant  du  petit- fils  d'Esaû  ;  2°  ils  sont  plut(')t 
distingués  de  la  nation  idiiméenne  qu'ils  n'y  sont  rattachés  (2  8am.,  VIII, 
12.  i3;  I  Chron.,  XYIII,  11  ;  Ps.,  LXXXII.  7,  8);  3"  tandis  que  les  Iduméens, 
comme  peuple  parent  d'Israël,  doivent  être  épargnés  et  leur  territoire 
respecté,  Deut.  II,  4-8,  9.  19,  Amalec  est  voué  à  la  mort  Ex.,  XVII,  4;  Deut., 
XXV,  17-19;  I  Sam.,  XV,  e-3.  et  son  pays  doit  appartenir  aux  Hébreux. Xum., 
XIV,  24,  25  {Dict.  Bibl.  au  mot  Amalec  i). 

«  Moïse  ne  reproche  jamais  aux  Amalécites  d'avoir  attaqué  les  Israélites 
leurs  frères;  circonstance  aggravante  qu'il  n'aurait  pas  omise,  s'ils  eussent 
été  descendants  d'Esaii,  et  en  ce  sens,  frères  des  Israélites.  Daus  l'Ecri- 
ture on  voit  presque  toujours  les  Amalécites  joints  aux  Cananéens  et  aux 
Philistins  et  jamais  aux  Idumèens  et  lorsque  Saiil  fit  la  guerre  à  Amalec 
et  qu'il  l'extermina,  les  Iduméens  ne  se  donnèrent  i)as  le  moindre  mou- 
vement pour  les  secourir  ni  pour  les  venger.  Il  est  donc  vraisemblable  que 
les  Amalécites  dont  il  est  souvent  parlé  daus  l'Ecriture,  étaient  uu  peuple 
descendu  de  Canaan,  et  dévoué  à  l'auathème,  de  même  que  les  autres 
Amorrhéens,  et  fort  différents  des  descendants  d'Amalec  petit-fils 
d'Esaii  ».  (Cal.MET,  Dictionnaire  historique...  de  la  Bible,  édition  petit  in-S" 
de  1783,  chez  Lens,  à  Toulouse,  I,  p.  176.) 

Il  est  assez  difficile  de  fixer  les<  limites  occupées  par  le  territoire  des 
Amalécites.  Les  Hébreux  les  rencontrent  une  première  fois  dans  la  région 
septentrionale  de  la  i)éninsule  sinaïtique,  au  Nord  et  à  l'Est  du  golfe  de 


A  l'i':tahi.issement  de  la  royauté  juive  3i 

Chaque  tribu  travaillait   d'ordinaire    à   son  ])rotil;    aussi   se 
trouvèrent-elles  finalement  séparées  en  trois  troncs  : 
au  centre  :  Ephraïm,  Manassé  et  Benjamin; 
au  Sud  :  juda  et  Siméon; 
au  Nord  :  Issachar,  Aser,  Nephtali,  Zabulon  et  Dan. 

Les  tbrteresses  de  Mai^eddo,  Taanak,  Ibleam,  Jezréel,  En- 
dor,  Beshan  formaient  une  barrière  infranchissable  aux  tribus 
du  Nord,  les  empêchant  de  rejoindre  leurs  frères  du  Sud. 
Les  Danites  n'eurent  qu'une  demi-douzaine  de  postes  entre 
Aïalon  et  Jaffa.  Comme  nous  l'avons  dit,  Manassé,  gêné  dans  son 
expansion,  cherchera  fortune  sur  la  rive  Orientale  du  Jour- 
dain, au  Nord  du  Yarmouk,  clans  les  vastes  espaces  qui  s'ap- 
puient aux  monts  du  H  au  r  an. 

Les  diverses  tribus  s'unirent  aux  divers  peuples  dont  elles 
prirent  trop  souvent  les  religions,  se  querellèrent  entre  elles  et 
subirent  fréquemment  le  joug  des  nations  auxquelles  elles 
s'étaient  mêlées  :  Amorrhéens,  Ammonites  (i),  Moabites, 
Philistins.  (Jud.,  Ill,  5-7.) 


Suez.  Kx.  XVII,  8,  puis  les  explorateurs  les  retrouvèreiil  à  la  frontière 
méridionale  de  la  Palestine  dans  le  Xégeb.  Xum.,  XIII,  29,  XIV,  45.  C'est 
là  aussi  (jue  Chodorlahonior  semble  les  avoir  rencontrés  :  (îen  ,  XIV,  7  ss. 
I  Sam.,  XXVII,  7  ss.  et  X\X  les  met  dans  le  voisinage  des  Philistins. Leur 
région  conlinail  donc  à  IKgypte.  aux  Philistins,  au  Sud  de  Juda  et  aux 
Iduméens.  Le  livre  de  l'Exode,  X\II,  8-16,  raconte  la  célèbre  bataille  entre 
les  Hébreux  et  les  Amalécites  dans  la  i)éninsule  du  Sinaï.  Pendant  la  pé- 
riode des  .Tuges.  les  Amalécites.  de  concert  avec  les  Madianites  et  les 
Moabites,  s'attaquèrent  plusieurs  fois  aux  Hébreux.  Mais  Saiil  et  David 
prennent  leur  revanche  sur  le  peuple  qui  avait  si  lâchement  harcelé  leurs 
pères  dans  le  <lésert.  Deut.,  XXV,  17-19'.  I  Chron.,  IV,  42-43^  parle  d'une 
dernière  défaite  infligée  aux  Amalécites  du  temps  d'Ezéchias.  Depuis  lors 
il  n'est  plus  parlé  d'Amalec,  ni  les  prophètes  ne  le  citent,  ni  les  documents 
assyriens  n'en  parlent. On  peut  croire  donc  qu'à  partir  duhuitième-septième 
siècle  il  a  disjjaru  comme  peuple. 

i>  Ammon  était  fils  de  Lot  et  de  sa  plus  jeune  fille.  (Gen.,  XIX,  3.S.)  Les 
Ammonites  sétablirent  à  l'Est  de  la  mer  Morte  et  du  .Jourdain  a])rès  avoir 
vaincu  une  race  de  géants  ap])elés  les  <(  Zam/oummim  ».  (Dent.,  H.  ao,  21.) 
Eux  mêmes  furent  plus  tar<l  vaincus  par  les  Amorrhéens  (jui  les  refoulè- 
rent du  i)ays  de  (ialaad  vers  le  Sud  et  vers  l'Est. 

Ils  furent,  avec  les  Moabites.  les  ennemis  jurés  des  Hébreux,  dès  l'entrée 
de  ceux-ci  dans  la  terre  promise;  parfois  ils  furent  soumis  par  la  force  des 
armes,  mais  continuellement  aussi  ils  se  révoltaient  et  s'alliaient  à  leurs 
ennemis  pour  les  attaquer.  Dans  la  confédération  syrienne  des  douze  rois 
contre  Salmanasar  à  la  bataille  de  Karkar.  en  854.  se  trouvait  aussi  le  roi 


32  DES    ORIGINES 

De  temps  à  autre  un  héros  (juge)  rendait  l'indépendance  à  sa 
tribu  et  à  quelques  autres  Les  deux  tribus  de  Joseph  réus- 
sirent à  coaliser  celles  du  Nord  contre  les  Cananéens  et  leur 
chef  Siséra.  Ce  lut  le  fameux  combat  de  Taanak,  près  de 
Megiddo,  célèbre  par  le  cantique  de  Déborah,  —  dans  son 
l\'risme  un  des  plus  beaux  morceaux  de  la  \ieille  littérature 
juive.  (Jud.,  V.) 

Gédéon  de  Manassé  rallia  encore  une  lois  les  tribus  contre 
les  Madianites  (i).  Après  la  victoire  on  voulut  le  faire  roi;  il 
refusa,  tout  en  restant  leur  chef,  et  se  fixa  à  Ophra  d'Abiézer, 
près  de  Sichem.  A  sa  mort,  Abimélek,  un  de  ses  fils  illégitimes, 
massacra  ses  frères  et  se  fit  proclamer  roi  à  Sichem.    Mais  il 


des  Ammonites,  Baasa,  fils  de  Réhob;  ils  t'iireut  dès  lors  les  tributaires  de 
l'Assyrie.  Plus  tard,  après  la  chute  de  Jérusalem,  plusieurs  d'entre  eux 
durent  s'installer  dans  les  anciens  royaumes  d'Israël  et  de  .luda,  puisc^ue 
c'est  sur  l'instigation  de  Baalis,  roi  des  Ammonites,  que  sera  tué  Godolias, 
le  gouverneur,  que  Nabuchodonosor  avait  établi  à  Jérusalem,  et  puisque 
lors  du  retour  de  la  cai)tivité  et  de  la  restauration  nous  trouverons  iiu 
Ammonite  du  nom  deTobie  à  la  tête  de  ceux  qui  s'opposent  à  la  reconstruc- 
tion des  murs  de  «Jérusalem  (Xeh.,  IV,  3,  8,  VI,  i,  12,  i4);  d'ailleurs  à  ce  mo- 
ment il  y  avait  déjà  des  alliances  matrimoniales  entre  les  grands  de  Juda 
et  la  famille  de  ce  Tobie  (Xéh.,  VI.  17-19),  preuve  que  celle-ci  dût  être 
fixée  depuis  un  temps  déjà  en  territoire  judéen.  Ils  fui'ent  défaits  dans  de 
nombreux  combals  par  .Tudas  Machabée  (l  Mac,  V,  G.  71  et  passèrent  plus 
tard  sous  la  domination  romaine,  lorsque  celle-ci  s'étendit  sur  toute  la 
Syrie  et  l'Arabie.  (Voir  Dict.  Bibl.  au  mot  Ammonites.) 

(I)  Les  Madianites  sont  des  Abrahamites,  mais  des  descendants  de  .sa 
femme  Cétura.  (Gen.,  XXV,  2.)  II  est  difficile  de  préciser  la  région  où  ils 
habitaient.  La  tradition  arabe  place  leur  patrie  originaire  sur  la  rive 
orientale  du  golfe  d'A(iaba.  Il  est  i)robable  (lue  de  là  des  rameaux  se  sex-ont 
introduits  dans  la  péninsule  sinaïticiue  et  dans  les  plaines  de  !\Ioab.  Gen.. 
XXXVI,  3.-).  Ex.,  II,  1.1,  XVIII.  1,5,  27.  Num..  XXII,  4,7,  XXXI.  Jud.,AI,i-3. 
I  Reg..  XI,  I,  8. 

Parents  des  Madianites'sont  également  les  Ismaélites.  Ismaél  était  fils 
d'Abraham  et  de  sa  servante  Agar.  (Gen.,X\I.; 

La  (Jenèse  XXV,  12-1(3  lui  donne  douze  fils,  chefs  d'autant  de  tribus,  et 
XVI.  12,  elle  caractérise  bien  l'ancêtre  des  tribus  arabes  :  «  ce  sera  un  âne 
sauvage  tiue  cet  homme,  sa  main  sera  contre  tous  et  la  main  de  tous  sera 
contre  lui  et  il  dressera  ses  tentes  en  face  de  tous  ses  frères  ».  Les  diffé- 
rentes tribus  ismaélites  ont  occupé  le  territoii'e  com[)ris  entre  le  Iledjaz 
au  Sud,  Damas  au  Xord.  la  Palestine  tran.sjordane  à  l'Ouest,  et  le  désert 
de  Syrie  à  l'Est.  Ismaélite  est  parfois  j)ris  dans  le  sens  de  riche  négociant 
des  caravanes.  Jud.,  N'IIl.  124.  Dans  le  récit  de  Joseph,  J  parle  d'Ismaélites 
Gen.  XXXN'II.  1^7  et  1']  de  Mndiiiniti"^  i>S 


A    L  ÉTAl^LISSEMEXT    DE    LA    ROYAUTH    JUIVE  33 

fut  tué  à  la  prise  de  Thébez  (Nord  de  Sichem),  Les  tribus  iso- 
lées l'une  de  l'autre  retombèrent  au  pouvoir  de  leurs  voisins. 
(Jud.,  VII-IX.)  Dans  le  Sud,  Juda  en  vint  aux  mains  avec  les 
Philistins,  déjà  maîtres  de  Tyr  et  de  Sidon.  Ce  fut  au  temps 
de  Samuel  (}u'Israrl  secoua  le  joug  philistin. 

Nous  avons  rempli  notre  programme  en  traçant  de  la 
sorte  les  caractères  de  la  politique  générale  suivie  par  les  Isra- 
élites dans  les  premiers  temps  de  leur  séjour  en  Canaan.  Nous 
renvoyons  pour  les  détails  aux  livres  de  Josué,  des  Juges, 
et  aux  sept  premiers  chapitres  du  premier  livre  de  Samuel, 

Nous  donnons  ici  le  schéma  généalogique  des  peuplades  appa- 
rentées aux  Hébreux  mentionnées  dans  les  pages  précédentes: 

Thérah. 


Abraham.  Xachor.  Aran. 


Ismaël       Isaac.        Madian  Lot. 

(d'Agar).  (de  Cétura). 


'  Esaii         Jacob  Moab  Ammon. 

(Israël). 

I 
Eliphaz. 

I 
Amalec. 

Avant  d'entamer  la  période  suivante,  fixons  notre  atten- 
tion sur  la  chronologie  des  Juges.  Au  premier  livre  des 
Rois,  VI,  I,  il  est  dit  qu'il  s'est  écoulé  quatre  cent  quatre- 
vingts  ans  (LXX  :  440)  depuis  l'exode  jusqu'au  commen- 
cement de  la  construction  du  temple,  la  quatrième  année 
de  Salomon.  Or,  en  additionnant  toutes  les  dates  four- 
nies par  le  livre  des  Juges,  on  compte  depuis  l'oppression  de 
Kouchan  (Jud.,  III.  8)  jusqu'à  la  judicature  de  Sam- 
son,  (XVI,  3i)  quatre  cent  dix  ans.  Il  manque  les 
quarante  années   du  désert,  un    minimum    de    vingt-cinq   ans 

3 


34  DES    ORIGINES 

pour  Josué  (d'après  Josèphe,  Ani.  1.  V,  ch.,  i,  §  29), 
les  quarante  années  d'Héli,  quarante  ans  pour  Saùl  (d'après 
Actes  XIII,  21  et  Josèphe,  Ant.,  1.  VI,  ch.  14,  §  g),  les  qua- 
rante années  de  David,  et  les  quatre  premières  de  Salomon  :  ce 
qui  fait  cinq  cent  quatre-vingt  dix-neuf  ans.  Il  reste  encore  à 
compter  la  durée  de  la  judicature  de  Samuel,  nulle  part  donnée 
dans  les  Saints  livres,  mais  néanmoins  supposée  assez  longue, 
I  Sam.,  VII,  i5,  et  l'intervalle  écoulé  entre  Josué  et  Othoniel 
qui  fut  probablement  aussi  de  quarante  ans.  (Jud.,  III,  11). 
Cela  nous  l'ournit  un  chiffre  de  loin  supérieur  à  celui  de 
quatre  cent  quatre-vingt,  donné  par  i  Reg.,  VI,  i.  Différentes 
explications  ont  été  tentées. 

On  a  suspecté  l'authenticité  du  chiffre  de  i  Reg.,  VI,  i, 
Noas  avons  déjà  relevé  la  variante  des  LXX  :  440.  Mais  ce  qui 
frappe  davantage,  c'est  le  chiffre  de  Josèphe  Arit.,  1.  VIII, 
ch.  3,  §  I,  et  qui  est  de  cinq  cent  quatre-vingt-douze  ans 
pour  cette  période.  Seulement,  ne  faut-il  pas  attribuer  ce  chiffre 
à  un  calcul  personnel  de  Josèphe,  qui  devait  avoir  également 
remarqué    l'incohérence  des   données  bibliques  ? 

MM.  Vigouroux  et  Pelt  veulent  résoudre  la  difficulté  en  éta- 
blissant des  S3'nchronismes  dans  les  oppressions  et  les  judica- 
tures;  cela  parait  manifestement  contraire  à  la  pensée  de 
l'auteur  des  Juges  qui,  même  à  propos  des  petits  juges,  établit 
un  ordre  rigoureux  de  succession.  (III,  3i,  XI.  3,  XII,  8, 
II,  i3.j  (I). 

La  meilleure  solution  est  celle  qui  repose  sur  les 
anciennes  traditions  juives  et  orientales,  à  savoir,  d'ad- 
mettre que  l'auteur,  qui  devait  bien  se  rendre  compte 
de  la  disproportion  qui  existait  entre  ses  chiffres,  a  systéma- 
tiquement omis  les  années  pendant  lesquelles  les  Israélites  ont 
subi  l'oppression  des  nations  étrangères  au  milieu  desquelles 
ils  habitaient,  et  qu'il  a  rejeté  également  dans  son  calcul  les 
trois  années  du  règne  d'Abimélek,  dû  au  crime, et  les  quarante 
années  de  Saùl  répudié  par  Jahvé. 

On  obtient  alors  le  résultat  suivant  : 


(i)  M.  Pelt  reconnaît  d'ailleurs  hii-mènie  la  difficulté  de  ce  système. 
Cfr.  Histoire  de  l'Ancien  Testament,  vol.  T,  j).  353. 


A  l'établissement  de  la  royauté  juive  35 

Désert  (xNum.  XIV,  34) 40 

Othoniel  (Jud.  III,  11)  .     .      .      ,      .  40 

Ehoud  (Jud.  III,  3o) 80 

Débora  et  Baraq  (Jud.  V,  32)  ...  40 

Gédéon  (Jud.  VIII,  28) 40 

Samson  (Jud.  XV,  20,  XVI,  3i)   .     .  20 

Héli  (i  Sam.  IV,  18  d'après  LXXi      .  20 

(  (c  Texte  massor.  40) 

David  (I  Reg.  II,  11) 40  . 

Au  total .        320  ans. 

En  plus,  la  somme  fournie  par  les  judicatures  des  petits 
juges  et  les  quatre  années  de  Salomon  aboutit  à  quatre-vingts. 
Il  reste  alors  quatre-vingts  ans  aussi  pour  Josué  et  Samuel  et 
l'ensemble  nous  donne  les  quatre  cent  quatre-vingts  de  i  Reg., 
VI,  1.(1) 

Ce  schéma  présente  un  caractère  particulier  qui  saute  aux 
veux;  nous  avons  affaire  notamment  avec  des  périodes  de  vingt, 
quarante  et  quatre-vingts  ans.  Mais  des  chiffres  pareils  font 
comprendre  la  pensée  de  l'auteur,  qui  n'est  pas  de  donner  des 
nombres  exacts,  la  nature  ne  marchant  pas  par  étapes  de  vingt, 
quarante,  quatre-vingts,  mais  de  fournir  des  cycles  ayant  une 
valeur  proportionnelle  (2).  Il  n'y  a  donc  pas  moyen  d'être  fixé 
sur  les  dates  historiques  en  se  fiant  à  ces  données  là.  Les  tenants 
de  l'opinion  qui  place  l'exode  sous  Aménophis  II  s'emparent 
habituellement  de  ce  chiffre  de  quatre  cent  quatre-vingts  ;  mais 
appuyer  cette  opinion  sur  une  chronologie  aussi  factice  que 
celle  fournie  par  le  livre  des  Juges,  c'est  se  contenter  d'un  fon- 
dement peu  stable. 

La  dernière  solution,  celle  que  proposent  Moore  et  le  Père 
Lagrange,  satisfait  incontestablement  mieux  que  toutes  celles 
qu'on  avait  tentées.  Mais,  quelle  que  soit  celle  qu'on  adopte,  on 


(I)  Remarquons  que  le  nombre  de  aô  i)our  Josué  est  douné  non  par  la 
Bible  mais  par  .Josèphe.  et  qu'il  ne  peut  être  (lu'uu  minimum  :  ([uaiit  à  la 
durée  du  ministère  de  Samuel,  la  Bible  ne  la  mentionne  nulle  part. 

(21  VoirMooRK  J iidg-es  dana  «  The  international  criticai  commentary  ». 
Edinburgh,  Clark.  1908,  pp.  XXXVII  ss. 

Lagrange,  Le  Livre  des  Juges,  Paris,  Lecoffre,  U)o3,  pp.  XXXIX  ss. 


36  DES    ORIGINES 

doit  s'apercev^oir  que,  tels  qu'ils  sont,  les  chiffres  fournis 
par  le  texte  sont  inconciliables.  Nous  avons  donc  toute  liberté 
de  chercher  une  explication  satisfaisante  (i).  Malgré  tous  les 
essais  entrepris,  nous  ne  sommes  pas  encore  fixés  sur  la  chro- 
nologie absolue  du  temps  des  Juges  (2)  et  pas  davantage  de 
celui  de  l'exode.  Il  faut  reconnaître  que  les  données  fixes 
nous  échappent. 

Indécise  est  la  chronologie  biblique  pour  la  période  des 
Juges;  imprécise  aussi  la  chronologie  égyptienne  pour  les  dix- 
huitième  et  dix-neuvième  dynasties  (3).  S'il  semble  plus  pro- 
bable que  l'exode  ait  eu  lieu  sous  Ménephtah,  il  n'a  pas  encore 
été  fourni  de  preuve  convaincante  pour  l'arrêter  entre  telles 
dates  précises  du  milieu  du  treizième  siècle.  Le  Père  Lagrange 
dit  que  tous  les  faits  de  l'histoire  des  Juges  tiendraient  aisément 
dans  une  période  de  deux  cents  ans.  {Op.  land.,  p.  XLV.) 
Mettons  deux  cent  cinquante  ou  trois  cents  ans  ;  il  n'y  a 
jusqu'à  présent  aucune  donnée  de  l'égvptologie  qui  nous 
empêcherait  d'antidater  dans  les  mêmes  proportions  le  règne  de 
Ménephtah, 


(i)  C'est  aussi  lavis  des  éditeurs  de  Crampon  (lui  précouisent  néan- 
moins l'explication  par  les  svnchronlsmes,  tout  en  reconnaissant  ne  pou- 
voir déterminer  ceux-ci.  «  Assigner  une  date  précise  aux  événements  de 
cette  période  nous  parait  imi)OSsible  ».  Z-a  5aàj/e /^?7>/p.  Tournai,  Desclée, 
Tome  II,  p.  91. 

(2)  Nous  rencontrerons  plus  loin  des  dilticultés  semblables  jiour  la 
chronologie  des  règnes  en  Juda  et  Israël.  Nous  citerons  alors  l'opinion  de 
Saint  Jérôme  sur  les  préoccupations  de  concilier  pareilles  divergences. 

(3)  Le  Guide  to  the  Eg-yptian  collections,  du  British  Muséum,  1909, 
p.  i8(>,  donne  six  différents  systèmes  de  chronologie  proposés  par  des  égyp- 
tologues  de  valeur  : 


I 

II 

III 

IV 

V 

VI 

XVIII<"  dyn.  . 

lS-22 

i()55 

1796 

1703 

1700 

i.'>8o 

XIX«          >> 

4:3 

l32(i 

1404 

462 

400 

l320 

XX»            » 

127!) 

usa 

1195 

1288 

1200 

1200 

DEUXIEME   PERIODE 

Depuis   l'établissement    de    la    Royauté 
jusqu'à  la  chute  de  Samarie  en  722 


I 


DEUXIEME    PERIODE 

Depuis   l'établissement    de   la   Royauté 
jusqu'à  la  chute  de  Samarie  en  722 


Tous  les  peuples  sémites,  qui  de  l'état  nomade  avaient  passé 
à  l'état  sédentaire,  av^aient  adopté  le  système  de  gouvernement 
monarchique.  Les  Hébreux  aussi  commençant  à  comprendre, 
que,  pour  se  maintenir  au  milieu  de  peuplades  hostiles,  il  leur 
fallait  réunir  leurs  forces,  sentirent  le  besoin  d'avoir  à  leur 
tête  un  chef  unique  et  une  institution  stable.  Ils  demandèrent 
à   Samuel   l'établissement  de  la  royauté,    (i  Sam.,    VIII-IX.) 

Jusqu'alors  Jahvé  lui-même  avait  directement  assumé  la  con- 
duite de  son  peuple  choisi.  Il  avait  appelé  Abraham,  et  sous- 
trait les  descendants  du  patriarche  à  la  tyrannie  égyptienne  ;  il 
leur  avait  communiqué  son  code  d'alliance  au  Sinai.  Plus 
récemment,  il  avait  suscité  des  Juges,  pour  tenir  en  quelque 
sorte,  encore  que  de  façon  intermittente,  la  place  du  pouvoir 
central  théocratique.(LAGRANGE,  Juges,  pp.  36, 37.)  La  demande 
parut  donc  témoigner  d'un  manque  de  confiance  dans  cette 
Providence  spéciale,  qui  avait  prouvé  sa  sollicitude  constante 
pour  la  race  élue,  (i  Sam.,  \^III,  6-8.)  Mais  Dieu,  pour  dispo- 
ser le  cours  des  choses  fortiter  sed  suavité?',  laisse  de  préfé- 
rence se  déployer  les  énergies  déposées  dans  les  causes  se- 
condes; Il  octroya  aux  Israélites  l'organisation  que  les  cir- 
constances semblaient  rendre  nécessaire  selon  le  calcul 
humain.   (VIII,  22,    IX,    16.) 

Désormais     une   double  autorité   régira    Israël    :    le  sacer- 
doce    et    la    royauté;     toutefois,    Jahvé     fera     comprendre 


40  DEPUIS    L  ÉTABLISSEMENT    DE    LA    ROYAUTE 

par  un  organe  dépendant  directement  de  Lui  qu'il  en- 
tend maintenir  la  théocratie  comme  régissant  formellement 
son  peuple.  A  côté  du  prophétisme  organisé  comme  profes- 
sion, et  qui  trahira  trop  souvent  des  v'isées  de  politique 
humaine,  Dieu  suscitera,  par  un  ordre  directement  intimé  à 
ses  élus,  des  hommes  qui  rappelleront  au  peuple  et  même  à  ses 
rois  et  à  ses  prêtres,  les  exigences  jalouses  et  saintes,  qu'est  en 
droit  de  poser  Celui  qui  s'était  choisi  Israël  pour  son  épouse. 
Il  ne  tolérera  pas  ce  qu'il  appelle  «  ses  prostitutions  »  et  tou- 
jours Il  lui  fera  entendre  quejahvéest  le  Dieu  dont  Israël  est 
le  peuple. 

Saùl.  Après  la  défaite,  infligée  par  Saùl  de  Benjamin  et  Jonathas  son 

fils,  aux  postes  philistins  de  Gibéa  et  Michmas,  Saûl,  que  Dieu 
avait  désigné  (i  Sam.,  IX-X),  devint  roi, et  son  autorité  s'éten- 
dit sur  la  nation  entière,  à  l'Est  sur  Galaad,  au  Sud  surjuda 
(qui  jusqu'alors  avait  dû  subir  le  joug  philistin)  et  sur  les  oppres- 
seurs voisins  :  Moab,  Ammon,  Edom,  Philistins,  Amalécites 
et  le  royaume  de  Sobah. 

Nous  sommes  arrivés  à  la  première  moitié  du  onzième  siècle. 

Parmi  les  fidèles  serviteurs  de  Saùl  se  trouvait  David 
de  Juda,  qui  se  lia  de  l'amitié  la  plus  étroite  avec  le  rils 
du  roi,  Jonathas,  au  point  que  celui-ci  «  l'aima  comme 
son  âme  w.  (i  Sam.,  XVIII,  i,  3.)  Saùl,  toutefois,  fut 
jaloux  des  succès  de  celui  que  Jahvé  avait  destiné  à  lui  succé- 
der (i  Sam.,  XIII,  XV,  XVI),  et  David,  pour  échapper  aux 
embûches  de  Saùl,  se  retira  un  an  et  quatre  mois  chez  les 
Philistins,  dont  le  roi  fAkkis  de  Gath  récompensa  ses  services 
en  lui  donnant  Ziklag,  au  Sud-Ouest  de  Lachis.  (i  Sam. 
XXVII.)  Mais  les  Philistins,  qui  méditaient  une  campagne 
contre  Israël,  se  méfièrent  de  David  et  forcèrent  Akkis  à  le 
renvoyer.  Il  retournait  à  Ziklag,  lorsqu'il  apprit  que  les  Ama- 
lécites avaient  pillé  sa  ville;  il  les  poursuivit  et  leur  reprit  tout 
le  butin.  Pendant  ce  temps  les  Philistins  attaquèrent  les  tribus 
du  centre.  Saùl  et  Jonathas  furent  défaits  et  tués  au  pied  des 
monts  de  Gelboë  dans  la  plaine  de  Jezréel.  Cette  défaite  fut 
pleurée  dans  l'élégie  de  David  sur  Jonathas  et  Saùl. (2  Sam.,  I.) 
«  C'est  un  de  ces  morceaux  c^ui  portent  avec  eux  le  cachet  de 


jusou'a  la  chute  de  samakie  41 

rauthenticité  ;  la  force  et  la  délicatesse  des  sentiments,  la 
beauté  de  leur  expression,  la  rare  saveur  poétique  et  guerrière 
de  tout  le  morceau  se  sentent  suffisamment  sans  qu'il  soit  be- 
soin d'un  commentaire  esthétique.  »  (Dhorme,  Les  livres  de 
Samuel,  Paris,  Gabalda,  i()io,  pp.  276  et  278). 

Isbaal,  fils  de  Saûl,  soutenu  par  les  partisans  de  sa  maison, 
lut  établi  roi  sur  toutes  les  tribus  d'Israël,  excepté  la  maison 
de  Juda  qui  obéit  à  David,  Celui-ci  régna  à  Hébron  sept  ans  et 
six  mois.  Mais  Isbaal  avant  été  assassiné,  toutes  les  tril)us  se 
soumirent  à  David. 

Les  Philistins,  inquiétés  par  cette  réunion  de  tous  les  clans  David. 
Israélites,  tentèrent  plusieurs  incursions;  ils  furent  défaits  et 
perdirent  leur  capitale  Gath  (à  l'Est  d'Asdoud),  ainsi  que  les 
villages  de  son  ressort;  après  quoi  David  s'empara  de  Jérusa- 
lem, la  citadelle  des  Jébuséens,  dont  il  fit  sa  capitale  (i).  Jéru- 
salem était  admirablement  située  et  les  Jébuséens  en  étaient 
bien  conscients  quand  ils  faisaient  dire  à  David  que  les  aveu- 
gles et  les  boiteux  suffiraient  à  le  repousser  (2  Sam,,  V,  6). 
Elle  ne  comportait  à  ce  moment  là  que  la  partie  méridionale  de 
la  colline  orientale  (plus  tard  la  ville  englobera  aussi  la  colline 
à  l'occident  du  Tyropéon)  «  entre  le  mur  S.  actuel  du  Haram 
et  l'escarpement  qui  domine  le  confluent  des  vallées  du  Tyro- 
péon et  du  Cédron  ».  C'est  dire  que  «  ce  coteau  était  enserré 
de  toutes  parts,  le  Nord  excepté,  par  des  vallées  profondes  ». 
(Cfr.  ViN'CENT,  Jérusalem,  tome  i^"",  Paris,  Gabalda,  1912, 
p,  i63.)  D'autre  part,  Jérusalem,  à  raison  de  sa  position  plus 
centrale,  convenait  mieux  qu'Hébron  comme  capitale.  Ces 
succès  permirent  à  David  de  s'étendre  encore.  Il  soumit 
MoaV),  défit  Hadadézer  de  Sobah  (qui  lui-même  avait  assujetti 
le  royaume  svrien  de  Hamath),  et  les  Iduméens,  qui  avaient 
profité  de  cette  guerre  ponr  razzier  [uda,  furent  anéantis 
dans  la  vallée  du  Sel,  au  Sud  de  la  mer  Morte,  (2  Sam., 
VIII,) 

M.  Maspero  {Hist.  aiic,  pp,  386-89)  dit  :  «  Quelques  an- 
nées d'une    politique  habile,    avaient    transformé  les  Hébreux 


(i)  Cfr.  DuoKMK,  Les  Livres  de  Samuel,  pp.  3j(i,  817. 


42  DEPUIS  l'Établissement  de  la  royauté 

en  conquérants.  Leur  autorité  était  respectée  des  bords 
de  rOronte  au  torrent  de  l'Egypte,  et  aux  rives  de  ia 
mer  Rouge.  Moab,  Edom,  Ammon  relevaient  directement 
de  leurs  officiers  ;  les  Philistins  fournissaient  le  froment  et 
l'huile  à  la  table  royale;  la  Phénicie  leur  offrait  ses 
bois  précieux  et  leur  prêtait  ses  artistes.  Zobah,  Hamath  et  les 
Etats  de  l'Aramée  leur  payaient  redevance.  Leur  royaume  en 
arrivait  presque  à  être  un  empire,  mais  il  était  étriqué,  mal  né 
et  peu  viable...  »  Déjà  sous  David  les  Ammonites  s'entendirent 
avec  Hadadézer  de  Sobah  et  soulevèrent  la  Syrie.  Mais  ils 
furent  défaits.  La  Syrie  avait  donc  momentanément  trouvé  son 
maître.  Définitivement  dominateurs  en  Mésopotamie,  les  Assy- 
riens (i)  avaient  essayé  au  commencement  du  XL  siècle  d'éten- 
dre leur  domination  sur  la  Syrie  ;  mais  les  Hittites  confédérés 
non  loin  de  Karkémisch  avaient  infligé  vers  1060  à  Asournazi- 
rabal  II  une  défaite  qui  pendant  quelque  temps  devait  tenir  les 
Assyriens  au  delà  de  l'Euphrate.  Ceux-ci  ne  songeaient  donc 
pas  en  ce  moment  à  intervenir  sur  les  territoires  svriens  et 
l'Egypte  usait  les  restes  de  son  énergie  d'autrefois  dans  des 
querelles  intestines. 


(i)  Sous  le  règne  de  Samsou-ditana,  dernier  l'oi  de  la  première  dynastie 
babylonienne,  une  invasion  de  Hittites  avait  jeté  le  trouble  dans  les  pays 
d'Akkad,  et  une  autre  dynastie  dite  «  du  pays  de  la  mer  »  était  montée  sur 
le  trône  de  Babylouie.  Mais  cette  deuxième  dynastie  n'eut  qu'une  domina- 
tion éphémère.  Elle  fut  remplacée  par  les  Kassites  venus  de  lEst,  et 
Gandis,  qui  concjuit  Habyloue,  inaugura  cette  nouvelle  dynastie,  laquelle 
commença  vers  1800  et  resta  au  pouvoir  jusque  vers  1178. 

Les  villes  d'Asour  et  de  Ninive  se  rencontrent  déjà  dans  le  code  de  Ham- 
mourabi.  Mais  les  premiers  souverains  assyriens  en  lutte  contre  les  tribus 
indisciijlinées  voisines,  n'ont  guère  laissé  de  vestiges  de  leur  puissance. 
Avant  le  quinzième  siccle,  Babel  et  Asour  fixaient  à  l'amiable  leux-s  do- 
maines respectifs.  Avec  Adad-Nirari  I  (vers  iSaS-iagoi  commencent  les 
textes  historiques  de  <iuelque  étendue,  et  Toukoulti-Xinib  I  d'Assyrie 
(vers  i26o-ii>4o)  inaugura  la  série  des  annales  des  rois  d'Assyrie,  qui  vont 
jus(|u'ii  la  chute  de  Ninive  en 601.  Toukoulti-Ninib  est  vainqueur  de  Baby- 
lone  et  sous  Téglath-Phalasar  I,  vers  1 100,  la  puissance  du  peuple  assyrien 
est  sans  rivale.  Mais  l'expansion  extérieure  de  l'Assyrie  sex*a  arrêtée 
encore  (juelque  temps  par  l'opposition  des  racesd'Asie  Mineure;  à  plusieurs 
reprises  ses  voisins,  surtout  les  Babyloniens,  tâcheront  de  lui  ravir  sa 
suprématie;  néanmoins  ces  moments  de  crise  seront  courts  et  longtemps 
elle  en  sortira  victorieuse. 


jusqu'à  la  chute  de  sa.marie  43 

Tant  que  vécurent  David  et  ses  généraux,  Joab  surtout,  les 
positions  turent  maintenues, mais  les  Hébreux  préférèrent  céder 
à  leurs  inclinations  d'agriculteurs  et  retomber  dans  les  petites 
rivalités  de  tribu  à  tribu.  La  puissance  hébraïque  devait  cesser 
presque  d'elle-même,  sitôt  ces  grands  chefs  disparus.  (Voir  la 
carte  du  royaume  hébreu  à  l'époque  de  David  dans  Maspero, 
II,  p.  732).  A  la  fin  de  sa  vie,  David  associa  au  trône  Salo- 
mon,  fils  de  Bethsabée,  femme  d'Urie  le  Hittite,  aux  dépens 
d'Adonias  son  quatrième  fils,  né  de  Khaggit.  (i  Reg.,    I) 

Salomon,  par  un  mariage,  s'allia  avec  le  pharaon  d'Egypte  salomon. 
(i  Reg.,  III,  i)  et,  en  guise  de  dot,  les  Egyptiens  réduisirent  à 
son  profit  la  ville  cananéenne  de  Gézer,  libre  juscjue  là.  (IX, 
16  ss.)  Depuis  l'époque  de  l'exode  la  Bible  ne  fait  plus  mention 
de  l'Egypte.  Après  Ramsès  III  (qui  d'après  les  inscriptions  du 
temple  de  Medinet-Habu  bâti  par  lui,  fit  sentir  sa  suzeraineté 
par  ses  campagnes  dans  la  Syrie  du  Sud),  le  déclin  de  sa  dynastie 
fut  brusque.  Les  rivalités  entre  les  dynasties  thébaines  et  celles 
du  delta,  qui  se  manifestèrent  sous  la  dynastie  suivante  (XXP, 
1080-950),  doivent  avoir  empêché  toute  intervention  efficace 
au  dehors.  Le  papvrus  Golenischeff,  daté  de  la  cinquième 
année  du  dernier  Ramesside,  —  Ramsès  XII  (environ  11 25),  — 
nous  apprend  que  Wenamon,  un  envoyé  du  pharaon-pontife 
Hrihor  auprès  de  Zekarba'al,  roi  de  Byblos,  exige  de  celui-ci 
du  bois  du  Liban  pour  la  construction  d'une  baraue  d'Amon, 
sous  prétexte  que  la  terre  et  la  mer  et  le  Liban  appartenaient  à 
Amon,  et  par  conséquent  à  l'Egypte.  La  réponse  de  Zekarba'al 
est  raide  :  ses  ancêtres  n'ont  jamais  fourni  que  mo3-ennant 
paiement,  ce  qui  signifie  que  rEg3^pte  n'a  pas  de  prétentions 
juridiques  et  politiques  à  émettre,  qu'elle  n'a  qu'à  traiter  par 
voie  commerciale. 

A  l'époque  de  la  royauté  chez  les  Hébreux  nous  voyons 
les  Egvptiens  rentrer  en  scène.  Le  premier  livre  des  Rois, 
XI,  14-22,  nous  parle  d'un  certain  Addad  de  souche 
royale  des  Edomites,  qui,  lors  d'une  victoire  de  David, 
se  réfugie  chez  le  pharaon  d'Egypte  et  finit  par  devenir  son 
gendre.  On  peut  conclure  de  là  que  l'Egypte  n'était  pas  indifte- 
rente  aux  événements  {politiques  de  la  Palestine  et  la  suite  de 


44  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

l'histoire  d'Israël  nous  en   donnera  la  preuve    manifeste  (i). 

Salomon  témoigna  des  égards  particuliers  envers  sa  femme 
égyptienne,  puisque  nous  voyons  qu'il  lui  construit  une  habitation 
semblable  à  la  sienne.  iVII,  8.)  Il  bâtit  le  palais  royal  et  le  tem- 
ple avec  les  matériaux  que  lui  avait  fournis  en  partie  Hiram  de 
Tyr.  Il  construit  aussi  le  Millo.  (IX,  g,  24,)  Ce  Millo  est  en  rela- 
tion avec  la  ville  de  David  et  on  le  bâtit  pour  protéger  un  en- 
droit où  la  ville  de  David  pouvait  être  accessible,  car,  en  le 
construisant,  Salomon  ferme  la  brèche  de  la  cité  de  David  son 
père,  et  comble  un  gouffre  ou  une  dépression  compromettante 
pour  la  sécurité  de  la  ville/{i  Reg.,  XI,  27.) 

Au  vers.  5  de  2  Chron.,  XXXII,  le  mot  dyoiXr^y.ij,y.  rend 
l'hébreu  vbD  .  C'est  une  traduction  heureuse  qui  doit  signi- 
fier :  «  un  remplissage  w,  et  de  nom  commun  il  peut  être  devenu 
nom  propre.  Le  Millo  était  donc  probablement  une  tour  mas- 
sive de  matériaux  entassés,  supportant  une  autre  tour  habitée, 
système  qui  répond  à  celui  de  la  construction  des  tours  Phasael 
et  Hippicus,  telles  que  les  décrit  Josèphe.  A  l'entrée  du  Tyro- 
péon,  vers  la  porte  actuelle  des  Maugrebins  au  Sud-Ouest  du 
temple  d'Hérode,il  y  avait  un  point  faible  pour  la  cité  de  David. 
C'est  probablement  à  cet  endroit  que,  insérée  dans  les  rem- 
parts, cette  tour  aura  été  un  point  de  défense  du  côté  alors 
septentrional  de  la  ville.  Après  Joas  on  ne  parle  plus  du  Millo; 
il  disparait  antérieurement  à  la  captivité  (2). 

Salomon  ne  conserva  pas  intact  le  domaine  de  son  père  ; 
ridumée  se  souleva  contre  lui;  Rezon  de  Sobah  s'empara  de 
Damas.  Mais  Moab  et  Ammon  se  tinrent  tranquilles  et  Tyr  bri- 
gua l'alliance  du  roi  de  Juda.  Il  fut  d'ailleurs  habile  administra- 
teur ;  il  fortifia  plusieurs  villes  :  Mageddo,  Hazor  (à  l'Ouest  du 
lac  îloulé),  Gézer,  les  deux  Béthoron  (au  Nord-Ouest  de  Jéru- 
salem), Tamar  (au  Sud  d'Hébron);  entoura  Jérusalem  de 
murailles,  et,  comme  la  situation  de  son  royaume  barrait  la 
route  de  l'Afrique,  —  commandant  ainsi  les  deux  grands  mar- 
chés du  monde  :  l'Egypte  et  la  Chaldée  —  outre  les    droits  de 


(1)  Voir  Albrecht  Ar,T,  Israël  und  Aegypten,  Leipzig,  Iliiirichs,  1909, 
pp.  13-19. 

!2)  l'ne  étude  scientifique  et  exhaustive  du  Millo  e.st  donuée  dans 
Vincent,  Jérusalem,  tome  l.  Paris,  Gabalda,  1912,  pp.  171- 187. 


jusqu'à  la  cuite  ni:  samariI'  45 

péage  auxquels  il  astreignait  les  caravanes,  il  se  réserva  encore 
le  monopole  de  divers  produits  égyptiens  :  fils,  chars,  che- 
vaux (i;.  Il  eut  une  flotte  équipée  par  Hiram  de  Tvr  à 
Eziongaber,  ciui  alla  chercher  au  pays  d'Ophir  (2)  toutes 
sortes  de  produits  rares  et  curieux. 

David  et  Salomon  avaient  réduit  les  éléments  du  royaume 
de  Juda  en  une  masse  homogène;  mais  le  royaume  qu'ils 
avaient  édifié  péniblement  ne  reposait  que  sur  eux,  comme 
nous  l'avons  tait  remarquer,  et  eux  avaient  été  favorisés  par 
les  circonstances. 

Roboam,  fils  de  Salomon,  ne  voulant  pas  libérer  le  peuple  LeSchisme. 
des  charges  que  lui  avait  imposées  Salomon,  les  tribus,  à  jérobcmni. 
l'exception  de  celle  de  Juda,  l'abandonnèrent  et  prirent  pour 
roi  Jéroboam,  (i  Reg.,  XII,  1-24.).  Celui-ci  avait  reçu  d'Achias, 
le  Vovant,  l'annonce  de  sa  future  royauté;  il  s'enfuit  aussitôt 
en  Egvpte  aupiès  de  Sheshonq  et  y  demeura  jusqu'à  la  mort 
de  Salomon.  (i  Reg.,  XI,  26  ss.)  Celui-ci  décédé,  Jéroboam 
revint  aussitôt  et,  une  fois  roi,  bâtit  Sichem  et  établit  des 
veaux  d'or  à  Dan  et  à  Béthel.  (i  Reg.,  XÎI,  25  ss.)  On  repré- 
senta  souvent  Jahvé  en  veau  de  Hadad,  dieu  principal  de  la 
Syrie,  dont  le  nom  propre  a  été  remplacé  par  celui  de  Baal.  Il 
est  le  Baal  par  excellence,  le  Baal  du  ciel  et  spécialement  de 
l'orage  (3).  L'application  de  ces  attributs  à  Jahvé  était  facile. 
(i  Reg.,  XII,  28.)  Ne  s'était-il  pas  manifesté  au  Sinaï  au  milieu 
des  éclairs  et  des  tonnerres?  Aussi  ce  culte  des  veaux  allait-il 
s'ancrer  dans  les  mœurs  de  ce  peuple  charnel  et  matériel  et  les 
prophètes  auront  toujours  à  le  désavouer  (4).   L'un  des  griefs 


(i)  Maspero,  Histoire  ancienne,  p.  'Myi. 

(2)  «  Ou  remplirait  iiue  bibliothèque  rieu  qu'avec  les  traités  qu'où  a 
écrits  sur  l'euiplatement  du  pays  d'Ophir.  Ou  a  voulu  le  placer  en  Arabie, 
sur  la  cote  d'Afrique,  eu  Perse,  dans  l'Inde,  à  Java,  et  jusqu'au  l'crou.  Les 
noms  du  bois  d'Almoug,-  des  paons,  paraissent  être  d'origine  indienne,  et 
ont  fait  pencher  la  balance  en  faveur  de  l'Inde.  Il  se  pourrait  cependant 
qu'au  lieu  d'aller  chercher  ces  objets  dans  l'Inde  même,  les  matelots  de 
Salomon  les  aient  trouvés  dans  un  des  nombreux  comptoirs  de  la  cote 
d'Afrique,  qui  ont  pu  être  en  rapport  avec  l'Inde  depuis  une  haute  anti- 
quité ».  \[aspero.  Histoire  ancienne,  pp.  892,  898,  note  .'1. 

(Z)E.R.S'.,^.^. 
\)  P.ex.0sée,XIII,2.Cfr.N'AN  \\OoWCKi:ïi,Len  dou-e petits  prophètes, \i.\^iO. 


46  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

les  plus  graves  imputés  à  Salomon  fut  l'introduction  des  fausses 
divinités,  due  à  des  motifs  de  harem  ;  Roboam  eut  pour  elles  la 
même  tolérance  que  son  père. 

La  cinquième  année  Ûe  son  règne  nous  assistons  à  une  inva- 
sion de  Sheshonq.  (i  Reg.,  XIV,  25  ss.,  2  Chron.,  XII.)  Les 
documents  nous  manquent  pour  expliquer  ce  changement 
d  attitude  de  l'Egypte  vis-à-vis  du  royaume  hébreu.  N^ous  avons 
déjà  constaté  l'accueil  donné  à  Jéroboam  à  la  fin  du  règne  de 
Salomon  par  ce  même  Sheshonq;  en  ce  moment  la  bonne  en- 
tente est  entièrement  rompue.  Changement  de  règne,  et  peut- 
être  de  dynastie  (la  vingt-deuxième  était  d'origine  lybienne  et 
s'était  installée  dans  le  delta  en  faisant  de  Bubaste  sa  résidence, 
pendant  que  Thèbes  était  en  pleine  décadence),  manque  d'ob- 
séquiosité de  Salomon,  soumission  des  Philistins  au  joug  juif, 
autant  de  causes  probables  qui  faisaient  sentir  à  l'Egypte 
l'affaiblissement  de  son  autorité  et  lui  firent  chercher  une  oc- 
casion nouvelle  de  la  faire  respecter  (i).  Roboam  dut  épuiser 
pour  sa  rançon  le  trésor  du  temple  et  du  palais  royal.  «  Ce  ne  fut 
ni  périlleux,  ni  long,  ni  glorieux,  mais  il  y  avait  deux  cents  ans 
et  plus,  remarque  M.  Maspero  (II,  pp.  772,  773),  qu'un  pha- 
raon n'était  revenu  si  riche  des  contrées  situées  au-delà  de 
l'isthme  ;  l'Egypte  entière  estima  que  son  maître  avait  fait  mer- 
veille )),  L'exploit  fut  enregistré  sur  la  muraille  Sud  du  temple 
d'Amon  à  Karnak  ;  on  y  voit  le  roi  saisissant  par  la  chevelure 
un  groupe  de  Juifs  vaincus  (dont  chacun  représente  une  ville 
captive)  et  brandissant  sur  eux  sa  massue  (2).  Semblable  expé- 
dition ne  se  renouvela  d'ailleurs  pas  de  sitôt. 

Abias,  Asa.  Le  successeur  de  Roboam,  Abias,  n'eut  pas  un  long  règne, 
mais  son  fils  Asa régna 41  ans.  (i  Reg.,  XV,  10.)  Le  second 
livre  des  Chroniques,  XIV,  nous  parle  d'une  guerre  qu'il  dut  faire 
contre  les  □îi'ID  et  dont  il  sortit  vainqueur.  Si  les  pha- 
raons des  dix-huitième  et  dix-neuvième  dynasties  avaient  dû  à 
maintes  reprises  faire  des  incursions  dans  les  petits  royaumes 
de  Palestine  et  de  S3rrie  pour  y  maintenir  leur  suzeraineté,  leurs 


(i)  Cfr.  Ai/r,  op.  laud.,\y.  2.5. 

(2)  Cfr.  liAKDKKEK,  Egypte,  Ujo8,  p.  261. 


jusqu'à  la  chute  de  SAMAKIE  47 

successeurs  de  la  vinf^t-deuxième,  les  Rubastides,  virent  celle- 
ci  devenir  purement  théorique.  Le  silence  des  quelques  inscrip- 
tions hiéroglyphiques  de  cette  époque  et  celui  des  livres  des  Rois, 
après  l'invasion  de  Sheshonq,  sur  toute  intervention  égyptienne 
en  Palestine  et  en  Syrie,  donnent  bien  à  entendre  que  les  Eg3'p- 
tiens  ne  pouvaient  guère  songer  à  dépenser  dans  ces  parages 
des  Ibrces,  dont  ils  n'avaient  que  trop  besoin  dans  le  delta. 
Les  prêtres  thébains  et  les  roitelets  héraciéopolitains,  ainsi 
que  ceux  du  delta,  disputèrent  à  nouveau  au  pharaon  une  au- 
torité trop  autocrate;  l'état  se  divisa  derechef  en  petites  prin- 
cipautés et  la  vingt-troisième  dynastie  tanite,  si  elle  ne  sup- 
planta pas  entièrement  la  précédente,  semble  du  moins  l'avoir 
coudoyée. 

Lorsque  par  la  bataille  de  Karkar  en  864,  les  Assyriens  vou- 
dront s'emparer  de  la  Syrie,  les  Egyptiens  ne  figureront  pas 
parmi  les  opposants  (i). 

Si  d'une  part  on  se  dit  que  la  puissance  ass3Tienne  n'était 
pas  encore  assez  assise  pour  donner  le  ton  à  la  Syrie  et  d'au- 
tre part  qu'à  ce  moment  l'Egypte  a  dû  se  désintéresser  de  la 
politique  syrienne  et  palestinienne,  on  comprend  que  dans  ces 
pays  il  y  eut  des  puissances  autochtones  qui  se  soient  renlbr- 
cées  et  se  soient  disputées  la  domination  de  la  Syrie. 

Sur  l'ensemble  de  cette  situation  semble  donc  trancher  le 
récit  de  2  Chron.,XIV,  où  les  LXX  nous  parlent  d'une  invasion 
éthiopienne  (A'.'6'io-ci;)  ;  et  c'est  en  se  basant  sur  cette  inter- 
prétation que  plusieurs  auteurs  ont  vu  dans  le  Zérach  du  récit 
des  Chroniques,  le  successeur  de  Sheshonq  :  le  pharaon 
Osorkon  L  Mais,  outre  que  cette  interprétation  évoquerait  une 
situation  qui  semble  en  contradiction  avec  les  circonstances 
historiques,  telles  qu'elles  nous  sont  connues  à  cette  époque  sur 
l'Egypte  etl'Ethiopie,  il  est  à  remarquer  que  l'ensemble  repose 
sur  une  erreur  de  traduction.  Il  serait  tout  d'abord  phi- 
lologiquement  difficile  de  retrouver  dans  n"iT  Osorkon. 
Ensuite,  dans  '^"^2  et  □""^ID  il  ne  faut  pas  voir  nécessaire- 
ment l'Ethiopie  et  les  Ethiopiens,  mais  bien  la  région  de 
Cousch   dans   l'Arabie   du   Sud  (2].    Quant   aux   Lybiens    de 


(i)  Masi'KRO.  III,  p.  71,  note  i. 

(2)  «  Le  plus  souveut  sous  le  uom  de  Chus,  iju'ou  traduit  par  Ethiopie, 


48  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

2  Chron.,  XVI,  8,  ils  doivent  avoir  été  amenés  par  2  Chron. 
XII,  3  (i).  Un  aperçu  svnthétique  sur  l'histoire  des  deux 
états  juifs  séparés  nous  aidera  à  mieux  comprendre  la  portée 
des  divers  événements.  M.  Maspero  s'est  chargé  de  le  tracer 
très  nettement. 

ce  Les  deux  royaumes  subsistèrent  donc  Juda,  malgré  sa 
petitesse,  malgré  son  désastre  récent,  n'était  pas  trop  inférieur 
au  plus  vaste  Israël  :  David  puis  Salomon  avaient  pétri  si  éner- 
giquement  les  éléments  dont  il  se  composait,  Kaleb,  Kaîn, 
jerakhméel  et  les  clans  judéens,  qu'ils  les  avaient  réduits  en 
une  masse  homogène,  groupée  autour  d'une  capitale  et  d'un 
sanctuaire  magnifique,  pénétrée  d'une  admiration  et  d'une  fidé- 
lité p)rofondes  pour  la  famille  qui  l'avait  faite  ce  qu'elle  était. 
Le  malheur  ne  refroidit  point  son  zèle  :  il  se  serra  autour  de 
Roboam  et  de  sa  race  avec  une  constance  qui  leur  permit  de 
durer,  quand  leurs  rivaux  plus  riches  s'usaient  et  se  ruinaient 
sous  leurs  yeux.  Jéroboam,  en  effet,  et  ses  successeurs  ne 
trouvèrent  jamais  dans  leur  peuple  qu'un  appui  incertain  et  un 
dévouement  médiocre;  leur  autorité  se  heurta  sans  cesse  aux 
tendances  séparatistes  des  tribus,  et  ils  ne  parvinrent  à  la  main- 
tenir que  par  la  force.  Jéroboam  avait  emprunté  les  cadres 
d'une  armée  aux  garnisons  éparses  à  travers  le  pays,  et  il  en 
casernait  les  éléments  les  plus  vigoureux  dans  sa  résidence  de 
Thirza  lorsqu'il  ne  l'occupait  pas  à  quelque  entreprise  contre 
Juda  ou  contre  les  Philistins.  Ses  descendants  imitèrent  son 
exemple,  mais  cet  appareil  militaire  ne  leur  offrait  que  des  ga- 
ranties de  sécurité  médiocre.  Ils  étaient  littéralement  à  la  merci 
de  leur  garde,  et  ils  ne  régnaient  qu'au  gré  de  sa  loyauté  ou  de 


il  faut  entendre  le  pays  qui  est  sur  les  côtes  orientales  de  la  nier  Rouge  et  à 
la  pointe  de  cette  nier  joignant  lEgypte... 

«  Le  nom  de  Chus  qu'on  traduit  d'ordinaire  par  Ethioi)ie  se  donne  à  ti'ois 
pays  différents  les  uns  des  autres  :  i»  au  pays  de  Chus  sur  le  fleuve  Gehou 
(l'Araxe  ([ui  prend  sa  source  dans  lesinontagnes d'Arménie  et  se  jette  dans 
la  mer  Caspienne);  2»  au  pays  de  Chus  sur  la  rive  orientale  de  la  mer  Rouge; 
3<»  au  pays  de  Chus  situé  au  dessus  de  la  Thébaïde  et  de  la  Haute  Egypte; 
et  faute  de  distinguer  ces  ternies  on  est  souvent  tombé  dans  des  fautes 
considéraljles  ■>.  Sic  Calmkt,  Dict.  Jii.st..  t.  II,  au  mot  Ethiopie.  {).  444- 

(i)  Cfr.  Alt.  op  luiid.,  pp.  SG-Sg.  —  (xESKXIUS,  Hebniisches  and  Aramiiï- 
sches  Ilandivorterbnch,  i4"""  éd.  Buhl.  au  mot  '^IJ- 


jusqu'à  la  chute  de  SAMARIE  49 

ses  caprices  ;  le  premier  ambitieux  sans  scrupule  avait  bientôt 
lait  de  débaucher  ses  camarades,  un  coup  de  poignard  envoyait 
le  souverain  du  moment  rejoindre  ses  prédécesseurs  dans  la 
tombe,  et  le  chef  du  complot  s'asseyait  sur  le  trône  en  son  lieu. 
Les  caractères  propres  à  chacun  des  royaumes  s'accusèrent 
aussitôt  après  la  retraite  des  Egyptiens.  La  guerre  s'alluma  et 
se  perpétua  entre  eux,  sans  trêve  ni  merci  )i.  (Maspero,  II, 
PP-  11^^  77^'^)- 

Nadab,  fils  de  Jéroboam,  assiégeait  Gibbethon,  place  forte  Nadab 
que  Philistins  et  Juifs  se  disputaient  toujours  (i),  lorsqu'il  fut  Basa. 
assassiné  par  Basa  après  deux  ans  de  règne.  Celui-ci  attaqua 
Asa  de  juda  (la  trente-cinquième  année  du  règne  de  ce  dernier, 
2  Chron.,  XV,  ig),  petit-fils  de  Roboam,  et  s'empara  de  Rama. 
Comme  cette  place  commandait  au  Nord  les  routes  qui  abou- 
tissaient à  Jérusalem,  elle  était  aux  mains  des  Israélites  (2) 
une  capture  de  première  importance  contre  le  royaume  du 
Sud  ;    aussi  Basa  eut-il  soin  de  la  fortifier. 

Asa  appela  à  son  secours  Ben-Hadad  I   de   Damas  (3)   qui 
était  d'abord  allié  de  Basa  (i  Reg.,  XV,  19).  Le  Syrien  accepta 


(i)  La  piiblicatiou  du  «  Palestine  exploitation  fouud  »  :  Naines  andjjluces 
in  the  OUI  and  \ew  Testament  and  apocrypha.  S""*^  édition,  Londres,  1908, 
p.  lig.  identifie  Gibbethon  avec  le  village  moderne  de  Kibbieh  à  l'Ouest  de 
Tininathali  ou  Tibneh. 

(2)  Dans  la  suite  jusqu'à  la  chute  de  Saniarie,  nous  entendrons  par  Israé- 
lites ou  Israël  à  moins  d'indication  contraire,  les  habitants  du  royaume 
du  Nord. 

i'i)  Jusqu'au  douzième  siècle  Damas  avait  été  occupé  par  les  Amor- 
rhéens;  les  Araméens  s'en  étaient  emparés  alors. 

Le  royaume  d'Aram-Soba  (au  Nord  de  la  Palestine,  entre  TEuphrate  à 
l'Est  et  rOronte  à  l'Ouest)  avait  aspiré  à  l'hégémonie  de  la  Syrie.  Il  i)erdit 
la  partie  contre  David  (jui  avait  soumis  les  États  du  Hauran  et  ceux  qui  y 
conl'inaient:  Maakah.Gessour. Damas.  Mais  David  à  peine  mort,  un  certain 
Ilezoït  les  affranchit.  11  avait  fait  ses  premières  armes  sous  Iladadézer,  roi 
de  Soba.  Son  maître  battu,  il  guerroya  pour  son  propre  compte,  prit  Da- 
mas et  recueillit  la  succession  des  princes  de  Soba  dans  les  vallées  du 
Litany  et  de  l'Oronte.  L'unité  hébraï<iue  rompue,  il  fit  de  Damas  l'Etat  pré- 
pondérant dans  les  régions  du  Sud  et  du  centre.  Tandis  que  les  luttes  intes- 
tines affaiblissaient  Juda  et  Israël,  les  successeurs  de  Rezon,  Tabrimmon 
puis  Hen  Iladad  I  s'agrandissaient  en  Coelé-Syrie,  ils  soumirent  llamath, 
les  vallées  du  désert  qui  s  en  vont  au  Xord-Est  dans  la  direction  de  l'Eu- 
phrate  et  ils  obligèrent  plusieurs  des  rois  hittites  à  leur  prêter  hommage. 


5o  DEPUIS  l'Établissement  de  la  royauté 

l'offre  du  roi  de  Juda  et  réduisit  les  villes  de  la  Galilée.  Asa 
démolit  alors  Rama  et  avec  les  débris  il  bâtit  les  deux  cita- 
delles de  Mizpaet  Géba.  (i  Reg,,  XV,  18-22.) 

Ela,  Zamrl,  Après  un  règne  de  deux  ans,  Ela,  fils  de  Basa,  fut  assassiné  à 
Omri  Tirzah  par  Zamri  qui  commandait  la  moitié  de  sa  cavalerie.  En 
ce  moment  l'armée  d'Israël  était  en  guerre  avec  les  Philistins 
devant  Gibbethon.  Elle  acclama  comme  chef  Omri,  et  Zamri, 
après  un  règne  éphémère  de  sept  jours,  mit  le  feu  au  palais 
royal  à  Tirzah  et  s'y  brûla. 

Omri  eut  à  lutter  d'abord  pendant  quatre  ans  contre  un  com- 
pétiteur de  nom  Thibni,  fils  de  Ginath.  (i  Reg.,  XVI,,  8-22.) 
Sichem  (i  Reg.,  XII,  25),  Tirzah  d  Reg.,  XV,  21)  Pnouel 
(i  Reg.,  XII,  25,  rive  gauche  du  Jabbok),  Rama  (XV,  17) 
avaient  tour  à  tour  servi  de  résidence  aux  rois  d'Israël.  Après 
avoir  résidé  pendant  six  ans  à  Tirzah,  Omri  s'installa  au  Nord- 
Ouest  de  Sichem  et  du  mont  Ebal  et  bâtit  Samarie(i  Reg., 
XVI,  24),  qui  devint,  grâce  à  sa  position,  le  centre  de  résistance 
en  Israël.  Elle  s'étalait  (i)  sur  la  croupe  d'une  colline  arron- 
die, qui  se  dressait  au  centre  d'un  bassin  large  et  profond  et  se 
reliait  aux  hauteurs  environnantes  par  une  crête  étroite. 
«  L'acropole  de  la  ville  antique  »,  dit  Guérin  (2),  «  s'élève 
comme  par  étages  successifs,  avec  des  rampes  doucement 
ménagées,  jusqu'à  un  plateau  supérieur  d'où  la  vue  est  très 
étendue,   » 

Il  est  probable,  à  juger  d'après  l  Reg.,  XVI,  25-26,  qu'Omri 
éleva  un  temple  à  Jahvé,  représenté  par  le  veau  d'or.  (Cfr. 
Amos,  VIII,  14.)  Omri  se  vit  enlever  plusieurs  villes  de  Ga- 
laad, entre  autres  Ramoth,  qui  surveillait  les  gués  du  Jabbok  et 
du  Jourdain,  par  Ben  Hadad  I  et  arracher  par  les  Syriens  un 
quartier  spécial  de  Samarie  où  ils  pouvaient  exercer  leurs  mé- 
tiers et  adorer  leurs  dieux  sans  contrainte,  (i  Reg.,  XX,  34.) 
Pour  se  dédommager,  il  établit  sa  suprématie  sur  }uda.  Il  sou- 
mit les  cantons  du  Sud- Ouest,  perdus  depuis  Salomon,  conquit 
le  pays  de  Madaba  et  imposa  à  Moab   un  fort  tribut,  comme 


(i)  Maspero,  II,  p.  780. 

(2)  La  Terre  Sainte.    . .  l'^  partie.  Plon-Nourrit,  Paris,  1884.  p-  270. 


jusqu'à    la    CIIITTE    DE    SAMARIE  5l 

nous  l'apprend  la  stèle  de  Mésa.  (Voir  plus  loin)  (i.)  Il  maria 
son  fils  Achab  à  Jézabel,  fille  d'Ithobaal,  roi  de  Tyr.  Cette 
alliance  devait  donner  aux  deux  Etats  la  persuasion  que  leurs 
relations  resteraient  amicales,  ce  qui  constituait  une  sécurité 
pour  l'un  et  l'autre. 

Les  lettres  de  Tell-el-Amarna  nous  parlent  de  Tyr,  Sidon,  jyr. 
Byblos,  et  nous  montrent  la  Phénicie  dans  les  mêmes  rapports 
de  vassalité,  plus  ou  moins  réelle,  que  ceux  des  autres  peuples 
palestiniens.  Comme  eux,  elle  se  rendit  indépendante  de 
l'Egypte  vers  l'époque  de  l'occupation  israélite  et  sa  ma- 
rine cingla  en  dominatrice  les  côtes  de  la  Méditerranée, 
non  seulement  pour  y  établir  des  comptoirs,  mais  pour 
y  occuper  le  sol,  même  assez  avant  dans  les  terres. 
Nous  avons  vu  que  ce  sont  les  Phéniciens  qui  fondèrent 
Carthage  (au  huitième  siècle)  (21.  Après  Hiram  I,  qui  avait 
porté  la  grandeur  de  Tyr  à  son  apogée,  le  même  esprit  de  dis- 
corde qui  agitait  les  Hébreux  avait  soufflé  sur  elle.  Le  succes- 
seur d'Hiram,  Baalbézer,  régna  six  ans;  Abdastart  qui  vint 
après  lui  périt  dans  une  émeute  :  les  quatre  enfants  de  la  nour- 
rice d' Abdastart  tuèrent  celui-ci,  leur  frère  de  lait,  et  déférèrent 
la  couronne  à  l'aîné  d'entre  eux.  Ils  restèrent  douze  ans  au 
pouvoir;  leur  administration  brutale  et  maladroite  fit  émigrer 
l'aristocratie  dans  les  colonies  d'outre-mer  qu'ils  soulevèrent 
contre  la  métropole.  Une  révolution  chassa  l'usurpateur  et  rap- 
pela l'ancienne  lignée  royale,  sans  restituer  à  Tyr  la  tranquillité 
dont  elle  avait  besoin.  Les  trois  fils  survivants  de  Baalbézer: 
Méthouastart,  Astarym  et  Phellès,  se  succédèrent  rapide- 
ment et  le  dernier  périt  après  huit  mois,  assassiné  par  son 
cousin  Ithobaal.  Celui-ci  saisit  avec  empressement  l'oftre 
d'Omri.  Les  Israélites  (tribus  du  Nord  et  du  centre)  jusqu'alors 
réfractaires  au  mouvement  de  civilisation  matérielle,  se  poli- 
cèrent  au  contact  de  Jézabel,  au  moins  dans  les  classes  supé- 
rieures et  la  bourgeoisie  ;  la   royauté  devint  un  peu  moins  pay- 


(i  La  réputatiou  d'Omri  lut  telle  que  lors  même  qu'aura  disparu  sa 
lignée,  les  Assyriens  désigneront  encore  le  royaume  d'Israël  du  nom  de 
«  Bit-Umri  ». 

(2)  LAGRANX.K,  E,R.  5^,  pp.  57-59. 


52  DEPUIS  l'Établissement  de  la  royauté 

sanne  et  se  rapprocha  davantage  de  ce  qu'elle  était  dans  les 
autres  monarchies  syriennes,  à  Damas,  à  Hamath,  à  Sidon,  à 
Tvr  et  dans  Juda.  Jézabel  introduisit  le  culte  des  divinités  phé- 
niciennes qui  eurent  leurs  temples  et  leurs  bois  sacrés  à  Sa- 
marie   (i).     Ces   cultes  suscitèrent  la  violente   opposition   du 


(i)  Au  premier  rang  se  trouvent  les  6a«/.s,  dieux  locaux  considérés  com- 
me exer<;aut  une  domination  réelle  sur  les  endroits  où  ils  étaient  honorés  : 
Baal  Sidon,  Baal-Libanon,  Baal-llermon.  Les  Ijaals  des  montagnes  et  des 
sources  sonl  fréquents.  Parfois  aussi  le  baal  est  déterminé  par  une  éi)ithète 
et,  comme  tel,  s'entend  de  celui  (jui  ])ossède  certaines  qualités  et  préside 
à  certaines  actions,  par  exemple  :  Kaal-.Marplié  ou  P>aal  guérisseur;  Baal- 
Zeboub  ou  Baal  chasse-mouches;  Baal-Manjod  ou  Baal  qui  préside  aux 
danses  sacrées. 

Le  dieu  cananéen  Hadad  est,  de  l'aveu  de  tous,  le  dieu  i)riucipal  de  la 
Syrie.  Il  est  le  baal  i)ar  excellence,  le  baal  du  ciel,  et  spécialement  le  dieu 
de  l'orage,  d'où  son  surnom  de  Rammàn  ou  Tonitruant.  Or  la  Bible  parle 
souvent  d'un  baal  par  excellence,  que  rien  n'oblige  à  regarder  comme  le 
propre  baal  de  Tyr.  et  dont  les  attributs  ressemblaient  assez  à  ceux  de 
Jahvé.  dieu  du  ciel,  j)Our  qu'on  ait  mêlé  au  culte  de  Jahvé.  le  culte  de  Baal, 
et  même  rej)résenté  Jahvé  sous  l'image  d'un  taureau;  le  taureau  de  Iladad. 
C'était  i)Our  les  Egyptiens  le  dieu  i>ar  excellence  des  Asiatiques  ou  des 
Sémites  de  l'Ouest.  {E.  R.  S',  pp.  83  9:  .) 

Vient  ensuite  le  dieu  M  L  K  (jue  la  bible  réprouve  comme  une  fausse 
divinité  et  dont  le  culte  se  caractérise  parles  sacrifices  humains  et  les  sa- 
crifices par  le  feu.  (I.ev.,  XVIIL  21.  XX,2-5;  2  Reg.,XXIII,  10;  .Ter.  XXXII, 
35.) 

Il  est  incontestable  (lue  le  nom  de  «  melek  »  ~.y2  '■  régner)  est  à  l'ori- 
gine un  nom  commun;  mais  il  est  devenu,  plus  encore  ([ue  le  bagl,  le  nom 
d'un  dieu  particulier  et  il  a  été  ponctué  par  les  Massorèies  «  Molek  »,  sur  le 
thème '<  Bocheth  »:  objet  infâme.  (LXX,  Mo/ox.)  Il  désigne  cette  divinité 
sinistre  du  monde  inférieur,  du  schéol,  censée  peupler  .son  empire  parla 
maladie,  la  peste,  la  famine,  la  guerre,  qui  ne  lâchait  prise  <iue  lorsque  des 
victimes  de  choix  lui  étaient  offertes  avant  le  temps  normal  de  leur  décès, 
par  conséquent  toutes  jeunes.  Les  sacrifices  humains  étaient  d'ailleurs 
considérés  par  les  Hébreux  comme  un  usage  des  Cananéens.  C'est  chez  ces 
derniers  que  nous  trouvons  des  traces  assez  évidentes  de  la  personnalité 
de  ce  dieu,  dont  la  prononciation  <'  Milk  »  nous  est  révélée  dans  les  lettres 
de  Tell-el-Amarna.  Milk  avait  un  rapport  spécialavec  Byblos.  Les  auteurs 
classiques  ont  fréquemment  noté  la  coutume  barbare  des  Phéniciens  et 
des  Carthaginois  d'immoler  les  enfants  par  le  feu.  (E.  R  5-.,  pp.  iig-iog.) 

Achéra-Anlarté.  Comme  il  y  a  un  maitre,  il  y  a  une  maîtresse;  pour 
tons  les  Sémites  la  déesse  est  surtout  la  dame,  comme  le  dieu  était  le 
seigneur  :  Baal. 

Achéra  dans  la  Bible  est  le  nom  d'une  déesse  et  aussi  d'un  pieu  sacré. 
Acliéra  était  une  déesse  cananéenne  dont  le  culte  fut  connu  à  Babylone,  au 
moins  dès  les  temps  d'IIammourabi,  et  c  est  précisément  au  pays  de 
Canaan,  dans  les  lettres  de  Tell-el-.\ marna  (^ue  le  nom  de  la  déesse  a 


jusqu'à  la  chute  de  samarie  53 

prophète  Elie  de  Thisbé  et  de  son  disciple  Elisée,   (i    Reg., 
XVII-XIX,  XXI,  17-29,  2  Reg.  I-II,  14.) 

A  la  mort  de  Ben  Hadad  I,  Achab  rompit  son  vasselage  et  Achab 
battit  le  nouveau  roi  de  Damas  Adadidri  (aussi  appelé 
Ben-Hadad  dans  la  Bible)  (i)  à  deux  reprises,  une  première 
fois  sous  les  murs  de  Samarie,  que  le  roi  de  Damas  était  v^enu 
assiéger  avec  trente-deux  rois,  des  chevaux  et  des  chars 
innombrables,  alors  que  Achab  n'avait  que  sept  mille  hommes 
à  lui  opposer,  —  et  l'année  suivante,  dans  la  plaine  de  Jezréel, 


d'abord  été  relevé.  Ses  origines,  pour  obscures  (qu'elles  soient,  sont  liées  à 
celles  du  dieu  Acliour.  Celui-ci  a  eu  de  hautes  destinées  comme  la  divinité 
suprême  de  la  puissante  monarchie  assyrienne,  mais  il  a  complètement 
disparu  avec  celle-ci. 

Considérée  comme  presijue  étrangère,  —  car  dès  le  temps  dllammou- 
rabi  elle  est  spécialement  déesse  des  pays  occidentaux,  du  pays  de 
Canaan.  —  n'étant  dailleurs  qu'un  doublet  du  dieu  Acliour.  simplement 
compagne  du  dieu  sans  personnalité  bien  distincte,  elle  s'effaça  encore 
plus  tôt  que  le  dieu,  et  à  l'époque  où  nous  transportent  les  livres  bibliques, 
la  confusfon  entre  Acliéra  et  Astarté,  commencée  au  temps  d'el-Araarna. 
devait  avoir  été  complète;  son  nom  d'Achéra  n'était  guère  plus  usité  que 
comme  une  épithcte  d'Astarté,  la  grande  déesse  cananéenne. 

Celle-ci  figure,  d'après  la  vocalisation  massorétique.  sous  le  nom  de 
«  ."Vchtoreth  »  vocalisé  également  comme  «.  Boclieth  »;  les  cunéiformes  ont 
Astartu,  rendu  par  LXX  'Aarst^r»?.  Elle  parait  dans  la  Bible  comme  la 
divinité  spéciale  des  Sidonieus  (i  Reg..  XI.5, 33;  2  Reg..  XXIII.  i3.)  D'après 
I  Sam.,  XXXI.  10.  nous  retrouvons  son  culte  chez  les  Philistins. 

Déesse  de  la  guerre  et  de  l'amour,  son  culte  comportait  les  prostitutions 
sacrées  et  l'institution  des  hiérodules  mâles.  La  déesse-poisson  d'Ascalon 
Dercéto  ou  Atargatis.  associée  au  dieu-poisson  Dagon,  à  Azot  (i  Sam., 
V,  3,  4^  en  est  une  modalité.  Elle  est  le  pendant  de  l'Istar  assyrienne  de 
l'Aplirodite  grecque,  delà  planète  Vénus,  et  ce  culte  de  l'étoile  du  matin 
persista  chez  les  .\rabes  jus(iu'à  l'aurore  de  l'Islam.   E.  R.  S2 ,  pp.  119-140.) 

Quant  kl'Achéra  :  pieu-sacré,  c'est  un  accessoire  du  culte,  non  l'objet  du 
culte  C'est  un  tronc  ou  pieu  sacré  placé  près  de  l'autel,  non  pas  un  boi'' 
sacré,  comme  le  veulent  les  LXX  :  t«  a/3»j  et  la  Vulgate  :  «  idolum  luci  » 
et  «luci  ».  Ce  pieu  sacré  (jui  porte  le  nom  de  la  déesse  doit  être  symbolique! 
le  plus  vraisemblablement  l'Achéra  était  une  sorte  de  xoanon  grossier' 
une  image  <le  la  déesse  dont  la  tète  était  peut-être  à  peine  ébauchée  et 
dont  le  corps  était  un  i)ieu  fiché  en  terre;  comme  la  stèle  ou  le  bétyle  a  pu 
<levenir  le  symbole  du  baal,  l'.Vchéra  figurait  la  déesse  qui  lui  était  unie- 
(K.  R.  S^..  pp.  iG<)  180,  k4ss.,  197  ss.) 

(I)  Voici  la  série  des  rois  de  Damas  mêlés  aux  événements  bibliques  : 
Hezion,  probablement  identique  à  Rezon  fi  Reg.,   XI.  a'i),  fondateur  de 


54  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

près  d'Aphek.  Les  Juifs  eurent  le  droit  d'occuper  à  Damas  un 
quartier  particulier  (comme  les  Damasquins  en  avaient  un  à 
Samarie)  et  promesse  fut  faite  de  rendre  les  villes  enlevées  jadis 
par  Ben  Hadad  I.  (i  Reg.,  XX.)  Toutefois,  les  citadelles  de  la 
Pérée  qui  auraient  dû  être  restituées  aux  Israélites  ne  semblent 
pas  avoir  cessé  d'être  la  possession  des  Damasquins  et 
Ramoth  de  Gilead  continua  d'inquiéter  le  royaume  d'Israël 
comme  auparavant. 

Damas  demeurait,  malgré  tout, l'État  prépondérant  de  la  Syrie; 
elle  paraissait  être  en  bonne  voie  d'opérer  à  son  profit  cette 
concentration  du  pays  que  ni  les  Hittites,  ni  les  Philistins,  ni 
les  Hébreux  n'avaient  réussi  à  réaliser.  Sa  position  géographi- 
que lui  donnait  des  avantages  appréciables,  mais  les  peuples 
assyro-babyloniens  vont  l'empêcher  de  maintenir  son  hégé- 
monie (i).  Avec  Salmanasar  III  d'Assyrie  (86o-825),  cepays 
avait  commencé  à  reprendre  le  dessus.  Cinq  années  lui  suffirent 
pour  anéantir  l'Adini  (Nord-Est  d'Alep),  entamer  l'Ourartou 
(au  N'ord  du  lac  Van)  et  confirmer  dans  l'obéissance  les  Etats 
tributaires  de  la  Syrie,  mais  Damas  et  Babylone  étaient 
demeurées   indemnes.    Adadidri,     malgré     son    échec    contre 


la  dynastie.  C'est  ce  Rezou  qui  avait  fait  ses  premièi'es  armes  sous 
Hadadézer  de  Soba.  battu  par  David. 
Tab-liimmon.  (i  Reg.,  XV,  i8.) 

Ben-Hadad  I,  couteniporain  d'Asa  et  de  Basa,  ii  Reg.  XV,  i6  ss.) 
Hadadézer  ou  Iladadidri,    contemporain   de  Salmanasar   et  d'Acliab, 

mort  vers  845-842,  nommé  Ben-Hadad  dans  1  Reg.,  XX. 
Hazaël  l'usurpateur  (i  Reg.,  XIX,  i5et  2  Reg.,  VIII,  28),  contemporain 

de  Salmanasar  et  des  rois  d'Israël  Joram  et.Iéhu. 
Ben-Hadad  II,  son  fils  (2  Reg.,  XIII,  24),  le  contemporain  du  roi  d'Israël 
•loas. 

Mariait 

Ben  Hadad  III. 
Rezon  II. 
Ha<ladé>;er,  contemporain  d'Achab,  est  bien  le  même  que  le  prédécesseur 
de  Ilazaël.  Il  est  le  roi  de  Damas  qui  lutta  à  Karkar  contre  Salmanasar  en 
854.  En  effet,  avec  lui  A-ka-ab-bu  est  mentionné  avec  deux  mille  chars  et 
dix  mille  soldats.  Or  les  inscriptions  assyriennes  prouvent  qu'il  n'y  a  pas 
d'intermédiaire  entre  Hadadézer  et  Hazaël.  Donc  le  Ben-Hadad  de  1  Reg., 
XX,  est  bien  Hadadézer.  C'est  parce  qu'il  était  roi  de  Damas  que  le  récit 
biblique  l'appelle  Ben  Hadad,  nom  qui  devenait  une  espèce  d'api)ellation 
génériciue. 
(i)  Voir  sur  la  forte  situation  de  Damas  :  Maspkro,  II.  pp.  787,  788. 


jusqu'à  la  chute  DIÙ  samarie 


55 


Achab  I  Keg.,  XX,  disposait  néanmoins  d'une  puissance  in- 
quiétante :  seigneur  immédiat  de  la  Coelé-Syrie  et  du  Hauran, 
il  avait  pu  rassembler  autour  de  lui  dans  une  confédération 
plus  ou  moins  précaire  Hamath,  Israël,  Ammon,  des  hordes 
d'Arabes  et  d'Iduméens,  Arad  et  les  principautés  de  la  Phéni- 
cie  septentrionale  :  Ousanata,  Shianou,  Irkanata.  Douze  sou- 
verains avec  Adadidri  se  trouvèrent  ainsi  avoir  une  armée  de 
près  de  cent  mille  hommes.  Si  ces  divers  peuples  s'entendaient 
à  constituer  un  empire  unique,  l'Assyrie  allait  avoir  un  puissant 
rival.  Salmanasar  III  sortit  de  Ninive  le  14  lyàr  (avril-mai)  854, 
reçut  sur  son  passage  la  soumission  de  diverses  peuplades,  et 
se  heurta  à  l'armée  d' Adadidri  à  Karkar  (près  de  l'Oronte,  au 
Nord  de  Hamath  ?  site  occupé  probablement  plus  tard  par 
Apamée).  Deux  mille  chars  et  dix  mille  Hébreux  d'Achab  prê- 
tèrent main-forte  à  Adadidri  (i).  Quoique  Salmanasar  s'attri- 
buât la  victoire,  l'action  dut  demeurer  assez  indécise. 

A  la  suite  de  cette  bataille,  il  eut  à  réprimer  des  révoltes  des 
Khâti  et  des  Araméens  ;  il  dut  d'ailleurs  renoncer  au  tribut  payé 
par  la  Syrie.  De  853  à  85i,  Salmanasar  intervint  dans  des  dis- 
putes de  dynasties  en  Babylonie,  et  si  pendant  ces  démêlés 
intérieurs  de  Salmanasar,  les  Khàti  se  fussent  alliés  à  Damas, 
ils  auraient  pu  espérer  rester  délivrés  de  l'Assvrie.  Ils  eurent 
le  tort  de  s'isoler. 


Josaphat  de  Juda  (qui  avait  succédé  à  son  père  Asa),  maria 
son  fils  Joram  avec  Athaliah,  fille  d'Achab,  et  il  accompagna 
celui-ci  sous  les  murs  de  Ramoth-Gilead,  qu'il  s'agissait  de 
reprendre  à  Adadidri,  vu  qu'elle  avait  été  négligée  dans  la  resti- 
tution des  villes   juives   (2).   Malgré  le    déguisement    auquel 


Josaphat 
et  Joram 
de  Juda. 


(1)  Clr.  WiXCKLKll,  Keiliiiscliriftllche.s  Textbuch  K.  I.  T.),  i)i).  18-20. 

(2)  Israël  Juda 

Achab  Josaphat 

(marié  à  .Tézabel,  fille  d'Itiiobaal  de  Tyr) 


Ochozias 


I 
.loram 


Athaliah- 


-Joram 


.loraui  de  .luda  est  marié  à  Athaliah  disraél 


Ochoziah 


56 


DEPUIS  l'Établissement  de  la  royauté 


Ochozias 
et  Joram 
d'Israël. 


Achab  eut  recours  pour  distraire  de  sa  personne  l'attention  des 
Syriens,  il  tiit  tué  et  son  armée  défaite  :  Israël  redevint 
vassal,  probablement  aux  conditions  antérieures  à  la  bataille 
d'Aphec.  Les  royaumes  d'Israël  et  de  Juda  eurent  de  nouveau 
à  fournir  leurs  contingents  habituels  à  Hadadézer  dans  ses 
luttes  contre  rAss3Tie. 

Le  règne  de  Josaphat  de  Juda  marque  une  période  de  pros- 
périté pour  le  royaume  du  Sud.  Le  premier  livre  des  Rois  nous 
donne  à  son  sujet  assez  peu  de  détails  (XXII,  4i-5i);  mais  le 
second  livre  des  Chroniques  est  plus  riche  en  informations. 
(XVII-XX.) 

Josaphat  se  fortifia  contre  le  royaume  du  Nord,  reçut  le  tri- 
but des  Philistins  et  des  Arabes,  fit  disparaître  les  hauts  lieux 
et  les  Astartés,  enseigner  la  loi  dans  les  villes  de  Juda  et  obser- 
ver la  justice  en  établissant  des  juges  équitables.  Il  triompha 
des  Moabites  et  Ammonites  qui  avaient  tenté  de  lui  faire  la 
guerre.  Quant  aux  Edomites,  un  gouverneur  (du  royaume  de 
Juda)  les  administrait  en  son  nom. 

Il  équipa  une  flotte  pour  aller  chercher  de  l'or  au  pays 
d'Ophir,  comme  l'avait  fait  jadis  Salomon  (i  Reg.,  IX,  26-28)» 
mais  l'entreprise  avorta  dès  les  débuts,  les  vaisseaux  s'étant 
brisés  à  Eziongaber.  Il  s'allia  avec  Joram,  fils  et  deuxième  suc- 
cesseur d' Achab  (le  règne  de  son  premier  fils  Ochozias  ne  fut 
qu'une  maladie  d'un  an  ou  deux),  dans  une  expédition  contre 
Mésa,  roi  de  Moab,  qui,  à  la  mort  d'Achab,  avait  refusé  de 
continuer  son  tribut  annuel  de  cent  mille  agneaux  et  de  cent 
mille  béliers  avec  leurs  toisons.  Nous  venons  de  voir  qu'Edom 
était  sous  la  mouvance  de  Juda  ;  c'est  par  ce  territoire  que 
passent  les  armées  israélites  (2  Reg.,  III,  8)  pour  tourner  la 
mer  Morte,  passer  l'Ouadi-el-Hésa,  dans  le  Ghôr,  et  gagner  les 
plateaux  en  vue  d'attaquer  Kir  Moab  (Kérak). 

La  recension  grecque  de  Lucien  (i)  donne  comme  allié  de 
Joram  le  roi  Ochozias  de  Juda,  deuxième  successeur  de  Josa- 
phat; cela  étant,  on  doit  supposer  qu'Edom,  récemment  afiran- 


(i)  Le  choix  des  leçons  du  texte  fait  dans  sa  recension  par  Lncien  de 
Samosate,  su])i)ose  un  texte  héhreu  supérieur  au  texte  massorétique  et 
différent  aussi  dt^  celui  queurent  sous  les  yeux  les  traducteurs  alexan- 
drins (LXX.) 


jusqu'à    la   chute   de    SAMARIK  Sj 

chi,  et  qui  s'était  donné  un  roi  (2  Keg.,  VIII,  20),  mais  fut 
ultérieurement  battu  par  Joram  de  Juda,  ne  crut  pas  prudent 
de  s'opposer  aux  desseins  des  deux  rois  de  Juda  et  d'Israël. 
Cette  dernière  hypothèse  pourrait  trouver  un  appui  dans  le  fait 
que  Mésa  (d'après  2  Reg.,  III,  26)  semble  compter  sur  les 
complaisances  secrètes  du  roi  d'Edom.  L'issue  de  cette  cam- 
pagne reste  mystérieuse.  Après  avoir  failli  périr  de  soif,  l'armée 
des  trois  rois  confédérés  commença  par  dévaster  le  territoire 
ennemi;  puis  la  Bible  nous  fait  le  récit  suivant  :  «  Quand 
le  roi  de  Moab  vit  qu'il  avait  le  dessous  dans  le  combat,  il  prit 
avec  lui  sept  cents  hommes,  l'épée  nue  à  la  main  pour  se  frayer 
un  passage  jusqu'au  roi  d'Edom;  mais  ils  ne  purent  y  réussir. 
Prenant  alors  son  fils  premier-né,  qui  devait  régner  à  sa  place, 
il  l'offrit  en  holocauste  sur  la  muraille.  Et  une  grande  indigna- 
tion s'empara  d'Israël  et  ils  s'éloignèrent  du  roi  de  Moab  et 
retournèrent  dans  leur  pays.  » (2  Reg.,  111,26,  27.)  D'autre  part, 
Mésa  dans  sa  stèle  semble  taire  allusion  à  ce  drame,  quand 
il  dit  (i):  «  J'ai  fait  ce  sanctuaire  à  Camos  de  Qorkha  en  signe 
de  salut,  car  il  m'a  sauvé  de  toutes  mes  chutes  et  m'a  fait 
triompher  de  tous  mes  ennemis».  Peut-être, dit  le  Père  Lagrange, 
les  Moabites  combattirent-ils  dès  lors  avec  l'énergie  du  déses- 
poir; peut-être  les  Israélites  redoutèrent-ils  l'efficacité  de  l'hor- 
rible sacrifice;  élevés  depuis  le  règne  d'Achab  dans  des  idées  à 
moitié  païennes,  ils  ont  jiu  craindre,   non  point  que  Camos  se 


(i)  Découverte  en  186S  à  Dibau  par  le  Rév.  Klein,  de  la  mission  proles- 
tante de  .Térusalem,  la  stèle  se  trouve  aujourd'hui  reconstituée  au  Musée 
du  Louvre  par  les  soins  de  M.  Cleruiont-Gauneau  (on  peut  en  voir  un  mou- 
lage au  Musée  biblique  de  l'Université  catholique  de  Louvain)  ;  les  Arabes 
l'avaient  cassée,  croyant  que  ce  «  Maktoub  »  ou  inscription  recelait  des 
trésors.  Intacte,  la  piei*re  mesurait  i"M.S  de  hauteur,  o"'70  de  largeur  et  o"'.'î5 
d'épaisseur.  Le  roi  Mésa  de  Moab  raconte  comment  il  délivra  son  pays  du 
joug  Israélite  sous  le  fils  (  =  pelit-fils)  d'Omri,  cl'r.,  2  Reg.  IIL  pp.  4  ss., 
qui,  lui,  l'avait  asservi  pendant  quax'ante  ans  ;  et  énumère  les  construc- 
tions qu'il  a  l'ait  e.xt'cuter  eu  j)artie  par  les  prisonniers  d'Israël.  Voir  texte 
dans  Lid/barski.  Altsemili.sche  Texte,  i'^'»-  Ileft.  Tôpi:i,.mann  Giesskn.  1007, 
pp.  5  ss. 

Notes  pliilologiiiues  et  critiiiues  ilans  Rev.  Hibl.,  1901.  i)p.  •25'Hi.  La- 
GRANOK,    L'inscrr//tion  de  .1/é.sa. 

Déductions  hist<jri(iues  dans  Dicl.  hiblif/iie  au  mot    Mena,  par  La(;kaN(;k. 

Nous  donnons  eu  appendice  hi  traduction  de  la  stèle  d'ai)rès  La(;i{AN(;e. 
Rev.  Hil)l.,  1901,  i)p.  5ii4,  "ia"}. 


58  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

mît  en  colère  contre  eux,  mais  que  Jahvé,  auquel  ils  ne  pou- 
vaient offrir  des  victimes  humaines,  se  trouvât  dans  cet  état 
d'infériorité  que  les  anciens  coloraient  publiquement  en  disant 
que  leur  dieu  était  en  colère.  Si  on  admet  (d'après  la  recension 
de  Lucien)  que  le  roi  de  Juda  était  Ochozias,  il  est  le  plus 
simple  de  supposer  que  le  retrait  brusque  de  l'armée  juive  était 
occasionné  par  l'annonce  d'une  nouvelle  attaque  syrienne  (i). 
En  effet,  nous  savons  que  vers  la  fin  du  règne  de  Joram 
d'Israël,  alors  que  régnait  en  Juda,  Ochozias  (2),  Adadidri 
vint  encore  une  fois  assiéger  Samarie,  qu'il  réduisit  à  toute 
extrémité  (3).  Le  prophète  Elisée  en  prédit  la  délivrance.  Le 
bruit  se  répandit  dans  le  camp  syrien  que  des  armées  du 
Mousri  (4)  et  des  armées  hittites  venaient  au  secours  des 
Israélites.  (Voir  Alt,  op.  laud.  p.  Sg.)  A  cette  nouvelle  les 
Syriens  s'enfuirent  en  hâte,  abandonnant  leur  campement  avec 
tous  les  vivres  et  toutes  les  munitions  qu'il  contenait.  (2  Reg., 
VI-VII.)Peu  après,  Adadidri  fut  étouffé  par  un  de  ses  intimes, 
Hazaël,  après  trente  années  d'un  règne  qui  n'avait  pas  été  sans 


(1)  Rev.  Bibl.,  1901.  LagranGE,  L'inscription  de  Mésa,  p.  545. 

(2)  A  .Tosaphat  succéda  son  fils  Joram  (lui  commença  par  tuer  tous 
ses  frères  et  rétablir  les  hauts-lieux.  Les  Edomites  essayèrent  de  secouer 
son  joug  ;  les  Philistins  et  les  Arabes  couschites  firent  invasion  dans  sou 
royaume  et  lui-même  mourut  d'une  maladie  d'entrailles,  après  huit  ans  de 
règne  (a  Chron..  XXI).  Son  fils  Ochozias  lui  succéda. 

(3)  Ces  événements  doivent  se  passer  entre  la  bataille  de   Karkar  en 
854  et  l'année  842,  car  alors  Salmanasar  est  en  lutte  avec  Hazaël  le  succès 
seur  d'Hadadidri . 

(4)  I  Reg.,  X.,  28  ss  ,  2  Chron.  I,  i()  ss.,  IX,  28,  nous  racontent  que 
Salomon   tirait    tous    ses    chevaux  □i"i^i;^'0'    r)oi'dinaire    on   a    vu  dans 

cette  désignation  l'Egypte.  Seulement  à  deux  i-eprises  :  i  Reg.  X,  28  et 
2  Chron.    ï,    iG     ou    trouve    adjointe    la    mention    "ipQ  et  Wincki.er    : 

{Alttestamentliche  Untersuchnngen  pp.  178  ss.)  propose  d'entendre  par  Mis- 
raim  le  pays  de  Mousri  'comme  Kittei.  propose  de  lire  i  Reg.,X,  28  i~)yQQ). 

Il  s'agira  donc  du  pays  ciliciende  Mousri  ce  qui  semble  bien  prouvé  par 
cette  adjonction  de  la  localité  de  Kue,  connue  par  les -inscriptions  assy- 
riennes et  qui  se  trouve  dans  le  voisinage  du  pays  de  Mousri  dans  la  Syrie 
du  Nord.  (Cfr.  Alt,  op.  laud.,  pp.  28-24).  I^e  site  du  pays  de  Kue  (il  a  été 
détermiiié  par  Schrader)  était  la  plaine  de  Cilicie,  depuis  l'Amanus  jus- 
qu'aux monts  de  la  Kètis,  y  compris  la  grande  ville  de  Tarse.  D'après 
Fr.  Lknor.maxt,  les  passages  i  Reg.,  X,  28,  et  2  Chron.,  I,iG,  en  parlent  au 
temps  de  Saloinou.  Cfr.  Masi'EUO,  11,  p.  590,  note  o. 


JUSQU  A    LA   CHUTE   DE    SAMARIE 


39 


gloire.  Il  avait,  en  effet,  noué  d'étroites  relations  avec  Hamath 
et  la  Phénicie,  dominé  trente-deux  rois  vassaux  et  résisté 
vaillamment  aux  Assvriens;  s'il  n'avait  pas  conquis  la  Palestine 
entière,  il  avait  au  moins  soumis  presque  tout  le  pays  de  Ga- 
laad,  entre  le  Hauran  et  la  frontière  de  Moab  (i). 

Hazael  n'hérita  pas  toutefois  de  l'autorité  qui  s'était  attachée 
à  son  prédécesseur;  les  textes  assyriens  nous  le  montrent  isolé 
des  confédérés  d'autrefois;  Hamath,  Arad,les  peuples  du  Nord 
désertèrent  la  ligue  (2).  Joram  d'Israèl  et  Ochozias  de  Juda 
{qui  venait  de  succéder  à  Joram  de  Juda)  crurent  le  moment 
favorable  pour  renouveler  contre  Ramoth-Giléad  la  tentative 
de  leurs  prédécesseurs.  Joram  est  blessé  et  se  retire  au  palais 
de  la  plaine  de  Jezréel  pour  guérir  ses  blessures.  Pen- 
dant qu'Ochozias  va  l'v  visiter,  Jéhu.  capitaine  de  l'armée 
d'Israèl,  campé  devant  Ramoth-Giléad  est  oint  roi  par  le  pro- 
phète Elisée.  Aussitôt  il  se  met  à  la  tète  d'une  petite  troupe,  et 
se  dirige  vers  la  résidence  du  roi  d'Israèl.  Se  rendant  compte 
de  ce  qui  se  passe,  celui-ci  veut  fuir,  mais  tombe  percé  d'une 
flèche;  Ochozias  est  blessé  lui  aussi  et  s'en  va  mourir  à 
Mageddo.  Entré  dans  Jezréel,  Jéhu  fit  jeter  Jézabel,  mère  de 
Joram,  de  la  fenêtre  du  palais,  d'où  elle  le  narguait,  et  foula 
aux  pieds  son  cadavre.  C'était  l'accomplissement  de  la 
prédiction  du  prophète  Elie.  (i  Reg.,  XXI,  23.) 

Cette  exécution  faite,  Jéhu  donna  l'ordre  d'exterminer  toute 
la  famille  d'Achab  qui  restait  à  Samarie,  au  nombre  de 
soixante-dix  princes,  ainsi  (jue  tous  ses  familiers.  Tous  les  prê- 
tres et  adorateurs  de  Baal  furent  massacrés,  et  le  culte  de 
Jahvé  reprit  ses  droits;  toutefois,  il  tut  pratiqué  sous  la  forme 
que  lui  avait  imprimée  Jéroboam,  celle  des  veaux  d'or, dans  les 
sanctuaires  de  Béthel  et  de  Dan. 

Mais,  tandis  que  la  religion  de  Jahvé  triomphait  dans  Sama- 
rie, Baal  s'installa  à  Jérusalem,  où  la  mort  d'Ochozias  avait 
provoqué  un  drame  semblable  à  celui  qui  se  déroulait  a  Samane. 
Athalie,  fille  de  Jézabel,  épouse  de  Joram  de  Juda  et  mère 
d'Ochozias  de  Juda,  apprenant  la  mort  de  son  fils,  extermina 


Ochozias 
de  Juda. 


Jéhu. 


Athalie  et 

Joas 

de  Juda. 


(i)  Maspero.  Histoire  ancienne,  p.  443- 
(2)  M.\si'i:ro,  III,  i).s:î. 


6o  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

les  restes  de  la  race  de  Josaphat  et  saisit  le  pouvoir.  Grâce, 
toutefois,  à  Joschéba,  la  sœur  du  roi  Ochozias,  le  fils  de 
celui-ci,  Joas,  fut  soustrait  au  massacre.  Avec  l'avènement 
d'Athalie,  le  culte  de  Baal  supplanta  celui  de  Jahvé.  Mais  les 
menées  de  l'impie  lui  valurent  la  haine  du  peuple.  La  sep- 
tième année  de  son  règne,  le  grand  prêtre  Joïada  révéla  aux 
chefs  militaires  l'existence  du  jeune  Joas.  Celui-ci  fut  reconnu 
comme  roi  légitime  et  l'intruse  mise  à  mort.  Comme  le  jeune 
roi  n'avait  que  sept  ans,  la  régence  fut  tenue  par  les  prêtres. 
(2  Reg.,  VIII-XI.) 

Le  bruit  de  ces  événements  avait-il  attiré  l'attention  de  Sal- 
manasar?  Toujours  est-il  qu'en  842  l'Assyrien  vint  en  Syrie  et 
présenta  sur  le  Sanir  la  bataille  à  Hazaël,  privé  maintenant  de 
tous  ses  alliés.  Celui-ci  essu3^a  une  rude  défaite,  mais  put  encore 
se  replier  en  bon  ordre  sur  Damas  que  le  vainqueur  ne  parvint 
pas  à  forcer.  Il  se  dédommagea  en  dévastant  la  banlieue,  qui, 
enrichie  par  un  siècle  de  paix,  fournit  un  butin  presque  incal- 
culable. De  là,  le  vainqueur  descendit  en  Phénicie,  où  il  reçut 
l'hommage  de  Tyr,  de  Sidon  et  d(^  Jéhu.  Ce  furent  les  premiers 
rapports  directs  dTsraël  avec  Asour,  et  Salmanasar  les  immor- 
talisa avec  d'autres  de  ses  exploits  sur  «  l'obélisque  noir  » 
conservé  au  British  Muséum  (i). 

En  839,  les  Assyriens  revinrent  à  la  charge,  mais  Hazaël  ne 
se  confia  plus  dans  les  opérations  en  masse  ;  il  préféra  le  sys- 
tème des  engagements  partiels  et  imprévus,  et  ne  perdit  que 
quelques  villes.  Salmanasar  se  rejeta  alors  sur  la  Phénicie 
pour  rentrer  ensuite  en  Mésopotamie  (2).  Salmanasar  avait 
abattu  le  royaume  de  la  S3a-ie  centrale,  comme  son  père  avait 
conquis  la  Syrie  du  Nord.  Le  rêve  d'hégémonie  syrienne  était 
dissipé:  humiliée  par  les  Assyriens,  Damas  vase  dédommager 
sur  les  Juifs;  mais  un  siècle  encore  et  «  l'on  portera  le  reste  des 
richesses  de  Damas  devant  le  roi  d'Assyrie  ».  (Is.,  VIII,  4,) 
En  attendant,  Jéhu  fut  battu  depuis  le  Jourdain  jusqu'au  soleil 
levant,  et   Hazaël  soumit  tout  le  pa3^s  de  Galaad,  les  Gadites, 


(1)  Voir  BRrriSll   Mtsku.m,  A  guide  In  thc  hnhylonian  and  tisayrian  anti- 
qiiities,  igoS.  pp.  29-80,  aiul  plate  XIV. 

Le  Musée  biblKiue  de  ITiiiver.sité  <le  Lomnin  en  possètle  tiii  moulage. 

(2)  M.\.si'i:ro,  III,  pp.  .S5-.S7. 


jusqu'à  la  chute  de  samarie  Cn 

les  Manassites,  depuis  Aroër  sur  le  torrent  de  l'Arnon  jusqu'à 
Galaad  et  à  Basan,  (2  Reg.,  X,  32-33.)  En  Juda,  Joas  s'appli- 
qua pendant  la  première  partie  de  son  règne,  de  quarante 
ans,  à  réparer  le  temple  ravagé  par  Athalie,  en  y  employant 
l'argent  des  offrandes .  Mais  après  la  mort  du  grand 
prêtre  Joïada,  on  en  revint  publiquement  au  culte  des  Astartés 
et  des  idoles;  le  grand  prêtre  Zacharie,  tils  de  Joïada,  pour 
avoir  osé  reprocher  au  peuple  ses  transgressions,  fut  lapidé  par 
ordre  du  roi  dans  le  parvis  de  la  maison  de  Jahvé. 

Menacé  par  Hazaël,  qui  avait  pénétré  jusqu'à  Geth,  dont  il 
s'était  emparé  en  traversant  le  royaume  vassal  d'Israël,  Joas 
acheta  de  lui  la  paix  au  prix  des  trésors  du  temple  et  du  palais 
roval,  accumulés  par  Josaphat,  Joram  et  Ochozias.  Dès  lors, 
Juda  fut  un  vassal  direct  de  Damas. 

Peu  après  ce  désastre,  le  meurtre  récent  de  Zacharie  fit 
éclore  une  conspiration  contre  Joas,  et  ses  serviteurs  le  tuèrent 
dans  son  lit.  (2  Reg.,  XII  et  2  Chron.,  XXIV.) 

Dans  le  royaume  d'Israël,  Joachaz,    fils   de  Jéhu,  fut   à  tel      Joachaz. 
point  l'esclave  de  Hazaël  et  de  son  fils,  Ben-Hadad  II,  qu'il  lui 
fut  défendu  d'entretenir  des  soldats  au  delà  du  strict  néces- 
saire à  sa  sûreté  :  dix   mille   fantassins,    cinquante    cavaliers 
et  dix  chars.  (2  Reg.,  XIII,  1-7.) 

Si  donc  Damas  payait  tribut  à  l'Assyrie,  tous  les  pays  de  la 
Syrie  méridionale,  sauf  peut-être  Moab,  le  payaient  à  Damas. 
Aussi,  tant  que  Hazaël  vécut,  Rammànnirari  IV  ou  Adadnirari 
(812-782,  petit-fils  et  second  successeur  de  Salmanasar  III. 
Maspero.  III,  p.  II 3)  n'osa  rien  contre  elle.  Mais  après  la  mort 
de  Hazaël  il  assiégea  un  de  ses  successeurs,Mariah  dans  Damas. 
Il  exigea  de  lui  une  rançon  énorme  (Maspero,  III,  p.  102)  et 
empêcha  par  cet  exemple  les  peuples  palestiniens  de  bouger 
sous  son  règne.  L'empire  assyrien  s'étendait  alors  sur  la  meil- 
leure partie  de  l'Asie  antérieure  (Ezéch.,  XXXI,  3-6);  mais, 
arrivé  à  ce  degré  de  puissance,  il  s'aft'aissa  tout  d'un  coup  et 
pendant  un  demi-siècle  il  se  verra  tenu  en  respect  au  X'^ord  et 
à  l'occident  par  l'Ourartou,  pays  où  le  Tigre  et  l'Euphrate 
prennent  leur  cours;  il  était  habité  par  les  Kaldis,  race  difie- 
rente  des    Arméniens  modernes,    mais  affiliée  toutefois   aux 


62 


DEPUIS    L  ETABLISSEMENT   DE    LA    ROYAUTE 


nations  du  Caucase,  entre  autres  aux  Géorgiens.  Leur  ville  prin- 
cipale était  Dhouspas  ou  Dhouspana,  actuellement  Van,  sur  le 
lac  du  même  nom  fi).  Cette  décadence  de  l'Assyrie  durera 
jusqu'au  règne  de  Téglath-Phalasar  III. 

Salmanasar  IV  (782-772)  risqua  encore  deux  campagnes 
contre  Damas  en  773  et  une  contre  Hadrakh  en  772,  mais  il  fut 
contraint  d'évacuer  la  Syrie.  Sous  Assourdan  II  (772-54)  la 
révolte  éclata  à  Ninive  même;  elle  fut  réprimée,  mais  brisa 
les  forces  du  peuple. 


Joas 

d'Israël  et 

Amasias 

de Juda. 


Avec  Joas  d'Israël  et  Amasias  de  Juda  il  y  eut  une  renais- 
sance de  vigueur  dans  les  deux  royaumes.  Joas  d'Israël  battit 
Ben-Hadad  II  près  d'Aphek  et  dans  trois  autres  combats.  «  Il 
reprit  des  mains  de  Ben-Hadad,  fils  de  Hazaël,  les  villes  que 
celui  ci  avait  enlevées  dans  la  guerre  à  Joachaz  son  père  ». 
(2  Reg  ,  XIII,  25.)  Ce  qui  laisse  supposer  que  le  ter- 
ritoire d'au-delà  du  Jourdain  conquis  par  les  Syriens  antérieu- 
rement à  Joachaz,  resta  aux  mains  de  Ben-Hadad  (2). 

De  son  côté  Amasias,  qui  avait  succédé  en  Juda  à  son  père 
Joas,  battit  dix  mille  Edomites  dans  la  vallée  du  Sel,  au  Sud  de 
la  mer  Morte,  et  conquit  leur  capitale  Séla  (Pétrades  Naba- 
téens).  Encouragé  par  le  succès,  il  voulut  s'affranchir  du  joug 
d'Israël,  qui  depuis  Omri  pesait  sur  son  pays  et  prov^oqua  le  roi 
Joas.  Mal  lui  en  prit;  on  en  vint  aux  prises  à  Beit-Shemesh 
(près  de  Deir-Aban)  :  Amasias  fut  défait  et  saisi.  Joas  entra 
dans  Jérusalem,  fit  une  brèche  de  quatre  cents  coudées  dans  le 
mur,  depuis  la  porte  d'Ephraïm  jusqu'à  la  porte  de  l'angle, 
enleva  les  trésors  du  temple  et  du  palais  et  retourna  avec  des 
otages  à  Samarie,  où  il  mourut  peu  après.  (2  Reg.,  XIV.) 


Jéro= 
boam  II 


Le  fils  de  Joas,  Jéroboam  II,  eut  un  règne  de  quarante  et 
un  ans,  pendant  lequel  il  reconquit  à  peu  près  le  rovaume  de 
David  et  de  Salomon. 

Depuis  l'échec  que  Joas  d'Israël  avait  infligé  à  Ben-Hadad  II 
à  Aphek,  Damas   avait  déchu.  Le  royaume  de   Hadrakh,  qui 


(1)  Maspkiîo,  Histoire  ancienne^  pp.  443-49- 
{2)  Maspero,  III,  p.  122,  note  4- 


jusqu'à  la  chute  de  samarie  63 

dominait  maintenant  le  plateau  d'Alep,  lui  avait  Terme  la  vallée 
de  rOronte  et  une  expédition  de  Salmanasar  IV,  en  773,  lui 
enleva  encore  davantage  de  ses  forces  (i).  Cet  état  de  fai- 
blesse permit  à  Jéroboam  II  de  rétablir  les  limites  d'Israël 
«  depuis  les  environs  d'Emath  jusqu'à  la  mer  de  l'Arabah.  » 
(2  Re;j^.,  XIV,  25).  Galaad  lut  soustrnit  à  la  servitude  syrienne 
qui  pesait  sur  lui  depuis  plus  d'un  siècle.  Damas  même  devint 
son  vassal.  Ammon,  les  tribus  bédouines  du  Hauran,  les  Phi- 
listins reportèrent  sur  Israël  l'hommage  offert  jadis  à  Hazaël. 
Peut-être  doit-on  également  attribuer  à  Jéroboam  II  le  désastre 
infligé  à  Moab,  célébré  par  un  prophète  inconnu  et  repris  par 
Isaïe  XV  et  XVI,  1-12  (2). 

Cette  renaissance  d'Israël  s'explique  une  fois  de  plus  par  la 
débilité  des  États  limitrophes  ;  l'Egypte,  qui  vivait  sous  le 
régime  des  petites  principautés  rivales  (XXI P  et  XXI IP  dy- 
nasties), n'intervenait  pas  dans  les  querelles  d'Asie;  l'Assyrie, 
nous  l'avons  vu,  subissait  une  éclipse  momentanée;  Damas 
s'était  affaissée  brusquement  et  les  cités  qui  aspiraient 
à  la  remplacer  :  Hadrakh  et  Mansuati  (villes  du  bassin  de 
rOronte,  qui  avaient,  déjà  plongé  Hamath,  à  l'Est  de  Homs, 
dans  l'ombre)  se  défendaient  avec  peine  contre  les  retours 
intermittents  de  l'Assyrien  (3). 

A  la  même  époque  le  royaume  de  Juda  redevint  puissant  et  Azaria. 
prospère,  sous  le  long  règne  de  cinquante-deux  ans  d'Azaria 
ou  Ousia.  Celui-ci  achevala  conquête  d'Edom  et  recouvra  le  port 
d'Elath  perdu  depuis  Josaphat.  Il  soumit  la  Philistie,  renver- 
sant les  murs  de  Geth,  de  Jamnia,  d'Azot  et  y  construisant  de 
nouvelles  villes  qui  devaient  lui  assurer  la  soumission  du 
pays.  Il  prévalut  contre  les  Arabes  de  la  Gabalène  (LXX  : 
Toùç  xaTO'.xo'jvTa;  irJ.  -zr^c,  -i-poLç)  et  les  Arabes  Minéens  (LXX  : 
xài  è-i  TÔ'j;  M'.vawu;)  et  reçut  les  présents  des  Ammonites.  Il  bâtit 
des  tours  à  Jérusalem  sur  la  porte  de  l'angle,  sur  la  porte  de  la 
vallée  et  sur  l'angle  et  les  fortifia.  «  Il  bâtit  des  tours  dans  le 


(I)  MASPERO,  III,  p.  123. 

(21  Cfr.  CoNDAMix,  Le  livre  d'/saïe,  Paris,  Lecoffre,  igoS,  pp.  1 18-120. 
(!i)  Voir  sur  la  situation  intérieure  du  royniiine  israélite  :  Maspero,  III 
pp.  125  ss. 


64 


DEPUIS    l'établissement    DE    LA    ROYAUTÉ 


désert,  et  il  creusa  beaucoup  de  citernes,  parce  qu'il  avait  là  de 
nombreux  troupeaux,  ainsi  que  dans  la  Séphélah  et  sur  les  pla- 
teaux, et  des  laboureurs  et  des  vignerons  dans  les  montagnes 
et  au  Carmel,  car  il  aimait  l'agriculture  ».  (2  Chron.,  XXVI, 
i-io.)  Il  équipa  sa  nombreuse  armée  et  garnit  les  murs 
de  Jérusalem  de  machines  de  guerre.  Vers  la  fin  de  sa 
vie  il  fut  frappé  de  la  lèpre,  pour  avoir  usurpé  les  fonctions 
Joatham.  sacerdotales,  et  associa  au  trône  son  fils  Joatham.  (2  Chron., 
XXVI,  2Reg.,XV,  1-7.) 

Au  milieu  de  cette  si  grande  prospérité  matérielle  dans  les 
deux  royaumes,  se  leva  le  prophète  Amos,  le  premier  dont  la 
collection  des  oracles  nous  soit  parvenue.  Il  est  suivi  un  peu 
plus  tard  par  le  prophète  Osée.  Tous  les  deux  exercent  leur 
ministère  proprement  dans  et  pour  le  royaume  du  N^ord, 

Leurs  écrits  nous  donnent  les  renseignements  les  plus  pré- 
cieux sur  la  situation  intérieure  des  deux  royaumes  hébreux. 

Les  cultes  taurolatriques  et  idolatriques,  la  débauche,  le 
luxe  et  l'orgueil  des  grands,  l'oppression  et  le  mépris  des  pau- 
vres, voilà  les  abominations  qui  vont  attirer  sur  Israël  les 
châtiments  divins.  Ce  sera  la  captivité  et  elle  est  proche. 
(Amos,  V,  II,  27,  VI,  7,14.)  (I)  Le  prophète  Isaïe,  lui  aussi, 
entendit  l'appel  de  Dieu,  la  dernière  année  d'Ousia  (VI,  i), 
vers  740,  et  exerça  son  ministère  jusqu'à  l'invasion  de  Senna- 
chérib  en  701.  (Is.,  XXXVI,  i  ;  2  Reg.,  XVIII,  i3.) 


Zacharie. 

Sellum. 

Menahen. 


La  fortune  d'Israël  sembla  s'être  éclipsée  après  Jéroboam  II. 
Zakaria,  son  fils,  fut  assassiné  après  6  mois  de  règne,  à  Ibléam 
(Sud  de  Djenin,  à  l'Ouest  des  monts  de  Gelboë;  2  Reg.,  XV,  10, 
d'après  la  recension  de  Lucien)  (2),  par  Sellum  qui,  après  un 
mois  de  règne,  fut  tué  lui-même  par  Menahen,  à  Samarie. 

Le  i3  lyar  (avril)  746,  monta  sur  le  trône  d'Assyrie,  un  des 
conquérants  orientaux  des  plus  fameux  :  c'était  Téglath-Phala- 


(i)  Cfr.  Van  Hoonacker,  Les  douze  petits  prophètes,  les  introductions 
aux  livres  d'Osée  et  dAmos. 
(ï>)  Le  texte  2  Keg.,  X^^  10  a  l)esoiu  d'être  corrigé,  T.  M.  a  □j;-^2p 

T        T  T 

rendu  dans  la  Vulgate  par  «  palam  »  ;  d'après  la   recension   de    Lucien 
il  faut  lire  l'hébreu  □y'pni^- 


jusqu'à    la    chute    de    SAMAkIE  65 

sar  III.  On  ne  sait  rien  de  précis  sur  son  origine, mais,  si  celle-ci 
est  obscure,  ses  exploits  brillent  d'un  éclat  unique  à  cette  pé- 
riode de  l'histoire.  Il  allait  relever  son  pays  de  son  effacement 
momentané,  lui  rendre  ses  anciens  territoires  et  en  con(|uérir 
de  nouveaux. 

Si  au  moment  où  Téglath-Phalasar  arrivait  au  trône,  le 
roi  del'Ourartou,  Shardouris  III,  fils  et  successeur  d'Arghistis, 
maitre  des  régions  du  Taurus  et  de  l'Amanus,  avait  remonté  la 
vallée  de  l'Oronte,  il  eut  pu  pousser  jusqu'à  Jérusalem  à  tra- 
vers la  Syrie  méridionale  et  coaliser  toutes  ces  nations  ;  et  il 
semble  qu'il  en  ait  eu  l'intention,  lorsque  Téglath-Phalasar  prit 
les  devants  après  avoir  soumis  les  états  voisins,  occupés  par 
les  Araméens,  niaitres  de  la  Mésopotamie  entière  (i).  Il 
franchit  l'Euphrate  au  printemps  de  743  et  attaqua  non 
loin  de  ce  fleuve,  entre  Kishtan  et  Khalpi,  Shardouris  III, 
courant  au  secours  d'Arpad.  laquelle  venait  d'ouvrir  ses  portes 
à  l'Assyrien.  Shardouris  fut  défait,  mais  la  vif;toire  avait  coiité 
cher  et  pendant  l'hiver  les  deux  adversaires  tachèrent  de  refaire 
les  forces  de  leurs  armées.  Néanmoins  l'Ourartou  dut  rester 
inactif,  et,  ses  anciens  alliés  n'étant  plus  protégés  par  lui,  ils  prê- 
tèrent hommage  à  Téglath-Phalasar  qui  incorpora  de  nouveau 
la  Syrie  septentrionale  à  l'empire.  Cependant  une  coalition  des 
différentes  principautés  arrosées  par  l'Oronte  rappela  Téglath- 
Phalasar  vers  l'Amanus,  en  738  (2J.  Il  ravagea  la  vallée  de 
l'Oronte,  et  la  Syrie  entière  s'inclina.  Parmi  les  dix-huit  rois 
énumérés  dans  les  annales  de  Téglath-Phalasar  nous  trouvons 
Rezon  II  de  Damas  et  Menahen  d'Israël.  D'autre  part  il  est  dit 
(2  Reg.,  XV,  ig)  :  Phoul  (3),  roi  d'Assyrie,  vint  dans  le  pays 


(i)  yi\svEK(K  Histoire  iincienne,  p   ^Gô. 

{•2)  Voir  M.ASi'KHo,  III,  p.  I  5o. 

i3)  Tét^lath-PIialasar  eut,  comme  ses  successeurs,  à  côté  de  son  nom 
assyrien  un  nom  bal).vlonien  :  Poulini.  La  fierté  de  Habylone  voulait  que 
son  suzerain  se  conduisit  vis-à-vis  d'elle  en  Babylonien.  (Masi'kro,  III, 
1>.  197.)  L'identité  de  Téglath-Phalasar  III  avec  Poulou,  le  Phoul  de  la 
Bible,  a  été  mise  hors  de  doute  par  la  découverte  de  la  chronique  babylo- 
uienneoù  les  règnes  babyloniens  de  Téglath-Phalasar  III  et  de  son  fils 
Salmanasar  V  sont  racontés  à  la  place  où  les  listes  dynastiques  donnent 
Poulou  et  Ouloulai  (nom  babylonien  de  Salmanasar  V).  \'oir  ^Masi'kro.  III, 
pp.  112. 1 13,  note  4- 


66  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

et  Menahen  donna  à  Phoul  mille  talents  d'argent,  pour  qu'il 
l'aidât  à  affermir  le  rovaume  dans  sa  main.  Cette  expédition 
en  Syrie  est  celle  que  le  canon  des  limmou  (i)  appelle  la 
campagne  contre  Koullâni,  C'est  la  Kalno,  ou  Kalneh  d'Isaïe, 
X,  g  et  d'Amos,  VI,  2,  dont  le  site  est  mal  déterminé  entre 
Arpad  et  Hamath.  (Maspero,  III,  p.  i52,  note  3  et  p.  i53, 
note  I.) 

En  735,  après  s'être  assuré  la  soumission  de  tous  les  états 
voisins,  Téglath-Phalasar  eni^^agea  la  partie  suprême  avec 
Shardouris  III  et  s'attaqua  à  la  capitale  Dhouspana,  Il  ne  put 


(1)  Ou  appelait  «  limmou  »  les  magistrats  qui  douuaieut  leur  nom  à 
l'aunée  pendant  laquelle  ils  remplissaient  leur  charge.  Les  Chaldéeus 
avaient  inventé  de  désigner  les  années  de  chaque  règne  par  la  mention 
d'un  événement  qu'elle  avait  vu  s'accomplir  ;  les  Assyriens  leur  donnèrent 
le  nom  des  «  limmou  ».  Le  roi  était  «  limmou»  de  droit,  Tannée  qui  sui- 
vait celle  de  sou  avènement,  puis  c'était  le  tour  du  tartan,  qui  veillait  au 
recrutement  des  troupes  et  les  commandait  en  temps  de  guerre,  ou  qui 
dirigeait  l'état-major  si  le  souverain  daignait  paraître  sur  le  théâtre  de 
l'action.  I!  avait  rang  immédiatement  après  le  roi),  ensuite  venaient  les 
uiinistres  et  les  gouverneurs  des  provinces  et  des  villes.  Les  noms  des 
«  limmou  »  consignés  dans  les  archives  et  réunis  en  tables,  comme  plus 
tard  ceux  des  archontes  de  la  Gi'èce,ou  des  consuls  romains,  fournirent  aux 
annalistes,  un  cadre  de  chi'onologie  rigide  où  tous  les  détails  de  l'histoire 
vinrent  se  classer  avec  certitude. 

Le  canon  nous  est  arrivé  en  trois  versions  différentes.  Dans  la  plus  im- 
portante, les  noms  des  èpouymes  sont  inscrits  à  la  file,  sans  titres,  ni  men 
tion  d'événements  ;  dans  les  autres  ils  sont  accompagnés  des  titres  de 
chaque  personnage  et  de  l'indication  des  faits  marquants  accomplis  dans 
l'année.  Les  parties  conservées  vont,  sans  interruption  (du  moins,  la  liste 
purement  nominale)  du  règne  de  Rammânnirari  II,  eu  898,  jusqu'au  com- 
mencement du  règne  d'Assourbanipal,  en  666. Pour  les  époques  antérieures 
et  postérieures  on  possède  des  noms  épars  auxquels  on  ne  sait  pas  encore 
attribuer  de  date  certaine.  La  plus  ancienne  datation  est  celle  de  l'épony- 
matde  Moukhourilâni,  qui  vivait  sous  Rammânnirari  I,  vers  iSaS. 

Comme  deux  versions  de  ces  canons  nous  donnent  les  événements  prin- 
cipaux se  rai)portant  aux  éponymats,  il  suffisait  d'en  dater  un  pour  dater 
tous  les  autres.  Or,  nous  apprenons  que  pendant  l'éjjonymat  de  Pur- 
Sagali,  dans  le  mois  de  Sivan  (mai-juin),  il  y  eut  une  éclipse  de  soleil.  Des 
calculs  astronomiques  récents  ont  établi  qu'une  éclipse  de  soleil  visible  à 
Ninive  eut  lieu  le  i5  juin  768.  Ce  point  acquis,  on  était  fixé  pour  tout  le 
reste.  Voir  Maspero,  II,  pp.  620-21.  Otto  Weber,  Die  Literatùr  der 
Babylonier  and  Assyrer  Leipzig,  IliXRiCHS,  1907,  pp.  239-41-  BRrriSH 
Muséum.  A  guide   to  the  bahyloninn  and  assyrian  antiquities,  pp.  56,  57. 

Le  texte  de  ces  listes  est  donné  dans  Wixcki.er,  K.  I.  T.,  pp.  71-79. 


jusqu'à  la  chute  de  samarie  67 

s'en  emparer;  mais  il  ravagea  systématiquement  la  banlieue  et 
les  environs  et  porta  ainsi  à  la  puissance  de  Shardouris  une 
blessure  dont  il  ne  se  releva  plus.  Il  dut  renoncer  à  ses  vastes 
desseins  et  songer  uniquement  à  défendre  chez  lui  son  indépen- 
dance. Pendant  près  d'un  siècle  Ninive  sera  libre  de  concentrer 
toute  son  énergie  sur  deux  points  principaux  de  la  frontière  :  au 
Sud-Ouest  sur  la  Syrie  et  l'Egvpte;  au  Sud-Est  sur  la  Chaldée 
et  l'Elam. 

En  Svrie  la  fidélité  des  rois  était  plus  apparente  que 
réelle  (I) 

Sous  Joatham  le  royaume  de  Juda  connut  encore  quelques 
années  de  prospérité.  Ce  prince  fortifia  plusieurs  points  faibles 
de  son  royaume,  et  fit  la  guerre  aux  Ammonites  qui  lui  payèrent 
tribut.  (2  Chron.,  XXVII,  1-6.^, 

Pendant  ce  temps, l'anarchie  désolait  de  nouveau  le  royaume     péquahia 

du  Nord;  le  fils  de  Menahen,  Péquahia,  ne  régna  que  deux  ans    '5.^^*1^?'^ 
...  ,        d'Israël; 

et  tut  tué  dans  son  palais  à  Samarie  par  Péquah,   fils  de   Rome-       Achaz 

lias,  un  de  ses  officiers.  Péquah  et  son  allié  Rezon  de  ^  ^' 
Damas  songèrent  à  se  dédommager  sur  Jérusalem  de  leurs 
coûteux  hommages  rendus  à  l'Assyrie.  Joatham  meurt;  son 
fils  Achaz  (2  Reg.,  XV,  3j,  38),  âgé  de  vingt  ans,  le  rem- 
place (2)  et  sous  son  règne  le  culte  idolàtrique  fut  pratiqué 
avec  toutes  ses  horreurs;  le  roi  lui-même  fit  passer  son  fils  par  le 
leu,  (2  Reg.,  XVI, 4.)  Mais  bientôt  les  revers  politiques  l'acca- 
blèrent :  en  735,  Rezon  et  Péquah  défont  Achaz  à  deux  reprises. 
(2  Chron., XXVÎII,  5-i5.)Ils  assiègent  Jérusalem  sans  pouvoir 
s'en  emparer  (2  Reg  ,  XVI,  5),  mais  tout  le  pays  se  voit  dévasté. 
Edom  inflige  une  défaite  à  Juda,  lui  enlève  des  captifs  et  prend 
Elath  (3),  les  Philistins  se  jettent  sur  les  villes  du  Midi  et  de 
l'Ouest  (2  Chron.,  XXVIII,    16-18),  et,  comme  Achaz  résistait 


Il  Maspero.  III,  pp.  i54-i56. 

(a)  M.  Maspero  lui  attribue  le  caual  de  Siloë  III,  \>.  1571.  Nous  ue  pou- 
vons nous  rendre  à  ses  raisons  et  croyons  que  ce  canal  a  été  fait  par  E/,é- 
chias.  (Voir  plus  bas). 

(3)  Il  faut  corriger  2  Rep.,  XVI,  6,  qui  fait  prendre  Elath  par  Re/on  de 
Syrie.  Au  lieu  de  C"'î<-~^*^  il  faut  c~{<  comme  le  prouve  d'ail- 
leurs la  seconde  partie  du  verset,  où  le  mot  c"'*^*"1N  ^^*  corrigé  par  le 
qerey  ^«"^^lîi  ^^    P^^*    ^^^    LXX    qui    ont    'làntjfjiaioi    (alors    qu'eu.x    aussi 


68  DEPUIS  l'établissement  de  la  royauté 

encore,  les  deux  alliés  résolurent  de  le  détrôner  (Is.,  VII)  et  de 
le  remplacer  par  le  fils  de  Tabeel  (individu  qui  n'a  pas  encore 
été  identifié  jusqu'ici). 

Achaz  au  désespoir  chercha  un  sauveur;  entouré  qu'il  était 
d'ennemis  de  toutes  parts,  il  n'y  avait  que  rE^3^pte  ou  l'Assyrie 
qui  put  lui  donner  un  appui  sérieux. 

Après  l'invasion  de  Sheshonq  sous  Roboam,  ses  successeurs 
avaient  continué  à  se  considérer  par  tradition  comme  les  sou- 
verains du  pa3^s  de  Kharou  (comprenant  Israël,  Juda,  Ammon, 
Moab).  Ne  sortant  guère  de  leur  royaume,  ils  se  bornaient  à 
faire  respecter  leurs  frontières  et  ils  donnèrent  à  l'EgN'pte  un 
demi  siècle  de  paix  profonde,  qu'ils  employèrent  à  des  travaux 
d'utilité  publique,  surtout  dans  le  delta  où  Bubastis  se  déve- 
loppa. Pourtant  les  mêmes  causes  qui  avaient  ruiné  les  Rames- 
sides  (XIX^  et  XX^  dynasties)  et  les  Tanites  (XXI^'  d3nastie; 
ruinèrent  aussi  les  Bubastites  :  notamment,  le  développement 
exagéré  de  la  féodalité  militaire  (i'.  Achaz  n'avait  donc  rien 
à  attendre  de  ce  côté,  jd'autant  plus  que  Péquah  avait  peut-être 
déjà  engagé  une  entente  avec  l'Egypte  pour  se  défendre  contre 
la  dynastie  détrônée  de  Menahenqui  avait  probablement  cherché 
son  secours  en  Assyrie.  C'est  ainsi  du  moins  qu'on  pourrait 
comprendre  le  passage  d'Osée,  VII,  ii,  12. 

Malgré  l'opposition  d'Isaïe  (VII),  le  roi  de  Juda  appela  donc 
à  son  secours  Téglath-Phalasar  en  appuyant  sa  demande  des 
trésors  du  temple  et  du  palais  royal.  L'Assyrien  ne  se  fit  pas 
prier.  Au  bruit  de  son  approche  Rezon  et  Péquah  se  désistè- 
rent de  leur  attaque  contre  Jérusalem  et  s'enfermèrent  chacun 
dans  son  royaume.  Le  canon  des  limmou  (2)  nous  apprend 
.qu'il  reçut  d'abord  en  784  le  tribut  des  Phéniciens  et  châtia  la 
Philistie.  Hannon,  roi  de  Gaza,  ennemi  personnel  d' Achaz, 
s'enfuit  en   Egypte  (3).    Israël   dut  se   défendre  tout  seul.   II 


1 


I 


ont  lu  un  texte  corrompu  pour  la  première  partie  du  verset).  L'ajoute  du 
nom  de  w-|  devant  □~){^-"!^*2  ^'^*  "^"^  glose  du  dernier  copiste  qui.  pour 
plus  (le  clarté,  a  cru  bon  d'ajouter  le  nom  du  roi  à  la  mention  du  pays 
qu'il  lisait  mal. 

fi)  Masi'KRO,  III,  pp.  I  58  i8i>. 

f2)  Masi'ERO,  III,  j).  i8(),  note  3. 

(3)  Wixnvi-EK,  K.  I.  T.,  p.  S"). 


I 


JUSOr  A    LA    CIIIIT1-:    I)K    SAMAKIE  69 

perdit  successivement  les  places  qui  garnissaient  sa  frontière 
septentrionale:  Ijon,  Abel-beth-Maaka,  Janoakh,  Kadesh  (Sud 
de  Megiddo),  Hazor.  (2  Reg.,  XV,  29.)  Nephtali  et  Galaad 
furent  dévastés  et  les  populations  déportées  en  Assyrie. 
(I  Chron.,  V.  26.) 

Téglath-Phalasar  employa  toute  l'année  733  à  abattre  le 
royaume  de  Samarie.  Israël  fut  réduit  aux  seules  tribus  du  cen- 
tre. Ephraim,  Manassé,  Benjamin  n'avaient  plus  qu'une  super- 
ficie et  une  population  égales  à  peine  à  celle  de  Juda  et  le  tri- 
but pesait  lourd  sur  ce  pays  ravagé  par  le  passage  des  armées 
ennemies. 

En  j52,  le  vainqueur  mit  fin  hu  royaume  de  Damas. 
Rezon  avait  obtenu  l'aide  de  Tyr,  de  la  Philistie  et  des  Arabes 
Mais  Damas  fut  prise. le  souverain  mis  à  mort  (2  Reg.,XVI,9), 
sa  royauté  supprimée, les  habitants  déportés  à  Kir  (dans  l'Elam, 
d'après  Is..  XXII,  6),  et  un  gouverneur  ninivite  installé  dans 
le  palais  royal. Ceux  qui  avaient  prêté  secours  à  Rezon  se  sou- 
mirent et  cette  chute  duro3'aume  de  Damas  entraina  la  soumis- 
sion de  toute  la  Syrie.  D'après  une  tablette  de  Nimroud  vingt- 
cinq  rois  vinrent  présenter  leurs  hommages  au  vainqueur  (i); 
Achaz  y  vint  aussi  pour  remercier  dans  la  personne  de  son 
nouveau  suzerain,  son  libérateur,  (2  Reg.,  XVI,  10.) 

En  729,  Péquah  fut  assassiné  par  le  général  de   son  armée        osée. 
Hoshéa  ou  Osée  (2   Reg.,  XV,  ?>o);   celui-ci  fut  reconnu   par 
Téglath-Phalasar,  mais  il  dut  payer  dix  talents  d'or  et  un  cer- 
tain nombre  de  talents   d'argent,   comme  nous  l'apprend  une 
inscription   de   Téglath-Phalasar  (2).  Celui-ci  mourut   en   727. 

A  l'avènement  de  Salmanasar  V,  son  fils,  le  25  Tébet,  les 
Mèdes,  l'Ourartou  et  les  peuples  du  Taurus  ne  bougèrent  pas; 
mais  la  vSyrie  s'agita  ;  la  ville  de  Sabara'in  (probablement  la 
Sepharvaïm  biblique,  identique  à  la  Siberaïmd'Ezech,,XLVII, 
16,  identifiée  avec  Shomerîyeh  à  l'Est  du  Bahr-Kades,  au  Sud 
de    iHamath)    qui    s'était    révoltée,    fut  prise    3».    Il    se    peut 


(1)  Voir  l'énumératiou  dans  W'incklkk,  K.  I.  T..  pp   35,  SO. 

(2)  WixcKr.KR,  K.  I.  T.,  p.  35. 

■  3)  Masi'Kro,  III,  p.  212,  note  2. 


70  DEPUIS    L  ÉTABLISSEMENT    DE    LA    ROYAUTE 

qu'à  ce  moment  aussi  Tyr  fut  assiégée  (i).  Osée  pro- 
bablement cessa  ses  versements  à  l'Assyrie,  car  nous  voyons 
Salmanasar  V  monter  contre  lui  et  le  contraindre  au  tribut 
(2  Reg,,  XVII,  3.).  (2)  Cette  première  leçon  ne  lui  suffit  pas  : 
deux  ans  après,  il  conspira  avec  l'Egypte. 

Ici  la  dynastie  tanite  agonisait  avec  son  dernier  roi  Psamouti 
devant  l'ascendant  que  gagnaient  les  Saïtes  (Tafnakhti  et 
Bocchoris)  sur  le  delta  et  la  vallée  de  Siout. 

Osée  s'adressa  à  Sua.  On  a  voulu  voir  dans  ce  5<1C  le 
Shabakon  de  la  vingt-cinquième  dynastie  ;  mais  la  dynastie 
éthiopienne  ne  paraît  que  plus  tard  dans  les  inscriptions  égyp- 
tiennes. On  a  reconnu  en  Sua  un  des  rois  secondaires  du 
delta.  Les  annales  de  Sargon  l'appellent  le  tartan,  sur  lequel 
s'appu3'era  Hannon  de  Gaza,  en  720,  pour  reconquérir  sa  cou- 
ronne, perdue  lors  du  châtiment  infligé  par  Téglath-Phalasar  à 
la  Philistie,  quand  elle  harcelait  Achaz  (3). 

Sua  n'eut  pas  le  temps  de  venir  au  secours  du  roi  d'Israël, 
si  même  il  l'avait  voulu.  L'Assyrien  averti  manda  Osée  près  de 
lui,  le  jeta  en  prison  et  lança  son  armée  sur  Samarie,  Isaïe 
(XXVIII,  1-6)  avait  annoncé  la  ruine  de  a  l'orgueilleux  dia- 
dème des  buveurs  d'Ephraïm  w.  Elle  résista  pendant  trois  ans 
aux     Assyriens,    et     Salmanasar    ne   la    vit   pas   tomber    (4). 


I 


i)  Le  blocus  de  Tyr  est  raconté  par  Flave  .losèphe  d'après  le  récit  de 
MÉNANORK  d'Ephèise:  Ant.  Jiid.,  1.  IX,  chap   14,  Sa. 

(2)  Contrairement  à  M.  Maspero,  (III,  pp.  212,  2i3,  note  4)  nous  voyons 
dans  le  récit  de  2  Reg.,  XVII,  i-6  deux  expéditions  différentes  des  Assy- 
riens en  Samarie.  La  lecture  obvie  du  texte  nous  y  invite.  Le  canon  des 
liinmou  nous  dit  qu'en  72((  Salmanasar  resta  au  pays.  Cette  première 
campajïne  en  Samarie  doit  donc  se  placer  en  727,  au  début  de  son  règne. 
Le  silence  de  Flave  Josèphe  sur  cette  première  campagne  s'explique  ;  elle 
n'a  pas  eu  grande  importance  et  il  ne  nous  renseigne  que  sur  la  cata- 
strophe finale.  Ant.  Jud,,  1.  IX,  chap.  14,  .S  l- 

(3)  Maspero,  III,  p.  218,  note  i  et  Alt  Op.  laud.  p.  58. 

4)  Dans  le  texte  des  fastes,  Sargon  s'attribue  très  explicitement  la 
prise  de  Samarie.  Or,  2  Reg  ,  XVIII,  9,  10,  le  fait  est  mis  sur  le  compte  de 
Salmanasar.  Si  l'on  rapproche  ce  passage  de  XVII,  i-6,  on  remarque  tout 
d'abord  que  le  récit  synchroniste,  XVIII,  9  ss.,  ne  parle' que  de  l'épisode 
final,  la  prise  de  Samarie,  alors  (jue  dans  XVII,  1-6,  on  distingue  claire- 
ment deux  épisodes  différents  :  une  première  sujétion,  et  puis  la  cata- 
strophe définitive.  Ensuite,  si  dans  ce  même  récit,  XVII,  i-(>,  le  nom  de 
Salmanasar  est  mentionné  pour  la  première  expédition,  i-3.  pour  la  seconde 


JUSOU  A    LA    CIIITK    DK    SA.MARII-:  7I 

Il  mourut  à  Babvlone  au  mois  de  Tébet  722.  Le  12  du  même 
mois  un  de  ses  généraux,  Sargon,  lui  succéda,  mais  la  Babv- 
lonie  saisit  l'occasion  de  se  soustraire  à  la  mouvance  de  l'As- 
s\rie  et  reconnut,  au  mois  de  Nisan,  comme  souverain,  Mar- 
doukabaliddina  (Mérodach-Baladan),  le  puissant  chef  chaldéen 
du  Bît-Iakîn  (i). 

Ce  dernier  avait  reconnu,  il  est  vrai,  la  suzeraineté  de 
Téglath-Phalasar  en  73i,  lorsque  celui-ci  se  fut  soumis  les  roi- 
telets araméens  de  la  Chaldée.  Mais  en  énervant  ces  divers 
Etats  araméens  et  surtout  le  Bit- Amoukkàni,  Téglath-Phalasar 
avait  fait  l'affaire  de  Mérodach-Baladan  qui  ne  refusa  pas 
l'appel  des  Babvloniens  et  demanda  l'appui  de  Khoumbani- 
gash,  le  roi  de  l'Elam.  La  rencontre  des  armées  assyriennes 
avec  les  forces  élamites,  auxquelles  les  troupes  babyloniennes 
et  chaldéennes  n'eurent  pas  le  temps  de  se  joindre,  eut  lieu 
sous  les  murs  de  la  forteresse  de  Dourîlou.  Les  Assyriens 
eurent  le  dessus;  ils  châtièrent  leurs  sujets  araméens  qui 
s'étaient  déclarés  pour  leurs  ennemis,  mais  ne  purent 
reconquérir  la  Babylonie  et  les  frontières  de  l'Assyrie  dimi- 
nuèrent d'autant. 

Une  compensation  insuffisante  de  cet  échec  fut  la  prise  de 
Samarie.  Elle  tomba,  épuisée  par  un  siège  de  trois  ans.  en  722. 
Saccagée  et  démantelée,  27290  de  ses  habitants  (annales  de 
Sargon,  inscription  des  plaques  du  palais  de  Khorsabad) 
furent  déportés  à  Khalakh  (non  loin  de  Harran),  à  Guzana  sur 
le  Habour  (du  côté  de  Nisibe),  et  dans  les  villes  des  frontières 
mèdes  (2  Reg.,  XVII,  6.).  Un  gouverneur  assyrien  fut  installé 
à  Samarie  et  sa  population  juive  fut  remplacée  successivement 
selon  le  système  habituel  des  Assyriens,    par  des  peuplades 


il  est  parlé,  à  (iviatre  reiirises,  du  «  roi  <!' Assyrie  »  sans  autre  détermina- 
tion. N'y  a-t-il  pas  là  un  indice  (lue  l'auteur  n'a  pas  voulu  ou  na  pas  pu  spé- 
cifier davantajje?  Dés  lors  le  père  Dhornie  (Les  pays  bibliques  et  l'Assyri  . 
Rev.Bibl.,i9io,p,  ■571)  émet  Ihypothèse  (lue,  XVIII. <),  le  nom  de  Sahnauasar 
a  pu  être  intercalé  ijostérieurement,  comme  nous  l'avons  constaté  pour  le 
passage,  XVI,  6.  où  le  nom  «le  Re/on  est,  lui  aussi,  purement  adventice. 

(I)  Les  Araméens  se  ])artageaient  en  tribus  «lu'on  appelle  maisons 
«  bilàti  »,  dont  les  plus  importantes  sont  I.a  Bit-Dakuri  et  la  Bit-Iakin.  La 
plu|)art  occupaient  les  lagunes  au  Nord  du  goUe  Persitjue  appelées  «le 
pays  de  la  mer  ».  Cfr.  Rev.  Bibl.,  i<)io.  p.  384- 


72  DEPUIS    LÉTAHLISSEMENT    DE    LA    ROYAUTÉ 

vaincues  autre  part,  des  gens  de  Bab3'lone,  de  Koutha, 
d'Avah,  de  Hamath  et  de  Sépharvaïm.  (2  Reg.,  XVI  1,24) 
(i).  Ceux-ci  amenèrent  avec  eux  les  cultes  de  leurs  divinités 
nationales  24-25;  3o-3i.  Ils  apprirent  également,  sans  doute 
des  Israélites  restés  dans  le  pays,  à  honorer  Jahvé.  De  plus,  il 
leur  fut  renvo3'é  un  des  prêtres  qui  avaient  été  déportés  ; 
celui-ci  s'établit  à  Béthel  et  leur  enseigna  le  culte  de  Jahvé. 

De  ce  mélange  de  peuples  il  résulta  une  race  mal  définie 
qu'on  appela  plus  tard  les  Samaritains,  et  de  l'ensemble  de  ces 
cultes  un  syncrétisme  que  durent  nécessairement  désavouer  les 
Juifs  à  leur  retour  de   l'exil  en   538. 

Avec  Israël  tomba  la  dernière  barrière  qui  séparait  l'As- 
S3'rie  de  l'Egypte. 


(i)  Ici  l'auteur  sacré  blocjue  plusieurs  déportations. 

Ce  n'est  qu'en  710  que  Sargon  s'emjjarera  de  Babylone  'n  ce  niomeut 
rég\e  par  Mérodach  Baladan)  et  de  Koutha  ^aujourd'hui  Teil-Ibrahiin  au 
Nord  de  Babvlone)  et  qu'il  déportera  les  haliitaiits  à  Saniarie. 

Ceux  de  Sépharvaïia  (Sabarim  d'Ezéch.,  XLVII,  iG)  sont  les  Sa  ba-ra-in 
dont  In  défaite  est  inentioiinée  par  la  chroui<iue  de  Salniauasar.  donc 
avant  722.  Ceux  de  Avah  sont  peut-être  des  Klainites  vaincus  à  Dourilou. 
Ceux  de  Hamath  fui'ent  déportés  en  750. 


TROISIEME   PERIODE 

Depuis  la  chute  de  Samarie 
jusqu'à  la  captivité  babylonienne 


TROISIEME    PERIODE 

Depuis  la  chute  de  Samarie 
jusqu'à  la  captivité  babylonienne 


L'Assvrie,  accrue  jusqu'ici  aux  dépens  de   petits  royaumes     Ezéchias 
trop  taibles  pour  lui  résister,  avait  fini  par  coudoyer  l'Egypte      <^Juda 
au    Sud-Ouest,   l'Ourartou    au    Nord,     l'Elani    au    Sud-Est.    d'Assyrie. 
L'orgueil  de  ses  monarques  voudra  voir  s'effacer  ces  frontières^ 
et  au  prix  de  luttes  constamment  renouvelées,  elle  finira  par 
avoir  raison  de  ses  voisins.  Toutefois  ce  sera  la  cause  de  son 
épuisement  final  à  elle  aussi,  et  dans  quelque  deux  cents  ans 
le  pays  de  rAss3'rie  deviendra  le  royaume  des  Mèdes  et  des 
Perses. 

Malgré  la  chute  de  Damas  et  la  prise  de  Samarie,  il  s'ourdit, 
l'année  721,  une  coalition  syrienne  avec  l'appui  de  TEgvpte, 
où  Boukounrinit  (Bocchoris),  maintenant  que  la  dynastie 
tanite  s'était  éteinte  avec  Psamouti,  semblait  disposé  à  conti- 
nuer l'attitude  énergique  de  Tatnakhti  son  père,  qui  lui,  av^ait 
fini  par  se  faire  obéir  dans  l'Egvpte  entière  (vingt-quatrième 
dynastie).  laoubidi,  roi  de  Hamath,  s'allia  avec  le  souverain 
d'Arpad,  avec  les  Damasquins,  les  Phéniciens  de  Simirra,  les 
habitants  de  Samarie  (peuplée  des  gens  de  Hamath,  y  dépor- 
tés en  722,  et  des  rescapés  du  désastre  de  Samarie).  Au  Sud, 
Hannon  de  Gaza  demanda  a  Bocchoris  d'appuyer  le  soulève- 
ment syrien!  Mais  avant  que  l'armée  égyptienne  n'arriva  à 
Gaza,  les  rebelles  syriens  furent  défaits  à  Karkar  et  laoubidi 
écorché  vif.  Hannon  se  replia  sur  Raphia  où  le  renfort  égyptien 
promis   arrivait    sous   la  conduite   de  Shabé  ou  Sua  (i).    Le 


(i)  Mashkro.  III,  j).  2'V),  note  4 


76  DEPUIS   LA   CHUTE   DE    SAMARIE 

combat  tut  rude,  mais  finalement  Sua  lut  mis  en  déroute, 
Hannon  emprisonné,  et  la  population  survivante  de  Raphia  : 
9,o33  hommes  furent  déportés  avec  tous  leurs  biens.  Ceci  se 
passait  en  720.  (i)  Juda  était  resté  neutre  dans  la  querelle, 
Ezéchias  ayant  suivi  les  conseils  de  prudence  lui  dictés  par 
Isaïe;  cette  réserve  fit  dire  à  Sargon  sur  l'inscription  de  Nim- 
roud,  ligne  8,  qu'il  était  «  le  dompteur  de  Juda  le  lointain  ». 

La  tranquillité  rétablie  dans  l'Ouest,  Sargon  employa  les 
années  suivantes  de  son  règne  à  soumettre  les  royaumes  de 
Man  et  de  l'Ourartou  (entre  les  lacs  de  Van  et  de  l'Ourmiah) 
en  révolte  à  trois  reprises,  et  les  contrées  voisines.  Gargamis 
ou  Karkémish,  capitale  du  pa3^s  des  Hittites,  est  pillée  et  on  y 
installe  des  Assyriens  pour  la  nationaliser  et  s'en  assurer  ainsi 
la  soumission;  des  envahisseurs  arabes  sont  défaits  et  établis  à 
Samarie;  la  Cilicie  subit  également  le  joug  assyrien,  et  même 
une  partie  de  la  Médie  le  reconnut. 

Sur  ces  entrefaites  l'Egypte  assistait  une  fois  de  plus  à  un 
changement  de  dynastie.  Le  souverain  de  l'Ethiopie  Kashto, 
jadis  marié  avec  une  princesse  thébaine,  étant  mort  vers  716, 
son  fils  Sabacon  hérita  de  l'Ethiopie  et  sa  fille  Amenertaïs  de 
Thèbes.  Sabacon  partit  aussitôt  pour  l'Egypte,  où  une  partie 
des  princes  locaux,  jaloux  sans  doute  de  la  suzeraineté  de  la 
dynastie  saïte,  s'unirent  à  lui;  il  s'empara  de  Bocchoris  qui, 
d'après  Manéthon  (2),  fut  brûlé  vif,  d'après  Jean  d'Antioche 
(3),  aurait  été  écorché  tout  aus-^i  vif.  La  renommée  de 
Sargon  se  répandait  à  ce  moment  et  le  nouveau  dynaste  égyp- 
tien, désireux  de  s'allier  à  un  ami  puissant,  trouva  l'occasion 
de  complimenter  le  monarque  ass3a-ien,  qui  lui,  fut  fort  flatté 
de  cette  démarche.  Mais  une  fois  sa  suprématie  aflermie  sur 
l'Egypte  entière,  il  renoua  des  relations  avec  les  petits  royau- 
mes palestiniens  qui  ne  supportaient  que.  fort  mal  le  joug 
assyrien.  En  711.  Asdoud  venait  de  massacrer  son  roi  Akhi- 
miti.  imposé  par  Sargon  à  la  place  de  son  frère  Azuri  qui  refu- 
sait de  paver  le  tribut,  et  elle  s'était  donnée  comme  chef  un 
étranger  de  nom  lamani.    Celui-ci  fomenta   la  révolte  auprès 


(i)  Voir  texte  dans  Wincklkk,  K.  I    T.,  p.  3;). 
(•2)  Fi-Hgm,  hisl.  Giœc,  t.  II,  p.  5j)3,  t'ra<ïni.  65. 
(3    Friiij^m.  Iiist.  Grtvc,  t.  IV,  pp.  oM),  54o,  Js  24. 


JL'SOl'A    l.A    CAPTIVITÉ    HABYLONIEXXK.  77 

des  autres  roitelets  philistins,  auprès  de  Juda,  d'Edom  et  de 
Moab.  Ces  peuplades  n'eurent  pas  le  temps  de  lever  les  armes. 
Sargon,  dépécha  son  «  tartan  »  ou  général  en  chef  qui  s'em- 
para d'Asdoud  maritime,  d'Asdoud  de  la  terre  et  de  (iath  sa 
vassale;  leurs  habitants  furent  transportés  et  remplacés  par 
des  prisonniers  capturés  dans  les  expéditions  de  l'Ourartou  et 
des  pays  voisins.  Jamani  essaya  de  s'enfuir  en  Egypte,  mais  il 
fut  emmené  en  Assyrie. 

Maintenant  l'Assyrien  était  maître  du  bas  en  haut  de  la 
Mésopotamie,  des  pays  de  la  Syrie  du  Nord,  et  à  l'Ouest  il 
dominait  jusqu'à  la  frontière  d'Egypte.  Isaïe  l'avait  jadis  com- 
paré aux  eaux  du  fleuve  larges  et  puissantes,  envahissant  tout 
sur  leur  passage  et  couvrant  toute  la  Palestine  VIII,  7  ss.  Leur 
fougue  d'ailleurs  inspirait  l'effroi  : 

Ils  n'ôtent  pas  la  ceinture  de  leurs  reins, 

ils  ne  délient  pas  leurs  sandales. 

Leurs  flèches  sont  .aiguës, 

tous  leurs  arcs  sont  tendus. 

Les  sabots  de  leurs  chevaux  sont  du  silex 

les  roues  des  chars  sont  comme  un  tourbillon.  V,27ss.  (i) 

Aussi  le  Voyant  avait-il  constamment  détourné  le  peuple  de 
Juda  de  toute  alliance  avec  l'Egypte  incapable  de  le  sauver. 
(XXX,  1-7,  XXXI,  1-3.)  La  prise  d'Asdoud  en  711  lui  fit  sym- 
boliser et  prophétiser  la  rencontre  prochaine  de  l'Assvrie  et  de 
l'Egypte  et  le  désastre  de  celle-ci.  (Is.  XX.)  Mais  avant  de  faire 
sentir  la  force  de  son  bras  à  Musuri  ou  Mitzraim,  Sargon  voulut 
obtenir  la  soumission  de  Babylone  possédée  une  première  fois 
par  les  Assyriens  le  jour  où  Toukoulti  Ninib  I  y  avait  fait  son 
entrée  en  maître  (vers  1260).  (2.)  Depuis  lors  elle  avait 
connu  des  périodes  d'indépendance  suivies  d'une  nouvelle 
vassalité,  et  nous  avons  vu  que  la  bataille  de  Dourîlou,  tout  en 
se  terminant  à  l'avantage  de  l'Assvrien,  ne  lui  avait  pas  permis 
de  déloger  Mérodach-Baladan  II  de  Babvlone.  Le  moment 
était  d'ailleurs  favorable  pour  attaquer  le  roi  de    Babylone. 


(i)  Traduction  ('(tNi)A>UN  :  Le  Hure  d'Isaie,  Paris,  IjCCoUre,  igoS. 
(2)  Maspero,  Histoire  ancienne,  p.  ■^44- 


78  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

Celui-ci  aurait  dû  comprendre  qu'en  sa  qualité  d'étranger  il 
avait  à  ménager  les  susceptibilités  nationales  de  ceux  qui 
l'avaient  appelé  à  régner  sur  eux;  il  commit  la  maladresse  de 
s'appuyer  ostensiblement,  pour  se  maintenir,  sur  les  Chaldéens 
ses  compatriotes,  qu'il  favorisa  au  détriment  de  ses  sujets  baby- 
loniens. Les  villes  de  Kouta,  Sippar,  Borsippa  a3^ant  manifesté 
leur  mécontentement  il  séquestra  les  statues  de  leurs  dieux,  et 
emprisonna  leurs  principaux  citoyens  dont  il  confisqua  les 
biens;  ces  procédés  apeurèrent  les  autres  cités,  mais  depuis  les 
quatorze  ans  que  Mérodach-Baladan  régnait  sur  elles  leurs 
sympathies  avaient  eu  le  temps  de  se  refroidir. 

De  son  côté,  le  fidèle  allié  des  Kaldou,  l'Elam,  avait  faibli 
également.  Shoutrouknakhounta,  fils  et  successeur  de  Khoum- 
banigash,  mort  en  717,  avait  fort  à  faire  pour  maintenir  ses 
propres  vassaux  dans  l'obéissance.  Sargon  divisa  son  armée, 
lança  le  premier  corps  contre  les  Araméens  de  la  rive  gauche 
du  Tigre  et  contre  les  Elamites  ;  il  dirigea  le  second  contre 
Mérodach-Baladan  lui  même.  Les  Elamites  sont  refoulés,  une 
partie  de  leur  territoire  Ouest  est  ravagée  et  conquise,  la  plupart 
des  villes  araméennes  se  rendent  et  Mérodach-Baladan  s'enfuit 
se  fortifier  à  Iqbi-Bêl,  au  territoire  du  Jatburu,  dans  son 
ancien  royaume  du  Bît-Iakin.  Babylone  et  Borsippa  envoyèrent 
des  délégués  pour  féliciter  Sargon  à  Dour-Ladînou.  Le 
vainqueur  fit  son  entrée  solennelle  à  Babylone  à  la  fin  de  710, 
et  au  premier  mois  de  70g,  au  mois  de  Nisan,  il  prit  «  les 
mains  de  Bel  »  rite  par  lequel  Bel-Mardouk,  dieu  de  Babylone, 
était  censé  lui  donner  le  pouvoir  sur  la  ville  ;  il  poursuivit  son 
adversaire  dans  ses  retranchements,  qu'il  força,  mais  ne  parvint 
pas  toutefois  à  s'emparer  de  sa  personne. 

En  même  temps  que  Sargon  s'assurait  ainsi  la  domination 
sur  toute  la  Chaldée,  son  gouverneur  du  pays  de  Kuê  (Cilicie) 
triomphait  de  la  résistance  des  Moushki  situés  sur  les  deux 
rives  de  l'Euphrate  supérieur.  Même  les  pirates  grecs  qui  occu- 
paient le  Nord  et  le  centre  de  Chypre  sentirent  le  besoin  de  se 
mettre  en  bons  rapports  avec  le  conquérant  et  lui  envoyèrent 
leurs  présents.  Cette  démarche  flatta  tellement  Sargon,  que 
vers  708,  il  fit  ériger  à  Larnaca  une  stèle  en  marbre  noir  (main- 
tenant au  Musée  de  Berlin)  pour  perpétuer  le  souvenir  de  sa 


jusqu'à    la    CAPTIVITl-:    BABYLONIENNE.  79 

domination  sur  le  «  pays  de  la'  (Chypre),  situé  à  une  distance 
de  sept  jours  au  milieu  de  la  mer  ».  Cette  même  année  il  pilla 
la  Commagène  qui  avait  refusé  le  tribut;  elle  tut  peuplée  par 
des  vaincus  de  la  Chaldée. 

Toutes  ces  expéditions  ne  détournaient  pas  son  attention  des 
constructions  d'utilité  publi([ue,  telles  que  les  canaux  d'irriga- 
tion, l'érection  de  temples,  la  fortification  des  villes,  etc.  Il 
voulut  aussi  une  résidence  fondée  par  lui.  Le  village  de  Maga- 
noubba  au  Nord-Est  de  Xinive  ^aujourd'hui  Khorsabad)  arrêta 
son  choix.  Il  en  expropria  tous  les  habitants  "et  s'y  bâtit  une 
ville  modèle  qu'il  appela  de  son  nom  «  Dùr-Sarru-ukîn  »  :  forte- 
resse de  Sargon,  et  s'\'  érigea  un  palais  (i),  pour  lequel 
furent  mis  à  contribution  les  cèdres  de  l'Amanus  et  du  Liban, 
les  pierres  et  les  métaux  précieux  du  Taurus  et  des  montagnes 
de  l'Assyrie.  Il  put  enfin  quitter  Kalakh,  où  on  lui  avait  amé- 
nagé provisoirement  l'ancien  palais  d'Assournazirabal,  pour 
inaugurer  le  22  Tichri  707  sa  somptueuse  demeure;  il  ne  s'y 
installa  néanmoins  définitivement  que  le  6  lyar  706. 

Les  dernières  années  ne  s'étaient  pas  passées  toutefois  sans 
quelques  contrariétés.  Alors  que  les  forces  assyriennes  étaient 
concentrées  en  Chaldée,  le  souverain  de  TOurartou  (pays  de 
l'Ararat),  Argishtis  II,  avait  pu  récupérer  les  terrains  occupés  par 
ses  prédécesseurs  à  la  fin  du  IX*^  siècle  et  perdus  depuis;  il 
s'empara  même  du  Mannaï  (entre  le  lac  d'Ourmiah  au  Sud-Est 
et  le  lac  de  \'an  au  Xord-Ouest)  et  en  fit  une  de  ses  résidences 
favorites.  De  son  côté  Shoutrouknakhounta.  battu  encore  une 
lois  en  707  dans  le  X^ord  de  ses  Etats,  notamment  dans  l'Ellip 
(dans  les  montagnes  du  Kourdistan),  recouxra  en  706  tout  ce 
qui  lui  avait  été  enlevé  en  710  et  même  déplaça  ses  frontières 
au  détriment  des  Assyriens.  Peu  après,  au  commencement 
de  ;7o5,  Sargon,  le  grand  conquérant,  disparut  mystérieusement. 
Les  textes  qui  nous  rapportent  la  version  de  sa  mort  sont 
diversement  interprétés.  D'après  M.  Maspero  (2)  il  périt 
dans    le  temple    de    Dùr-Sarru-ukin  de  la  main    d'un    soldat 


(i)  Voir  descrii)tioii  duiis  ^[ashkko,  III  pp.  a6o  ss.  et  surtout  Pkrrot  et 
Chipikz  :  Histoire  de  l'Art  tlmis  l'untiqiiité,  t.  II.  Chnldee  et  Assyrie.  Paris, 
llat-hette,  1884,  pp.  422-44'S 

(2i  M.\SPKR<»,  III,  p.  271. 


8o  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

étranger;  d'après  Winckler  (i)  il  aurait  été  tué  par  des  mon- 
tagnards au  cours  d'une  campagne  livrée  contre  eux.  En  tous 
cas,  son  cadavre  resta  un  certain  temps  sans  sépulture;  dans  la 
première  hypothèse,  pour  que  son  fils  et  successeur  ne  conçut 
pas  de  soupçons  sur  le  compte  de  l'entourage  du  défunt;  dans 
l'autre  hypothèse,  parce  qu'il  aurait  été  abandonné  sur  le 
champ  de  bataille.  Cette  fin  inattendue  et  ignominieuse  inspira 
une  des  plus  belles  compositions  du  prophète  Isaïe  dont  les 
détails  seront  mieux  compris,  après  que  nous  avons  exposé 
dans  les  grandes  lignes  la  vie  du  redouté  conquérant  : 

Comment  a  fini  l'oppresseur, 

et  fini  la  tourmente? 

Jahvé  a  brisé  la  verge  des  impies, 

le  sceptre  des  tyrans! 

Lui  qui  frappait  les  peuples  avec  fureur 

de  coups  sans  relâche 

Et  qui  dans  sa  colère  subjuguait  les  nations 

sous  un  joug  sans  pitié. 

Toute  la  terre  est  en  paix,  en  repos  ; 

on  éclate  en  chants  d'allégresse. 

Les  cyprès  mêmes  se  réjouissent  de  ta  chute, 

avec  les  cèdres  du  Liban, 

«  Depuis  que  tu  es  sans  mouvement, 

nul  ne  monte  plus  nous  abattre!  » 

Le  Chéol  pour  toi  s'émeut  dans  ses  profondeurs 

pour  aller  à  ta  rencontre. 

Pour  toi  il  réveille  les  ombres, 

tous  les  grands  de  la  terre  ; 

Il  fait  lever  de  leurs  trônes 

tous  les  rois  des  nations. 

Tous  prennent  la  parole, 

et  ils  disent  ; 

«  Toi.  aussi,  te  voilà  faible  comme  nous, 

et  devenu  semblable  à  nous  !   » 

Au  Chéol  est  descendu  ta  majesté, 

avec  le  son  de  tes  harpes. 

Sous  toi  la  vermine  s'étend, 

et  les  vers  sont  ta  couverture! 


(i)  Altorientalische  Forschungen,  t.  I,  Leipzig,  i8()3,  pp.  !{\o  4i5. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne. 

Comment  es-tu  tombé  des  cieux 

astre  brillant,  fils  de  l'Aurore? 

Comment  as-tu  été  jeté  par  terre, 

ô  dompteur  des  nations  ! 

Toi  qui  disais  dans  ton  cœur  : 

«  Je  monterai  dans  les  cieux  ; 

Au-dessus  des  étoiles  de  Dieu 

j'élèverai  mon  trône  ! 

Je  m'installerai  sur  la  montagne  sainte, 

aux  profondeurs  du  Septentrion  ; 

Je  monterai  sur  les  sommets  des  nues, 

je  serai  l'égal  du  Très- Haut!  » 

Eh  bien  !  c'est  au  Chéol  que  tu  descends, 

dans  les  profondeurs  de  l'abîme! 

On  s'arrête  pour  te  mieux  voir, 

et  l'on  devise  à  ton  sujet  : 

«  Est-ce  là  celui  qui  faisait  trembler  la  terre, 

et  qui  ébranlait  les  empires  ; 

Qui  changeait  le  monde  en  désert, 

dévastait  les  cités, 

ne  relâchait  pas  ses  captifs  ? 

Tous  les  rois  des  nations, 

tous  reposent  avec  honneur, 

chacun  dans  sa  demeure; 

Et  toi,  tu  es  jeté  loin  de  ton  sépulcre, 

comme  un  vil  rameau  ! 

Ceux  qui  sont  tués,  frappés  par  le  glaive, 

descendent  dans  les  tombeaux  de  pierre  ; 

Tu  ne  les  rejoindras  pas  dans  le  sépulcre, 

tel  un  cadavre  foulé  aux  pieds  ! 

Car  tu  as  ruiné  ta  terre 

et  tué  ton  peuple  !  » 

Jamais  on  ne  parlera  plus 

de  la  race  du  méchant. 

Préparez  le  massacre  des  fils 

pour  l'iniquité  de  leur  père; 

Qu'ils  ne  se  lèvent  pas  pour  conquérir  la  terre, 

et  remplir  de  ruines  la  face  du  monde! 

(Is.  XIV,  4-21.  Traduction  Condamin.^ 


82  DEPUIS    LA   CHUTE   DE   SAMARIE 

Senna-  L'aîné  de  ses  fils,   Sennachérib,  (Sin-ahê-rîb)  (i)   qui    sur- 

chérib.  veillait  les  contrées  septentrionales  de  l'empire,  accourut  de  la 
frontière  et  fut  proclamé  roi  le  12  du  mois  d'Ab.  En  même 
temps  qu'il  ceignait  la  couronne,  il  dut  endosser  la  cuirasse; 
la  disparition  du  fameux  dompteur  de  peuples  avait  ravivé 
partout  des  désirs  d'indépendance .  Sennachérib  voulant 
faire  sentir  à  Babylone  qu'elle  était  vassale,  ne  daigna  pas 
lui-même  en  porter  le  diadème,  mais  lui  donna  pour  roi 
un  de  ses  frères  (  2  ) .  Irrités ,  les  Babyloniens  tuèrent 
celui-ci  et  mirent  sur  le  trône  en  704  un  certain  Mardouk- 
zakir-Souma.  Mais  Mérodach  -  Baladan  était  aux  aguets. 
Avec  les  Chaldéens  il  se  jeta  sur  Babylone,  oii  çclata 
aussitôt  une  sédition  dans  laquelle  Mardoukzakir-Souma 
périt,  après  un  mois  de  règne.  Pour  une  période  de  neuf  mois- 
Mérodach  Baladan  gouverna  derechef  Babylone.  Il  tâcha 
d'intéresser  à  sa  cause  le  roi  de  Juda,  Ezéchias,  en  lui 
envoyant  une  ambassade.  C'est  à  ce  moment,  oii  la 
fortune  semble  lui  sourire  à  nouveau,  que  nous  plaçons 
cette  démarche  racontée  2  Reg.,  XX,  12  ss,,  Is.  XXXIX. 
Il  n'est  pas  probable  qWaprês  la  rançon  qui  sera  imposée 
au  roi  de  Juda  en  701,  il  ait  encore  eu  de  quoi  faire 
ostentation  de  ses  trésors,  comme  il  est  raconté  dans  les 
récits  bibliques.  D'ailleurs,  l'expression  assez  vague  de 
2  Reg  ,  XX.,  12  ss.  et  Isaïe  XXXIX,  i  :  «  en  ce  temps  là  », 
n'implique  pas  plus  de  précision  dans  la  fixation  du  moment 
que  r  «  ///  illo  tcinpore  »  des  évangiles  du  Missel. 

Mérodach- Baladan  s'allia  une  fois  de  plus  avec  les  Elamites, 
et  les  coalisés  attendirent  les  Assyriens  près  de  Kis.  Ce  fut  une 
déroute  complète;  traqué  par  l'armée  victorieuse,  Mérodach- 
Baladan  s'enfuit  dans  les  marais  du  Tigre  et  ensuite  dans 
l'Elam.  Pendant  toute  l'année  7o3  Sennachérib  ravagea  systé- 
matiquement le  pays  chaldéen  ainsi  que  les  installations 
araméennes    et  arabes,    qui,   elles,   longeaient   déjà   toute    la 


(i)  Pour  les  documents  sur  le  rèpne  de  Seunachérib,  voir  Maspero,  III, 
p.  27.},  note.  Le  principal  recueil  de  textes  concernant  ce  règne  est 
l'ouvrage  de  Smith,  i)ublié  par  Sa yce,  ^/s/ory  of  Sennachérib...  Loudon, 
Williams  and  Norgate,  1878. 

(2)  Maspkro,  III,  p.  274,  note  i 


jusqu'à  la  captivité  habvlonienne.  83 

lisière  méridionale  de  la  Mésopotamie.  Le  butin  —  captifs 
et  troupeaux  —  fut  immense  (i).  Il  fit  sentir  également  son 
autorité  aux  Cosséens  et  aux  Modes  à  l'Est,  ainsi  qu'aux  peu- 
plades du  Kurdistan  au  Nord.  Maintenant  il  s'agissait  de  se 
ieter  de  nouveau  sur  l'Occident. 

Depuis  la  défaite  d'Asdoud,  Sabacon  avait  cru  qu'il  serait 
de  meilleure  guerre  de  se  tenir  en  rapports  amicaux  avec 
l'Assyrie.  De  part  et  d'autre  on  se  fit  des  présents,  ce  qui 
permit  de  croire  à  une  déférence  réciproque  qu'on  inter- 
prétait des  deux  côtés  d'ailleurs  comme  des  marcjues  de 
vassalité.  (Annales  de  Sargon,  lignes  97-99.  —  Temple  de 
Karnak  où  Sabacon  est  représenté  victorieux  des  Asiatiques  et 
des  AiVicains.) 

Mais  à  Sabacon  avait  surcédé  vers  7o3  son  fils  Shabitkou. 
Celui-ci  était  en  bonnes  relations  avec  les  Phéniciens  de 
Chypre,  qui  s'appuyaient  d'autant  plus  volontiers  sur  le 
pharaon  que  les  roitelets  grecs  du  Nord  de  l'île  avaient 
reconnu  l'hégémonie  de  l'Assyrie  (voir  plus  haut  p.  78),  et  que 
d'autre  part  le  delta  offrait  aux  Phéniciens  un  débouché  assuré 
pour  leurs  opérations  commerciales.  T}^  d'ailleurs  n'avait 
jamais  qu'à  contre  cœur  subi  le  joug  que  lui  imposa  jadis  Té- 
glath-Pbalasar  III.  Quant  au  royaume  de  Juda,  il  faut  croire 
qu'après  la  ruine  de  Samarie  on  y  était  inquiet  des  progrès 
faits  par  l'Assyrie  et  qu'on  préférait  la  vantardise  de  l'Egypte 
dont  la  domination  n'était  que  nominale,  à  celle  de  l'Assvrie, 
tout  aussi  provocante  mais  surtout  plus  réelle.  Il  n'avait  rien 
fallu  de  moins  que  la  parole  énergique  du  fils  d'Amos  pour 
retenir  jusqu'ici  le  pieux  roi  Ezéchias  ;  maintenant  toutefois  il 
crut  pouvoir  se  passer  de  ces  conseils  de  prudence,  écouter  le 
langage  de  ses  courtisans,  en  particulier  de  Sobna,  le  préfet  du 
palais  dont  Isaïe  prédit  la  destitution  XXII.  i5-25,  et  braver 
l'Assyrien  en  se  confiant  au  pharaon. 

Rien  d'étonnant  dès  lors  à  ce  que  l'Égvpte,  profitant  du 
désarroi  créé  par  la  mort  violente  de  Sargon,  ait  fomenté  la 
rébellion  contre  l'Assyrie  chez    les   peuplades    côtières    de   la 


;ii  Maspfro,  m,  p.  27G.  Smitii-Savci:,  op.  laïuL,  pp.  i>,s,  •2\) 


84  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

Palestine;  et  c'est  ainsi  que  de  la  Philistie  et  de  la  Phénicie  le 
désir  d'indépendance  avait  pénétré  jusqu'en  Juda. 

Sédécias,  roi  d'Ascalon,  fut  le  premier  à  secouer  le  joug, 
entraînant  dans  sa  révolte  Jaffa,  Beth-Dagon,  Benê-Baraq  et 
lâzûr.  Ekron  s'insurgea  contre  Padi,  le  roi  que  lui  avait 
donné  l'Assyrie  et  le  confia  à  Ezéchias,  le  roi  de  Juda,  qui  le 
mit  en  prison. 

Au  printemps  de  701,  Sennachérib  fond  sur  la  Phénicie, 
Eloulaios,  roi  de  Tyr,  s'enfuit  en  Chypre.  Les  T3Tiens 
parviennent  toutefois  à  tenir  tête  à  l'envahisseur,  mais  le 
reste  de  la  Phénicie  fut  soumis  et  Sennachérib  lui  donna 
comme  roi  un  certain  Ithobaal.  Parmi  ceux  qui  vinrent  pré- 
senter leurs  hommages  au  vainqueur  figurent  les  rois  d'Ammon, 
d'Edom  et  celui  d'Asdoud,  qui  avec  celui  de  Gaza,  avaient  été 
les  seuls  en  Philistie  à  ne  pas  s'insurger.  Aussi  Sennachérib 
descend-il,  aussitôt  après,  la  côte  philistine. 

Ekron  avait  appelé  à  son  secours  «  les  rois  d'Egypte,  et  les 
troupes  du  roi  d'Ethiopie  ».  Les  armées  se  concentrèrent  à 
Altakou  dans  la  grande  plaine  au  sud  d'Akkaron  ou  Ekron. 
Elles  furent  complètement  défaites,  les  rebelles  d'Ekron 
emmenés  en  captivité,  et  Padi,  qu'Ezéchias  s'était  hâté  de 
relâcher,  est  rétabli  dans  sa  royauté.  Maintenant  il  s'agit  de 
faire  la  leçon  à  Juda.  D'Akkaron,  Sennachérib  suit  la  route  de 
l'Ouest  pour  monter  contre  Jérusalem  (Is.,  X,  28-32  imagine 
un  itinéraire  du  Nord  au  Sud  pour  symboliser  la  rapidité  de 
l'invasion)  ;  sur  son  passage  il  ravage  quarante-six  places 
fortes  avec  les  bourgs  qui  les  séparent,  dévastant,  pillant  tout 
et  faisant  plus  de  200,000  captifs  il  vient  enfin  mettre  le  siège 
devant  Jérusalem  (i). 

Pendant  que  l'armée  assyrienne  se  répand  sur  la  côte  jusqu'à 
Altakou,  Ezéchias  s'était  fortifié  dans  Jérusalem,  Il  fit  abattre 
plusieurs  maisons  pour  réparer  les  brèches  des  murs  de  la  ville, 
boucha  les  sources  d'eau  du  Cédron  et  clôtura  la  sortie  des 
eaux  de  la  piscine  supérieure  (Isaïe,  Vil,  3),  appelée  le  Gihon  : 
ces    eaux    descendaient   la    pente    d'Ophel    par   un    aqueduc 


(i)  Le  cvliiulre  hexagonal    de  Taylor   nous  doiiiie  tous  les  détails   de 
cette  campagne  de  Seuuacliérib    eu    Palestine.  Voir  K.  I.    T.,  pp.  43-46. 


jusqu'à    la    CAI'TIVITl':    BABYLONIENNE.  85 

à  ciel  ouvert  qui  se  déversait  dans  les  jardins  du  roi  au  Sud- 
Est  d'Ophel.  Il  en  détourna  le  cours  en  faisant  creuser  le 
fameux  canal  souterrain  (jui  traverse  l'Ophel  du  Nord-Est  au 
Sud-Ouest  pour  se  jeter  dans  une  piscine  enclavée  cette  fois 
dans  les  murs  mêmes  de  la  ville  et  dont  l'achèvement  nous  est 
raconté  dans  l'inscription  dite  de  Siloë,(2  Chron.,  XXXn,2-7, 
3o,  îs.,  XXII.  9-II,  Eccli.,  XLVIII,  17)  (i).  Il  fortifia  si 
bien  la  ville  que  Sennachérib  ne  put  s'en  emparer.  Mais  une 
partie  de  la  garnison,  notamment  des  mercenaires  arabes, 
firent  défection  et  Ezéchias  se  vit  forcé  d'éloigner  l'assiégeant 


(i)  Dans  2  Chron.,  XXXII,  3o,  il  est  dit  :  «  Ce  fut  lui  aussi  Ezécliias  qui 
couvrit  l'issue  supérieure  des  eaux  du  Gihou  et  les  amena  en  bas  vers 
l'Occident  de  la  cité  de  David  ».Et  dans  EccH.,  XLVIII,  17:  «  Ezécliias  for- 
tifia sa  ville  et  amena  dans  son  enceinte  le  Giliou:  avec  le  fer  il  creusa  le 
rocher  et  construisit  des  réservoirs  pour  les  eaux  ».  Ezéchias  fit  ces  ou- 
vrages à  l'approche  de  l'armée  ennemie  de  Sennachérib.  vers  701. 

Il  est  fait  allusion  à  ces  mêmes  travaux  dans  Isaïe.  qui  reproche  au  peu- 
ple de  ne  pas  s'être  suffisamment  appuyé  sur  Jahvé.  «  Vous  avez  fait  un 
bassin  entre  les  deux  murs  i)Our  les  eaux  de  la  vieille  piscine,  et  vous 
n'avez  pas  regardé  vers  votre  Créateur  r,  Is.,  XXII,  11.  Or  la  direction  de 
ce  double  mur  nous  est  connue  jiar  2  Reg.,  XXV,  4- 

Vers  la  fin  du  siège  de  Jérusalem  par  Xabuchodonosor  en  586,  Sédécias 
veut  s'enfuir.  «  Alors  une  brèche  fut  faite  à  la  ville,  et  tous  les  gens  de 
guerre  s'enfuirent  la  nuit  par  la  porte  entre  les  deux  murs  près  du  jardin  du 
roi.  pendant  que  les  Chaldéeus  environnaient  la  ville.  Le  roi  prit  le  chemin 
de  l'Arabah  (du  désert).  Mais  l'armée  des  Chaldéeus  l'atteignit  dans  les 
plaines  de  Jéricho  ».  Il  s'agit  donc  de  la  vallée  du  Cédron. 

Conséquemmeut,  nous  sommes  à  l'Orient  de  la  ville.  Impossible  dès  lors 
d'identifier,  comme  le  veulent  certains  topographes,  le  (xilioii  avec  le 
Birket-.Mamillah  qui  alimente  1' « 'Amman-el-Batrak  ».  d'autant  plus  que 
2  Chron.,  XXXIII,  4,  (îihon  est  dans  la  vallée  Hî-;»  qui   signifie  toujours 

-  T 

le  Cédron.  par  opposition  ù.  lasimi)Ie  vallée  de  l'Ouest  et  du  Sud  appelée 
'';.   D'ailleurs,  comment  de  la  col  ine  Ouest,  plus  haute  que  le  tennjle, 

aurait-on  pu  monter  au  temple? 

Cette  source  de  Gihon  est  à  identifier  avec  le  «  'Ain  Sitty  Mariam  ». 
Actuellement,  pour  y  arriver,  il  faut  descendre  deux  escaliers,  le  niveau 
de  la  vallée  ayant  remonté,  d'où  le  nom  que  lui  donnent  les  Arabes  :  «  'Aïu 
Umm  ed  Daradj  «.Anciennement,  ces  eaux  étaient  conduites  par  un  canal 
à  ciel  ouvert,  taillé  dans  le  bas  du  l'ocher  au  bas  de  la  colline  dOpliel  et  se 
déversant  dans  la  «  vieille  piscine  »  ou  «  étang  inférieur  »  près  des  jardins 
du  roi.  Ce  sont  «  les  eaux  de  Siloë  qui  coulent  doucement  ».  (Isaïe,  VIII, (i.) 
Quand  Xehémie.  II.  i4  et  III.  i5  parle  de  l'étang  du  roi  et  de  l'étang  de 
Siloé,  près  du  jardin  du  roi,  i)rès  des  degrés  qui  descendent  de  la  cité  de 


86  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

par  un  fort  tribut  :  3o  talents  d'or,  3oo  talents  d'argent  (i), 
les  femmes  du  palais,  des  objets  précieux  de  tous  jj^enres,  que 
Sennachérib  se  complait  à  énumérer.  Tous  les  trésors  du 
temple  et  du  palais  y  passèrent.  Ce  butin  dut  être  envoyé  à 
Ninive  par  les  messaj^ers  d'Ezéchias  et  ceux-ci  y  prêtèrent 
hommage  au  nom  de  leur  souverain  (2).  Outre  cette  rançon 
immense,  Ezéchias  vit  une  bonne  partie  de  son  petit  royaume 
lui  échapper.  Les  villes  situées  à  l'Ouest  et  au  Sud-Ouest  de 
Jérusalem  et  qui  avaient  été  pillées  par  les  armées  assyriennes 
furent  octroyées  à  Padi  d'Ekron  en  compensation  de  sa  capti- 
vité, de  même  qu'à  Mitinti  d'Asdoud  et  à  Sîl-Bêl  (3)  de  Gaza 


David,  étang  qui  est  appelé  maintenant  le  «  Birket-el-Hamrâ  ».  «l'étang 
rouge  »,  c'est  de  cet  étang  inférieur  qu'il  s'agit. 

Seulement,  cette  canalisation  à  ciel  ouvert  et  à  l'extérieur  des  murs  de 
la  ville  offrait  des  inconvénients  sérieux  en  cas  de  guerre.  Eu  effet,  elle 
permettait  à  l'ennemi  de  s'alimenter  et  de  couper  les  eaux  aux  assicgés. 
C'est  alors  qu'Ezéchias  entreprit  la  canalisation  intérieure  de  ces  eaux, 
dont  il  est  question  dans  les  textes  rappelés  ci-dessus,  et  les  conduisit  de 
l'Est  au  Sud-Ouest  de  la  colline  d'Ophel,  pour  les  déverser  alors,  comme 
dit  Isaïe,  XXII.  11,  «  dans  le  bassin  entre  les  deux  murs  ». 

Au  fond  du  bassin  de  T'Aïn-Sitty-Mariain,  s'ouvre  une  galerie  dans 
laquelle  il  y  a  moven  de  s'aventurer;  la  hauteur  varie  de  4'"5o  à  o"'45;  eu 
ligne  droite  la  longueur  serait  de  835  mètres  '1767,98  pieds  anglais),  mais  à 
cause  des  sinuosités,  le  parcours  est  de  r)39"'33,  et  la  différence  de  niveau 
entre  le  i)oint  de  départ  et  le  point  d'arrivée  n'est  que  de  o'"3o. 

Or,  à  l'extrémité  Sud-Ouest  de  ce  canal,  on  a  découvert  eu  mai  1880.  une 
inscription  contemporaine  du  percement,  composée  de  six  ligues,  dont 
voici  le  contenu  :  «...  la  percée.  Voici  l'histoire  de  la  percée.  Quand  [les  mi- 
neurs levaient]  le  pic  l'un  vers  l'autre  et  qu'il  y  avait  encore  trois  coudées 
[a  percer  on  entendit]  se  crier  l'un  à  1  autre  c^u'il  y  avait  zédah  --;; 
(déviation  ?)  dans  le  rocher  sur  la  droite. Et  au  jour  de  la  percée  les  mineurs 
frappèrent  chacun  l'un  vers  l'autre,  pic  contre  pic,  et  les  eaux  coulèrent 
de  la  source  jusqu'au  réservoir,  sur  une  longueur  de  douze  cents  coudées  ; 
et  de  cent  coudées  était  la  hauteur  du  rocher  au-dessus  de  la  tête  des 
mineurs  » . 

Cette  inscription  en  i)artie  abimée,  eu  partie  incrustée  de  calcaire,  pré- 
sente une  le/îture  difficile.  Elle  esl  en  caractères  hébreux  archaïciues 
comme  la  stèle  de  Mésa,  et  a  été  transportée  au  Musée  de  Constantinople. 
Voir  texte  dans  Lioziîarski,  Allsemitische  Texte,  i*"*'  Ileft,  p.  10. 

(I)  Huit  cents  d'après  le  récit  assyrien.  Cette  différence  peut  tenir  à 
la  diversité  de  valeur  du  talent,  d'après  les  pays  et  les  époques. 

f2)  Cfr.  loc.  cit.  du  cylindre  de  Taylor. 

(3)  Ce  nom  a  été  parfois  lu  Is-mi-eu,  mais  à  torl  :  voir  Rev.  Hibl.,  if)io, 
p.  5io,  corrigé  par  Rev.  Bibl..  1911,  p.  211. 


jusqu'à  la  captivité   babylonienne.  87 

qui  étaient  restés  lidèles  à  la  cause  de  l'AssN'rie.  Ces  événe- 
ments, plus  détaillés  dans  le  récit  assyrien,  sont  condensés  en 
quelques  versets  du  texte  biblique  2  Keg.,  XVIII,  i3-i6(au 
verset  14  il  faut  supprimer  toutefois  la  mention  de  Lachis). 

La  suite  de  l'histoire  biblique  XVIII,  17-XIX,  36,  contient  le 
double  récit  d'une  expédition  postérieure  de  Sennachérib, 
comme  nous  le  prouverons. 

M.  Maspero  (III  pp.  286-295)  se  trompe  donc  en  voyant  dans 
ces  deux  chapitres  XVIII,  i3-i6  et  XVIII,  17-XIX,  36,  une 
seule  et  même  expédition;  à  bon  droit  Winckler  et  le 
P.  Dhorme  (Rev.  Bibl.  igio,  pp.  5ii  ss.)  }•  distinguent  deux 
campagnes  différentes.  C'est  bien  à  cela  que  le  texte  lui-même 
invite  :  sans  quoi,  il  présenterait  des  détails  contradictoires 
et  incohérents. 

>rous  poursuivons  d'abord  l'ordre  chronologique  des  faits 
pour  reprendre  alors  les  événements  narrés  dans  la  suite  du 
récit  sacre. 

Pendant  que  Sennachérib  guerr03ait  ainsi  le  long  de  la  côte 
méditerranéenne,  l'agitation  avait  repris  dans  le  bassin  du 
Tigre  et  de  l'Euphrate.  A  sa  dernière  entrée  triomphale  à 
Babylone,  Sennachérib  a\ait  conféré  la  couronne  à  un  origi- 
naire du  pays  du  nom  de  Bél-ibni  qui  avait  été  élevé  à  la  cour 
de  Sargon  à  N^inive.  Bêl-ibni  semble  avoir  conspiré  avec  les 
chefs  du  Kardouniash  (Chaldée)  contre  son  suzerain  pendant 
l'absence  de  celui-ci.  MérodachrBaladan  avait,  malgré  sa  der- 
nière défaite,  une  fois  de  plus  recommencé  ses  intrigues  en 
mcitant  à  la  rébellion  les  chefs  de  la  Basse-Chaldée,et  en  s'asso- 
ciant  l'Elam.  Sennachérib  était  donc  à  peine  de  retour  à  X^inive 
qu'il  lui  fallut  recommencer  la  lutte.  Il  vint  vite  à  bout  de 
Bêl-ibni,  ainsi  que  des  bandes  chaldéennes  du  Bit  Iakin;  mais 
Mérodach-Baladan  après  avoir  dû  abandonner  ses  compa- 
triotes et  sa  famille,  s'échappa  sur  des  bateaux  avec  les  statues 
de  ses  dieux  et  aborda  sur  la  côte  élamite.  Un  des  fils  cadets  de 
Sennachérib,  Asour-nadin-Souma  fut  vers  la  fin  de  700  placé 
sur  le  trône  de  Babylone. 

L'année  699  est  occupée  par  la  répression  des  révoltes  du 
Kurdistan  et  de  l'Ourartou  et  en  6g8  Sennachérib  se  soumet 
à  nouveau  la  Cilicie.  Le  pays  de  Tabal,  qui  couvre  le  bassin  de 


88  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

l'Iris  et  touche  à  la  mer  Noire,  est  mis  à  la  raison  en  6g5. 

Ces  précautions  n'étaient  pas  inutiles.  En  effet,  depuis 
quelque  temps  les  peuplades  du  Caucase,  surtout  les  Cimmé- 
riens  et  les  Scythes,  avaient  pénétré  en  Asie  Mineure  et  com- 
mençaient à  en  inonder  toute  la  partie  occidentale  ;  même 
quelques  tribus  avaient  poussé  vers  le  Sud-Est  dans  les 
pâturages  de  l'Araxe  et  les  environs  du  lac  d'Ourmiah,  refou- 
lant ainsi  les  peuplades  autochtories  qui  constituaient  les 
frontières  de  l'empire  assyrien.  Il  avait  donc  fallu  faire  sentir 
à  ceux  qui  occupaient  ces  contrées,  ainsi  qu'à  ceux  qui  voulaient 
s'en  emparer,  que  le  maître  surveillait  jalousement  ses  terres. 

L'horizon  momentanément  éclairci  dans  le  Nord  et  le  Nord- 
Ouest,  Sennachérib  résolut  d'en  finir  avec  Mérodach-Baladan 
dont  tous  les  revers  n'avaient  diminué  ni  le  patriotisme,  ni  la 
ténacité. 

Pendant  quatre  ans,  jusqu'en  691,  la  Babylonie  et  la  Chaldée 
de  nouveau  révoltées  et  unies  lutteront  avec  des  alternatives  de 
succès  et  de  revers  contre  l'infatigable  Assyrien.  Malheureuse- 
ment, le  puissant  allié,  l'Elam  lai-même,  était  en  pleine  ébulli- 
tion.  Depuis  la  dernière  défaite  de  Mérodach-Baladan, 
Shoutrouknakhounta  avait  par  sa  retenue  mécontenté  les 
nobles  et  avait  été  remplacé  par  son  frère  Khalloudoush.  Après 
peu  de  temps  celui-ci  fut  détrôné  par  un  nouveau  Koutournak- 
hounta  qui  ne  régna  que  trois  mois  et  eut  comme  successeur 
son  frère  Oummanminanou. 

A  Babylone,  le  fils  de  Sennachérib  avait  été  culbuté  du  trône 
et  remplacé  par  un  babylonien  du  nom  de  Nergal  Usezib,  qui 
fut  bientôt,  en  6g3,  emmené  comme  prisonnier  à  Ninive.  Peu 
après,  un  nouvel  usurpateur  chaldéen,  du  nom  de  Su-zu-bu  ou 
Musezib-Mardouk.  (selon  la  chronologie  babylonnienne)  s'em- 
para de  rechef  du  trône  de  Soumer  et  d'Akkad.  Enfin, 
en  691,  eut  lieu  une  rencontre  de  forces  imposantes  entre  les 
Assyriens  et  les  armées  coalisées  de  Babylone  et  d'Elam,  tout 
près  de  Haloulê(sur  le  Tigre  aux  environs  de  Bagdad).  L'issue 
fut  indécise  ;  de  part  et  d'autre  on  s'attribua  la  victoire,  mais 
les  pertes  avaient  été  telles  que  chacun  des  belligérants  sus- 
pendit les  hostilités  pour  quelque  temps.  Pourtant  Sennachérib 
ne  s'accorda  pas  des  loisirs  complets.    Un   fragment  de  texte 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  89 

récemment  interprété  nous  apprend  qu'à  cette  époque  (vers 
6go)  Sennachérib  entreprit  une  campagne  en  Arabie,  {K.  I.  T., 
p.  47)  ;  il  dit  avoir  tait  luir  la  reine  des  Arabes  «  ...nu  )>  et  un 
certain  Hazaël  dans  la  ville  de  A-du-um-ma-tu  (i).  Etant  à 
plus  qu'à  mi-chemin  de  la  côte  méditerranéenne,  il  risque  une 
poussée  jusqu'à  la  frontière  égyptienne  et  remonte  installer  son 
camp  à  Lachis. 

Depuis  la  défaite  d'Altakou,  Shabitokou  s'était  tenu  sur  la 
défensive,  tout  en  maintenant  son  autorité  sur  les  roitelets 
égyptiens;  mais  en  6g3  un  certain  Taharqou,  de  la  souche 
royale  éthiopienne,  originaire  de  Napata,  avait  été  proclamé 
souverain  d'Ethiopie.  D'après  Eusèbe,  qui  s'inspire  probable- 
ment de  Manéthon  (2),  il  aurait  disputé  le  trône  à  Shabitokou, 
l'aurait  défait  et  mis  à  mort.  C'est  peut-être  à  ce  changement 
de  règne  qu'est  applicable  le  passage  d'Is.,  XIX,  i-3.  La  stèle 
dite  de  Tanis,  qui  nous  fournit  quelques  détails  intimes  sur  sa 
vie,  est  malheureusement  abimée.  D'après  M.  Maspero  (3)  elle 
nous  dirait  qu'il  est  arrivé  au  pouvoir  à  l'âge  de  vingt  ans. 
Alt  (4)  fixe  à  vingt  ans  son  départ  de  Nubie  seulement.  Il 
épousa  la  veuve  de  Sabacon,  qui  avait  laissé  un  fils  encore 
mineur,  Tanouatamanou,  et  il  régna  dès  lors  sur  l'Ethiopie  et 
rEg3^pte,  considérant  cette  dernière  comme  un  pays  par  lui 
conquis  (5). 

Nous  voici  ramenés  au  récit  biblique  2  Reg.,  XVIII,  17- 
XIX,  36,  qui  a  son  parallèle  dans  2  Chron.,  XXXII,  9-23  et 
Is.  XXXVI-XXXVII,  36.  Nous  y  lisons  que  Sennachérib  alla 
camper  à  Lachis  et  que  de  là  il  envoya  son  tartànu,  ou  général 
en  chef,  le  rab-saris  ou  chef  des  eunuques  et  le  rab-sâquê  ou 
grand-officier  (dont  la  Vulgate  Is.,  XXXVI  fait  un  nom  propre) 
à  Jérusalem  pour  exiger  la  reddition  de  la  ville.  Peut-être 
celle-ci  n'avait-elle  pas  continué  à  payer  le  tribut  lui  imposé  en 


(i)  C'est  la  ^"211  *'®  Oenèse    XXV,  14.  localité  qui  se  trouve  en  plein 

T 

désert  d'Arabie,  dans  le  Ouadi  Sirban. 
(a)  Fragm.  hist.  Griec,  t.  II,  j).  Sgî. 
(3)  Maspero  ITI,  p.3Gi,note4- 
'4)  M.T,op.  laud.,  pp.  80,  Hi,  note  i. 
(5)  Masi'ERO,  III,  p.  3G2. 


go  -  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

701  (c'est  ainsi  qu'Ezéchias  se  sera  révolté.  2  Reg., XVIII,  20). 
Ezéchias,  effra3'é  des  menaces  des  envoyés,  est  rassuré  par 
Isaïe,  qui  lui  prédit  une  catastrophe  prochaine  pour  Sennaché- 
rib  et  même  la  mort  de  celui-ci.  Sur  ce,  les  envoyés  sont  con- 
gédiés et  ils  vont  retrouver  leur  maître,  non  plus  à  Lachis, 
mais  à  Libna  (i).  En  eflfet,  Sennachérib  venait  d'apprendre 
que  Taharqou,  le  roi  d'Ethiopie,  s'avançait  pour  lui  livrer 
bataille,  et  c'est  pourquoi  il  s'était  rapproché  de  la  frontière 
ég3'ptienne.  L'Assyrien  renvoie  ses  ambassadeurs  à  Ezéchias, 
se  moquant  de  la  confiance  qu'il  met  en  Jahvé  son  Dieu.  Alors 
Isaïe  lui  adresse  une  prophétie  aussi  satyrique  que  pleine 
d'assurance  (Isaïe,  XXXVII,  22-35;  2  Reg.,  XIX,  21-34). 
Is.  XXXVII  22.     Elle  te  méprise,  elle  se  moque  de  toi, 

la  vierge,  la  fille  de  Sien 

Derrière  toi  elle  hoche  la  tête, 

la  fille  de  Jérusalem 
2  3.     Qui  as-tu  injurié  et  outragé? 

Contre  qui  as-tu  élevé  la  voix, 

Et  porté  ton  regard  superbe? 

Contre  le  Saint  d'Israël! 

24.  Par  tes  esclaves  tu  as  outragé  le  Seigneur, 
et  tu  as  dit  .  avec  mes  chars  nombreux 

Je  suis  monté  au  sommet  des  montagnes, 

aux  extrémités  du  Liban. 

J'ai  coupé  les  cèdres  sublimes 

et  les  plus  beaux  cyprès  ; 

J'ai  atteint  ses  dernières  cîmes. 

ses  bois  les  plus  épais. 

25.  Moi  j'ai  creusé  et  j'ai  bu 
des  eaux  étrangères 

J'ai  desséché  avec  la  plante  de  mes  pieds 
tous  les  canaux  de  l'Egypte  ! 

26.  Entends-tu?  Il  y  a  longtemps  • 
que  j'ai  préparé  cela  ; 

Dès  les  temps  anciens  je  l'ai  rcsolu, 
et  maintenant  je  l'accomplis. 
Tu  devais  changer  les  villes  fortes 
en  monceaux  de  ruines. 

i)  Actuellemeut  Tell-el-Hasi,  àlOiiest  de  Lachis  et  à  mi  chemin  entre 
cette  dernière  localité  et  Gaza. 


JUSQU  A    LA    CAPTIV1T1-:    H AIiVr.ONlENXE.  9I 

27.      Leurs  habitants  était- nt  sans  forc<^, 

épouvantés,   confus.    • 

Us  étaient  comme  l'herbe  des  champs, 

la  tendre  verdure, 

Le  gazon  qui  pousse  sur  les  toits 
•    brûlé  par  le  vent  d'Est. 

Je  sais  quand  tu  te  lèves  28  et  quand   tu  t'assieds 

je  connais  toutes  tes  démarches 
29.     Ta  fureur  contre  moi,  ton  insolence 

sont  montées  jusqu'à  mes  oreilles. 

Je  te  mettrai  au  nez  mon  aniieau, 

et  mon  frein  à  tes  lèvres 

Et  je  te  ferai  retourner  par  la  route 

par  laquelle  tu  es  venu! 

53.     Voici  donc  ce  que  dit  Jahvé  sur  le  roi  d'Assyrie  : 

Il  n'entrera  pas  dans  cette  ville, 

il  n'\'  lancera  pas  une  floche; 

Il  ne  marchera  pas  contre  elle  armé  du  bouclier, 

il  ne  l'entourera  pas  de  retranchements. 
34       Par  la  route  qui  l'amena  il  s'en  retournera, 

et  il  n'entrera  pas  dana  cette  ville,  déclare  Jahvé. 
35.     Je  défendrai  cette  ville  et  je  la.  sauverai. 

à  cause  de  moi  et  de  mon  serviteur  David 
(Traduriioti   Cond.-vmin). 

La  nuit  suivante  la  catastrophe  se  produisit.  Sennachérib 
perdit  la  grande  partie  de  son  armée  et  dut  retourner  précipi- 
tamment à  Ninive.  {2  Reg.,  XIX,  35,  36.) 

Relevons  maintenant  les  principaux  détails  qui  nous  font  voir 
en  tout  ceci  une  campagne  différente  de  celle  de  701,  mention- 
née 2  Reg.,  XVIII,  i3-l6  et  particulièrement  2  Chron.,  XXXII, 
1-8,  et  Is.,  XXXVI,  I. 

1°)  Dans  le  récit  assyrien  de  la  campagne  de  701  (cylindre 
de  Taylor),  il  n'est  pas  fait  mention  de  Lachis  ;  les  centres 
d'opérations  sont  Altaqou.  Akkaron  et  Tîmna.  Or,  sur  un 
relief  du  palais  de  Ninive  (i),  Sennachérib  siège  sur  son 
trône  et  reçoit  les  dépouilles  de  Lachis  (La-ki-su).  Il  ne  s'agit 


(I)  British  Muséum,  A  guide  to  tJie  bubylonian  mul  nssyrimi  nntiquities, 
assyrian  saloou  u"  28,  plate  XV,  texte  p.  33. 


92  DEPUIS   LA    CHUTE   DE   SAMARIE 

donc  pas  sur  ce  dernier  relief  de  la  bataille  de  701,  que  n'aurait 
pu  omettre  le  cylindre  de-Taylor,  si  détaillé  dans  ses  rensei- 
gnements. 

La  mention  "'f^K^  2  Reg.,  XV^III,  14,  doit  donc  être  une 
glose  introduite  à  cause  du  récit  qui  suit  ;  car  on  ne  comprend 
pas  pourquoi  les  envoyés  d'Ezéchias  doivent  aller  à  Lachis 
où  Sennachérib  n'est  pas  allé  et  au  moment  où  il  est  monté 
contre  toutes  les  places  fortes  de  Juda. 

2°)  Is.,  XXII,  i5,  Sobna  est  intitulé  intendant  du  palais 
iT^n  ':'y  lïï^i^  ...  pàn   et  remplit  le  rôle  de  premier  ministre; 

c'est  à  son  influence  qu'il  faut  attribuer  les  faveurs  accordées 
par  Ezéchias  à  l'alliance  égyptienne;  aussi  Isaïe  lance-t-il 
contre  lui  la  prédiction  de  sa  destitution  du  poste  élevé 
qu'il  occupe  et  lui  annonce-t-il  son  remplacement  par  Eliakim, 
le  fils  d'Helcias.  Is.,  XXII,  16-24.  Or  dans  Is.,  XXXVI,  3  et 
XXXVII,  2  ainsi  que  2  Reg.,  XVIII,  18,  3y  nous  voyons 
précisément  Eliakim  en  qualité  de  préfet  du  palais  et  Sobna 
réduit  au  rôle  de  secrétaire.  C'était  l'accomplissement  de  la 
prédiction  d' Isaïe. 

3°)  Dans  la  partie  que  nous  considérons  comme  relatant  un 
épisode  autre  que  celui  de  2  Reg.,  XVIII,  i3-i6,  il  est 
question  de  Taharqou,  le  roi  de  Koush  (Ethiopie),  2  Reg.^ 
XIX,  9.  Or,  celui-ci  n  a  pas  régné  avant  693.  Même  en 
admettant  l'interprétation  de  la  stèle  de  Tanis,  donnée  par  Alt 
(i),  comme  quoi  Taharqou  serait  venu  en  Egypte  avec  Saba- 
con  à  l'âge  de  vingt  ans,  aurait  participé  à  la  guerre  de  celui-ci 
contre  Bocchoris  en  yi5  et  serait  ensuite  resté  dans  l'armée 
jusqu'en  693,  —  période  pendant  laquelle  il  aurait  pris  part  à 
la  campagne  contre  l'Assyrien,  en  701,  —  on  n'explique  pas, 
dans  l'hypothèse  qui  voit  dans  le  récit  biblique  le  seul  événe- 
ment de  701,  comment  Taharqou  serait  alors  appelé  2  Reg., 
XIX,  9,  le  ce  roi  »  de  Koush,  s'il  n'était  à  ce  moment  que  le 
général  de  Shabitkou.  D'ailleurs,  l'interprétation  donnée  par 
Alt  repose  sur  une  restitution  conjecturale  de  la  ligne  treizième 
de  la  stèle  de  Tanis,    mutilée  à  cet  endroit.  M.  Maspero  (2) 


(i)  Ai/r,  pp.  80,  81,  note. 

(ii)  Maspero,  III,  p.  36i,  note  4- 


jusqu'à  la  captivité  babylonien XI-:.  g3 

l'interprète    autrement    et   donne    à   Taharqou    vingt   ans    au 
moment  de  sa  révolte,  soit  en  6g3. 

4°)  Le  désastre  subi  par  l'armée  assyrienne  (2  Reg.,   XIX, 
35,  36,  Is.,  XXXVIir.  36,  37;   2  Chron.,  XXXII,  21,  22),  par 
lequel  Sennachérib  trouve  au  matin  les  cadavres  de  z85, 000  hom- 
mes dans  son  camp,  a  laissé  son  souvenir  dans  les  traditions 
égyptiennes  rapportées  par  Hérodote.  {Hist.  1.  II  ch.  141.)  \ln 
ce  temps  (comme  nous  l'apprennent  ces  traditions)  régnait  en 
Egvpte  Séthon,  le  grand  prêtre  du  dieu  Ptah  de  Memphis. 
Séthon  qui  avait  une  médiocre  estime  pour  la  classe  guerrière, 
l'avait  dépouillée  de  beaucoup  de  privilèges. «  Savayâpl,3o;,  le  roi 
des  Arabes  et  des  Assyriens»,  s'avance  avec  une  grande  armée 
contre    l'Egypte  ;    l'armée    égyptienne   refuse    ses    services    à 
Séthon  qui  va  se  lamenter  dans  le  temple  de  son  dieu  ;  celui-ci 
lui  communique  en  songe  qu'il  lui  enverra  des  auxiliaires  pour 
lui  assurer  la  victoire.   Séthon  rassemble  alors  une  troupe  de 
petits  commerçants  et  les  mène  camper  à  Péluse.  Or,  voici  que 
pendant  la  nuit  une  nuée  de  rats  des  champs  envahit  le  camp 
assvrien,  rongeant  les  carquois,  les  cordes  des  arcs  et  les  poi- 
gnées des  boucliers  des  Assvriens.  Au  matin  ceux-ci  n'eurent 
d'autre   ressource  que  de  s'enfuir  en  abandonnant  un   grand 
nombre  des  leurs  qui  lurent  poursuivis  et  tués  par  les  Egyptiens. 

Pour  fantastique  qu'il  soit,  ce  récit  contient  quelques  indica- 
tions précieuses.  Tout  d'abord  Sennachérib  est  l'envahisseur; 
ensuite  il  est  appelé  le  «  roi  des  Arabes  et  des  Assyriens  ».  Or, 
ce  n'est  qu'en  6gi  ou  6go  que  Sennachérib  a  pénétré  jusque 
dans  le  cœur  de  l'Arabie.  Sans  aucun  doute  il  aura  selon  sa 
coutume  enrôlé  une  partie  des  vaincus  dans  ses  armées  et  ce 
sont  eux  qu'il  conduit  en  Egypte  et  qui  subissent  le  désastre 
précité. 

De  plus,  cette  mention  des  rats  fait  songer  à  un  fléau 
importé  communément  par  ces  rongeurs.  N^ous  les  trouvons 
notamment  en  connexion  causale  avec  la  peste  bubonique  i  Sam . , 
V,  g,  12  et  VI,  5,  11,  18.  Il  est  assez  obvie  dès  lors  devoir 
dans  le  désastre  que  subit  l'armée  de  Sennachérib  une  invasion 
de  rats  qui  ont  communiqué  la  contagion  à  son  armée. 

L'événement  prédit  par  Isaïe  n'en  est  pas  moins  surnaturel, 
et  l'expression  de  1'  «  ange  de  Jahvé  »  est  habituelle  pour  signi- 


94  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

fier  des  causes  secondes  qui,  surtout  miraculeusement,  amè- 
nent un  désastre. 

5<^)  Si  l'on  voit  dans  le  récit  de  2  Reg.,  XVIII,  i3-i6  le  même 
épisode  que  narre  dans  la  suite  2  Reg.,  XVIII,  17-XIX,  37,  on 
ne  comprend  plus  du  tout  la  connexion  des  faits.  En  efi'et,  si 
l'armée  assyrienne  était  malmenée  avant  que  le  roi  de  Juda, 
Ezéchias,  ait  livré  ses  trésors  et  par  suite  avant  que  les  ennemis 
aient  dû  plier  bagages,  on  ne  comprend  pas  ce  qui  l'aurait 
obligé  à  les  livrer;  d'autre  part,  si  après  la  menace  assyrienne 
il  les  a  livrés,  comment  expliquer  que  les  Assyriens  aient 
continué  le  siège?  Dire,  comme  le  fait  le  Père  Condamin  (i), 
que  c'est  sur  un  prétexte  quelconque  que  Sennachérib  aurait 
demandé  une  seconde  fois  la  capitulation  de  Jérusalem,  c'est 
vraiment  aussi,  salvo  respectu,  une  explication  quelconque  et  il 
nous  semble  qu'à  séparer  les  événements  on  obtient  la  seule 
solution  raisonnable.  A  condition  de  séparer  les  deux  récits 
bibliques,  2  Reg.,  XVIII,  i3-i6,  avec  suppression  de  Lachis  au 
verset  14,  et  2  Reg  ,  XVIII,  17-XIX,  36,  on  les  trouve  en  con- 
cordance parfaite  avec  les  récits  assyriens  sur  la  double  cam- 
pagne de  701  et  690  (2). 

Un  mot  au  sujet  des  indications  chronologiques  de  la 
Bible  sur  le  règne  d'Ezéchias. 

2  Reg.',  XVIII,  i3etls.,  XXXVI,  i,  il  est  dit  que  l'inva- 
sion de  Sennachérib  de  701  a  eu  lieu  la  quatorzième  année 
d'Ezéchias.  D'après  ces  données,  il  aurait  donc  commencé  à 
régner  en  yiS.  Or,  2  Reg.,  XVIII,  9,  10,  Samarie  aurait  été 
prise  la  sixième  année  d'Ezéchias  :  ce  qui  reporte  l'avènement 
de  ce  roi  à  727.  Il  est  évident  que  l'une  ou  l'autre  de  ces  indi- 
cations est  fautive;  peut-être  la  mention  de  la  quatorzième 
année  de  2  Reg.  XVIII,  i3  et  Is.  XXXVI,  i  se  rapportait-elle 
à  la  maladie    d'Ezéchias  (2  Reg.,    XX,    1-12,   Is.    XXXVIII) 


(i)  Co^UA'Sim,  Lelinred'lsaie.  p.  209. 

(2)  Pour  701,  cfr.  cylindre  de  Taylor.  pour  celle  de  Ggi/Gyo  le  relief  du 
palais  de  Niuive.  Dans  les  Mélanges  d'Histoire  offerts  à  Charles  Moeller, 
Louvain,  Van  Linthout,  1914,  vol  I,  pp.  i-lo  :  L'invasion  de  lu  Judée  par 
Sennachérib  en  ^01,  M  Van  Hoonacker  ne  voit  qu'une  seule  campagne  de 
Sennacliéril)  dans  les  chap.  XVIII  et  XIX  de  2  Reg.  Nous  regrettons  de  ne 
pouvoir  nous  rendre  aux  raisons  ([u'il  apporte. 


JUSOUA    LA    CAPTIN'ITÉ    BAHYLOXIEXNE.  g5 

et  aura  pénétré  de  là  dans  le  récit  de  la  campagne  de  Senna- 
chérib  (i). 

Après  ce  désastre  inattendu,  Sennachéribre  ga^^na  Ninive, 
au  début  de  689.  Musezib-Mardouk  s'agitait  à  nouveau. 
Avec  le  concours  de  l'Elam,  il  serait  peut-être  parvenu 
à  donner  à  la  bataille  indécise  de  Haloulé  une  tournure  en  sa 
faveur,  mais  Oummanminanou  tut  frappé  d'apoplexie  le  i5  Ni- 
san.  Sans  chef  capable  de  le  gouverner,  l'Elam  fut  désemparé 
et  Sennachérib  profita  de  la  circonstance  pour  porter  à  Baby- 
lone  le  coup  décisif.  Nous  en  avons  conservé  le  détail  sur  les 
bas-reliefs  assyriens  des  rochers  de  Bavian  (Nord- Est  de 
Khorsabàd).  Le  i'""  Kesleu  la  ville  tomba. 

Si,  lors  de  ses  rébellions  antérieures,  Babylone  avait  été 
ménagée,  il  n'en  fut  plus  de  même  maintenant.  Sennachérib, 
exaspéré  par  ses  révoltes  continuelles,  en  décida  la  ruine  com 
plète.  Un  massacre  impitoyable  décima  les  habitants;  ce  qui 
survécut  fut  emmené  en  captivité  avec  son  roi  ;  les  trésors  tant 
particuliers  que  publics  furent  distribués  aux  vainqueurs  ;  les 
maisons,  palais,  temples,  murs,  détruits  de  fond  en  comble  et 
inondés;  seuls  quelques  quartiers  populaires  échappèrent  à  la 


(i)  Ce  n'est  pas  le  seul  t-as  d'incohérence  entre  les  données  bibliques 
ayant  trait  à  la  ehrouologie.il  arrive  aussi  qu'il  y  a  désaccord  entre  les  pre- 
mières et  les  données  cunéiformes.  Or,  dit  M.  Peut  {op.  laud.  II,  p.  i34), 
«  la  conciliation  est  d'autant  plus  nécessaire  sur  ce  ])oiut,  que  les  dates 
fournies  par  l'assyriologie  jiaraissent  plus  fermes...  »  "Mieux  vaut  donc  se 
baser  sur  celles-ci,  pour  étayer  une  chronologie  absolue.  La  chronologie 
assyrienne  est,  nous  l'avons  vu  plus  haut,  établie  sur  des  bases  fixes  à 
partir  de  8y3.  Dès  lors  certains  événements  bibliques  rapportés  par  elle 
doivent  servir  de  points  de  repère  aux  autres  : 

^^54.  —  Achab  envoie  son  contingent  à  la  bataille  de  Karkar. 

84a.  —  .léhu  paye  tribut. 

738.  —  Ménahen  paye  tribut. 

734. —  Déposition  de  Péquah,  payement  de  tribut  par  Aclia/.  intronisa 

tion  d'Osée  d'Israël. 
7212. —  Chute  de  Saniarie. 

701.  —  Première  cam|tagne  de  Sennachérib  sous  Ezéchias. 
Le  désaccord  entre  les  données  bibli(iues  et  ])rofanes  affecte  surtout   la 
période  antérieure  à  la  chute  de  Samarie  en  7i>ii:  on  trouvera  la  plupart  des 
incohérences  relevées  dans  Pi:i,t.  op.  IhiuL.  II.  pp   i3i-i4o. 

La  difficulté  est  bien  vieille  et  Saint-Jérôme   s'en  débarrassait  sans  la 
résoudre.  Voici  ce  -lu'il  écrit  au  prêtre  Vital is  : 
«  Quid  euini  prodest  Im-rere   in   littera   et   vel  scriptoris   errorem  vel 


■gÔ  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

destruction  totale  ;  les  statues  des  dieux  qui  avaient  été  épar- 
gnées furent  transportées  à  Ninive,  témoignant  elles  aussi  leur 
vassalité  aux  divinités  rivales.  Babylone  resta  presque  déserte 
pendant  huit  ans  sous  l'autorité  d'Asaraddon,  un  des  fils  de 
Sennachérib. 

Cette  chute  de  l'indomptable  cité  dut  impressionner  vive- 
ment le  monde  oriental.  Jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Sennachérib 
l'Elam,  l'Egypte,  l'Ourartou,  et  conséquemment  les  nations 
plus  humbles  de  l'Asie  Mineure,  n'inquiéteront  pas  le  grand 
conquérant  qui  put  continuer  ses  grandioses  constructions, 
commencées  en  dépit  et  au  milieu  de  ses  innombrables  cam- 
pagnes. C'est  de  lui  qu'il  nous  reste  le  plus  de  souvenirs. 

Sous  son  règne  l'art  assyrien  est  caractérisé  par  un  réalisme 
très  accentué  et  très  puissant  (i).  Entre  toutes  les  villes  de  son 
empire  il  s'était  plu  à  restaurer  et  à  embellir  Ninive,  délaissée 
par  ses  prédécesseurs  et  devenue  un  amas  de  ruines.  «  Ses 
boulevards,  ses  rues,  ses  canaux,  ses  quais,  ses  jardins, 
ses  aqueducs  )>  (2),  tout  fut  renouvelé,  et  les  déportés  des 
diverses  contrées  furent  mis  à  contribution  pour  travailler  les 
matériaux  amenés  de  leurs  pa3's  d'origine  et  dans  le  maniement 


auuorum  seriem  calumniari  ;  quum  inauil'estissime  scribatur  :  Littera  occî- 
dit,  spiritus  autem  vivificat?  Relege  omues  et  Veteris  et  Xovi  Testameuti 
libros  et  tautam  amiorum  reperies  dissoiiautiam  et  numerum  iiiter  .ludam 
et  Israël,  id  est  iiiter  regiium  utrumque,  confusuni,  ut  linjusmodi  bau-ere 
qua-stiouibus  non  tain  studiosi,  qiiani  otiosi  bominis  esse  videatux"  ».  ^  Edi- 
tion Martianav,  t.  II,  col.  G22.  Paris,  Aui&son,  1699.) 

A  cette  constatation  de  fait  indéniable,  il  faut  ajouter  cette  re- 
marque que  beaucoup  de  chiffres  et  de  dates  dans  les  textes  des  saints 
livres  ont  été  manifestement  corrompus  par  des  erreurs  de  copistes  et 
aussi  par  un  désir  de  correction  ou  d'harmonisation  mal  réussie  de  leur 
part.  De  plus,  les  écrivains  sacrés  recouraieut,  comme  ils  en  témoignent 
fréquemment  eux-mêmes,  à  des  annales  existantes.  p]nregistrant  celles-ci 
telles  qu'elles  se  présentaient,  ils  en  conservaient  également  les  inexacti- 
tudes. 

Pour  i)lus  de  détails  voir  Cuktis,  Chronology  of  old  Testament  dans 
Hastincîs,  Dictionnary  of  the  Bible,  \o].  I,  pp.  o()9-4o3.  Ediuburgh,  Clark, 
1906. 

(i)  Cfr.  Maspero, ///s/of/-e  a/jc/enne,  pp.  5iG-5i8.  Maspero,III.  pp.  3i4  ss. 
Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  l'art  dans  l'antiquité,  II,  pp.  (j3o-647- 

(2)  Maspero,  III.pp.  3io  ss. 


JUSQU  A   LA   CAPTIVITE    BABYLONIENNE.  97 

desquels  ils  étaient  le  plus  experts.  Le  palais  royal,  abandonné 
depuis  longtemps,  tut  complètement  retait,  les  bois  et  les 
métaux  les  plus  précieux  employés  dans  son  revêtement; 
les  quartiers  avoisinants  furent  transformés  en  un  parc,  qu'on 
peut  considérer  comme  un  «  botanic  and  zoological  garden  » 
de  l'époque, 

A  ce  moment  l'Assvrie  était  en  voie  d'atteindre  le  faite  de 
sa  puissance  et  de  sa  grandeur.  Ce  qui  lui  donnait  cette  incon- 
testable suprématie,  ce  n'était  pas  la  seule  force  de  ses  armées, 
c'était  surtout  l'administration  intelligente  "de  toutes  ces 
nations  si  diverses  qui  la  constituaient.  Alors  que  l'Egypte 
était  constamment  divisée  dans  son  propre  sein,  l'Assyrie, 
vraie  mosaïque  de  peuples,  était  une  par  sa  politique  intérieure. 
Les  transplantations  des  nations  vaincues  sur  des  terres  à  elles 
étrangères,  faites  surtout  par  Téglath-Phalasar  III  et  Sargon, 
avaient  eu  pour  premier  résultat  un  isolement  plus  grand  de  tous 
ces  divers  éléments;  ceux-ci  par  suite,  tout  en  s'acclimatant 
dans  leur  nouvelle  patrie,  restaient  pourtant  étrangers  à  leurs 
voisins,  ce  qui  empêchait  la  coalition  de  tous  ces  diftérents 
groupes;  d'autre  part,  une  discipline  sévère  dans  le  gouverne- 
ment, et  des  forces  militaires  exercées  qui  mettaient  partout 
les  habitants  en  garde  contre  toute  velléité  de  rébellion  civile 
et  les  détendaient  contre  toute  razzia  du  dehors,  tout  cela 
avait  procuré  au  pays  une  sécurité  intérieure  singulièrement 
favorable  au  développement  du  bien-être,  de  la  richesse  et  de 
l'activité  commerciale. 

C'est  ce  que  comprendra  le  prophète  Ezéchiel  quand  11 
décrira  la  force  et  la  puissance  de  jadis,  de  cet  empire  qui  allait 
être  détruit  quelque  quatre-vingts  ans  après  Sennachérib 
(Ezéch.,  XXXI,  3-g).  La  carrière  si  illustre  de  Sennachérib 
devait,  comme  celle  de  son  père,  finir  de  façon  tragique  et  peu 
glorieuse.  Le  20  Tébet  681  il  fut  assassiné  par  Adrammelek, 
son  fils  aîné,  et  X^abù-sar-usur,  l'éponyme  de  l'année  682-81, 
dans  le  temple  de  Mardouk,  à  Bab3'lone.  (i)  La  mention  de 
la  mort  de  Sennachérib  succédant  immédiatement  dans  le  texte 


(l)    Cfr.   Dhormk,    Les  pays    bibliques    et    l'Assyrie,   Rev.    Bibl.,     1910, 

pp.    5lf)-120 

7 


,  9^  DEPUIS    LA    CHUTE    DE   SAMARIE 

biblique  2  Reg.,  XIX.,  36,  37  et  Is.,  XXXVIl,  37,  38,  à  celle  de 
son  départ  précipité  pour  Ninive,  a  fait  interpréter  ce  passage 
comme  s'il  fut  tué  dans  cette  dernière  ville.  Nous  savons  par  les 
annales  d'Asourbanipal,  petit-fils  de  Sennachérib,  que  le  meur- 
tre eut  lieu  à  Babylone  (i). 

Asaraddon.  Son  fils  cadet  Asaraddon  (Asur-aha  iddin)  (2),  déjà  gouver- 
neur de  Babylone  depuis  la  destruction  de  celle-ci,  résolut  de 
venger  son  père  et  de  lui  succéder  comme  souverain  de  Babel 
et  dAsour.  Asaraddon  était  fils  d'une  Babylonienne  «  Nikoua  »; 
cette  circonstance  explique  qu'il  eut  à  cœur,  dès  le  jour  où  il 
avait  été  préposé  à  Babylone  ruinée,  de  relever  cette  cité.  Ceux 


(i)  Cylindre  de  Rassam,  col.  IV,  ligues  70  ss. 

Le  Père  Coiidamiu  maintient  toujours  que  le  meurtre  fut  perpétré  à 
Ninive.  (Cfr.  Le  livre  cV  Isaie,  pp.  224,  226,  et  Revue  pratique  d'apologétique^ 
lei-  octobre  iQi3,  pp.  G7,  G8).  Il  admet  comme  décisifs  les  arguments  que  fait 
valoir  M.  Arthur  Ungnad  contre  la  solution  de  Wiuckler,  qui  conclut. à 
la  mort  de  Sennachérib  à  Babylone  : 

a)  Le  sncrifice  offert  aux  mânes  de  Sennachérib,  dont  il  s'agit  dans  le 
texte  d'Asourbanipal  cité  par  Wiuckler,  aurait  pu  difficilement  avoir  lieu 
dans  Babylone  vaincue  et  ruinée  ; 

b)  Les  taureaux  colosses  mentionnés  en  cet  endroit  (le  «  sêdu  »  et  le 
«  lamassu  »)  témoignent  d'un  temple  assyrien  et  non  babylonien  ; 

Ces  raisons  ne  nous  semblent  pas  péremi)toires  : 

I)  Lors  de  la  conquête  de  Babylone,  en  64H.  Asourbanipal  ne  ruinera  pas 
entièrement  la  ville,  quoi(iu'elle  aura  à  souffrir  beaucoup  du  siège,  et  les 
dommages  qu'il  lui  causera,  le  monarque  les  réparera  i)resqu'aussitôt  (voir 
plus  loin).  Nous  avons  vu  qu'en  689,  pour  maltraitée  qu'elle  fut  par  Senna- 
chérib, Babjione  reçut  Asaraddon  comme  gouverneur  et  celui-ci  se  mit 
aussitôt  eu  devoir  de  la  restaurer.  D'où  il  résulte  qu'un  temple  aurait 
encore  pu  être  conservé  à  Babylone  en  assez  bon  état  pour  y  offrir  des 
sacrifices  ; 

2  Ensuite  il  n'est  pas  nécessaire  de  voir  dans  le  texte  d'Asourbanipal  un 
sacrifice  proprement  dit;  l'expression  :  «  e-nin-na  a-na-ku  ina  ki-is  pi-su  », 
«  en  sacrifice  mortuaire  pour  lui  »  peut  être  fort  bien  adoptée  par  ma- 
nière d'hyperbole;  le  massacre  de  mes  ennemis  peut  servir  de  sacrifice  aux 
mânes  de  mon  aïeul;  (Cfr.  Winckler,  K.  /.  T.,  p.  5o  et  notes  ibidem  i  et  2.) 

3)  Enfin,  est-on  si  siir  qu'on  n'ait  pas  eu  des  taureaux  ailés  à  Babylone, 
alors  qu'en  Cappadoce  on  a  fait  des  copies  des  modèles  assyriens?  (Cfr. 
Perrot  et  CiiU'iKZ,  op.  luud.,  t.  II,  p.  54">). 

(2)  Voir  les  documents  sur  Asaraddon  (68o-66y)  :  Maspero,  III,  pp.  348- 
49,  note  2. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  99 

qui  avaient  alors  pu  échapper  au  massacre  et  à  la  déportation, 
voyant  les  dispositions  favorables  du  fils  de  leur  vainqueur, 
revinrent  de  bonne  heure,  déblayèrent  les  ruines,  et  bientôt  la 
vie  renaquit  de  ses  cendres.  Asaraddon,  qui  se  caractérisa 
toujours  par  une  profonde  piété,  s'employa  à  restaurer,  même 
du  vivant  de  Sennachérib,  les  temples  détruits  et  s'assura  par 
cette  conduite  la  bienveillance  des  Babyloniens. 

Après  le  meurtre  si  lâchement  perj^étré  de  son  père,  il  n'eut 
donc  aucune  difficulté  à  s'assurer  la  fidélité  de  ces  sujets;  restait 
à  empêcher  le  parricide  de  s'affermir  à  Niniye.  Les  provinces 
du  Nord  avaient  pris,  en  effet,  le  parti  d'Adrammélek.  Asarad- 
don se  précipite  sur  ses  traces  et  malgré  les  frimas  (on  était  au 
mois  de  Sabat,  — janvier-février),  il  traîne  par  étapes  forcées 
ses  fidèles  dans  la  réjj^ion  de  Hanigalbat  (contrée  qui  s'étend 
depuis  Ninive  inclusivement  jusqu'au  Taurus  dans  la  direction 
Nord-Ouest;  cfr.  Rev.  Bibl.,  igii,  p.  119,  note  S),  romf)t  les 
lignes  ennemies  et  s'entend  aussitôt  acclamer  roi  par  les  vain- 
cus. Adrammélek  s'entuit  en  Arménie.  Toutes  ces  péripéties 
n'avaient  pris  que  quarante -deux  jours,  du  20  Tébet  au 
2  Adar;  le  iS  de  ce  même  mois  de  680,  Asaraddon  fut  intro- 
nisé. 

Babylone  tut  récompensée  de  sa  fidélité.  Le  châtiment 
infligé  par  Sennachérib  à  la  ville  rebelle  avait  été  réfléchi  ; 
le  monarque  avait  voulu  abattre  à  jamais  l'orgueil  de  la  rivale 
de  Ninive.  Son  fils  crut  que  la  dure  leçon  avait  profité  et,  après 
avoir  consulté  la  volonté  de  Shamash,  Hadad  et  Mardouk,  il 
décida  de  relever  complètement  la  ville.  Pendant  quatre  ans  on 
employa  les  prisonniers  de  guerre  à  cette  besogne  (680-7Ô). 
Temples,  palais,  les  deux  enceintes,  les  canaux,  tout  fut  réédifié 
ou  réparé  et  les  bois  et  jardins  replantés.  Les  anciens  habitants 
furent  rappelés  de  l'exil,  réintégrés  dans  leurs  propriétés  et 
indemnisés. 

Depuis  le  rude  traitement  subi  par  Bab\lone  sous  Senna- 
chérib, la  Chaldée  s'était  tenue  tranquille;  pourtant  le  meurtre 
de  Sennachérib  avait  réveillé  son  désir  d'indépendance.  Un  fils 
de  Mérodach  Baladan  II,  Nabù-zêru-kênu  lîsir,  souleva  de 
nouveau  la  Basse  Chaldée  et  assiégea  Ur,  vassale  des  Ass3Tiens. 
Les  armées  assyriennes  eurent  raison  de  lui  ;  il  se  réfugia  dans 


lOO  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

l'Elam  auprès  de  Houmbanhaldas  II  (681-675)  (i).  Mais 
celui-ci  le  fit  égorger  et  le  frère  de  Nabù-zêru-kênu-lîsir,  Naid- 
Mardouk  fit  sa  soumission  à  Asaraddon  et  paya  régulièrement 
son  tribut  annuel. 

A  présent,  c'est  du  côté  de  l'Ouest  qu'il  faudra  se  tour- 
ner. Durant  les  dernières  années  qu'Ithobaal  avait,  sous  la 
suzeraineté  d'Asour,  régné  sur  la  Phénicie  (Tyr  exceptée,  cfr. 
supra  p.  84),  le  tribut  imposé  en  701  avait  été  fidèlement  paj-é. 
Mais  son  successeur  Abdi-Milkutti,  comptant  sans  doute  sur 
l'appui  du  pharaon  Taharqou,  refusa  de  continuer  ces  tradi- 
tions onéreuses,  et  en  677  la  Phénicie  secoua  le  joug  Asarad- 
don crut  ne  pas  pouvoir  retarder  la  répression  ;  il  s'empare  de 
Sidon  qu'il  détruit;  Abdi-Milkutti  lui  échappe  et  se  Hgue  avec 
Sandouarri,  roi  des  villes  ciliciennes  Koundi  et  Sizou  {Koundi 
près  de  Tarse;  Sizou  est  la  Sis  actuelle).  Au  mois  de  Tesrit 
(septembre-octobre)  676,  le  roi  de  Sidon,  et  en  Addar  février- 
mars)  675,  le  roi  Sandouarri,  sont  décapités,  leurs  villes  pillées 
et  leurs  habitants  transplantés.  Rentré  dans  sa  patrie,  Asarad- 
don doit  réprimer  une  nouvelle  insurrection  des  Chaldéens 
(2),  qui  cette  fois  eurent  l'appui  de  Houmbanhaldas  II; 
seulement  celui-ci  meurt  inopinément  et  son  frère  Ourtakou, 
qui  lui  succède,  préfère  ne  pas  se  compromettre  :  son  absten- 
tion valut  à  Asaraddon  d'avoir  raison  des  Kaldou. 

Rassuré  de  ce  côté,  le  monarque  assyrien  veut  risquer  une 
reconnaissance  en  Egypte  ;  mais  à  peine  son  armée  est-elle  à 
rOuadi-el-Arich  qu'un  danger  pressant  le  rappelle  au  cœur  de 
l'empire. 

Les  hordes  aryennes  ;  Sc3^thes,Cimmériens  et  Mèdes,  dont  les 
incursions  étaient  menaçantes  depuis  longtemps  {ck.  supra  p.  88), 
s'étaient  décidées  de  commun  accord  à  en\  ahir  les  frontières 
assyriennes.  Asaraddon  parvint  à  conjurer  leur  coalition  et  à 
réduire  ces  contrées  septentrionales  dont  les  agitations  deve- 


(i)  Sur  Houmbanhaldas  I,  qui  avait  succédé  à  Ouniniaumiuanou  et 
était  mort  eu  681,  quehiues  mois  avant  Sennacliérib,  nous  n'avons  guère  de 
détails. 

(2)  Surtout  ceux  du  Bit-Dakouri  qui  prétendaient  ne  pas  restituer  aux 
Babyloniens  les  terres  qu'ils  leur  avaient  prises  lors  de  la  destruction  de 
Babyione. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  loi 

naient  de  plus  en  plus  fréquentes.  Ce  péril  écarté,  il  voulut 
en  674-673  revenir  à  la  frontière  d'Egypte.  Le  pharaon 
Taharqou  ne  cessait  de  solliciter  la  défection  des  vassaux  phé- 
niciens et  hébreux.  (Cfr.  menaces  constantes  d'Isaïe).  Comme 
l'avait  fait  jadis  Sennachérib,  son  successeur  prit  le  chemin  du 
désert.  Hazaël,  l'arabe,  était  venu  à  Ninive  implorer  d'Asa- 
raddon  la  restitution  de  ses  dieux  pénates  que  lui  avait  enlevés 
Sennachérib  en  690-91.  Il  obtient  satisfaction  moyennant 
augmentation  de  tribut  consistant  en  chameaux  ;  et  môme, 
Asaraddon  lui  fait  épouser  une  dame  arabe  de  son  harem 
(c  Taboua  »,  qui,  selon  la  règle  du  matriarcat  alors  en  honneur 
en  Arabie,  aura  le  pas  sur  son  mari.  La  sécurité  de  son  expé- 
dition assurée  ainsi  jusqu'à  Adoummat  par  ses  vassaux  arabes, 
il  profite  de  leur  complaisance  pour  se  diriger  vers  le  Sud- 
Ouest  du  désert  dans  le  paj's  de  Bazou  et  de  Khazou  (i)  et 
assujettir  les  autres  tribus  de  ce  «  pays  de  sel,  de  soii  et  de 
pierres  ».  Il  tue  huit  rois  et  soumet  tout  à  son  joug.  Eùt-il  le 
temps  de  se  montrer  à  la  lisière  de  rEg3^pte?  On  ne  sait  trop; 
toujours  est-il  que  cette  lois  encore  il  dut  revenir  précipitam- 
ment sur  ses  pas  pour  arrêter  l'Elam  et  les  Mèdes,  dont  les 
incursions  devenaient  de  plus  en  plus  inquiétantes. 

La  tribu  des  Gamboulou  au  Nord-Ouest  du  golfe  Persique, 
qui  iadis  pactisait  avec  les  Kaldou,  constitua  cette  fois  le  prin- 
cipal appui  de  l'Assyrie  et  servit  désormais  de  rempart  contre 
les  Elamites  ;  quant  à  la  Médie,  Asaraddon  lui  fit  reconnaître  sa 
suzeraineté  jusqu'à  son  extrême  frontière.  Cette  fois  il  put 
reprendre  haleine,  et  l'année  673  fut  mise  à  profit  pour  exiger 
de  ses  nombreux  vassaux  des  tributs  en  nature  destinés  à 
agrandir  le  palais  de  Ninive  et  à  embellir  cette  ville.  A  cette 
occasion  il  énumère  tous  ses  tributaires  syriens,  chypriotes, 
phéniciens  et  palestiniens  (2)  :  parmi  ces  derniers  figure 
Mi-na-si-e  de  «  la-u-di  )>  :  «  Manassé  dejuda  ». 

Malgré  le  dernier  désastre  essu3^é  par  l'armée  de  Sennachérib  Manassé 
sous  les  murs  de  Jérusalem,  Ezéchias  resta,  au  moins  théori-  de  Juda. 
quement,  soumis  à  l'Assyrie.  Son  successeur  Manassé  ne  suivit 

(i)  BoLz  et  Khouz  (le  Geii.,  XXII,  21. 

(2)  Cfr.  Ilev.  Bibl.,  1911.  pp.  210-212  et  K.  I   T.,  pp.  5i,  02. 


I02  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

pas  ses  exemples  de  piété,  car  il  laissa  rétablir  le  culte  des 
baals  et  des  Astartés,  multiplia  les  divinités  et  les  lieux  de  sacri- 
fices, brûla  plusieurs  de  ses  fils  en  holocauste  et  répandit  beau- 
coup de  sang  innocent.  Il  faut  croire  qu'il  manifesta  trop 
hautement  son  indépendance  vis-à-vis  de  l'Assyrie,  car  la  Bible 
nous  apprend  qu'il  fut  pendant  plusieurs  années  captif  à  Baby- 
lone.  Le  malheur  l'amena  à  résipiscence,  son  trône  lui  fut 
rendu  et  il  répara  à  la  fin  de  sa  vie  les  égarements  des 
premières  années  de  son  règne  (2  Reg  ,  XXI,  1-8,  2  Chron. 
XXXI II,   1-20). 

Le  5  Adar  672  la  reine-mère  Nikoua  étant  venue  à  mourir, 
Asaraddon  associa  à  son  trône  son  fils  cadet  Asourbanipal,  qu'il 
avait  d'une  de  ses  femmes  ninivites.  Cette  mesure  rassura  ceux 
qui  éprouvaient  des  craintes  que  Ninive  ne  fût  ^sacrifiée  à 
Babylone,  ville  qu'Asaraddon  avait  toujours  particulièrement 
affectionnée. 

Nous  avons  vu  plus  haut  (pp.  84  et  100)  que  lors  des  deux 
dernières  descentes  des  Assyriens  en  pays  phénicien,  Tyr  avait 
échappé  à  leur  domination. 

Maintenant  Asaraddon  conclut  avec  Baalou  de  Tyr  un  traité 
par  lequel  ce  dernier  s'engage  au  transport  maritime  de  tous 
les  produits  que  les  vassaux  de  la  côte  doivent  expédier  à  leur 
suzerain  ninivite.  Mais  cette  bonne  entente  ne  devait  pas 
durer.  Taharqou,  dont  les  portraits  trahissent  une  énergie 
patiente  et  calculée,  avait  remporté  des  succès  appréciables  en 
Afrique  ;  rassuré  sur  les  contrées  du  Nil,  il  songea  à  seconder 
les  S3?^riens  dans  la  rancune  qu'ils  gardaient  à  l'Assyrie.  Le 
retour  précipité  des  armées  assyriennes  en  673,  alors  que  le 
pharaon  avait  pu  craindre  leur  invasion  imminente,  avait  impres- 
sionné celui-ci  au  point  que  sur  la  base  d'une  de  ses  statues 
il  s'intitule  le  «  vainqueur  d'Asour  »  Les  pays  côtiers  non  plus 
n'avaient  pas  été  indifférents  à  l'aventure  et  Baalou  de  Tyr 
crut  le  moment  venu  de  s'appuyer  sur  Taharqou  pour  reprendre 
en  Phcnicie  le  rôle  prépondérant  que  Sidonyjouaitactuellenient. 
Asaraddon  ne  put  pas  immédiatement  se  porter  sur  Tyr,  à  cause 
d'une  agitation  dans  le  Shoupria,  contrée  septentrionale  sou- 
mise de  vieille  date  pourtant  à  Ninive.  Pendant  ce  temps 
Taharqou  fomenta  l'agitation  à  Ascalon  et  chez  les  bédouins  du 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  io3 

désert.  Asaraddon  parvint  toutefois  à  né/^ocier  avec  ceux-ci  et, 
moyennant  «  hakchiche  »,  ils  s'engagèrent  à  venir  attendre  au 
moment  opportun  larmée  assyrienne  à  Raphia,  avec  leurs  cha- 
meaux et  toute  l'eau  que  ces  bètes  pourraient  transporter.  Ces 
précautions  prises  il  quitta  Ninive  en  Xisan  671.  Tyr  est  blo- 
quée et  un  fort  détachement  de  forces  y  reste  immobilisé  pour 
empêcher  toute  diversion  de  ce  côté.  Le  gros  des  troupes 
oblique  vers  le  Sud -Est,  dans  le  but  de  s'assurer  des  inten- 
tions des  Arabes,  vers  le  pays  de  Musur  aux  environs  de 
Ma'an  (i)  et  de  là  il  traverse  le  pa3's  de  Meluhha,  qui  n'est 
autre  que  la  péninsule  sinaïtique.  Il  remonte  jusqu'à  Raphia  où 
il  attend  les  chameaux  arabes,  puis  redescend  par  le  désert 
et  non  en  longeant  la  côte  trop  bien  garnie,  et  débouche  par 
l'Ouest  dans  les  terres  cultivées  du  delta  au  commencement  de 
Tammouz  (juin-juillet)  671. 

Les  3,  16,  et  18  eurent  lieu  entre  les  deux  armées  des  enga- 
gements dans  lesquels  les  forces  assyriennes,  mieux  équipées 
et  plus  disciplinées,  firent  reculer  constamment  les  Egyptiens 
et  les  Ethiopiens,  fougueux  et  braves,  mais  conduits  avec 
peu  de  stratégie  (2).  Le  22,  Memphis  tombe  aux  mains  des 
envahisseurs.  (Is.  XIX,  4?)  Une  stèle  de  Sendjirli  (entre 
Antioche  et  Marasch)  nous  renseigne  sur  les  résultats  de  la 
victoire.  Taharqou  réussit  à  s'enfuir  et  à  se  mettre  en  sûreté  au 
delà  des  cataractes;  mais  la  famille  royale  et  les  trésors  du 
palais  sont  déportés;  Memphis  fut  pillée  et  brûlée. 

Pour  maintenir  sa  conquête,  Asaraddon  intéressa  le  plus 
grand  nombre  possible  d'individus  au  partage  de  l'autorité;  le 
moindre  chef  du  dernier  des  nomes  y  eut  sa  part;  mais  il  eut 
soin  de  se  réserver  le  pouvoir  suprême  et  il  s'intitula  «  le  roi 
des  rois  d'Egypte  du  Saïd  et  de  Koush  •»  (3).  Pour  retourner 
il  remonta  la  côte  et  peut-être  est-ce  à  cette  occasion  que 
Manassé  fut  emmené  en  Babvlonie. 


(i)  Rev.  Bihl.,  iQi  I,  p.  2i4- 

!2)  C'est  bien  la  car:icléristi(iue  des  années  égy|>tieunes  et  assyriennes, 
telle  (luelle  ressort  des  engageiiieuls  divers  où  nous  les  voyons  aux  prises 
les  unes  avec  les  autres  et  avec  des  forces  étrangères. 

(3)  Voir  la  répartition  de  l'Egypte  entre  une  vingtaine  de  familles 
régnantes  :  Masperu,  III,  p.  3-8. 


Asour= 
banipal. 


104  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

Pendant  l'absence  d'Asaracldon  il  s'était  ourdi  dans  son  palais 
des  intrigues,  entretenues  par  Taîné  de  ses  fils  Samas-souma- 
oukîn,  envieux  de  la  préférence  témoignée  à  son  frère  cadet. 
Asaraddon  fit  disparaître  un  certain  nombre  des  mécontents, 
mais  donna  toutefois  satisfaction  à  Samas-souma  oukîn,  en  lui 
octro^'ant  la  vice-royauté  de  Babylone  ;  il  décréta  qu'après  a 
mort  son  empire  resterait  partagé  ainsi  entre  ses  deux  fils,  sous 
la  souveraineté  d'Asourbanipal.  Il  ne  devait  pas  pour  cela  jouir 
de  la  paix. 

Taharqou,  fugitif  en  Ethiopie,  brûlait  du  désir  de  se  venger  et 
en  669  il  reparut  sur  la  scène.  La  suzeraineté  de  l'Assyrie  sur 
l'Egypte  s'exerçait  avec  une  intensité  fort  inégale  dans  les 
diverses  parties  du  pays.  Thébes  était  restée  en  fait  sous  la 
mouvance  de  l'Ethiopie  ;  l'Egx'pte  moyenne,  qui  n'avait  pas 
même  vu  rAss)^rien,  ne  le  reconnaissait  que  nominalement; 
le  delta  seul,  occupé  par  les  garnisons  assyriennes,  constituait 
un  fief  réellement  dépendant.  Deux  familles  principales  se  le 
partageaient  (i),  l'une  à  l'Orient,  représentée  en  ce  moment 
par  Pakrourou,  l'autre  à  l'Occident,  embrassant  Sais  et 
Memphis  où  régnait  un  descendant  de  Bocchoris,  à  savoir, 
Néchao  :  celui-ci  avait  été  considéré  par  Asaraddon  comme  le 
vassal  le  plus  important  de  Taharqou  et  comme  tel  il  l'avait 
mis  au  premier  rang. 

Taharqou  s'était  recruté  une  armée  fraîche  et  rentra  en 
suzerain  à  Memphis.  Les  nomes  du  delta  gênés  par  la  pré- 
sence des  garnisons  ass3'riennes  n'osèrent  se  prononcer  et 
se  tinrent  dans  l'expectative. 

Asaraddon  venait  d'investir  ses  deux  fils  lorsqu'il  apprit  la 
tentative  de  l'Ethiopie.  Il  part  à  la  tête  de  ses  troupes,  mais 
quelques  jours  plus  tard,  le  10  Arakhsamma  (Marheswàn= 
octobre/novembre)  66g,  il  meurt. 

Avec  lui  disparaît  une  belle  figure  de  l'antique  Orient; 
énergique  et  actif  autant  que  ses  prédécesseurs,  il  eut  sur 
eux,  pendant  ses  douze  années  de  règne,  l'avantage  d'être  à 
la  fois  clément  et  généreux.  Aussitôt  après  son  décès,  ses  deux 
fils  occupèrent  leur  trône  respectif.  Asourbanipal  restitua  au 


(I)  Sur  ces  deux  centres  du  delta,  voir  ^Iaspero,  III,  pp.  4^^9,  490. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  io5 

mois  d'Ivar  le  dieu  Bel  et  les  dieux  d'Akkad  à  leur  ville  de 
Babylone,  emmenés  vingt  et  un  ans  plus  tôt  à  Asour  par 
Sennachérib.  En  sa  qualité  de  suzerain,  il  les  réinstalla,  puis 
présenta  son  frère  Samas-souma-oukin,  pour  qu'il  «  saisît  les 
mains  de  Bel  ».  Après  quoi  Asourbanipal  rentra  à  Ninive  pour 
prévenir  toute  intrigue,  et  l'armée  qui  était  en  route  vers 
l'Egypte  reçut  l'ordre  de  continuer  sa  marche  sous  le  comman- 
dement du  tartan.  Tous  les  pays  tributaires  syriens  et  palesti- 
niens, —  au  nombre  desquels  est  mentionné  Juda,  —  par  où 
l'arrTiée  devait  passer,  eurent  à  offrir  leurs  services  pour  le 
ravitaillement  et  le  transport  des  troupes.  C'est  dans  la  plaine 
qui  environne  la  ville  de  Karbanît  (Orient  ou  centre  du  delta) 
(i)  qu'a  lieu  la  première  rencontre;  l'issue  est  défavorable 
aux  Egyptiens  ;  Taharqou  s'enfuit  de  Memphis  et  se  réfugie  à 
Thèbes  (Ni  'u,  Nô-Amon).  Sur  ces  entrefaites,  le  tartan  reçoit 
un  renfort  amené  par  le  Rab-sàqê,  qui  sur  son  parcours  avait 
encore  levé  des  milices  syriennes.  On  poursuit  Taharqou  dans 
ses  retranchements  et  quarante  jours  plus  tard  Thèbes  ouvre 
ses  portes  aux  Assyriens.  L'administration  de  l'Egypte,  telle 
qu'Asaraddon  l'avait  établie,  fut  consolidée,  et  Asourbanipal 
vint  à  la  rencontre  de  son  armée  qu'il  ramena  triomphalement 
à  Ninive  avec  les  dépouilles  de  la  ville  et  du  temple  d'Amon. 

A  peine  les  Assyriens  avaient-ils  disparu  à  l'horizon,  que  les 
premiers  princes  du  delta  qui  avaient  été  jadis  sous  la  mou- 
vance de  Taharqou,  se  sentant  dans  un  état  de  vassalité  encore 
plus  marqué  et  plus  blessant  pour  leur  orgueil  national,  firent 
à  Taharqou,  qui  s'était  enfui  en  Ethiopie,  la  proposition  de 
l'aider  à  chasser  l'étranger,  sous  condition  que  désormais 
chacun  serait  indépendant  dans  ses  nomes  et  territoires  respec- 
tifs. C'étaient  Sarrou-lou-dari  (2),  roi  de  Tanis,  Néchao, 
souverain  de  Memphis  et  de  Sais  et  Pakrourou  de  Pisaptu. 
Malheureusement  pour  eux,  leurs  missives  furent  interceptées 
par  les  généraux  assyriens  restés  en  Egypte,  les  villes  rebelles 


(Il  Cfr.  MAsm-.iU).  III,  p.  884,  note  4- 

(2)  Peut  être  le  roi  d'Ascaloii  dateini).s(le  Sennachérib  qui  aui*ait  été 
intronisé  <ians  le  delta  par  Asaraddon.  Clr.  Rev.  Bibl.,  1  9  11.  p.  348,  note  5 
et  1  9 1  o.  p   5o8. 


lo5  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

furent  saccagées  et  deux  des  ligueurs  —  Pakrourou  réussit 
à  s'échapper  —  expédiés  à  Ninive. 

Cette  répression  si  prompte  eut  son  contre-coup  à  Tyr  et 
dans  les  pays  d'Arad.  Tyr,  bloquée  depuis  quatre  ans,  résis- 
tait toujours.  Cette  fois  Baalou,  le  roi,  comprit  qu'il  ne  gagne- 
rait rien  à  s'obstiner  davantage  et  fit  sa  soumission.  Mo3'en- 
nant  un  tribut  annuel,  sa  couronne  lui  fut  laissée.  Quant  à 
Yakinlou  d'Arad,  dont  les  révoltes  continuelles  avaient  lassé 
la  patience  de  son  maitre,  il  fut  emmené  captif  à  Ninive  et  rem- 
placé par  l'aîné  de  ses  fils  Azibaal. 

La  renommée  d'Asourbanipal  s'était  répandue  au  loin.  Gygès, 
roi  de  Lydie,  monté  sur  le  trône  par  la  suppression  de  son 
rival  (i),  envoya  un  jour,  vers  666  665,  une  ambassade 
pour  venir  faire  acte  de  vassalité  à  Asourbanipal  et  lui  dire 
qu'il  comptait  le  cas  échéant  sur  son  appui.  On  eut  toute 
la  peine  du  monde  à  trouver  un  drogman  pour  interprêter  la 
langue  de  l'ambassadeur,  ce  qui  causa  au  monarque  assyrien 
une  indicible  satisfaction.  Des  relations  se  nouant  entre  Sardes 
et  Ninive  étendaient  à  son  maximum  la  sphère  d'influence  de 
l'empire. 

Asourbanipal,  sachant  l'insurrection  complètement  étouflée 
en  Egypte,  crut  de  bonne  politique  d'user  de  clémence;  il 
traita  Néchao  avec  magnanimité,  lui  rendant  les  insignes  de 
sa  royauté,  le  confirmant  dans  toutes  ses  dignités,  lui  faisant  de 
riches  présents,  et  lui  octroyant  même  pour  son  fils  aine 
Psamatikou  (2)  le  fief  d'Athribis.  Peu  après,  en  666,  Taharqou 
vint  à  mourir  et  l'on  crut  la  paix  assurée  ;  aussi  une  partie 
des  armées  assyriennes  laissées  en  Egypte  reprit-elle  le  chemin 
de  Ninive.  On  se  rendit  bientôt  compte  que  c'était  de  l'opti- 
misme. Le  beau-fils  de  Taharqou,  l'enfant  de  sa  femme  et  de 
Sabacon,  (3)  Tanout-Amon  ou  Tanouatamanou  (Tan-da- 
ma-ni-e  dans  les  textes  assyriens)  avait  pendant  les  derniers 
mois  de  Taharqou  administré  le  pays  au  nord  des  cataractes 


II)  Maspkro,  m,  pp.  388ss. 

(2)  Celui-ci    prit  par    reconiiaissauce   le   nom   assyrieu    de  Xabù-Sèzib- 
anni  :  «  Ného  sauve  moi  ». 

(3)  Le    lomlateur    de    la   dynastie    éthiopienue,     la     vingt-cinquième 
dvnastie. 


JUSQU  A    LA    CAPTIVITE    BABYLONIENNE.  I07 

pour  le  compte  de  son  beau-père.  Aussitôt  qu'il  apprend  la 
mort  de  ce  dernier  il  se  t'ait  couronner  au  temple  du  Gebel-el- 
Barkal  où  les  devins  lui  dirent  :  «  Tu  possèdes  les  pa3S  du 
Midi,  saisis  ceux  du  Nord  et  que  les  diadèmes  des  deux  régions 
brillent  sur  ton  iront  »  (i).  Aussitôt  il  s'embarque  pour  des- 
cendre le  Nil.  La  Thébaïde  l'acclame  sur  son  passage  et  il 
arrive  triomphalement  jusque  près  de  Memphis.  Là  les  garni- 
sons assyriennes  encore  présentes  et  les  contingents  du  delta, 
sous  le  commandement  de  Néchao,  fidèle  à  Asourbanipal 
depuis  la  magnanimité  de  celui-ci  à  son  égard,  voulaient 
s'opposer  à  l'Ethiopien.  Tandamani  les  défit,  enleva  Memphis 
et  se  mit  à  la  poursuite  des  fuyards.  Néchao  périt  dans  la 
déroute;  Psammétique,  son  fils  se  sauva;  les  autres  régnants 
du  delta  s'enfermèrent  dans  leurs  forteresses  attendant  des 
renforts  d'Asie.  Ils  finirent  par  pactiser  avec  le  vainqueur,  et 
pendant  deux  ou  trois  ans  Memphis  et  Thèbes  eurent  Tanda- 
mani pour  pharaon. 

Pendant  ces  événements,  Asourbanipal  s'était  trouvé  devant 
des  complications  tout  aussi  graves  dans  le  Sud-Est  de  son 
empire  (2).  Ourtakou  d'Elam  était  parvenu  à  s'allier  Bel  iqîsa 
des  Gamboulou  et  c'était  par  Sapî-Bél  qu'avaient  passé  les 
troupes   élamites.  II   franchit  le   Tigre  en  665   et   se  jeta  sur 


(i)  Aiitérieuremeut  aux  rois  dynastiques,  l'Egypte  semble  avoir  été 
divisée  eu  deux  Etats  :  celui  du  Nord,  couipreuant  le  delta  et  celui  du  Sud. 
Chacun  d'eux  avait  une  couronne  ou  tiare  spéciale    Celui  du  Nord  la  cou- 


ronne rouge/-W    ,  celui  du  Sud  la  couronne  blanche  /    /  .  La   plupart  des 

•  V  V 

grands   pharaons  se   nomment  «  maitre   des  deux    pays  »  et  portent  la 
double  couronne 

12)  Le  canon  des  linimou  assyriens  cesse  à  l'année  GG5,  à  la  troisième 
année  d'Asourbanipal  ;  dès  ce  moment  une  chronologie  certaine  devient 
difficile  pour  lAssyrie,  et  les  historiens  de  l'Orient  les  plus  accrédités  ne 
sont  plus  toujours  d'accord  dans  l'exposé  chronologi<iue  des  événements. 
Nous  suivrons,  dès  lors,  sans  entrer  dans  les  détails  de  la  discussion,  l'opi- 
nion (jui  dans  chaque  cas  nous  semble  donner  rencliainement  le  plus  j>ro- 
bable  des  faits. 


T08  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

Babylone.  Samas-souma-oukîn  eut  tout  juste  le  temps  de  se 
fortifier  clans  sa  ville  et  d'appeler  son  frère  à  son  secours.  A 
l'approche  de  l'armée  assyrienne,  les  assiégeants  se  retirèrent. 

L'année  suivante  Bêl-iqîsa  succombe  à  la  morsure  d'un  san- 
glier et  Ourtakou  meurt  d'apoplexie.  Son  plus  jeune  frère  Tep- 
Houmban  (le  Téoumman  des  textes  assyriens)  s'empare  du 
trône  en  lieu  et  place  des  enfants  d'Ourtakou.  Ceux-ci  s'enfuient 
à  Ninive  avec  une  soixantaine  d'autres  princes  de  sang  royal 
et  une  petite  armée,  et  vont  rejoindre  les  fils  de  Houmban- 
haldas  II  qui  jadis  avaient  dû  fuir  aussi  devant  l'usurpation 
d'Ourtakou.  Profitant  de  ce  moment  où  Tep-Houmban  n'est 
pas  encore  assez  solidement  assis  sur  le  trône  qu'il  vient 
d'usurper,  Asourbanipal  lance  ses  troupes  sur  l'Egypte.  Le 
delta  est  saccagé;  Tanout-Amon  se  replie  sur  Thèbes,  mais  il 
est  forcé  de  reculer  et  il  se  réfugie  dans  la  ville  nubienne  de 
Kipkip.  Cette  fois  Thèbes  fut  systématiquement  saccagée  et 
pillée  et  tous  ses  habitants  réduits  en  esclav^age  (663-652).  Le 
désastre  fut  complet  et  il  dut  impressionner  vivement  les 
pa3^s  vassaux,  car,  un  demi-siècle  après,  le  prophète  Nahoum 
l'Elqoshite  invectivant  Ninive,  lui  citera  en  exemple  la  destruc- 
tion de  l'opulente  et  fière  No-Amon  (Xahoum  III,  8-10). 
Tamout-Amon  chercha  son  refuge  en  Ethiopie,  comme  l'avait 
fait  autrefois  son  beau-père,  et  l'Egypte  fut  une  fois  de  plus 
réorganisée  à  rass3'rienne. 

La  tranquillité  de  l'empire  à  peine  rétablie  en  Egypte,  Asour- 
banipal dut  à  nouveau  porter  son  attention  au  Nord  et  au  Sud- 
Est.  Une  insurrection  des  Mannaï  fut  tôt  réprimée,  mais  un 
plus  grand  danger  se  manifestait  du  côté  de  l'EIam.  Tep- 
Houmban  avait  réussi  à  asseoir  sa  domination  et  il  contracta 
alliance  avec  le  roi  des  Gamboulou  :  Danounou,  fils  et  succes- 
seur de  Bel  Iqîsa.  Confiant  dans  la  vigueur  militaire  de  son 
pa3-s,  il  chercha  une  occasion  d'ouvrir  les  hostilités.  Il  exigea 
d'Asourbanipal  l'extradition  des  fils  de  ses  deux  prédécesseurs 
Ourtakou  et  Houmban-haldas  II,  ainsi  que  de  leurs  partisans, 
que  nous  avons  vus  se  réfugier  à  Ninive  Encore  qu'Asour- 
banipal  redoutât  la  lutte  avec  l'EIam,  il  repoussa  dédaigneuse- 
ment cette  sommation  et  il  prit  l'olïensive,  avant  que  l'Elamite 
eut  le  temps  de  s'unira  Danounou.  Le  choc  eut  lieu  près  de 


JUSQU  A    LA   CAPTIVITÉ    BABYLONIENNE.  lOQ 

Toulliz,  à  quelques  lieues  au  Sud  de  Suse.  Tep-IIoumban  et 
son  tils  périrent  dans  la  mêlée.  La  nouvelle  du  désastre, 
connue  le  soir  même  à  Suse,  y  fit  virer  l'opinion  en  faveur 
des  princes  exilés.  On  s'empressa  de  venir  à  la  rencontre  des 
Assyriens  et  Asourbanipal  intronisa  le  fils  aine  d'Ourtakou, 
Houmbanigas  II,  comme  roi  d'Elam  et  un  autre  fils  plus, 
jeune,  Tammaritou,  comme  souverain  du  fief  de  Kaîdalou. 
Quant  à  Danounou  et  les  autres  chefs  des  Gamboulou,  ils 
périrent  dans  les  supplices  et  Sapî-Bèl  fut  rasée  et  inondée 
(660).  C'était  la  première  fois  que  l'Assyrie  imposait  à  l'Elam 
son  roi. 

Pendant  huit  ans  environ  il  régna  dans  le  vaste  empire 
un  calme  apparent.  Mais  une  tension  de  jour  en  jour  plus  lorte 
se  manifestait  entre  Babylone  et  Ninive.  Samaij-souma-oukîn, 
en  paix  depuis  la  mort  d'Ourtakou,  avait  fortifié  et  embelli  sa 
ville  et  gouverné  ses  sujets  avec  beaucoup  de  sollicitude.  La 
suprématie  et  la  gloire  sans  cesse  croissante  de  son  frère 
et  suzerain  le  rendirent-elles  jaloux  et  ingrat?  Les  docu- 
ments assyriens  veulent  le  faire  croire.  Il  se  pourrait  aussi 
qu' Asourbanipal,  grisé  par  ses  succès,  voulut  par  trop  effacer  la 

V 

personnalité  de  Samas-souma-oukin  et  s'aliéna  de   la  sorte  sa 
sympathie.    Probablement  les  torts  n'étaient  pas  unilatéraux. 

Le  roi  de  Babvlone  travailla  dans  l'ombre  et  vers  652  il 
était  parvenu  à  provoquer  une  coalition  inquiétante  pour 
rAss3'rie.  Toute  la  Chaldée,  le  pays  d'Amourrou,  l'Arabie,  la 
péninsule  sinaïtique  prennent  cause  pour  Samas-soumaoukîn. 
Ce  qu'il  y  a  de  plus  grave,  c'est  que  Houmbanigas  II  trahit 
Asourbanipal,  malgré  qu'il  lui  dût  la  couronne.  Cette  dernière 
alliance  était  angoissante.  L'Elam  seul  disposait  d'un  nombre 
de  forces  égal  à  celles  de  l'Assyrie.  Aussi  les  premiers  enga- 
gements furent-ils  indécis  et  la  guerre  traîna-t-elle  jusqu'en 
65o  sans  résultat  marquant  pour  l'un  ou  l'autre  des  belligé- 
rants, lorsqu'éclatèrent  des  quereHes  intestines  dans  l'Elam. 
Houmbanigas  II  fut  détrôné  et  décapité  par  son  frère  Tam- 
maritou. Celui-ci  prit  parti  pour  Babylone.  Mais  il  fut  bientôt 
chassé  par  un  certain  Indabigas  et  il  courut  se  rendre  à  merci 
à  Asourbanipal.  Indabigas,  sentant  le  besoin  de  se  fortifier  chez 
lui,  rappela  ses  troupes  du  Kardouniash.  Les  Assyriens  alors 


IIO  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

purent  marcher  de  l'avant.  Sippar,  Borsippa,  Koutha  tom- 
bèrent entre  leurs  mains  et  la  peste  éclata  dans  les  armées 
babyloniennes.  Samas-Souma-oukîn  s'enferma  dans  Babylone 
solidement  fortifiée  et  durant  toute  l'année  649  résista  aux 
assauts  des  assiégeants.  Mais  avec  la  peste,  la  lamine  ravagea 
.les  rangs  des  défenseurs  et  ils  se  décidèrent  à  capituler.  Samas- 
Souma-oukîn  savait  qu'il  n'avait  pas  de  pardon  à  attendre;  il  se 
brûla  dans  son  palais  avec  tous  les  siens  et  les  trésors  y  amon- 
celés. Pendant  des  jours  les  habitants  furent  massacrés.  Après 
cela,  Asourbanipal  «  saisit  les  mains  de  Bel  »,  réunissant  à 
nouveau  les  deux  royaumes  sous  un  seul  et  même  souverain,  et 
il  confia  l'administration  de  Babylone  à  un  officier  assyrien 
Samasdanàni.  Babylone  et  ses  vassales  Koutha,  Sippar,  Bor- 
sippa auraient  dû  être  anéanties.  Asourbanipal  eut  le  même 
scrupule  que  ses  prédécesseurs.  Ces  villes  furent  déblayées  et 
réparées,  elles  ne  lui  en  surent  aucun  gré,  et  leur  prodigieuse 
vitalité  leur  donnera  la  confiance  qu'elles  s'acharneront,  elles 
aussi,  sur  Ninive  le  jour  où  elles  en  auront  l'occasion. 

Après  le  nouveau  désastre  de  Babylone  en  648,  Indabigas, 
qui  s'était  d'abord  tenu  sur  la  réserve,  avait  accueilli  plusieurs 
chefs  chaldéens,  entre  autres  Naboubelzikri,  petit-fils  de 
Mérodach-Baladan.  Asourbanipal  les  réclama  ,  l'Elamite 
refusa  et  les  hostilités  furent  rouvertes. 

Les  dissensions  des  Elamites  eux  mêmes  vont  une  fois  de 
plus  faire  le  jeu  de  leurs  ennemis.  Indabigas  fut  renversé  par 
Oummanaldasi  et  celui-ci  eut  aussitôt  un  compétiteur  dans  la 
personne  de  Oumbahaboua.  L'armée  assyrienne  entra  dans 
Suse,  et  Tammaritou,  toujours  jusque  là  réfugié  à  Ninive,  y 
fut  intronisé  comme  vassal  de  rAss3Tie.  La  paix  fut  de  courte 
durée. Tammaritou,  bientôt  las  d'être  surveillé,  songeait  à  mas- 
sacrer les  garnisons  assyriennes,  lorsque  son  plan  fut  découvert: 
cette  fois-ci  Asourbanipal  résolut  d'en  finir.  Vers  640  Suse  fut 
saccagée,  ses  habitants  emmenés  captifs,  les  statues  des  dieux, 
les  trésors  des  temples,  et  les  trophées  jadis  enlevés  aux 
Bab3'loniens  furent  amenés  à  Ninive  ;  la  déesse  Nâna,  enlevée  à 
la  ville  d'Erech  i635  ans  plus  tôt  par  KoutirNahhunte  —  sous 
lequel  l'Elam  était  une  puissance  quand  Ninive  n'était  encore 
qu'un  bourg,  —  lui  fut  restituée  le  i'""  Kislev;  les  mausolées 


JUSQUA   LA    CAPTIVITÉ    BABYLONIENNE.  III 

des  rois  et  héros  susiens  furent  violés  et  leurs  corps  amenés 
en  terre  d'exil. 

Pendant  quelque  temps  encore  l'Elam  fut  ravap^é  systémati- 
quement, jusqu'à  ce  qu'il  n'y  resta  plus  un  homme  qui  put 
songer  sérieusement  à  reprendre  le  pouvoir.  D'ailleurs, 
partout  furent  installés  des  officiers  et  des  gouverneurs  assy- 
riens. C'est  ainsi,  dit  M.  Maspero,  que  fut  rayé  de  la  carte  du 
monde  ce  royaume  qui,  avec  Babylone,  était  le  plus  ancien  des 
royaumes  d'Asie  (III,  p.  441). 

Tandis  que  l'Assvrie  avait  été  aux  prises  avec  l'Elam, 
l'EgN'pte  s'était  rendue  indépendante.  A  Néchao  avait  succédé 
Psammétique,  son  fils,  revenu  dans  le  delta  après  la  défaite  com- 
plète de  Tamout-Amon.  Tout  autant  que  celui-ci,  il  voulait 
l'Egvpte  aftVanchie  de  toute  tutelle  étrangère.  Il  s'allia  avec 
Gygès  de  Lydie  (i). 

Celui-ci  était  revenu  de  son  admiration,  intéressée  du  reste, 
pour  Asourbanipal.  Il  avait  visé  à  s'annexer  les  colonies 
grecques  de  la  côte  et  réussit  à  dominer  plusieurs  villes  voi- 
sines, telles  que  Colophon  et  Magnésie  du  Sipyle.  Croyant  pou- 
voir compter  sur  l'appui  d  Asourbanipal,  il  lui  avait  envové 
plusieurs  ambassades;  mais  quand  il  vit  que  de  ce  côté  il  ne 
devait  rien  attendre,  les  rapports  cessèrent  et  il  se  tourna  vers 
un  autre  auxiliaire. 

Il  procura  à  Psammétique  des  troupes  de  mercenaires  hellé- 
niques et  asiatiques,  qui  permirent  à  celui-ci  de  déloger  vers  658 
les  garnisons  ass3'riennes,  de  faire  reconnaître  sa  suzeraineté 
par  Pakrourou  et  les  autres  roitelets  du  delta  etd'unifierde  nou- 
veau la  terre  d'Egypte  depuis  la  première  cataracte  jusqu'à  la 
Méditerranée.  Psammétique  eut  le  bonheur  de  maintenir  sous 
sa  main  le  pays  entier  jusqu'à  sa  mort  (vers  611).  D'après 
Hérodote  (1.  II,  ch.  iSy),  le  règne  de  Psammétique  aurait  duré 
cinquante-quatre  ans,  dont  vingt-neufpendant  le  siège  d'Asdoud. 
Asourbanipal  dut  se  résigner  à  laisser  le  pays  des  pharaons  lui 
échapper;  la  distance,  le  caractère  énergique  et  fier  des  Egvp- 
tiens,  l'impossibilité  d'y  immobiliser  des  troupes  nombreuses 
dont  il  n'av^ait  que  trop  besoin  chez  lui,  tout  cela  le  détermina 

(i)  Sur  la  L>(lie  et  Gygès  de  Lydie,  voir  Maspkko,  Histoire  ancienne, 
p  559.  Maspero,  III,  p.  33G  ss.  ;  388  ss.  ;  4^5  ss.  ;  522  ss.  » 


112  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

à  se  tenir  permissif.  Il  s'en  vengea  sur  les  Arabes  qui  avaient 

V  V 

fait  cause  commune  avec  Samas-Souma-oukin.  Immédiate- 
ment après  le  désastre  de  Babylone,  Edom,  labroud  (Nord  de 
Damas),  Ammon,  Moab,  Soba  avaient  été  visités  par  les  l'orces 
assyriennes. 

Restaient  le  pa3^s  de  Bazou,  celui  de  Nabatou  et  Kedar. 
L'armée  assyrienne  marcha  droit  sur  le  Nedjd  (Sud  central  de 
l'Arabie),  où  elle  rencontra  les  révoltés.  Les  Arabes  se  déban- 
dent bientôt  et  les  Assyriens  poussent  devant  eux  leur  butin  : 
un  énorme  convoi  d'hommes  et  de  bêtes  dirigés  sur  Damas. 
De  là  l'armée  redescend  dans  la  direction  du  Sud,  lon- 
geant l'Est  de  la  Ledjâ  jusque  dans  le  Hauran,  razziant  toute 
la  contrée,  obstruant  toutes  les  sources  et  capturant  tout  le 
bétail.  Par  surcroît  de  malheur  pour  les  Arabes,  la  peste  sévit 
parmi  eux  et  ils  durent  se  rendre.  Telle  dut  être  la  quantité  de 
têtes  de  bétail  capturées  que  les  chameaux,  au  dire  d'Asourba- 
nipal  (cylindre  de  Rassam,  col.  IX,  1.  46  ss.),  se  vendirent  un 
sicle  et  demi  et  même  un  demi-sicle  d'argent  (i). 

De  la  Transjordane  l'armée  obliqua  vers  l'Ouest,  pour  aller 
châtier  quelques  villes  côtières  dont  les  habitants  avaient  sans 
doute  négligé  d'envoyer  le  tribut  annuel  dès  qu'ils  surent  le 
maître  aux  prises  avec  des  difficultés  intérieures.  C'est  ainsi 
queOusou  (aujourd'hui  Râs-el-'Aïn)  et  Akko(Saint-Jean-d'Acre) 
se  virent  vidées  de  leurs  biens  et  de  leurs  habitants  (2).  Cela 
fait,  l'armée  victorieuse  rentra  àNinive  avec  son  immense  butin. 

Asourbanipal  crut  passer  dans  la  tranquillité  ses  dernières 
années.  Il  vit  l'Ourartou  se  soumettre  volontairement  et  pen- 
dant quelque  temps  il  put  charmer  ses  loisirs  par  des  préoccu- 
pations d'ordre  plus  intellectuel.  A  l'encontre  d'Asaraddon,  il 
avait  rarement  conduit  lui-même  ses  troupes  ;  il  laissait  ce  soin 
à  ses  généraux,  ce  qui  ne  l'empêchait  pas  de  se  mettre  person- 
nellement en  scène  dans  ses  annales  ;  par  contre,  il  s'était 
appliqué  à  développer  les  arts  décoratifs  et  à  se  former  une 
bibliothèque  vaste  et  de  contenu  varié.  Il  se  mit  à  reconstruire 
le   palais    de    Sennachérib   à   Ninive    :    dans   les   ruines  on   a 


(I)  Cfr.  Rev.  Bibl.,  i()i  i,  i>p.  .S58  3Gi. 
<2)  Voir  texte  A'.  /.  T.,  p.  54- 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  1x3 

découvert  plus  de  vingt  mille  tablettes  cunéiformes,  dites  de 
Kouyoundjik,  du  nom  du  tell  recouvrant  les  ruines  du  palais. 
Les  tablettes  cunéiformes  qui  composaient  la  bibliothèque 
d'Asourbanipal  (commencée  du  temps  de  Sargon)  occupaient 
plusieurs  salles  de  l'étage  supérieur  du  palais.  Elles  y  étaient 
rangées  par  ordre  de  matières.  Quand  les  planches  se  furent 
effondrées  de  vétusté,  ces  briquettes  fragiles  se  brisèrent  et 
jonchèrent  le  sol  des  appartements  inférieurs  à  une  hauteur  de 
cinquante  centimètres.  C'est  dans  cet  état  que  les  trouva  Ras- 
sam  en  i852.  Déposées  au  British  Muséum,  elles  en  constituent 
une  des  principales  richesses.  Le  contenu  de  ces  tablettes 
embrasse  tous  les  domaines  de  l'activité  intellectuelle  et  cela 
pour  les  âges  les  plus  reculés,  car  Asourbanipal  avait  fait  copier 
les  vieux  textes  rédigés  jadis  en  Chaldée.  C'est  ainsi  que  nous 
y  trouvons  les  documents  les  plus  importants  de  la  littéra- 
ture religieuse,  magique,  historique,  juridique,  astronomique 
et  grammaticale  de  la  Chaldée  et  de  l'Assyrie  (i). 

Les  soixante  dernières  années,  Juda  n'était  presque  pas 
intervenu  dans  les  querelles  qui  s'agitaient  à  ses  frontières. 
Manassé,  après  quelques  années  passées  en  captivité,  était 
remonté  sur  son  trône  el  il  termina  son  long  règne  (698-643)  (2) 
en  rétablissant  le  culte  légitime,  fortifiant  sa  capitale  et  plaçant 
des  garnisons  dans  les  autres  villes.  (2  Chron.,  XXXIII,  14  ss.) 
Des  dissensions  intestines  doivent  s'être  produites  sous  son 
gouvernement,  car  il  est  caractérisé  comme  ayant  répandu 
beaucoup  de  sang  à  Jérusalem.  (2  Reg.,  XXI,  t6.)  (3) 

Ces  mêmes  dissensions  éclatent  lors  de  la  succession  d'Amon, 
son  fils,  qui  ne  régna  que  deux  ans  (643-640).  Il  imita  son  père 
dans  ses  égarements  et  fut  assassiné  par  ses  familiers,  à  l'âge  de     de  Juda, 
vingt-quatre  ans.  Cependant  le  peuple  restait  porté  pour  la  lignée 
légitime  de  David,  car   il   réclama  la  mort  des   assassins  et 


(i)  Maspero,  III,  pp.  4('i!  63.  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  l'Art  dans 
l'antiquité.  II,  p.  45  ss.  Dhorme,  Les  pays  bibliques  et  l'Assyrie,  Rev.  Bibl., 
191  r,  p.  363.  British  Muséum,  A  guide  to  the  babylonian  and  assyrian 
antiquities,  ed    i<)o8,  p  4o  ss. 

(2»  2  Reg.,  XXI,  I  :  Û5  ans 

i3)  Ce  récit  est  pourtant  rédigé  défavorablement  pour  Manassé,  car  il 
n'y  est  pas  fait  mention  de  sou  repentir. 


Amon 


114  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

installa  sur  le  trône  le  fils  de  la  victime,  Josias,  âgé  seulement 
de  huit  ans.  (2  Reg.,  XXI,  ig  ss.;  2  Chron.,  XXXIII,  20  ss.) 
Sous  le  règne  de  Josias  (640-608)  allaient  se  passer  des 
faits  de  la  plus  haute  importance,  tant  à  l'extérieur  dans  le 
monde  oriental  qu'à  l'intérieur  du  petit  royaume  de  Juda.  Mais 
revenons  d'abord  à  l'Assyrie. 

Mèdes  Derrière  rAss\Tie  et  l'Elam,  par-delà  les  massifs  du  Khoa- 

et  Perses,  tras  et  du  Zagros,  étaient  cantonnés  deux  peuples  qui  jusque  là 
avaient  assez  peu  goûté  les  charmes  et  les  corvées  de  la 
civilisation  orientale.  Ce  n'est  que  vers  l'époque  de  Senna- 
chérib  (7o5-68i)  que  les  clans  mèdes,  venus  quelques  siècles 
plus  tôt  des  froides  montagnes  du  Nord,  avaient  fini  par  se  fon- 
dre en  un  royaume  unique,  dont  la  ville  d'Ecbatane,  aux  pieds 
de  l'Elvend,  devint  le  centre  politique. 

Razziée  une  première  fois  parTéglath-Phalasar  III,  la  Médie 
vit  plus  tard  ses  villes  tomber  aux  mains  de  Sargon,  qui  en 
déporta  les  habitants  en  Syrie  et  en  retour  les  peupla  de  colons 
syriens  ;  parmi  ces  étrangers  nous  avons  remarqué  des  habi- 
tants de  Samarie;  2  Reg.,  XVII,  6;  XVIII,  11.  Cette  domi- 
nation fut  continuée  par  Sennachérib,  Asaraddon  et  ASourba- 
nipal,  et  les  gouverneurs  qu'ils  installaient  à  Karkar  la  rendirent 
bien  réelle  en  exigeant  des  Mèdes  l'impôt.  L'histoire  intérieure 
des  Mèdes  est,  dans  ses  origines,  entourée  de  beaucoup  de 
légendes.  C'est  avec  Phraortès  qu'on  commence  à  tabler  sur 
des  données  plus  sûres  (i).  Monté  sur  le  trône  vers  653,  il 
s'attaqua  bientôt  à  ses  frères  de  race,  les  Perses  ses  voisins, 
aryens  comme  les  Mèdes  et  installés  au  Sud  d'Ecbatane.  Les 
Perses,  profitant  des  luttes  entre  Assyriens  et  Elamites, 
s'étaient  depuis  le  VHP  siècle,  étendus  territorialement  aux 
dépens    des    terres  orientales    de  ces  derniers  (2),    Toutefois 


(11  M.  DE  Morgan  est  ti-op  sévère  quand  il  dit  {op.  laud.,  p.  406,  note  3) 
que  l'existence  de  Pliraortès  est  encore  douteuse. 

(2)  C'était  la  famille  d'un  certain  Akhamanish,  personnage  dont  la 
vie  est  fort  légendaire,  qui  donnait  aux  Perses  leurs  rois;  son  fils 
Tchaispi  (Téispès)  profita  de  la  ruine  de  Suse  pour  s'emparer  de  la 
moitié  orientale  de  1  Elam  et  s'intituler  du  nom  de  cette  contrée  «  roi 
d'Anshan  »  (Maspkro,  III,  p.  4^0)  ;  vers  la  fin  du  septième  siècle  Suse  se 
transforma  aussi  en  ville  iranienne  et  plus  particulièrement  persane. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  ii5 

ils  mirent  plus  de  temps  que  les  Mèdes  à  se  développer  et  à 
prendre  conscience  de  leurs  forces.  Précédés  dans  leur  migra- 
tion par  les  Mèdes,  ils  avaient  dû  gagner  le  Sud,  l'Ouest  du 
plateau  étant  déjà  occupé  par  ceux-ci,  et  ainsi,  tandis  que  les 
Mèdes  se  développaient  rapidement  au  contact  de  l'Assyrie, 
les  Perses,  tenus  à  l'écart  de  ce  centre  civilisateur  par  les 
montagnards  d'Anshan.  demeurèrent  pendant  quelques  siècles 
encore  à  l'état  primitif.  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  l'hégé- 
monie iranienne,  qui  succède  dans  la  vieille  Asie  à  la  prépon- 
dérance assyrienne,  débuta  par  la  royauté  médique  (i).  C'est 
précisément  à  cette  main-mise  passagère  des  Mèdes  sur  les 
Perses  que  nous  assistons  en  ce  moment,  Phraortès  triompha 
d'eux,  et  les  deux  forces  principales  des  Iraniens  maintenant 
réunies  eurent  aisément  le  dessus  sur  les  tribus  congénères 
voisines  :  les  Parsoua,  les  Andiou,  les  Abdadana,  les  Manda, 
les  Bikni  et  autres.  Présumant  de  ses  forces  et  croyant  propice 
le  moment  où  Asourbanipal,  las  de  guerrover,  employait  ses 
hommes  et  ses  ressources  à  mettre  en  exécution  ses  plans  de 
bâtisseur,  Phraortès  s'attaqua  aux  Assyriens  vers  635.  Il  fut 
défait  et  périt  avec  le  plus  grand  nombre  de  ses  soldats.  Il 
devait  être  vengé  par  son  fils  Cyaxare,  sous  les  coups  duquel 
Xinive  allait  céder. 

Les  circonstances  historiques  qui  amenèrent  cette  tragédie 
sont  quelque  peu  embrouillées  dans  les  documents  qui  la 
relatent.  Les  seuls  renseignements  fournis  par  la  littéra- 
ture cunéiforme,  sont  consignés  sur  une  stèle  de  Nabonide 
conservée  au  Musée  de  Constantinople.  Il  s'en  dégage  cette 
conclusion  que  la  «  chute  de  Ninive  et  partant  de  l'empire 
assyrien  est  le  résultat  d'une  action  combinée  des  Babyloniens 
conduits  par  Nabopolassar  et  des  Scythes  conduits  par  leur 
roi  »  (2).  Une  autre  tradition  (Ctésias)  veut  que  Ninive  ait 
été  prise  par  un  Mède  allié  à  un  Chaldéen  au  temps  de  Sarda- 
napale  (Asourbanipal).  Le  récit  d'Hérodote  (Hist.  1.  I,  ch. 
io3    ss.)    concilie    et    explique    les    deux    récits    divergents. 


(ij  DK  M()R(;an  :  Op.  Ifiti'i.  p.  4oi.  note  2,  i).  ^06.  note  4 

'2      Dhorme,    Les    Aryens    noant    Cyrits,    dans    Conférences ^de    Saint- 
Etienne.  1910-1911.  Paris.  Gabalda.  nji  1,  p.  98,  cfr.  pp. 94  etss. 


Il6  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

D'après  lui,  Cyaxare,  roi  des  Mèdes,  assiégeait  Ninive,  lors- 
qu'il fut  forcé  d'en  lever  le  siège  pour  repousser  une  invasion 
des  Scythes,  sous  la  conduite  de  leur  roi  Madyas,  qui  auraient 
exercé  leur  suprématie  sur  l'Asie  pendant  vingt-huit  ans. 
Fatigué  de  leurs  exactions  et  de  leurs  pillages,  Cyaxare  convia 
un  jour  les  principaux  d'entre  eux  à  un  festin  au  cours 
duquel  ils  furent  massacrés  par  les  Mèdes,  Se  trouvant 
ainsi  maître  des  troupes  mèdes  et  sc3'thiques,  il  s'empara  de 
Ninive  et  se  soumit  rAss3'rie.  Ces  diverses  données  ont  besoin 
d'être  précisées  et  complétées. 

Cyaxare,  le  successeur  de  Phraortès,  avait  été  instruit  par  le 
désastre  de  son  père  dont  les  troupes,  braves  puisque  victo- 
rieuses des  Perses,  mais  indisciplinées,  s'étaient  fait  massacrer 
par  les  bataillons  assyriens  rompus  à  la  stratégie.  Aussi,  avant 
d'engager  à  nouveau  la  lutte  avec  l'Assyrie,  eut-il  soin  de  réor- 
ganiser son  armée.  Jusque  là  chaque  clan  ou  tribu  mède  four- 
nissait sa  part  de  troupes,  dont  les  différents  contingents  :  cava- 
liers, archers,  piquiers,  formaient  une  petite  armée  séparée,  au 
lieu  de  se  grouper  avec  les  éléments  similaires  d'un  autre 
clan.  Par  la  fusion  de  tous  les  apports  homogènes  Cyaxare 
organisa  son  armée  à  rass3Tienne.  C'est  alors  qu'il  se  décida  à 
attaquer  Ninive.  Il  défit  les  avant-gardes  postées  depuis  la 
province  de  Kharkhar  jusqu'au  Parsoua,  força  la  ceinture 
des  villes  murées  qui,  de  distance  en  distance,  défendaient 
l'accès  de  Ninive  et  déboucha  sous  la  capitale,  en  y  refoulant 
tout  ce  qui  s'opposait  à  son  passage.  Remplie  des  richesses 
séculaires  du  vieux  monde,  que  ses  monarques  successifs  y 
avaient  rapportées  au  retour  de  leurs  campagnes  triomphales, 
elle  était  verrouillée  comme  un  coffre-fort  (i).  L'appât  devait 
être  unique  pour  solliciter  Cyaxare  d'en  tenter  l'accaparement; 
aussi  l'Orient  tout  entier  tressaillit-il  quand  il  apprit  le  blocus 
de  Ninive. 

En  Juda,  Nahoum  d'Elkosh  lança  contre  elle  son  oracle 
comminatoire,  vrai  répertoire  de  tous  les  griefs  que  devaient 
avoir  contre  «  la  tanière  des  lions  "  tous  les  peuples  jadis  victi- 


(i)  Voir  Maspero,  III,  pj).  467-470,  le  plan  et  la  description  de  la  défeuse 
de  Ninive. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  117 

mes  de  ses  griffes  :  «  —  Où  est-elle,  la  tanière  des  lions,  elle 
qui  était  un  antre  pour  les  jeunes  lions,  où  le  lion  s'en  allait 
mener  le  lionceau,  sans  que  personne  l'effrayât?  Le  lion  ravis- 
sait ce  qu'il  fallait  à  ses  lionceaux  et  étranglait  pour  ses  lion- 
nes et  il  remplissait  de  proie  ses  cavernes  et  ses  tanières  de 
butin.  Me  voici  contre  toi!  parole  de  Jahvé  des  armées;  — 
Je  consumerai  en  fumée  ses  chars  !  —  L'épée  dévorera  tes 
jeunes  lions  !  Je  supprimerai  de  la  terre  tes  rapines  !  On 
n'entendra  plus  la  voix  de  ses  messagers. 

»  Malheur  à  la  cité  sanguinaire,  pleine  tout  entière  de  men- 
songes, de  violence;  dont  les  rapines  ne  cessaient  pas! 
Ecoutez  le  bruit  du  fouet  et  le  bruit  du  grincement  de  la 
roue,  et  le  cheval  qui  galope  et  le  char  qui  bondit!  Cavaliers 
soulevés,  flambovantes  épées  et  lances  fulgurantes  !  Multi- 
tude de  blessés  et  monceaux  de  corps  et  cadavres  sans  fin! 
On  trébuche  sur  les  cadavres  !  Cela  à  cause  des  multiples 
fornications  de  la  courtisane  aux  charmes  attrayants,  experte 
en  sortilèges,  qui  trompait  les  peuples  par  ses  fornications  et 
les  nations  par  ses  sortilèges.  Me  voici  contre  toi!  parole  de 
Jahvé  des  armées;  — Je  te  découvrirai  en  face,  de  tes  atours; 
je  montrerai  ta  nudité  aux  peuples  et  ta  honte  aux  i^oyaumes  ; 
je  jetterai  sur  toi  des  ordures,  je  te  couvrirai  d'ignominie,  je 
te  donnerai  en  spectacle  !  Quiconque  te  verra  se  détournera 
de  toi  et  dira  :  «  Elle  est  détruite,  Ninive!  »  Qui  aura  pitié 
d'elle  et  où  te  chercherais-je  des  consolateurs  »?  (Xah.  II, 
12-III.  7.) 

Et,  puissamment,  le  prophète  fait  le  tableau  de  l'attaque 
ennemie  et  du  désastre  :  «  Un  agent  de  dispersion  s'est  mis  en 
route  contre  toi  :  garde  la  place  forte  !  Inspecte  la  route  ! 
Ceins-toi  les  reins  !  Affermis  ta  force  de  tout  ton  pouvoir  !  Le 
bouclier  de  ses  guerriers  est  teinté  en  rouge;  les  soldats  sont 
vêtus  de  cramoisi  ;  les  chars  apparaissent  dans  le  feu  des 
aciers.  Au  jour  où  il  dirige  l'attaque,  les  cavaliers  s'élancent 
en  tourbillon  à  travers  les  plaines;  les  chars  font  rage,  ils  se 
ruent  par  les  places.  Leur  aspect  est  pareil  à  des  torches;  ils 
se  précipitent  comme  des  éclairs  ! 

»  Ses  princes  à  elle  avisent  à  la  fuite;  en  plein  jour  ils  trébu- 
chent sur  leur  chemin.  —  On  se  hâte  vers  les  murs;  le  toit 


Il8  DEPUIS    LA   CHUTE    DE    SAMARIE 

d'abri  est  dressé.  Les  portes  des  cours  d'eau  sont  ouvertes; 
le  palais  est  plongé  dans  la  terreur;  la  déesse  Zib  (?)  est  mise 
à  découvert  et  produite  au  jour;  ses  servantes  poussent  des 
gérnissements  comme  une  plainte  de  colombes,  et  se  frap- 
pent la  poitrine.  Ninive  est  pareille,  elle,  à  un  réservoir 
d'eau,  mais  qui  s'échappe.  —  «  Arrêtez!  Arrêtez!  »  mais 
nul  ne  se  retourne.  «  Pillez  l'argent!  Pillez  l'or!  »  —  Il  n'y  a 
pas  de  fin  aux  trésors  ;  c'est  une  richesse  composée  de  toutes 
choses  précieuses  ».  (Nahoum,  II,  2-10.)  Toutefois  la  fin 
du  drame  serait  précédée  d'un  dernier  acte  qui  allait  opérer 
une  diversion. 

Scythes.  Depuis  bientôt  un  siècle,  un  peuple,  sauvage  d'origine  et  de 

mœurs,  avait  passé  les  portes  caspiennes  à  l'Ouest,  venant  des 
plaines  de  Russie.  L'Ass3'rie  avait  compris  que  ces  nouveaux 
venus  étaient  aussi  peu  sympathiques  aux  Cimmériens,  aux 
Ourartiens  et  aux  Mèdes.  qu'ils  l'étaient  à  elle-même.  Elle  avait 
profité  de  cette  disposition  pour  les  tourner  à  l'occasion  contre 
ces  Cimmériens,  Ourartiens  ou  Mèdes  qui  lui  créaient  déjà 
tant  de  difficultés.  Cette  bonne  entente  forcée  en  était  venue 
au  point  que  le  roi  scythe  Partatoua  avait  demandé  une  fille 
(une  sœur?)  d'Asaraddon  en  mariage.  Acculé  à  toute  extrémité 
Asourbanipal  eut  une  fois  de  plus  recours  à  ces  hordes  sauvages 
et  leur  roi  Madyas,  fils  de  Partatoua,  tomba  sur  les  Mèdes  qui 
furent  forcés  de  lever  le  siège  de  Ninive.  Le  remède  fut  pire  que 
le  mal.  Entraînés  par  leurs  succès  remportés  sur  les  Mèdes,  ils 
rançonnèrent  l'Asie  entière.  L'Assyrie,  saignée  à  blanc  par  ses 
dernières  guerres  contre  les  Elamites  et  les  Chaldéens,  se  vit 
pillée  et  dévastée  dans  toute  son  étendue.  L'Arménie,  la  Cap- 
padoce,  le  Pont  furent  balayés  par  ce  torrent  dévastateur,  et  tel 
dut  être  l'efi'roi  causé  par  ces  brutes  sanguinaires,  incendiaires, 
pillardes  et  dévergondées,  que  quarante  ans  plus  tard  Ezéchiel 
(XXXII,  26)  rappelle  encore  la  disparition  totale,  due  à  leur 
domination  passagère,  des  Moushkous  et  des  Tabals(i).  Les 
Cimmériens,  aussi  sauvages  que  les  Scythes,  et  depuis 
quelque  temps  concentrés  dans  la  Cappadoce,  furent  englobés 

(i)  Peuples  de  la  Cappadoce. 


JUSQU  A    LA   CAPTIVITÉ    BABYLONIENNE.  IIQ 

dans  les  bandes  scythes  et  toute  la  masse  déferla  de  la 
Mésopotamie  sur  la  Syrie  et  la  Palestine  jusqu'à  la  frontière 
égyptienne. 

Les  prophètes  de  Juda  en  profitèrent  (i)  pour  l'aire  voir 
dans  les  bouleversements  présents  le  jugement  des  nations  et 
mettre  les  prévaricateurs  d'Israël  en  garde  contre  la  vengeance 
divine.  Comme  dit  M.  Van  Hoonacker  (2),  Sophonie  pas  plus 
que  Jérémie  (qui  commence  son  ministère  prophétique  la  trei- 
zième année  de  Josias)  ne  désigne  clairement  l'ennemi  qui  ser- 
vira d'instrument  à  la  justice  divine  ;  les  troubles  causés  par 
l'invasion  de  ces  barbares  auront  contribué  à  faire  naître  les 
appréhensions  dont  ces  prophètes  se  font  l'écho,  tout  en  n'accor- 
dant pas  aux  Scythes  seuls  d'occuper  la  perspective  de  ces 
mêmes  prophètes. 

En  effet,  on  pressentait  bien  la  chute  de  Ninive  et  la  main- 
mise sur  la  Palestine  par  les  exécuteurs  éventuels  de  ce  cata- 
clysme ;  Chaldéens,  Mèdes  ou  Egyptiens,  Deux  passages 
de  Jérémie  toutefois  s'appliquent  particulièrement  bien  aux 
Scythes  : 

I.     «  Je  fais  venir  sur  vous  une  nation  de  loin, 
Maison  d'Israël,  dit  Jéhovah; 
C'est  une  nation  forte,  c'est  une  nation  antique, 
Une  nation  dont  tu  ne  connais  pas  la  langue, 
Et  tu  n'entends  pas  ce  qu'elle  dit. 
Son  carquois  est  comme  un  sépulcre  ouvert  ; 
Ils  sont  tous  des  héros. 
Elle  dévorera  ta  moisson  et  ton  pain  ; 
Elle  dévorera  tes  fils  et  tes  filles  ; 
Elle  dévorera  tes  brebis  et  tes  bœufs; 
Elle  dévorera  ta  vigne  et  ton  figuier  ; 
Elle  détruira  par  l'épée  tes  villes  fortes 
Dans  lesquelles  tu  te  confies  ».  Jérémie,  V,  iS-ij. 


(i)  La    prophétesse  Hulda,  a   Reg.,    XXII,    i5   ss.  ;    Sophonie    I    et   II; 
Jérémie,  I,  IV,  V. 

2)  Les  douze  petits  prophètes,  p.  5oo. 


I20  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

2.     «   Ainsi  parle  Jéhovah  : 

Voici  qu'un  peuple  arrive  de  la  contrée  du  Septentrion, 

Qu'une  grande  nation  se  lève  des  extrémités  de  la  terre. 

Ils  manient  l'arc  et  le  javelot; 

Gens  cruels  et  sans  pitié. 

Leur  voix  gronde  comme  la  mer  ; 

Ils  sont  montés  sur  des  chevaux  ; 

Prêts  à  combattre  comme  un  seul  homme 

Contre  toi,  fille  de  Sion  ».  Jérémie,  VI,  22,  23. 

Le  prophète  les  appelle  ce  une  nation  antique  «,  «  une  nation 
dont  tu  ne  connais  pas  la  langue».  Or  les  Scythes  (i)  se  consi- 
déraient comme  la  nation  la  plus  antique.  Pour  qu'on  n'en  com- 
prit pas  la  langue,  celle-ci  devait  être  bien  différente  de  celles 
des  régions  du  Tigre  et  de  l'Euphrate,  do:it  déjà  au  quatorzième 
siècle  les  cunéiformes  étaient  interprétés  à  la  cour  des  pharaons  ; 
et  le  parler  international,  l'araméen,  avait  commencé  à  s'intro- 
duire dès  le  huitième  siècle,  dans  les  milieux  aisés  du  moins, 
de  Palestine  (2  Reg.,  XVIII,  26).  D'autre  part  on  sait  que,  dans 
les  armées  de  l'Orient,  c'étaient  les  chars  de  guerre  qui  consti- 
tuaient un  engin  terrible  de  bataille  ;  ici  l'on  parle  uniquement 
des  chevaux  que  les  Scythes  montaient  avec  une  rare  habileté. 

Malgré  les  appréhensions,  l'avalanche  se  creusa  un  autre  lit 
que  laterre  de  Juda  ;  de  la  Samarie  elle  se  détourna  vers  la  côte 
pour  menacer  les  frontières  de  l'Eg^'pte.  Psarométique  les 
arrêta  par  des  présents  et,  rebroussant  chemin,  ils  dévastèrent 
la  Philistie  (Cfr.  Soph.  II,  4-6).  Après  quoi  les  Scythes  dispa- 
rurent de  la  Palestine  et  de  la  Syrie  méridionale.  Le  gros  de 
la  nation  était  resté  cantonné  dans  la  Médie  et  l'Assyrie,  pen- 
dant que  les  autres  masses  pillardes  ravagaient  les  contrées 
ci-dessus  mentionnées.  Leurs  excès,  la  mollesse  d'un  climat 
auquel  ils  n'étaient  pas  faits  et  qui  provoquait  chez  eux  les 
fièvres  et  les  d3'Ssenteries,  les  vides  opérés  par  les  combats 
décimèrent  leurs  rangs,  et  ils  ne  purent  que  très  réduits  rega- 
gner leurs  congénères.  Cyaxare  leur  donna  le  coup  de  grâce, 
par  le  procédé  rapporté  dans  Hérodote  (1.  I,  chap.  106);  il  se 
peut  qu'un  certain  nombre   d'entre  eux  s'enrôlèrent   dans   son 


(i)  Maspero,  II,  p.  56,  note  5  ;  et  III,  p.  481,  note  i. 


jusqu'à    la    captivité    babylonienne.  121 

armée,  le  reste  retourna  en  Europe  ou  se  fixa  au  Nord-Ouest 
de  l'Arménie.  Pendant  une  vingtaine  d'années  ils  avaient  épou- 
vanté l'Asie,  anémiant  les  peuples  par  eux  ravagés;  les  Scythes 
partis  ou  soumis,  les  Mèdes  durent  songer  à  reprendre  l'exécu- 
tion de  leurs  projets  :  l'occasion  lavorable  ne  tarderait  pas 
longtemps  à  s'offrir. 

Asourbanipal  était  mort  vers  625  (l),  laissant  deux  fils. 
Asour-etili-làni  régna  un  peu  plus  de  quatre  ans  sans  s'illustrer 
en  rien  et  mourut  vers  620.  Il  fut  remplacé  par  son  frère  Sin- 
Sarra-iskoun  qui  assistera  à  la  fin  du  royaume  de  ses  ancêtres 
par  la  chute  de  Ninive  en  608/7. 

A  l'avènement  du  nouveau  monarque,  le  gouverneur  de 
Babylone.un  Chaldéen,  du  nom  de  Nabopolassar  (Naboubalou- 
zour),  avait  pris  le  titre  de  roi,  tout  en  restant  soumis  à  son 
suzerain,  lorsque  vers  612  des  troupes  chaldéennes,  renforcées 
peut-être  par  ce  qui  avait  survécu  d'Elamites,  surgirent  du 
côté  de  la  mer  Persique.  Nabopolassar  reçut  l'ordre  de  mar- 
cher contre  elles  ;  mais  il  crut  les  circonstances  uniques  pour 
se  rendre  mdépendant  et  composa  avec  l'ennemi,  qui  se  mit  à 
ses  ordres  contre  rAss3*rie.  Les  Mèdes  étaient  tout  désignés 
pour  prêter  main-forte;  aussi  Nabopolassar  s'entendit-il  avec 
Cvaxare.  et  il  scella  l'alliance  en  mariant  son  héritier  Nabucho- 
donosor  avec  Amytis,  la  fille  du  souverain  médique  (2). 
Le  monarque  assvrien  résista  tant  qu'il  put;  ce  n'est 
que  lorsque  toutes  ses  ressources  furent  épuisées  qu'il  se 
résigna  à  périr  :  il  se  brûla  dans  son  palais  avec  ses  lemmes  et 
ses  trésors.  Le  pillage  et  la  répartition  de  l'empire  se  firent 
aussitôt  (3).  Cyaxare  s'attribua  l'Assyrie  propre  et  ses  dépen-  ^^* 
dances  sur  le  haut  Tigre,  tandis  que  Nabopolassar  gardait  la  Nabopolas< 
Babylonie  et  s'adjoignit  la  Chaldée,  la  Mésopotamie,   la  Syrie         sar. 


V 

(i)  Pour  la  justification  des  dates  depuis  la  mort  d'Asourbaiiipal 
jusqu'à  la  chute  de  Ninive,  voir  Maspero,  III,  p.  4^i,  note  4;  P-  4^2, 
notes  4  et  5  ;  et  p.  4^'^,  notes  u,  3,  4- 

12)  Les  historiens  grecs  font  d'Aniytis  une  fille  d'Aslyage.  Cfr  Fragm. 
hist.  grmc,  IL  p.  5o5.  Pour  la  rectification  de  cette  méprise  voir  Maspero, 
m,  P  4^4i  uote  ?>\  et  DnoR.MK,  Conférences  de  Saint-Etienne,  \\)ii  :  Les  Aryens 
avant  Cyrns,  pj).  og  ioi>. 

(3)  Maspero,  III,  j)  486,  note  i. 


122  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

avec  la  Palestine,  l'Elam  occidental  et  méridional.  Il  émit 
même  les  anciennes  prétentions  assyriennes  de  suzeraineté  sur 
l'Egypte,  alors  que,  comme  on  l'a  vu  plus  haut  (p.  m),  les 
troupes  d'Asourbanipal  en  avaient  été  expulsées  depuis  658. 

Psammétique,le  pharaon  y  régnant  depuis  cette  époque,  avait 
profité  de  sa  longue  administration  pour  réorganiser  complète- 
ment le  pays  maltraité  par  deux  siècles  de  guerres  intestines  et 
d'invasions.  Afin  de  pouvoir  avec  plus  de  sécurité  le  relever  de 
sa  déchéance,  il  remplaça  les  milices  indigènes  mal  montées 
et  les  bandes  libyennes  peu  disciplinées  par  des  merce- 
naires ioniens  et  cariens,  dont  il  n'avait  eu  qu'à  se  louer 
au  début  de  son  règne,  et  il  relégua  les  autres  régiments 
comme  garde-frontières  aux  points  extrêmes  de  l'Egypte.  Ce 
procédé  lui  valut  la  perte  de  240,000  d'entre  eux,  postés 
à  la  première  cataracte  :  indignés  d'être  mis  à  l'écart,  ils 
s'exilèrent  en  Ethiopie.  Au  reste,  le  pharaon  ne  dut  pas  se 
mettre  en  campagne;  l'Ethiopie  avait,  elle  aussi,  besoin  de  se 
refaire  et  nous  savons  que  dans  les  régions  du  Tigre  et  de 
l'Euphrate  il  avait  surgi  alors  assez  de  complications  pour 
empêcher  Asourbanipal  de  donner  suite  à  ses  projets  de  con- 
quête. Psammétique  fit  renaître  l'abondance  en  réparant  les 
canaux  et  les  digues,  empêcha  les  seigneurs  féodaux  de  se 
quereller  entre  eux,  permettant  ainsi  aux  fellahs  de  cultiver  et 
de  récolter  en  paix,  releva  partout  le  long  du  Nil  les  temples, 
en  construisit  de  nouveaux,  et  restaura  les  caveaux  du  Séra- 
péum.  Ce  fut  pour  les  arts  une  occasion  de  refleurir  et  de  se 
perfectionner;  aussi  les  produits  de  l'époque  témoignent-ils 
d'un  plus  grand  achevé.  Enfin,  quand  il  sut  l'Assyrien  défini- 
tivement retenu  chez  lui  par  le  danger  mède,  il  annexa  de 
nouveau  à  Mitzraïm  la  Philistie  qui,  pour  petite  qu'était  son 
étendue,  avait  une  importance  particulière  du  chef  de  ses  villes 
maritimes. 

Pour  parvenir  à  ses  fins,  il  profita  sans  doute  de  la  dévastation 
causée  dans  cette  contrée  par  les  Scythes  (voir  plus  haut  p.  120), 
qui  devaient  avoir  privé  la  côte  d'un  grand  nombre  de  ses  défen- 
seurs. Quand  il  mourut  en  611,  après  cinquante  quatre  ans  d'un 
règne  vraiment  restaurateur,  l'Egypte  semblait  pouvoir  re- 
prendre ses  visées  anciennes  d'extension  en  Asie  Mineure. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  123 

La  renaissance  de  ce  pays,  au  moment  où  Xinive  agonisait, 
aura  sans  aucun  doute  ranimé  l'espoir  chez  les  peuples  jadis 
rançonnés  ou  actuellement  encore  tributaires  d'Asour.  Le 
successeur  de  Psammétique,  Néchao  II,  crut  pouvoir  compter 
sur  leur  sympathie,  et,  au  printemps  de  608,  il  dirigea  son 
armée  vers  l'Euphrate  pour  prendre  éventuellement  sa  part 
dans  la  succession  de  Xinive.  Dans  cette  expédition,  il  devait 
se  heurter  aux  troupes  de  Josias,  le  roi  de  Juda. 

Le  règne  de  ce  prince  fut  aussi,  mais  à  un  autre  titre  que  josias 
celui  de  Psammétique,  un  règne  de  restauration  :  notamment  de  Juda. 
de  restauration  religieuse.  Il  n'entre  pas  dans  notre  plan  de 
nous  étendre  sur  le  développement  des  idées  religieuses  en 
Israël  (i).  Nous  nous  bornons  à  relever  que  l'orientation  des 
idées  religieuses  influença,  surtout  à  l'époque  qui  nous  occupe, 
la  politique,  et  cette  compénétration  se  manifestera  avec 
encore  plus  d'intensité  quand  le  peuple  juif  cessera  de 
s'administrer  de  façon  autonome. 

C'avait  été  l'avis  de  tous  les  prophètes  qu'il  fallait  se  confier 
en  Jahvé  seul  et  que  l'appui  qu'on  cherchait  dans  les  nations 
étrangères  tournerait  toujours  au  désavantage  de  l'appuyé^ 
soit  qu'il  s'exposât  aux  représailles  de  la  nation  ennemie 
contre  laquelle  il  en  appellait  auprès  d'une  autre,  soit  que 
ceile-ci  fit  payer  cher  le  service  rendu. 

Isaïe  n'avait-il  pas  dit  à  Achaz,  qui  en  avait  appelé  à  Téglath- 
Phalasar  III,  lors  de  la  conspiration  de  Péquah  et  de  Rezon 
en  734,  que  Jahvé,  signifiant  ainsi  sa  volonté  d'être  seul  reconnu 
comme  défenseur  de  son  peuple,  permettrait  à  ces  mêmes  Assy- 
riens, invoqués  comme  libérateurs,  de  raser  le  pays  dejuda  tout 
entier?  (Isaïe,  VII,  18-20)  (2)  Depuis  lors,  c'était  le  parti 
égyptien  qui  ra\ait  emporté  en  Palestine,  malgré  l'opposition 


(I)  Celui  qui  désirerait  prendre  coutact  avec  ce  domaine  d'idées  consul- 
tera avantageusement  la  monographie  de  Touzard  dans  :  «  Où  en  est  l'his- 
toire des  religions.'  ■  Paris.  Letouzey.  191 1,  tome  II,  pp.  i-i53. 

(i»)  Van  IIoonacker.  La  prophétie  relatiue  à  la  naissance  d'Immanu-el, 
Rev.  Bibl..  1904,  p.  iiiiC. 


124  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

d'Isaïe  (i)  ;  même  Ezéchias,  sinon  déférent  pour  le  fils 
d'Amos,  avait  fini  par  écouter  les  avis  de  Sobna  et  par  accueil- 
lir favorablement  les  avances  de  Mérodach-Baladan  ;  son  suc- 
cesseur Manassé  s'était  compromis  plus  encore  (cfr  :  supra 
pp.  I02-I03  et  Jer.  II,  i8);  autant  d'indices  qu'on  attendait  le 
salut  par  un  autre  moyen  que  par  la  confiance  filiale  en  Jahvé. 

De  Jahvé,  d'ailleurs,  ni  de  ses  commandements  on  n'avait 
cure  :  idolâtrie,  injustice,  impuretés,  mépris  des  avis  prophé- 
tiques, défection  même  des  prêtres,  autant  d'abominations  qui 
ne  faisaient  que  se  multiplier  et  que,  du  reste,  les  prophètes 
avaient  eu  à  déplorer  à  toutes  les  périodes  de  l'histoire  du  peuple 
juif.  Rien  d'étonnant  dès  lors  à  ce  qu'on  ne  songeât  pas  à 
s'appuyer  sur  Jahvé  pour  obtenir  de  Lui  aide  et  protection 
contre  les  ennemis  d'Israël  ;  car,  que  pouvait-on  espérer  d'un 
Dieu  qu'on  n'honorait  guère  et  dont  on  respectait  si  peu  les 
préceptes? 

Sous  Josias,  il  y  eut  une  fois  encore  un  revirement  et  les 
réformes  tentées  jadis  par  Ezéchias  l'emportèrent.  Non  seule- 
ment il  fit  disparaître  du  temple  de  Jérusalem  tous  les  objets 
servant  aux  cultes  étrangers,  mais  il  renversa  tous  les  hauts 
lieux  installés  dans  le  pays,  fit  mettre  à  mort  les  prêtres  des 
rites  prohibés  ainsi  que  les  devins  et  centralisa  le  culte  à 
Jérusalem.  (2  Reg.,  XXIII,  4-28;  2  Chron.,  XXXIV,  3-7.) 
Veut-on  savoir  à  quel  degré  de  corruption  morale  et  religieuse 
le  peuple  en  était  arrivé  et  combien  opportune  fut  cette  épura- 
tion, qu'on  lise  les  vingt  premiers  chapitres  de  Jérémie  (2)  : 
presque  tous  datent  de  la  première  moitié  du  règne  de  Josias, 
pendant  la  jeunesse  duquel  les  abus  se  seront  multipliés 
impunément. 

Un  événement  religieux  de  la  plus  haute  importance  s'ac- 
complit sous  son  règne.  La  dix-huitième  année  qu'il  occu- 
pait le  trône,  en  621,  on  découvrit  le  livre  de  la  loi.  (2  Reg., 
XXII,  8  ss.;  2  Chron.,  XXXIV,  14  ss.)  Quand  le  roi 
sut  quel  écart  existait  entre  ces  saintes  exigences  de  Jahvé  et 
l'attitude  de  son  peuple,  il  manifesta  publiquement  sa  douleur. 


(i)  Cfr.  Is.,  XXX,  1-7;  XXXI.  i3. 

(2)  Excepté  VII-X,  qui  datent  du  commencement  du  règne  de  .Toïakim. 


jusqu'à   la    captivité    babylonienne.  125 

(2  Reg.,  XXII.  Il;  2  Chron.,  XXXI\',  19.)  Qu'était-ce  que  ce 
livre  de  la  loi?  Saint  Jérôme  (i)  et  saint  Jean  Chrysos- 
tome  (2)  disent  que  c'est  le  Deutéronome.  X'ous  touchons  ici 
la  question  difficile  et  épineuse  des  sources  du  Pentateuque. 
Mais  quel  que  soit  le  jugement  des  critiques  qu'on  adopte  sur 
la  date  de  rédaction  du  document  deutéronomiste  (Deut.,  V  — 
XXVI  -f-  XXVIII),  nous  jugeons  pouvoir  admettre  l'opinion  de 
Gautier  (3),  qu'  «  on  ne  songea  pas  à  inventer  quelque  chose 
de  nouveau,  d'inconnu  jusqu'alors.  On  recourut  aux  faits  les 
mieux  établis  de  l'histoire  nationale,  aux  lois  déjà  pro- 
mulguées et  codifiées,  et  au  souvenir  de  la  grande  per- 
sonnalité de  Moïse;  avec  ces  éléments  appartenant  au 
passé,  mais  rassemblés  en  un  faisceau  homogène,  on  forma 
un  livre  à  la  fois  très  antique  et  très  neuf,  et  on  lui  donna 
une  forme  impressive  en  y  insérant  d'incessantes  et  chaleu- 
reuses exhortations.  »  Nous  cro\ons  ne  pas  présumer  en 
disant  cette  explication  permise  par  le  décret  de  la  Commis- 
sion biblique  du  27  juin  1906,  répondant  au  4°,  qu'on  peut 
admettre  des  «  additainenta  post  Moysi  mortein  vel  ab  auctore  ins- 
pirato  apposita,  vel  glossaset  explicatioves  texhii  adjectas  ».  C'était 
donc  un  retour  complet  aux  int.titutions  sacrées,  aux  pratiques 
et  aux  lois  du  passé,  à  cet  ensemble  de  prescriptions  reli- 
gieuses et  morales  rappelées  constamment  et  imposées  par  les 
prophètes,  iadis  proclamées  par  Moïse  et  plongeant  leurs 
racines  jusque  dans  le  livre  de  l'Alliance  (Ex.,  XX,  23  — 
XXIII,  33  +  XXIV,  3-8).  Une  pàque  sans  égale  fut  célébrée  à 
l'occasion  de  cette  réforme  religieuse  (2  Chron.,  XXXV),  que 
Josias  eut  à  cœur  de  parachever  pendant  les  treize  années 
qu'il   vécut   encore. 

Il  devait  périr  dans  sa  résistance  aux  troupes  de  Néchao  II, 
qui,  au  début  de  608,  marchaient  vers  l'Euphrate  en  vue  de  la 
liquidation  de  Ninive.  Peut-être  Josias  s'était-il  exagéré  la 
docilité    aux    avis    des   prophètes  et  avait-il  cru  devoir  coo- 


(i)  Ado.  Jouin.  lib.  I  ;  é<Iit.  Martianay.  tome  IV.  col.  148. 
(21  Homil.  in  Mnttli.,  IX  :  MuiXK,  P.  G.,  toine  LVII.  col.  18 1. 
(3)  Gautier.  Introduction  à  l'Ancien  Testament.  Lausauue,  Kridel,  iyo6, 
I,  p.  204. 


126  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

pérer  positivement  au  maintien  de  l'ordre  de  choses  —  même 
politiques  —  existant.  Si  Jérémie  avait  demandé  «ce  qu'on  avait 
à  faire  sur  la  route  de  l'Egypte?  »  il  avait  eu  soin  d'ajouter  : 
«  qu'a-t-on  à  faire  sur  la  route  de  l'Assyrie?  »  (Jér.,  II,  i8.)  Le 
désir  du  prophète  était  donc  une  neutralité  absolue;  mais  pro- 
bablement se  disait-on  en  Palestine  et  dans  les  états  S3'riens  que 
si  les  Egyptiens  s'implantaient  là,  leur  autorité  serait  plus  réelle 
que  par  le  passé,  et  l'espoir  d'indépendance  que  nourissaient 
tous  ces  petits  peuples,  maintenant  que  l'Assyrie  était  sur  le 
point  de  disparaître,  s'évanouirait  aussitôt. 

Le  faible  contingent  du  roi  de  Juda  dut  faire  sourire  le  pha- 
raon, aussi  comprend-on  la  remarque  dédaigneuse  et  étonnée 
de  Néchao  II,  quand  Josias,  apprenant  la  marche  de  l'armée 
égyptienne  vers  l'Euphrate,  voulut  s'opposer  à  celle-ci  :  «  Que 
me  veux-tu,  roi  de  Juda?  Ce  n'est  pas  contre  toi  que  je  viens 
aujourd'hui,  mais  contre  une  maison  avec  laquelle  je  suis  en 
guerre.  ))(2  Chron.,  XXXV,  20-22.)  Rien  n'}-  fit,  et  Josias,  suivant 
parallèllement  l'armée  de  Néchao,  alla  attendre  celle-ci  aux 
plaines  de  Megiddo  (i).  Il  fut  défait,  blessé  d'une  flèche,  et 
mourut. 

Néchao  continua  sa  route  à  travers  la  vallée  de  TOronte, 
lorsque,  arrivé  à  Karkémish,  il  apprit  probablement  la  fin  et  la 
succession  déjà  partagée  de  Ninive.  Il  se  contenta  de  consi- 
dérer comme  sien  le  pays  qu'il  venait  de  traverser  et  qui,  depuis 
Toutmosis  III  et  Ramsès  II,  n'avait  plus  été  foulé  par  une 
armée  égyptienne  ;  il  installa  des  garnisons  aux  endroits  qui 
devaient  être  particulièrement  protégés  ou  surveillés  et  descen- 
dit à  Riblah  (près  du  cours  supérieur  de  l'Oronte)  recevoir 
l'hommage  des  principautés  S3^riennes. 


(j)  En  dehors  des  souveairs  peu  détaillés  de  cette  carapague  de 
Néchao  conservés  dans  2  Reg.,  XXIII,  29  ss.  et  2  Chron.,  XXXV,  20  ss., 
XXXVI,  1-4.  il  eii  est  resté  trace  dans  Hérodote,  1.  II.  ch.  109,  qui  parle  d'un 
combat  livré  à  Mivow/oç-,  localité  ((ue  M.  Maspero  (III,  p.  5i4  note  i) 
identifie  avec  îNIageddo  ou  Megiddo.  Cette  opinion  est  plus  pro- 
bable que  celle  qui  y  voit  le  ]\Iigdôl  delà  frontière  égyptienne.  (S"13?3 
Jérémie,  XLIV,  i.) 

En  fait  de  documents  égyptiens  se  rai)portant  aux  victoires  de  Néchao, 
on  n'a  qu  un  scara-bée  en  verroterie  verte  du  Musée  du  Caire  isjille  X, 
n°  743.  Cfr,  Maspero,  Guide  to  the  Caïro  il/iiseu/n,  1908,  fig   ii5,  p.  5i8). 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  127 

Là,  il  apprit,  qu'à  la  place  de  Josias,  les  Juifs  avaient  pro-     Joachaz, 

clamé  roi  son  plus  jeune  fils,   âgé  de  vingt-trois  ans,  Salloum      J<»ak|ni, 

loiâKin 
(Jér.,    XXII,    II)   ou  Joachaz.    Le    récit    biblique     {2    Reg.,     sédécias. 

XXIII,  3i)  nous  apprend  qu'il  «  fit  le  mal  aux  yeux  de  Jahvé  ». 

C'en  était  donc  fait  de  la  réforme  de  Josias  ;  Joachaz  ne  régna 

d'ailleurs   que   trois   mois;    l'Egyptien   voulut    sur    le    champ 

laire    sentir     sa     suzeraineté,    il    l'emprisonna    à    Riblah    et 

l'emmena  en  Egypte, où  il  mourut  captit.(Cfr.  }ér., XXII,  10-12,) 

Il  le  remplaça  par  son  frère  Eliakim,  âgé  de  vingt-cinq  ans, 

dont  il  changea  le  nom  en  Joïakim  (i),   et    auquel  il  imposa 

un  tribut  de  cent  talents  d'argent  et  d'un  talent  d'or,  rançon  que 

Joïakim  ne  put  payer  qu'en  taxant  son  pays. 

Après  quoi  le  pharaon  retourna  en  Egypte.  M.  Maspero  {2) 
opine,  qu'en  passant,  N^échao  II  ravagea  la  Philistie,  qui  aura 
voulu  s'affranchir  du  joug  égyptien,  lui  imposé  de  nouveau  par 
Psammétique  1.  Il  applique  à  cette  répression  l'oracle  de  Jéré- 
mie  XLVII  dont  le  titre  porte  dans  le  texte  massorétique  la 
mention  de  pharaon  et  de  la  ville  de  Gaza.  Il  se  base  sur  le 
récit  d'Hérodote  (1.  II,  ch.  i5g)  et  identifie  la  Kadytis  de 
l'historien  grec  avec  la  ville  de  Gaza.  Cette  explication  n'est  pas 
improbable. 

En  Palestine  ce  fut  le  triomphe  du  parti  égyptophile  qui 
continua  à  régir  l'opinion  jusqu'à  la  fin  du  ro3'aume  hébreu. 
Les  trois  derniers  rois  sont  caractérisés  par  la  Bible  comme 
«  avant  fait  ce  qui  est  mal  aux  yeux  de  Jahvé  ».  L'insouciance 
et  les  égarements  des  grands,  tant  de  fois  flétris  par  Jérémie, 
reprennent  déplus  belle,  et  les  sacrifices  s'ofi'rent  de  nouveau  sur 
les  «  bamoth  »  à  peine  rasés.  Aussi  le  prophète  reprend-t-il  ses 
menaces  et  ses  invectives.  Joïakim  eît  le  premier  visé.  X'on 
content  de  pressurer  le  peuple  pour  acquitter  le  tribut  imposé 
par  Néchao,  il  se  faisait  construire  une  fastueuse  demeure,  tout 
en  ne  pa3'ant  pas  ses  ouvriers  ;  il  donnait  l'exemple  de  la  rapine, 
de  l'oppression,  et  ne  craignait  pas  de  souiller  ses  mains  de 


i)   □^p"i>~^   :     «     Jahvé    fait    lever,    établit   »  ;     c'était    une    manière 

■T         ; 

(l'exprimer  sa  domiuatiou  sur  uue  personne  ou  une  ville  que  d'en  changer 
le  nom.  Cfr.  2  lie  g.,  XIV,  7. 
(2^  Maspero,  III,  p.  5i5. 


128  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

sang  innocent  ;  aussi  le  malheur  est-il  annoncé  «  aux  pasteurs 
(rois)  qui  perdent  le  peuple  de  Jahvé  et  aux  faux  prophètes 
qui  l'abusent  en  lui  promettant  la  paix  (XXIII).  Non,  si  on 
n'écoute  pas  Jahvé,  ce  temple  sera  détruit  comme  celui  de  Silo. 
Jahvé  en  fera  un  objet  de  malédiction  pour  toutes  les  nations  de 
la  terre  (XXVI,  6)». 

Cette  audacieuse  franchise  faillit  coûter  cher  à  Jérémie  ;  un 
moment  de  laveur  populaire  le  sauva  cette  fois  (XXVI,  7-16 
et  24),  mais  un  autre  prophète  qui  tenait  le  même  langage, 
Urya  de  Kiriath-Yarim,  paya  son  zèle  de  sa  vie  (Jér,,  XXVI, 
20-23).  C'est  ainsi  que,  sourd  aux  objurgations  lui  venant  des 
fidèles  serviteurs  de  Jahvé,  le  peuple  courait  à  sa  ruine  qui 
devait  être  consommée  parla  captivité  babylonienne. 

Après  le  partage  de  l'Empire  assyrien  entre  les  deux  souve- 
rains (Cyaxare  et  Nabopolassar)  dont  l'alliance  avait  déterminé 
sa  chute,  l'un  et  l'autre  eut  soin  de  faire  reconnaître  son  autorité 
aux  peuples  ressortissant  au  lot  assigné  à  chacun  d'eux. 
Tout  le  Nord  de  l'Asie  Mineure  compris  entre  l'extré- 
mité occidentale  du  Pont-Euxin  (mer  Noire)  et  la  mer  Cas- 
pienne s'était  vu  inondé  pendant  le  dernier  siècle  par  les  bar- 
bares venus  d'Europe  qui  avaient  bouleversé  et,  en  partie,  fait 
disparaître  les  civilisations  et  les  peuples  y  existant.  En  ce  mo- 
ment, toutes  ces  hordes  se  remuaient  entre  elles,  menaçant  les 
nations  voisines,  ne  sachant  au  juste  où  s'établir.  Jérémie  avait 
bien  caractérisé  ce  grouillement  en  le  comparant  à  une  chau- 
dière bouillante.  (I,  i3.)  Pendant  un  quart  de  siècle  à  peu  près 
Cyaxare  dut  s'employer  à  s'assurer  la  soumission  de  ces  masses 
hétérogènes  et  remuantes.  Poursuivant  ses  campagnes,  il  par- 
vint ainsi  à  l'Halys,  qui  formait  la  frontière  de  la  Lydie.  La 
richesse  et  la  fertilité  de  ce  pays  firent  trouver  au  monarque 
chaldéen  une  occasion  de  lui  déclarer  la  guerre.  Mais  ici  il  se 
heurta  à  un  ennemi  aux  forces  organisées. 

Nous  avons  vu  Gygès  rompre  avec  l'Assyrien,  Peu  après,  les 
Cimmériens  lui  prirent  Sardes  ;  lui-même  fut  tué  dans  le  com- 
bat et  son  cadavre  abandonné.  Les  Ass3'riens  ne  manquèrent 
pas  d'y  voir  le  châtiment  de  sa  félonie.  En  tout  cas,  Ardys,  son 
fils  et  successeur,  demanda  le  secours  des  Assyriens  :  vers  640 
leurs  armées  le  délivrèrent  des  barbares.  Désormais   la  poli- 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  129 

tique  des  Lydiens  consistera  à  laire  reconnaître  leur  suzeraineté 
aux  villes  grecques  voisines  et  jusqu'alors  indépendantes.  Le 
deuxième  (?)  successeur  de  Gygès,  Alyatte,  occupait  le  trône 
lorsqu'on  annonça  l'arrivée  des  troupes  mèdes.  Plusieurs 
années  de  luttes  ne  changèrent  rien  à  la  situation  respective  des 
belligérants  et  la  guerre  se  termina  par  le  statu  quo  territorial, 
l'Halvs  restant  la  frontière  entre  les  deux  royaumes.  Toutefois 
les  deux  peuples  avaient  fini  par  éprouver  l'un  pour  l'autre  une 
déférence  qui  aboutirait  en 585 à  une  alliance;  celle-ci  fut  scellée 
par  le  mariage  d'Aryenis,  la  fîlle  d'Alyatte,  avec  Astyage,  le  fils 
et  successeur  de  C3"axare.  Ce  dernier  était  mort  avant  588  au 
cours  des  hostilités  (i),  laissant  un  empire  qui  s'étendait 
depuis  l'Elvend  jusqu'à  l'Halys,  alors  qu'à  son  avènement  la 
Médie  n'occupait  qu'une  petite  portion  du  plateau  iranien. 

De  son  côté,  le  souverain  chaldéen,  Nabopolassar,  se  mit  en 
devoir  de  revendiquer  la  soumission  des  états  qui  lui  étaient 
échus  en  partage.  En  effet,  d'aucuns  faisaient  mine  de  ne 
plus  reconnaître  de  maître,  depuis  que  Sin-sarra-iskoun  s'était 
brûlé  dans  son  palais  ;  d'autres  se  voyaient  infestés  par  les 
hordes  cimmériennes  et  scythes  qui  parvinrent  même  à  s'em- 
parer de  Harràn  et  à  la  conserver.  L'héritier  présomptif,  Nabu- 
chodonosor,  fut  chargé  de  faire  sentir  à  tous,  que  le  nouveau 
monarque  entendait  exercer  une  domination  réelle  ;  au  bout  de 
trois  ans  le  Masios  au  Nord,  l'Euphrate  à  l'Ouest  marquèrent 
l'étendue  de  la  puissance  babylonienne.  Restait  à  reprendre  la 
Syrie  et  à  faire  comprendre  à  Néchao  qu'il  n'était  qu'un  satrape 
rebelle  (2).  En  604,  Nabuchodonosor  passa  l'Euphrate;  de 
son  côté  l'armée  ég3'ptienne  «  montait  pareille  au  Nil,  et  dont 
les  flots  bouillonnent  comme  les  eaux.  Elle  a  dit  :  je  monterai, 
je  couvrirai  la  terre,  je  détruirai  les  villes  et  leurs  habitants. 
En    avant,    chevaux!     Chars,    précipitez-vous!     En    marche 


(i)  Cfr.  Rev.  Bibl.,  1912,  p.  82,  note  3. 

(2)  Les  prétentions  de  Nabopolassar  non  seulement  sur  la  Syrie  et  la 
Phénic'ie,  mais  encore  sur  l'Egypte  elle-même  sont  clairement  expri- 
mées dans  le  troisième  livre  de  Bérose  sur  l'Histoire  chaldéenne.  Cfr. 
Fragnx   hist.  Graec,  II,  p  5o6. 

La  chancellerie  égyptienne  payait  d'ailleurs  de  réciprocité  et  qualifiait 
d'  «  enfants  de  la  révolte  >■>  les  peuples  du  Lotanou  et  du  Kharou  (Syrie). 
Maspero,  II,  p.  486,  note  2. 


l3o  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

guerriers,  Ethiopiens  et  Lybiens  qui  manient  le  bouclier! 
Lydiens  qui  manient  et  bandent  l'arc!  »  (Jér.,  XLVI,  7-9). 
Le  choc  eut  lieu  sur  les  rives  de  l'Euphrate.  près  de  Karkémish; 
l'armée  égyptienne  fut  complètement  défaite  et  la  domination 
de  l'Egypte  sur  la  Syrie  prit  fin  pour  des  siècles.  Jérémie  dut  y 
voir  la  revanche  sur  le  désastre  de  Mageddo,  car,  ironiquement, 
il  constate  que  k  pour  la  fille  d'Egypte  il  n'y  a  point  de  guérison 
et  que  les  nations  ont  appris  sa  honte.  »  (Jér.,  XLVI,  5,  6; 
10-12.)  Le  vainqueur  poursuivit  l'armée  en  fuite,  soumettant 
sur  son  passage  tous  les  anciens  tributaires.  Ceci  est  insinué 
par  2  Reg.,  XXIV,  7,  et  explicitement  confirmé  par  Bérose  qui 
parle  de  captifs  juifs,  phéniciens,  syriens  et  égyptiens,  confiés 
par  Nabuchodonosor  à  ses  généraux  pour  être  amenés  à  Baby- 
lone.  (Cfr./oc.  supra  citât.,  p.  129,  note  2)  (i). 

Le  livre  de  Daniel  nous  apprend  en  plus  que,  outre  les  cap- 
tifs et  otages  (parmi  lesquels  Daniel)  qu'il  déporta  à  Babylone, 
Nabuchodonosor  s'était  alors  emparé  une  première  fois  de 
Jérusalem,  et  en  avait  pillé  le  temple  (Dan.,  I)  (2);  c'est  donc 
en  cette  année  6o3  qu'il  faut  placer  la.  première  déportation. 

Nabuchodo-  Nabuchodonosor  comptait  poursuivre  l'ennemi  en  fuite  sur 
nosor.  gQj^  propre  territoire,  puisqu'il  était  déjà  à  Péluse,  lorsqu'il 
apprit  soudain  la  mort  de  son  père  Nabopolassar.  Craignant 
une  compétition  éventuelle  pour  la  succession  au  trône,  il  se 
contenta  du  résultat  obtenu,  abandonna  le  soin  de  reconduire 
l'armée  et  les  prisonniers  à  ses  généraux  de  confiance  et  escorté 
d'une  petite  troupe,  coupa  à  travers  le  désert  d'Arabie.  Ses 


(1)  A  lire  Fi,ave  Josèphe  dans  Ant.,  1.  X.,  cliap.  11,  §  t.  citant 
Bérose,  il  semblerait  que  celui-ci  ne  connût  qu'une  seule  expédition  de 
Nabuchodonosor  en  Palestine.  Nous  savons  par  Clément  d'Ai.exaxdkie. 
Strom..,  I,  qu'il  était  mieux  informé.  (Fragm.  hist.  Griec,,  II,  p.  coS.) 
Fi-AVE  JOSÈPHE  en  savait  d'ailleurs  lui-même  plus  long  aussi (Cfr^/i^.l.X). 

(2)  D'après  Jérémie,  XLVI,  2,  Nabuchodonosor  battit  les  Egyptiens 
la  quatrième  année  deJoïakim;  selon  Daniei,,  I,  i,  ce  fut  la  troisième 
année  de  .Toïakim  qu'il  marcha  contre  Jérusalem.  Il  se  peut  que 
dans  ce  deuxième  passage  l'auteur  assigne  comme  date  le  point  de 
départ  de  cette  expédition  dont  la  prise  de  Jérusalem  l'ut  un  des  derniers 
événements.  Fi,ave  Josèphe  se  trompe  en  disant  que  lors  de  cette  poursuite 
des  Kgyi)tieus,  Nabuchodonosor  ne  se  serait  pas  soumis  la  Judée  \Ant. 
1.  X.,  chap.  G,  §1). 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  i3i 

appréhensions  avaient  été  vaines  ;  Babylone  l'accueillit  en  vain- 
queur et  en  souverain. 

Il  comprit  que  les  circonstances  politiques  avaient  changé 
et  que  toutes  ces  contrées  sur  lesquelles  il  dominait  et 
où  l'histoire  s'était  mue  jusqu'alors,  épuisées  par  ces  luttes 
séculaires,  ne  lui  causeraient  plus  les  soucis  qu'elles  avaient 
donnés  jadis  aux  Assyriens;  d'ailleurs, le  nouvel  empire  baby- 
lonien, les  territoires  syriens  exceptés,  était  constitué  de  ces 
éléments  là  qui  jadis  s'étaient  toujours  coalisés  dans  leur  oppo- 
sition contre  Asour.  et  de  ce  chef  éprouvaient  une  certaine 
svmpathie  réciproque.  Quant  au  jeune  royaume  mède,  il  avait 
englobé  les  peuplades  encore  peu  civilisées  de  l'Est  et  du 
Nord,  mais,  somme  toute,  apparentées  aux  Mèdes,  et  par  suite 
assez  disposées  à  une  unification,  (i) 

D'autre  part,  les  deux  nouveaux  maîtres  de  l'Orient  avaient 
momentanément  tous  les  motifs  de  se  craindre  ou  de  se  ménager 
réciproquement.  Cvaxare  était  suffisamment  absorbé  par  sa 
politique  d'intérieur  pour  ne  pas  s'en  laisser  détourner  par  des 
désirs  d'empiétements  sur  l'empire  voisin  ;  Xabuchodonosor 
devait  se  dire  que,  depuis  deux  siècles,  les  Babyloniens  laissés  à 
eux-mêmes  avaient  été  écrasés  par  ces  forces  assyriennes  main- 
tenant au  service  de  son  partenaire  et  que,  si  ses  visées  s'éten- 
daient par-delà,  il  se  heurterait  aux  Lydiens  ou  à  leurs  alliés. 
Ces  circonstances  furent  cause  que  l'Orient,  naguère  le  théâtre 
de  luttes  continuelles,  connut  un  demi-siècle  de  paix  pour 
ainsi  dire  complète. 

A  l'Ouest  et  au  Sud-Ouest  l'horizon  restait  chargé  pour 
le  monarque  bab3-lonien.  La  Palestine  et  la  Syrie  avaient 
toujours  été  comme  des  états  tampons  entre  les  deux  grands 
empires  égyptien  et  assyrien  ;  de  nouveau  refoulés  au  delà  de 
rOuadi-el-Arich,  les  Egyptiens  se  devaient  au  moins  d'entre- 
tenir auprès  de  leurs  voisins  du  Nord- Est  les  intrigues  contre 
le  maître  oriental.  C'est  à  quoi  le  tenace  Néchao  s'appliqua,  en 
même  temps  qu'il  renforçait  son  armée  et  sa  flotte  qui  éventuel- 
lement pourrait  ravitailler  la  côte  syrienne,  si  elle  embrassait 
son  parti     En  Juda,    on   svmpathisait  plus  que  jamais   avec 

(i    Voir  carte.  Maspeko.  III.  p.  4^7- 


l32  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

l'Egypte.  Pourtant  Néchao  lui  avait  imposé  une  lourde  amende; 
mais  n'était-ce  pas  un  châtiment  bien  justifiable  de  l'opposition 
que  Josias  avait  osé  lui  faire?  Maintenant  que  le  Chaldéen 
reprenait  les  traditions  de  déportations  et  de  tributs  autrefois 
en  vigueur  sous  le  régime  assyrien,  ne  valait-il  pas  mieux  faire 
avec  pharaon  cause  commune  contre  l'ennemi  commun?  La 
laction  conservatrice  dirigée  par  Jérémie,  se  trouvait  par  suite 
en  bien  mauvaise  posture;  pourtant  le  prêtre  d'Anathoth  se 
souvint  qu'alors  qu'il  se  disait  encore  enfant,  il  avait  été  établi  par 
Jahvé  «  comme  une  ville  forte,  comme  une  colonne  de  fer  et  une 
muraille  d'airain  contre  les  princes  de  Juda.  contre  ses  prêtres 
et  contre  le  peuple  »  il,  6,  i8),  et  il  résolut  de  leur  exprimer 
une  fois  de  plus  la  volonté  de  Jahvé.  Il  dicta  à  Baruch  les 
paroles  proférées  contre  Juda  et  contre  les  nations  depuis  le 
commencement  de  son  ministère  prophétique  (treizième  année 
de  Josias;  jusqu'au  moment  présent,  et,  un  jour  de  jeune  extraor- 
dinaire ayant  été  publié  au  neuvième  mois  de  la  cinquième 
année  de  Joiakim,  Jérémie  ordonna  à  son  disciple  d'aller  lire  ce 
recueil  au  temple,  devant  le  peuple  accouru  pour  la  circon- 
stance de  toutes  les  villes  du  pays.  Un  certain  Michée  qui  était 
du  nombre  des  auditeurs,  voyant  l'émotion  qui  gagnait  l'assem- 
blée, descendit  au  palais  rendre  compte  de  ce  qui  se  passait. 
Les  ministres  qui  y  étaient  tous  réunis  firent  prier  Baruch  de 
venir  également  leur  lire  le  volume.  La  lecture  produisit  sur 
eux  autant  d'efi"roi  que  sur  la  foule;  ils  dirent  à  Baruch 
qu'il  leur  fallait  rapporter  au  roi  ce  qu'ils  venaient  d'entendre 
et  ils  lui  donnèrent  le  conseil  de  se  cacher  avec  Jérémie. 
Joiakim  se  fit  apporter  le  rouleau,  mais,  à  peine  eut-il  entendu 
c<  que  le  roi  de  Babylone  viendrait  détruire  le  pays»,  qu'il  saisit 
le  stylet  de  son  secrétaire,  en  laboura  les  colonnes  du  texte  et 
jeta  celui-ci  dans  le  brasier  allumé  devant  lui  ;  et  l'ordre  fut 
donné  de  rechercher  les  deux  téméraires.  Sur  ces  entrefaites, 
jérémie  dicta  une  nouvelle  édition  augmentée  dans  laquelle 
l'obstiné  et  sanguinaire  monarque  reçut  une  mention  spéciale  : 
«  Il  n'aura  pas  un  des  siens  assis  sur  le  trône  de  David  et  son 
cadavre  sera  jeté  dehors,  à  la  chaleur  pendant  le  jour  et  au  froid 
pendant  la  nuit.  Je  punirai  en  lui,  en  sa  race  et  en  ses  servi- 
teurs leur  iniquité  et  je  ferai  venir  sur  eux,  sur    les  habitants 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne,  i33 

de  Jérusalem  et  sur  les  hommes  dejuda,  tous  les  malheurs 
que  je  leur  ai  annoncés  sans  qu'ils  aient  voulu  m'écouter.  » 
(Jér.  XXXVI,  3o,  3l).  Il  faut  croire  que  la  faveur  accordée  à  la 
.cour  dejoïakim  aux  intrigues  égyptiennes,  fut  connue  à  Baby- 
lone  et  jugée  assez  compromettante  pour  mériter  un  avertisse- 
ment. Nabuchodonosor  vint  à  Jérusalem  vers  601-600  et  sa 
présence  fit  rentrer  Joiakim  dans  le  devoir  (2  Reg.,  XXIV,  i""). 

Mais  trois  ans  après  il  oublia  toute  prudence  et  se  com- 
promit au  point  que  Nabuchodonosor  lança  contre  Jérusalem 
son  armée  grossie  de  contingents  syriens,  moabites  et  ammo- 
nites (l).  Ce  durent  être  surtout  les  bataillons  chaldéens,  ren- 
forcés de  Scythes  et  de  Mèdes,  qui  excitèrent  l'épouvante  en 
Juda.  Le  prophète  Habaquq,  contemporain  de  Jérémie,  qui 
s'apitoye  surtout  sur  le  malheureux  sort  fait  à  son  pays,  les 
décrit  avec  netteté  et  précision  : 

ce  Voici  que  je  suscite  les  Chaldéens,  peuple  farouche  et  fou- 
gueux... Il  est  affreux  et  redoutable...  Ses  chevaux  sont  plus 
rapides  que  les  léopards;  plus  ardents  que  les  loups  du  soir. 
Ses  cavaliers  sont  exaltés...  ils  volent  comme  le  vautour 
pressé  de  dévorer...  la  terreur  marche  devant  lui  et  comme 
le  sable  il  entasse  les  captifs.  Il  se  moque,  lui,  des  rois  ;  les 
princes  sont  sa  risée.  Il  se  rit  des  places  fortes  quelconques  ; 
il  élève  un  remblai  de  terre  et  s'en  empare  !  Puis  l'ouragan 
change  de  direction  et  passe.  »  (Hab.,  I,  6-11,  traduction 
Van  Hoonacker.)  (2) 

Tandis  que  l'armée  babyl'onienne  était  en  marche,  Joïakim 
mourut  après  onze  ans  de  règne,  à  l'âge  de  trente-six  ans  et 
fut  remplacé  aussitôt  par  son  fils  Jéchonias  ou  Joiakin,  âgé  de 
dix-huit  ans  (3).  Son  règne  fut  éphémère;   il   dura    le    temps 


fi)   Voir  oracles  contre  Moab  et  Ainmon  :  .Jér.,  XLVIII-XLIX,  1-7. 

'21  La  description  peut  s'appliquer  aussi  à  l'irruption  de  l'armée 
chaldéenue  en  6o5-6o4- 

(3i  Le  récit  2  Uef?.,  XXIV.  6.  nous  dit  que  .Joiakim  se  coucha  avec 
ses  pères,  c'est  à-dire  mourut  de  mort  naturelle,  et  a  Jérusalem,  ce  semble. 

Le  2n>«  livre  des  Chroniques.  XXXVL  0  ss.,  relate  qu'il  aurait  été 
lié  avec  des  chaînes  d'airain,  conduit  à  Babylone  avec  les  trésors  du 
temple  et  remplacé  par  sou  fils  .Joiakin;  ce  qui  semble  bien  inclure  que 
d'après  l'auteur  des  Chroniques  .Joiakim  aurait  achevé  sa  vie  en  captivité. 
Seulement  les  LXX  ont  une  ajoute  à  XXXYI.8,  dans  laquelle  il  est  dit  que 


l34  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

quejérusalem  résista  au  siège:  trois  mois  (2  Chron.,  XXXVI,g  : 
trois  mois  et  dix  jours).  Lorsque  le  jeune  roi  apprit  que 
Nabuchodonosor  s'avançait  avec  de  nouveaux  renforts  (i), 
il  se  rendit  à  discrétion.  Il  fut  déporté  à  Babylone  avec  toute- 
sa  famille  et  sa  cour,  l'élite  de  la  nation  et  de  l'armée  et  la  fleur 
des  artisans,  qui  fut  employée  aux  travaux  de  fortification  et 
d'embellissement  de  la  capitale  chaldéenne.  Celle-ci  fut  encore 
enrichie  par  les  dépouilles  du  temple  et  du  palais  royal  de 
Jérusalem.  Parmi  les  captifs  se  trouvait  le  prêtre  Ezéchiel  qui 
devait  exercer  le  ministère  prophétique  dans  l'exil.  C'est  la 
deuxième  déportation  (5g7). 

L'oncle  de  Joïakin,  le  dernier  fils  de  Josias,  Mattanias,  âgé 
de  vingt  et  un  ans,  fut  préposé  comme  roi  à  ce  qui  restait  dans 
le  pays  et  son  nom  fut  changé  en  celui  de  Sédécias.  Néchao, 
qui  avait  entretenu  l'effervescence  en  Palestine,  n'avait  pas  osé 
se  risquer  à  soutenir  les  Juifs:  il  lut  pour  ce  motit  laissé  tran- 
quille par  Nabuchodonosor  et  mourut  deux  ans  après. 

Son  fils  Psanimétique  II,  encore  adolescent,  lui  succéda.  Son 
règne,  fort  court  d'ailleurs,  fut  signalé  par  une  reconnaissance 
poussée  en  Ethiopie.  L'armée  qui  s'y  rendit  était  composée 
d'éléments  bien  divers,  entre  autres  de  Sémites,  qui  s'immor- 
talisèrent par  leur  visite  au  grand  temple  d'Ibsamboul  (Abou 
Simbel,    non  loin  de  la    deuxième    cataracte),    construit    par 


Joïakim  se  coucha  avec  ses  pères  et  fut  enterré  à  Ganoza.  Mais  cette 
ajoute  est  une  version  de  2  Reg  .  XXIV,  1-4.  basée  sur  une  recension 
hébraïque  autre  que  celle  du  texte  massorétique.  (Cfr.  Swete,  Introdiie- 
tion  to  Ihe  old  Testament  ingreek.  Cambridge,  1902,  p.  a49  ) 

La  difficulté  tirée  de  la  contradiction  de  ces  passages  est  donc  à 
résoudre  d'après  le  caractère  particulier  du  chrouiste  «lu'oa  sait  parfois 
remanier  l'histoire  assez  librement  en  l'accommodant  à  ses  vues  et  à  ses 
principes  propres. A  lire  les  Chroniques,  on  voit  les  rois  coupables  toujours 
punis  et  précisément  Joïakim  n'avait  pas  été  des  plus  recommandables. 
(Cfr.  Gautier,  Op.  hmd.  II,  §  4^i-) 

.Jérémie.  non  seulement  dans  la  circonstance  rappelée  plus  haut, 
XXXVI,  3o,  mais  une  autre  fois  encore  avait  -prédit  à  .Joïakim  qu'il  serait 
«  enterré  comme  on  enterre  un  âne,  trainé  et  jeté  hors  les  portes  de 
Jérusalem  >>  iXXII,  19). 

L'imminence  de  l'invasion  chaldéenne  peut  avoir  été  cause  que  le 
cadavre  de  Joïakim  soit  resté  sans  sépulture. 

(I)  Le  verset  u  des  Reg.,  XXIV,  indique  une  phase  nouvelle,  différente 
de  celle  du  verset  10. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  i35 

Ramscs  II.  Comme  les  visiteurs  de  ruines  iip  to  date,  ils  y 
gravèrent  leur  nom  qui  —  et  en  cela  ils  diffèrent  des  graftites 
modernes  —  présentent  un  certain  intérêt  linguistique  (i). 
Psammétique  lui-même  resta  à  Eléphantine  et  sa  principale 
occupation  semble  avoir  été  de  reconstruire  et  d'embellir  les 
temples  d'Héliopolis  ;  en  eftet,  jusqu'à  la  première  cataracte, 
les  principaux  monuments  font  mention  de  son  nom.  Après  un 
règne  fort  pacifique  de  cinq  ans  et  demi,  il  mourut.  Apriès 
(Ouahibri  yicn  Jér.,  XLIV,  3o)  qui  lui  succéda,  était  proba- 

blement  son  trère  (2).  Le  nouveau  pharaon  n'hésita  pas  à 
continuer  la  politique  de  Néchao  II.  et  une  fois  de  plus  il  trouva 
accueil  chez  ses  voisins  du  Nord-Est.  Malgré  le  désastre  récent 
^essuyé  par  Jérusalem,  malgré  la  non-intervention  du  pharaon  au 
moment  critique,  le  parti  de  l'opposition  n'avait  pas  désarmé. 

Dès  le  début  du  règne  de  Sédécias  (3),  des  ambassadeurs 
étaient  venus  d'Edom,  de  Moab,  d'Ammon,  de  Tyr  et  de  Sidon 
pour  s'entendre  sur  un  effort  commun.  (XXVII,  3.)  Prophètes 
de  contrebande,  devins,  augures  et  magiciens,  s'évertuaient  à 
faire  accroire  au  peuple  qu'il  ne  serait  pas  soumis  au  roi  de 
Babylone,  que  les  ustensiles  de  la  maison  de  Jahvé  seraient 
bientôt  ramenés  d'exil  (XXVII,  9,  16);  un  certain  Hananias 
alla  même  jusqu'à  dire  en  la  quatrième  année  de  Sédécias,  que 
deux  ans  encore  et  tous  les  déportés,  le  roi  en  tête,  revien- 
draient à  Jérusalem  (XXVIII).  Bien  mieux,  au  milieu  même  de 
l'exil,  il  y  eut  des  agitateurs  s'arrogeant  faussement  une  mission 
divine  qui  entretenaient  l'illusion  parmi  leurs  compagnons  de 
captivité,  tels  Séméias  le  Néhélamite,  Achab-ben-Colias  et 
Sédécias-ben-Maasias.  (Jér.,  XXIX,  21,  24.) 

Chacune  de  ces  utopies,  Jérémie  la  contredisait  implacable- 
ment :  tous  ces  peuples  ont  beau  se  concerter,  ils  seront  tous 
assujettis  au  roi  de  Babylone  de  par  la  volonté  de  Jahvé. 
(XXVII,  5-j .)  Si  ces  prophètes  ont  la  parole  de  Jahvé  avec  eux. 


(1)  Voir  détails  Maspkro  III,  pp.  538 et  SSg  note  3. 

(2)  Maspkro,  III,  p.  5j2,  notes. 

(3)  La  mention  de  Joïakim  :  Jér.  :  XXVII,  i,  est  une  erreur  de  copiste, 
il  faut  lire  Sétlécias.  comme  l'ont  la  Peschito  et  la  version  arabe,  et 
comme  il  ressort  du  verset  12  du  même  chapitre  et  de  XXVIII,  i. 


l36  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

qu'ils  intercèdent  seulement  pour  que  le  reste  des  trésors  du 
temple  et  du  palais  ne  s'en  aille  pas  à  Babylone...  (XXVII, i8). 

Quant  à  Hananias  «  l'année  même  il  mourra  »  et,  en  effet,  il 
mourut  le  septième  mois  (XXVIII,  17),  et  les  agitateurs  de  la 
communauté  exilée,  le  roi  de  Babylone  les  fera  rôtir  au  feu. 
(XXIX,  22.)  Que  les  déportés  ne  se  fassent  pas  illusion,  qu'ils 
profitent  au  mieux  de  la  situation  dans  laquelle  ils  se  trouvent 
et  de  la  latitude  qui  leur  est  donnée,  pour  se  bâtir  des  maisons, 
planter  des  v^ergers,  fonder  des  foyers  et  ainsi  augmenter  leur 
nombre  pour  le  jour  où,  quand  soixante-dix  ans  d'exil  seront 
écoulés,  Jahvé  les  ramènera  dans  la  patrie.  (XXIX,  5-7,  10.) 
En  attendant,  Jérusalem  se  remplissait  des  abominations 
cultuelles  les  plus  diverses.  Jérémie  et  encore  plus  le  Voyant  de 
Tel-Abîb  nous  en  ont  conservé  le  souvenir  :  les  cultes  de 
Baal,de  Moloch  avec  ses  sacrifices  par  le  feu  (Jér.,XXXri,  35), 
des  animaux  divinisés  en  honneur  chez  les  Egyptiens,  de 
Thammouz- Adonis,  du  soleil  (i),  avaient  chacun  leurs  dévots. 

C'est  ainsi  que  d'un  côté  par  ses  infidélités  et  de  l'autre  par 
ses  imprudences  Juda  se  précipitait  à  sa  ruine  définitive. 

Vers  la  fin  de  la  neuvième  année  de  Sédécias,  Nabuchodo- 
nosor  résolut  d'en  finir.  Indécis  sur  lequel  des  coalisés  se 
lancer  d'abord,  il  interrogea  les  devins  et  résolut  d'attaquer 
Juda  (Ezéch.,  XXI,  26)  qui  était  d'ailleurs  le  centre  de  la 
révolte. 

Le  torrent  ravagea  systématiquement  le  pays  entier  et  bientôt 
il  n'y  eut  plus  que  Lachis  et  Azéca  qui  résistaient  avec  Jérusa- 
lem (Jér.,  XXXIV,  7),  lorsque  l'armée  égyptienne  que  Sédécias 
avait  appelée  à  son  secours  (Ezéch.,  XVII,  i5),  couvrit  la 
Séphéla.  L'armée  chaldéenne  crut  prudent  de  faire  volte-face  à 
l'ennemi  qui  venait  l'attaquer  de  dos  et  se  détourna  momentané- 
ment de  Jérusalem.  Déjà  toute  la  ville  exsultait,  mais  Jérémie 
de  répliquer  implacablement  :  ne  vous  faites  pas  illusion  en 
disant  :  les  Chaldéens  s'en  iront  tout  à  fait  de  notre  pa3's  ;  car 
ils  ne  s'en  iront  pas.  (XXXVII,  9.)  Il  voulut  profiter  du  répit 


(i)  Ce  culte  du  soleil  était  probablement  aussi  d'origine  égyptienne» 
riuflueuce  des  idées  persanes  n'ayant  pas  encore  pu  se  faire  sentir  Cfr. 
Ezécliiel,  YIII,  10-16  etpassiin. 


jusqu'à  la  captivité  babylonienne.  i37 

donné  par  la  levée  du  siège  pour  sauver  de  son  patrimoine  à 
Anathoth  ce  qui  avait  échappé  encore  aux  maux  de  la  guerre, 
lorsqu'il  fut  appréhendé  comme  transfuge,  fouetté  et  jeté  dans 
une  fosse  (XXXVII,  10-14).  Déjà  ses  prophéties  lui  avaient  valu 
jadis  le  supplice  des  ceps  (XX,  2),  mais  les  tourments  ne 
pouvaient  pas  clore  cette  bouche  que  Dieu  rendait  si  énergi- 
quement  diserte.  Sédécias  finit  par  craindre  que  ce  ne  fut  lui 
seul  qui  eut  raison  envers  et  contre  tous  et  il  le  fit  mander  en 
secret  auprès  de  lui.  La  réponse  fut  nette  :  tu  seras  livré  entre 
les  mains  du  roi  de  Babylone.  N'osant  plus  reculer  devant  ses 
courtisans,  le  roi  adoucit  pourtant  son  sort  en  le  faisant  garder 
à  vue  dans  une  cour  de  la  prison  où  le  peuple  avait  accès.  Le 
prophète  continua  sans  relâche  à  faire  retentir  ses  menaces 
posant  le  dilemme  ultime  :  «  Celui  qui  restera  dans  cette  ville 
mourra  par  l'épée,  par  la  famine  ou  par  la  peste,  mais  celui  qui 
sortira  pour  se  rendre  aux  Chaldéens  aura  la  vie  sauve; 
cette  ville  sera  livrée  à  l'armée  du  roi  de  Babylone  et  il  la 
prendra  ». 

Décidément,  c'en  était  trop;  ce  langage  décourageant  les 
défenseurs  de  Jérusalem  et  tout  le  peuple,  on  somma  Sédécias 
de  mettre  à  mort  ce  sinistre  patriote.  Le  roi  céda  par  crainte  et 
on  jeta  le  prophète  dans  une  citerne  de  boue,  pour  qu'il  s'y 
enlisât.  Un  eunuque  éthiopien  intercéda  pour  lui  et  Sédécias, 
d'ailleurs  inquiet,  voulut  une  fois  de  plus  le  sonder  sur  l'issue 
de  la  guerre.  Une  dernière  fois  Jérémie  lui  signifia  les  deux 
seules  solutions  possibles  :  ou  se  rendre  librement,  et  ainsi 
sauv^er  la  capitale  avec  ses  habitants,  ou  bien  en  cas  d'obstina- 
tion livrer  Jérusalem  à  la  destruction  et  ses  habitants  à  leur 
ruine.  (Jér.  XXXVII  et  XXXVIII.) 

Entretemps  l'armée  égyptienne  s'était  éclipsée  ;  une  crainte 
et  une  déférence  réciproques  auront  probablement  conjuré  une 
rencontre  qui  ne  pouvait  être  que  désastreuse  de  part  et  d'autre; 
aussitôt  le  siège  reprit  et  le  neuvième  jour  du  quatrième  mois 
de  la  onzième  année  de  Sédécias,  en  586,  une  brèche  faite  dans 
le  mur  livra  passage  à  l'armée  des  assaillants.  (Jér., XXXIX,  2, 
Rég.,  XXV,  4.)  Voyant  leur  cause  désespérée,  le  roi  et  les 
défenseurs  de  la  ville  tentèrent  de  fuir  la  nuit  par  la  porte  de 
l'angle  Sud-Est  à  travers  le  torrent  du  Cédron,  mais  les  Chai- 


l38  DEPUIS    LA    CHUTE   DE    SAMARIE 

déens  eurent  vent  de  leur  tentative  et  les  atteignirent  à  Jéricho. 
Les  rebelles  furent  amenés  à  Nabuchodonosor  qui  était  resté  à 
Riblah  (sur  l'Oronte)  pour  surveiller  les  opérations  de  son 
armée  et  l'attitude  des  pays  environnants.  Cette  fois,  il  fut  sans 
pitié.  On  égorgea  les  fils  de  Sédécias  en  présence  de  leur  père, 
on  lui  creva  les  yeux  et,  lié  par  deux  chaines  d'airain,  on  le  mena 
à  Babylone.  Quant  à  Jérusalem  elle  fut  démantelée,  le  temple, 
le  palais  royal,  les  maisons  furent  saccagés  et  brûlés;  un 
certain  nombre  de  captifs  furent  massacrés  à  Riblah,  832  per- 
sonnes déportées  à  Babylone,  et  tout  ce  qui  avait  quelque 
valeur  d'entre  les  objets  formant  le  mobilier  et  le  matériel  du 
temple,  fut  emporté  comme  butin.  C'était  la  troisième  dépoi'ta- 
tion. 

On  laissa  dans  le  pays  le  petit  peuple  qui  reçut  à  cultiver  les 
vignes  et  les  champs  ravagés  par  les  troupes  et  abandonnés  par 
leurs  propriétaires  exilés  et  à  ce  reste  fut  préposé  comme 
gouverneur  un  certain  Godolias  qui  s'établit  à  Mispah. 

La  réputation  de  Jérémie  devait  s'être  répandue  dans  le  camp 
chaldéen  ;  un  moment  confondu  avec  la  troupe  qui  partait  pour 
l'exil  et  qui  était  déjà  à  Rama,  il  fut  traité  avec  égards,  comblé 
de  présents  et  un  des  hauts  fonctionnaires,  Nabuzardan,  lui  fit 
entrevoir  une  situation  honorable  à  Babylone  ;  mais  le  fils 
d'Helcias  préféra  rester  dans  le  pays  et  il  se  rendit  auprès  de 
Godolias  à  Mispah. 

Bientôt  il  .revint  de  Moab,  d'Edom  et  de  chez  les  Ammo- 
nites des  groupes  ce  Juifs  qui  avaient  pu  s'y  réfugier  avant  que 
le  siège  devînt  définitif.  Sous  le  gouvernement  de  Godolias  ces 
débris  auraient  pu  reconstituer  une  communauté  suffisamment 
importante  pour  relever  peu  à  peu  le  pays  de  ses  ruines,  mais 
un  certain  Ismaël  de  la  famille  royale  ne  voulant  pas  entendre 
parler  de  soumission  à  l'ennemi,  tua  Godolias  quelques  mois 
après  la  ruine  de  Jérusalem.  Il  s'ensuivit  une  guerre  intestine; 
puis,  craignant  des  représailles  de  la  part  des  Chaldéens,  un 
bon  nombre  s'enfuit  en  Egypte,  entraînant  avec  eux  Jérémie  qui 
s'était  opposé,  mais  en  vain,  à  cet  exode.  Le  pharaon  leur  per- 
mit Ge  s'installer  dans  le  delta,  d'où  ils  se  répandirent  bientôt 
jusque  dans  laThébaïde.  Peut-être  est-ce  à  cette  occasion  que 
fut  fondée  la  colonie  juive  d'Eléphantine  et  si  déjà  elle  existait, 


JUSQU'A   LA    CAPTIVITÉ    BABYLONIENNE.  l39 

elle  peut  avoir  reçu  alors  un  renfort  (i).  En  Egypte  l'idolâtrie 
à  laquelle  ils  s'adonnaient  déjà  à  Jérusalem  et  dans  tout  Juda 
trouva  un  élément  nouveau,  et  Jérémie  dut  une  l'ois  de  plus 
lancer  contre  eux  ses  menaçantes  invectives.  (Pour  les  derniers 
épisodes,  voir  Jér.,  XL  à  XLI\\) 

En  58i,  la  vingt-troisième  année  de  son  règne,  Nabuchodo- 
nosor  eut  à  réprimer  un  dernier  soulèvement  des  divers  éléments 
palestiniens  contre  lui.  En  effet,  Flave  Josèphe  {AnL  1.  X, 
ch.  9,  §  7)  parle  d'une  expédition  des  Chaldéens  contre  les 
Moabites,  qui  eut  lieu  cinq  ans  après  la  ruinede  Jérusalem,  et 
qui  aurait  été  suivie  d'une  guerre  contre  l'Egypte.  (Ce  dernier 
détail  nous  ne  l'admettons  pas  Cfr.  infra).  Si  l'on  rapproche  cette 
tradition  des  oracles  de  Jérémie  adressés  à  ces  mêmes  peu- 
plades, de  même  qu'aux  Edomites  et  aux  Arabes  (Jér.,XLVIII- 
XLIX),  ainsi  que  du  renseignement  fourni  Jér.,  LU,  3o,  qui 
mentionne  la  vingt-troisième  année  de  Nabuchodonosor  une 
déportation  de  745  hommes  de  Juda,  —  la  quatrième  déporta- 
tion —  on  a  l'impression  de  trouver  en  ces  différents  endroits  des 
phases  diverses  d'un  même  événement  qui  doit  avoir  été  une 
dernière  et  vaine  levée  de  boucliers  contre  l'autorité  chal- 
déenne.  C'était  l'achèvement  de  la  ruine  annoncée  par  Ezéchiel  : 
«  Je  ferai  du  pays  une  solitude  et  un  désert,  l'orgueil  de  sa 
force  prendra  fin  et  les  montagnes  du  pays  seront  si  désolées 
que  personne  n'y  passera.  »  (XXXIII,  28.) 

La  chronologie  des  diflérentes  phases  de  la  ruine  de  Jérusa- 
lem nous  semble  assurée  par  des  données  diverses  qui  se  com- 


(i)  Les  fouilles  entreprises  dans  l'île  d'Eléphantine,  depuis  igoôdansla 
partie  Ouest  de  l'iîe  i)ar  les  Allemands  et,  depuis  i()o6  dans  la  partie  Est 
par  les  Français,  ont  mis  à  jour  dans  la  ville  égyptienne  tout  un  quartier 
juif  où  s'élevait  un  temple  à  Jahvé.  Ce  qui  a  donné  un  intérêt  particulier 
à  ces  fouilles,  c'est,  outre  la  découverte  d'ostraca  et  de  papyri  en  hiéro- 
glyphes, déinotique  et  grec,  de  diverses  époques, — celle  de  plusieurs  papyri 
araméens  datant  pour  la  plupart  de  la  domination  persane  du  cinquième 
siècle.  Lorsqu'après  la  bataille  de  Mageddo,  en  G08,  Nékao  II  amena  avec 
lui  Joachaz  comme  captif,  il  se  peut  bien  que  d'autres  Juifs  aient  été 
déportés  eu  même  temps.  En  tous  cas.  parmi  les  graffites  dibsamboul, 
tracés  par  les  expéditionnaires  de  Psammétique  II,  le  fils  de  Néchao  II 
ivoirs«/jra  p.  i35),  on  relève  des  noms  juifs;  et  la  lettre  du  pseudo-Aristée 
mentionne  que  des  soldats  juifs  ont  combattu  pour  Psammétique  contre 
le  roi  d'Ethiopie  (édit.  Swete,  p.  021,  lignes  ic5-i5). 


I40  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

plètent  les  unes  les  autres  :  au  printemps  de  608  a  lieu  la 
bataille  de  Mageddo,  dans  laquelle  périt  Josias,  et  trois  mois 
plus  tard  son  fils  Joachaz,  qui  lui  avait  succédé,  est  remplacé 
parjoiakim  dont  le  règne  dura  onze  ans. (2  Rég,  XXIII, 3i-36,) 
Le  livre  de  Daniel,  I,  i,  nous  apprend  que  la  troisième  année 
de  Joïakim,  en  6o5,  Nabuchodonosor  entreprit  son  expédition 
contre  les  Egyptiens,  qui  l'année  suivante  (au  commencement 
de  la  quatrième  année  de  Joïakim,  cfr.  Jér.,  XLIV,  2)  furent 
battus  à  Karkémish.  L'épilogue  de  cette  expédition  fut  que 
Nabuchodonosor  poursuivant  l'ennemi,  assiégea  Jérusalem  et 
Joïakim  dut  lui  livrer  une  partie  des  trésors  du  temple,  ainsi 
qu'un  certain  nombre  d'otages  pris  parmi  les  jeunes  gens 
nobles;  dans  leur  nombre  se  trouvait  Daniel.  (Dan.,  I,  1-6). 
Il  en  naquit  un  mécontentement  très  vif  qui  se  manifesta  par 
des  intrigues  nouées  avec  l'Egypte.  Elles  méritèrent  à  Joïakim 
et  à  sa  cour  un  avertissement  solennel  de  la  part  de  Jérémie,  le 
neuvième  mois  de  la  cinquième  année  de  Joïakim.  (Jér., 
XXXVI,  9  ss.),  donc  en  6o3-6o2.  Il  n'en  fut  tenu  aucun  compte, 
au  point  que  vers  601-600  Nabuchodonosor  (venu  sur  le  trône 
en  604  après  la  bataille  de  Karkémish)  se  voit  obligé  d'inti- 
mider Joïakim  par  une  manilestation  militaire.  Ceci  est  obscuré- 
ment signifié  par  2  Rég.,  XXIV,  i**.  Mais,  si  l'on  veut  tenir 
compte  des  indications  fournies  autre  part,  il  faut  de  toute 
nécessité  voir  dans  i'*  une  première  démonstration  plutôt 
bénigne  de  Nabuchodonosor,  suivie  trois  ans  plus  tard  par  la 
reddition  de  Jérusalem.  En  5gy  donc,  il  se  porte  sur  Jérusalem; 
Joïakim  meurt,  règne  de  trois  mois  de  son  fils  Joïakin  qui  se 
rend  auChaldéen  et  intronisation  de  Sédécias.  Cette  date  de 597 
est  fixée,  comme  on  le  voit,  en  décomptant  les  onze  années  de 
règne  de  Joïakim  à  partir  de  5o8,  et  d'autre  part,  par  la  mention 
du  nombre  des  captifs  déportés  à  cette  occasion  que  Jérémie, 
LU,  28,  fixe  à  la  septième  année  de  Nabuchodonosor  (monté 
sur  le  trône  en  604).  La  suite  est  facile.  Sédécias  règne  onze 
ans  ;  ce  qui  nous  amène  à  586  pour  la  ruine  définitive  de  Jérusa- 
lem, date  confirmée  encore  une  ibis  par  Jérémie,  LII,  29,  fixant 
à  832  personnes  le  nombre  des  prisonniers  déportés  alors,  en  la 
dix-huitième  année  de  Nabuchodonosor.  Cinq  ans  plus  tard 
enfin,   en  la  vingt-troisième  année   de    Nabuchodonosor  (Jér., 


JUSQU  A    LA   CAPTIVITÉ    BABYLONIENNE.  I4I 

LII,  3o),  une  dernière  déportation,  en  58i,  à  la  suite  d'une 
révolte  de  ceux  qui  étaient  restés  dans  le  pays. 

Sur  l'avant-scêne  du  théâtre  où  se  sont  déroulés  tous  les 
actes  de  ce  drame,  se  profile  une  fig;ure  superbe  par  l'intrépi- 
dité, la  Iranchise  et  la  constance  qui  l'auréolent.  Il  faut  remonter 
trois  siècles  plus  haut  dans  l'histoire  d'Israël  pour  trouver  dans 
Elie  le  pendant  du  prêtre  d'Anathoth  qui  durant  plus  de  qua- 
rante ans  tut  le  porte-parole  de  Jahvé  «  établi  sur  les  nations  et 
les  royaumes  pour  arracher  et  pour  abattre,  pour  ruiner 
et  pour  détruire  »,  mais  aussi  «  pour  bâtir  et  pour  plan- 
ter. »  (I,  9,  10.) 

Quand  on  réfléchit  aux  circonstances  dans  lesquelles 
s'exerça  le  ministère  de  ce  prophète,  quand,  comme  dit 
M.  Maspero  (i).  «  Israël  semblait  s'être  réduit  à  Jérémie  et 
à  son  disciple  Baruch  »,  on  a  limpression  que  la  force  de 
ce  héros  lui  venait  du  Dieu  qui  soutenait  et  inspirait  directe- 
ment son  envoyé. 

Cette  fois  nous  nous  trouvons  au  tournant  de  l'histoire 
d'Israël.  Il  venait  de  se  consommer,  le  châtiment  dont  tant  de 
lois  les  prophètes  avaient  menacé  l'épouse  infidèle  de  Jahvé, 
celle  qui  s'était  prostituée  aussi  complaisamment  que  fréquem- 
ment aux  divinités  étrangères. 

A  partir  de  ce  moment  c'est  la  seconde  partie  du  programme 
providentiel  qui  va  se  réaliser  :  «  la  restauration  d'Israël  ». 
«  Le  salut  du  reste  »  avait  chez  tous  les  prophètes  servi 
de  consolation  suprême  et  aussi  de  dénouement  aux  périodes 
de  châtiment  qu'ils  avaient  dû  annoncer.  S'il  est  vrai  que 
souvent  cette  restauration  avait  été  conçue  au  seul  point 
de  vue  matériel,  elle  était  subordonnée  toujours  à  la  con- 
version morale.  Celle-ci  finira  par  constituer  elle-même  le 
royaume  idéal  promis  et  tant  attendu,  quand  Celui  qui  devait  être 
l'attente  des  nations  dira  que  son  royaume  n'est  pas  decemonde. 

En  attendant,  l'expectative  nationale  des  Juifs  allait  être 
soutenue  et  animée  par  le  seul  culte  de  Jahvé  et  les  préoccupa- 


(i)  Maspero,  Histoire  ancienne,  p.  6-2^. 


142  DEPUIS    LA    CHUTE    DE    SAMARIE 

tions  d'ordre  religieux,  qui  vont  venir  à  l'avant-plan,  influen- 
ceront les  destinées  et  les  vicissitudes  politiques  qui  jusqu'à 
la  fin  tourmenteront  la  nation  juive. 

Maintenant  que  la  Palestine  était  rasée  et  vouée  à  l'impuis- 
sance, les  deux  grandes  nations  :  l'Egypte  et  la  Chaldée,  étaient 
voisines  immédiates 


4 


» 


QUATRIÈME  PÉRIODE 

Depuis  la  déportation  de  Babylone 
jusqu'à  l'époque  hellénique. 


(QUATRIÈME    PÉRIODE 

Depuis  la  déportation  de  Babylone 
jusqu'à  l'époque  hellénique. 


Lorsqu'en  587  Nabuchodonosor  avait  lâché  ses  troupes  sur 
Jérusalem,  un  détachement  était  allé  mettre  le  siège  devant 
Tyr,  également  compromise  dans  le  complot  palestinien.  La 
ville  insulaire  résista  treize  ans  et  put  capituler  honorablement, 
son  roi  Ithobaal  III  conservant  la  couronne.  Les  assiégeants 
n'en  retirèrent  aucun  avantage.  (Ezéch.,  XXIX,  17,  t8.)  (i). 
Mais  ce  long  siège  avait  affaibli  et  probablement  réduit  la 
flotte  phénicienne.  Apriès  avait  compris  l'intérêt  qu'il  }•  avait 
pour  lui  à  entretenir  également  une  flotte.  (Cfr.  supra  p.  i3i; 
Hérodote,  1.  II,  ch.  154,  §  i.)  L'occasion  de  s'en  servir  était 
tout  indiquée  et,  vers  571,  il  la  lança  sur  la  côte  phénicienne. 
Malgré  l'appui  que  leur  prêta  l'escadre  chypriote,  les  Tyriens 
lurent  défaits  et  la  Phénicie  devint  vassale  de  l'Egypte. 
(Hérodote,  1    II,  ch.  161.) 

Le  règne  du  reste  prospère  d'Apriès  devait  finir  tragique- 
ment. Quand  les  Juifs  réfugiés  en  Egypte  répliquaient  à  Jéré- 
mie  les  invectivant  à  cause  de  leur  idolâtrie,  que  du  temps  où  ils 
offraient  des   sacrifices  à  la  reine  du  ciel  (2),  ils   étaient  heu- 


(1)  Le  même  prophète  a  une  série  de  menaces  contre  Tyr  et  de  lamen- 
tations à  son  sujet:  chap.  XXVI-XXVIII,  19.  Comme  le  dit  Ezécliiel  lui- 
même,  XXIX,  18,  ces  menaces  ne  se  sont  pas  exécutées  avec  tous  les  détails 
tragiques  donnés  par  le  Voyant.  Tyr  continentale  n'aura  été  qu'un  amas 
de  cendres,  mais  T>r  insulaire  résista  opiniâtrement. 

(2)  Très  probablement  la  déesse  assyro-babylonienne  Istar  —  (Cfr. 
Le.monnyer,  La  Reine  du  ciel,  Revue  des  sciences  philosophiques  et  théolo- 
giques, 1910,  pp.  82  ssl. 


146       DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

reux,  le  prophète  les  menaça  de  la  vengeance  divine  et  ajouta  : 
«  Ceci  sera  pour  vous  le  signe  que  je  vous  visiterai  en  ce  lieu. . . 
Je  vais  livrer  le  pharaon  Hophra,  roi  d'Egypte,  aux  mains  de 
ses  ennemis  et  aux  mains  de  ceux  qui  en  veulent  à  sa  vie...  » 
(XLIV,  2g, 3o.)  Ces  paroles  qui  impliquent  l'existence  d'un  parti 
d'opposition  à  Apriès,  montrent  que  Jérémie  était  bien  au 
courant  des  circonstances  locales. 

Nous  rapportions  plus  haut  que  Psammétique  I  avait  été 
puni  de  sa  préférence  accordée  aux  troupes  des  mercenaires 
hellènes,  par  la  désertion  d'un  grand  nombre  de  soldats 
indigènes  (p.  122).  Ce  système  de  recrutement  de  l'armée  parmi 
les  étrangers,  dans  la  stratégie  desquels  les  pharaons  mettaient 
plus  de  confiance,  fut  continué  par  Néchao  II  et  Apriès.  Les 
Mashaouasha  (i),  jadis  seuls  à  la  solde  des  Egyptiens,  leur  en 
voulurent  de  plus  en  plus  de  se  voir  ainsi  évincés  et  ce  faible 
marqué  pour  les  étrangers  valut  à  Apriès  le  mécontentement 
des  prêtres  et  de  la  plèbe. 

Les  Libyens  vo3'aient  à  ce  moment  leurs  terres  mena- 
cées d'accaparement  par  les  colons  grecs  de  la  Cyrénaïque, 
qui,  affluant  de  plus  en  plus  nombreux  de  la  mère-patrie, 
essayaient  de  s'étendre  aux  détriments  de  leurs  voisins.  Dans 
ce  péril,  ils  s'adressèrent  à  Apriès  qui  convoitait  depuis  long- 
temps les  richesses  de  la  Cyrénaïque.  Pour  ne  pas  mettre  aux 
prises  des  gens  de  même  race,  il  lança  contre  les  envahisseurs 
hellènes  ses  troupes  indigènes;  elles  furent  défaites  près 
d'Irasa  et  réduites  encore  par  leur  retraite  le  long  d'une  côte 
aride.  Ceux  qui  revinrent  à  Maréa,  dans  le  delta,  crurent  à 
une  manœuvre  d'Apriès  pour  se  débarrasser  d'eux  et  les  sujets 
mécontents  du  pharaon  en  profitèrent  pour  les  pousser  à  la 
révolte.  Le  pharaon  leur  envoya  son  général  Ahmasis  pour  les 
calmer.  On  ignore  les  détails  des  pourparlers,  mais  on  connaît 
leur  issue  :  Ahmasis  fut  proclamé  roi,  l'arniée  fidèle, comprenant 


(i)  Les  Mashaouasha  étaient  d'origine  libyenne;  d'abord  établis  dans  le 
voisinage  du  delta,  ils  avaient  dû  déloger  et  s'étaient  installés  depuis 
quelque  tenii)s  sur  les  bords  du  fleuve  Triton,  près  delà  Grande  Syrte. 
Africains  comme  les  Egyptiens,  ils  fournissaient  aux  pharaons  le  gros  de 
leurs  troupes,  avant  que  ceux-ci  n'eussent  pris  à  leur  solde  les  mercenaires 
grecs,  mieux  équipés  et  plus  rompus  à  la  manœuvre  militaire. 


JUSQU  A    L  EPOQUE    HELLENIQUE.  I47 

encore  une  trentaine  de  mille  mercenaires  grecs,  défaite  près 
de  Memphis  (56g)  et  Apriès  assassiné  peu  après  par  la  popula- 
tion de  Sais. 

Ce  n'était  pas  seulement  contre  le  pharaon  que  les  prophètes 
avaient  fulminé  leurs  oracles,  c'était  avant  tout  contre  l'Egypte, 
contre  ce  paNS  que  Sennachérib  avait  appelé  en  6go  «  un 
roseau  cassé  qui  pénètre  et  perce  la  main  de  quiconque 
s'appuie  dessus.»  (2  Reg.,  XVIII,  21;  cfr.  Ezéch.,  XXIX, 
6,  7.)  Or,  c'était  bien  en  lui  que  Juda  avait  le  plus  souvent  mis 
son  espoir,  et  dans  les  événements  plus  récents  Jérémie  avait 
plus  d'une  fois  annoncé  l'invasion  des  Chaldéens  sur  la  terre 
des  pharaons.  (Jér.,  IX,  25  ;  XXV,  ig;  XLIII,  io-i3;  XLVI, 
l3-l6.)  Ezéchiel  aussi,  à  intervalles  divers,  fit  entendre  le 
même  langage.  (XXIX- XXXII.)  L'histoire  devait  donner 
raison  aux  Voyants  de  Juda,  et  si  la  ruine  définitive  ne  fut  pas 
consommée  par  Nabuchodonosor,  néanmoins  depuis  le  jour 
où  le  Chaldéen  foula  la  vallée  du  Nil,  celle-ci  ne  connut  plus 
que  de  rares  moments  d'indépendance.  La  récente  défaite  des 
forces  égyptiennes  et  l'agitation  qui  accompagna  nécessaire- 
ment le  nouveau  règne  semblèrent  à  Nabuchodonosor  des  cir- 
constances favorables  pour  tenter  un  coup  de  main.  Un  frag- 
ment d'annales  babyloniennes  nous  apprend  que  la  trente- 
septième  année  de  son  règne,  vers  568,  il  engagea  une  campagne 
contre  Ahmasou,  le  roi  d'Egypte;  mais,  tronqué  qu'il  est,  le 
document  ne  nous  renseigne  pas  sur  l'issue.  Josèphe,  y^;//.,  1.  X, 
ch.  g,  §  7,  place  semblable  expédition  la  vingt-troisième  année 
du  règne  de  Nabuchodonosor,  et  d'après  cet  auteur,  l'Egypte 
aurait  été  soumise  et  les  Juifs  qui  s'y  étaient  installés  déportés 
à  Babylone.  Ce  dernier  détail  accorde  crédit  à  la  tradition  dont 
l'historien  se  fait  l'écho,  mais  nous  préférons  la  donnée  cunéi- 
forme pour  la  fixation  de  l'année.  Les  chroniqueurs  arabes 
prétendent  que  le  conquérant  oriental  s'avança  jusqu'au  milieu 
del'Yemen;  en  tout  cas  Jérémie  (XLIX,  28-33)  sait  qu'il  frappa 
les  tribus  arabes  du  Kédar  et  du  désert  de  Syrie. 

Dans  la  Chaldée  même  il  n'y  eut  pas  d'agitation  et  Nabucho- 
donosor put,  pendant  les  quarante-trois  années  de  son  règne, 
(604-561)  rebâtir  et  restaurer  les  villes  de  son  royaume,  qui 
toutes  s'étaient  vues  envahies  au  cours  du  dernier  siècle  par  les 


148  DEPUIS    LA    DÉPORTATION    DE    BABYLONE 

maîtres  de  l'heure  :  Elamites,  Ass3Tiens  ou  Chaldéens.  Baby- 
lone,  plus  que  toute  autre,  avait  eu  à  souffrir  des  luttes  dont  elle 
constituait  le  principal  enjeu.  Quant  aux  banlieues  et  aux  cam- 
pagnes, elles  avaient  été  désertées,  personne  ne  se  risquant  à 
les  cultiver  à  ces  époques  de  continuelles  incursions  et  les  tra- 
vaux de  canalisation  et  d'endiguement  étaient  complètement 
délabrés.  L'œuvre  de  restauration,  déjà  entreprise  par  Nabo- 
polassar,  fut  continuée  par  son  fils.  La  navigation  fut  rétablie  et 
développée  sur  le  vaste  réseau  fluvial  qu'offrent  les  plaines  du 
Tigre  et  de  l'Euphrate,  l'irrigation  des  terres  perfectionnée  et 
son  fonctionnement  régulier  assuré.  La  sécurité  du  pays,  ainsi 
ranimé  par  tous  ces  facteurs  producteurs  de  richesses,  fut 
assurée  par  un  système  de  défense  aussi  étendu  que  puis- 
sant (i).  Babylone  se  vit  entourée  d'une  triple  enceinte,  percée 
de  cent  portes;  le  mur  extérieur  seul  avait  vingt-six  mètres 
d'épaisseur  (2).  Le  monarque  bâtit  la  fameuse  muraille  de 
Médie  qui  reliait  le  Tigre  à  l'Euphrate,  tirant  de  Sippar  sur 
l'Euphrate  dans  la  direction  d'Opis  sur  le  Tigre.  Cette  muraille, 
faite  de  briques  et  de  bitume  avait  devant  et  derrière  elle  quatre 
ou  cinq  tranchées  larges  et  profondes.  Cet  appareil  de  défense 
devait  ôter  aux  Mèdes  l'envie  de  se  hasarder  trop  légèrement 
sur  le  territoire  babylonien.  La  «  ziggourât  »,  ou  temple  à  sept 
étages  dédié  à  Bel-Mardouk,  jadis  érigée  par  Asaraddon  et 
Asourbanipal,  et  qui  dominait  la  ville  dont  elle  occupait  le 
centre,  fut  relevée  et  splendidement  restaurée  (3).  Nabuchodo- 
nosor  se  construisit  un  palais  célèbre  par  ses  jardins  suspendus 
ou  terrasses  fleuries  et  supportées  par  des  voûtes.  Le  décor 
mural  de  ce  palais,  tout  comme  celui  des  autres  édifices, 
empruntait  son  principal  élément  et  son  plus  grand  éclat  aux 
carreaux  émaillés,  de  couleurs  vives,  dont  les  représentations 
d'hommes,  d'animaux  et  d'objets  divers  frappaient  l'imagina- 


(i)  Cfr.  Maspeuo,  III,  pp.  562-5G5.  Perrot  et  Chipiez,  II,  passim. 
Les  documents  cunéiformes  relatant  les  restaurations  de  Nabopolassar 
et  Nabuchodonosor  sont  énumérés  :  Maspero,  III.  p.  56i,  notes  i.  2,  3. 

(2)  Pour  l'exactitude  de  ces  dimensions  et  la  description  de  ces  ouvrages 
de  défense  voir  Perrot  et  Chipiez,  II,  p.  4~7  ss. 

(3)  Voir   restitution   de    plusieurs    temples  :    Perrot  et    Chipiez,   II, 
p.  379  ss. 


JUSQU  A   L  ÉPOQUE    HELLÉNIQUE.  I49 

tion  des  Juifs  déportés.  (Ezéch.,  XXIII,  14,  i5.)  (i).  Les  autres 
villes  se  virent  de  même  embellies  et  défendues  et  de  nombreux 
temples  garnirent  les  rives  de  l'Euphrate  (2), 

La  main  d'œuvre  de  toutes  ces  constructions  fut  en  grande 
partie  fournie  par  les  captifs  syriens,  juifs,  égyptiens  et  arabes, 
déportés  au  cours  des  différentes  campagnes. 

Les  trois  successeurs  immédiats  de  Nabuchodonosor  mon- 
tèrent sur  le  trône  pour  en  être  bientôt  culbutés.  Son  fils  Evil- 
Mérodach  (Awèl-Mardouk)  est  mentionné  dans  la  Bible 
(2  Rég.,  XXV,  27-3o  ;  Jér.,  LU,  3i-34)  pour  avoir,  au  début 
de  son  règne,  tiré  de  prison  et  généreusement  traité  le  roi 
Joïakin  ou  Jéchonias,  le  fils  de  Joïakim,  qui  gisait  dans  les  fers  * 
depuis  5g7.  Pourtant,  au  jugement  de  Bérose  rapporté  par 
Josèphe  (3),  il  se  signala  par  son  injustice  et  son  libertinage  :  il 
mourut  assassiné,  au  bout  de  deux  ans  de  règne  (55g),  par  Néri- 
glissor  (Nergalsharoussour),  l'époux  de  sa  sœur.  Celui-ci 
régna  quatre  ans;  à  sa  mort  Labasi-Mardouk  encore  enfant  lui 
succéda.  La  perversité  de  son  caractère  lui  valut  de  succomber 
dans  les  tourments  après  neuf  mois.  Un  Babylonien  appelé 
Nabounaïd,  qui  avait  trempé  dans  la  conjuration,  fut  placé  sur 
le  trône  en  555.  Avec  lui  devait  finir  le  second  empire  chaldéen. 

A  rencontre  de  ses  prédécesseurs,  le  nouveau  roi  eut  peu  Nabounaïd. 
d'ambition  guerrière  ou  politique.  Fils  d'une  prêtresse  du  dieu 
Sin  (dieu  lune)  de  Hâràn,  il  n'eut  cure  de  l'administration  de 
son  royaume;  restaurer  les  temples,  rechercher  dans  leurs 
ruines  ou  leurs  soubassements  les  cylindres  de  fondation  ou 
les  documents  religieux,  remettre  en  honneur  les  divinités  des 
vieilles  villes  chaldéennes,  telles  étaient  ses  occupations  favo- 
rites. Mais  ce  règne  de  tout  repos  n'était  pas  de  circonstance, 
au  moment  où   dans   le   royaume   voisin  —  le  royaume   des 


(i)  Voir  des  spécimens  magnifiques  :  Perrot  et  Chipiez,  H,  p.  704. 

(2)  Au  musée  biblique  de  l'Université  de  Louvaiu  on  conserve  une 
brique  dédicatoire  de  temple  au  nom  de  Nabuchodonosor.  Elle  est  très 
lisible,  sauf  le  nom  de  l'endroit  qui  est  malheureusement  effrité.  Elle 
me  fut  vendue,  en  1910,  par  le  chorévèque  syriaque-  de  Jérusalem, 
Mp  Thouma,  qui  se  l'était  procurée  d'un  de  ses  parents  habitant  Bagdad. 

(3)  Contra  Apion,  1.  I,  §20. 


l5o  DEPUIS    LA    DÉPORTATION    DE    BABYLONE 

Mècles  —  les  vassaux  de  ceux-ci,  les  Perses,  qui  depuis  bientôt 
un  siècle  occupaient  l'Elam  Oriental,  allaient  de  vassaux  deve- 
nir maîtres,  et  réunir  une  fois  de  plus  sous  un  même  sceptre  les 
éléments  constituants  de  l'ancien  empire  assyro-babylonien. 

Astyage,  le  fils  et  successeur  de  Cyaxare,  ne  se  signala 
au  point  de  vue  guerrier  que  par  une  campagne  contre  les 
Cadusiens;  les  Mèdes  s'étaient  amollis  au  contact  de  la 
civilisation  des  Assyriens  et  des  Chaldéens,  et  leur  roi  était  un 
potentat  efféminé  qui  ne  connaissait  que  ses  plaisirs.  A  l'exté- 
rieur, cette  indolence  avait  permis  à  Nabuchodonosor  de  rendre 
la  prospérité  à  son  pays  et  d'en  faire  une  proie  d'autant  plus 
enviable  le  jour  où  un  plus  fort  s'en  emparerait.  A  l'intérieur, 
elle  avait  donné  une  impression  de  faiblesse  au  peuple  vassal, 
à  ces  Perses,  qui,  éloignés  davantage  du  luxe  fastueux  d'pLcba- 
tane,  avaient  conservé  l'énergie  et  l'endurance  de  leur  race. 
Aussi  c'est  de  leur  milieu  qu'allait  surgir  celui  qui  d'abord, 
devait  renverser  les  rôles  de  vassaux  et  de  suzerains  entre 
Perses  et  Mèdes,  et  ensuite  s'annexer  le  royaume  du  placide 
Nabounaïd. 

Des  trois  tribus  les  plus  importantes  des  Perses  :  celles 
des  Pasargades,  des  Maraphiens  et  des  Maspiens,  la  première 
avait  pris  la  prépondérance  et  dans  elle  la  famille  des  Aché- 
ménides  (peut-être  l'éponyme  Achéménès  est-il  purement 
Imaginatif?)  détenait  le  pouvoir.  A  partir  de  Téïspès  (v.  plus 
haut  p.  114.)  elle  exerçait  son  autorité  sur  l'Elam  Oriental  (i). 


(i)  De  Téïspès  sont  issues  deux  lignées  collatérales,  dont  l'une  ^1  régna 
sur  l'Elam,  l'autre  B  sur  les  Perses  proprement  dits. 

Achéménès 

I 

Téïspès 

I 


A       Cyrus  Ariaramuès    B 

I  I 

Carabyse  Arsamès 

I  I 

Cvrus  Hystaspès 

I 
Darius 
Cfr.  Dhorme,  Cyrus  le  Grand,  Rev.  Hibl.,  1912,  p.  26. 


jusou'a  l'époque  hellénique.  i5i 

ce  qui  explique  pourciuoi  les  souverains  perses  de  l'Elam  s'inti- 
tulaient rois  d'Ansan  (i)et  portaient  des  noms  élamites.  C'est  de 
cette  branche  des  rois  d'Ansan  que  sortit  Kouras  ou  Cyrus.  (2) 

Il  succéda  à  son  père  Cambyse  comme  roi  d'Ansan  vers  559,  Cyrus. 
et  en  553-52  il  se  révolta  contre  son  suzerain  mède  Astyage 
qui  fut  trahi  par  son  armée  et  livré  à  son  vassal.  Le 
vaincu  fut  traité  honorablement  par  le  vainqueur  qui 
l'emmena  avec  lui  dans  son  pays  et  épousa  sa  fille  Amytis; 
Ecbatane  fut  dépouillée  de  ses  trésors  au  profit  d'Ansan.  Ce 
transfert  de  suzeraineté  s'accomplit  sans  grand  retentissement; 
à  l'intérieur  il  n'y  eut  pas  de  révolution  violente  dans  l'état  de 
choses  existant,  Perses  et  Mèdes  fusionnant  à  la  cour,  dans 
l'armée  et  dans  le  gouvernement.  Toutefois  au  lieu  de  «  roi 
d'Ansan  »  Cyrus  s'appela  a  roi  de  Perse  »,  et  à  l'empire  des 
Mèdes  et  des  Perses  succéda  celui  des  Perses  et  des  Mèdes. 
Mais,  comme  le  dit  M.  de  Morgan  (3),  en  ce  qui  concernait  la 
politique  extérieure,  la  modification  était  capitale,  encore  qu'au 
premier  moment  elle  ne  fut  guère  apparente.  Si  les  Mèdes 
étaient  liés  par  traités  avec  Babylone  et  avec  Sardes,  le  nou- 
veau roi  —  dont  l'autorité  s'étendait  sur  l'Elam,  la  Perse,  la 
Médie,  la  Mésopotamie  septentrionale,  y  compris  Ninive,  et  la 
partie  de  l'Asie  Mineure  jusqu'à  l'Halys  frontière  de  la  Lydie  — 
ne  l'était  avec  personne,  et,  comme  tous  les  monarques  orien- 
taux, il  devait  user  du  droit  du  plus  fort, 

Nabounaïd  avait  profité  de  la  main-mise  de  Cyrus  sur  la 
Médie  pour  incorporer  à  son  royaume  la  ville  de  Hârân,  que 
nous  avons  vue  rester  aux  mains  des  Scythes,  et  il  y  rebâtit 
Ekhoulkhoul,  le  temple  de  Sin.  C'est  la  seule  acquisition  qu'il 


(i)  Ces  rois  perses  d'Aiisau  et  ce  pays  d'Ansan  sont  respectivement 
appelés  rois  d'Llam  et  l'Elam  dans  Jércmie,  XXV,  25,  XLIX,  Sô-Sg.  Ezé- 
chiel,  XXXII,  124,25,  pour  l'époque  de  Nabuehodouosor,  et  dans  Isaïe, 
XXI,  2,  pour  celle  de  Nabounaïd.   Maspero,  III,  p.  519,  note  i.) 

(2)  Il  n'y  a  pas  moyen  de  se  fier  aux  historiens  classiques  pour  les 
détails  qu'ils  donnent  sur  les  origines  de  Cyrus  1*).  C'est  seulement  à  partir 
de  son  avènement  que  ces  historiens  nous  fournissent  des  données  exactes 
et  que  les  cunéiformes  nous  offrent  des  relations  fidèles. 

i*j  Cfr.  Maspero,  III.  p.  ôgG.  note  i. 

i3)  Op.  laiid.,  p.  410. 


l52 


DEPUIS  LA  DEPORTATION  DE  BABYLONE 


se  permit  :  encore  était-ce  un  motif  religieux  qui  l'y  poussait; 
car  il  avait  considéré  comme  un  sacrilège  l'occupation  de  la 
ville  sainte  de  Hâràn  par  les  troupes  scytho-médiques,  et  à  son 
avis  la  chute  d'Astyage  était  une  punition  de  Sin,  pour  avoir 

ainsi   laisser    profaner    son   do- 
maine par  ces  barbares. 

Si  Nabuchodonosor  avait  é- 
vité  tout  froissement  avec  la 
Médie,  à  plus  forte  raison  Na- 
bounaïd  n'allait-il   pas   exposer 


Electrum  de  Lydie. 


Crésus 
de  Lydie. 


La    plus    ancienne    monnaie   connue. 

Attribuée  par  Madden  (*    au  règne    tout  seul    aUX  COUpS  des  PerseS 
de  Gygès  ou  Ardys.  Peut-être  est-elle 

de  Crésus?  le    peu     de     forces     vaillantes 

A/Surface  striée  (typus  fasciatus).   qu'avait  encore  son  pays.  Mais, 

r/  Excavations.  •      coc     i  j      t 

*Mxvu^^,CoinsoftheJews.-Loudon,Trnh-     dcpUlS    585,    IC    rOyaumC   dC    Lj- 

ner  et  co,  i9o3,  p.  19.  ^j^g  s'était  de  plus  en  plus  affermi 

et  le  succès  de  Cyrus  était  de  nature  à  inquiéter  Crésus,  le 
monarque  lydien.  La  paix  laite  avec  les  Mèdes  et  même 
consolidée  par  l'alliance  du  souverain  mède  avec  la  fille 
d'Alyatte  le  Lydien  (v,  supra  p.  12g),  celui-ci  s'imposa  à  la 
Troade  et  à  la  Mysie  vers  584,  ensuite  à  la  Bythinie  et  vers 
la  fin  de  son  règne,  en  566,  à 
la  Carie.  Il  mourut  en  56i, 
après  un  règne  de  quarante- 
neuf  ans  (i),  au  cours  duquel 
les  arts  riches  atteignirent  dans 
son  pays  une  finesse  remar- 
quable. Comme  la  contrée  a- 
bondait  en  or,  produit  le  plus 
estimé  pour  les  échanges,  on  y 
songea  à  timbrer  les  coupures  des  lingots,  leur  assurant  ainsi 
de  façon  officielle  un  poids  uniforme.  Ce  fut  là  l'invention  de  la 
monnaie  frappée,  dont  l'usage  devait  aussitôt  se  généraliser  (2). 
A  la  mort  d'Alyatte,  Crésus*,  né  d'une  Carienne,  eut  à  l'em- 
porter sur  le  parti  de  son  demi-frère  puiné  Pantaléon,  né  d'une 


La  plus  ancienne  monnaie  connue 
portant  inscription.  VI*  siècle.  Trou- 
vée à  Halicarnasse  Electrum. 

a/  Cerf  paissant.  Ecriture  archaï- 
que. =  «I-ANOS  EMI  2HMA. 
r/  Excavations. 


(i)  Maspero,  III,  p.  6o5,  note  i. 

(2)  Sur  l'art  lydien  voir  M.^vspero,  III,  p.  602  ss.,  et  surtout  Perrot  et 
Chipiez.  Histoire  de  l'Art,  tome  V,  Iiv.8">e  :  La  Lydie  et  la  Carie,  pp.  239-336. 


jusqu'à  l'époque  hellénique.  i53 

Ionienne.  Il  eut  bientôt  fait  de  réduire  les  féodaux  mécontents 
et  il  rendit  directement  dépendantes  de  son  empire  les  cités 
helléniques  autonomes,  tout  en  respectant  leurs  constitutions 
locales.  Possesseur  des  communautés  ioniennes,  éoliennes  et 
doriennes  du  littoral,  il  noua  des  alliances  politiques  avec  celles 
des  îles  et  avec  les  grandes  familles  de  la  Grèce  européenne. 
A  part  la  Lycie  et  la  Cilicie,  il  commandait  le  pays  depuis 
l'Anti-Taurus  jusqu'à  la  mer  Egée  et  depuis  le  Pont-Euxin 
jusqu'au  golfe  de  Pamph^lie.  Une  fois  maître  de  la  situation, 
il  fit  de  la  politique  pacifique  et  se  signala  par  une  prodigalité 
qui  devait  rester  proverbiale,  enrichissant  les  temples  des  divi- 
nités hellènes  et  s'attachant  leurs  fidèles  par  les  largesses  qu'il 
leur  faisait  distribuer.  Il  pouvait  donc,  à  bon  droit,  en  cas  de 
besoin  escompter  leur  sympathie  et  même  un  concours  effectif  de 
la  part  de  plusieurs,  et  le  moment  d'}'  faire  appel,  il  le  crutvenu 
lorsqu'il  apprit  la  chute  de  son  beau-frère  Asty âge.  Il  comprit 
que  le  désir  d'extension  et  de  domination  chez  Cyrus  ne  lui  tra- 
cerait pas  l'Halys  cojnme  limite  et  il  jugea  àpropos  d'assaillir  la 
Perse,  au  moment  où  son  roi  devait  —  comme  il  arrivait  tou- 
jours à  un  changement  de  maître  —  s'assurer  la  soumission  des 
vassaux  plus  éloignés  qui  tenteraient  de  récupérer  leur  auto- 
nomie. 

Comme  l'avait  fait  jadis  Gygès,  Crésus  demanda  et  obtint 
l'appui  de  l'Egypte,  gouvernée  par  Ahmasis.  Nabonide, 
tout  aussi  effrayé  de  la  bonne  fortune  de  son  voisin  du  Nord  et 
de  l'Est,  promit  également  son  concours  au  Lydien  ;  l'île  de 
•Chypre,  la  Phénicie,  la  Thrace  et  Sparte  envoyaient  des  con- 
tingents ou  se  préparaient  à  le  faire,  lorsque  une  trahison  déjoua 
toutes  les  combinaisons  d'une  coalition  qui  aurait  pu  être 
funeste  à  Cyrus. 

Un  Ephésien,  Eurybate,  à  qui  Crésus  avait  confié  une 
somme  importante  pour  lever  des  troupes  dans  le  Péloponèse, 
s'enfuit  auprès  du  roi  des  Perses,  et  le  mit  au  courant  de 
ce  qui  se  préparait  contre  lui.  Sans  hésiter,  Cyrus  pique 
droit,  au  mois  de  Nisan,  à  travers  le  royaume  de  Nabonide 
sur  Arbèles,  Ninive,  longe  les  pentes  du  Masios,  traverse 
l'Euphrate  et  se  trouve  en  Cappadoce. 

De  son  côté,  Crésus  franchit  l'Halvs,   s'empare   de  Ptéria 


l54       DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLOXE 

et  des  villes  voisines  et  les  deux  armées  se  rencontrent  dans 
la  plaine  au  Sud  de  Ptéria,  mais  sans  résultat.  Une  trêve  est 
conclue,  pendant  laquelle  Cyrus   s'emploie  à  travailler   sous 
mains    les     Grecs    de    la    côte    qui    n'en    restent    pas    moins 
fidèles  à  Crésus.  La  reprise  des  hostilités  lui  fut  délavorable; 
il  dut  se  replier  sur  Sardes;  sa  cavalerie  fut  débandée  dans  la 
plaine  au  Nord-Est  de  la  capitale,  laquelle  céda  au  bout  d'un 
siège  de  quatorze  jours,  vers  le  i5  novembre  546.   La  prise 
de  Sardes  et  la  prétendue  fin  tragique  de  son  roi  ont  subi  des 
versions  bien  différentes   de  la  part  des  historiens    de  l'anti- 
quité. Du  récit  d'Hérodote  (1.  I,  ch.  87  ssJ,  le  Père  Dhorme 
retient  que  le  vainqueur  resta  en  bons  termes  avec  le  vaincu, 
qui  aura  probablement  comme  Astyage   suivi    le  conquérant 
à  sa  cour   (i).   Cyrus    fit   entreprendre  par    ses  généraux  la 
conquête  des    villes   grecques  côtières  qui  lui  avaient  refusé 
leur  appui  et  auxquelles  il  ne  prétendait  plus  laisser  la  libre 
administration  que  leur  avait  octroyée  Crésus  (2)  ;    il  institua 
Tabale,   un   de    ses   officiers   perses,   comme    gouverneur   de 
Sardes,  et  chargea  un  Lydien,  Paktyas  de  lui  amener  en  Perse 
les  trésors  de  Crésus.  Lui-même  avait  hâte  de  regagner  Ecba- 
tane,  car  depuis  son  absence  les  Aryens  de  l'Est,  les  Saces 
(Sc3-thesi    et    les   Bactryens   menaçaient  d'envahir  la    Médie. 
A  mi-chemin,  il  apprend  que  Paktyas  a  fait  cause  commune 
avec  les  Ioniens  et  qu'il  assiège  Tabale.  Des  renforts  envoyés 
au  secours  de  ce  dernier  font  prendre  la  fuite  au  traître  et  le 
gouvernement  en   chef  de  toute    la  péninsule    entière  et  des 
possessions  insulaires  fut  confié  au  Mède  Harpage. 

De  545  à  53g  environ,  Cyrus  étendit  ses  conquêtes  au  Nord 
jusqu'à  la  Sibérie,  par  delà  le  lac  actuel  d'Aral  et  l'Iaxarte 
(aujourd'hui  le  Syr-Daria  ou  Sihoun),  garnissant  ces  provinces 
nouvelles  de  forteresses,  à  l'Est  jusqu'aux  montagnes  du  Tur- 
kestan  chinois,  jusqu'en  deçà  de  l'Indus  et  au  Sud  jusqu'à  la 
mer  Erythrée  qui  baignait  la   Gédrosie  (3),  introduisant  ainsi 


(1)  Rev.  Bibl.,  J912,  p.  34. 

i>)  Ce  fut  à  cette  occasion  que  les  Phocéens  préférant  l'exil  à  la  perte 
de  l'iudépeudance,  s'en  furent  fonder  Marseille. 

i3)  Aujourd'hui  le  Mékran  et  le  Béloutchistan.  (Voir    carte  5  «<  Reich 
Alexanders  des  Grossen  »  du  Putz"-er's  Schiil-AHas.) 


jusqu'à   L'ÉPOgUE    HELLÉNIQUE.  l55 

«  dans  la  vie  générale  du  monde  asiatique  des  peuples  qui  lui 
étaient  demeurés  étrangers  jusqu'alors  »  (i). 

Ayant  ainsi  entamé  l'Asie  Orientale, il  ne  lui  restait  plus,  pour 
être  maître  de  toute  l'Asie  Occidentale,  que  de  s'emparer  de  la 
Babylonie,  entreprise  dont  l'état  de  faiblesse  du  pays  et  le 
peu  de  prestige  du  souverain  régnant  devaient  faciliter  l'exé- 
cution. 

La  piété  bigote  de  Nabonide  était  devenue  compromettante. 
En  effet,  il  lui  prit  la  manie  de  rassembler  à  Babylone  les 
statues  des  dieux  des  principales  villes  de  l'antique  Chaldée; 
mais  c'était  là,  d'après  les  idées  religieuses  du  temps,  priver 
les  cités  de  leurs  défenseurs  attitrés  et  suprêmes.  Aussi  le 
mécontentement  de  ses  sujets  alla-t-il  toujours  croissant. 
Bientôt  il  eut  la  folie  des  apparitions,  au  point  que  la 
septième  année  de  son  règne  (548)  il  fut  relégué  à  Tèmà  (2)  et 
remplacé  dans  l'exercice  du  pouvoir  par  son  fils  Bel-sar-ousour 
(Balthazar)   (3).    La  chronique  babylonienne  Nabonide-Cvrus 


(i)  Maspero,  III,  p.  625. 

(2)  Il  n  est  guère  possible  d'identifier  cette  Tèmâ  avec  la  Teima  du  X.-O. 
de  l'Arabie  au  X.-E.  d'el-'Ela.  Cette  ville  doit  avoir  été  située  dans  le  Nord 
de  la  Babylonie,  car  au  commencement  de  Xisan  de  la  neuvième  année, 
lors  du  décès  de  sa  mère  à  Dour-Karasou  (sur  l'Euphrate,  eu  amont  de 
Sippar),  Xabonide  s'est  trouvé  auprès  du  cadavre  de  la  défunte,  comme  il 
ressort  de  l'inscription,  trouvée  par  M.  Pognon  à  Eski-Hàràu  :  ce  qui 
n'eut  pas  été  possible  à  Xaboinde,  s'il  s'était  trouvé  à  ce  moment  dans 
la  lointaine  Arabie.  Cfr.  Rev.  Bibl.,  1908,  j).  i3o  ss.  et  1912,  p.  3~,  note  7. 

(3)  Le  rapprochement  entre  la  chronique  Xabouide-Cyrus  et  le  récit  du 
livre  de  Daniel,  IV.  Y,  s'impose,  quant  à  la  nature  des  faits  racontés  ; 
il  y  a  différence  quant  aux  personnages  dont  il  est  question.  Dans 
Daniel,  c'est  X'abuchodouosor  qui  est  atteint  de  folie  et  Balthazar  est 
constamment  désigné  comme  son  fils.  Ce  livre  ne  parlant  pas  d'un 
autre  monarque  babylonien  qui  aurait  régné  entre  les  deux,  il  semble  faire 
de  Balthazar  le  successeur  immédiat  de  Xabuchodonosor.  Or,  la  chronique 
babylonienne  nous  donne  comme  ses  successeurs  sou  fils,  Awèl-Mardouk, 
puis  Xériglissor  et  Labasi-Mardouk.  Xabouide,  lui,  était  étranger  à  la 
lignée  précédente.  Un  autre  passage  biblique,  2  Rég.,XXV,  27,  connaît,  lui 
aussi,  Evil  Mérodach  comme  le  fils  et  successeur  de  Xabuchodonosor. 
Il  faut  donc  lire  le  nom  de  Xabonide  à  la  place  de  celui  de  Xabuchodonosor 
dans  les  deux  chapitres  mentionnés  de  Daniel.  On  sait  que  le  texte  de  ce 
livre,  dont  on  ignore  encore  s'il  a  été  composé  primitivement  en  hébreu  ou 
en  araméen,  a  été  fort  maltraité,  ainsi  qu'il  ressort  de  la  comparaison 
entre  les  LXX  et  le  texte  massorétique. 


i56 


DEPUIS  LA  DEPORTATION  DE  BABYLONE 


est  mutilée  après  la  onzième  année;  à  la  dix-septième, 
elle  mentionne  à  nouveau  la  présence  de  Nabonide  à 
Babylone,  où  il  sera  peut-être  revenu  vers  la  quatorzième 
année  (542)  et  où  les  fêtes  religieuses  interrompues  par  son 
absence  se  célèbrent  derechef. 

La  fin  était  proche,  et  le  malaise  général.  Les  dieux 
avaient  continué  à  affluer,  mais  on  les  disait  fort  marris  de  ce 
séjour  forcé  loin  de  leurs  sièges  respectifs.  Mardouk,  de 
son  côté,  souffrait  dans  son  prestige,  depuis  que  les  honneurs, 
qui  lui  avaient  été  réservés  exclusivement  jusque  là,  il  les  lui 
fallait  maintenant  partager  avec  ses  compagnons  de  divinité  ; 
en  tous  cas,  le  C3dindre  de  Cyrus  (i)  nous  apprend  que 
«  Mardouk  jeta  les  3^eux  sur  toutes  les  régions  d'alentour,  il  les 
fouilla  du  regard^  il  3^  chercha  un  prince  juste,  un  homme 
qui  fut  selon  son  cœur  et  qui  put  lui  saisir  les  mains.  Il  appela 
Kuros,  roi  d'Ansan;  et  il  désigna  son  nom  à  la  souveraineté 
sur  toute  la  terre  ».  C3'rus  devait  être  aussi  «  l'oint  de  Jahvé 
que  celui-ci  tient  par  la  main  pour  terrasser  les  nations  devant 
Lui  )),  il  devait  être  «  le  pasteur  de  Jahvé  accomplissant  toutes 
ses  volontés  :  que  Jérusalem  soit  rebâtie  et  que  le  temple  soit 
refait!  »  (Is,  XLV,  i;  XLIV,  28.)  C'est  Jahvé  qui  a  suscité  du 
Nord  et  du  Levant  celui  qui  comme  de  la  boue  piétine  les 
princes  (XLI,  25). 


Les  Juifs 

en 
Babylonie. 


Depuis  l'entrée  en  scène  du  nouveau  dominateur  de 
l'Orient,  les  Juifs  entrevoyaient  la  possibilité  du  retour  dans 
la  patrie. 

A  part  l'épisode  de  la  délivrance  de  Joiakin,  qui  termine 
le  second  livre  des  Rois,  nous  n'avons  plus  de  renseigne- 
ments directs  dans  les  écrits  historiques  de  la  Bible,  concer- 
nant l'exil  babylonien  depuis  58 1.  Les  principales  sources 
d'informations  sont  le  livre  d'Ezéchiel  et  les  chapitres  XL-LV 
d'Isaïe  (2). 


(i)  BRnisii  MusKUM,  II"  oi^OSO.  Voir  :  A  guide  to  the  babylonian  and  assy- 
riun  untiquilies,  \)i).  19G,   197. 

(2)  Le  dubinin  3""'  du  décret  de  la  Commissiou  biblique  du  2g  juin  1908 
u  De  libri  Isuioi  indole  et  auclore»  dit  que  dans  ces   chapitres  «vates... 


jusqu'à  l'époque  hellénique.  i57 

Il  semble  bien  que  les  déportés  aient  été  traités  humaine- 
ment. Sans  doute,  ils  auront  dû  exécuter  les  corvées  que 
réclamaient  les  travaux  de  fortification  et  d'embellissement 
entrepris  par  Nabuchodonosor.  Mais  à  part  cela,  il  rassort  des 
textes  que  leur  situation  était  supportable.  Ils  avaient  pu  bâtir 
des  maisons,  planter  des  jardins  (Jér.,  XXIX,  4),  former  des 
villages  au  bord  des  cours  d'eau  et  des  canaux  (Ezéch.,  I,  i, 
III,  i5;  Esdr.,  VIII,  i5-ij\  Ps.,  i37;  Vulg.,  i36,  vers,  i)  (i). 
Les  anciens  du  peuple  avaient  gardé  le  même  prestige  qu'ils 
exerçaient  dans  la  patrie  (Ezéch..  VIII,  i;  XIV,  i;  XX,  i)  : 
ce  qui  semble  prouver  que  les  communautés  juives  s'admi- 
nistraient avec  une  certaine  autonomie.  Même  beaucoup 
d'entre  les  exilés  s'acclimateront  si  bien,  qu'au  moment  de 
l'édit  de  délivrance,  ils  préféreront  rester  dans  le  pays,  où  ils 
prospéreront  à  tel  point;  que  cinq  siècles  plus  tard  les  floris- 
santes colonies  juives  de  Babylonie  feront  remonter  avec  orgueil 
leurs  origines  aux  temps  de  la  captivité  et  que  jusqu'au 
haut  Moyen-Age  les  écoles  rabbiniques  de  cette  même  Bab}- 
lonie  seront  célèbres  par  leurs  docteurs  et  les  travaux  exégé- 
tiques  de  ceux-ci.  Mais  si  un  bon  nombre  de  ceux  qui  par  leur 
travail  pouvaient  se  procurer  l'entretien  ou  même  prétendre  à 
une  condition  aisée,  s'étaient  ainsi  faits  à  ce  milieu  étranger, 
il  n'en  était  pas  de  même  de  ces  courtisans  dont  naguère  les 
pères  vivaient  opulemment  dans  l'oisiveté,  ni  surtout  des 
prêtres  qui  ne  pouvaient  songer,  sans  une  amère  tristesse, 
à  l'autel  de  Jahvé  délaissé,  et  l'on  comprend  l'accent  pénétrant 
de  leur  douleur  intime  quand  on  leur  demandait  de  s'égayer 
dans  la  terre  d'exil,  et  de  chanter  un  cantique  de  Sion  : 
<c  Comment  chanterions-nous  le  cantique  de  Jahvé  sur  une 
terre  étrangère?  «  Nfe  nous  étonnons  pas  trop  d'entendre  le 
Juit  qui  ne  connaissait  que  la  loi  du  talion  exprimer  férocement 


Juda>os  in  exilio  bal)ylonico  lugentes  veluti  iiiter  ipsos  vivens  alloquitur  et 
solatur  ». 

(i)  Le  verset  22  du  chapitre  XLII  d'Isaïe  semble  être  un  tableau  chargé 
de  la  condition  dans  Ia(|uelle  se  seraient  trouvés  les  exilés.  Tout  au  plus 
pourrait-on  y  voir  un  châtiment  plus  sévère  infligé  aux  coupables  des 
toutes  dernières  révoltes.  Les  autres  textes  allégués  ne  permettent  cer- 
tainement pas  d'étendre  cette  situation  à  tous  les  déportés. 


l58       DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

sa  haine  et  sa  rancune  :  «  Fille  de  Babylone  vouée  à  la  ruine, 
heureux  celui  qui  te  rendra  le  mal  que  tu  nous  as  fait!  heureux 
celui  qui  saisira  tes  petits  enfants  et  les  brisera  contre  la 
pierre.  »  (Ps.,  CXXXVII;  Vulg.,   CXXXVI,  8,  9.) 

Pourtant,  du  milieu  des  lamentations,  s'élevaient  des  cris 
d'espoir  et  l'annonce  de  la  restauration.  Jérémie,  lui-même,  qui 
n'avait  cessé  de  menacer  Israël  de  la  colère  divine,  n'avait  pu 
s'abstenir  de  faire  entrevoir  la  fin  des  maux,  avant  même  que  le 
désastre  fût  complet.  «  C'était  à  cause  de  la  multitude  de  ses 
iniquités,  de  la  grandeur  de  ses  péchés,  qu'Israël  avait  vu  fondre 
sur  lui  toutes  ces  calamités,  mais  Jahvé  pansera  ses  plaies  et  les 
guérira.  Il  fera  une  alliance  nouvelle  avec  la  maison  de  Juda 
et  la  maison  d'Israël,  Il  mettra  sa  loi  au  dedans  d'eux  et  l'écrira 
sur  leur  cœur,  Il  sera  leur  Dieu  et  eux  seront  son  peuple.  De 
même  qu'il  a  fait  venir  sur  ce  peuple  tous  ces  grands  malheurs, 
de  même  II  fera  venir  sur  eux  tout  le  bien  qu'il  leur  promet, 
car  II  fera  revenir  les  captifs  et  les  rétablira  comme  ils  étaient 
autrefois  après  les  avoir  purifiés  de  toute  leur  iniquité  w.  (Jér., 
XXX-XXXIII.) 

Ce  fut  surtout  le  thème  d'Ezéchiel  que  le  châtiment  devait 
servir  à  la  purification  du  peuple  et  à  la  manifestation  de  Jahvé 
aux  nations  étrangères.  Déjà  lorsque  Jahvé  faisait  dresser  par 
son  prophète  le  réquisitoire  de  tous  les  griefs  qu'Israël  avait 
accumulés  à  son  passif  dans  tout  le  cours  de  son  histoire, 
Il  avait  donné  à  entendre  qu'il  devait  à  son  Saint  Nom  de  res- 
taurer son  peuple,  après  le  châtiment,  pour  qu'il  Le  glorifiât. 
(Ezéch.,  XXXVI,  20-23.)  Maintenant  Jahvé  va  prendre  soin 
de  ses  brebis  ;  en  fait,  ce  sont  les  pasteurs  qui  ont  égaré  son 
troupeau  :  aussi  II  en  prendra  soin  Lui-même,  Il  rassemblera 
ses  brebis  des  divers  pays  et  les  fera  paître  sur  la  montagne 
d'Israël.  Il  écartera  toutefois  les  éléments  revêches  et  susci- 
tera en  faveur  des  autres  comme  pasteur  son  serviteur  David. 
Pour  que  les  Juifs  puissent  brouter  les  pâturages  de  Juda  en 
pleine  tranquillité  les  Edomites  qui  se  sont  emparés  du  pays 
seront  exterminés;  alors  les  montagnes  d'Israël  pousseront 
leurs  rameaux  et  porteront  leurs  fruits  ;  alors  les  villes  seront 
habitées,  les  ruines  rebâties;  les  Juifs  seront  son  peuple  et 
Jahvé  sera  leur  Dieu;  les  deux  maisons  d'Israël   et   de  Juda 


jusqu'à  l'époque  hellénique.  iSg 

seront  à  nouveau  réunies  et  les  nations  voisines  sauront  que 
Jahvé  a  rebâti  ce  qui  étaitrenversé.(Ezéch.,XXXIV-XXXVII.) 
Le  prophète  se  complait  dans  une  restauration  idéale  du 
temple,  du  culte  —  dans  lequel  désormais  seuls  les  fils  de 
Sadok  officieront  comme  prêtres,  à  cause  de  la  constante  fidé- 
lité à  Jahvé  qu'a  montrée  cette  branche,  —  dans  un  rituel  de 
fêtes  qui  rappelleront  sans  cesse  aux  Juifs  les  bienfaits  de  Dieu 
et  leurs  obligations  à  son  égard  et  dans  une  réintégration  com- 
plète des  territoires  jadis  occupés  par  les  douze  tribus.  (Ezéch. , 
XL-XLVIII.) 

Consolantes  aussi  retentissaient,  aux  heures  de  décourage- 
ment et  d'impatiente  attente  du  retour,  les  voix  de  salut  qui 
disaient  «  que  les  corvées  étaient  finies,  que  le  péché  était 
expié  ».  ((  Montez,  montez  sur  une  haute  montagne,  vous  qui 
portez  à  Sion  la  bonne  nouvelle...,  dites  aux  villes  de  Juda  : 
voici  le  Seigneur  Jahvé  qui  vient  avec  puissance...  Voici  qu'ils 
seront  confondus,  couverts  de  honte  tous  ceux  qui  sont 
acharnés  contre  toi,  Israël...  Ne  crains  rien,  vermisseau  de 
Jacob,  petit  ver  d'Israël,  moi,  je  viens  à  ton  aide,  déclare 
Jahvé;  ton  rédempteur  est  le  Saint  d'Israël...  Ne  crains  rien, 
car  je  suis  avec  toi.  De  l'Orient  je  ramènerai  ta  race,  de  l'Occi- 
dent je  te  rassemblerai.  Je  dirai  au  Nord  :  rends-les  et  au 
Midi  :  ne  les  retiens  pas!...  Tu  m'.as  accablé  de  tes  péchés,  tu 
m'as  fatigué  par  tes  iniquités  et  c'est  pourquoi  j'ai  livré  Jacob 
à  l'anathème  et  Israël  aux  outrages...  mais  maintenant  ne  crains 
rien,  mon  serviteur  Jacob,  Israël  mon  bien-aimé  que  j'ai  élu.  Je 
répandrai  mon  esprit  sur  ta  postérité  et  ma  bénédiction  sur 
tes  descendants...  Ainsi  parle  Jahvé  à  son  Oint,  à  Cyrus  : 
à  cause  de  mon  serviteur  Jacob  et  d'Israël  mon  élu,  je  t'ai 
appelé  par  ton  nom,  je  t'ai  qualifié  sans  que  tu  m'aies  connu... 
C'est  lui  qui  rebâtira  ma  ville  et  renverra  mes  exilés,  sans 
rançon  et  sans  compensation,  dit  Jahvé  des  armées.  »  (Is.,  XL- 
XLV.)(i) 

Babylone  avait  été    l'exécutrice  des   châtiments  divins  que 


(I)  Pour  une  analyse  succincte  des  idées  religieuses  émises  à  l'occasion 
des  prophéties  de  restauration  dans  les  recueils  prophéti(iues  d'Isaïe, 
.Tért'nnie  et  Ezéchiel,  cfr.  Touzard  :  Où  en  est  l'histoire  des  religions  ?  II  i 
La  religion  d'Israël  peudaut  l'exil,  pp.  gô  ss. 


l6o  DEPUIS    LA   DÉPORTATION    DE    BABYLONE 

Jahvé  avait  infligés  à  son  peuple  prévaricateur;  elle  aussi  avait 
offensé  l'Eternel  par  son  orgueil,  alors  qu'elle  n'avait  été  que 
l'instrument  de  sa  vengeance  et  sa  fin  n'allait  pas  tarder. 

Jérémie,  qui  constamment  avait  menacé  ses  contemporains 
des  rigueurs  de  Babylone,  et  même  engagé  les  déportés 
à  prier  pour  la  ville  où  ils  avaient  été  amenés  en  captivité 
(XXIX,  7),  avait  pourtant  réservé  à  cette  cité  un  oracle  d'impi- 
toyable extermination  d'après  lequel  «  Babel  ne  sera  plus 
qu'un  monceau  de  pierres,  un  repaire  de  chacals,  un  sujet  de 
stupeur  et  de  moquerie,  sans  habitants,  les  autruches  y  feront 
leur  demeure,  jamais  plus  personne  n'y  habitera,  elle  sera  sans 
habitants  d'âge  en  âge,  comme  lorsque  Dieu  détruisit  Sodome 
et  Gomorrhe  ■».  (Jér.,  L  et  LI.) 

Tout  aussi  dramatique,  mais  autrement  ironique  était  la  voix 
qui  devait  faire  la  satire  de  ce  bazar  de  divinités  : 

Bel  fléchit,  Nébo  tombe  ; 

leurs  idoles  sont  mises  sur  des  bêtes  de  somme, 

chargées  et  portées  à  grand'peine. 

Ils  fléchissent,  ils  tombent  ensemble, 

ils  ne  peuvent  préserver  ce  fardeau  ; 

eux-mêmes  sont  emmenés  captifs!     Isaïe,  XL VI,  i,  2. 

Et,  implacablement,  elle  poursuit  : 

1.  Descends,  assieds-toi  dans  la  poussière, 
vierge,  fille  de  Babylone  ! 

Plus  de  trône,  assieds-toi  à  terre, 
fille  des  Chaldéens! 
Plus  jamais  on  ne  t'appellera 
délicate  et  voluptueuse  ! 

2.  Prends  la  meule,  va  moudre  la  farine; 
ôte  ton  voile;  - 
Relève  ta  robe,  découvre  tes  jambes, 
traverse  les  rivières  ! 

3.  J'exercerai  ma  vengeance  implacable 
dit  notre  4.  rédempteur; 

Son  nom  est  Jahvé  des  armées, 
le  Saint  d'Israël! 


JUSQU'A   LÉPOOUE    HELLÉNIQUE.  l6l 

Assieds- toi  en  silence,  enfonce-toi  dans  l'ombre, 

fille  des  Chaldéens  ! 

Plus  jamais  on  ne  t'appellera 

la  souveraine  des  royaumes  ! 


6.  J'étais  fâché  contre  mon  peuple  : 
J'ai  laissé  profaner  mon  héritage, 
et  je  l'ai  livré  en  tes  mains. 

Tu  n'en  as  pas  eu  de  pitié  ; 

sur  le  vieillard  tu  fis  peser  ton  joug. 

7.  Tu  disais  :  «  Je  durerai  toujours, 
à  jamais  souveraine  !  » 

Et  tu  n'y  as  point  réfléchi  ; 
tu  ne  pensais  pas  à  la  fin. 

8.  Ecoute  donc  ceci,  voluptueuse, 
assise  en  ta  sécurité  ; 

Toi  qui  disais  dans  ton  cœur  : 
«  Moi,  personne  autre  que  moi! 
Je  ne  connaîtrai  pas  le  veuvage, 
je  ne  serai  pas  sans  enfants  !  » 

9.  Ces  deux  malheurs  t'arriveront 
soudainement,  en  un  seul  jour, 

la  privation  d'enfants  et  le  veuvage, 
à  la  fois  ils  t'accableront. 
Malgré  tes  nombreux  sortilèges 
et  tes  puissants  enchantements  ! 

10.  Tu  te  fiais  à  ta  malice, 

et  tu  disais  :  «  Nul  ne  me  voit  !  » 
Ta  sagesse  avec  ta  science 
ont  causé  ton  égarement  ; 
Alors  tu  disais  dans  ton  cœur  ; 
«  Moi,  personne  autre  que  moi!  » 

11.  Mais  un  malheur  fondra  sur  toi, 
que  tu  ne  sauras  conjurer; 

Et  la  ruine  t'accablera, 
sans  que  tu  aies  pu  l'écarter  ; 
Elle  fondra  sur  toi  soudain, 
et  ses  coups  seront  imprévus! 


102  DEPUIS    LA    DÉPORTATION    DE    BABYLONE 

12.    Garde  donc  tes  enchantements, 
et  tes  sortilèges  nombreux, 
où  tu  peinas  dès  ta  jeunesse! 
Peut-être  ils  pourront  te  servir  ; 
peut-être  ils  te  rendront  terrible  ! 

i3.    De  tant  consulter  es-tu  lasse? 

Qu'ils  se  lèvent  donc,  qu'ils  te  sauvent. 
Ceux  qui  font  la  carte  du  ciel, 
et  qui  observent  les  étoiles 
Et  te  font  savoir  chaque  mois 
d'oîi  viendront  les  événements  ! 

14.    Les  voilà,  tels  des  brins  de  paille  : 
Au  feu  ils  seront  consumés. 
Ils  ne  pourront  pas  s'échapper 
hors  des  étreintes  de  la  flamme  : 
Braise,  mais  point  pour  se  chauffer, 
ni  foyer  pour  s'asseoir  devant  ! 

i5.    Tels  ils  seront  alors  pour  toi, 
ceux  avec  qui  tu  as  peiné 
dans  la  magie,  dès  ta  jeunesse, 
ris  se  disperseront  chacun  chez  soi  ; 
et  tu  n'auras  point  de  sauveur!  Isaïe,  XLVII. 

{Traduction  Condamin.)  (i). 

Au  mois  de  Tammouz  (juin/juillet)  de  la  dix-septième  année 
de  Nabonide  {53g)  les  armées  babyloniennes  et  perses  se  ren- 
contrèrent à  Opis  sur  le  Tigre.  Cyrus  est  vainqueur.  Un  mois 


(Il  En  fait,  Babylone  ne  sera  pas  dévastée,  ni  ses  dieux  profanés,  ainsi 
que  le  voulaient  Jérémie  et  Isaïe.  Comme  le  dit  le  Père  Condamin  :  «  Les 
inscriptions  cunéiformes  nous  apprennent  que  le  vainqueur  entra  dans 
Babylone  sans  coup  férir.  Le  prophète  connait  d'avance  par  révélation 
divine  la  victoire  de  Cyrus  sur  les  Clialdéeus  et  la  délivrance  des  exilés  qui 
suivra;  mais  il  ne  semble  pas  avoir  eu  des  lumières  spéciales  sur  la  manière 
dont  Cyrus  deviendrait  maitre  de  Babylone.  Il  représente  donc  ce  qui  se 
passe  d'ordinaire  en  iiareille  circonstance;  il  considère  la  façon  habituelle 
dont  les  païens  traitent  leurs  dieux  et  en  sont  traités;  son  argumentation 
pour  être  juste  ne  demande  rien  de  plus.  (Condamin,  Op.  laud.,  pp.  284,  285.) 

Quant  au  mode,  à  la  façon  dont  l'empii-e  clialdéen  prendra  fin,  le  pro- 
phète semble  laissé  à  ses  propi'es  conjectures,  et  il  s'en  tient  aux  vrai- 
semblances. (Id.,  p.  290.) 


jusqu'à    L'ÉPOyUE    HKLLÉXIOUE.  l63 

après,  le  14  Tesrit,  il  s'empare  de  Sippar  où  s'était  réfugié 
Nabonide  qui  se  retire  alors  dans  Babylone. 

Pendant  que  Cyrus  s'était  ainsi  mis  aux  prises  avec  le  gros 
des  troupes  chaldéennes  concentrées  près  d'Opis,  il  avait 
détaché  une  division  de  son  armée  et  l'avait  confiée  au  gouver- 
neur du  pa\'s  de  Goutioum  :  Goubarou,  pour  qu'il  entamât  le 
siège  de  Babylone.  Goubarou,  tout  comme  un  autre  général  de 
ses  amis,  Gadatas,  étaient  des  transfuges  babyloniens,  ayant  eu 
jadis  à  se  plaindre  du  roi  de  Babylone.  Ce  Goubarou  (le  Gobryas 
de  Xénophon)  connaissait  la  situation  topographique  et  straté- 
gique de  la  place  et  se  rendait  compte  qu'un  blocus  en  règle 
allait  durer  longtemps,  vu  les  épaisses  fortifications  de  la  ville. 

L'affirmation  du  cylindre  de  Cyrus,  ligne  17  :  '<  sans  combat 
ni  bataille  Mardouk  le  fit  entrer  dans  Babylone  )>,  semblerait 
inadmissible  si  Hérodote  (1.  I,  ch.  191)  ne  nous  rapportait  une 
tradition  donnant  l'explication  de  la  prise  rapide  de  la  ville. 
Comme  à  cette  époque  les  eaux  de  l'Euphrate  étaient  le  plus 
bas,  Goubarou  en  baissa  encore  le  niveau  en  les  faisant  dériver 
de  leur  lit  dans  un  fossé.  Il  choisit  un  jour  où  Babylone  était 
en  fête  (Dan.,  V  ;  Hérodote,  1. 1. ,  ch,  igi  ;  Xénophon,  Cyropédie, 
1.  Vn,  ch.  V,  §  i5)  et  fait  traverser  les  eaux  ainsi  baissées  par  le 
gros  de  ses  troupes  qui,  longeant  de  la  sorte  les  fortifications  de 
la  rive  gauche,  firent  une  brèche  dans  l'enceinte  et  envahirent 
la  ville.  Nabonide  s'était  enfui  à  Borsippa  avant  le  dénouement 
imprévu,  mais  Balthazar  qui  s'enivrait  avec  ses  convives  fut  tué 
dans  la  bagarre  qui  suivit  l'envahissement  du  palais.  Babylone, 
qui  avait  triomphé  de  Ninive  en  606,  tomba  ainsi  aux  mains 
des  Perses  deux  jours  après  la  prise  de  Sippar  par  Cyrus,  le 
16  Tesrit  539  (août-septembre). 

Les  armées  du  nouveau  dominateur  du  monde  étaient  disci- 
plinées. Il  n'y  eut  ni  massacre  ni  pillage,  et,  en  attendant 
l'arrivée  de  Cyrus,  un  bataillon  de  guerriers  du  Goutioum  fit 
la  garde  autour  de  l'E-sag-il  ou  temple  de  Mardouk.  Quinze 
jours  plus' tard,  le  3  Marheswan,  Cyrus  fit  son  entrée  à  Baby- 
lone. Comme  le  dit  sa  chronique  :  (c  Le  salut  fut  fait  à  la  ville, 
Cyrus   ordonne  le  salut   pour   Bab3done  entière  ».  Bérose  (i) 


(i)  Fragm.  Hist.  Grwc,  II,  p.  ooS. 


164        DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

nous  apprend  que  cette  clémence  s'étendit  également  à  Nabo- 
nide  qui,  capturé  dans  sa  fuite,  se  vit  gracié  et  mourut  paisible- 
ment quelques  années  plus  tard  en  Carmanie  (Est  de  la  Perse). 

Cyrus  visa  à  rendre  sympathique  son  avènement  à  la  suze- 
raineté de  tout  l'Orient.  Qualifiant  Nabonide  d'impie,  le  roi 
d'Ansan  apparut  aux  Babyloniens  comme  «  le  roi  selon  le  cœur 
de  Mardouk  »,  aux  Juifs  comme  «  le  pasteur  de  Jahvé  ».  Aussi 
son  premier  soin  fut-il  de  réintégrer  les  dieux  des  diverses 
villes  dans  leurs  temples  qu'il  restaura  au  besoin  :  pendant  les 
mois  de  Kislev,  Têbet,  Schebhât  et  Adar,  ce  fut  un  exode 
continuel  des  divinités. 

Il  acheva  de  les  apaiser  par  un  deuil  solennel  de  six  jours, 
deuil  accompagné  de  sacrifices  expiatoires,  et,  le  4  Nisan  538, 
Cyrus,  déjà  souverain  incontesté  depuis  près  de  cinq  mois, 
«  saisit  les  mains  de  Bel  ».  Se  proclamant  «  roi  de  la  totalité 
des  pays  »,  il  conféra  la  royauté  de  Babylone  à  son  fils  et 
héritier  présomptif  Cambyse  et  confia  le  gouvernement  de  la 
ville  à  son  fidèle  Goubarou.  Quant  aux  Juifs,  ils  allaient  voir 
la    réalisation    de    leurs    espérances. 

Pour  fantasmagoriques  qu'étaient  les  conceptions  du  divin  et 
ses  évolutions  ad  intra  dans  la  théologie  iranienne,  elles  étaient 
plus  subtiles  en  tous  cas  que  celles  du  panthéon  assyro- 
babylonien,  et  le  dualisme  du  parsisme,  ainsi  que  sa  démo- 
nologie,  étaient  de  nature  à  sympathiser  quelque  peu  avec  le 
monothéisme  juif  (i). 

Le  retour         Les  captifs  d'Israël  ne  pouvaient  pas  demander  le  renvoi  de 

.^.  ,     leur  Dieu  dans  son  pays,  mais  il  leur  fallait  restaurer  le  culte 
Juiis  exiles.  ,  , 

de  Jahvé  dans  le  temple  de  Jérusalem.  A  1  avènement  de  Cyrus 

ils   postulèrent   de  pouvoir  retourner   dans   leur  patrie  ;   leur 

requête  fut  agréée.  Un  édit  proclama  la  liberté  du  retour  pour 

tous  les  fidèles  de  Jahvé;  il  recommandait  au  peuple  au  milieu 

duquel  vivaient  les  Juifs,  d'aider  ceux-ci  par  des  largesses  en 


5*31 


(i)  Cfr.  Maspero,  III,  Les  reliffions  iraniennes,  pp.  572-595.  1)E  Harlez, 
La  Bible  et  l'Anesta,  Rev.,  Bibl.,  1896,  pp.  161  ss.  Lagraxge,  La  religiondes 
Perses,  Rev.  Bibl.,  1904,  pp.  27  ss.,  pp.  188  ss.  Stave,  Ueber  den  Linfhiss  des 
Parsismiis  aùf  das  Judentam,  Leipzig,  Harrassowitz,  1898.  Dhorme,  La 
religion  des  Achéménides,  Rev.  Bibl.,  1918,  i)p.  l5  ss. 


jusqu'à  l'époque  hellénique.  i65 

nature  à  re<:jagner  leur  patrie,  à  subvenir  aux  premiers  besoins 
et  à  pourvoir  au  relèvement  du  temple.  Les  trésors  sacrés,  jadis 
enlevés  par  Nabuchodonosor,  furent  restitués  et  un  total  de 
42,360  personnes,  plus  7,337  hommes  de  peine,  partit  cette 
première  année  de  Cyrus,  en  538  (Néh,  VII,  66-68),  probable- 
ment en  plusieurs  caravanes  successives,  sous  la  conduite  des 
anciens  et  des  principaux  du  peuple.  Parmi  eux  émine 
Scheschbassar  ou  Zorobabel  (i),  prince  de  Juda  et  petit-fils 
de  Joïakin  (i  Chron,  III,  17,  19;  ce  dernier  avait  été  jadis  libéré 
de  prison  et  était  devenu  un  des  familiers  d'Evil-Mérodach). 
Il  tut  charité  particulièrement  de  rapatrier  les  richesses  du 
temple,  qu'il  avait  mission  de  réédifier  (Esdr.  I,  II),  et  d'admi- 
nistrer la  nouvelle  communauté  comme  «  péha  »  ou  gouver- 
neur, au  nom  des  Perses. 

Il  semble  bien  que  l'enthousiasme  ne  se  communiqua  pas  à 
tous  les  membres  de  la  colonie  exilée.  Maintenant  qu'ils  étaient 
libres  de  partir,  ils  pouvaient  se  considérer  également  libres 
de  rester,  et,  de  déportés  qu'ils  étaient  jusqu'alors,  ils  deve- 
naient d'emblée  les  citoyens  francs  de  la  ville  qui  était  «  l'orne- 
ment des  royaumes,  la  parure  des  fiers  Chaldéens  ».  (Is., 
XIII,  19.) 

Nous  avons  relevé  antérieurement  la  situation  très  tolé- 
rable  dans  laquelle  vivaient  les  Juifs  à  Babylone.  Bientôt 
les  contrats  d'achat  et  de  vente  de  l'époque  de  Darius  (521-486) 
et  d'Artaxerxès  I  (465-424)  nous  révéleront  par  les  noms  juifs 
des  intéressés  que  bon  nombre  des  descendants  des  déportés 
avaient  préféré  continuer  leur  trafic  dans  leur  nouvelle  patrie, 
plutôt  que  de  s'exposer  à  une  situation  précaire  en  rentrant 
après  une  longue  absence  dans  le  pays  de  leurs  ancêtres.  Aussi, 
le  premier  contingent  des  rapatriés  se  composa-t-il  essentielle- 
ment de  ces  éléments-là  qui  n'avaient  pu  contracter  d'attaches 
intimes  avec  Babylone  ou  n'avaient  pas  d'intérêts  particuliers 
y  engagés  ;  ce  furent  avant  tout  des  prêtres,  des  lévites  et  des 
employés  du  temple,  avec  le  petit  peuple  de  la  ville  et  les  habi- 


(i)  L'identification  de  Zorobabel  avec  Scheschbassar  a  été  louguemeut 
prouvée  par  M.  Van  Hooxacker  :  Zorobabel  et  le  second  temple,  pp.  29  ss., 
Rev.  BibL,  1901,  pp.  7-10,  et  Les  douze  petits  prophètes,  pp.  54i-543. 


l66        DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

tants  des  campagnes  (Esd,,  II,  70).  Ces  derniers  repeuplèrent 
entre  autres  les  bourgs  de  Bethléem,  Nétophah  (actuellement 
Beit-Nettif,  O.  de  Béthel),  Anathoth,  Azmaveth  (act.  Hizmeh, 
N,-E,  de  Jérusalem),  Kariathiarim,  Chephirah  (act.  Kephîreh, 
N.-O.  de  Jérusalem),  Béerofh  (act.  El-Bireh,  N.  de  Rama), 
Rama,  Gibea,  Michmas,  Béthel,  Haï,  Nobé  (act.  Beit-Nuba, 
N.-O.  de  Jérusalem),  Ono  (Kefr'-Ana,  N.  de  Lydda)  et  Jéricho 
(Esd.  II).  C'était  le  no3^au  des  anciens  territoires  de  Juda  et 
Benjamin.  Le  reste  s'établit  dans  les  ruines  de  Jérusalem. 

Il  faut  connaître  de  près  les  mœurs  de  l'Orient,  de  la 
Palestine  en  particulier,  pour  se  faire  de  la  situation  des  rapa- 
triés une  image  exacte  que  les  coutumes  d'Occident  ne  per- 
mettent pas  de  créer. 

Il  n'est  pas  rare  de  voir  dans  ce  pays  une  petite  aggloméra- 
tion s'abriter  dans  les  ruines  des  anciens  kala'at,  ou  châteaux 
forts,  y  formant  un  indescriptible  pêle-mêle  d'êtres  humains  et 
d'animaux  bêlants,  aboyants,  gloussants.  Çà  et  là,  un  homme 
accroupi  refait  le  fond  d'une  casserole,  tanne  un  méchant  mor- 
ceau de  cuir,  tresse  un  couffin,  pendant  que  la  fumée  acre  de  la 
bouse  sèchée  qui  sert  de  combustible  s'élève  des  tabouns 
(fours  à  pain)  ou  que  des  marmites  équilibrées  sur  quelques 
moellons  détachés  sort  l'odeur  d'un  brouet  épicé  de  fenouil  ou 
de  cumin.  L'ensemble  trahit  le  dénuement  habituel,  et  les  mines 
quémandeuses  de  ces  populations  déguenillées  en  disent  long 
sur    leurs    moyens    d'existence. 

Il  ne  faudrait  pas  trop  de  retouches  à  ce  tableau  pour  se  faire 
une  idée  assez  exacte  du  spectacle  que  devaient  offrir  la  plupart 
des  colonies  des  rapatriés. Leurs  anciens  habitats,  ils  les  retrou- 
vaient en  ruines,  leurs  terres  abandonnées;  leurs  vignes  incultes 
étaient  à  défricher  ;  là  où  le  sol  était  plus  particulièrement 
productif,  il  était  occupé  par  des  individus  des  autres  peuples 
du  pays,  ennemis  héréditaires  des  Juifs  :  Philistins,  Moabites, 
Ammonites,  Edomites,  qui  n'entendaient  pas  s'en  dessaisir  de 
sitôt  en  faveur  des  nouveaux  venus. 

Peut-être  Jérusalem,  où  s'étaient  groupés  les  principaux  des 
prêtres  et  les  quelques  familles  aisées  revenues  (Esd.,  II,  68, 
69),  offrit-elle  bientôt  un  aspect  moins  lamentable,  mais  là  non 
plus  ce  tout  ne  devait  pas  encore  tenir  ensemble  ))(Ps.,  122,  Vulg., 


jusqu'à  l'époque  hellénique  167 

121,  vers.  3)  et  beaucoup  de  maisons  devaient  longtemps 
encore  rester  en  ruines  (Néh.,  \"II,  i). 

Malgré  les  dons  spontanément  laits  pour  le  relèvement  du 
temple  (Esd.,  II,  68,  6g),  on  tarda  sept  mois  à  restaurer  l'autel 
des  holocautes  sur  ses  anciennes  bases,  et  ce  ne  fut  qu'au 
deuxième  mois  de  la  deuxième  année  du  retour  qu'on  jeta  les 
fondements  du  nouveau  temple  (Esd.,  III,  8).  On  avait  requis 
les  Sidoniens  et  les  Tyriens  pour  amener  les  cèdres  du  Liban  à 
Joppé,  le  port  le  plus  proche;  et  tailleurs  de  pierres  et  charpen- 
tiers se  mirent  à  l'ouvrage.  Les  débuts  de  l'entreprise  furent 
solemnisés  par  la  présence  des  ministres  du  culte  en  habits  de 
cérémonie.  Au  son  des  trompettes  et  des  cymbales  on  entonna 
des  hymnes  à  Jahvé  :  «  Louez  le  Seigneur, car  il  est  bon,  car  sa 
miséricorde  pour  Israël  subsiste  à  jamais  m.  Le  peuple  s'associait 
par  ses  cris  de  joie  aux  solennités  de  la  liturgie,  mais  le 
souvenir  de  l'antique  splendeur  du  premier  temple  contrastait 
par  trop  avec  les  humbles  débuts  de  la  restauration,  et  les  vieux 
pontifes,  ainsi  que  les  quelques  anciens  qui  avaient  connu  le 
faste  de  la  maison  de  Dieu,  se  mirent  à  sangloter  au  milieu  des 
naïves  manifestations  de  joie  de  la  jeune  génération  (Esd.,  III)'. 

Si  les  Juifs  avaient  remis  jusqu'alors  le  relèvement  de  la 
maison  de  Jahvé,  c'était  par  crainte  des  étrangers  qui  les 
entouraient  (Esd.  III,  3).  Ils  n'allaient  pas  tarder  à  voir  leurs 
appréhensions  justifiées.  On  se  souvient  par  quel  mélange  de 
races  avait  été  peuplée  la  montagne  de  Samarie,  après  la 
déportation  de  la  plupart  des  anciens  occupants  ;  on  se  rappel- 
lera aussi  qu'aux  cultes  de  leurs  divinités  propres,  les  nouveaux 
venus  avaient  joint  des  pratiques  en  l'honneur  de  Jahvé,  à  la 
religion  Duquel  ils  avaient  été  initiés  par  un  prêtre  dépêché  tout 
exprès  de  l'exil  à  cette  intention  Ayant  continué  depuis  lors  à 
faire  participer  ]ahvé  aux  sacrifices  qu'ils  répartissaient  entre 
les  diverses  divinités  de  leur  panthéon,  ils  crurent  pouvoir 
élever  des  prétentions,  quand  ils  apprirent  que  les  Israélites 
avaient  décidé  de  rebâtir  leur  temple,  et  ils  s'offrirent  à  prêter 
aide  à  sa  reconstruction  dans  le  but  évident  de  s'associer  au 
culte,  ainsi  remis  en  honneur.  Mais  Scheschbassar  et  autres 
anciens  du  peuple  ne  l'entendirent  pas  ainsi.  L'exil  avait 
été  le  châtiment  des  prévarications  commises  par  les  généra- 


l68       DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

tions  antérieures;  il  s'agissait  de  préserver  la  génération 
présente  d'erreurs  semblables  et  par  conséquent  de  tout  contact 
avec  des  éléments  hétérodoxes.  De  leur  part  le  refus  fut  net; 
de  l'autre,  aussi  vives  la  déception  et  la  rancune.  Humiliés, 
les  éconduits  devaient  se  venger  en  tâchant  d'entraver 
pendant  près  de  septante  ans  (jusqu'en  la  vingtième  année 
d'Artaxerxès  1-445)  les  travaux  de  réédification  du  temple  et  de 
la  ville.  Pour  le  moment  ils  réussirent  par  leurs  menaces  et  la 
subornation  de  quelques  individus  cupides  de  la  communauté  à 
intimider  celle-ci  dans  son  entreprise  qui  fut  suspendue  jusqu'en 
la  deuxième  année  de  Darius. 

Le  règne  de  Cyrus  à  Bab3done  ne  dura  pas  plus  de  dix  ans 
(53g-529);  il  fut  caractérisé  par  une  administration  débonnaire 
de  ses  vastes  territoires.  Le  nouveau  monarque  s'était  contenté 
de  remplacer  les  rois  vassaux  que  les  Mèdes  avaient  jusque-là 
maintenus  dans  leur  dignité,  par  des  gouverneurs  perses  pris 
parmi  ses  généraux,  tels  Tabale  à  Sardes,  et  Gobr3-as  à  Baby- 
lone.  Tous  les  despotes  Orientaux  avaient  profité  de  leur  puis- 
sance pour  imposer  de  lourds  tributs  aux  peuples  de  leurs 
conquêtes;  Cyrus,  que  les  trésors  d'Ecbatane,  de  Sardes 
•  et  de  Babylone  avaient  suffisamment  satisfait,  se  contenta  des 

présents  que  ses  sujets  lui  offraient  spontanément;  aussi 
mérita-t-il  de  ce  chef  d'être  appelé  leur  père.  (Hérodote,  1.  IH, 
ch.  89). 

Les  récits  les  plus  divers  circulent  sur  la  mort  du  grand 
conquérant  perse  (i).  Ce  qu'il  y  a  de  plus  vraisemblable,  c'est 
qu'il  périt  dans  une  expédition  entreprise  contre  les  Scythes  au 
delà  de  l'Araxe  (2). 

Cambyse  II  H  laissait  deux  fils;  l'aîné,  Cambyse  H,  qui  portait  déjà  la 
couronne  babylonienne,  et  Bardiya  (le  Smerdis  d'Hérodote) 
(3).  Hérodote  (1,  I,  ch.  208)  rapporte  qu'au  moment  où 
Cyrus  partit  en  campagne,  il  confia  la  régence  à  son  héritier 
présomptif,  qui  succéda  donc  de  plein  droit  au  gouvernement 


(i)  Cfr.  Dhorme,  Cyrus  le  Grand,  Rev.  BibL,  1912,  pp.  48,  49. 

(2)  Maspero,  III,  p.  621.  DiiORME,  Cyrus  le  Grand,  Rev.  Bibl.,  191a,  p.  48. 

(3)  Maspero,  III,  p.  655,  note  2. 


jusqu'à  l'époque  hellénique  169 

de  l'empire  à  la  mort  de  son  père  (529).  Quelques  historiens 
admettent  à  la  suite  de  certains  auteurs  anciens  que  Bardiya 
aurait  obtenu  l'administration  de  plusieurs  provinces  sous  la 
suzeraineté  de  son  frère  (i).  Des  révoltes  durent  éclater  chez 
plusieurs  peuplades  d'Asie,  que  lors  de  son  avènement 
Cambyse  eut  à  réprimer  (Hér.,  1.  III,  ch.  88,  §  i).  Avaient- 
elles  été  provoquées  par  Bardiya  ou  ses  partisans?  Nous  ne 
savons;  toujours  est-il  que  Cambyse  se  défit  secrètement  de 
son  frère  et  ce  n'est  que  quelques  années  plus  tard  que  l'on 
connut  la  vérité  sur  son  sort  (2). 

L'Empire  perse  enclavait  maintenant  les  divers  pays  qui  à 
tour  de  rôle  avaient  exercé  la  prépondérance  dans  l'Ancien 
Orient.  Il  ne  restaitquel'Egypteàne  pas  reconnaître  jusqu'ici  la 
puissance  nouvelle,  et  son  pharaon  Ahmasis  avait  encore  une 
dette  à  payer,  puisqu'il  avait  appuyé  les  L^'diens  dans  leur  conflit 
avec  Cyrus.  D'ailleurs,  depuis  que  ce  dernier  était  parvenu  à 
asseoir  son  autorité  de  façon  incontestée,  Ahmasis  n'avait  plus 
rien  tenté  qui  pût  de  sa  part  être  interprêté  comme  une  provo- 
cation ;  mais,  pour  parer  à  toute  éventualité  il  s'était  ménagé  des 
appuis  au  cas  d'une  offensive  toujours  possible. 

Depuis  les  règnes  de  Psammétique  II  et  d'Apriès  les  Egyp- 
tiens avaient  connu  une  ère  d'activité  et  de  prospérité,  qui 
s'accentua  encore  sous  celui  d'Ahmasis.  A  la  première  cataracte 
on  fit  de  l'île  de  Phil^e  un  poste  d'observation  bien  fortifié  ;  les 
flancs  des  montagnes  de  Thèbes  furent  creusés  de  tombeaux 
aux  dimensions  et  aux  décorations  qui  rappelaient  les  anciennes 
époques  de  splendeur;  les  vieilles  nécropoles  d'Abydos  sacca- 
gées et  ses  monuments  ensablés  furent  remis  en  état,  Ahmasis 
ajouta  au  temple  de  Nît  à  Sais,  en  plus  d'autres  embel- 
lissements (3),  des  propylées  gigantesques  qui  furent 
ornés  de  colonnes  énormes  et  précédés  d'une  longue  avenue  de 
sphynx.  Memphis  et  les  villes  du  delta  furent  enrichies  de 
monuments  nombreux  et  de  décor  soigné  ;  les  diverses  pro- 
vinces, mais   surtout  les  nômes   de  la  Moyenne   Egypte,  qui 


(i)  M.  Maspero  l'admet  dans  Histoire  Ancienne,  igoS,  p.  674,  contraire- 
ment à  l'opinion  exprimée,  III,  pj).  655,  G56  et  p.  655,  note  8. 
(2'  Maspero,  III,  p.  ()56,  note  3. 
(3)  Maspero,  III,  p.  644. 


17 O  DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

avaient  particulièrement  souffert  des  guerres  éthiopiennes 
et  assyriennes,  virent  le  réseau  des  canaux  réparé  et  agrandi, 
et,  à  côté  de  cet  encouragement  donné  à  l'agriculture,  le  com- 
merce allait  se  développant  toujours  (i). 

On  se  souvient  que  c'était  le  parti  indigène  national,  qui, 
mécontent  des  faveurs  accordées  par  Apriès  aux  armées 
grecques  entretenues  par  lui  et  aux  marchands  hellènes  dont 
les  comptoirs  occupaient  la  côte,  avait  hissé  Ahmasis  au 
pouvoir.  Celui-ci  avait  d'ailleurs  été  de  connivence  avec  leurs 
intrigues.  On  pouvait  donc  s'attendre  à  ce  qu'il  ne  favorisât 
guère  ces  étrangers.  Il  en  fut  tout  autrement.  Il  se  mit  en  bons 
rapports  avec  les  Doriens  de  Cyrène,  avec  lesquels  Apriès 
avait  été  jadis  en  guerre,  mais  qui,  à  propos  de  différents 
arrangés  entre  eux  grâce  à  ses  bons  offices,  durent  se  recon- 
naître ses  obligés  (2). 

Ce  ne  furent  pas  seulement  les  Grecs  de  la  côte  africaine, 
mais  encore  ceux  d'Europe,  d'Asie,  et  de  l'Archipel  qui  furent 
l'objet  de  ses  prévenances;  une  recrudescence  d'immigration 
hellénique  en  Egypte  en  fut  la  suite  toute  naturelle. 

Connaissant  toutefois  la  versatilité  et  la  vénalité  du  caractère 
hellène,  il  leur  assigna  un  nouvel  habitât.  Depuis  un  siècle  ils 
s'étaient  installés  le  long  de  la  branche  Pélusiaque,  donc  sur  la 
frontière  syrienne.  Or,  c'était  là  précisément  l'endroit  le  plus 
menacé,  en  cas  de  conflit  avec  l'une  des  puissances  asiatiques. 
Le  pharaon  jugea  opportun  de  les  en  déloger,  pour  leur  éviter 
toute  tentation  de  compromis  avec  les  ennemis  du  lendemain  : 
il  les  installa  près  du  bras  Canopique  dans  les  environs  de 
Samaraïtis,  où  déjà  les  Milésiens  s'étaient  fixés.  L'affluence  fut 
telle,  que  la  ville  elle-même,  qui  prit  le  nom  de  Naucratis, 
fut  une  véritable  république,  où  tous  les  éléments  grecs 
eurent  leurs  représentants  et  leur  quartier;  elle  devint  port 
franc,  et,  l'étant  seule,  sa  fortune  était  .  faite.  La  popu- 
lation grecque  s'accrut  de  plus  en  plus  et  pénétra  dans  le  reste 
du  pays  jusqu'en  Haute-Eg3'pte   et  dans  le  désert  Lib3'que. 


(i)  Voir  les  détails  des  travaux  (reinl)ellissemeut  et   d'utilité  publique 
exécutés  sur  l'ordre  d'Ahuiasis  dans  Maspkro,  III,  pp.  ()4o-645. 
(2)  Maspkko,  III,  pp.  645,  046. 


jusqu'à   L  époque    HELLENIQUE.  I7I 

Mais  si  l'augmentation  du  nombre  de  ses  sujets  étrangers  rassu- 
rait Ahmasis  dans  ses  craintes  de  conflit  avec  les  Perses,  les 
faveurs  qu'il  leur  accordait  lui  attirèrent  le  mécontentement  des 
Egyptiens.  Ils  crièrent  au  sacrilège,  quand  ils  virent  les 
cultes  helléniques  prendre  rang  à  côté  des  cultes  nationaux,  et 
surtout  quand,  pour  payer  l'entretien  et  la  solde  de  ses  merce- 
naires grecs,  le  pharaon  taxa  les  temples  célèbres  des  rives  du 
Nil.  Aussi  l'antipathie  et  la  haine  des  indigènes  pour  lui  se 
trahirent-elles  en  une  tbule  de  racontars  déplaisants  qui  déna- 
turaient ses  actes  et  ses  intentions.  Tout  aussi  légendaires  sont 
les  faits  qu'on  dit  avoir  été  plus  tard  la  cause  de  l'ouverture  des 
hostilités  avec  la  Perse  d)  :  on  ne  sait  pas  quel  en  fut  le 
motif  déterminant.  Le  caractère  violent  de  Camb3-se  (2)  et  la 
rivalité  des  deux  empires  voisins  suffisent  d'ailleurs  à  l'expliquer. 

Un  sérieux  obstacle  pour  l'armée  perse  était  la  traversée  des 
marais  et  du  désert  du  delta,  dans  lesquels  elle  risquait  de 
s'embourber  et  de  s'épuiser.  Un  secours  inespéré  leur  vint  en 
aide.  Phanès  d'Halicarnasse,  un  général  des  troupes  merce- 
naires d'Ahmasis,  trahit  son  maître  et  offrit  ses  services 
à  Cambyse;  il  le  mit  en  rapport  avec  les  tribus  arabes, 
campées  à  la  lisière  du  delta,  et  celles-ci  aidèrent  les  Perses, 
comme  leurs  ancêtres  l'avaient  fait  jadis  pour  Asaraddon,  en 
échelonnant  le  long  de  la  route,  des  troupes  de  chameaux 
chargés  d'outrés  remplies  d'eau. 

Au  moment  d'arriver  devant  Péluse,  on  apprit  qu* Ahmasis 
venait  de  mourir  après  quelques  jours  de  maladie  et  que  son  fils 
Psammétique  III  lui  succédait.  L'armée  égyptienne  perdait  en 
Ahmasis  le  chef  qui,  connaissant  toutes  les  ressources  qu'elle 
offrait,  l'aurait  certainement  conduite  à  la  victoire. 

La  rencontre  eut  lieu  en  avant  de  Péluse,  et  de  part  et  d'autre 
on  combattit  avec  acharnement;  vers  le  soir  les  forces  égyptiennes 
cédèrent  et  Psammétique,  au  lieu  de  replier  ses  troupes  en  bon 
ordre  et  de  défendre  l'accès  des  ramifications  du  Nil,  s'enfuit  à 
Memphis.  Au  bout  de  quelque  temps,  la  ville  dut  se  rendre;  le 
reste  du  pays,  ainsi  que  les  colonies   grecques,   reconnurent  le 


(i)  Maspero,  III,  pp.  65;,  58. 

(2^  HÉRODOTE,  \.  III,  eh.  89,   rapportant  la  tradition  pei'se,  le   dit  dur 
et  fier. 


172        DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

vainqueur;  quant  au  pharaon  et  aux  jeunes  gens  des  principales 
familles,  ils  furent  mis  à  mort  et  le  gouvernement  de  la  contrée 
remis  aux  mains  du  perse  Aryandès  (525). 

Cambyse,  pour  plaire  à  ses  nouveaux  sujets,  commença  par 
adopter  leurs  mœurs  et  par  s'initier  à  leurs  pratiques  reli- 
gieuses ;  mais  son  ambition  n'était  pas  encore  satisfaite  : 
Carthage  et  l'Ethiopie  sollicitaient  son  avidité;  il  allait  tenter 
de  s'en  rendre  maître. 

A  ce  moment  Carthage  était  dans  toute  sa  force  ;  toutes  les 
colonies  phéniciennes  de  l'Afrique,  de  l'Italie  du  Sud  et  de 
l'Espagne  la  reconnaissaient;  sa  puissance  sur  mer  était  sans 
rivale  et  sa  marine  lui  permettait  d'aborder  les  rivages  de 
l'Europe  Septentrionale. 

Maître  de  Carthage,  Cambyse  le  serait  aussi  de  ces  régions 
occidentales  inconnues  aux  Orientaux  et  dont  par  consé- 
quent on  disait  mille  choses  merveilleuses.  Il  sollicita  des 
Tyriens  qu'ils  missent  leur  flotte  à  sa  disposition  et  qu'ils 
abordassent  Carthage  par  voie  de  mer  ;  ils  refusèrent  de 
s'attaquer  à  leurs  congénères.  Force  lui  fut  donc  de  tenter  l'en- 
treprise par  voie  de  terre.  De  Thèbes,  Cambyse  expédia  en  524 
une  première  armée  de  cinquante  mille  hommes  en  explora- 
teurs. La  route  qu'éventuellement  le  gros  de  l'armée  suivrait, 
partait  du  désert  thébain,  remontait  vers  le  Nord-Ouest  dans  la 
direction  de  l'Oasis  des  Ammoniens  et  passait  chez  les  Libyens 
sur  les  côtes  des  deux  Syrtes,  pour  arriver  ainsi  sur  les  terri- 
toires phéniciens  d'Afrique.  L'avant-garde  s'engagea  dans  la 
direction  donnée,  mais  ne  revint  jamais,  ensevelie,  fut-il 
raconté  plus  tard,  sous  des  tourbillons  de  sable.  Ce  désastre  fit 
renoncer  Cambyse  à  son  premier  dessein  et  il  résolut  alors  de 
tenter  la  conquête  de  l'Ethiopie. 

Depuis  qu'en  664,  Tandamanou  avait  dû  fuir  l'Egypte  devant 
les  armées  d'Asourbanipal,  l'Ethiopie  avait" peu  à  peu  relâché 
les  liens  qui  jusqu'ici  avaient  attaché  ses  dynasties  à  l'Egypte. 
Attaquée  par  Psammétique  I  et  Psammétique  II,  elle  avait 
gardé  son  indépendance,  et  depuis  lors  l'observatoire  de  Philse 
était  le  dernier  poste  occupé  par  les  forces  égyptiennes. 

Ce  qui  accentua  encore  la  rupture  des  rapports  entre  les  deux 
peuples-frères,    ce   fut  l'état  d'abandon   auquel   était  livrée  la 


jusqu'à  l'époque  hellénique.  173 

Nubie  inférieure;  ce  n'était  qu'à  partir  de  Semneh,  près  de  la 
seconde  cataracte,  que  le  pays  reprenait  sa  densité  et  sa  culture. 
L'opiniâtreté  de  la  résistance  des  Ethiopiens  aux  Assyriens 
était  restée  dans  les  mémoires  et  depuis  qu'ils  vivaient  retirés 
de  tout  contact  avec  les  Egyptiens,  mille  légendes  couraient  sur 
leur  compte  et  tendaient  à  faire  croire  que  leur  pays  était  un 
vrai  pays  de  cocagne  (i). 

Cambyse  partit  de  Memphis  avec  une  partie  de  ses  troupes, 
tandis  qu'une  autre  partie  remonta  le  Nil  jusqu'à  Korosko,  un 
peu  plus  qu'à  mi-chemin  entre  la  première  et  la  seconde  cata- 
racte. De  là,  les  forces  réunies  se  dirigèrent  à  travers  le  désert 
sur  la  capitale  Napata;  mais,  faute  de  vivres,  elles  durent 
rebrousser  chemin  ;  la  tentative  eut  le  seul  résultat  de  ratta- 
cher à  l'Empire  Perse  la  partie  septentrionale  de  la  Nubie. 

L'humeur  irascible  de  Cambyse  se  laissa  influencer  par  ce 
double  échec.  On  ne  peut  démêler  la  réalité  de  la  légende 
dans  les  actes  de  cruauté  que  lui  ont  imputés  les  historiens 
anciens  (2).  En  tous  cas,  des  rumeurs  de  mécontentement 
circulèrent  non  seulement  en  Egypte,  mais  aussi  dans  ses  pro- 
vinces d'Asie,  provoquées  peut-être  ici  par  le  bruit  de  ses 
échecs  et  par  sa  trop  longue  absence.  Il  se  décida  donc  à 
retourner  au  printemps  de  522. 

Il  était  peut-être  aux  environs  de  Hamath,  lorsqu'il  apprit 
que  la  révolte  avait  éclaté  en  Perse  et  —  à  sa  grande  stupeur  — 
que  son  frère  Bardiya  ou  Smerdis  avait  été  proclamé  à  sa  place. 
Avant  de  partir  pour  rEgypte,trois  ans  auparavant,  Cambyse 
avait  confié  le  gouvernement  à  un  mage  perse  du  nom  d'Oro- 
pastès  (3).  Celui-ci  avait  un  frère,  mage  également,  appelé 
Gaumàta,  et  qui  ressemblait  à  s'y  méprendre  à  Bardiya.  Les 
deux  frères  étaient  dans  le  secret  du  meurtre  de  Bardiya,  alors 
que  personne  à  la  cour  ne  s'en  doutait  ;  on  croyait  le  malheu- 
reux exilé  ou  retenu  dans  quelque  endroit  sûr.  Aussi  la  nou- 
velle ne  surprit-elle  pas  trop  l'opinion  et  le  faux  Bardiya  se  vit 


(i)  Maspero,  III,  pp.  66G,  667. 

(a)  Maspero,  III,  pp.  668-6G9  et  notes  2  et  3  de  p.  668. 

•3)  HÉRODOTE,  1.  III,  ch.  71  et  73,  lui  donne  le  nom  de  Patizéithès,  mais 
il  a  pris  le  nom  de  la  fonction  pour  celle  de  l'individu,  u paiikhshâyathiya  » 
étant  un  mot  qui  signifie  «  vice-roi  »  ou  «  régent  ». 


174        DEPUIS  LA  DEPORTATION  DE  BABYLONE 

reconnu  par  la  Perse,  la  Médie,  les  provinces  iraniennes  et 
bientôt  aussi  par  l'Elam,  les  régions  du  Tigre  et  Babylone. 
Cambyse  lui-même  crut  que  jadis  on  n'avait  pas  mis  ses 
ordres  à  exécution  ;  sans  tarder,  il  partit  à  la  tête  de  ses  troupes 
fidèles  pour  rétablir  son  autorité,  lorsqu'il  mourut  on  ne  sait 
comment.  Complot,  accident  fortuit,  suicide,  les  trois  opinions 
eurent  leurs  tenants. 

L'important  pour  l'usurpateur  était  de  prévenir  tout  soupçon 
sur  son  identité  ;  il  fit  disparaître  ceux  qu'il  supposait  être  au 
courant  du  meurtre  de  Bardiya,  s'isola  autant  qu'il  put.  et, 
comme  il  avait  hérité  également  le  harem  royal,  il  défendit  à' 
ses  femmes  toute  communication  avec  le  dehors.  Désirant  se 
faire  bien  voir  de  ses  sujets,  il  les  dispensa  pour  trois  ans  des 
impôts  et  des  corvées  militaires.  Mais  les  précautions  qu'il 
avait  prises  éveillèrent  des  soupçons;  les  familles  nobles,  qui 
presque  toutes  avaient  des  parentes  dans  le  harem  du  palais, 
furent  intriguées  par  la  réclusion  sévère  à  laquelle  leurs  filles 
étaient  soumises;  Cambyse  d'ailleurs  devait,  lors  de  la  révolte, 
avoir  exprimé  sa  surprise  à  quelques  intimes.  Bientôt  la  con- 
viction se  fit  qu'on  avait  afiaire  à  un  audacieux  imposteur.  Un 
membre  de  la  famille  des  Achéménides,  Darius, fils  d'Hystaspe, 
satrape d'H3a-canie(cfr,67//)r(^  p.  i5ole  tableau  généalogique  des 
Achéménides),  de  concert  avec  quelques  chefs  nobles,  surprit 
l'usurpateur  et  le  tua  (avril  52i).  Etant  le  seul  prétendant  légal 
à  la  couronne,  il  se  vit  proclamé  aussitôt, 

Darius  I  Cette  double  révolution  avait  toutefois  réveillé  le  sentiment 

de  l'indépendance  chez  les  diff'érentes  nations  qui  composaient 
le  jeune  empire.  L'insurrection  éclata  d'abord  en  Susiane  et  à 
Babylone  où  Nadintavbel,  le  second  fils  de  Nabonide,  réclama 
le  trône  de  ses  ancêtres  et  prit  le  nom  de  Nabuchodonosor  IH. 
Confiant  à  une  partie  de  ses  armées  la  répression  de  la  Susiane, 
Darius  conduisit  lui-même  ses  troupes  contre  les  Chaldéens. 
Il  les  vainquit  dans  deux  rencontres,  mais  la  résistance  s'opi- 
niâtra  dans  les  murs  de  Babylone.  Tandis  que  cette  ville  subis- 
sait un  siège  serré,  la  révolte  se  déclara  dans  la  Médie,  dégarnie 
des  forces  qui  bloquaient  Bab3lone,  et  gagna  presqu'aussitôt 
l'Assyrie  et  l'Arménie  qui  vit  bientôt  les  Parthes  et  les  Hyrca- 


jusqu'à  l'époque  hellénique.  175 

niens  se  rallier  à  sa  cause.  Pour  comble  de  malheur,  en  Perse 
même  se  leva  un  nouveau  pseudo-Bardiya,  un  certain  Vahya- 
dâsta  qui  trouva  moyen  de  se  faire  acclamer. 

Parthes  et  Hyrcaniens  furent  vite  réprimés,  et  Babylone  finit 
par  céder  après  une  longue  résistance.  Le  châtiment  fut  terrible  : 
Nabuchodonosor  mis  à  mort,  trois  mille  Babyloniens  furent 
empalés,  les  murs  rasés  et  la  ville  repeuplée  d'étrangers  (i). 
Il  est  probable  que  les  Juifs  de  l'endroit  profitèrent  de  la  cir- 
constance pour  améliorer  encore  leur  condition;  en  tous  cas, 
leurs  colonies  en  Babylonie  restèrent  très  florissantes  jusque 
dans  les  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne. 

Darius  avait  maintenant  les  coudées  franches  (5 19),  Confiant 
à  un  de  ses  généraux  le  soin  de  rappeler  la  Perse  au  devoir,  il 
se  chargea  lui-même  d'avoir  raison  des  Mèdes.  Les  difficultés 
étaient  aplanies  en  5i8.  Il  jugea  nécessaire  d'imposer  aussitôt 
à  ses  états  nombreux  et  de  races  si  différentes  un  régime  d'admi- 
nistration qui  donnât  des  garanties  de  sujétion  plus  sérieuses. 
Tout  en  laissant  subsister  les  dynasties  locales,  il  divisa  les 
territoires  en  gouvernements  ou  satrapies  (2),  dans  lesquelles  il 
établit,  au-dessus  des  dynastes  de  lendroit,  trois  officiers  indé- 
pendants et  souvent  rivaux  l'un  de  l'autre  :  le  satrape  exerçant 
l'autorité  civile,  judiciaire  et  administrative  dans  toute  sa 
plénitude;  le  secrétaire  ou  chancelier  royal,  véritable  espion  et 
contrôleur  du  gouverneur  et  le  général  commandant  les  troupes 
locales  indigènes  ou  tnercenaires.  Tous  trois  relevaient  en 
droite  ligne  du  souverain.  Celui-ci  déléguait  en  outre  annuelle- 
ment des  officiers  spéciaux  chargés  devenir  constater  à  l'impro- 
viste  leurs  agissements  et  ce  contrôle  entrainait  les  sanctions 
les  plus  sévères  en  cas  de  repréhensibilité.  Cette  réforme  admi- 
nistrative et  cette  division  de  l'empire  n'assuraient  pas  seulement 
la  surveillance  des  sujets,  mais  elles  facilitaient  en  outre  la  levée 
des    impôts,    charge    qui  incombait   aux    satrapes. 

Hérodote  (1.  III,  ch.  Sg-gS)  énumère  le  tribut  à  payer  par  les 
différentes  satrapies.  L'ensemble  s'élevait  à  1,460  talents 
euboïques,ce  qui  équivaut  à  un  poids  de  tr.  82,7gg.866,  dont  la 


(l    HÉRODOTE,  I.  III,  ch.  i5o-i6o. 

(a)  Voir  l'éumnératioude  ces  satrapies  daus  Maspero,  Histoire  ancienney 
pp.  704-705. 


176  DEPUIS    LA   DÉPORTATION    DE    BABYLONE 

valeur  proportionnelle  à  celle  de  nos  jours  serait  de  663  millions 
de  francs(i).  Nous  ne  savons  pas  déterminer  ce  que  la  Palestine 
proprement  dite  devait  verser  :  elle  faisait  partie  de  la  cinquième 
satrapie  qui  comprenait,  outre  la  Palestine,  la  partie  de  la 
Mésopotamie  entre  le  Khabour  et  l'Euphrate,  la  Phénicie  et  l'île 
de  Chypre;  cette  satrapie  était  taxée  pour  35o  talents. 

Pour    faciliter    le    paiement, 
Darius  émit  les  monnaies  frap- 
pées  d'or  et   d'argent,    connues 
sous  le  nom  de  dariques.  A  côté 
Darique  d'or.  de  cet  impôt  en  argent,  il  restait 

a/  Roi  à  demi-agenouillé,  coiffé  de      encore    à  fournir  un    impôt    en 
la  cidaris  (tiare  royale),  vêtu  .        . 

de  la  candys  (robe  de  dessus)      nature  non  moms  important  (2) . 

tenant  un  arc  e  t  un  poignard.        ^^gg^  DariuS  eut-il  la  réputation 
R/  Excavations.  .     ,       ,  v         •  ^,-. 

—  a  tort  ou  a  raison  —  d  être 

un  «  cabaretier  affamé  de  gain.   » 

Deux  issues  seulement  restaient  ouvertes  à  l'extension  de 
l'immense  Empire  Perse  :  l'Inde  à  l'Est,  la  Grèce  à  l'Ouest. 
Vers  5x2,  il  conquit  dans  la  direction  de  l'Est  une  bonne  partie 
du  Pendjab  actuel  et  dans  celle  du  Sud  il  se  soumit  les  tribus 
riveraines  de  l'Indus.  Bientôt  il  porta  son  attention  sur  l'Occi- 
dent, où  le  menaçait  un  réel  danger. 

Un  tiers  du  monde  grec,  de  Trébizonde  à  Barca,  était  incor- 
poré à  l'empire,  mais  à  peu  près  partout,  du  golfe  Persique 
jusqu'en  Haute-Egypte,  on  trouvait  des  Grecs  et  ceux  qui 
restaient  en  Europe  intriguaient  constamment  avec  leurs  com- 
patriotes d'Asie.  Pour  prévenir  toute  agitation  de  la  part  de 
cette  race  turbulente,  il  n'y  avait  qu'un  moyen  :  annexer  la 
métropole,  comme  on  l'avait  fait  des  colonies.  Ce  fut  donc  le 
besoin  de  la  sécurité  qui  déchaîna  les  guerres  médiques.  Elles 
allaient  durer  deux  siècles  à  peu  près  et  être  une  des  causes  qui 
entraîneraient  la  chute  de  la  domination  iranienne. 

Il  y  avait,  en  effet,  un  défaut  à  la  cuirasse  de  l'Empire  Perse  : 
ses  armées  étaient  composées  d'éléments  très  vaillants,  mais 
très  hétérogènes.  Les  contingents   des   états  vassaux  étaient 


(i)  Maspero,  m,  p.  691. 

(2)  Voir  détails  Maspero,  III,  p.  692. 


jusqu'à  l'époque  hellénique.  177 

trop  difl'érents  d'armement,  de  tactique  et  d'aptitudes.  Ce 
manque  de  cohésion  de  l'ensemble  neutralisait  les  qualités  des 
divers  composants,  et  ces  hordes  innombrables  étaient  con- 
damnées à  plier  finalement,  parce  qu'elles  allaient  se  heurter  à 
des  forces,  beaucoup  moins  nombreuses,  il  est  vrai,  mais  homo- 
gènes et  assouplies  par  une  même  formation. 

Si  nous  nous  sommes  arrêtés  quelque  peu  à  l'organisation 
d,onnée  par  Darius  à  son  empire,  c'est  que  cette  forme  de  gou- 
vernement devait  désormais  servir  de  type  aux  grands  Etats 
orientaux  (i). 

Nous  nous  contenterons  de  résumer  brièvement  la  suite 
des  événements  qui  agitèrent  le  monde  oriental  jusqu'à  la 
conquête  macédonienne  (2).  La  communauté  juive  renais- 
sante n'y  prit  aucune  part,  si  ce  n'est  que  vers  la  fin  elle  com- 
mettra l'imprudence  de  se  déclarer  en  hostilité  contre  Arta- 
xerxès  III  Ochos  (voir  plus  loin,  p.  181).  Il  nous  intéressera 
davantage  de  suivre  de  près  les  évolutions  qui  s'opéreront 
dans  son  sein  et  qui  en  feront  l'Israël  nouveau. 

Avant  de  s'attaquer  à  la  Grèce  proprement  dite,  Darius  vou-  Les  guerres 
lut  se  prémunir  contre  une  attaque  éventuelle  des  Thraces  et  médiques. 
des  ScAlhes.  Une  armée  de  800,000  hommes  franchit  le  Bos- 
phore et  eut  raison  des  Thraces  orientaux  ;  elle  passa  ensuite 
rister  (5o8)  et  pénétra  jusqu'en  Russie  pour  se  soumettre  les 
Scythes,  mais  bien  qu'elle  saccageât  toute  la  contrée,  elle  ne 
put  pas  engager  une  bataille  rangée.  En  5o6,  la  Thrace  entière 
et  la  Macédoine  sont  tributaires;  mais  l'Ionie,  appuyée  par 
Athènes,  se  révolte  et  les  Grecs  s'emparent  de  la  ville  basse  de 
Sardes  et  la  brûlent,  entraînant  le  soulèvement  de  tous  les 
Grecs  d'Asie  (498).  Six  ans  de  lutte  pacifièrent  à  nouveau  cette 
partie  de  l'empire.  En  490,  une  nouvelle  tentative  de  soumettre 
la  Grèce  d'Europe  échoua  à  la  bataille  de  Marathon.  Pendant 
trois  ans  Darius  se  prépara  à  réparer  les  coups  portés  au  pres- 
tige perse;  mais,  au  moment  où  il  allait  tenter  une  nouvelle 
attaque  en  Grèce,  l'Egypte  se  révolta  (486). 

Il  avait  pourtant  tâché  de  se  concilier  les  sympathies  de  ses 


(I)  yiASVF.RO,  Histoire  ancienne,  p.  ~oç). 

(2;  Pour  plus  de  détails  voir  ^Lvspero,  III,  pp.  697-814. 


178        DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLOXE 

sujets  du  Nil,  en  affichant  un  grand  respect  pour  leurs  divinités,, 
et  le  pays  avait  prospéré  sous  les  Perses.  Les  marchandises 
du  Soudan,  de  l'Inde  et  de  l'Arabie  passaient  par  ses  villes  et 
ses  ports  pour  venir  sur  les  marchés  de  la  Grèce,  de  Carthage, 
de  la  Phénicie  et  de  Babylone,  Aussi  Darius  n'avait-il  rien 
négligé  pour  développer  les  canalisations  du  Nil  à  la  mer 
Méditerrannée  et  à  la  mer  Rouge. 

La  défaite  de  Marathon  mit  toutefois  les  Egyptiens  en 
appétit  et  les  garnisons  perses  furent  chassées.  Darius  comptait 
mener  de  front  la  guerre  en  Grèce  et  la  répression  de  l'Egypte, 
lorsqu'il  mourut  en  485  après  trente-six  années  de  règne.  Un 
Xerxès  I  ^e  ses  fils,  Xerxès,  avait  été  désigné  comme  son  successeur; 
il  employa  quatre  ans  à  réprimer  la  révolte  égyptienne.  En  481, 
Bab3done  essaya  de  secouer  le  joug,  mais  elle  fut  sévèrement 
traitée  et  à  partir  de  ce  moment  son  déclin  alla  s'accentuant. 

Xerxès  se  décida  dans  l'automne  de  cette  même  année  à 
passer  en  Grèce  avec  une  armée  innombrable  ;  il  força  le  pas- 
sage des  Thermopyles  entre  TOeta  et  le  golfe  Maliaque  et 
s'empara  d'Athènes,  mais  sa  flotte  fut  détruite  par  les  Grecs 
dans  la  baie  de  Salamine.  Indolent  et  débauché,  Xerxès  pré- 
féra se  retirer  à  Sardes  en  laissant  l'armée  en  Thessalie  sous 
le  commandement  de  Mardonius.  Celui-ci  fut  tué  et  ses  troupes 
défaites,  au  printemps  de  480,  à  Platées.  En  Asie,  même 
désastre.  Une  partie  de  la  flotte  perse  fut  détruite  à  Mycale; 
aussitôt  les  îles  de  l'Archipel,  les  cités  côtières  et  même  Chypre 
firent  cause  commune  avec  les  Grecs  d'Europe;  les  Grecs 
d'Asie  constituèrent  avec  eux  une  ligue  permanente  de  résis- 
tance à  l'Empire  Perse  sous  l'hégémonie  d'Athènes.  Pendant 
plus  de  douze  ans  les  Grecs  harcelèrent  les  Perses  sans  que 
l'apathique  Xerxès  prit  sa  revanche.  Il  mourut  assassiné  en  465. 

Artaxerxès       Artaxerxès,  un  de  ses  fils,  lui  succéda,  mais  pendant  trois 
I  ans  il   eut   à  se  défendre  contre  des  compétiteurs.  En  462, 

Inaros,  le  roi  de  Libye,  déclara  la  guerre;  aussitôt  le  delta 
tout  entier  prit  son  parti  et  une  escadre  de  deux  cents  navires 
grecs  cingla  de  Chypre  vers  la  côte  africaine.  Les  insurgés  et 
leurs  alliés  eurent  d'abord  le  dessus,  mais,  après  une  opposi- 
tion qui  dura  jusqu'en  464,  les  Perses  finirent  par  l'emporter. 


jusqu'à  l'époque  hellénique. 


179 


Cependant  les  Grecs  n'abandonnèrent  pas  la  lutte,  mais  conti- 
nuèrent à  infliger  des  délaites  à  leurs  ennemis  et  finirent  par 
forcer  Artaxerxès  à  négocier  après  un  demi-siècle  d'hostilités 
(depuis  l'incendie  de  Sardes,  en  5oi,  jusqu'à  la  dix-septiéme 
année  d'Artaxerxès  en  449).  L'indépendance  absolue  dut 
être  accordée   aux  Grecs  d'Asie. 

Le  reste  de  ce  règne,  qui  dura  jusqu'en  425,  vit  encore 
des  insurrections  en  Syrie,  en  Carie  et  en  Lydie,  et  le  sou- 
verain dut  composer  avec  ses  satrapes  révoltés.  Ce  furent 
les  débuts  des  dissensions  intestines,  des  guerres  civiles,  et 
des  tragédies  de  palais  qui  devaient  affaiblir  les  forces  de 
l'empire  et  le  conduire  à  sa  fin. 

Artaxerxès,  comme  Xerxès,  s'était  déchargé  sur  ses  géné- 
raux et  ses  ministres  du  soin  de  batailler  et  d'administrer; 
pendant  son  règne  de  près  de  quarante-deux  ans  il  partagea  le 
meilleur  de  son  temps  «  entre  la  chasse  et  le  harem  y  (i)  et 
mourut  en  424. 

Sa  succession  donna  lieu  à  des  intrigues  sanglantes. 
Xerxès  II,  son  fils,  régna  quarante-cinq  jours  ;  il  fut  assassiné 
par  un  de  ses  frères  illégitimes,  Sogdianos,  qui  fut  tué  lui- 
même  après  six  mois  et  demi  de  règne  par  un  autre  frère 
bâtard  Okhos,  qui  prit  le  nom  de  Darius  II.  Jusqu'en  412 
celui-ci  eut  à  se  défendre  contre  d'autres  amateurs  du  pouvoir, 
mais  il  eut  raison  d'eux. 

A  ce  moment  la  guerre  du  Péloponèse  était  à  son  stade 
aigu  (2).  La  flotte  athénienne  venait  d'être  détruite  devant 
Syracuse.  Darius  II  en  prit  prétexte  pour  exiger  des  Grecs 
d'Asie  leur  ancien  tribut  et  il  s'allia  aux  Spartiates.  Son 
plus  jeune  fils  Cyrus  les  appuya  si  bien  qu'à  la  bataille 
d'Aegos-Potamos  en  400,  Athènes  fut  humiliée  sous  sa  rivale. 
Darius  II  mourut  peu  de  temps  après;  son  fils  aine  Artaxerxès  II 
lui  succéda,  mais  en  401  son  frère  Cyrus,  dit  le  jeune,  se  révolta 
pour  périr  à  la  bataille  de  Cunaxa  qu'il  était  sur  le  point  de 
gagner.  Cyrus  avait  embauché   i3,ooo  Hellènes.    Les    survi- 


Darius  II 

et 
Artaxerxès 

II. 


(i)  Maspero,  III,  p.  746. 

(a)  Cette  guerre  qui  dura  de  43i  à  4o5  avait  été  provoquée  par  la  riva- 
lité des  Spartiates  et  des  Athéniens.  Les  premiers  devaient  l'emporter, 
gràee  à  l'appui  que  leur  prêtèrent  les  Perses. 


l80        DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

vants  purent  opérer,  sous  la  conduite  de  Xénophon,  un  retour 
en  bon  ordre  à  travers  l'Assyrie  et  l'Arménie.  Cette  fameuse 
retraite  des  Dix  Mille  qui  s'effectua  si  glorieusement,  malgré 
tout  ce  qui  contribuait  à  l'empêcher,  fit  comprendre  aux  Grecs 
que  des  forces,  faibles  en  nombre  mais  admirablement  disci- 
plinées, soutenaient  avec  avantage  l'action  perse.  Sparte, 
l'ancienne  alliée  des  Perses,  s'en  aperçut  et  à  son  tour  elle 
mena  la  guerre  en  Asie.  Artaxerxès  II  la  paya  de  sa  monnaie 
et  unit  ses  forces  navales  à  celles  des  Athéniens,  avec  ce 
résultat  que  Sparte  dut  renoncer  à  ses  visées  sur  l'Asie.  La 
Perse  était  donc  encore  une  fois   maîtres^se  de  la  côte. 

Pendant  que  le  monde  grec  s'agitait  ainsi,  rEg3'pte 
s'essayait  à  secouer  le  joug.  Les  Perses  avaient  commis  la 
faute  de  laisser  subsister  les  dynasties  locales  dans  ce  pays. 
Un  certain  Amyrtée,  qui  à  lui  seul  représenta  la  vingt-huitième 
dynastie  saïte  (dont  la  durée  fut  de  six  ans),  ainsi  qu'un  Psam- 
métique,  avaient  réussi  vers  400  à  se  faire  obéir  dans  les  nomes 
du  delta.  Avec  Néphoritès,  la  vingt-neuvième  dynastie  mendé- 
sienne  acheva  de  rendre  la  liberté  à  l'Egypte;  en  même  temps 
se  révoltaient  la  Mysie,  la  Pisidie,  la  Paphlagonie  et  les  rive- 
rains du  Pont-Euxin.  Hakoris,  le  successeur  de  Néphoritès  en 
3g3,  s'entendit  avec  Evagoras  de  Chypre  et  avec  les  Athé- 
niens toujours  versatiles  ;  Sparte  traita  de  nouveau  avec  les 
Perses  (387)  et  arrêta  ainsi  le  danger  grec.  Un  accord  finit 
par  désarmer  les  Chypriotes  (38o),  mais  l'Egypte  se  consolida 
encore  dans  sa  résistance  par  l'avènement  de  la  trentième 
dynastie  sébennytique  en  la  personne  de  Nectanébo  I. 

Celui-ci  s'adressa  pour  la  réorganisation  de  ses  forces  à 
l'Athénien  Chabrias  qui,  sans  mission  aucune  de  son  gouverne- 
ment, consolida  les  points  vulnérables  du  delta,  de  façon  à  en 
faire  un  véritable  camp  retranché.  Artaxerxès  II  obtint  des 
Athéniens,  ses  alliés  du  moment,  le  retrait,  de  Chabrias  et  le 
secours  de  leur  général  Iphicrate  pour  commander  les  auxi- 
liaires grecs.  En  mai  374  l'armée  perse,  renforcée  de  contin- 
gents helléniques,  arriva  devant  Péluse. 

Après  un  premier  succès  elle  hésita  à  avancer  ;  les  Eg3'ptiens 
se  ressaisirent  et  les  Perses  se  décourageant  abandonnèrent  le 
delta.    Malgré  cet  échec,  les  villes  grecques,  parce  que  divi- 


Ochos. 


jusQU  A  l'Époque  helléxioue.  i8i 

sées  entre  elles,  s'appliquaient  à  se  disputer  l'alliance  d'Ar- 
taxerxès;  celui-ci  maHieureusement  sentait  son  propre  sol  se 
dérober  sous  ses  pieds;  les  différentes  satrapies  s'insurgeaient 
l'une  après  l'autre  et  Taches  qui  avait  succédé  à  Nectanébo  I 
en  36i  négociait  avec  les  rebelles.  Déçu  de  ce  côté,  le 
pharaon  réussit  à  obtenir  l'appui  d'Athènes  et  en  outre 
l'alliance  du  vieil  Argésilas,  le  roi  de  Sparte.  Spartiates  et 
Athéniens  s'accordaient  mal;  de  plus  des  impôts  excessifs, 
imposés  pour  subvenir  aux  frais  de  la  guerre,  rendirent  Tachos 
impopulaire  et  son  cousin,  un  autre  Nectané.bo  (II),  s'assura 
l'appui  des  forces  Spartiates  alors  en  Egypte,  et  contraignit 
Tachos  à  s'enfuir.  Un  manque  de  confiance  réciproque  refroi- 
dit les  rapports  d'Argésilas,et  de  Nectanébo  II  ;  d'un  autre  côté 
les  intrigues  de  ses  fils  découragèrent  les  dernières  forces 
d'Artaxerxès  II  et  il  mourut  en  362.  Ce  fut  le  plus  jeune  de 
ses  fils,  Artaxerxès  III  Ochos,  qui  hérita  de  l'empire.  Artaxerxès 

L'Egypte,  indépendante  depuis  un  demi-siècle,  était  l'appui 
auquel  recouraient  ceux  des  sujets  de  l'Empire  Perse  qui 
à  leur  tour  soupiraient  après  l'autonomie.  C'était  là  un 
motif  suffisant  pour  enlever  à  ce  pa3-s  fauteur  d'intrigues 
l'assurance  dont  il  se  prévalait  et  le  rôle  qu'il  assumait.  Ochos 
prévint  par  un  massacre  en  règle  les  compétitions  possibles  à 
la  couronne  qu'il  venait  de  ceindre  et  il  dirigea  une  attaque 
contre  l'éternelle  rivale  des  monarques  orientaux.  Comman- 
dée par  des  généraux  Spartiates  et  athéniens,  l'armée  de 
Nectanébo  eut,  une  fois  encore,  raison  des  forces  perses 
conduites  par  le  souverain  en  personne.  L'Asie  Mineure, 
la  Chypre  et  la  Phénicie  se  soulevèrent  aussitôt.  Les  Juifs 
commirent  l'imprudence  de  sympathiser  avec  les  révoltés,  qui 
furent  aussi  appuyés  par  le  pharaon  et  par  les  Grecs.  Les 
premiers  engagements  furent  défavorables  à  Ochos,  mais 
Tennès  le  roi  de  Sidon,  auquel  les  insurgés  avaient  confié  la 
direction  de  l'opposition,  trahit  les  siens  et  Ochos  redevint 
maître  en  Syrie.  Un  bon  nombre  de  Juifs  compromis  dans  cette 
affaire  —  beaucoup  d'entre  eux  étaient  nobles  —  furent  exilés 
en   Hyrcanie  sur  les  bords   de  la  mer  Caspienne  (i).   Cette 


II)  EcsÈBE,  Chron.,  1.  II,  à  laniiée  dAbrahain  iGô;  :  Migxe   t.  I.  col.  48G. 


152  DEPUIS   LA   DEPORTATION   DE    BABYLOXE 

victoire  eut  pour  effet  de  jeter  rhésitation  dans  les  provinces 
asiatiques;  Oclios  en  profita  pour  s'en  prendre  à  l'Egypte. 
Nectanébo  s'était  préparé  de  longue  main  à  cette  attaque  en 
fortifiant  tous  les  points  faibles  du  delta  et  en  garnissant  de 
défenseurs  les  embouchures  du  Nil.  De  part  et  d'autre,  des 
auxiliaires  grecs  renforçaient  les  forces  nationales.  La  fougue 
imprudente  des  Grecs  de  Nectanébo  ne  permit  pas  à  celui-ci 
d'attirer  les  Perses  au  centre  de  son  cercle  de  défense  et  de  les 
envelopper  ainsi;  Nicostrate  d'Argos,  au  service  d'Ochos,  par- 
vint à  faire  passer  ses  troupes  par  un  des  canaux  du  Nil  non 
défendu  et  les  débarqua  sur  le  derrière  de  l'armée  que  Nec- 
tanébo commandait  au  Nord  du  delta.  C'était  osé  et  impru- 
dent, car  il  se  trouvait  pris  ainsi  entre  deux  corps.  L'impa- 
tience des  mercenaires  du  pharaon  le  sauva  et  perdit  rEg3^pte. 
Au  lieu  d'attendre  que  les  troupes  commandées  par  le  roi 
pussent  prendre  l'ennemi  à  dos,  les  défenseurs  de  la  ville  égyp- 
tienne voisine  engagèrent  le  combat  et  furent  battus.  Necta- 
nébo pour  ne  pas  être  enveloppé  à  son  tour  se  replia  sur 
Memphis,  mais  l'armée  qui  devait  arrêter  les  Perses  à  la  fron- 
tière crut  à  un  abandon  et  se  découragea.  Les  Perses  ne  ren- 
contrèrent plus  guère  de  résistance;  le  pharaon  parvint  à 
s'enfuir  en  Ethiopie,  mais  l'Egypte  redevint  vassale  de  l'empire 
oriental  en  342. 

Le  pays  du  Nil  avait  connu  une  véritable  restauration  pen- 
dant le  demi-siècle  de  paix  dont  il  avait  joui;  le  cruel  et  vindi- 
catif Ochos  put  d'autant  mieux  piller  ses  trésors,  raser  ses 
défenses  et  supplicier  la  noblesse  indigène. 

L'Empire  Perse  était  donc  reconstitué  dans  sa  plus  grande 
extension,  mais  tous  ses  composants  se  détachaient  de  plus  en 
plus  les  uns  des  autres. 

Parmi  les  diverses  races  du  Nord  vers  les  sources  de 
l'Euphrate,  du  Tigre  etdel'Halys,  les  unes  se  disaient  soumises, 
alors  qu'elles  étaient  en  fait  indépendantes,  et  d'autres,  les  plus 
barbares,  vivaient  en  hordes  insaisissables.  A  l'Est  du  Tigre 
il  en  allait  de  même  ;  les  Indiens  entretenaient  de  bons  rapports 
avec  les  Perses,  mais  sans  faire  acte  de  vasselage.  L'organi- 
sation administrative  inaugurée  par  Darius  I  offrait  de  fortes 
garanties  de  stabilité  pour  l'empire,  à  condition  d'être  ponctuel- 


jusqu'à  l'épooue  hellénique.  i83 

lement  entretenue  dans  ses  moindres  détails.  C'est  ce  qui  fut 
négligé.  Au  bout  de  quelque  temps  les  fonctions  rivales  furent 
souvent  confiées  au  même  personnage  et  le  contrôle  annuel  fut 
omis  ou  mal  fait.  L'armée  n'était  pas  tenue  à  la  hauteur  des 
progrès  de  l'armement  et  au  lieu  de  l'instruire  on  préférait 
recourir  à  des  auxiliaires  hellènes,  comme  nous  l'avons 
constaté  fréquemment.  En  outre,  depuis  Xerxès  I,  les  souve- 
rains s'étaient  habituellement  déchargés  sur  leurs  généraux  ou 
leurs  ministres  du  soin  de  conduire  les  armées  ou  d'administrer 
le  pavs,  les  plaisirs  et  les  cabales  de  leur  harem  absorbant 
toute  leur  activité.  Ochos  fit  de  même.  Il  mena  grand  train 
à  la  cour  luxueuse  de  Suse  et  confia  à  un  de  ses  eunuques, 
Bagoas,  les  rênes  du  gouvernement.  Bagoas  l,e  fit  si  bien  qu'il 
s'attira  la  jalousie  des  courtisans  qui  résolurent  de  le  perdre. 
Pour  ne  pas  périr  il  empoisonna  son  maître  en  338  et  assassina 
les  héritiers  du  trône,  à  l'exception  du  plus  jeune,  Arsès,  qu'il 
espérait  pouvoir  tenir  en  tutelle.  Quand  celui-ci  essaya  de  la 
secouer,  il  périt  comme  son  père  (335).  Bagoas  jeta  alors  son 
dévolu  sur  un  de  ses  amis,  Codoman,  qui  prit  le  nom  de 
Darius  ITI.  Homme  de  qualité,  il  prétendit  administrer  pour  Darius III 
son  propre  compte;  déjà  l'ambitieux  ministre  qu'était  Codoman. 
Bagoas  lui  préparait  une  liqueur  mortelle,  mais  il  fut  trahi  et  il 
dut  l'avaler  lui-même.  Avec  Codoman  l'Empire  Perse  allait  finir. 

Lors  du  soulèvement  de  l'Asie  Mineure,  un  certain  Artabaze 
avait  été  le  principal  fauteur  des  troubles  :  après  ses  victoires 
en  Egvpte,  Ochos  avait  confié  le  soin  de  soumettre  l'Asie  au 
général  rhodien  Mentor.  Artabaze  s'enfuit  alors  vers  341 
auprès  de  Philippe  de  Macédoine. 

Le  rôle  de  la  Macédoine  dans  la  politique  du  temps  avait  été 
jusqu'alors  efiacé.  Son  roi  Philippe  se  chargea  de  la  porter  à 
l'avant-plan.  Bagoas  avait  en  340  appuyé  efficacement  les  enne- 
mis hellènes  de  Philippe.  Mais  celui-ci  profitant  des  rivalités  des 
villes  grecques  finit  par  se  les  soumettre  toutes.  Dès  lors  il 
résolut  de  régler  ses  comptes  avec  la  Perse.  Il  commença  par 
envoyer  en  Asie  une  armée  de  dix  mille  hommes  pour  rendre 
la  liberté  aux  Grecs  de  la  côte  égéenne  et  les  soulever  contre 
les  Perses.  Il  s'apprêtait  à  rejoindre  lui-même  son  armée 
lorsqu'il  mourut  assassiné  (336). 


i84 


DEPUIS    LA   DEPORTATION    DE    BABYLOXE 


Alexandre 

de 
Macédoine. 


Darius  Cocloman  tâcha,  à  prix  d'argent,  d'ameuter  une  partie 
des  Grecs  contre  Alexandre  fils  et  successeur  de  Philippe, 
mais  il  ne  put  profiter  du  répit  ainsi  obtenu,  la  mobilisation  de 
toutes  ses  troupes  durant  trop  longtemps,  et  bientôt  Alexandre 
vint  renforcer  l'avant  garde  macédonienne  avec  une  armée 
admirablement  équipée  et  commandée.  Mysie,  Lydie,  Carie, 
L3xie,  Phrygie,  Cappadoce  et  Cilicie,  toutes  ces  contrées  se 
soumirent  au  Macédonien. 

La  bataille  d'Issus,  en  333,  lui  ouvrit  les  pays  sémites;  de 
Samosate  à  Damas  on  le  reconnut  et  en  Phénicie  également. 
Seule  Tyr,  rivale  des  Grecs,  résista  pendant  sept  mois. 
Alexandre  dut  jeter  une  digue  en  mer  reliant  ainsi  l'île  impre- 
nable à  la  terre  ferme  pour  avoir  finalement  raison  de  sa 
défense,  La  Samarie  et  la  Judée  n'eurent  qu'à  se  courber. 

Il  n'y  eut  que  Gaza  qui  arrêta  pendant  deux  mois  la  marche 
de  l'armée  macédonienne;  mais,  elle  désarmée,  Alexandre  arriva 
en  Eg3rpte  comme  libérateur  en  332. 

Il  y  passa  l'hiver  et  en  profita  pour  jeter  les  fondements  d'une 

ville  qui  allait  être  bientôt  un  centre  commercial  et  intellectuel 

de  première  importance,    et  de  son  propre  nom    il  l'appela 

Alexandrie.  Donnant  satisfaction  à  l'attachement  des  Egyptiens 

à  leurs  dieux  nationaux,  il   se  reconnut  comme  fils   d'Amon 

(dans  lequel  les  Grecs  avaient  vu  leur  Zeus)  et  dès   ce  jour  il 

fut  à  leurs  yeux  pharaon  légitime.  Pendant  cet  intervalle  Darius 

avait  essa3^é,  sans  succès,  de  reprendre  les  territoires  perdus. 

En   33i,    Alexandre    revint    en   Asie    où   les    vieux    peuples 

orientaux    s'étaient  coalisés  pour  un   suprême  effort;   l'Inde 

avait    même    fourni  une  troupe   d'éléphants  montés.  A    la  fin 

de  septembre  les   deux   armées   se  rencontrèrent  au  delà  du 

Tigre  :  à  Arbèles;  l'acharnement  fut  égal  des  deux  côtés,  mais 

au    soir    du    3o   septembre    Darius    fu^-ait    devant    les    forces 

d'Alexandre.  Bab3done,  Suse  ensuite,  ouvrirent  leurs  portes; 

Ecbatane  céda  à  son  tour  dans  les  premiers  mois  de  33o  et 

Darius  III  Codoman  fut  tué  dans  la  déroute  par  un  de  ses 

généraux. 

On  pouvait  dire  que  tous  ces  vieux  Etats  de  TOrient,  qui 
pendant  des  millénaires  s'étaient  acharnés  à  vouloir  se  dominer 
réciproquement,  ou  n'existaient  plus  ou  étaient  épuisés.  L'avenir 


JUSQU  A  L  ÉPOQUE  HELLENIQUE. 


I85 


était  à  des  forces  plus  jeunes  et  à  une  civilisation  qui,  mieux  que 
celles  de  l'Orient,  s'adapterait  à  des  milieux  divers. 


Tétradrachme  attique  d'Alexandre  le  Grand. 

a/  Tête  d'Hercule  criiffée  de  la  peau  de  lion. 

r/  Jupiter  aétophore  assis  sur  un  sièp^e,  tenant  l'aigle 

sur  la  main  droite  et  s'appuyant  de  la  gauche 

sur  un  long  sceptre. 

AAESANAPOÏ 


.  Drachme  *  attique  d'Alexandre  le  Grand. 

a/  Tête  d'Hercule  coiffée  de  la  peau  de  lion. 

r/  Jupiter  aétophore  assis  sur  un  siège  sans  dossier 
tenant  l'aigle  sur  la  main  droite  et  s'appuyant 
de  la  gauche  sur  un  long  sceptre. 

*Cfr.  2  Mac,  XII,  43.   Luc,  XV,  8,9. 
AAESANAPOÏ 


Revenons  à  la  communauté  juive  que  nous  avons  quittée  en 
proie  à  l'hostilité  de  ses  voisins  (cfr.  supra  p.  168). 

Les  travaux  de  restauration  avaient  été  suspendus  après  peu 
de  temps  et  le  restèrent  à  la  fin  du  règne  de  Cyrus.  L'agi- 
tation sourde  qui  s'était  manifestée  durant  les  années  de  son 
successeur  Cambyse  II  et  l'usurpation  du  faux  Bardiya 
n'offraient  pas  les  conditions  de  sécurité  voulue  pour  les 
reprendre.  L'avènement  de  Darius  et  la  manière  dont  il  enten- 
dait réprimer  les  révoltes  de  ses  sujets  rendirent  courage  aux 
Juifs.  De  plus  deux  prophètes,  Aggée  et  Zacharie,  se  levèrent 


La 
Restaura- 
tion 
juive. 


i86 


DEPUIS  LA  DEPORTATION  DE  BABYLONE 


la    seconde   année    de    Darius   pour   ranimer  le  zèle   de  leurs 
compatriotes. 

Le  premier  donne  clairement  à  entendre  que,  s'ils  avaient  inter- 
rompu le  relèvement  du  temple,  ils  s'étaient  évertués  d'autant 
plus  à  restaurer  leurs  propres  demeures,  et  aux  murs  lézardés 
avaient  succédé  des  maisons  lambrissées  (I,  4).  Il  est  probable 
qu'il  n'est  fait  allusion  ici  qu'à  la  demeure  de  l'un  ou  l'autre  des 
dignitaires  de  la  communauté,  mais  chacun  avait  soigné  ses 
propres  intérêts  matériels,  tandis  que  la  maison  de  Jahvé  était 
en  ruines.  C'est  pour  ce  motif  que  Dieu  a  manifesté  son  mécon- 
tentement en  laissant  le  peuple  aux  prises  avec  la  pénurie  et  la 
misère.  Si  les  récoltes  n'ont  pas  donné  ce  qu'on  attendait, 
c'est  que  Jahvé  n'a  pu  bénir  les  efforts  de  ceux  qui  souillaient 
leurs  sacrifices  mêmes  par  leur  esprit  de  préoccupations  exclu- 
sivement matérielles.  (Aggée,  I,  5-ii,  II,  10-19.) 


Zorobabel 

et 

Jéhos- 

choua. 


Émus  par  ces  considérants,  Zorobabel  et  le  grand  prêtre 
Jéhoschoua  engagèrent  le  peuple  à  faire  diligence.  On  ras- 
sembla aussitôt  les  matériaux  et  vingt-quatre  jours  après  le 
premier  discours  d'Aggée,  le  24  du  sixième  mois  en  la 
deuxième  année  de  Darius  (5ig),  les  travaux  furent  repris  et 
poussés  avec  vigueur  (I,  i2-i5).  Cette  activité  inquiéta  Tha- 
thanaï,  gouverneur  perse  de  la  Cis  -Jordane,  probablement 
averti  par  ceux,  qui,  une  première  fois,  avaient  réussi  à  entraver 
la  reconstruction.  Il  demanda  aux  Juifs  de  quel  droit  ils  s'auto- 
risaient; ils  répondirent  en  alléguant  l'édit  de  la  première 
année  de  Cyrus  permettant  de  «  rebâtir  la  maison  de  Dieu  ». 
Rapport  fut  fait  à  Darius  de  tout  ce  qui  se  passait,  avec 
demande  de  rechercher  le  décret  mentionné  et  de  signifier  ulté- 
rieurement sa  volonté.  Entretemps  les  Juifs  continuaient  de 
bâtir.  La  réponse  de  Darius  non  seulement  confirma  la  décision 
prise  par  Cyrus,  enjoignant  de  laisser  s'achever  en  toute  sécu- 
rité l'entreprise  commencée,  mais  le  monarque  ordonna  en  outre 
qu'on  prélevât  sur  les  impôts  perçus  en  Cis-Jordane  de  quoi 
couvrir  les  frais  de  la  reconstruction  et  de  quoi  offrir  quotidien- 
nement les  sacrifices  requis.  L'ordre  fut  muni  d'une  sanction 
sévère  :  la  pendaison  et  la  dilapidation  de  ses  biens  menaçaient 
quiconque  transgresserait  ces  injonctions. 


JUSQU'A  l'Époque  helléxioue.  187 

Dans  ces  conditions  l'œuvre  s'acheva  rapidement.  Le  3  du 
mois  d'Adar  de  la  sixième  année  de  Darius,  en  l'an  5i5,  la 
dédicace  se  fit  par  de  nombreux  sacrifices  et  l'on  assigna  aux 
prêtres  et  aux  lévites  leurs  fonctions  respectives,  selon  les 
classes  auxquelles  ils  appartenaient.  Peu  de  temps  après,  le 
14  Nisan,  le  peuple  put  immoler  la  Pàque  et  célébrer  les  sept 
jours  des  azymes.  (Esdras,  V,  VI.)  Le  culte  était  rétabli,  mais 
la  communauté  juive  nouvelle  devait  rencontrer  encore  des 
difficultés  et  s'épurer  dans  ses  propres  éléments  avant  d'être 
complètement  réorganisée  (i). 

Au  commencement  du  règne  de  Xerxès  I  (485-465)  on  essaya 
de  relever  les  murs  de  Jérusalem  ;  l'entreprise  fut  dénoncée  au 
monarque  perse.  (Esdr.,  IV,  6.)  Nouvelle  tentative  sous  le 
règne  suivant,  celui  d'Artaxerxès  I  (465-424).  Cette  fois  les 
guerres  qui  troublèrent  la  paix  de  l'empire  empêchèrent  les 
officiers  perses  de  Palestine  de  s'opposer  efficacement  à  la 
reconstruction  de  l'enceinte  ;  ils  durent  attendre  probablement 
le  moment  où  Artaxerxès  I  triompha  des  Egyptiens  et  des 
Athéniens  (449)  pour  faire  intimer  aux  Juifs  l'ordre  d'arrêter 
leurs  travaux. 

Dans  une  missive  adressée  au  monarque,  Réhoum  le  gouver- 
neur et  Schimschaï  son  secrétaire  rappelaient  les  fréquentes 
révoltes  du  royaume  hébreu  et  faisaient  remarquer  que  si  Jéru- 
salem était  de  nouveau  fortifiée,  atteinte  serait  infailliblement 
portée  à  l'autorité  perse  de  ce  côté  du  fleuve.  Artaxerxès  enjoi- 
gnit la  cessation  immédiate.  Il  fallut  user  de  force  et  de  violence 
pour  exécuter  l'ordre  royal  ;  ce  qui  avait  été  fait  fut  détruit  ou 
retomba  bientôt  en  ruines.  (Esdr.,  IV,  6-23.  Néh.,  II,  11-17.) 

Zorobabel  avait  disparu  de  la  scène  sous  le  règne  de  Darius 
et  rien  n'indique  qu'il  ait  été  remplacé  dans  une  mission  qui 
semble  lui  avoir  été  dévolue  à  titre  personnel;  les  satrapes  de 
Syrie  étaient  d'ailleurs  là  pour  surveiller  les  menées  politiques 
des  Juifs. 


(i)  La  restauration  du  temple  est  racontée  dans  Esdras,  III,  IV,  i-5,  24; 
V  et  VI.  IV,  6-23,  où  il  s'agit  du  relèvement  des  murs  de  la  ville,  doit  venir- 
après  VI.  Cfr.  Vax  Hoonackek,  Les  douze  petits  prophètes,  p.  544- 


DEPUIS  LA  DEPORTATION  DE  BABYLONE 


Les  grands 

prêtres 

Joïakitn  et 

Eliashib. 


Dans  l'ordre  civil  et  religieux  ceux-ci  furent  administrés  par 
leurs  grands-prêtres  :  Jéhoschoua  et,  après  lui,  son  filsjoïakim 
et  le  fils  de  celui-ci  :  Eliashîb.  (Néh.,  XII,  lo.)  La  dignité  ponti- 
ficale en  fut  rehaussée  d'autant.  Mais  l'état  intérieur  de  la 
communauté  laissa  beaucoup  à  désirer.  C'est  ce  qui  ressort  des 
écrits  du  prophète  Malachie  (i)  et  du  livre  de  Néhémie.  L'un 
et  l'autre  constatent  la  même  situation  :  existence  dure  faite  au 
peuple  par  le  péha  ou  satrape  (Néh.,  V,  i5)  ;  —  Ce  n'est  pas  à 
lui  qu'on  présenterait  une  bête  malade,  mais  on  ne  se  gêne  pas 
pour  l'offrir  au  Seigneur.  (Mal.,  I,  8,  14)  —  ;  exploitation  des 
petits  par  les  grands  (Néh.V,  i-g),  d'où  murmures  contre  Jahvé, 
qu'il  est  inutile  de  servir,  puisque  l'impie  en  faisant  le  mal  n'en 
prospère  pas  moins!  (Mal.,  III,  14,  i5.)  Aussi  ne  se  fait- on  pas 
faute  de  frauder  sur  la  dîme  et  sur  la  part  à  prélever  pour  le 
temple.  (Mal.,  III,  8,  9;  Néh.,  X,  32-38.) 

Ces  misères  morales  devaient  être  en  partie  provoquées  par 
les  mariages  mixtes.  (Mal.,  II,  11,  12.  Néh.,  X,  3o.)  Pour  les 
filles  étrangères  on  allait  jusqu'à  répudier  l'épouse  de  sa 
jeunesse.  (Mal.,  II,  i3-i6.)  Les  prêtres  eux-mêmes  méprisaient 
leur  fonction  et  déshonoraient  Jahvé  en  offrant  leurs  sacrifices 
dans  de  mauvaises  dispositions  et  en  acceptant  des  victimes 
tarées.  (Mal.,  I,  7,  8,  12,  i3.)  Bien  plus,  ils  avaient  perdu  un 
grand  nombre  de  ceux  qu'ils  auraient  dû  maintenir  dans  le  droit 
chemin.  Eux,  dont  les  lèvres  étaient  dépositaires  de  la  sagesse, 
et  de  la  bouche  desquels  on  demandait  l'enseignement  sur  la 
voie  à  suivre,  parce  qu'ils  étaient  les  envoyés  de  Jahvé,  ils 
s'étaient  écartés  de  la  voie,  avaient  fait  trébucher  les  autres 
contre  la  loi,  perverti  l'alliance  de  Lévi  avec  Jahvé  et  avaient  eu 
égard  aux  personnes  dans  l'application  de  la  loi.  (Mal.,  II,  7-9.) 

Au  milieu  de  l'hostilité  de  ses  voisins,  la  communauté  juive 
étalait  donc  à  côté  de  la  misère  matérielle,  qui  accablait  le  petit 
peuple,  les  tares  morales  qui  avaient  atteint  toutes  les  classes  : 
riches  et  pauvres,  prêtres  et  laïcs. 

Parmi  ceux  qui  étaient  restés  dans  la  terre  de  déportation, 
il  y  en    avait  qui    étaient   parvenus    à   de   hautes    situations 


(i)  M.  Van  Hoonacker  place  le  ministère  de  Malachie  entre  45o  et  445| 
avant  la  première  venue  de  Néhémie.  Les  raisons  qu'il  aiiporte  nous  sem- 
blent péreniptoires.  Cfr.  Les  douze  petits  prophètes,  pp.  697-G99. 


JUSQU'A    L  ÉPOQUE    HELLÉNIQUE.  189 

SOUS  le  régime  perse.  De  ce  nombre  était  Néhémie,  fils 
de  Hacalias,  échanson  d'Artaxerxès  I  à  la  cour  de  Suse. 
(Néh.,  I,  I,  2,  II.)  Les  rapports  entre  les  rapatriés  et  les  frères  Néhémie. 
de  la  Mésopotamie  n'avaient  pas  cessé,  et  c'est  ainsi  que  nous 
voyons  un  certain  Hanani  accompagné  de  quelques-uns  de  ses 
compatriotes,  aller  trouver,  au  mois  de  Kislev  de  la  vingtième 
année  d'Artaxerxès  I  en  445.  Néhémie  à  Suse.  Ils  venaient  lui 
faire  part  de  l'état  lamentable  de  la  ville  et  des  dispositions 
tout  aussi  regrettables  des  esprits.  L'échanson  en  fut  profon- 
dément affligé.  (Néh.,  I.)  Trois  mois  après,  au  mois  de  Nisan, 
Artaxerxès,  remarquant  ses  préoccupations,  lui  en  demanda  le 
motif;  Néhémie  saisit  l'occasion  pour  implorer  du  roi  la  faculté 
d'aller  rebâtir  sa  ville  natale.  Non  seulement  il  l'obtint,  mais 
il  fut  nommé  péha  de  la  communauté  juive  (V,  14);  et,  muni  de 
missives  royales  pour  les  officiers  perses  de  Palestine,  il  partit 
accompagné  d'une  escorte  militaire.  (II,  1-8.) 

Son  arrivée  irrita  particulièrement  certains  individus  qui 
entendaient  empêcher  toute  amélioration  politique  de  la  situa- 
tion faite  aux  Juifs.  C'étaient  d'abord  un  originaire  de  Beth- 
Horon,  Sanaballat  et  son  serviteur,  un  Ammonite,  du  nom 
de  Tobie;  tout  aussi  peu  sympathique  se  déclarait  l'Arabe 
Géschem  (i). 

Néhémie  ne  perdit  pas  son  temps.  Après  trois  jours  d'ar- 
rivée, il  alla  de  nuit  inspecter  l'état  des  murs,  après  quoi  il 
communiqua  aux  prêtres  et  aux  chefs  du  peuple  le  but  de  sa 
venue  et  les  pouvoirs  qui  lui  avaient  été  octroyés.  (II,  9-20.) 

On  se  mit  aussitôt  à  réparer  l'enceinte.  Le  travail  fut  systé- 
matiquement réparti  sur  toute  la  longueur  de  la  muraille  ; 
brèches,  tours  et  portes  furent  à  la  fois  bouchées,  réparées  et 


(i)  Malachie.  I,  2-5,  parle  d'une  dévastation  de  la  terre  d'Edom  dont  le 
souvenir  devait  être  encore  assez  récent  pour  être  allégué  en  l'occurrence. 
La  présence  de  l'Arabe  Géschem  pourrait  bien  être  liée  à  uue  invasion 
arabe  eu  territoire  édomite.  Diodore  de  Sicile  constate  la  présence  en  3i2 
des  Arabes  Nabatéens  à  Pétra.  [Bibl.  Histor.,  1.  XIX,  ch.  94  et  gS.)  Ils 
devaient  donc  y  être  dejjuis  un  certain  temps,  car  l'historien  décrit  leurs 
mœurs. 

C'est  à  l'occupation  du  territoire  d'Edom  par  ses  alliés  d'autrefois  qu'est 
consacrée  la  petite  prophétie  d'Abdias  composée  aux  environs  de  5oo. 
(Clr.  Vax  HooNACKKR,  Les  douze  petits  prophètes,  pp.  :>85-3ii.) 


IQO  DEPUIS    LA   DÉPORTATION   DE    BABYLONE 

remises  à  neuf.  De  toutes  les  localités  repeuplées  il  vint  une 
escouade  de  travailleurs;  nulle  classe  qui  crut  pouvoir  s'en 
désintéresser  :  prêtres,  femmes,  marchands,  artisans  de  toutes 
corporations,  tels  qu'orfèvres  et  parfumeurs,  s'y  mirent  avec  le 
même  entrain  (TII). 

La  fureur  de  leurs  ennemis  ne  sut  se  dissimuler.  Ils 
essayèrent  d'abord  d'intimider  les  travailleurs  par  leurs  moque- 
ries (IV,  1-5),  mais  quand  ils  virent  que  l'ouvrage  avançait  et 
que  sur  tout  son  pourtour  l'enceinte  était  déjà  réparée  jusqu'à 
moitié  de  sa  hauteur,  ils  résolurent  d'user  de  violences. 

Sur  l'instigation  de  Sanaballat  et  de  Tobie,  les  Arabes,  les 
Ammonites  et  les  Azotiens  se  liguèrent  pour  venir  attaquer  les 
rebâtisseurs.  Avertis  par  leurs  compatriotes,  ils  se  mirent 
en  garde.  Néhémie  plaça  aux  endroits  les  plus  découverts  des 
groupes  armés  qui  devaient  défendre  et  protéger  les  travail- 
leurs, munis  d'armes  eux  aussi,  et  la  nuit  les  équipes  restaient 
toutes  dans  la  ville  même  pour  repousser  une  attaque  éven- 
tuelle. (IV,  6-23). Voyant  leurs  plans  déroutés,  Sanaballat, Tobie 
et  Géschem  essayèrent  d'attirer  Néhémie  dans  un  guet-apens. 
A  quatre  reprises  ils  lui  demandèrent  une  entrevue  dans  la 
vallée  d'Ono  (E.-S.-E.  de  Jafîa).  Comme  Néhémie  s'y  refusait 
toujours,  Sanaballat  espérant  l'effrayer  lui  écrivit  que  le  bruit 
se  répandait  que  cette  reconstruction  du  mur  avait  pour  but  de 
rendre  Jérusalem  indépendante;  en  conséquence  il  l'invitait  à 
venir  se  concerter  avec  lui.  Néhémie  lui  fit  dire  qu'il  n'était  pas 
dupe  de  ses  ruses.  La  tentative  d'intimidation  lui  vint  alors  de 
ceux-là  mêmes  qui  l'entouraient.  Un  certain  Sémeïas  lui 
conseilla  de  s'enfermer  dans  le  temple,  prétextant  qu'on  avait 
comploté  sa  mort;  même  des  pseudo-prophètes,  parmi  lesquels 
un  certain  Noadias,  cherchèrent  à  Teffrayer.  Le  gouverneur 
comprit  que  ces  êtres  veules  étaient  tous  soudoyés  par  Sana- 
ballat et  Tobie.  Grâce  à  sa  clairvoyance  et  à  son  intrépidité,  la 
reconstruction  de  l'enceinte  fut  achevée  le  25  Elul,  après 
cinquante-deux  jours  de  travail.  {VI,  i-i5.) 

Un  premier  élément  de  sécurité  était  donc  garanti.  Mais 
Néhémie  avait  à  se  prémunir  contre  un  parti  d'opposition  dans 
la  communauté  juive  elle-même.  Déjà  nous  avons  rencontré  de 
soi-disant  prophètes  qui  essayaient  de  l'apeurer.   Mais  ce  qui 


jusqu'à  l'épooue  hellénique.  191 

explique  les  sympathies  que  rencontrait  Tobie,  c'est  que  des 
alliances  matrimoniales  unissaient  sa  i'amille  à  des  grands 
de  Juda.  (VI,  17,  18.)  Il  était  même  parent  du  grand-prêtre 
Eliashib.  (XI1I,4.)  En  outre,  Néhémie  avait  sévèrement  flétri 
la  conduite  des  riches  et  des  magistrats  qui,  par  leurs  prêts 
usuriers  consentis  aux  pauvres,  avaient  fini  par  accaparer  les 
champs,  les  vignes  et  les  maisons  de  ceux-ci,  les  réduisant 
ainsi  à  la  misère.  Il  avait  forcé  ces  exploiteurs  à  rendre  tous 
ces  biens  et  même  le  centième  de  l'intérêt  en  nature  et  en 
argent  qu'ils  avaient  prélevé,  (V,  i-i3.) 

Il  jugea  donc  nécessaire  de  se  prémunir  contre  toute  surprise 
et  chargea  le  clergé  inférieur  de  garder  les  portes  sous  l'auto- 
rité de  son  frère  Hanani  et  d'Anania,  le  commandant  de  la  cita- 
delle; de  plus,  ceux  des  habitants  dont  les  maisons  étaient  dans 
le  voisinage  des  remparts  eurent  à  les  surveiller  la  nuit. 
(VII,  1-3.) 

L'enceinte  était  construite,  mais  la  ville  était  peu  habitée  et 
beaucoup  de  maisons  restaient  en  ruines.  L'Ecclésiastique 
(XLIX,  i5;  T.  M.,  :  i3)  loue  Néhémie  d'avoir  également  bâti 
les  maisons  et  nous  dirons  bientôt  comment  il  s'y  prit  pour 
repeupler  Jérusalem.  Il  examina  les  registres  généalogiques  de 
ceux  qui  étaient  revenus  sous  Sheshbassar  (i),  ce  qui  fit 
constater  que  642  individus  ne  purent  prouver  leur  origine 
Israélite.  Trois  familles  qui  se  prétendaient  sacerdotales  et  dont 
l'une  était  issue  du  mariage  avec  la  fille  d'un  Galaadite,  Ber- 
zellaï,  ne  parvinrent  pas  à  établir  leur  descendance  sacrée  et 
furent  exclues  du  sacerdoce.  (VII,  6-65.)  Il  s'agissait  mainte- 
nant de  procéder  à  l'épuration  morale  du  peuple  et  au  réta- 
blissement intégral  du  culte. 

Le  premier  du  mois  de  Tisri  (septième  mois  de  l'année),  qui 
était  un  jour  de  fête  (Lév.,  XXIII,  24.  Num.,  XXIX,  1-6),  le 
peuple  s'assembla  sur  la  place  qui  s'étend  devant  la  porte  des 
eaux  (2). 


(I)  Le  document  reproduit  Xeh.,  VII,  7-G5  est  le  même  que  celui  donné 
Esdras,  II,  i-63.  Les  noms  propres  et  les  chiffres  de  ces  deux  listes  pré- 
sentent des  variantes  aitribuables  à  des  erreurs  de  copistes. 

(a)  Porte  à  l'Est  de  la  ville  donnant  sur  le  Gihon  (aujourd'hui  'Ain  Sitty 
Mariam,  au  Sud-Est  de  l'esplanade  du  temple. 


192  DEPUIS    LA   DÉPORTATION    DE    BABYLONE 

Un  prêtre  et  scribe  du  nom  d'Esdras,  qui  devait,  quelques 
années  après,  occuper  une  situation  prépondérante  dans  la 
nation,  monta  sur  une  estrade  et  lut  toute  la  matinée  la  loi  de 
Jahvé  (probablement  le  Deutéronome)  ;  lui-même,  le  gouver- 
neur et  des  lévites  en  expliquaient  le  sens  au  peuple.  A  cette 
lecture,  qui  devait  leur  rappeler  bien  des  transgressions,  des 
auditeurs  se  mirent  à  pleurer.  Néhémie,  jugeant  que  les 
réformes  qu'il  voulait  introduire  seraient  mieux  acceptées  dans 
la  joie  que  dans  les  larmes,  dit  au  peuple  de  s'adonner  à  des 
réjouissances.  Le  lendemain,  les  chefs  de  famille,  les  prêtres 
et  les  lévites  demandèrent  à  Esdras  une  instruction  plus  appro- 
fondie de  la  loi.  Ils  apprirent  ainsi  que  ce  même  mois  devait 
se  célébrer  la  fête  des  tabernacles.  Ils  se  mirent  aussitôt  en 
demeure  de  la  réinstaurer,  et  chacun  des  sept  jours  que  com- 
porte sa  célébration  on  lut  le  livre  de  la  loi  ;  on  clôtura  la  fête 
le  huitième  jour  par  une  assemblée  solennelle.  (VIII.) 

Le  peuple  ainsi  préparé  et  instruit  de  ses  obligations, 
Néhémie,  le  vingt-quatrième  jour  du  même  mois,  décida  la 
rénovation  de  l'alliance  d'Israël  avec  Jahvé.  Ce  fut  un  jour 
de  jeûne  et  d'expiation  ;  une  fois  de  plus  la  loi  fut  lue  et  les 
fautes  de  la  nation  entière  confessées.  Dans  une  touchante 
adresse  à  Jahvé  les  lévites  énumérèrent  les  bienfaits  dont  II 
n'avait  cessé  de  combler  la  race  élue  ;  sourde  malgré  cela  aux 
objurgations  divines,  elle  s'était  détournée  de  Lui,  avait  tué 
ses  prophètes  et  s'était  livrée  aux  pires  transgressions  ;  Jahvé 
alors  l'avait  punie  et  à  l'heure  présente,  la  terre  qu'elle  habi- 
tait produisait  encore  ses  fruits  pour  les  rois  auxquels  elle 
était  assujettie.  Tout  cela  n'était  que  justice.  Maintenant  tous 
prenaient  un  engagement  sacré,  qui  fut  mis  par  écrit,  d'observer 
les  ordonnances  divines.  (IX.)  Le  gouverneur,  un  certain  nom- 
bre de  prêtres,  de  lévites  et  de  chefs  du  peuple  y  apposèrent 
leur  sceau  et  le  reste  de  la  nation  confirma  par  serment 
ses  intentions  de  mettre  en  pratique  toutes  les  ordonnances  de 
Jahvé.  (X,  1-29.)  Pour  la  réforme  des  mœurs  on  s'engagea  tout 
spécialement  à  ne  pas  contracter  d'alliances  étrangères  (i),  à 


(i)  Jusqu'alors  étaient  défendus  uuitiuement  les  mariages  entre  Juifs  et 
Cananéens.  (Deut.,  VII,  i  ss.)  Les  autres  unions  étrangères  étaient  même 


jusqu'à  l'époque  helléxique.  igS 

observer  rigoureusement  le  sabbat  et  les  fêtes,  en  particulier 
par  l'abstention  de  tout  trafic  ces  jours-là,  enfin  à  permettre 
aux  moins  riches  de  refaire  plus  facilement  leur  situation,  en 
n'exigeant  le  paiement  d'aucune  dette  chaque  septième  année. 
(X,  3o,  3i.) 

Pour  relever  le  culte  et  pour  assurer  le  service  du  temple, 
d'autres  engagements  furent,  contractés  :  chacun  paierait 
annuellement  un  tiers  de  sicle  (i)  pour  les  sacrifices  officiels; 
on  tira  au  sort  pour  se  partager  par  familles  la  charge  de 
fournir  chaque  année  le  bois  nécessaire  aux  holocaustes  ; 
désormais  on  apporterait  régulièrement  au  temple  les  prémices 
de  tous  les  produits  de  la  terre  ainsi  que  les  premiers-nés 
tant  de  l'homme  que  des  animaux;  en  plus  chacun  prélèvera 
la  dîme  sur  ses  revenus  en  nature,  en  faveur  des  lévites  qui 
eux-mêmes  en  céderont  un  dixième  au  temple.  (X,  32-3g.) 
Les  chantres  et  les  portiers  du  temple  eurent  leur  part  égale- 
ment assurée  et  il  fut  préposé  des  fonctionnaires  spéciaux  au 
prélèvement  des  prémices  et  des  dîmes  prescrites.  Dîmes 
et  offrandes  destinées  au  culte  étaient  conservées  dans  des 
magasins  faisant  partie  de  la  construction  même  du  temple. 
(XII,  43-46.) 

Déjà  quelque  temps  auparavant  des  générosités  individuelles 
avaient  fourni  un  fonds  permettant  à  la  liturgie  de  se  déplo3'er 
avec  une  certaine  splendeur,  (VII,  70-73.)  Les  contributions 
annuelles  aidant  à  l'entretien  du  culte,  celui-ci  était  désormais 
assuré. 

Une  dernière  préoccupation  était  celle  de  repeupler  la  métro- 
pole. Il  fut  décidé  que  de  ceux  qui  habitaient  la  province  un  sur 
dix  viendrait  s'établir  à  Jérusalem  et  on  procéda  par  la  voie  du 
sort  à  leur  désignation.  Il  y  en  eut  d'autres  qui  s'y  ajoutèrent 
librement,  particulièrement  des  chefs,  des  prêtres  et  des  lévites. 


expressément  permises  (Deut.,  XXI,  10),  excepté  au  grand  prêtre.  (Lév., 
XXI.  i4-)  Désormais  la  prohibition  est  étendue  à  tous  les  étrangers.  Xous 
verrous  qu'elle  eut  do  la  peine  à  se  faire  respecter. 

(i)  On  avait  à  ce  moment  le  système  monétaire  babylonien  dans  lequel 
1/3  de  sicle  équivaut  à  1/2  sicle  du  système  phénicien  (Ex.,  XXX,  i3), 
pesant  l'un  et  l'autre  7,270  grammes  :  à  peu  près  fr.  i.5o  de  notre  monnaie. 
Mais,  eu  tenant  comj)te  de  la  valeur  relative  de  la  monnaie,  on  pourrait 
estimer  à  G  francs  la  taxe  que  chacun  devait  payer  au  temple. 

i3 


194        DEPUIS  LA  DÉPORTATION  DE  BABYLONE 

Tout  le  territoire  au  Sud  jusqu'à  Bersabée  et  au  Nord  jusqu'à 
la  vallée  d'Ono  fut  occupé  par  le  reste  du  peuple.  (XI.) 

Toutes  ces  dispositions  prises,  on  célébra  solennellement  la 
dédicace  des  murs  de  la  ville  sainte,  A  cet  effet  furent  con- 
voqués les  lévites  de  tous  les  endroits  du  pays  et  les  chantres 
des  environs  de  Jérusalem;  il  en  fut  formé  deux  groupes  qui, 
précédé  chacun  d'un  chœur  chantant  au  son  des  instruments  de 
musique  des  hymnes  à  Jahvé,  parcoururent  les  remparts  (i) 
en  sens  inverse  pour  se  rencontrer  au  temple.  Hoschaja  occupa 
la  place  d'honneur  dans  le  premier  groupe,  Néhémie  dans  le 
second  ;  Esdras  le  scribe  était  à  la  tête  du  premier  chœur» 
Ce  fut  une  dernière  réjouissance  publique  qui  couronna  la 
restauration  de  la  ville.  (XII,  27-42.) 

X^'éhémie  resta  douze  ans  à  Jérusalem.  (V,  14;  XIII,  6.)  A 
rencontre  des  gouverneurs,  ses  prédécesseurs,  il  ne  voulut 
rien  accepter  du  peuple  pour  son  entretien  estimant  que  les 
travaux  de  reconstruction  grevaient  assez  les  habitants  ;  bien 
plus,  il  tint  quotidiennement  table  ouverte  pour  plus  de  cent 
cinquante  personnes.  (¥,14-18.) 

Aussi  longtemps  que  Néhémie  demeura  à  Jérusalem  la  com- 
munauté vécut  conformément  aux  règles  de  conduite  qui  lui 
avaient  été  tracées.  Son  congé  expiré,  il  retourna  auprès  d'Arta- 
xerxès  I  pour  quelques  années.  Il  obtint  alors  à  nouveau  de 
pouvoir  revenir  dans  sa  patrie  et  il  constata  à  son  retour  qu'il 
n'avait  pas  fallu  longtemps  pour  qu'un  relâchement  grave 
s'introduisît. 

Le   grand-prêtre  Eliashib  avait  poussé  la  tolérance  jusqu'à 


(i)  On  ne  s'étonnera  pas  de  voir  une  procession  se  dérouler  sur  les  murs^ 
mêmes  d'une  ville,  si  l'on  veut  bien  se  souvenir  de  l'épaisseur  des  murs  de 
Khorsabad  (24  mètres)  et  de  ceux  de  Babylone  (26  mètres,  d'après  Héro 
dote).  Cfr.  Perrot  et  Chipiez,  t.  II,  pp.  478-479- 

Ceux  de  .Jérusalem  n'ont  certes  pas  eu  pareilles  dimensions,  mais  il  ne 
fallait  guère  plus  de  trois  ou  quatre  mètres  pour  que  la  procession  put  s'y 
déployer. 

De  nos  jours  la  chose  ne  serait  plus  possible  ;  mais  on  peut  encore  par- 
courir à  pied  les  remparts  de  Jérusalem  sur  une  bonne  longueur.  A  Akka 
ou  Saint-.Tean-d'Acre  nous  nous  sommes  promenés,  trois  de  front,  sur  les 
murs,  en  compagnie  d'un  officier  turc,  quittes  à  enjamber  i^ar  endroits 
l'espace  entre  les  créneaux. 


JUSQU  A    L  ÉPOQUE    HELLÉNIQUE.  Ig5 

faire  aménager  clans  les  chambres  du  temple  un  appartement 
pour  Tobie,  l'ennemi  juré  de  la  restauration,  auquel  l'unis- 
saient des  liens  de  parenté.  Dans  son  indignation  Xéhémie  jeta 
dehors  tout  ce  qui  appartenait  a  l'Ammonite  et  réaffecta  l'appar- 
tement à  sa  destination  primitive. 

Bientôt  aussi  on  avait  cessé  de  prélever  sur  les  récoltes  la 
part  des  lévites;  un  certain  nombre  d'entre  eux,  ainsi  (|ue  des 
chantres,  avaient  préféré  regagner  leurs  terres  plutôt  que 
d'exécuter  le  service  dont  ils  étaient  chargés.  Tant  les  particu- 
liers que  les  ministres  du  culte  furent  rappelés  à  leurs  devoirs, 
et  une  commission  de  deux  prêtres  et  de  deux  lévites  fut  insti- 
tuée pour  l'administration  des  biens  et  des  revenus  du  temple. 
Un  autre  abus,  trop  fréquent,  était  la  transgression  du  sabbat 
commise  de  toutes  manières.  Néhémie  réprimanda  énergique- 
ment  les  délinquants  et  prit  des  mesures  sévères  pour  enrayer 
les  occasions  de  profanation.  On  n'avait  pas  davantage  tenu 
compte  de  l'engagement  de  ne  pas  épouser  des  femmes 
étrangères.  Outre  des  Ammonites  et  des  Moabites  on  était 
allé  prendre  des  Azotiennes,  Il  en  résulta  que  les  enfants 
issus  de  ces  unions  ne  parlaient  plus  que  l'azotien  et  ne  con- 
naissaient pas  le  judéen  (i).  Le  gouverneur  alla  jusqu'à 
maudire  et  frapper  les  coupables  et  il  chassa  un  des  petits-fils 
du  grand-prêtre  Eliashib,  devenu  le  gendre  de  Sannaballat  le 
Horonite.  (Xéh.,  XIII.) 

Ce  dernier  fait  est  rapporté  par  Flave  Josèphe,  mais  dans 
d'autres  circonstances  et  à  une  autre  époque. 

Voici  le  récit  de  l'historien  juif  :  A  la  mort  de  Jochanan, 
petit-fils  d'Eliashib,  son  successeur  dans  le  souverain  ponti- 
ficat fut  son  fils  Jaddus  ou  Jedda.  {X^éh.,  XII,  22.)  Après 
l'avènement  de  Darius  III  Codoman  en  335,  un  certain  Sana- 
ballat,  originaire  de  Kutha,  fut  envoyé  comme  satrape  en 
Samarie.  Croyant  se  concilier  la  bienveillance  des  Juifs,  il  donna 
sa  fille  en  mariage  à  Manassé,  frère  du  grand-prêtre  Jaddus. 
Mais  les  principaux  citoyens  de  Jérusalem   ainsi   que  Jaddus 


f  I)  La  différence  de  l'azotieu  d'avec  l'hébreu  (qui  à  ce  moment  commen- 
çait déjà  probablement  à  s'aramaïser)  devait  être  plus  vocalique  que  con- 
sonantique  ;  mais  c'est  surtout  la  diversité  des  voyelles,  plutôt  que  celle 
des  consonnes,  qui  frappe  l'oreille. 


igÔ  DEPUIS    LA    DÉPORTATION    DE    BABYLONE 

lui-même  notifièrent  à  Manassé  qu'il  avait  à  divorcer  avec  sa 
femme  ou  à  renoncer  aux  fonctions  sacerdotales.  Comme  il 
tenait  à  celles-ci  et  aux  honneurs  qu'elles  comportaient,  il  alla 
trouver  son  beau-père  et  lui  expliqua  sa  perplexité  :  il  aimait 
Nicaso,mais  il  n'entendait  pas  lui  sacrifier  les  prérogatives  de  sa 
famille.  Sanaballat  eut  aisément  raison  de  ses  scrupules.  Il  lui 
assura,  non  pas  seulement  l'exercice  du  sacerdoce,  mais  lui  en 
promit  la  dignité  suprême  ;  pour  cela  on  bâtirait  au  Garizim  un 
temple  rival  de  celui  de  Jérusalem  et  le  satrape  se  faisait  fort 
d'obtenir  à  cet  effet  unfirman  ro3-al.  Ainsi  fut  fait  et  la  fortune  du 
sacerdoce  schismatique  fut  assurée  par  là  que  plusieurs  prêtres 
et  Israélites  se  trouvant  dans  le  même  cas  que  Manassé,  lui 
constituèrent  du  coup  un  collège  sacerdotal  subalterne  et 
allèrent  habiter  la  Samarie.  {Ani., l.XI,ch..  y  ,^  2;ch.  8, §2.)  (i). 
Il  est  impossible  de  voir  deux  événements  difterents  dans 
le  récit  de  Néhémie  et  celui  de  Flave  Josèphe.  Mais  ce  dernier 


(i)  Rappelous  brièvement  de  quels  élémeuts  la  Sainarie  s'était  peu  à 
peu  constituée.  Le  deuxième  livre  des  rois,  XVII,  24,  uous  apprend  que 
Sargon  transporta  dans  les  villes  de  Samarie  des  prisonniers  de  guerre 
de  Babylone,  de  Kutha,  d'Avab,  d'Eniath,  de  Sepliarvaïm.  En  715,  il  y 
transplanta  en  plus  un  grouiie  de  captifs  arabes  des  tribus  de  Tamud,  des 
Ibadidi,  des  Marsimani  et  des  Hayapa  (inscription  de  Korsabad).  Sous 
Assaraddon  III  (681-669)  il  y  vint  encoi*e  des  captifs  de  la  Babylouie,  de 
FElam  et  de  la  Perse.  (Esd.,  IV,  2,  9.)  Le  passage  de  .Térémie,  XLÎ,  5,  nous 
prouve  d'autre  part  qu'il  était  resté  dans  le  pays  bon  nombre  de  fugitifs 
israëlites.  Sur  la  demande  des  étx-angers,  il  leur  fut  envo>é,  d'entre  les 
déportés  de  722  un  prêtre  juif  pour  les  instruire  dans  le  culte  de  Jalivé. 
Mais  à  côté  de  celui-ci,  ils  conservèrent  les  leurs  ;  de  ce  mélange  de  rites 
il  résulta  nécessairement  un  syncrétisme  religieux  aussà  varié  dans  ses 
éléments  que  l'était  dans  ses  composants  le  peuple  appelé  Samaritain, 
parce  qu'il  liabitait  les  collines  de  Samai'ie.  L'Ecclésiastique,  L,  27,  28, 
cai'actérise  très  bien  cet  amalgame,  auquel  s'ajoutèrent  plus  tard  encoi*e 
des  colons  grecs,  romains  et  syriens  :  «  Ce  n'est  pas  un  peuple,  la  nation 
insensée  qui  habite  Sichem  ». 

Lors  de  la  restauration  nous  avons  vu  les  Samaritains  éconduits  par  les 
Juifs  ;  le  ressentiment  d'alors  se  renforça  quand  le  Garizim  eut  sou 
temple  i)ropre,  et  la  Samaritaine  exprimait  bien  l'attitude  de  son 
peuple  vis-à-vis  des  Juifs,  quand  elle  disait  au  divin  Maitre  :  «  Comment 
l^eux-tu  me  demander  à  boire,  toi  Juif,  à  moi  Samaritaine'?!  Comme  si 
quelque  rapport  pouvait  se  concevoir  entre  les  deux  !  »  .Toa.,  IV,  9 

De  nos  jours  il  reste,  en  fait  <le  Samaritains,  un  groupe  de  cent  cinquante 
hommes  à  ]>eu  près,  qui  s'est  maintenu  à  Naplouse  et  sacrifie  toujours 
sur  le  Garizim. 


jusqu'à  l'époque  helléxiot-e.  197 

contient  des  anachronismes;  la  preuve  nous  en  est  fournie 
par  un  des  papyrus  araméens  d'Eléphantine  :  des  Juifs  de  l'île 
s'adressent  à  Bagohi  (le  Bagosès  de  Flave  Josèphe;  voir  plus 
loin)  disant  qu'ils  ont  exposé  leur  situation  au  grand-prêtre 
Jochanan  et  à  deux  fils  de  Sanaballat,  péha  de  Samarie;  leur 
lettre  est  datée  de  l'an  17  de  Darius  Ochos,  c'est-à-dire  de 
408-407.  Nous  retrouvons  donc  le  synchronisme  complet  de 
Bagohi,  Jochanan  et  les  fils  de  Sanaballat,  génération  suivant 
celle  où  étaient  en  scène  Néhémie,  Eliashib  et  Sanaballat. 
Josèphe  doit  probablement  les  erreurs  de  synchronisme  qu'il 
commet  à  un  apocryphe  juif  qui  traitait  de  l'origine  du  temple 
au  Garizim  (i).  Le  fait  que  plusieurs  prêtres  se  trouvaient 
dans  le  même  cas  que  Manassé,  comme  nous  l'apprend  Flave 
Josèphe,  nous  reporte  à  la  même  situation  que  celle  de  Néhé- 
mie, XVIII,  29,  et  d'Esdras  quelque  temps  après.  (X,  18-24.) 
Après  l'épuration  faite  par  ce  dernier  la  chose  ne  serait  guère 
admissible. 

C'est  après  ce  dernier  geste  énergique  que  Néhémie  disparait 
de  l'histoire  de  la  restauration  juive.  Le  zèle  qu'il  déploya  avait 
largement  justifié  l'humble  et  confiante  prière  que  fréquemment, 
au  cours  de  ses  mémoires,  il  adresse  à  Dieu  «  de  se  souvenir 
favorablement  de  lui,  à  cause  de  tout  ce  qu'il  a  fait  pour  ce 
peuple,  pour  la  maison  de  Dieu  et  pour  son  service  ».  (Entre 
autres  passages  V,  19,  XIII,  14.)  La  mission  réformatrice  qu'il 
avait  remplie  avec  tant  de  courage  et  de  désintéressement 
devait  être  reprise  par  le  prêtre  et  scribe,  si  illustre  dans  la 
tradition  juive,  par  Esdras. 

Nous  l'avons  vu  déjà  occuper  un  rôle  secondaire  lors  de  la  Esdras. 
grande  assemblée  sous  Néhémie.  Il  était  retourné  plus  tard  à 
Babylone,  mais  il  en  revint  av^ec  pleins  pouvoirs  la  septième 
année  d'Artaxerxès  II,  en  398/397.  Les  lettres  royales  dont  il 
était  porteur  l'investissaient  d'encore  beaucoup  plus  de  préro- 
gatives et  imposaient  aux  officiers  perses  de  la  Cisjordane 
encore  d'autres  égards  vis  à  vis  de  la  communauté  juive  que 
ne  mentionnaient  les  instructions  envoyées  jadis  par  Darius 

(i)  Cfr.  La(;raX(;e,  Les  nouveaux  papyrus  d'Eléphantine,  Rev.  Bibl.,  T908, 
pp.  826  ss. 


igS  DEPUIS    LA   DÉPORTATION    DE   BABYLOXE 

à  Thathanaï.  Outre  les  présents  qu'av^aient  offerts  pour  le 
culte  Artaxerxès  et  les  grands  de  sa  cour,  les  administrateurs 
des  revenus  royaux  en  Palestine  eurent  à  verser  jusqu'à 
cent  talents  d'argent  à  Esdras,  sans  préjudice  des  donations 
à  faire  en  nature.  Tous  ceux  qui  remplissaient  quelque 
fonction  au  temple  furent  exemptés  de  tout  impôt,  et  Esdras 
fu  chargé  d'établir  une  organisation  administrative  et  judi- 
ciaire en  conformité  avec  les  lois  juives.  La  transgression  de 
celles-ci  comportait  toutes  les  sanctions  pénales  en  usage. 
(Esdr.,  VII.) 

Esdras  ramena  avec  lui  un  groupe  de  1496  hommes, 
38  lévites  et  220  serviteurs  du  temple  :  la  caravane  mit  près 
de  cinq  mois  à  faire  le  voyage  de  Babylone  à  Jérusalem  (VII, 
8,-VIII,  3i).  Aussitôt  arrivé,  Esdras  apprit  avec  douleur  que 
l'ordonnance  concernant  les  alliances  étrangères  avait  encore 
été  violée,  tant  par  les  prêtres,  lévites  et  chefs  du  peuple, 
que  par  le  commun  de  la  plèbe.  Il  adressa  à  Dieu,  dans  le 
jeiine,  une  prière  de  pardon  (IX);  puis  il  donna  l'ordre,  sous 
peine  de  confiscation  des  biens  et  d'exclusion  de  la  commu- 
nauté juive,  qu'endéans  les  trois  jours  tous  les  habitants  de 
Juda  eussent  à  se  trouver  à  Jérusalem.  Le  20  du  neuvième 
mois  (au  commencement  de  décembre)  ils  étaient  là,  malgré 
qu'on  fût  en  pleine  période  de  pluies  (l).  Esdras  rit  confesser 
sa  faute  à  Israël  et  ordonna  le  renvoi  des  femmes  étrangères. 
L'assemblée  acquiesça,  mais  demanda  que  les  chefs  se  réunis- 
sent et  délibérassent  à  l'aise  pour  examiner  le  cas  de  chacun 
des  compromis.  Ils  siégèrent  trois  mois  durant,  à  partir  du 
i'^'"  du  dixième  mois,  et  les  étrangères  furent  congédiées. 
(Esdr.,  X.) 

Esdras,  lui  aussi,  disparaît  de  la  scène  sans  que  nous  a3ons 
des  détails  sur  la  fin  de  sa  carrière.  Il  avait  la  réputation  d'être 
profondément  «  versé  dans  la  loi  du  Dieu  du  ciel  ».  (VII,  12) 
Aussi  la  tradition  rabbinique  lui  attribue-t-elle  quantité  d'insti- 
tutions et  de  décisions  qui  plus  tard  eurent  force  de  loi. 


(i)  La  saison  des  pluies  en  Palestine  va  de  la  mi  novembre  jusqu'à 
la  mi-avril  Non  pas  qu'il  pleuve  tout  ce  temps,  mais  c'est  seulement  pen- 
dant ces  mois-là  qu'il  tombe  de  l'eau.  Ces  pluies  sont  souvent  torrentielles 
et  durent  parfois  des  jours  sans  interruption. 


jusqu'à  l'épooue  hellénique.  igg 

Quelque  temps  après  ces  événements  rapportés  dans  les 
livres  bibliques,  il  se  passa  un  incident  qui  eut  des  consé- 
quences fâcheuses  et  dont  l'historien  Flave  Josèphe  nous  a 
conservé  le  souvenir. 

Le  grand-prètre  Jochanan  en  fonction  du  temps  d'Esdras 
(X,  6)  avait  un  frère  du  nom  de  Je<;houa,  qui  briguait  le  souve- 
rain pontificat,  et  était  en  relation  d'amitié  avec  Bagosès,  le 
général  et  gouverneur  militaire  en  Syrie  d'Artaxerxès  II, 
comme  il  l'avait  été  sous  son  père  Darius  II  Ochos.  Le  général 
promit  à  Jeshoua  de  l'aider  à  réaliser  ses  espérances.  L'in- 
trigue parvint-elle  aux  oreilles  du  pontife  en  fonction?  Tou- 
jours est-il  qu'un  jour  qu'il  sacrifiait  au  temple  il  se  prit  de 
querelle  avec  son  frère  et  le  tua.  Apprenant  le  fratricide  avec 
toutes  ces  circonstances,  Bagosès  vint  à  Jérusalem  et,  comme  il 
voulait  entrer  au  temple,  les  Juifs  l'en  empêchèrent.  «  Croyez- 
vous  »,  leur  lança-t-il,  «que  je  ne  sois  pas  plus  pur  que  celui  qui 
a  commis  un  meurtre  dans  le  temple?  »  et  il  entra.  Pendant  sept 
ans  il  accabla  les  Juifs  de  toutes  les  tracasseries  que  sa  fonc- 
tion lui  permettait  de  leur  infliger  ;  et  entre  autres  il  leur  imposa 
de  payer  une  taxe  de  cinquante  drachmes  pour  chacun  des  deux 
agneaux  qui  constituaient  journellement  l'offrande  crématoire 
du  matin  et  du  soir  {Attt.,  1.  XI,  ch.  7,  §  i). 

On  aura  remarqué  que  l'ordre  chronologique  que  nous  avons 
adopté  dans  notre  exposé  ne  correspond  pas  à  celui  de  la 
succession  des  chapitres  dans  les  livres  actuels  d'Esdras  et  de 
et  de  Néhémie.  En  effet,  nous  avons  agencé  les  faits  dans 
l'ordre  suivant  :  Esdr.,  I-IV,  5;  IV,  24-VI  ;  IV,  6-23;  le  livre 
de  Néhémie;  Esdras,  VII-X. 

Cette  chronologie  Xéhémie-Esdras  a  été  établie  dans  ses 
grands  traits  de  façon  péremptoire,  à  notre  avis,  par  AI.  Van 
Hoonacker.   Le  savant  exégète  l'a  justifiée  maintes  fois  (i). 


(Il  Néhémie  et  Esdras,  Louvaiu,  Istas,  1890.  Zorobabel  et  le  second  temple, 
Gand,  Engelcke.  1892.  Xouuelles  études  sur  la  restauration  juive  après  l'exil 
de  Habylone,  Paris  et  Louvaiu,  1896.  Néhémie  en  l'an  20  d'Artaxerxès  I, 
Esdras  en  l'an  -  d'Artaxerxès  II,  Gaud,  Engelcke  et  Leipzig,  1892.  Notes 
sur  l'histoire  de  la  restauration  juioe  après  l'exil  de  Babylone,  Rev.  BibL, 
1901,  pp.  5-26;  175-199.  Les  douze  petits  prophètes.  Introduction  et  commen- 
taire dAggée  et  de  Malaebie.  Nous  nous  sommes  servis  surtout  des  trois 
dernières  éludes. 


200  DEPUIS    LA   DEPORTATION   DE   BABYLONE 

Nous  pouvons  nous  contenter  ici  d'indiquer  quelques  preuves  : 

1°  Quand  Néhémie  demande,  en  446,  à  Artaxerxès  I  de 
pouvoir  partir  pour  rebâtir  Jérusalem,  ni  l'un  ni  l'autre  ne 
savent  qu'en  ce  moment  Esdras  serait  là  pour  administrer  les 
affaires  juives,. et  la  rage  des  étrangers,  en  vo3'ant  arriver  dans 
la  ville  sainte  un  homme  qui  ce  allait  prendre  à  cœur  le  bien  des 
enfants  d'Israël  »  (Néh.,  II,  10),  montre  suffisamment  que 
jusqu'alors  ils  exerçaient  une  hégémonie  indiscutée  ; 

2°  Néhémie  parlant  des  gouverneurs,  ses  prédécesseurs,  dit 
que  c'étaient  des  exacteurs.  Comment  aurait-il  pu  parler  ainsi 
si  Esdras  l'avait  précédé  ? 

3°  Alors  que  Néhémie  rencontre  une  forte  opposition  des 
éléments  étrangers  et  tout  spécialement  de  Tobie  et  de  Sana- 
ballat,  il  n'en  est  plus  question  sous  Esdras.  Pendant  la  mission 
de  ce  dernier  les  Juifs  sont  seuls  maîtres  chez  eux  ; 

4°  La  succession  des  grands-prêtres  nous  fournit  une  nou- 
velle preuve  :  Néh.,  XII,  22  ;  ils  sont  énumérés  dans  cet  ordre  : 
Eliashib,  Joïada,  Jochanan,  Jedda.  Lors  des  deux  missions  de 
Néhémie,  c'est  Eliashib  qui  est  pontife;  lors  de  celle  d'Esdras, 
c'est  Jochanan  (Esdr.,  X,  6)  ; 

5°  Plusieurs  passages  bibliques  donnent  clairement  l'ordre 
des  successions  Néhémie-Esdras  ou  ne  s'expliquent  pas  autre- 
ment : 

a)  Eccli.,  XLIX,  ii-i3,  où  sont  loués  les  grands  hommes  de 
la  restauration,  il  n'est  parlé  que  de  Zorobabel,  Jeschoua  et 
Néhémie.  Comment  aurait-on  pu  omettre  Esdras  et  sa  mission 
VII-X,si  celle-ci  avait  eu  lieu  avant  celle  de  Néhémie? 

[3)  Néhémie,  XII,  26,  parlant  d'un  groupe  de  prêtres  et  de 

lévites,   dit  :    Ils  vivaient  au  temps  de  Joiaqim (le  père 

d'Eliashib)  et  au  temps  de  Néhémie  le  péha;  et  d'Esdras  le 
prêtre-scribe  ; 

y)  Néhémie,  XII,  46,  fait  également  suivre  immédiatement 
le  temps  de  Zorobabel  par  celui  de  Néhémie. 


CINQUIÈME    PÉRIODE 


OU 


PÉRIODE  HELLÉNIQUE 

Depuis  la  conquête  d'Alexandre 

jusqu'à  la  prise  de  Jérusalem 

par  Pompée  en  63 


CINQUIEME  PÉRIODE 

Depuis  la  conquête  d'Alexandre 

jusqu'à  la  prise  de  Jérusalem 

par  Pompée  en  63 


Les  premiers  rapports  d'Alexandre  avec  les  Juifs  faillirent 
être  des  rapports  d'hostilité  (i).  Lorsque,  en  333,  il  assié- 
geait Tyr,  il  fit  savoir  au  grand-prêtre  Jaddus  (le  même  que 
Néh.,  XII,  II  et  22)  qu'il  eût  à  reconnaître  son  autorité  et  à 
poser  un  premier  acte  de  vassalité  en  fournissant  à  son  armée 
des  secours  en  vivres  et  un  continrent  en  hommes.  Le  grand- 
prêtre  allégua  la  fidélité  qu'il  devait  à  son  suzerain  Darius  et 
refusa.  T^r  et  Gaza  soumises,  Alexandre  se  porta  sur  Jéru- 
salem. D'après  l'historien  juif,  un  songe,  qu'eurent  à  la  fois  le 
grand-prêtre  et  le  conquérant,  fit  que  celui-ci  professa  son  estime 
et  son  respect  pour  Jaddus,  qui,  revêtu  de  ses  habits  pontificaux, 
vint  attendre  Alexandre  au  Scopus  (2).  Il  fut  permis  aux  juifs 
de  vivre  selon  leurs  lois,  et  exemption  de  tout  tribut  leur  fut 
accordée  pour  chaque  année  sabbatique.  Comme  Alexandre 
s'apprêtait  à  ce  moment  à  passer  en  Egypte,  des  Juifs  s'enrô- 
lèrent dans  son  armée  (cfr.  Contra  A  pion,  1.  I,  §  22).  D'autres 
se  fixèrent  bientôt  dans  la  nouvelle  ville  d'Alexandrie.   Ils  y 


(i)  Les  principaux  renseignemeuts  sur  les  rapports  d'Alexandre  avec 
les  .Juifs  sont  consignés  dans  Josèphe,  Ant.,  1.  XI,  cliap.  8,  §  3  6.  Plusieurs 
détails  sont  également  reproduits  dans  le  traité  «  Yoma  »,  du  Taliuud. 

(2)  Point  culminant  du  Mont  des  Oliviers,  d'où  l'on  a  une  vue  très  éten- 
due sur  l'esplanade  du  temple  et  la  ville  entière. 


204  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 

obtinrent  les  privilèges  de  citoyens  (Ant.,  1.  XIX,  ch.  5,  §  2; 
Contra  Apion,  1.  II,  §  4)  et  y  jetèrent  les  fondements  de  cette 
colonie  d'où  les  idées  juives  devaient  rayonner  dans  le  monde 
hellénique,  tout  en  se  laissant,  réciproquement,  imprégner  de 
sa  culture. 

La  Palestine  fut  englobée  dans  la  province  de  Cœlé-S3Tie 
qui  s'étendait  du  Liban  jusqu'à  la  frontière  d'Eg3^pte,  et 
Alexandre  lui  donna  comme  gouverneur  Andromaque,  qui 
s'établit  à  Samarie.  Les  Samaritains  n'avaient  pas  eu  le  scru- 
pule de  Jaddus  ;  leur  satrape,  que  Flave  Josèphe  appelle 
Sanaballat  (i),  vo3^ant  la  partie  de  Darius  Illperdue,  s'empressa 
d'aller  offrir  ses  services  au  nouveau  maître  et  de  lui  fournir 
un  contingent  pour  le  siège  de  Tyr  et  de  Gaza.  Quand  les 
Samaritains  eurent  appris  quels  privilèges  avaient  obtenus  les 
Juifs,  ils  vinrent  tout  près  de  Jérusalem  au  devant  d'Alexandre 
et,  prétextant  de  leur  parenté  avec  les  Juifs,  ils  demandèrent 
les  mêmes  faveurs.  Le  Macédonien  répondit  qu'il  examinerait 
leurs  titres;  en  attendant,  il  enjoignit  à  ceux  qui  l'avaient 
secondé  à  T3^r  et  à  Gaza  de  le  suivre  en  Eg3^pte  où  la  surveil- 
lance de  la  Thébaïde  leur  fut  confiée.  (Ant.,  1.  XI,  ch.  8, 
§§  4  et  6.) 

On  ne  sait  trop  quels  motifs  de  mécontentement  agitèrent  la 
Samarie  après  le  départ  d'Alexandre.  Etait-ce  le  dépit  de  ne 
pas  se  voir  octro3'er  sur-le-champ  les  mêmes  prérogatives 
qu'aux  Juifs  ?  ou  bien,  un  certain  malaise  de  se  sentir  davan- 
tage sous  la  surveillance  immédiate  du  gouverneur  ?  Toujours 
est-il  que  l'historien  classique  d'Alexandre,  Quinte-Curce  (2), 
nous  raconte  que  les  Samaritains  brûlèrent  tout  vif  leur  gou- 
verneur Andromaque.  La  nouvelle  de  ce  crime  parvint  au 
monarque  après  qu'il  se  fut  soumis  l'Egypte.  Sans  tarder,  il  se 
mit  en  devoir  de  punir  le  forfait  ;  les  criminels  furent  suppli- 
ciés ;  un  certain  Memnon  succéda  à  la  victime  dans  le  gouver- 
norat,  et,  pour  plus  de  sécurité,  des  colons  macédoniens  furent 
installés  dans  le  pa3^s.  A  partir  de  ce  moment,  la  ville  de 
Sichem,  au  pied  du  Garizim,  devint  le  centre  politique  de  la 
nation  samaritaine. 


(i)  Voir  sur  cet  aiuichrouisme,  pp.  195  ss. 

(2)  De  rébus  gestis  Alexandri  Magni,  1.  IV.  chap.  5  et  8. 


jusqu'à  la  domixatiox  romaine  2o5 

Après  BabNione  et  Suse,  ce  furent  Persépolis,  Pasargade  et 
Ecbatane  qui  virent  Alexandre  entrer  en  triomphateur  dans 
leurs  murs.  II  passa  ensuite  dans  le  pays  des  Parthes,  se  sou- 
mit l'Hyrcanie,  l'Aragosie,  conquit  en  3_'9  la  Bactriane  —  où 
il  épousa  Roxane,  une  fille  de  roi  bactrien,  —  et  ensuite  la 
Sogdiane.  C'est  aux  frontières  de  cette  province  qu'il  bâtit 
Alexandrie  Eschaté  comme  rempart  contre  les  Scythes.  Il  dut 
rester  assez  longtemps  dans  ces  contrées  pour  y  affermir  son 
autorité;  puis,  après  avoir  renforcé  son  armée  de  contingents 
asiatiques,  il  partit  en  327  à  la  conquête  de  l'Inde,  qu'il  se  sou- 
mit par  deux  ans  de  combats  ininterrompus.  Il  revint  par  la 
Gédrosie  et  la  Carmanie  et  manifesta,  au  commencement  de 
324,  à  Suse,  son  plan  d'helléniser  l'Orient  et  d'unifier  toutes 
ses  conquêtes  en  un  seul  empire  macédo-persique.  Arrivé  à 
cet  apogée  de  grandeur,  il  se  crut  digne  des  honneurs  divins, 
mais  l'année  suivante,  en  juin  323,  emporté  par  la  fièvre,  il 
mourut  à  l'âge  de  trente-trois  ans,  à  Babylone,  qu'il  avait  des- 
tinée à  être  la  capitale  de  son  empire  mondial  (i). 

Le  premier  livre  des  Machabées  débute  (I,  1-8)  par  une 
esquisse  à  larges  traits  de  la  vie  du  prodigieux  conquérant.  Le 
tableau  3-6  est,  dans  sa  sobriété,  saisissant  de  justesse  :  a  II 
passa  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  et  s'empara  des 
dépouilles  d'une  multitude  de  nations  et  la  terre  se  tut  devant 
lui.  Son  cœur  s'éleva  et  s'enfla  d'orgueil:  il  rassembla  une 
armée  très  forte  et  soumit  des  contrées,  des  nations  et  des 
souverains  et  ils  devinrent  ses  tributaires.  Après  cela,  il  tomba 
sur  son  lit  et  connut  qu'il  allait  mourir  ». 

En  plusieurs  endroits,  le  livre  de  Daniel  a  visé  le  nouvel 
empire  et  son  audacieux  chef:  VII,  6,  VIII,  5-8;  mais  le  plus 
net  de  tous  est  le  passage  XI,  3,  4  :  «  Et  il  s'élèvera  un 
roi  vaillant,  qui  aura  une  grande  puissance  et  fera  ce  qui 
lui  plaira.  Dès  qu'il  se  sera  levé,  son  royaume  se  brisera  et 
sera  divisé  aux  quatre  vents  du  ciel,  sans  appartenir  à  ses 
descendants  et  sans  avoir  la  même  puissance  qu'il  avait  eue  ; 
car  son  royaume  sera  déchiré  et  il  passera  à  d'autres  qu'eux  ». 


(i)  Voù*  carte  de  lempire  d'Alexaudre,  dans  Putzger's,  [Historischer 
Schul-Atlas,  3o*'e  Aullags,  n<>5. 


2o6 


DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 


L'Helléni- 
sation  de 
l'Orient. 


C'est  bien  ce  qui  arriva.  Cet  empire  qui  englobait  à  peu  près 
tout  le  monde  alors  connu,  s'émietta  dans  les  fameuses  guerres 
des  diadoques. 

Pourtant  un  point  du  vaste  programme  conçu  par  le  Macé- 
donien devait  se  réaliser,  même  au  delà  de  l'attente  de  son 
auteur,  notamment  par  la  multiplicité  des  facteurs  enjeu:  ce 
point,  c'était  l'hellénisation  de  tout  l'Orient. 

La  langue  grecque  allait  transporter  dans  le  monde  entier  les 
idées  des  sages  de  l'Hellade;  celles-ci  avaient  fini  par  dégager 
les  réalités  au  moins  les  plus  élémentaires  des  facultés,  des 
passions  et  des  aspirations  de  l'àme  humaine,  ainsi  que  des 
attributs  de  l'Etre  Suprême.  Cette  mise  au  point  plus  subtile 
de  notions  jusque  là  grossièrement  conçues  devait  être  corro- 
sive  pour  la  plupart  des  religions  du  vieil  Orient.  Le  Parsisme, 
il  est  vrai,  fut  plus  réfractaire  et  la  théologie  de  l'Inde  le  resta 
tout  à  fait,  mais  la  vieille  terre  sémite  —  où  les  concepts,  parce 
que  plus  matériels,  résistaient  moins  à  une  analyse  plus  péné- 
trante—  allait  s'initier  avidement  à  ce  monde  d'idées  qui  devait 
lui  paraître  si  éblouissant  et  si  révélateur.  A  la  différence  toute- 
fois des  cultes  polvthéistes,  le  monothéisme  des  Juifs  devait  sou 
tenir  victorieusement  la  comparaison  avec  ce  nouvel  apport  de 
pensées,  mais  il  s'affinerait  aussi  à  ce  contact,  et,  s'expri- 
mant  en  formules  moins  absolues,  plus  psychologiques,  plus 
exactes,  le  judaïsme  ne  manquerait  pas  de  faire  des  prosélytes 
dans  le  cercle  des  intellectuels  grecs. 

Ce  travail  de  compénétration  de  l'esprit  hellénique,  il  est 
particulièrement  intéressant  de  le  relever  dans  deux  des  plus 
récents  écrits  canoniques  de  l'Ancien  Testament,  qui,  tout  en 
restant  très  juifs,  prouvent  bien  que  leurs  auteurs  se  mouvaient 
au  milieu  d'éléments  inconnus  jusqu'alors  à  la  mentalité  juive. 
A  rencontre  du  ton  enthousiaste  et  affirmatif  des  prophètes, 
Koliéleth  posera  nettement  les  difficultés  des  problèmes  d'ordre 
moral  et  ne  se  fera  aucune  illusion  sur  les  hommes  et  les 
choses.  Quant  à  la  Sagesse,  elle  tendra  à  prouver  implicitement, 
dans  une  langue  grecque  très  pure,  la  supériorité  de  la  .religion 
juive  sur  les  systèmes  de  philosophie  hellénique,  tout  en  leur 
empruntant  ce  qu'ils  ont  d'indiscutable.  Mais,  si  le  judaïsme 
montrait  qu'il  était  susceptible  de  perfection,  il  n'en  resta  pas 


jusqu'à  la  domination  romaine  207 

moins  impénétrable  à  toute  altération  de  fond  ;  il  n'en  fut  pas 
de  même  dans  d'autres  milieux,  où,  à  côté  de  grossières 
croyances,  l'on  ne  put  pas  toujours  préserver  ce  qu'il  y  avait  de 
sain  dans  le  domaine  de  la  pensée  théologique. 

La  philosophie  de  la  Grèce  était,  en  effet,  aussi  variée  dans 
les  opinions  que  vaste  dans  son  objet,  et  le  désaccord  des  plus 
grands  génies,  dont  aucun  ne  pouvait  se  prévaloir  d'une  auto- 
rité incontestée,  conduisit  fatalement  au  scepticisme.  Celui-ci 
agit  parfois  en  véritable  dissolvant,  et  c'est  particulièrement 
dans  les  idées  morales  et  religieuses  des  Egyptiens  qu'on  con- 
state son  effet  délétère.  Il  en  naîtrait  un  profond  malaise  des 
âmes  droites,  et  c'est  ainsi  qu'à  constater  l'insufQsance  ou 
l'imperfection  de  tous  les  codes  régissant  les  consciences,  nous 
redisons  avec  Clément  d'Alexandrie  —  visant  en  particulier  ce 
qu'il  y  avait  de  vrai  dans  chacun  de  ces  systèmes  —  :  c'est 
par  leur  philosophie  que  Dieu  conduisit  les  Grecs  au  Christ 
comme  II  Lui  amena  les  Juils  par  la  Loi.  {Strom.,  1.  I,  ch.  5.) 


Alexandre  était  mort  laissant  la  succession  de  son  empire  à 
deux  héritiers  incapables  de  régner  :  son  demi-frère  Philippe 
Arrhidaeos  (i*  31/)  faible  d'esprit,  et  un  fils  puiné  conçu  de 
Roxane,  Alexandre  (f  3 11).  Un  des  premiers  officiers  de 
l'armée,  Cratérus,  fut  désigné  comme  régent,  mais,  vu  qu'à 
ce  moment  il  était  en  campagne  dans  la  Macédoine,  le  com- 
mandant de  la  garde  royale,  Perdikas,  remplit  ces  fonctions  et 
les  principaux  généraux  se  partagèrent  l'administration,  les 
satrapies  et  le  commandement  des  corps  d'armée.  A  la  mort 
d'Alexandre,  des  révoltes  avaient  éclaté  en  Grèce  et  en  Orient. 
Perdikas  réussit  non  seulement  à  les  réprimer,  mais  encore  à 
asseoir  son  autorité  là  où  la  résistance  n'avait  pas  désarmé 
jusqu'ici  :  en  Bithynie,  en  Arménie  et  sur  la  côte  cyré- 
naïque.  Ces  succès  lui  firent  ambitionner  l'empire  à  son 
propre  profit;  mais  ses  prétentions  soulevèrent  contre  lui 
les  autres  généraux  et  il  fut  massacré  par  ses  troupes  en  321. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  les  luttes  que  se  livrèrent  les 
aspirants  à  la  régence  de  l'empire  et  à  l'administration  des 
différents  pays.    Le   morcellement  alla    s'accentuant,   et    dès 


2o8  DEPUIS    LA   CONQUÊTE   d'aLEXANDRE 

3o6,  chaque  gouvernant  prit  le  titre  de  roi.  Dés  323,  la 
3)^16  avec  la  Phénicie  et  la  Palestine  avait  été  assignée  à 
LesLagides  Laomédon  (cfr.  Quinte-Curce,  1.  X,  ch.  lo),  mais  en  320, 
s'i^*  *^d  Ptolémée,  fils  de  Lagus,  la  lui  ravit.  Un  jour  de  sabbat,  il 
entra  par  surprise  à  Jérusalem  et  emmena  un  grand  nombre  des 
habitants  de  Judée  et  de  Samarie  en  Egypte,  sa  province.  Beau- 
coup de  Juifs  d'ailleurs  s'y  établirent  spontanément,  attirés  par 
la  fertilité  du  sol  et  les  avantages  que  leur  offrait  Ptolémée 
{Ant.,  1.  Xll,  ch.  i);  de  ces  Juifs  fut  notamment  un  prêtre  du 
nom  d'Ezéchias,  très  en  honneur  auprès  de  ses  compatriotes 
(i).  Peu  après,  la  S3'rie  fut  disputée  à  Ptolémée  par  Antigone 
qui  administrait  la  Phrygie,  la  Pamphylie  et  la  Lycie;  c'est  en 
sa  faveur  que  se  décida  la  bataille  navale  de  Salamine  en  3o6, 
mais  en  3o2  il  se  forma  contre  lui  aussi  une  ligue  qui  devait  lui 
ravir  ses  possessions  et  la  vie. 

Il  avait,  vers  3i6,  fait  fuir  Séleucus,  satrape  de  Baby- 
lonie  (depuis  32i),  qui  s'était  alors  réfugié  auprès  de  Pto- 
lémée. Rentré  en  possession  de  la  part  lui  assignée  en 
3i2  (i^'^'  octobre  3i2,  commencement  de  l'ère  des  Séleucides), 
Séleucus  s'unit  en  3o2  avec  Ptolémée,  avec  Cassandre  qui 
détenait  la  Macédoine,  et  Lysimaque  qui  gouvernait  la  Thrace. 
Ptolémée  ne  put  qu'occuper  la  Syrie  jusqu'à  Sidon;  Lysimaque 
et  Séleucus  poussèrent  jusqu'en  Phrygie,  où,  au  printemps  de 
3oi,  ils  livrèrent  à  Issus  la  bataille  où  périt  Antigone.  Séleucus 
garda  la  Syrie  et  fonda  comme  capitale  Antioche  sur  l'Oronte, 
ainsi  que  les  villes  d'Apamée,  Laodicée,  Séleucie,  Edesse  et 
Bérée.  Beaucoup  de  Juifs  avaient  servi  sous  ses  ordres;  il  les 
invita  à  s'établir  dans  les  villes  qu'il  avait  fondées  et  leur 
accorda  droit  de  cité.  (Ant.,  1.  XII,  ch.  III,  §  i.) 

Malgré  les  protestations  de  Séleucus,  Ptolémée  s'octroya  la 
Palestine  proprement  dite  ;  cet  état  de  choses  devait  se  main- 
tenir pendant  un  siècle  à  peu  près,  et,  comme  les  luttes  entre 
Séleucides  et  Lagides  eurent  surtout  pour  théâtre  le  Nord  de 
la  Syrie,  les  Juifs  purent  jouir  d'une  paix  relative  sous  l'admi- 
nistration de  leurs  pontifes. 

De  l'empire  d'Alexandre  s'étaient  donc  formées,  après  des 


(l)  PSEUDO-HÉCATKE,  Frugin.  hist.  Graec,  t.  II,  l:?  i4,  p.  898. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  209 

années  de  luttes,  trois  monarchies  principales  :  la  Syrie, 
l'Egspte  et  la  Macédoine.  La  première  était  incontestablement 
la  plus  vaste;  elle  s'étendait,  à  la  mort  de  son  fondateur  (280), 
depuis  la  mer  Egée  jusqu'à  l'Indus  et  du  Liban  jusqu'à  la  côte 
méridionale  de  la  Caspienne.  Aussi  est-ce  au  premier  des  Séleu- 
cides  que  s'applique  le  passage  de  Daniel,  XI,  5:  «  Le  roi  du 
Midi  deviendra  fort  (Ptolémée  Lagus  en  Egypte)  ainsi  qu'un  de 
ses  généraux  (Séleucus),  lequel  deviendra  plus  fort  que  lui  et 
sera  puissant,  sa  puissance  sera  grande  »,  A  côté  de  ces  trois 
grands  royaumes,  il  surgit  des  monarchies  helléniques  de 
moindre  importance,  telles  la  Bithynie  et  le  ro3'aume  de 
Pergame,  —  et  aussi  des  royautés  autochtones  qui  ne  se 
familiarisèrent  pas  complètement  avec  la  culture  grecque  :  la 
Cappadoce,  le  Pont  et  l'Arménie,  auxquelles  il  faut  ajouter  les 
Etats  confédérés  de  la  Galatie. 

Ce  qui  contribua  encore  à  l'hellénisation  de  l'Orient,  ce  fut  la 
fondation  de  nombreuses  villes  grecques  libres,  et  des  cités 
mi-grecques,  mi-indigènes,  Alexandre  avait  commencé  par 
amener,  à  la  suite  de  ses  troupes,  des  Macédoniens  avec  les- 
quels il  Cx-éa  autant  de  foyers  de  culture  grecque.  La  tradition 
lui  attribue  ainsi  l'érection  de  plus  de  soixante-dix  villes.  Quoi 
qu'il  en  soit,  son  système  fut  continué  par  ses  successeurs 
Séleucides  et  Lagides,  et  bientôt  l'emploi  universel  du  grec 
montra  l'infiltration  générale  de  la  race  et  de  la  civilisation 
autant  que  de  la  langue  hellénique.  A  cette  influence  irrésis- 
tible la   Palestine  ne  pouvait  se  soustraire. 

Déjà  avant  Alexandre  les  villes  *de  la  côte  palestinienne 
étaient  visitées  par  les  navires  marchands  grecs,  et  les  fouilles 
récentes  y  ont  exhumé  des  ustensiles  de  fabrication  grecque 
antérieurs  également  à  cette  époque. 

Aussitôt  après  la  conquête  d'Alexandre,  l'hellénisme  pénétra 
à  l'intérieur  du  pays  par  la  fondation  de  villes  essentiellement 
grecques,  dont  les  plus  anciennes  sont  Dion,  Pella,  Phila- 
delphie, Gadara  et  Abila  (pour  ces  deux  dernières  cfr.  A  ni., 
1.  XII,  ch,  3,  §  3).  Jusqu'à  la  période  romaine  il  s'en  établit 
progressivement  de  nouvelles,  surtout  dans  la  Transjordane; 
d'anciennes  cités  existantes  lurent  hellénisées  ;  d'aucunes  même 
de  très  bonne  heure   :    Gaza,    Ascalon,  Asdoud,    Ptolémaïs, 


2IO 


DEPUIS    LA    CONQUETE   D  ALEXANDRE 


Damas,  toutes  villes  qui  frappèrent  des    monnaies  locales  à 
l'effigie  d'Alexandre  (i). 

Mais  si  nous  assistons  à  une  compénétration  du  monde 
entier  par  l'élément  grec,  nous  sommes  en  même  temps  témoins 
d'un  phénomène  analogue,  mais  autrement  étonnant  et  unique 
dans  l'histoire  :  nous  voulons  dire  le  rayonnement  universel 
de  ce  petit  peuple  juif,  l'installation  de  coloniesjuives  dans  tous 
les  pays  connus  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  (c  diaspora  », 
C'est  le  moment  de  nous  en  occuper. 


La 
diaspora. 


Dans  le  plan  providentiel,  ce  lait  serait  un  des  moyens  par 
excellence  pour  faciliter  la  diffusion  rapide  et  universelle  de 
l'Evangile.  Les  premiers  prédicateurs  chrétiens  allaient  ren- 
contrer partout  des  Juifs,  et,  à  l'exemple  du  divin  Maître  et  des 
apôtres,  c'était  à  eux  en  tout  premier  lieu  qu'ils  annonceraient  la 
venue  et  le  règne  du  Messie.  Il  est  vrai  que  leur  succès  auprès 
d'eux  serait  généralement  décourageant.  Mais  il  devait  se 
trouver  presque  en  chaque  région  des  groupes  de  gentils 
((  craignant  Dieu  »,  en  bons  rapports  de  sentiments  et  d'idées 
avec  les  communautés  juives  établies  parmi  eux.  Celles-ci, 
exerçant  un  prosélytisme  intense  (cfr.  Mat.,  XXIII,  i5)  sur  ces 
âmes  païennes,  devaient  les  conduire  au  monothéisme,  ainsi 
qu'à  la  pratique  d'une  morale  plus  pure  (2),  les  disposer  de 
la  sorte  à  recevoir  le  culte  «  en  esprit  et  en  vérité  »  infiniment 
plus  parfait  encore,  et  les  dégager  de  ces  observances  que  les 
docteurs  juils  rendaient  si  souvent  mesquines. 


P         .  Nous  occupant  avant  tout  du  centre  politique  palestinien  de 

delà         la  nation  juive,  nous  ne  pouvons  suivre  dans  les  détails  la  fon- 

diaspora,  dation  et  les  développements  pourtant  si  intéressants  des  commu- 
nautés en  dehors  de  la  mère-patrie.  Il  nous  suffira  de  quelques 
témoignages  contemporains  pour  apprendre,  que  depuis  la  con- 


(I  Sur  les  villes  lielléiiiques  de  Palestine  voir  ScHiiRKK  :  Geschichte  des 
Jiidischen  Volkes  im  Zeitnltev  Jesii-Chnsti,  t.  L  pp.  i88, 189;  t.  IL  pp.  94-223. 
Daus  la  suite  nous  nous  servirons  l'ré(iueninient  de  cet  ouvi-age  fouda- 
nieutal,  hors  j)air  pour  la  richesse  et  l'exactitude  rigoureuse  des  renseigne- 
ments. Nous  le  citons  d'après  la  quatrième  et  dernière  édition,  savoir  : 
1. 1,  1901;  t.  II,  1907  et  t.  III,  1909,  Leipzig,  Ilinrichs. 

(2)  Cfr.  ScHûRER,  III,  pp.  i65  ss.  et  pp.  422,  428. 


JUSQU  A    LA    DOMINATK^X    ROMAINE.  211 

quête  macédonienne,  les  Juifs  se  trouvaient  partout;  après 
quoi,  nous  examinerons  les  conditions  faites  à  ces  divers 
groupes. 

Au  cours  de  cette  histoire  nous  avons  suivi  les  Juifs  dans 
leurs  déportations  successives  en  Assyrie,  en  Egypte,  en  Baby- 
lonie  et,  plus  récemment,  en  Hyrcanie.  Les  dix  tribus  enlevées 
du  royaume  du  Nord  n'étaient  jamais  revenues  {Aut.,  1.  XI, 
ch.  5,  ,^  2»,  et  les  tribus  de  Juda  et  Benjamin  avaient  laissé  un 
grand  nombre  des  leurs  en  Babylonie,  en  Médie  et  en  Perse.  La 
présence  des  Juifs  dans  ces  pays  s'explique  donc  parfaitement. 
Les  diadoques,  nous  venons  de  le  voir,  avaient  attiré,  grâce 
aux  privilèges  qu'ils  leur  octroyaient,  un  grand  nombre  de  Juifs 
dans  leurs  villes  nouvellement  fondées,  et  Flave  Josèphe  nous 
apprend  qu'à  cause  de  la  proximité  c'était  en  S3Tie,  et  tout 
particulièrement  dans  la  capitale  Antioche,  qu'ils  étaient  en 
plus  forte  proportion  f^tV/.  7iid.,  1.  VII,  ch.  3,§  3).  Cependant 
on  ne  les  trouvait  pas  que  là  et  leur  présence  par  milliers,  voire 
par  centaines  de  mille,  en  certains  endroits,  au  dernier  siècle 
avant  notre  ère  ne  s'explique  pas  par  les  seules  migrations  ou 
par  la  surpopulation,  soit  de  la  communauté  palestinienne  (i), 
soit  même  des  premières  colonies,  vieilles  alors  de  plusieurs 
siècles.  Aussi  Schùrer  attribue-t-il  cette  innombrable  quantité 
numérique  de  Juifs  à  des  conversions  multiples  au  Judaïsme 
opérées  parmi  les  païens  au  cours  de  la  période  hellénique  (2). 

En  fait  les  Juifs  avaient  pénétré  partout  : 

Les  oracles  sibyllins  (1.  III,  vers.  271),  vers  140  avant 
notre  ère,  disent  «  toute  terre  et  toute  mer  pleine  de 
Juifs  ». 

Pour  la  même  époque  (i39-i38),  le  premier  livre  des  Macha- 
bées,  XV,  16-23,  nous  rapporte  une  lettre  circulaire  du  Sénat 
romain  détendant  de  faire  du  tort  aux  f  uifs  alliés  et  amis  des 
Romains.  Elle  était  adressée  par  le  consul  Lucius  au  roi  Ptolé- 
mée  VII  Physcon  d'Egypte,  au  roi  Démétrius  II  de  Syrie,  aux 
souverains  Attale  de  Pergame,  Ariarathe  de  Cappadoce, 
Arsace  des  Parthes,    de  même    qu'aux   villes    de   Sampsame 


(1)  Voir  SCHiiRKU,  II.  PI).  1-4- 

(2)  Schùrer,  III,  p.  3. 


212  DEPUIS    LA   CONQUETE  D  ALEXANDRE 

rSamsoun,  E.  de  Sinope  dans  le  Pont),  Sparte  (i)  et  Sicyone 
(dans  le  Péloponèse);  aux  îles  de  Délos  et  de  Samos,  à  la  ville 
de  Gort3'ne  (en  Crète),  à  la  Carie  et  à  ses  villes  Mynde,  Hali- 
carnasse  et  Cnide,  aux  îles  de  Cos  et  de  Rhodes,  à  la  Lycie  et 
à  sa  cité  de  Phasélis,  à  la  Pamphylie  et  à  sa  localité  de  Sida,  à 
la  ville  phénicienne  d'Aradus,  à  l'île  de  Chypre  et  à  Cyrène. 

Flave  Josèphe,  expliquant  comment  tant  de  richesses 
s'étaient  accumulées  au  temple,  dit  qu'elles  provenaient  des 
offrandes  des  Juifs  et  des  prosélytes  répandus  en  Europe  et  en 
Asie.  Il  cite  à  ce  propos  un  passage  de  Strabon  se  rapportant  à 
l'époque  de  Syllas  (85  avant  notre  ère)  :  «  la  race  juive  a 
envahi  toutes  les  cités  et  il  serait  difficile  de  trouver  un  endroit 
qui  n'en  ait  accueilli  ou  qui  ne  soit  occupé  par  eux  m  (2). 
Josèphe  (3)  et  Philon  (4)  parlent  dans  le  même  sens.  Ce  der- 
nier nous  a  conservé,  dans  son  écrit  De  legatione  ad  Cajîiui  ()5, 
une  lettre  d'Agrippa  I  à  l'empereur  Caligula,  dont  un  passage 
traite  précisément  de  l'étendue  de  la  diaspora  juive  :  «  Jérusa- 
lem est  la  métropole  non  seulement  de  la  Judée,  mais  de  la 
plupart  des  pays,  à  cause  des  colonies  qu'elle  a  envoyées  à 
diverses  époques  dans  les  pays  limitrophes  :  l'Egypte,  la  Phé- 
nicie,  la  Syrie,  ainsi  que  celle  qu'on  appelle  la  Coelé-Syrie, 
dans  les  contrées  les  plus  éloignées  :  la  Pamphylie  et  la  Cilicie 
et  la  plupart  des  pays  d'Asie  jusqu'en  Bithynie  et  les  parties  les 
plus  retirées  du  Pont.  De  même  en  Europe,  dans  la  Thessalie, 
la  Béotie,  la  Macédoine,  l'Etolie,  l'Attique,  à  Argos,  Corinthe, 
dans  la  plupart  et  les  principaux  endroits  du  Péloponèse.  Et 
il  n'y  a  pas  que  les  provinces  continentales  qui  soient  couvertes 
de  colonies  juives,  mais  encore  les  îles  les  plus  célèbres,  celles 
d'Eubée,  de  Chypre  et  de  Crète.  Et  alors  je  ne  fais  pas  mention 
des  régions  transeuphratéennes,  car  à  l'exception  d'une  petite 
partie,  toutes  :  Babylone  et  les  autres  préfectures  comprenant 


(il  I  Mach.,  XII,  7,  8,  il  est  dit  que,  déjà  du  temps  du  graiul-prêtre 
Ouias  I(3o9-2G5),les  Juifs  avaient  contracté  une  alliauce  avec  les  Spartiates 
et  leur  roi  Aréius. 

(2)  AiiL,  l.XIV,  ch.  7,  Sa. 

(3)  Bell.  Jud„  1.  II.  ch.  i6,  S4;  l.VH,  ch.  3,  ?<  3. 

(4)  Adversiis  Flaccum,  édition  Mangey,  Londres,  1742,  t.  II,  p.  024.  C'est 
à  cette  édition  que  nous  renvoyons  toujours  ixuir  les  écrits  de  l'hiluu. 

(5)  II,  p.  587. 


JUSQUA   LA   DOMINATION    ROMAINE. 


2l3 


des  terres  fertiles,  comptent  des  Juifs  parmi  leurs  habitants  ». 

A  peu  près  la  même  énumération  de  nationalités  figure  dans 
les  Actes,  II,  9-1 1,  où  il  est  question  des  Juifs  étrangers,  de 
séjour  à  Jérusalem,  accourus  au  bruit  de  la  descente  de  l'Esprit 
Saint  sur  les  Apôtres. 

Toutes  ces  données  sont  d'ailleurs  de  jour  en  jour  confirmées 
par  les  découvertes,  principalement  par  les  découvertes  épi- 
graphiques.  Elles  nous  révèlent  en  plus  —  pour  des  époques 
plus  tardives,  il  est  vrai,  du  i^"^  au  6^  siècle  —  la  présence  de 
colonies  juives  dans  le  reste  de  l'Italie,  les  Gaules,  l'Espagne 
et  les  pays  germaniques.  Rien  d'improbable  à  ce  que  ces  colo- 
nies y  aient  débuté  plus  tôt  (i). 


Comment  ces  communautés  s'administraient-elles?  Quelle 
était  leur  situation  légale  ? 

Av^ant  tout,  la  dispersion  des  Juifs  ne  consista  pas  dans  une 
mixtion  avec  les  peuples  au  milieu  desquels  ils  venaient  s'éta- 
blir ;  mais  partout  où  ils  se  trouvaient  —  au  nombre  de  quel- 
ques familles  du  moins  —  ils  constituèrent  aussitôt  des  cercles 
fermés.  En  certains  endroits  c'étaient  des  associations  pure- 
ment privées;  dans  beaucoup  d'autres,  généralement,  ils  possé- 
daient des  droits  politiques  particuliers  et  reconnus.  Cet  isole- 
ment officiel  était  d'ailleurs  indispensable  pour  le  maintien 
de  leur  religion. 

L'organisation  de  la  diaspora  orientale  (surtout  euphra- 
téenne)  nous  est  connue  seulement  par  les  renseignements 
talmudiques,  c'est-à-dire  pour  une  époque  tardive.  Il  est  pro- 
bable toutefois  qu'elle  remontait  assez  haut  dans  le  passé; 
nous  savons  que  des  relations  existaient  avec  la  terre  des 
aïeux  :  dès  lors,  il  ne  sera  pas  trop  téméraire  de  conclure  à 
quelque  analogie  d'administration. 

Nous  sommes  un  peu  mieux  au  courant  des  conditions  faites 
à  la  diaspora  occidentale.  Déjà  les  noms  sous  lesquels  les 
diverses  colonies  juives   sont   désignées   révèlent   dans  leurs 


(ij  Des  reuseigneineuts  de  détails  sur  toutes  ces  juiveries  des  différents 
pays  sont  fournis  eu  grand  nombre  dans  SCHiiRER,  III,  pp.  270  et,  par  le 
même  auteur,  dans  Hastings  Dictionary  ofthe  fî/6/e,  extra-volume,  pp.  91-99, 
article  «  Diaspora  ». 


Adminis- 
tration 

des 

commu= 

nautés 

de  la 

diaspora. 


214  DEPUIS    LA    CONQUETE  D  ALEXANDRE 

nuances  des  situations  diverses  d'après  les  contrées.  ÏIoA'lTe'jijia, 
qui  désigne  une  corporation  politique  indépendante,  se  dit 
des  Juifs  d'Alexandrie  et  de  Bérénice  en  Cyrénaïque.  Ky-o'.yJ.oL 
se  rencontre  dans  une  inscription  de  Phr3-gie  et  implique 
également  la  notion  d'indépendance  politique,  mais  ce  mot 
désigne  formellement  un  groupe  d'étrangers  par  opposition  aux 
indigènes  au  milieu  desquels  ils  habitent. 

Les  termes  'louoawt,  Xaô;,  'é6vo;,  désignent  simplement  les 
Juifs  comme  une  race  étrangère  aux  contrées  qu'ils  occupaient. 

A  une  époque  plus  récente  le  nom  de  Tjvaywv/,  devint  le 
plus  commun.  Proprement,  ce  mot  signifie  une  réunion  cul- 
tuelle ou  une  assemblée  de  fête.  Mais  les  LXX,  en  traduisant 
par  ce  terme  l'hébreu  n~y  lui  ont  donné  le  sens  de  l'ensemble 

T-- 

de  la  communauté  nationale  d'Israël;  le  terme  a  eu  ensuite  une 
portée  plus  restreinte  pour  désigner  une  communauté  juive 
locale;  mais  ainsi  entendu  il  ne  précisait  pas  la  situation  politi- 
que de  celle-ci,  qu'elle  fût  régie  par  des  libertés  et  des  droits 
particuliers,  comme  à  Alexandrie,  ou  que  —  comme  plus  tard 
à  Rome  —  elle  ne  jouît  d'aucun  privilège  politique  ou  exemptif. 

L'administration  interne  devait  nécessairement  varier  d'après 
la  situation  politique.  Toutefois  on  peut  distinguer  partout 
deux  classes  de  dirigeants  :  les  à'pyovTe;,  préposés  à  la  direc- 
tion civile,  les  àpy!.7uvàywyo'.  aux  intérêts  religieux. 

L'appellation  d'à'oyovTs;  est  générique  et  susceptible  de  S3'no- 
nymes  ;  elle  se  rencontre  à  peu  près  partout.  Le  nombre  de 
ces  archontes  pouvait  varier  d'un  endroit  à  un  autre,  ainsi  que 
la  durée  et  l'étendue  de  leurs  fonctions.  De  toutes  les  loca- 
lités de  la  diaspora  c'étaient  Alexandrie  et  Tune  ou  l'autre 
ville  de  la  Cyrénaïque  où  les  Juifs  s'administraient  avec  le 
plus  d'autonomie. 

A  Alexandrie,  il  leur  avait  été  assigné  par  les  diadoques  un 
quartier  spécial  au  N.-O.  delà  ville,  notamment  le  quatrième, 
appelé  AiATa  {Bell,  jnd.,  1.  II,  ch.  i8,  §^  7  et  8),  défendu  par 
des  remparts  et  des  portes.  Bientôt  il  ne  leur  suffit  plus. 
Du  temps  de  Philon  deux  quartiers  s'appelaient  quartiers 
juifs,  à  cause  de  la  prédominance  de  cet  élément,  et  il  y  avait 
encore  beaucoup  de  Juifs  dans  les  autres  (Adv.  Flacaim,  II, 
p.  525).  Comme  la  population  libre  de  la  ville  comptait  alors 


jusqu'à    la    DOMINATION'    ROMAINE.  2l5 

plus  de  3oo,ooo  habitants  (i),  il  ne  sera  certes  pas  exagéré 
d'évaluer  à  100,000  les  Juifs  (2), 

Vers  la  fin  du  troisième  siècle  avant  notre  ère,  la  -cXi-e-j^y. 
d'Alexandrie  avait  à  sa  tête  des  -ps^ê-jTspo',  et  des  t.voûuevo'.  (3), 
terme  synonyme  d'xr/ovTc;.  Nous  savons  par  Strabon  (4), 
«  qu'un  iOvâp'/Y.;  administrait  les  affaires  de  la  nation,  ren- 
dait la  justice,  assurait  l'exécution  des  engagements  pris  et  des 
ordres  donnés,  comme  l'ap/fov  d'une  cité  régie  par  ses  propres 
lois  ».  Quoiqu'ils  eussent  en  outre  les  droits  de  cit03-ens, 
les  Juifs  constituaient  donc  à  Alexandrie  une  cité  dans  la  cité. 
Il  est  à  remarquer  que  cette  ville,  différant  en  cela  de  presque 
toutes  les  villes  helléniques,  n'a  pas  eu  avant  Septime  Sévère, 
de  Sénat  élu  pour  présider  aux  intérêts  de  la  commune 
entière. 

D'après  Philon  (5),  Auguste  aurait  en  l'an  11  (ap.  J.-C), 
institué  une  "tzo'j-j'.y.  ou  conseil  des  anciens  Juifs  (6),  pour 
l'administration  de  la  communauté.  Schùrer  (III,  pp.  72  et  78) 
estime  qu'il  s'agirait  ici  d'une  réinstitntion,  et  pense  qu'une 
yspojT'ia  existait  déjà  au  temps  du  pseudo-Aristée,  où  il  est 
question  !^  3 10  des  -psa-êJTspo',  twv  à-ô  to-j  7:oÀ!.Te'jfjL7-o;, 

La  tradition  rabbinique  (Tosep/ita,  Sukka,  IV)  assigne 
71  membres  à  cette  vcoojt'-x,  comme  au  sanhédrin  de  Jérusalem. 

La  colonie  juive  d'Alexandrie  aura  donc  été  administrée  par 


(I  Cette  estimation  de  Diodore  de  Sicile  (Biblioth.  Hi.st.,  1.  XVII. 
ch.  Sa),  doit  faire  supposer  im  nombre  au  moins  double  d'esclaves  :  ce  qui 
porte  à  un  million  la  pofjulation  totale  d'Alexandrie  vers  le  milieu  du 
premier  siècle  avant  .I.-C. 

(2  Philox  (^J'/".  Fine.  II,  p.  52.3'  nous  api)rend  que  le  nombre  total  des 
Juifs  habitant  l'Egypte  s'élevait  à  un  million,  et  sou  assertion,  (lu'on 
les  trouvait  depuis  Katabathmos  enLibye  jusqu'à  la  frontière  de  l'Ethiopie 
(ile  (l'Eléphantine)  est  confirmée  par  de  récentes  découvertes  d'inscrii)- 
tions  et  de  papyri.  Voir  les  détails  pour  la  Basse,  ^Moyenne  et  Ilaute- 
Ejïypte  depuis  le  troisième  siècle  avant  notre  ère  dans  Schurer,  III, 
l)p.  4^>-5o. 

(3)  Pseido-Akistke,  S  3 10. 

(4)  Dans  Flave-.Toskphe,  Ant.,  1.  XIV.  ch.7. 
("))  Ado.  Flacciim,  II,  pp.  527,  528. 

(6)  Dont  les  meml)res  étaient  différents  des  Hpyofzii  car  Adv.  Flac,  II, 
pp.  528-29.  Pini.o.N  juxtappose,  <ione  diversifie  :  toùj  i^/ovra;,  ti-v  yc^iuTiav. 
Les  ipxoJTii  étaient  pourtant  à  la  tète  de  la  -/ipouzia..  Cfr.  Bell.  Jml..  1.  VII, 

<"h.  10,  §   I,    0'    npWTîUTîUOVT:;   T^S   ■/îpOXJ'SlJli. 


2l6  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 

un  ethnarque  secondé  par  des  archontes,  dont  le  pouvoir  aura 
été  tempéré  par  un  conseil  d'anciens  (i). 

A  Cyrène,  les  habitants  étaient  répartis  en  quatre  classes, 
les  Juifs  constituant  la  quatrième  ;  ils  y  jouissaient,  comme  dans 
les  autres  villes  de  la  Libye  C3'rénaïque,  des  droits  de  citoyens 
{AnL,  1.  XIV,  ch.  7,  §  2;  1.  XVI,  ch.  6,  §  i).  Dans  la  ville  de 
Bérénice  leur  situation  était  identique  à  celle  qu'ils  avaient  à 
Alexandrie.  Une  inscription  juive,  en  grec,  conservée  au  Musée 
de  Toulouse  et  datée  de  l'an  i3  avant  notre  ère,  nous  apprend, 
en  effet,  qu'ils  formaient  à  Bérénice  une  -o/.-lTS'jua  administrée 
par  neuf  archontes  de  leur  nation. 

La  condition  des  Juifs  à  Rome,  où  leurs  colonies  semblent 
s'être  établies  au  début  du  premier  siècle  avant  notre  ère,  nous 
est  principalement  connue  par  les  nombreuses  inscriptions 
funéraires  (2). 

Ici  ils  s'étaient  organisés  non  pas  en  une,  mais  en  plusieurs 
communautés  indépendantes,  a3'ant  chacune  leur  synagogue, 
leur  propre  '/z^ryjry'.y.,  ou  conseil  de  direction,  et  leurs  pro- 
pres chefs,  revêtant  légalement  le  caractère  de  simples  corpo- 
rations religieuses;  elles  étaient  désignées  d'ailleurs  par  des 
appellations  différentes. 

Il  y  avait  la  a-jvaywyr,  (3)  Ajyo'jo-TTiO-ûov,  la  3-jvaywvr, 
'Ayp'.--ria-{wv  et  la  synagoga  Bolumni  (Vohimni)  ou  Bo)vO'ju.v7,t'!wv, 
noms  qui  indiquent  un  rapport  de  patronat  ou  de  servitude 
avec  ces  hauts  personnages.  D'autres  prenaient  nom  du  quar- 
tier où  elles  étaient  fixées,  telles  les  Kx;j.--/^a-',ot,,  du  Campus 
Martiiis  et  les  ^t,êo'jpria-t,ot,,  du  vieux  quartier  de  Subure;  d'autres 
encore  rappellaient  par  leur  nom  un  caractère  plus  intime  qui 
les  distinguait  :  la  7jvaywy>,  'Eêpsojv  probablement  ceux  qui 
parlaient  juif,  la  a-jvaywy->i  B£pvax)vrcrô(ov,  vcrnaculoruin  ou  ro- 
mains de  naissance,  la  o-Livaya:yT,  'E)vaia;,  d'après  l'emblème  de 


(I)  Au  moins  aux  débuts  et  au  premiei*  siècle  de  notre  ère,  car  il  se  peut 
qu'entre  ces  deux  époques  ce  sénat  juif  ait  disparu  devant  lautorité  assez 
monarchique  de  l'ethnarque.  Cfr.  Schùrer,  III,  p.  78. 

(u)  Ces  inscriptions,  surtout  celles  de  Rome  et  de  Venosa  vont  du  pre- 
mier au  sixième  siècle  de  notre  ère  et  dénotent  une  organisation  restée 
sensiblement  la  même  pendant  tout  ce  laps  de  temps. 

(3)  Le  mot  désigne  dans  l'occurrence  non  le  bâtiment  affecté  aux  réu- 
nions religieuses,  mais  la  communauté,  le  groui)e. 


jusqu'à  la  domination  romaine,  217 

l'olivier  qui  servait  à  les  distinguer,  et  la  7jva--(oY>,  KaXxapY.T'iwv 
ou  corporation  des  chaufourniers. 

Comme  principaux  dignitaires  à  Rome  et  en  Italie,  on  men- 
tionne le  yspo-j-nâpyr,;  et  les  à'pyovTô;  qui  se  trouvaient  à  la 
tête  de  la  vepojTia  :  les  simples  membres  de  celle-ci  n'ont  pas 
de  titre  propre.  On  était  à'pywv  soit  temporairement,  soit  à 
vie,  soit  même  par  hérédité  ;  certains  qualificatifs  ou  certaines 
prépositions  ajoutées  à  ce  titre  donnent  à  entendre  qu'il  3'  avait 
plusieurs  rangs  parmi  eux.  A  côté  de  ces  dignitaires  civils,  on 
trouve  par  toute  la  diaspora,  comme  ils  existaient  d'ailleurs  en 
Palestine,  les  àv/!.7Jva-'or'oi.  Leur  rôle  consistait  à  maintenir 
l'ordre  dans  les  synagogues  (i)  et  à  diriger  les  réunions  reli- 
gieuses qui  s'y  tenaient.  C'est  le  flCipri  ï^K")  de  la  Mischna  et 

des  Talmuds  {?).  Chaque  synagogue  en  avait  un  ou  plusieurs 
(p.  ex.  Act.,  XIII,  i5).  Ils  étaient  secondés  par  un  •j-T,p£TT,;, 
nC2pn  ]în,  sorte   de  sacristain. 

L'administration  civile  par  des  apyovTs;  et  une  yepous-iy.  était 
moulée  sur  celle  des  villes  grecques  ;  d'autres  coutumes  encore 
empruntées  à  ces  dernières  avaient  passé  en  usage  dans  les 
agglomérations  juives  (3).  D'ailleurs  l'existence  de  semblables 
communautés  n'était  pas  exclusivement  propre  à  la  diaspora 
juive.  Elle  avait  des  analogies  dans  les  comptoirs  des  mar- 
chands syriens,  égyptiens  et  autres  orientaux,  établis  un  peu 
sur  toutes  les  côtes  baignées  par  la  Méditerranée,  et  organisés 
également  en  vue  de  la  défense  des  intérêts  communs.  Le  monde 
gréco-romain  connaissait  aussi  des  associations  cultuelles 
groupant  les  adeptes,  —  particulièrement  des  étrangers,  —  des 
différentes  religions,  égyptiennes,  syriennes  et  perses.  C'étaient 
les  {-My.Toi,  è'oavo'..  Ces  organismes  étaient  tolérés,  mais  réduits 
à  se  sustenter  et  à  se  réglementer  exclusivement  dans  leur 
propre  sein.  De  même  genre  étaient  les  collcgia  à  Rome  : 
associations  non  seulement  de  caractère  religieux,  mais  aussi 
professionnelles  ou  d'agrément  (4). 


(1)  Cette  fois-ci  il  s'agit  du  local  des  réunions. 

(2)  Cfr.  par  ex.  .JoMA.  VII,  16. 

(3)  Voir  ces  détails  SciiiiRER,  III,  \^\^.  ^o-cfu 

(4)  Sur  les  innombrables  associations  a  Rome,  sous  la  république    et 


215  DEPUIS    LA    CONQUETE    D ALEXANDRE 

Reste  une  dernière  analogie  de  situation  entre  les  commu- 
nautés juives  et  les  colonies  de  Grecs  ou  surtout  de  Romains 
dans  les  pays  étrangers.  Avant  l'Empire,  le  statut  judiciaire  de 
leurs  conventus  variait  d'après  qu'ils  habitaient  une  ville  sujette 
ou  une  ville  libre.  Ici  ils  étaient  soumis  aux  administrations 
locales.  Mais,  devenus  peuple  souverain,  ils  furent  partout 
uniquement  justiciables  des  autorités  romaines  (i). 

Donc  la  situation  légale  des  Juifs  différait  de  pays  à  pays. 
Absolument  autonomes  à  Alexandrie  et  à  C3'rène,  ils  jouissaient 
des  droits  de  citoyens  dans  les  villes  des  Séleucides.  A  Rome, 
ils  étaient  assimilés  aux  associations  privées,  mais,  à  d'autres 
titres,  ils  pouvaient  avoir  le  privilège  de  citoyen  romain,  — 
comme  S.  Paul,  —  et  de  ce  chef  se  prévaloir  des  faveurs 
inhérentes  à  cette  qualité.  C'est  au  milieu  des  populations 
païennes  des  villes  philistines  et  phéniciennes  que  leur  situation 
aura  été  le  plus  précaire  (2). 

Malgré  ces  renseignements  nous  étendons  à  la  diaspora 
juive  tout  entière  la  réflexion  que  M.  Chapot  émet  sur  les 
conditions  faites  aux  Juifs  d'Asie  :  «  On  éprouve,  dit-il,  quel- 
que embarras  à  décrire  au  juste  leur  situation  »  (3). 

C'est  que,  presque  partout  ils  ont  eu,  ou  usurpé  une  juridic- 
tion spéciale  à  eux.  Elle  est  constatée  pour  les  temps  plus 
récents  de  l'empire  romain  dans  les  procès  civils  entre  Juifs. 
Là  même,  où  ils  n'avaient  pas  rang  civique,  on  leur  reconnais- 
sait assez  facilement  la  prérogative  d'une  certaine  administra- 
tion interne,  et  là  où  ils  étaient  citoyens,  ils  la  revendiquaient 
en  sus.  «  Citoyens  des  villes  où  ils  demeuraient,  dit  M.  Cha- 
pot (4),  ils  avaient  les  avantages  de  la  t.o\<.-zz\cl,  et  en  esqui- 
vaient les  charges  ». 

A  considérer  pareille  anomalie,  tout  naturellement  revient  à 
l'esprit  la  prédiction  de  Balaam  :   «  C'est  un   peuple  qui  tient 


leinpire    voir    Gaston     Boissikr,    La    Religion    romaine    d'Aiiiiuste    aux 
Anlonins,  t.  II,  pp.  247-3o5,  'j^  édit.,  Paris,  IJachette.  lyog. 

(i)  Cl'r.   Chapot,  La   province   romaine   proconaulaire  d'Asie   depuis    ses 
origines  jusqu'à  la  fin  du  Haut-Empire,  pp.  189-193,  Paris,  liouillon.  1904. 

(2)  Cfr.  SCHUREU,  II,  p.  222. 

(3)  Op.  lHud.,p.  182. 

(4)  Op.  laud.,  p.  184. 


jusqu'à  la  domination   romaine.  219 

sa  demeure  à  part  et  ne  compte  pas  parmi  les  autres  nations  » 
(Num.,XXIII,9). 

La  base  de  cet  état  de  choses,  c'était  la  tolérance  du  culte 
juif  par  les  divers  gouvernements,  pour  vivre  sa  religion,  le 
juif  avait  besoin  de  latitudes  qui  exigeaient  en  sa  faveur  des 
dérogations  aux  lois  régissant  les  autres  citoyens.  Or,  cette 
tolérance  a  été  de  règle  dans  toute  la  diaspora,  non  seulement 
de  la  part  des  Ptolémées  et  des  Séleucides  (i),  mais  aussi  des 
Romains. 

A  cette  reconnaissance  des  communautés  et  du  culte  juifs 
étaient  liées  deux  autres  prérogatixes  :  la  faculté  d'administrer 
leurs  propres  fonds,  ce  qui  leur  permettait  de  prélever  et 
d'expédier  les  taxes  dues  au  temple  à  Jérusalem  et  les  offrandes 
volontaires,  et  celle  d'exercer  une  juridiction  particulière  sur 
leurs  propres  membres. 

La  loi  mosaïque  comporte  des  ordonnances  relatives  non 
seulement  au  culte,  mais  encore  aux  actes  de  la  vie  civile;  à 
l'égard  des  uns  comme  des  autres,  seul  un  tribunal  juif  était 
compétent,  et  c'étaient  tant  les  cas  de  procédure  civile  que  ceux 
de  procédure  criminelle  qui  se  présentaient.  Mais  dans  ces  der- 
niers, les  Juifs  n'ont  eu  la  plupart  du  temps  qu'un  droit  limité 
de  police  correctionnelle  (cfr.  Joa.,  XIX,  7),  s'étendant  pour- 
tant à  des  peines  corporelles.  (Act.,  IX,  2,  XVIII,  12-16, 
XXII,  19,  XXVI,  II,  2  Cor.,  XI,  24.) 

Ce  souci  de  ménager  les  susceptibilités  de  leurs  consciences 
a  valu  aux  Juifs  des  concessions  importantes  ;  telles,  la  dispense 
du  service  militaire  (2),  le  droit  de  ne  pas  devoir  comparaître 
devant  les  tribunaux  le  jour  du  sabbat  et  l'exemption  de  s'asso- 
cier au  culte  de  l'empereur  (3). 


(i)  La  persécution  religieuse  dAutiocluis  IV  Epiphaue  a  été  un  fait 
isolé. 

(i2)  C'était  la  défense  faite  aux  Juifs  de  prendre  l'offensive  ou  de  faii'e 
une  marche  de  plus  de  deux  mille  pas  le  jour  du  Sabl)at  qui  leur  rendait 
imjiossible  lincorporation  dans  uue  armée  non  juive.  Cfr  i  Mach.,  II, 
34-38,  rigorisme  atténué  par3o-4';  Ant.,  1.  XIII.  oh.  i,  S  3;  1.  XIV,  cdi.  4. 
§2;  1.  XVIII,  ch.  9,  .^  2 

3i  Ce  n'est  que  sous  le  régne  de  Calignla  qu'on  vcnilut  les  y  contraindre 
et  qu'on  les  persécuta  i>our  leur  refus  d'obtempérer  à  cet  ordre.  Voir  quel- 
ques autres  concessions  Schurer,  III,  pp.  ii5,  1 16. 


220  DEPUIS    LA    CONQUETE    D  ALEXANDRE 

Pour  résumer  les  différentes  situations  que  nous  avons  ren- 
contrées, nous  constatons  qu'au  IIP  siècle  avant  notre  ère,  c'est 
surtout  dans  les  villes  helléniques  récemment  fondées  que  les 
Juifs  avaient  les  droits  de  citoyens.  Il  faut  }'  ajouter  les  cités 
ioniennes,  telle  Ephèse,  réorganisées  dans  leur  administration 
par  Antiochus  II  Théos.  Partout  ailleurs  ils  formaient  des  colo- 
nies d'étrangers,  théoriquement  sans  privilèges  civiques.  Mais 
là  où  ils  en  jouissaient,  leur  condition  avantagée  avait  quelque 
chose  de  contradictoire,  voire  d'odieux.  Ils  s'y  comportaient, 
en  effet,  en  caste  qui,  au  point  de  vue  administratif  et  religieux, 
se  séparait  jalousement  des  concitoyens  dont  ils  méprisaient 
souverainement  les  pratiques  idolâtriques  (i).  Et  pourtant, 
usant  de  leurs  droits  de  cité,  ils  s'immisçaient  dans  les  affaires 
de  la  commune,  prenaient  part  à,  sa  direction  tant  par  leurs 
votes  que  par  leur  candidature  aux  charges  publiques.  Or, 
dans  les  villes  helléniques  les  cultes  locaux  jouaient  un  rôle 
important  dans  la  vie  et  les  intérêts  de  la  place. 

La  tension  ainsi  créée  éclata  souvent  —  particulièrement 
dans  les  endroits  où  ils  étaient  reconnus  comme  citoyens  —  en 
émeutes  et  en  méconnaissance  de  leurs  privilèges.  Cette  hosti- 
lité devint  plus  fréquente  à  l'époque  romaine  (2).  Et  pourtant, 
c'est  sous  la  domination  de  Rome  qu'ils  ont  été  le  plus  sou- 
tenus. Non  seulement  les  empereurs  (3)  ne  donnèrent  pas  suite 
aux  fréquentes  demandes  qui  leur  étaient  adressées  p)ar  les 
municipes  d'enlever  aux  Juifs  les  faveurs  dont  ils  jouissaient,  mais 
ils  les  confirmèrent  par  des  édits  de  tolérance,  et  octroyèrent 
à  un  grand  nombre  d'entre  eux  le  titre  de  citoyens  romains  (4). 
S,  Paul  était   ainsi  à  la  fois  'P(oy.aro;  (Act.,  XXII,  25-29)   et 


(i)  Voir  le  mépris  que  témoii,nieut  aux  .Juifs  certains  écrivains  de  l'an- 
tiquité et  les  reproches  qu'ils  leur  adressent.  SrHiiRER,  III,  pp.  154.  i55. 

(2)  Cfr.  SCHURER,  III,  p.  109. 

(3)  A  part  Calig^ula.  dont  les  persécatious  dirigées  contre  les  .Tuifs  ne 
durèrent  pas  plus  que  son  règne  {S-^-^i). 

(4)  C'était  d'ordinaire  des  «  cives  sine  suffragio  »  ou  «  imniiuuto  jure  », 
distincts  d'une  classe  supérieure  de  citoyens  romains,  les  «  cives  optimo 
jure  »,  qui  seuls  avaient  dx'oit  de  vote  dans  les  assemblées  romaines  et 
étaient  eux-mêmes  éligibies  aux  magistratures  (jus  suffragii  ou  jus 
honorum). 


JUSgUA    LA    DOMINATION    ROMAINE.  221 

TaoTcJ;,  ij/.  'j-T^wj  -oAcw;  -o).{ty.;  (XXI,  39)  (l).  Ceci  leur 
valait  de  nouvelles  prérogatives  (2),  dont  les  principales 
étaient  :  i"  d'être  justiciables  seulement  des  tribunaux  ou 
magistrats  romains  :  les  Juifs  n'en  auront  guère  fait  usage  pour 
les  différends  à  vider  entre  eux  ;  2°  de  ne  pas  devoir  subir  de 
peines  infamantes,  comme  la  flagellation  ou  la  crucifixion  ;  3"  le 
«  jus  provocationis  ad  populum  »,  qui  sous  l'emj^ire  devint  le 
«  jus  appellationis  »  ou  droit  d'en  appeler  d'un  jugement  rendu 
au  tribunal  de  l'empereur.  A  ce  droit  était  connexe  celui  de 
déférer  à  ce  même  tribunal  une  cause  en  cours  de  jugement 
(Act.,  XX\',  10-12). 

Malgré  la  haine  et  la  jalousie  que  vouaient  aux  Juifs  leurs 
concitoyens,  l'estime  des  souverains  (3)  —  ce  fut  surtout  le  cas 
pour  les  Ptolémées  —  leur  confia  parfois  des  charges 
importantes,  et  certaines  concessions  leur  permirent  de  pros- 
pérer au  point  de  monopoliser  souvent  les  opérations  de  banque 
ou  certaines  industries  (4^ 

Après  tout  cela  on  ne  s'étonne  pas  que,  d'une  façon  générale, 
les  Juifs  de  la  dispersion  conservèrent  intacts  leur  religion  et 
leur  culte.  Sans  doute,  il  y  eut  des  apostasies,  il  y  eut  des 
consciences  qui  s'accommodèrent  d'une  mixturejudéo-païenne; 
ce  furent  toujours  des  exceptions.  Sans  doute  aussi,  la  pensée 
juive  fut  influencée  par  la  pensée  grecque,  mais  ce  fut  à  l'avan- 
tage de  la  pensée  juive.  Elle  y  laissa  de  son  particularisme,  elle 
reconnut  que  quelques  rayons  de  l'éternelle  Vérité  filtraient  dans 
les  ténèbres  du  paganisme  et  elle  y  associa  ses  clartés  pour 
faire  luire  une  lumière  plus  intense  dans  les  esprits  que  les 
grands  problèmes  rendaient  soucieux. 

Alors  que  les  autres  religions  de  l'Orient  se  fondaient  dans  le 
syncrétisme  de  l'époque,  la  religion  juive  se  maintint  bien 
caractéristique,  sûre  de  ses  deux  dogmes  fondamentaux:  l'unité 


(i)  Les  cas  de  double  civilité  étaient  fréiiuents  eu  Asie  Mineure  des  le 
premier  siècle  avant  notre  ère.  Certains  mettaient  même  grand  honneur 
à  obtenir  les  droits  civiques  dans  plusieurs  localités. 

(2)  On  trouvei'a  mention  de  <iuelques  autres  privilèges  dans  Bel\blier, 
Art.  Citoyen  romain  du  Dictionnaire  de  la  Bible,  de  VlGOUROUX,  l.  IL 
col.  789-791. 

.3)  Cfr.  SCHURER,  IILpp.  i3[-i34. 

(4)  Cfr.  Chapot.  Ojj.  laud.,  p.  i85. 


222  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXAXDRE 

et  l'immatérialité  de  Dieu  ;  l'assurance  qu'une  Providence 
poursuivait  dans  la  conduite  de  l'humanité  une  fin  béatifiante  et 
rémunératoire  (i).  Fort  de  cette  inébranlable  persuasion,  le 
judaïsme  hellénique  poursuivit  un  but  d'apologétique  et  de 
prosélytisme  qui  ressort  clairement  du  nombre  de  ses  produc- 
tions littéraires  (2). 

On  a  parfois  voulu  établir  une  ligne  de  démarcation  bien 
tranchée  entre  le  judaïsme  palestinien  qu'on  se  plait  à  repré- 
senter impitoyablement  ibrmaliste  et  rigoriste  et  le  judaïsme 
hellénique  qui  aurait  abdiqué  —  sinon  répudié  —  tout  léga- 
lisme, pour  s'en  tenir  à  des  préceptes  religieux  et  moraux  à 
caractère  absolument  universel.  Rien  de  plus  faux  que 
cette  opposition  ainsi  irréductiblement  présentée.  Il  laisse 
entre  les  deux  une  diftérence  de  degrés  et  de  tendance,  non 
de  nature. 

Les  Juils  de  la  diaspora  entretinrent  avec  ceux  du  sol  pales- 
tinien des  rapports  suivis  et  intimes  et  ils  conservèrent  avec  eux 
les  attaches  religieuses  qui  faisaient  des  uns  et  des  autres  les 
fervents  et  les  fidèles  d'un  même  culte. 

Nous  constations  déjà  qu'annuellement  on  envoyait  à 
Jérusalem  la  capitation  du  didrachme  et  l'argent  des  offrandes 
destiné  au  temple.  Mais, en  dehors  de  cela,  tout  en  se  dispensant 
de  la  casuistique  pharisaïque,  on  observait  scrupuleusement 
dans  la  dispersion  les  préceptes  concernant  le  sabbat,  ainsi 
que  ceux  se  rapportant  aux  aliments  et  à  la  pureté  légale  (3), 
et  on  y  célébrait  également  les  néoménies  et  les  diverses  fêtes 
de  l'année. 

Un  grand  moyen  de  maintenir  l'intégrité  de  ces  observances 
consistait  dans  les  réunions  pieuses  aux  synagogues  les  jours 
de  fête  et  le  sabbat.  Philon  (4)  nous  apprend  que  «  ce  jour  là 
»  par  toutes  les   villes  sont  ouvertes  des  milliers  d'écoles  où 


(i)  ScHilRKR,  III,  pp.  i55  ss.,  montre  qiià  côté  tle  l'eugouemeut  de 
l'époque  pour  les  religions  de  l'Orient  ces  dogmes  étaient  précisément  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  attrayant  dans  le  .Judaïsme  et  en  facilitait  le  prosé- 
lytisme auin'ès  des  païens. 

(2)  Pour  celles-ci  consulter  Schurer,  III,  §.§  33  et  34,  pp.  420-71G. 

(3)  Les  satires  des  auteurs  païens  au  sujet  des  .Juifs  et  de  leurs  pra- 
tiques eu  sont  une  preuve  manifeste.  Cfr.  Schiirer,  III.  pp.  i5i-i53. 

(4)  De  septenario  et  festis  diebus,  II,  p.  282. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  223 

»  l'on  enseigne  la  prudence  et  la  tempérance,  la  force,  la  jus- 
»  tice  et  toutes  les  autres  vertus  ».  Il  suffit  d'ouvrir  les  Actes 
pour  voir  S.  Paul  entrer  dans  les  synagogues  de  toutes  les 
villes  d'Asie  Mineure  et.de  Grèce  qu'il  visita. 

Les  grandes  cités  comptaient  plusieurs  et  quelquefois  de 
particulièrement  belles  synagogues,  telle,  la  Diapleuston 
d'Alexandrie,  construite  en  forme  de  basilique,  avec  ses  sep- 
tante sièges  dorés  ;  on  la  disait  le  plus  beau  monument  de  la 
ville,  et  la  tradition  talmudique  ne  se  lassait  pas  de  l'admirer  ; 
et,  encore,  la  synagogue  principale  d'Antioche,  si  opulente,  au 
dire  de  Josèphe,  par  son  décor  et  ses  trésors  (i). 

Dans  les  réunions  synagogales,  le  grec  était  la  langue  cou- 
rante, même  pour  la  lecture  des  livres  saints;  nous  en  avons 
une  preuve  dans  les  emprunts  faits  par  S.  Paul  à  l'Ancien 
Testament,  emprunts  toujours  faits  d'après  la  version  grecque. 

Dans  la  diaspora  ces  réunions  revêtaient  d'autant  plus  d'im- 
portance qu'elles  devaient  compenser  en  quelque  sorte  la  pri- 
vation des  sacrifices  désormais  monopolisés  au  seul  temple  de 
Jérusalem;  des  repas  sacrificiels  furent,  de  plus,  accommodés- 
certains  jours,  notamment  aux  fêtes  de  Pàque  et  des  Taber- 
nacles. 

A  cette  centralisation  rigoureuse  du  culte  juif,  il  fut  néan- 
moins dérogé  en  Egypte,  par  un  fait  d'ailleurs  unique  dans  la 
dispersion,  à  savoir,  l'érection  d'un  temple  juif  à  Léontopolis. 

Lorsque  après  l'insurrection  machabéenne,  sous  le  règne 
d'Antiochus  V  Eupator,  Onias  IV,  le  fils  du  grand-prêtre 
Onias  III  (2),  se  vit,  par  suite  des  circonstances,  écarté  du 
souverain  pontificat,  il  fut  accueilli  avec  bienveillance  en 
Egypte  par  Ptolémée  VI  Philométor  et  son  épouse  Cléopàtre. 
Sur  sa  demande  de  pouvoir  bâtir  un  temple  à  Jahvé  et  d'accom- 
plir ainsi  la  prophétie  dTsaie,  XIX,  18,  19,  le  roi  lui  laissa  la 
disposition  d'un  temple  païen  abandonné,  dans  le  nôme  d'Hélio- 
polis,  à  l'est  du  delta  (3).  Onias  le  transforma  autant  que  pos- 


(1)  Bell.Jud.,\.  VII,  ch.  3,  ?;  3. 

(2)  Ctr.  SCHiiRER,  III,  p.  144.  »ote  33 

(3)  La  localité  de  Léoutopolis  dont  il  s'agit  ici  est  à  distinguer  d'une 
autre   plus    connue,    de   même  nom,  et  située  beaucoup   plus  au  Nord. 


224  DEPUIS    LA    CONQUETE    D  ALEXANDRE 

sible  sur  le  modèle  du  sanctuaire  de  Jérusalem  et  y  organisa  le 
culte  avec  les  prêtres  et  les  lévites  qui  l'avaient  suivi. 

Les  rabbins  ne  reconnurent  guère  la  légalité  de  ce  culte  et 
n'attribuèrent  qu'une  valeur  toute  relative  aux  sacrifices  qu'on 
y  offrait  (i),  mais  on  ne  voit  pas  trace  d'un  antagonisme  entre 
les  deux  sacerdoces  léontopolitain  et  hiérosolymitain,  pareil  à 
celui  qui  existait  entre  ce  dernier  et  les  prêtres  du  Garizim.  Les 
Juifs  d'Egypte  continuèrent  à  venir  en  pèlerinage  à  Jérusalem 
et  leurs  prêtres,  lorsqu'ils  se  mariaient,  avaient  soin  de  faire 
examiner  la  généalogie  de  leur  épouse  dans  les  registres  offi- 
ciels (2).  L'attachement  des  Juifs  de  la  dispersion  au  temple  et 
à  la  ville  sainte  se  manifestait  d'ailleurs  à  l'occasion  des  grandes 
fêtes  (3).  Flave  Josèphe  estime  à  2,700,000  le  nombre  de  ceux 
qui,  venus  de  tous  les  coins  du  monde,  se  pressaient  à  pareille 
occasion  dans  les  murs  de  la  métropole  juive  (4). 

Il  nous  reste  à  dire  un  mot  sur  la  traduction  des  livres  saints 
faite  en  grec  à  l'usage  des  Juifs  helléniques. 

Après  le  retour  de  la  captivité,  l'hébreu,  comme  langue  par- 
lée, avait  été  supplanté  par  l'araméen  ;  il  le  fut  par  le  grec 
depuis  la  conquête  d'Alexandre,  et  surtout  les  Juifs  établis  hors 
de  la  Palestine  s'en  servirent  de  moins  en  moins.  Ce  seul  motif 
suffit  à  expliquer  la  nécessité  d'une  version  grecque  des  livres 
saints.  Tels  qu'ils  sont  fournis  par  la  lettre  du  Pseudo-Aristée, 
les  détails  se  rapportant  à  la  genèse  de  l'événement  sont  pour  la 
plupart  légendaires,  à  commencer  par  le  nombre  70  des  inter- 
prètes auxquels  serait  due  la  traduction. 

Tout  ce  qu'on  peut  admettre,  c'est  que  le  Pentateuque  était 
traduit  avant  le  dernier  quart  du  IIP'  siècle,  car,  dans  son  his- 


Josèphe  nous  dit  que  ce  temple  se  trouvait  daus  la  campagne  de  Bubastis 
{Ant  ,  1.  XIII,  ch.  3,  §2)  et  qu'il  était  distant  de  180  stades  de  Memphis 
{Bell.  Jud.,  1.  VII,  ch.  10,  g  3).  Correspondaut  à  cette  distance,  il  y  a 
encore  aujourd'hui  le  Tell-el-.Tehudijeh,  que  MM.  Xaville  et  Flinders- 
Pétrie  n'hésitent  pas  à  identifier  avec  l'endroit  où  devait  se  trouver  ce 
temple.  Il  subsista  jusqu'en  78  de  notre  ère.  Cfr.  ScHiiRER,  III,  pj).  42. 
144  ss.  et  surtout  note  34  de  j).  x45. 
(i)  Cfr.  SciiiiRER,  III,  p.  147,  note  3G. 

(2)  Contra  Apion.,  1. 1,  g  7. 

(3)  Cfr.  Phii,ox,  De  Monarchia,  1.  II,  p.  223. 

(4)  Bell.  Jnrf.,1.  yi,  ch.g,  §3. 


jusqu'à    la    domination    romaine.  225 

toire  des  Juifs  «  \Uf:  twv  év  tt,  'lojoa-.â  ^^as'.yiwv  » ,  dont  la  chrono- 
logie s'arrête  avec  le  règne  de  Ptolémée  IV  Philopator  (222- 
2o5),  l'helléniste  Démétrius  montre  qu'il  connaît  la  loi  juive. 
La  lettre  d  Aristée  prétend  que  la  version  aurait  été  faite  sur 
l'ordre  de  Ptolémée  II  Philadelphe  (284-247)  et  pour  la  biblio- 
thèque royale.  Les  inclinations  bibliophiles  et  le  tempérament 
syncrétique  de  ce  roi  rendent  la  chose  possible,  encore  que 
l'inexactitude  des  autres  renseignements  concernant  les  circon- 
stances de  la  traduction,  ne  donnent  pas  toute  garantie  sur  ce 
point  particulier. 

Il  est  à  remarquer  que  tous  les  livres  delà  Bible  n'ont  pas 
■été  traduits  à  la  même  époque  ni  par  les  mêmes  auteurs.  Les 
traductions  sont  très  inégales,  les  unes  très  libres,  les  autres 
littérales  à  l'e.N'cès;  en  général,  la  langue  est,  dans  son  vocabu- 
laire et  son  stvle,  le  grec  alexandrin  des  troisième  et  deuxième 
siècles,  tel  que  nous  le  présentent  également  les  papyri  de 
l'époque  et  de  la  contrée. 

Comme  le  prologue  de  l'Ecclésiastique  grec,  écrit  en  l'an  38 
de  Ptolémée  VII  Evergète  II,  c'est-à-dire  en  i32,  nous  fait 
entendre  que  la  Loi,  les  Prophètes  et  d'autres  livres  sacrés 
étaient  déjà  traduits,  on  peut  présumer  qu'au  premier  siècle 
avant  notre  ère,  la  traduction  de  l'ensemble,  tant  des  proto  que 
des  deutéro-canoniques,  aura  été  achevée.  Pour  certains  livres 
il  doit  y  avoir  eu  des  traductions  rivales,  par  exemple,  pour  les 
Juges,  Daniel,  Tobie;  mais  on  peut  dire  qu'en  général  le  texte 
que  nous  possédons  est  originaire  d'Alexandrie  et  que  dès  lors 
il  s'appelle  à  bon  droit  alexandrin  (i). 


Après  avoir  étudié  comment  le  Judaïsme  s'est  répandu  et 
comporté  au  dehors  ,  voyons  ce  qu'il  était  devenu  et  quelles 
conditions  lui  étaient  faites  dans  la  terre  ancestrale. 

Pendant  le  troisième  siècle,   Lagides  et  Séleucides  s'étaient 
constamment  livré  la  guerre  au  sujet  de  la  possession  des  terri-    Antiochus 
toires  svriens  méridionaux.  Mais  ce  ne  fut  que  sous  le  règne 


(i)  Voir  SWETK.  An  Introduction  to  Ihe  old  Testament  in   Greek.  pp.  289- 
341. 

i5 


226 


DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D  ALEXANDRE 


d'Antiochus  III  le  Grand,  que  la  Palestine   passa  aux  mains 

des  rois  de  Syrie  (i). 

Une  première  fois  en  218,  Antiochus  réussit  à  occuper  la 

Palestine  jusqu'au 
Sud  du  Carmel,  mais, 
quelques  mois  après^ 
Ptolémée  IV  Philo- 
pator  s'étant  ressaisi  ,^ 
lui  enleva  ses  pre- 
mières conquêtes  à  la 
bataille  de  Raphia  en 
217.  Il  guerroya  alors 
dans  l'Asie  Mineure 
et  dans  l'Inde,  où  ses 
succès     lui     valurent 


Tétradrachme  attique  d'Antiochus  I  Soter. 
a/  Tête  diadémée  d'Antiochus  I. 
r/  Apollon  assis  sur  l'omphalos  tenant  une  flèche 
dans  la  main  droite,  de  la  gauche  s'appuyant 
sur  un    arc.    Monogramme   des    deux  côtés. 
BASIAEÛS     ANTIOXOY 


d'être    appelé    «    Antiochus    le    Grand    ». 

L'avènement  de  Ptolémée  V  Epiphane,  qui  succéda  en  bas 
âge  à  son  père  Ptolémée  IV  Philopator,  en  204,  sembla  favo- 
riser les  desseins  de  revanche  d'Antiochus  sur  rEg3'pte.  Il 
reprit  les  territoires  syriens  perdus  à  Raphia;  mais,  obligé  de 
tourner  ses  armes  contre  le  rovaume  de  Pergame,  il  perdit  à 
nouveau  ses  conquêtes  jusqu'à  ce  que  la  bataille  de  Panéas, 
en  ig8,  le  mit  définitivement  en  possession  de  la  Palestine,  qui 
passa  ainsi  des  Lagides  aux  Séleucides. 

Les  Juifs  avaient  eu  à  souffrir  de  ces  dernières  luttes  quels 
que  fussent  les  vainqueurs  fAiit.,  1.  XII,  ch.,  3,  §3),  et  les 
Samaritains  avaient  profité  du  désarroi  pour  dévaster  leur 
territoire  et  massacrer  les  habitants  (1.  XII,  ch.  4,  §  i)  :  aussi 
virent-ils  avec  satisfaction  la  domination  syrienne  donner  à 
leur  situation  un  peu  de  stabilité. 

Flave  Josèphe  nous  a  conservé  des  ordonnances  émises  par 


(i)  Le  fh!ij)itre  XI  du  livre  de  Daniel  indique  schémati(]uement  les 
luttes  des  deux  dynasties  rivales  depuis  leurs  fondateurs  jusqu'à  Ptolé- 
niée  VII  Physcon  et  Antiochus  IV  Ei)iphane.  Comme  le  peuple  juif  n'est 
pas  mis  en  cause  dans  les  événements  des  versets  1-20,  si  ce  n'est  incidem- 
ment au  verset  4i  nous  renvoyons  pour  cette  partie  aux  interprétations 
données  soit  dans  la  gi'aude  Bible  de  Crampon,  soit  à  l'article  Ptolémée  du 
Dictionnaire  de  ViGOUROUX,  tome  V,  col.  840  85G. 


JUSOU  A    LA    DOMINATION    ROMAINE.  227 

Antiochus  en  faveur  des  Juifs  (A lit.,  1.  XII,  ch.  3,  §§  3,  4). 
Comme  ils  avaient  accueilli  avec  honneur  le  triomphateur  et 
ravitaillé  son  armée,  il  ne  voulut  pas  se  laisser  vaincre  en  géné- 
rosité. Il  ordonna  la  restauration  de  la  ville  et  du  temple, 
détermina  les  offrandes  qui  devaient  être  faites  à  ses  frais, 
permit  au  peuple  de  vi\re  conformément  à  ses  lois,  immunisa 
les  membres  du  sanhédrin  ainsi  que  le  clergé  de  tout  tribu,  et 
tacilita  matériellement  le  retour  de  ceux  qui  avaient  été  forcés 
de  quitter  Jérusalem.  Il  sanctionna  en  outre  la  défense  laite  aux 
étrangers  de  franchir  l'enceinte  du  temple  réservée  aux  seuls 
Juifs  et  défendit  l'introduction  des  animaux  impurs  dans  la 
ville. 

Antiochus  crut  que  sa  politique  vis-à-vis  de  rEg3'pte  serait 
appuvée  par  le  mariage  de  sa  fille  Cléopàtre  avec  Ptolémée  \'^ 
Epiphane  ;  mais  la  fille,  qui  avait  reçu  la  Cœlé-Syrie,  la  Phéni- 
cie  et  la  Palestine  en  dot  (i),  prit  le  parti  de  son  époux  et  se 
garda  bien  de  seconder  les  vues  de  son  père. 

Les  années  suivantes  il  remporta  des  succès  éclatants  en 
Asie  Mineure,  jusqu'à  ce  qu'il  se  heurta  aux  Romains;  Scipion 
l'Asiatique  lui  infligea  une  défaite  humiliante  à  Magnésie  du 
Sipyle  en  igo.  Antiochus  tomba  aux  mains  des  vainqueurs  et 
dut  accepter  les  conditions  draconiennes  dont  le  premier 
livre  des  Machabées,  VIII,  7,  8  et  I,  11,  nous  a  conservé 
le  souvenir  :  un  tribut  de  guerre  colossal  s'élevant  à 
i5,ooo  talents  euboïques  (plus  de  8,3oo.ooo  francs),  à  payer 
endéans  les  douze  ans  (2).  Comme  garantie,  il  dut  livrer  des 
otages,  parmi  lesquels  son  second  fils  (plus  tard  Antiochus  IV, 
Epiphane).  En  plus,  il  eut  à  céder  à  Eumène  II, roi  de  Pergame, 
qui  avait  prêté  main-forte  aux  Romains  à  la  bataille  de 
Magnésie,  les  riches  contrées  des  Ioniens,  des  Mysiens  et  des 
Lydiens. 

Pour  faire  face  à  ces  obligations  il  voulut  piller  un  temple 
dans  l'Elymaïde  (cfr.   Diod.  Sic,  1.  29).   Il   semble  bien  que 


(i)  A  la  mort  de  cette  princesse,  ces  provinces  furent  de  nouveau  récla- 
mées par  les  Séleucides;  nous  les  savons  certainement  possédées  à  nou- 
veau par  Antiochus  IV  P^piphane  au  commeucemeiit  de  son  règne.  Cfr. 
I  Mach.,  I,  II,  14  ;  2  Mach.,  IV,  22. 

(2)  Eu  173,  Antiochus  IV  Epiphane  eut  eucore  à  solder  le  restant. 


228  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    d'ALEXAXDRE 

c'est  ce  fait  là  que  rapporte  le  second  livre  des  Macha- 
bées,  I,  j3-i6.  Quand  le  roi  et  son  escorte  lurent  entrés  dans 
le  temple,  les  prêtres  fermèrent  les  portes  et  accablèrent  les 
sacrilèges  d'une  grêle  de  pierres.  Antiochus  périt  de  la  sorte, 
en  187. 

Séleucus  IV  Son  f^^g^  Séleucus  IV  Philopator,  lui  succéda.  De  ses  rapports 
Philopator.  ^^^^  ^^^  Juifs  nous  ne  connaissons  que  les  détails  rapportés  par 
2  Mach.,  III,  3-40.  Au  verset  3,  il  nous  est  dit  que  «  Séleucus 
fournissait  de  son  revenu  toute  la  dépense  nécessaire  au  service 
des  sacrifices  ».  Mais,  pressuré  comme  son  père  par  l'écrasant 
impôt  des  Romains,  il  chercha  détentes  les  manières  les  moyens 
de  s'en  acquitter;  la  suite  du  récit  biblique  nous  rapporte  ainsi 
l'attentat  dirigé  par  son  ordre  contre  les  trésors  du  temple  de 
Jérusalem  (i).  Simon,  l'administrateur  des  biens  du  sanctuaire, 
était  en  mésintelligence  avec  le  grand-prêtre  Onias  III.  Il 
instigua  Apollonius,  le  gouverneur  de  la  Cœlé-Syrie,  de  ren- 
seigner Séleucus  sur  les  trésors  renfermés  dans  le  temple  pour 
que  le  roi  les  accaparât,  sous  prétexte  que  ce  trésor  excé- 
dait de  loin  ce  qu'il  fallait  pour  l'entretien  des  sacrifices. 
Séleucus  chargea  un  de  ses  intimes,  Héliodore,  de  s'en 
emparer.  Onias  eut  beau  représenter  que  la  grande  partie  de 
ces  biens  consistait  en  dépôts  faits  par  des  particuliers,  le  minis- 
tre prétendit  exécuter  la  volonté  de  son  maître.  Mais  le  jour  où 
lui  et  sa  suite  voulurent  réaliser  leur  dessein,  une  puissance 
surnaturelle  les  en  empêcha.  Ce  même  Héliodore  empoisonna 


(i)  Ou  s'est  plu  à  discréditer  plus  que  de  juste  la  valeur  histox-ique  des 
faits  rapportés  par  le  second  livre  des  Machabées  SchûreriIII,  pp.  482-489) 
met  au  point  les  difficultés  soulevées  a  leur  sujet  et,  tout  en  ne  reconnais- 
saut  à  cette  «  rhetorisclie  Darstellung  «  qu'une  autorité  relative,  il  opine 
que  «  Andererseits  bietet  docli  das  zweite  Makkabilerbuch,  nameutlicli  iu 
der  Vorgescliichte  der  mukkabaisehen  Erhebung,  eine  Fiille  selbstandigeu 
Détails,  au  dessen  Geschiohtligkeit,  /u  zweifeln  kein  Grund  vorliegt». 
Il  s'agit  donc  d'examiner  pour  chaque  récit  en  particulier  ce  qui  s'opiiose 
à  sou  historicité.  On  sait  dailleurs  que  l'auteur  inspiré  de  cet  écrit  s'est 
mis  entièremenl  à  couvert,  rendant  responsable  des  faits  racontés  Jasou 
de  Cyrène,  dont  il  résume  les  cinq  livres,  «  laissant  à  celui-ci  le  soin  de 
traiter  exactement  chaque  chose.  »  (II,  ug.)  Tout  ce  qu'il  se  proposait, 
c'était  de  résumer  fidèlement  une  chronique  i)liis  étendue  dont  il  ne  garan- 
tit pas  autrement  l'exactitude. 


jusqu'à  la  domixatiox  romaine.  229 

plus  tard  son  souverain,  essayant,  sans  y  réussir  toutefois,  de 
s'emparer  du  trône  en  lyS. 

Quelques  mois  avant  sa  mort,  Séleucus  IV  avait  obtenu  des 
Romains  la  mise  en  liberté  de  son  frère  Antiochus,  en  le  rempla- 
çant comme  otage  par  son  propre  fils  Démétrius.  Celui-ci  aurait 
du  succéder  à  son  père, mais  Antiochus,  son  oncle,  s'empara  de 
la  rovauté,  grâce  à  ses  intrigues  (Dan.,  XI,  21),  après  avoir  eu 
raison  de  la  compétition  d'Héliodore.  Sous  son  règne  les  Juifs 
devaient  subir  la  persécution  religieuse  qui  amènerait  le  soulè- 
vement des  Machabées  et  une  nouvelle  ère  d'indépendance 
pour  la  nation. 

Nous  avons  vu  qu'aux  débuts  de  la  restauration  juive, 
c'étaient  des  gouverneurs  perses  qui  détenaient  le  haut  pouvoir 
sur  la  communauté  renaissante;  mais  vers  la  seconde  partie  de 
la  période  perse,  l'administration  suprême  fut  confiée  au  grand- 
prêtre,  qui  avait  à  rendre  compte  de  sa  gestion  à  son  souve- 
rain. 

Le  chef  religieux  était  donc  à  la  fois  le  chef  politique  :  cette 
situation  caractérisait  très  bien  le  petit  Etat  juif,  à  la  reconstitu- 
tion duquel  les  exigences  cultuelles  avaient  présidé.  Le  souve- 
rain pontificat  était  à  vie  et  héréditaire  ;  il  était  secondé  par  un 
conseil  d'anciens  appelé  «  Sanhédrin  »  (i). 

Voici  tels  qu'ils  nous  sont  connus  par  les  sources  juives,  les 
dignitaires  qui  en  furent  investis  depuis  l'époque  d'Alexandre 
jusqu'au  moment  qui  nous  occupe. 

Onias  I,  fils  de  Jaddua,  que  i  Mach.,  XII,  7-20  nous  voyons 
avoir  été  en  relations  fort  amicales  avec  Aréius,  le  roi  de 
Sparte. 

Son  fils  Simon  /,  surnommé  le  Juste,  à  cause,  dit  Josèphe, 
(Ant.,  1.  XII,  ch.  2,  §  4),  de  sa  piété  et  de  sa  bonté.  Il  se  pour- 
rait toutefois  que  Josèphe  le  confonde  avec  Simon  II  (2). 

Eléasar,  frère  du  précédent.  S'il  faut  en  croire  le  Pseudo- 


(i)  Nous  nous  étendrons  davantage  sur  le  fonctionnement  et  la  eomposi- 
tiou  du  sanhédrin,  quand  nous  traiterons  la  période  romaine,  où  il  nous 
faudra  tenir  compte  des  diverses  tendances  politiques  qui  se  heurtaient  au 
sein  de  cette  assemblée. 

(2)  Cfr.  SciiiiRER,  II,  pp.  4iy,  420. 


23o  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 

Aristée,  c'est  à  lui  que  Ptolémée  II  Philadelphe,  aurait 
envoyé  une  ambassade  en  vue  d'obtenir  soixante-douze  (six  de 
chaque  tribu)  hommes  de  choix  pour  traduire  la  loi  juive  en 
grec  (i). 

Manassé,  oncle  d'Eléazar  {Ani.,  1.  XII,  ch.  4,  §  i). 

Onias  II,  fils  de  Simon  I.  Il  eut  la  réputation  d'un  homme 
avare  et  sordide,  faisant  des  difficultés  pour  payer  le  tribut  à 
Ptolémée  III  Evergète  {Ant.,  1.  XII,  ch.  4,  §  i). 

Simon  II,  son  fils,  qui  prit  un  soin  particulier  de  l'embellis- 
sement du  temple  et  des  fortifications  de  la  ville  ;  c'est  à  lui  que 
se  rapporte  la  magnifique  description  du  chapitre  cinquantième 
de  V Ecclésiastique  le  montrant  dans  toute  la  majesté  du  pontife 
officiant. 

Enfin  Onias  III,  fils  de  Simon  II,  qui  s'opposa  à  la  tentative 
sacrilège  d'Héliodore  et  devait  mourir  assassiné  lâchement 
(2  Mach.,  III,  IV). 

Nous  savons  qu'Alexandre  et  les  premiers  diadoques  mon- 
trèrent des  dispositions  favorables  pour  les  Juifs  ;  plus  que 
jamais  leur  administration  fut  autonome,  pourvu  que  les  impôts, 
qui  s'élevaient  à  vingt  talents  d'argent,  fussent  régulièrement 
payés  [Ant.,  1.  XII,  ch.  4,  §  i). 

Au  moment  où  nous  sommes  arrivés,  c'est-à-dire  au  com- 
mencement du  deuxième  siècle,rEtat  juif  ne  devait  comprendre 
que  la  seule  province  de  Judée,  enclavant  à  peu  près  l'ancien 
ro3'aume  de  Juda,  dont  la  limite  Nord  était  en  deçà  de  Sama- 
rie.  Encore  faut-il  en  défalquer  les  villes  côtières  et  l'une  ou 
l'autre  située  au  milieu  du  pays  juif,  comme  Ekron  et  Gézer, 
habitées  par  des  populations  païennes.  La  Transjordane 
n'avait  rien  de  commun  avec  le  territoire  juif.  Quant  à  la 
Cisjordane,  elle  était,  en  dehors  de  la  Judée,  encore  divisée  en 
trois  districts  séparément  administrés  :  la  Samarie,  la  Phénicie 
et  la  Cœlé-Syrie  ;  l'un  des  deux  derniers  aura  englobé  la 
Galilée. 

Il  y  avait  cependant  en  Palestine  des  Juifs  en  dehors  du 
territoire  de  la  Judée,  notamment  en  Samarie,  Galilée  et 
Galaad  ;    mais  là  leur   situation  était  souvent  pénible,  comme 


{ 


(i)  Edition  SWETE,§  33.  Cfr.  Antiq.,  1.  XII,  ch. 


jusqu'à    la    domination    ROMAINIC,  23l 

il  ressort  manifestement  de  i  Mach.,  V,  g-5^;  XI,  34  :  le  pays 
juif  proprement  dit  était  donc  territorialement  très  réduit. 

Quant  à  l'esprit  de  la  communauté  palestinienne,  il  était 
travaillé  par  le  double  courant  déjà  observé  dans  la  diaspora, 
mais,  si  dans  celle-ci  les  circonstances  avaient  amené  un  accord 
souvent  heureux  entre  le  judaïsme  et  l'hellénisme,  en  Palestine 
elles  devaient  accentuer  dava.ntage  les  caractères  différents  de 
•chacun  de  ces  deux  l'acteurs. 

Du  jour  où  Xéhémie  avait  solennellement  renouvelé  l'alliance  Les  Scribes 
par  la  proclamation  de  la  loi,   celle-ci   était  devenue   de   plus 
en  plus  normative  et  inspiratrice  de  la  vie  juive,  et  la  ferveur 
individuelle    visa    à    une    observance    ponctuelle    de    chaque 
précepte. 

On  sentit  dès  lors  la  nécessité  de  recourir  à  des  interpréta- 
tions autorisées  des  diverses  ordonnances,  et,  comme  les  pres- 
criptions du  Pentateuque  trouvaient  leur  appui  ou  leur  appli- 
cation de  fait  dans  les  autres  livres  historiques,  prophétiques 
et  didactiques  de  la  littérature  sacrée,  on  s'adonna  à  une  étude 
svstématique  de  tous  ces  écrits,  mais  tout  spécialement  de  la 
loi  ou  Thora,  en  vue  d'une  règle  de  v^ie  pratique  et  sûre. 

Il  se  forma  dès  lors  une  classe  spéciale  d'hommes  faisant 
de  l'étude  de  la  loi  leur  occupation  exclusive  et  l'on  peut 
dire  professionnelle  ;  au  temps  d'Esdras  et  plus  tard  encore, 
ce  furent  des  prêtres,  mais  lorsque  l'influence  hellénique 
orientera  les  membres  du  haut  sacerdoce  vers  la  culture 
païenne,  nombre  de  laïques  se  feront  les  interprètes  et  les 
défenseurs  zélés  de  la  loi  de  leurs  pères  ;  ils  constitueront 
comme  une  caste  opposée  à  celle  des  prêtres  ;  à  partir 
d'alors,  ils  deviendront  les  vrais  docteurs  de  la  nation. 
Ils  sont  connus  sous  le  nom  de  CID^Û,  -'pa;j!.y.a-£r;,  scribae, 
encore  voa-.xo'l,  vo;j.oot.oà3-xa).o'.;  Josèphe  {Ant.,  1.  XVII,  ch,  6,  §  2) 
les  appelle  -arpûov  i^y.vY-a'.  vô;jlwv,  à  l'époque  de  la  Mischna  ils 
seront  désignés  par  □"'*2Dn  :  les  sages;  à  partir  de  l'époque  néo- 
testamentaire on  leur  donnera  le  titre  de  "^zi,  monseigneur,  qui 

deviendra  alors  un  nom  d'étiquette  (Mat.,  XXIII,  7),   que  le 
Nouveau  Testament  rend  souvent  par  y.ùz'.z,  o-.oaTxaAc,  i-'.rràTa. 


232 


DEPUIS    LA    CONQUETE    D  ALEXANDRE 


L'Hellé= 

nisme 

en 

Palestine. 


L'Ecclésiastique  XXXVIII,  24  -XXXIX,  11,  nous  prouve 
quelle  considération  auréolait  le  docteur  de  la  loi  au  deuxième 
siècle  (i);  particulièrement  belle  est  la  perspective  ouv^erte  à 
celui  qui  applique  son  esprit  à  la  loi  du  Très-Haut  (XXXIX^ 
6-11)  : 

6.  Si  c'est  la  volonté  du  Seigneur 

Il  sera  rempli  de  l'esprit  d'intelligence; 
Alors  il  répandra  à  flots  ses  sages  paroles, 
Et  dans  sa  prière  il  rendra  grâce  au  Sf  igneur. 

7.  Il  saura  diriger  sa  prudence  et  son  savoir, 
Et  il  étudiera  les  mystères  divins. 

8.  Il  publiera  ses  sages  enseignements. 

Et  il  se  glorifiera  de  la  loi  de  l'alliance  du  Seigneur, 
g.    Beaucoup  loueront  son  intelligence. 
Et  il  ne  sera  jamais  oublié  ; 
Sa  mémoire  ne  passera  pas 
Et  son  nom  vivra  d'âge  en  âge. 

10.  Les  peuples  raconteront  sa  sagesse. 

Et  l'assemblée  célébrera  ses  louanges  [autres],. 

11.  Tant  qu'il  est  en  vie,  son  nom  reste  plus  illustre  que  mille 
Et  quand  il  se  reposera,  sa  gloire  grandira  encore. 

(Eccli  ,  XXXIX,  611.) 

Mais  à  côté  de  ce  mouvement  si  essentiellement  religieux, 
s'étaient  aussi  fait  jour  en  Palestine  les  tendances  de  l'hellé- 
nisme. Comment  en  aurait-il  été  autrement?  Le  petit  territoire 
de  Judée  était  enclavé  de  toutes  parts  par  des  cités  helléniques 
(cfr.  2  Mach.,  VI,  8)  et  les  rapports  avec  celles-ci  devaient 
nécessairement  amener  dans  les  domaines  linguistique,  indus- 
triel, artistique,  scientifique,  et  dans  les  mœurs  de  la  vie  cou- 
rante une  modificatipn  dans  le  sens  de  cette  culture  universelle. 


Antiochus 

IV 
Epiphane 


Au  commencement  du  deuxième  siècle  l'hellénisation  devait 
être  très  accentuée  en  pa3'S  judéen.  Il  se  dessina,  en  effet,  à 
Tavènement  d'Epiphane  un  mouvement  intense  en  faveur  des 


(I)  Sur  les  scribes  et  leur  autorité  voir  ScHiiRER,  II,  ^  25,  Die  Schrift- 
gelehrsiimkeit,  pp.  363-44(J,  toutes  réserves  laites  —  cela  va  saus  dire  — 
sur  l'élaboration  du  concept  d'inspiration  de  l'Ancien  Testament,  tel  que 
l'auteur  l'admet  dans  ces  pages. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  233 

mœurs  païennes;  un  groupe  de  Juifs  se  fit  appuyer  par  le  roi  ; 
pour  la  réalisation  de  leurs  desseins  ils  construisirent  un  gym- 
nase à  Jérusalem,  et  firent  disparaître  les  marques  de  leur 
circoncision  (i  Mach.,  I,  12-16).  Par  opposition  à  ces  gréco- 
philes  se  forma  alors  le  parti  des  zélateurs  de  la  loi  :  celui  des 
2"'TCn  ou  ' X'T'.Zci.w.  (i  Mach.,  II,  42),  parti  qui,  comme  le 
prouveront  les  nombreuses  apostasies  au  début  de  la  persé- 
cution d'Antiochus,  n'exerçait,  hélas  !  pas  une  influence  prépon- 
dérante sur  les  esprits. 

Les  procédés  brutalisants  et  persécuteurs  qui  tendront  à  une 
suppression  absolue  du  culte  juil  auront  comme  effet  d'arrêter, 
momentanément  du  moins,  les  infiltrations  hellénisantes  et 
préserveront  de  manière  définitive  ce  culte  de  toute  influence 
étrangère. 

Les  détails  que  nous  fournissent  les  écrivains  anciens  sur  le 
caractère  d'Antiochus  IV  Epiphane,  nous  dépeignent  cet 
homme  comme  un  despote,  un  excentrique  et  un  dissipateur, 
aftectant  en  plus  les  manières  les  plus  vulgaires  et  tombant 
dans  les  excès  les  plus  divers  !i).  Aussi  Polybe,  son  contem- 
porain, lui  donna-t-il  le  sobriquet  d'i-iuav/;  «t  maniaque  » 
au  lieu  du  titre  d'iTT'/^av/,;  (2). 

Plus  encore  que  ses  prédécesseurs,  Antiochus  rêvait  d'éten- 
dre la  culture  grecque  et  il  la  voulait  aussi  bien  dans  le  domaine 
religieux  que  dans  les  autres.  Il  devait  rencontrer  en  Palestine 
un  parti  favorable  à  ses  desseins  et  déchaîner  contre  le  parti 
opposant  une  persécution  d'autant  plus  impitoyable. 

Le  chef  du  parti  hellénophile  était  le  propre  frère  du  grand- 
prêtre  Onias  III  ;  il  avait  changé  son  nom  hébreu  Jeshoua  ou 
Jésus  en  celui  de  Jason  (AnL,  1.  XII,  ch.  5,  ^  i).  Le  second 
livre  des  Machabées,  IV,  7,  22,  nous  édifie  sur  sa  conduite  :  à 
prix  d'argent,  il  obtint  d'Antiochus  le  souverain  pontificat  en 


(i)  Cfr.  Poi.VBE,  1.  XXVI.  s  10,  passage  principal.  DiODORE  DE  Sicile, 
1.  XXIX  et  ?vXXI.  Ptoi.émée  VII  Ever<;éte  II  dans  Frugm.  hist.  Grœc, 
III.  1).  186.  IIÉEiODORE  dans  Fragm.  hist.  Gner,  IV,  p.  420. 

(2)  C'est  labréviatiou  de  Ssos  5^:^stv«;.  litre  que  portent  certaines 
de  ses  monnaies.  Il  s'identiliait  de  la  sorte  avec  Iloriis.  «  le  dieu  apparais- 
sant, se  levant  »  comme  le  soleil.  C'est  un  litre  que  se  sont  donné  i>lu- 
sieurs  des  diadoc^ues. 


234  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'aLEXANDRE 

faisant  destituer  son  frère;  il  introduisit  les  mœurs  et  les  diver- 
tissements grecs,  corrompant  ainsi  la  jeunesse  et  entraînant  les 
prêtres  à  des  exercices  profanes  dans  la  palestre.  Il  poussa  si 
loin  l'oubli  et  le  mépris  de  son  caractère  pontifical,  que,  lors  des 
jeux  quinquennaux  à  Tvr,  il  fit  porter  trois  cents  drachmes 
d'argent  pour  offrir  un  sacrifice  à  Hercule.  Trois  ans  durant 
(174-171),  il  forfit  delà  sorte  à  ses  devoirs  jusqu'au  jour  où  il 
se  vit  supplanté  par  un  ri\'al.  Un  certain  Ménélas,  frère  de  ce 
Simon  qui  avait  instigué  l'attentat  d'Héliodore,  profita  de  la 
mission  dont  il  était  chargé  de  transmettre  à  Antiochus  le  mon- 
tant de  certaines  redevances,  pour  renchérir  sur  la  somme 
offerte  jadis  par  Jason  comme  prix  de  la  dignité  pontificale.  Quoi- 
qu'il ne  fut  pas  de  race  sacerdotale,  il  reçut  ses  lettres  d'inves- 
titure et  Jason  dut  s'enfuir  sur  territoire  ammonite.  Cependant 
Ménélas  avait  pris  des  engagements  qu'il  n'était  pas  à  même  de 
remplir.  Sommé  de  venir  s'expliquer,  il  confia  momentanément 
le  pontificat  à  son  frère  Lysimaque.  Entretemps  le  roi  dut 
s'occuper  personnellement  de  la  répression  d'une  révolte  qui 
avait  éclaté  à  Tarse  et  à  Mallas  ;  profitant  du  répit,  Ménélas 
enleva  du  temple  plusieurs  vases  de  prix  pour  s'acquitter  de 
ses  promesses,  et  comme  il  encourut  de  ce  chef  les  reproches 
du  vieux  pontife  Onias,  il  le  fit  massacrer  traîtreusement  à 
Daphné,  près  d'Antioche.  Ménélas  s'entendit  avec  son  frère 
pour  dépouiller  toujours  davantage  le  trésor  sacré;  une  émeute 
s'en  suivit;  L3'Simaque  alors  fit  commettre  des  violences  par 
une  bande  de  trois  mille  hommes  armés  par  lui;  mais  elle  fut 
accueillie  à  coups  de  pierres  et  de  débris  et  Lysimaque  périt 
lui-même  dans  l'échauffourée.  Comme  de  juste,  le  peuple  rendit 
Ménélas  responsable  de  tous  ces  faits  et  l'en  accusa  auprès 
d' Antiochus.  Le  coupable,  flattant  la  cupidité  de  quelques 
fa\'oris  du  roi, réussit  malgré  tout  à  se  rendre  celui-ci  favorable; 
ses  accusateurs  furent  mis  à  mort  et  lui-même  se  maintint  dans 
sa  dignité.  (2  Mach.,  IV,  23-5o.) 

Cependant  Jason  n'avait  pas  renoncé  à  l'espoir  de  récupérer 
sa  charge.  En  170,  Antiochus  dirigea  une  expédition  en  Egvpte. 
A  la  mort  de  Ptolémée  V  Epiphane  en  181,  Cléopâtre  avait 
gouverné  le  pays  au  nom  de  son  fils  âgé  seulement  de  six  ans. 
Mais  après   la  mort   de   Cléopâtre,  en  173,  les  ministres   qui 


jusqu'à  la   domination  romaine.  235 

régentaient  l'Egypte  pour  le  compte  du  jeune  Ptolémée  VI 
Philométor,  voulurent  reconquérir  les  provinces  syro-palesti- 
niennes.  Antiochus  prit  les  devants  et  Philométor  lui-même 
tomba  pour  quelque  temps  entre  ses  mains.  Au  cour.?  de 
cette  expédition  un  taux  bruit  de  la  mort  d'Antiochus  avait 
enhardi  Jason.  Sans  tarder,  il  rassemble  un  millier  d'hommes, 
et  s'empare  à  l'improviste  de  Jérusalem,  forçant  Ménélas  à  se 
barricader  dans  la  citadelle  et  massacrant  bon  nombre  d'habi- 
tants. Sur  ces  entrelaites,  on  apprit  les  victoires  d'Epiphane 
en  Egypte  (i  Mach.,  I,  20,  21).  Jason  n'eut  qu'à  s'enfuir;  il 
regagna  le  pays  des  Ammonites,  fut  emprisonné  ensuite  par 
Arétas  I,  le  souverain  des  Nabatéens,  s'échappa  en  Egypte  et 
finit  par  mourir  misérablement  à  Lacédémone.  (2  Mach., 
V,  i-io.) 

Lorsque  Antiochus  apprit  les  troubles  qui  avaient  agité  Jéru- 
salem, il  crut  à  une  révolte;  rendu  plus  intolérant  par  les  succès 
qu'il  venait  de  remporter  en  Egypte,  il  tomba  sur  la  capitale 
juive,  massacra  en  trois  jours  plus  de  quarante  mille  hommes 
et  en  réduisit  autant  en  esclavage.  Guidé  par  Ménélas 
lui-même,  il  s'en  prit  ensuite  au  temple  qu'il  pilla  entièrement 
et  dont  il  convova  les  trésors  à  Antioche.  Depuis  ce  moment 
l'oppression  commença  et  l'indigne  pontife,  aidé  par  les  officiers 
rovaux,  terrorisa  véritablement  la  ville  sainte,  (i  Mach.,  I, 
22-29;  2  Mach.,  V,  11-23.) 

Lorsque  Antiochus  s'était  emparé  de  Philométor,  les  Alexan- 
drins qui  ne  voulaient  pas  du  Syrien  comme  roi,  avaient  proclamé 
Ptolémée  VII  Ph3'scon,  frère  de  Philométor,  Après  le  départ 
d'.\ntiochus,  les  deux  frères  et  leur  sœur,  appelée  aussi  Cléopà- 
tre,  s'étaient  entendus  pour  régner  de  concert.  Cet  accord  parut 
à  Antiochus  néfaste  à  ses  visées  et,  en  168,  il  entreprit  une  nou 
velle  campagne  contre  l'Egypte.  Exigeant  officiellement  recon- 
nues la  possession  de  Chypre,  qui  lui  avait  été  livrée  par  la 
trahison  du  gouverneur  Ptolémée  Macron  (2  Mach, ,  X,  1 3) ,  ainsi 
que  la  possession  de  la  ville  de  Péluse,  il  n'avait  pas  reçu  assez 
tôt  à  son  gré  le  consentement  des  souverains  égyptiens.  Déjà 
il  se  dirigeait  sur  Memphis,  lorsque  intervint  une  puissance 
inattendue.  Le  général  romain  Popilius  Lœna  lui  communiqua 
un  ordre   du  Sénat,  lui  enjoignant  de  renoncer  à  tout  plan  de 


236  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'aLEXAXDRE 

conquête  sur  l'Egypte,  s'il  ne  voulait  pas  se  déclarer  ennemi 
de  Rome.  Il  n'eut  qu'à  se  résigner  :  mais,  n'ayant  plus  rien  à 
espérer  de  ce  côté,  sa  rage  s'assouvirait  sur  les  Juifs,  au  détri- 
ment desquels  il  réaliserait  à  tout  prix  ses  desseins.  (Dan., 
XI,  29  ss.) 

En  168-167  il  envoya  à  Jérusalem  un  commissaire  des 
impôts,  appelé  Apollonius,  accompagné  de  fortes  troupes.  On 
n'eut  pas  à  se  faire  illusion  sur  le  but  qui  l'amenait  :  un  jour  de 
sabbat,  il  donna  le  signal  de  l'attaque.  Nombre  d'hommes  furent 
massacrés,  quantité  de  femmes  et  d'enfants  réduits  en  escla- 
vage, la  ville  pillée  et  brûlée,  les  maisons  et  les  remparts  abat- 
tus, le  bétail  capturé  et  le  temple  profané. 

Ceux  qui  avaient  échappé  s'empressèrent  de  fuir  la  ville 
sainte  qui  se  peupla  d'étrangers.  C'était  bien  ce  à  quoi  Antio- 
chus  et  Apollonius  avaient  visé  :  helléniser  et  paganiser  Jéru- 
salem et  par  là  toute  la  Judée.  Afin  de  se  garantir  contre  tout 
retour  offensif  et  de  constituer  une  perpétuelle  menace  pour  le 
reste  de  la  ville,  les  Syriens  se  fortifièrent  sur  la  partie  Sud  de 
la  colline  orientale,  c'est-à-dire  au  Sud  du  temple  dans  le  haut 
de  la  cité  primitive  de  David  sur  l'Ophel.  Ils  entourèrent  cette 
position,  qui  fut  appelée  1'  "Axpa,  d'une  forte  muraille  munie  de 
puissantes  tours  faisant  face  au  temple  en  contre-bas.  Cette 
acropole  était  si  bien  fortifiée  qu'elle  défiera  pendant  plusieurs 
années  encore  les  Machabées  après  leurs  victoires  (i).  C'est 
dans  cette  enceinte  que  fut  entassé  le  butin  pris  sur  les  habi- 
tants et  réalisé  un  important  dépôt  d'armes  et  de  provisions. 

A  partir  d'alors  ce  fut  la  persécution  ouverte  dans  tout  le 
territoire  juif.  Elle  nous  est  décrite  dans  toute  son  horreur 
I  Mach.,  I,  43-56  : 


(i)  Ou  ne  comprend  pas  comment  Flave  Josèphe,  Ant.,  1.  XII.  cli.  5,  §  4 
et  1.  XIII,  ch.  6.  S  0,  puisse  dire  que  Vxxpa  dominait  le  temple.  Comme  telle^ 
nous  ne  connaissons  que  la  forteresse  érigée  près  du  temple  et  ai)pelée 
^ipti  ou  àxpoTtoÀti.  Xous  savons,  en  effet,  par  Xéhémie  II.  8,  VII.  2,  (ju'il  y 
avait  une  forteresse  au  Xord  du  temple.  C'est  de  cette  acropole-là  qu'il 
est  question  2  Mach.,  IV,  12,  27,  V,  5.  Elle  fut  rebâtie  par  les  Asmonéens, 
comme  nous  le  verrons,  et  agrandie  plus  tard  jjar  Ilérode.  ()ni  lui  donnera 
le  nom  d'Antonia.  Il  est  évident  qu'elle  n'est  pas  à  identifier  avec  Va/pa 
des  Syriens;  de  nombreux  détails  nous  le  prouveront  encore  ultérieure- 
ment. Cfr.  ScHiiRKR,  I,  pp.  i«j8,  199,  note  37. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  237 

((  Le  roi  Antiochus  publia  un  édit  dans  tout  son  royaume, 
pour  que  tous  ne  tissent  plus  qu'un  seul  peuple  et  que  chacun 
abandonnât  sa  loi  particulière.  Tous  les  gentils  se  conformè- 
rent à  l'ordre  du  roi.  Beaucoup  d'Israélites  consentirent  aussi 
à  suivre  son  culte  ;  ils  sacrifièrent  aux  idoles  et  profanèrent  le 
sabbat.  Le  roi  envoya  des  lettres  par  des  messagers  à  Jérusa- 
lem et  aux  autres  villes  de  Juda,  leur  ordonnant  de  suivre  les 
coutumes  des  étrangers  au  pays,  de  faire  cesser  dans  le  temple 
les  holocaustes,  les  sacrifices  et  les  libations,  de  profaner  les 
sabbats  et  les  fêtes,  de  souiller  le  sanctuaire  et  les  saints,  de 
construire  des  autels,  des  bois  sacrés  et  des  temples  d'idoles, 
et  d'offrir  en  sacrifices  des  pourceaux  et  d'autres  animaux 
impurs,  de  laisser  leurs  enfants  mâles  incirconcis,  de  se  souiller 
eux-mêmes  par  toutes  sortes  d'impuretés  et  de  profanations, 
de  manière  à  leur  faire  oublier  la  loi  et  à  en  changer  toutes  les 
prescriptions.  Et  quiconque  n'obéirait  pas  aux  ordres  du  roi 
Antiochus,  serait  puni  de  mort. 

(c  Telles  sont  les  lettres  qu'il  publia  dans  tout  son  ro3'aume, 
et  il  établit  des  surveillants  sur  tout  le  peuple;  il  commanda 
aussi  aux  villes  de  Juda  d'offrir  des  sacrifices  dans  chaque  ville. 
Beaucoup  de  Juifs,  tous  ceux  qui  abandonnaient  la  loi,  se 
rallièrent  aux  Syriens;  ils  pratiquèrent  le  mal  dans  le  pays,  et 
réduisirent  les  Israélites  fidèles  à  se  cacher  dans  toutes  sortes 
de  refuges  ». 

L'exemple  des  nombreux  apostats  judéens  fut  imité  par  la 
nation  samaritaine  :  les  Samaritains  protestèrent  vouloir  faire 
leurs  les  mœurs  païennes  et  dédièrent  leur  temple  du  Garizim 
à  Jupiter  hospitalier  {Ant.,  1.  XII,  ch.  5,  §  5). 

Le  i5  Kislev  de  l'an  146  des  Séleucides  (=  décembre  168)  se 
commit  «  l'abomination  de  la  désolation  »  dont  parle  le  livre  de 
Daniel  XI,  3i.  Sur  l'autel  des  holocaustes  fut  dressée  la  statue 
de  Jupiter  Olympien  (i).  On  y  sacrifiait  le  25  de  chaque  mois. 
Quiconque  osait  manitester  encore  la  moindre  attache  à  la  loi 
juive  était  impit03-ablement  mis  à  mort  (i  Mach  ,  I,  57-64; 
2  Mach.,  VI,  i-ii).  Cependant  la  défection  n'était  pas  générale; 


(i)  Quelques  auteurs  sont  d'avis  que  ce  culte  s'adressait  à  Antiochus 
Epiphaue  lui-même.  Cfr.  Schurer,  I.  p.  :>oo,  note  38. 


238  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 

le  lait  seul  que  les  édits  sanguinaires  étaient  suivis  de  nom- 
breuses exécutions,  prouve  abondamment  qu'il  }•  avait  des  âmes 
héroïques  préférant  le  martyre  à  toute  concession.  Le  deuxième 
livre  des  Machabées  nous  rapporte  le  combat  et  le  triomphe  du 
vieillard  Eléazar  et  d'une  famille  de  sept  frères  a^'ec  leur  mère 
(VI,  18-VII,  42). 

Mais  là  ne  se  borna  pas  l'opposition  aux  lois  du  tyran  ;  bien- 
tôt éclata  la  révolution  à  main  armée.  Une  famille  sacerdotale 
originaire  de  Modin  (i  Mach.,  XIII,  25)  (i)  se  mit  à  la  tête  de 
Machabées.  ^'insurrection.  Un  jour  que  les  officiers  royaux  vinrent  à  Modin 
pour  organiser  des  sacrifices,  ils  s'adressèrent  à  Matathias,  afin 
qu'il  donnât  l'exemple  de  la  soumission  aux  ordres  reçus  et  usât 
de  la  considération  et  de  l'influence  dont  il  jouissait  pour 
entraîner  ses  concitoyens.  Un  fier  et  catégorique  refus  suivit 
ces  infâmes  propositions.  A  ce  moment  un  Juif  se  détachait 
d'un  groupe  de  lâches  pour  sacrifier  ;  le  saint  prêtre  s'élança  sur 
lui  et  le  tua  sur  l'autel  païen;  il  poignarda  également  le  com- 
missaire roval  et  renversa  l'autel  ;  ensuite  il  s'enfuit  dans  la 
montagne  avec  ses  fils  Jean,  Simon,  Judas  surnommé  Macha- 
bée,  Eléazar  et  Jonathas.  Un  certain  nombre  de  Juifs  restés 
fidèles  se  retirèrent  alors  avec  leurs  familles  et  leurs  troupeaux 
dans  le  désert  (2). 

Une  division  de  la  garde  syrienne  de  Jérusalem  se  mit  à  leur 
poursuite  un  jour   de  sabbat.    Les   malheureux,  au  total  d'un 


(i)  La  mosaïque  de  ^ladaba  nous  eu  donue  remplaceuieut  avec  exacti- 
tude :  MÛAEEIM  .  H  NYN  MÛAI0A  .  EKTA.YTHC  HCAN  01  MAKKABAIOI.  C'est 
actuellement  le  village  d'el-Medijeh  à  l'E  -S.-E.  de  Lydda  à  l'oi'ée  de  la 
montagne. 

(2)  Quelle  est  la  signification  de  ce  mot  dans  l'Ecriture  ? 

Il  désigne  non  pas  une  région  absolument  aride,  comme  les  déserts  du 
Nord  de  l'Afrique,  mais  s'api>lique  à  toute  contrée  inapte  à  la  culture 
des  champs.  Les  déserts  de  Palestine  sont  des  steppes  ou  landes  (jui 
venioyent  pendant  la  saison  des  pluies  et  peuvent  aloi's  servir  de 
pâturages;  aussi  les  arabes  nomades  y  mènent-ils  à  ce  moment  leurs 
troui)eaux.  Mais  cette  saison  passée,  ces  régions  offrent  un  aspect  inculte 
et  méritent  l'appellation  <Ie  désert. 

Dans  l'occurrence  il  est  question  du  désert  de  .Tuda,  comprenant  le  ver- 
sant oriental  des  montagnes  de  .luda  à  l'Ouest  de  l'Arabali.  de  la  mer 
Morte  et  du.Tourdain  jusqu'à  Jéricho. 

Sur  les  différents  déserts  de  Palestine  voir  l'arlicle      Désert  »  du  Die-  ■ 
tioimuire  de  VuiOCROLX,  t.  II,  col.  iSSy-iSo'i. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  239 

millier,  crurent  ne  pas  pouvoir  se  défendre  un  pareil  jour  et  se 
laissèrent  exterminer. 

Matathias  et  les  siens  se  dirent  qu'avec  de  tels  scrupules 
c'en  serait  bientôt  fait  de  la  résistance,  et  ils  prirent  le  parti  de 
se  détendre  en  toute  circonstance.  Un  groupe  d'Assidéens,  ainsi 
qu'une  poignée  d'autres  désireux  de  s'opposer  à  la  persécution, 
se  joignirent  à  eux.  Cette  armée  de  braves  parcourut  le  pays, 
détruisant  les  autels  sacrilèges,  circoncisant  de  force  tous  les 
enfants  qui  ne  l'étaient  pas,  tuant  les  apostats  et  rendant  ainsi 
le  courage  à  la  nation  abattue. 

Le  digne  Matathias  ne  put  pas  longtemps  diriger  la  révolte. 
Il  mourut  en  167-166,  exhortant  ses  fils  à  poursuivre  la  guerre, 
leur  proposant  Simon  comme  conseiller  suprême  et  Judas 
comme  chef  militaire  ;  il  les  encouragea  par  la  pensée  qu'à  tous 
les  âges,  quiconque  espère  en  Dieu,  ne  succombe  pas. 

On  l'enterra,  dans  le  tombeau  de  ses  pères,  à  Modin 
(I  Mach.,  II). 

Le  commandement  suprême  avait  passé  en  mains  fortes. 
Judas  le  «  Machabée  »  ou  le  «  Martel  »  (i),  caractérisé  Judas 
«  comme  un  lion  dans  l'action,  comme  le  lionceau  rugissant  Machabée. 
sur  sa  proie  »  (l  Mach.,  III,  4),  allait,  avec  une  rapidité  décon- 
certante, reprendre  le  dessus  sur  les  Syriens.  On  voudra  suivre 
les  détails  des  péripéties  dans  i  Mach.,  III-IV,  35.  En  voici 
les  grands  traits  :  les  deux  généraux  syriens,  Apollonius, 
secondé  par  des  troupes  levées  en  Samarie,  et  Séron  furent 
défaits  l'un  après  l'autre  à  peu  d'intervalle.  En  i66-i65,  Antio- 
chus,  une  fois  de  plus  à  court  d'argent,  voulut  diriger  lui-même 
une  expédition  en  Perse  pour  lever  des  impôts  ou  piller  quelque 
trésor;  et  ce  fut  Lysias,  régent  de  l'empire,  qu'il  chargea, 
exaspéré  qu'il  était  par  le  désastre  de  ses  troupes  en  Judée, 
d'anéantir  jusqu'au  nom  juif  et  de  repeupler  la  contrée  par  des 
étrangers.  Le  ministre  envoya  une  armée  de  40,000  fantassins 
et  7,000  cavaliers  sous  la  conduite  des  généraux  Ptolémée, 
Nicanor  et   Gorgias  ;   elle  dut  céder  devant  l'intrépidité  des 


(i)  C'esi  encore  l'iicceptiou  lu  plus  probable  que  yixxxa^xtôi  doive  être 
rendu  pur  "ZJT'^  aruméeu,  correspondaut  ù  l'hébreu    PZp";  (lui  signifie 

«  marteau  ».  Cfr.  Schùrer,  I,  p.  204,  note  47- 


240  DEPUIS    LA    CONQUETE    D  ALEXANDRE 

troupes  machabéennes.  Dans  l'automne  de  i65,  Lysias  conduisit 
lui-même  65,ooo  hommes  contre  les  Juifs;  une  fois  de  plus 
ceux-ci  eurent  le  dessus  et  le  Syrien  jugea  prudent  de  retour- 
ner à  Antioche  pour  y  lever  du  renfort.  Judas  profita  de  ce 
répit  pour  rétablir  le  culte  à  Jérusalem.  L'  "Axpa  était  restée 
aux  mains  des  ennemis;  pour  qu'ils  n'entravassent  pas  l'œuvre 
de  restauration,  un  corps  de  troupes  fut  détaché  pour  sur- 
veiller la  citadelle. 

Le  temple  fut  dédié  de  nouveau  le  25  Kislev  i65,  trois  ans 
après  sa  profanation  par  les  païens  ;  pendant  huit  jours  on  se 
livra  à  des  festivités  et  il  fut  décidé  que  tous  les  ans  on  commé- 
morerait l'événement  avec  la  même  solennité  (i).  Jérusalem 
avait  été  désertée  par  ses  habitants;  pour  lui  rendre  sa  sécu- 
rité, on  fortifia  la  colline  orientale  de  hautes  murailles  et  de 
fortes  tours,  on  y  laissa  un  détachement  pour  sa  défense  et 
l'on  fortifia  également  la  localité  de  Beth-Sour  (i  Mach.,  IV, 
36-6i)  (2). 

Il  s'agissait  à  présent  de  châtier  les  nations  voisines  qui 
avaient  harcelé  les  Juifs  en  butte  aux  persécutions  syriennes  : 
furent  ainsi  ravagés,  la  montée  d'Acrabim  dans  le  Sud  de  l'Idu- 
mée  (3),  les  environs  de  la  mer  Morte  et  le  territoire  ammo- 
nite dont  la  ville  de  Jaser  (4)  avec  sa  banlieue  tomba  aux 
mains  de  Judas. 

Sur  ces  entrefaites,  il  arriva  des  appels  de  détresse  de  la 
part  des  Juifs  habitant  en  Galaad  et  en  Galilée  maritime,  où  ils 
étaient  persécutés  par  les  gentils.  Simon  partit  à  la  tête  d'une 
troupe  pour  la  Galilée,  tandis  que  Judas  envahit  la  Transjor- 
dane.  L'un  et  l'autre  mirent  ces  peuples  à  la  raison,  mais  par 


(I)  C'est  la  fête  appelée  .Joa.  X,  22.  ïyxahty. 

[•>)  Actuellement  Beit-Souxv  colline  naturellement  bien  défendue  à 
I  1/2  h.  au  Nord  d'IIébron.  Comme  elle  commandait  la  route  conduisant  à 
cette  localité,  elle  avait  une  importance  particulière  pour  surveiller  les 
mouvements  de  l'Idumée. 

(3)  Entre  la  mer  Morte  et  Cadès-Barné  dans  la  dix-ectiou  du  S.-O., 
région  appelée  aussi  Acrabathane. 

(4)  Dans  Jos.,  XIII,  26,  Jazer  est  mis  en  rapport  avec  Ilésébon. 
Nimrah,etc.Eusèbe  et  Saint-Jérome  la  placenta  lomilles  romains  à  l'Ouest 
de  Philadelphie.  Couder  croit  l'identifier  avec  lieit-Zérah  au  Nord 
•d'IIésébou.  Cfr.  Names  and  Places.  ...  pp.  1J7,  98. 


jusqu'à  la  domIxXation  romaine.  241 

mesure  de  précaution  ils  firent  sortir  leurs  compatriotes  de  ces 
deux  contrées  et  les  établirent  en  terre  judéenne.  Les  deux 
Machabées  avaient  confié,  pour  le  temps  de  leur  absence, 
les  intérêts  de  la  Judée  à  deux  chefs  militaires.  Ceux-ci  entre- 
prirent une  expédition  imprudente  contre  Jamnia  où  restait 
Gorj^ias  av-^ec  ses  troupes  et  y  laissèrent  deux  mille  des  leurs. 
Cette  perte  fut  compensée  par  une  nouvelle  expédition  de  Judas 
en  terre  édomite  et  philistine;  il  démantela  Hébron  et  les  loca- 
lités de  son  ressort,  tomba  sur  Asdoud  dont  il  renversa  les 
autels  païens  et  revint  en  Judée  avec  un  riche  butin.  C'était  là 
une  tentative  d'expansion  de  la  puissance  juive,  tentative  cou- 
ronnée de  succès,  (i  Mach.,  V.) 

Pendant  que  les  affaires  syriennes  se  gâtaient  de  la  sorte  en 
Palestine,  Antiochus  Epiphane  avait  couru  lui  aussi  à  un  échec. 
Comme  jadis  Antiochus  III,  il  avait  conçu  le  dessein  de  s'empa- 
rer des  trésors  fabuleux  d'une  ville  de  l'Elymaïde  (i)  et  des 
richesses  accumulées  dans  son  temple  par  Alexandre  le  Grand. 
Les  habitants  l'avaient  contraint  à  une  humiliante  retraite  ;  il 
était  en  voie  de  regagner  Babylone,  lorsqu'il  apprit  les  désas- 
tres infligés  à  ses  généraux  par  les  Juifs  et  se  sentit  atteint  d'un 
mal  incurable.  D'après  ce  qui  se  dégage  de  2  MaCh.,  IX,  ce 
mal  aurait  été  le  résultat  de  ses  débauches.  Il  mourut  rongé  de 
douleurs  et  de  remords  en  164,  après  avoir  confié  la  régence  de 
l'empire  et  la  tutelle  de  son  fils  Antiochus  V  Eupator  à  un  de  Antiochus 
ses  généraux,  Philippe,  son  frère  de  lait.  Celui-ci  se  vit  bientôt  ^ 

arracher  l'une  et  l'autre   fonction  par  l'ambitieux  Lysias  qui        "''^  ^''" 
administrait  la  Syrie  en  l'absence  du  roi;  il  jugea  prudent  pour 
l'heure  de  se  retirer  en  Egypte  auprès  de  Ptolémée  VI  Philo- 
mélor.  (I  Mach.,  VI,  1-17;  2  Mach.,  IX,  29.) 

A  Jérusalem,  1'  "Axoa  continuait  d'être  pour  les  Juifs  un  dan- 
ger toujours  menaçant  Judas  résolut  de  la  détruire  et  dressa 
contre  elle  ses  machines  de  guerre  en  i63-i52.  Quelques-uns 
des  assiégés  parvinrent  à  s'enfuir  avec  plusieurs  Israélites  hel- 
lénisants, dont  la  situation  devenait  précaire  sous  les  Macha- 
bées, et  ils  allèrent  réclamer  à  Antioche  le  secours  du  jeune  roi 


(i)  L'auteur  du  i)remier  livre  des  Machabées  ne  la  nomme  pas'  dai)rès 
ie  deuxième  livre  des  Machabées,  IX,  2,  ce  serait  Persépolis. 

iG 


242  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'aLEXANDRE 

Eupator  (i)  et  de  son  tout-puissant  tuteur  Lysias.  Le  roi  et 
son  ministre  se  mirent  aussitôt  à  la  tête  d'une  armée  formidable 
et  envahirent  la  Judée  par  l'Idumée,  établissant  leur  camp 
devant  Beth-Sour.  L'infâme  Ménélas,  espérant  se  voir  rétablir 
dans  sa  dignité,  vint  se  joindre  à  eux,  mais,  convaincu  d'être  la 
cause  initiale  de  tout  le  soulèvement,  il  fut  mis  à  mort  (2  Mach., 
XIII,  3-8)  (2).  Judas  jugea  prudent  de  lever  le  siège  de  1'  "Axpx 
pour  venir  à  la  rescousse  des  troupes  juives.  L'engagement  eut 
lieu  à  Beth-Zacharia  (3)  et  dès  le  commencement  de  l'action 
six  cents  hommes  de  l'armée  syrienne  tombèrent  ;  mais,  malgré 
toute  la  bravoure  dont  les  Juifs  firent  preuve,  ils  virent  qu'ils 
finiraient  par  être  écrasés  sous  les  forces  ennemies,  et  tâchèrent 
de  se  retirer  avec  le  moins  de  pertes  possible.  Beth-Sour  dut  se 
rendre  et  fut  investie  d'une  garnison  syrienne  ;  peu  de  jours 
après,  les  machines  de  guerre  furent  dressées  contre  la  monta- 
gne de  Sion. 

Par  malheur,  on  était  en  pleine  année  sabbatique  et, 
conséquemment,  on  n'avait  pas  eu  de  récoltes;  aussi  était-ce 
le  manque  de  provisions  qui  avait  forcé  Beth-Sour  à  capituler  ; 
déjà  la  garnison  de  Jérusalem  était  réduite  à  toute  extrémité, 
déjà  on  prévoyait  les  terribles  représailles  des  vainqueurs,  lors- 
que l'attention  de  ceux-ci  fut  distraite  par  un  danger  autrement 
menaçant.  Philippe,  qui  s'était  vu  supplanter  par  Lysias,  avait 
jugé  le  moment  favorable  de  revendiquer  ses  droits.  Les  trou- 
pes qui  avaient  accompagné  Antiochus  IV  Epiphane  en  Perse 
et  en  Médie,  venaient  de  rentrer,  et,  assuré  de  leur  appui,  Phi- 
lippe, revenu  d'Egypte,  s'était  rendu  maître  d'Antioche. 

A  cette  nouvelle,  Lysias,  sentant  son  influence  menacée, 
remontra  au  jeune  roi  les  inconvénients  de  prolonger  dans  ces 
conjonctures  la  lutte  avec  les  Juifs,  et  le  persuada  de  leur  recon- 
naître le  droit  «  de  vivre  selon  leurs  lois  comme  auparavant,  car 


(1)  Les  auteurs  anciens  varient  sur  l'âge  (lu'il  avait  en  succédant  à  sou 
père;  il  ne  dépassait  certes  pas  les  douze  ans. 

(2(  Daprès  Ant.,  1.  XII,  cli.  9,  §7,  Ménélas  ne  fut  mis  à  mort  qu'ai)rès  le 
retour  dAntioclius  V  en  Syrie.  L'auteur  de  li  Mach.  et  Flave  Josèplie  sont 
d'accord  pour  le  faire  mourir  à  Bérée. 

(3)  A  mi-chemin  entre  Jérusalem  et  Beit-Sour;  la  localité  porte  encore- 
le  même  nom. 


JUS(.)U  A    LA    DOMINATIOX    ROMAINE.  243 

))  c'est  à  cause  de  ces  lois  que  nous  avons  voulu  abolir,  qu'ils 
»  se  sont  irrités  »,  On  négocia  avec  les  assiégés  qui  sortirent 
alors  de  la  forteresse;  malgré  ses  serments,  AntiochusV fit  raser 
les  fortifications  du  Sion;  mais,  somme  toute,  les  Juifs  gagnaient 
la  cause,  pour  laquelle  cinq  ans  plus  tôt  ils  avaient  saisi  les 
armes.  Précipitamment,  l'armée  regagna  Antioche  où  elle  eut 
raison  de  Philippe  cpii  tut  exécuté  (i  Mach.,  YI,  i8-63  :  A  ut., 
1.  XII,  ch.  9,  §7)(i)- 

Les  luttes  avec  les  Syriens  n'étaient  pas  terminées. Toutefois, 
dorénavant  l'enjeu  ne  serait  plus  le  libre  exercice  de  la  religion 
juive,  qui  ne  sera  plus  menacé,  mais  bien  l'indépendance  poli- 
tique, ou  mieux  encore  la  prédominance  au  sein  de  la  nation  de 
l'un  ou  de  l'autre  des  deux  partis  rivaux  :  le  parti  hellénique  et  le 
parti  judéo-national,  auxquels  les  monarques  svriens  prêteront 
leur  appui  au  gré  de  leurs  propres  intérêts  ou  des  circonstances. 

On  comprendra  aisément  que  les  allophiles  avaient  été  tenus 
en  respect  sous  le  mouvement  machabéen  ;  aussi  ne  cher- 
chaient-ils qu'une  occasion  de  ressaisir  leur  influence  perdue  : 
un  changement  de  règne  en  Syrie  la  leur  fournit. 

C'était  au  détriment  de  son  neveu  qu'Antiochus  IV  Epiphane    liémétrius 
s'était  emparé  du  pouvoir;  dépossédé  de  la  sorte  et  otage  des  I 

Romains,  Démétrius  avait  attendu  la  mort  de  son  oncle  pour 
solliciter  du  Sénat  la  reconnaissance  de  ses  droits  au  trône  de 
Syrie,  mais  il  essuya  un  refus.  Il  avait  alors  vingt-trois  ans. 

Grâce  à  la  complicité  de  Polybe,  il  réussit  à  s'échapper, 
débarqua  à  Tripolis  de  Syrie,  s'y  proclama  et  s'y  vit  aussitôt 
reconnu  par  l'armée,  qui  lui  livra  Antiochus  V  et  son  ministre 
Lysias;  tous  deux  furent  mis  à  mort  en  162.  Aussitôt  une  délé- 
gation du  parti  grécophile  conduite  par  un  certain  Alcime,  —  de 


Soter. 


(t)  Les  faits  compris  entre  le  triomphe  remporté  sur  Gorgia«!  et 
Nicanor  et  la  paix  conclue  en  162  sont  autrement  rapportés  par  i  Mach., 
IV-VI,  et  2  Mach.,  VIII-XIII.  i»  Après  la  première  campagne  désastreuse 
(le  Lysias,  que  2  Mach.  place  après  la  nouvelle  dédicace  du  temple,  alors 
(pie  I  Mach.  la  place  aua«^,  2  Mach.  parle  d'un  traité  de  pai.x  que  i  Mach. 
ignore  totalement,  a"  Les  luttes  avec  les  nations  voisines  placées  par 
2  Macli.  en  diverses  circonstances  sont  plus  suivies  dans  i  Mach.,  V. 
S'' D'après  2  Mach..  IX.  la  mort  d'.\ntioclius  Kpiphaue  serait  arrivée  avant 
la  purification  du  temple  par  Judas  .Machabée. 


244  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D  ALEXANDRE 

son  nom  juif  Jakim, — vint  représenter  au  nouveau  souverain  que 
Judas  —  qu'ils  accusaient  d'entretenir  des  troubles  —  et  ses 
frères  avaient  fait  périr  les  amis  du  roi  et  les  avaient  expulsés 
eux-mêmes  de  leur  terre;  ils  demandaient,  par  suite,  aide 
et  protection.  Aussitôt  Démétrius  octroya  à  Alcime  (  i  )  le 
souverain  pontificat  et  le  fit  escorter  d'une  troupe  conduite  par 
Bacchidès. 

Judas  ne  se  fia  pas  au  message  de  paix  d'Alcime,  mais 
un  groupe  de  scribes  et  les  Assidéens,  assez  naïfs  pour  croire 
«  qu'un  prêtre  de  la  race  d'Aaron  ne  pourrait  les  mal- 
traiter »  (2),  l'acceptèrent  aussitôt.  Mal  leur  en  prit,  car  le 
fourbe  pontife  commença  par  faire  mettre  à  mort  soixante  hom- 
mes, et,  Bacchidès  lui  ayant  laissé  des  troupes  pour  le  défendre, 
il  s'en  servit  pour  persécuter  les  Juifs  fidèles.  Judas  ne  perdit 
pas  courage  ;  implacablement  il  poursuivit  les  apostats  et  fit 
sentir  sa  puissance,  au  point  qu' Alcime  se  réfugia  auprès  de 
Démétrius  pour  se  faire  soutenir.  Une  nouvelle  armée  conduite 
par  Nicanor  arriva  à  Jérusalem,  Une  tentative  de  s'emparer 
de  Judas  par  ruse  échoua.  Alors  on  en  vint  immédiatement  aux 
armes  à  Capharsalama  (3);  Nicanor  y  perdit  cinq  cents  hom- 
mes (4).  Furieux  de  ce  premier  échec,  le  général  svrien  monta 
à  la  colline  de  Sion,  où  il  outragea  les  prêtres  venus  à  sa  ren- 


(1)  Jusqu'à  sa  mort  Ménélas  était  toujours  resté  graud-prêtre  eu  titre, 
mais  ou  a  difficile  à  admettre  qu'après  la  restauration  du  culte  ou  lui  ait 
permis  d'exercer  ses  fonctions.  i>  Mach.,  XIV,  3,  il  est  dit  qu'AIcime  avait 
<lc'jà  été  grand-prètre  avant  sa  nomination  à  cette  dignité  par  Démétrius  I, 
mais  que  lui  aussi  s'était  souillé  pendant  le  temps  des  troubles.  La  ques 
tion  se  pose  si  Onias  IV,  fils  d'Onias  III,  n'a  i)as  rempli  quelque  temps  les 
fonctions  pontificales;  on  s'expliquerait  mieux  de  la  sorte  que,  lors  de  la 
nomination  d'Alcime,  il  ait  pi'is  le  parti  de  se  retirer  en  Egypte  et  d'y 
instaurer  le  culte  juif.  'Cfr.  supra  pp.  ;>'>3-i>24  ) 

(2)  Ce  détail  de  l'origine  sacerdotale  d'Alcime  relevé  i  Mach.,  A'Il,  14, 
est  contredit  par  Joskphe  Ant.,  1.  XII,  ch  9,  §  7.  C'est  à  tort,  car  les  scribes 
et  surtout  les  Assidéens  n'auraient  pas  accueilli  avec  bienveillance  un 
pontife  de  souche  profane. 

(3)  Au  Xle  siècle  on  parle  d'une  Carvasalim  aux  environs  de  Kamleh. 
Une  identification  certaine  n'a  pas  encoi'e  été  faite. 

(4)  !-■«  chiffre  de  5ooo  donné  i  Mach.,  VII,  32,  est  une  erreur.  liCS  meil- 
leurs manuscrits  i)ortent  5oo :  c'est  aussi  la  leçon  que  donne  la  grande 
bible  de  Robert  Kstienne  de  i557  dans  son  grand  texte,  qui  reprend  —  eu  la 
corrigeant  parfois  —  la  traduction  du  célèbre  dominicain  Santés  Pagnino. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  245 

contre  pour  lui  rendre  leurs  honneurs  et  les  menaça  de  brûler 
le  temple  si  Judas  et  son  armée  ne  lui  étaient  livrés.  Il  alla 
camper  alors  à  Beth-horon  où  un  renfort  S3'rien  vint  encore  se 
joindre  à  ses  troupes,  tandis  que  Judas  établit  son  campement 
à  Adasa  au  Nord-Ouest  de  Beth-horon. 

Le  i3  Adar  161  fut  livré  le  combat  décisif.  Nicanor  tomba 
l'un  des  premiers.  A  cette  vue,  une  panique  générale  s'empara 
de  son  armée  :  elle  se  débanda,  et  les  fu\-ards  qui  se  réfugiaient 
dans  les  villages  des  alentours  furent  massacrés  jusqu'au  der- 
nier. Tel  fut  le  triomphe,  qu'une  fête  fut  instituée  pour  le  com- 
mémorer chaque  année  (i  Mach.,  VII;  c'est  l'action  qui  ter- 
mine le  second  livre  des  Machabées). 

Judas  comprit  bien  que  les  choses  n'en  resteraient  pas  là  et 
qu'il  lui  faudrait  livrer  de  nouvelles  luttes;  il  chercha  à  se  faire 
des  alliés;  ceux-ci  étaient  tout  indiqués  :  depuis  le  règne  d'An- 
tiochus  III  le  Grand,  les  Romains  s'étaient  fréquemment  jetés 
en  travers  des  ambitions  syriennes  et  les  surveillaient  de  près  ; 
c'est  à  eux  que  Judas  s'adressa.  Il  leur  envoya  en  ambassade 
deux  de  ses  partisans,  Eupolème  et  Jason,  pour  conclure  un 
pacte  d'amitié  et  d'alliance  et  pour  que  les  Romains  l'aidassent 
à  se  débarrasser  du  joug  syrien.  Le  Sénat  accueillit  favorable- 
ment la  requête;  il  fut  entendu  que  les  ennemis  des  Romains 
le  seraient  des  Juifs  et  réciproquement,  et  sans  toutefois  s'enga- 
ger à  fond  (c  les  Romains  combattront  avec  les  Juifs  selon  que 
les  circonstances  le  leur  permettront  ».  En  même  temps,  le 
Sénat  notifia  à  Démétrius  qu'il  eût  à  ménager  les  Juifs,  s'il  ne 
voulait  pas  s'attirer  l'inimitié  et  les  armes  de  Rome. 

Les  Syriens  néanmoins  n'avaient  pas  tardé  à  venger  le  désastre 
de  Nicanor;  tandis  que  l'ambassade  juive  était  en  route  (i),  le 
roi,  apprenant  la  défaite  de  son  général,  envo3'a  en  Judée  de 
nouvelles  forces,  cette  fois  encore  sous  le  commandement  de 
Bacchidès  ;  c'était  en  Nisan,  donc  un  mois  après  la  mort  de 
Nicanor.  Aux  vingt-deux  mille  hommes  des  Syriens,  Judas  ne 
pouvait  en  opposer  que  trois  mille.  En  présence  de  cette  inéga- 
lité, la  grande  partie  des  combattants  juifs  quittèrent  les 
rangs  ;  il  n'en  resta  que  huit  cents  qui  ne  voulurent  pas  aban- 


(i)  I  Mach..  VIIL  19,  il  est  dit  (jue  le  vovage  fut  très  long. 


246  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDKE 

donner  Judas,  tout  en  lui  dissuadant  l'engagement  dans  de 
pareilles  conditions.  Il  répliqua  fièrement  :  «  Si  notre  heure  est 
venue,  mourons  bravement  pour  nos  frères  et  ne  laissons  pas 
une  tache  à  notre  gloire  ».  L'armée  syrienne  s'était  divisée  en 
deux  corps  ;  avec  sa  poignée  d'hommes,  Judas  parvint  à  défaire 
l'aile  droite  commandée  par  Bacchidès  et  se  mit  à  sa  poursuite, 
mais  alors  l'aile  gauche  prit  l'armée  juive  par  derrière;  celle-ci 
fut  enveloppée  et  Judas  y  laissa  la  vie.  Jonathas  et  Simon  firent 
emporter  son  cadavre  et  inhumer  «  le  héros  qui  sauvait  Israël  jj, 
dans  le  tombeau  de  ses  pères,  à  Modin.  (i  Mach.,  VIII,  1-22.) 

De  nouveau  le  parti  hellénisant  triomphait;  c'était  dans  son 
sein  que  Bacchidès  se  choisit  les  administrateurs  du  pays  et, 
quant  aux  partisans  de  Judas,  il  les  fit  rechercher  pour  se 
venger  d'eux.  Ils  ne  perdirent  pas  courage  et  demandèrent  à 
Jonathas  Jonathas  de  vouloir  remplacer  auprès  d'eux  son  frère  et  repren- 
dre son  commandement.  Au  début  il  ne  put  guère  qu'engager 
des  escarmouches  avec  les  troupes  de  Bacchidès  ;  on  se  harce- 
lait réciproquement  sans  grand  avantage  de  part  ou  d'autre. 
Toutefois  Bacchidès  se  précautionna  contre  un  retour  sérieuse- 
ment offensif,  en  créant  ou  en  consolidant  plusieurs  places 
fortes,  en  divers  endroits  du  pays,  les  munissant  de  garnisons 
et  de  vivres;  de  plus,  il  enferma  comme  otages  dans  la  citadelle 
de  Jérusalem  les  fils  des  principales  familles. 

A  cette  même  époque,  Alcime  heurta  une  foi.s  de  plus  les 
sentiments  des  Juifs  pieux,  en  donnant  l'ordre  d'abattre  l'en- 
ceinte qui  séparait  le  parvis  intérieur  de  celui  des  Gentils  ; 
il  le  fit  dans  le  but  de  donner  à  ceux-ci,  tout  comme  aux  Juifs, 
libre  accès  à  l'intérieur  du  temple.  La  mort  le  surprit  bien- 
tôt après  et  l'entreprise  fut  arrêtée.  Cro3^ant  la  tranquillité  du 
pays  complètement  assurée,  Bacchidès  retourna  auprès  de 
Démétrius. 

Malgré  toutes  les  dispositions  qu'on  avait  prises  pour  l'éner- 
ver, le  parti  de  la  résistance  se  consolida  derechef,  au  point  que, 
deux  ans  après,  en  i58,  la  sécurité  dont  il  jouissait  inquiéta  et 
vexa  ses  adversaires,  qui  engagèrent  Bacchidès  à  une  nou- 
velle répression.  Le  général  s'amena  une  fois  encore  avec  ses 
troupes  ;  il  aurait  voulu  s'emparer  par  ruse  des  chefs  du  mouve- 
ment machabéen,    mais   son  dessein   fut  éventé  par  Jonathas 


jusou'a  la  domination  romaine.  247 

qui,  en  revanche,  exécuta  une  cinquantaine  des  comploteurs; 
cela  fait,  il  alla  se  retrancher  avec  Simon  dans  la  localité 
fortifiée  de  Bethbasi  (i).  Bacchidés  vint  assiéger  la  place,  mais 
en  vain.  Tandis  que  Simon  continuait  la  défense,  Jonathas  par 
vint  à  sortir  avec  une  petite  troupe  pour  attaquer  des  partisans 
de  Bacchidés;  après  quoi  il  se  tourna  contre  les  assiéj^eants  eux- 
mêmes.  Ils  firent  volte-face;  Simon  aussitôt  risqua  une  sortie, 
détruisit  leurs  machines  de  guerre,  et,  grâce  à  leurs  efforts 
réunis,  les  deux  frères  Machabées  eurent  raison  de  l'ennemi. 
Cet  échec  indisposa  souverainement  Bacchidés  contre  les 
Juifs  qui  l'avaient  appelé  dans  le  pays  ;  il  en  fit  mettre  plusieurs 
à  mort,  et  décidé  à  ne  plus  remettre  les  pieds  sur  le  sol  palesti- 
nien, il  fit  la  paix  avec  Jonathas  et  lui  rendit  les  prisonniers  de 
guerre. 

Jonathas  s'établit  à  Michmas.  où  il  exerça  en  fait  l'autorité 
souveraine.  Les  hellénisants  perdirent  de  plus  en  plus.  Pendant 
quelques  années  la  paix  rendit  au  pays  sa  prospérité  et  attacha 
la  masse  de  la  nation  à  ses  lovaux  défenseurs. 

C'était  donc  le  triomphe  du  mouvement  national  ;  désormais 
les  prétendants  au  trône  de  Syrie,  pour  trouver  appui  se  tour- 
neront, non  plus  vers  les  Juifs  grécisés,  mais  vers  les  chets 
nationaux,  les  Machabées. 

En  i53,  il  s'éleva  contre  Démétrius  I  un  compétiteur.  C'était 
un  jeune  homme  originaire  de  Smyrne,  offrant  de  la  ressem- 
blance avec  Antiochus  Eupator,  et  se  prétendant  fils  d'Antio- 
chus  Epiphane.  Proprement,  Alexandre  Balas  était  de  condi- 
tion très  humble,  mais  Attale  II  de  Pergame  avait  jeté  sur  lui 
son  dévolu  pour  l'opposer  à  Démétrius,  et  il  se  vit  reconnu  par 
les  Romains  et  soutenu  par  Ptolémée  \T  Philométor  d'Egypte 
et  Ariarathe  V  de  Cappadoce.  Le  despotisme  de  Démétrius 
l'avait  rendu  impopulaire  auprès  de  ses  propres  sujets  .syriens 
■et  il  pouvait  avec  raison  craindre  que  les  Juifs  ne  lui  fussent 
pas  fort  sympathiques.  Afin  de  les  gagner  à  sa  cause,  il  se  hâta 
de  leur  faire  des  avances.  Tous  les  otages  encore  retenus  dans 
r  "Âxoa  furent  relâchés;   la  ville  et  le  Sion  lurent   fortifiés   de 


Alexandre 
Balas. 


(i)  Iclentifiée    par   .Toski'IIK.  Ant.,  1.    XIII,  eh.  i     Jî  5,  avec  Heth-Aglah, 
aujourd'hui  Aïii-IIaglah'  au  S  K.  de  Jéricho. 


248 


DEPUIS    LA    CONQUÊTE    d'aLEXANDRE 


nouvelles  murailles,  Jonathas  eut  plein  pouvoir  pour  lever  des 
milices,  et  les  citadelles  du  pays,  à  part  Beth-Sour  et  1'  "Axpa 
se  vidèrent  des  étrangers  qui  s'y  maintenaient. 

Mais,  pour  avoir  Jonathas  de  son  côté,  Alexandre  Balas 
renchérit  encore  sur  ces  concessions  de  Démétrius.  Il  l'institua 
grand-prêtre  et,  en  signe  de  son  pouvoir  suprême  lui  envoya  la 
pourpre  et  le  diadème  à  la  fête  des  Tabernacles  de  i53.  C'était 
le  reconnaître  officiellement  comme  chef  de  la  nation-  juive. 

Lorsque  Démétrius 
eut  appris  que  son  rival 
l'avait  emporté  auprès 
des  Juifs,  il  leur  adressa 
un  rescrit  promettant 
des  privilèges  tels  qu'ils 
durent  paraître  invrai- 
semblables (i  Mach., 
X,    26-45)  :   aussi    s'en 


Tétradrachme  cf  Alexandre  Balas. 
a/  Tête  laurée  d'Alexandre  Balas. 
b/  Aigle   aux   ailes   ployées   sur   un  éperon   de       . 

galère.  Devant  l'aigle  la  massue  d'Hercule     tinrent-ils  à  leur  alliance 

surmontée  du   monogramme    de   Tyr,   se  -pi  td        1       -i- 

~  ~~  '-••iTci^      oalas .     1  enclant 


décomposant  T  V  P.  T  E  P  =  an  163 

des  Séleuc.  ;=  i5o  av.  J.  C. 

BA2IAEÛS     AAEîANAPOY 


avec  calas,  ir^en 
quelque  temps  les  forces 
des  deux  adversaires  se 
contre-balancèrent,  mais  en  i5o,  l'action  décisive  s'engagea  et 
Démétrius  y  perdit  le  trône  avec  la  vie.  Peu  après,  Alexandre 
Balas  épousa  à  Ptolémaïs  (l'ancienne  Akka)  la  fille  de 
Ptolémée  VI,  Cléopàtre;  Jonathas  fut  invité  à  la  solennité, 
comblé  d'honneurs  et  nommé  gouverneur  militaire  et  civil  de 
la  Judée. 

Lors  de  linvasion  de  la  Syrie  par  Alexandre  Balas, 
Démétrius  I  avait  envo3'é  son  fils,  de  même  nom,  dans  l'île 
de  Cnide.  Démétrius  II  se  fit  des  partisans  dans  l'île  de  Crète 
et  débarqua  en  S3'rie  l'an  147.  Le  gouverneur  de  la  Cœlé-Syrie, 
Apollonius,  prit  son  parti,  tandis  que  Jonathas  resta  fidèle  à 
Balas.  Apollonius  le  provoqua  dans  la  plaine  philistine,  mais 
il  lut  défait  et  Jonathas,  après  avoir  brûlé  Azot  avec  les  envi- 
rons et  reçu  les  hommages  des  Ascalonites,  rentra  à  Jérusalem 
avec  un  riche  butin.  Balas  lui  donna  alors  la  possession  d'Ac- 
caron  (Ekron)  et  de  son  district  (i  Mach.,  X). 

Alexandre  Balas  était,  dans  toute  la  force  du  terme,  un  inca- 


JUSOU  A    LA    DOMINATION    ROMAINE.  249 

pable(i);  il  lut  abandonné  de  ses  sujets  et  de  ses  troupes,  et 
Ptoléniée  VI  d'Egypte,  voyant  l'instabilité  de  tous  ces  règnes 
syriens,  crut  l'occasion  favorable  pour  s'assujettir  le  territoire 
asiatique.  A  la  tète  d'une  forte  armée,  il  remonta  la  côte  médi- 
terranéenne jusqu'à  Séleucie  maritime  (N.-O  d'Antioche), 
laissant  des  garnisons  dans  toutes  les  villes  qu'il  traversait, 
puis,  sous  prétexte  que  son  gendre  avait  dirigé  un  attentat 
contre  lui  {Ant.,  1.  XIII,  ch.  4,  ^5  ô),  il  enleva  Cléopâtre 
qu'il  donna  en  épouse  à  Démétrius  II,  et  ceignit  lui-même 
la  couronne  d'Asie.  Alexandre  Balas  réprimait  à  ce  moment 
un  soulèvement  de  la  Cilicie.  Indigné  de  la  trahison  de  son 
beau-père,  il  s'avança  contre  lui,  mais  il  fut  défait  dans  la 
plaine  d'Antioche  et  contraint  de  s'enfuir  à  Abas  en  Arabie,  où 
il  périt  de  la  main  du  cheikh  Zabdiel,  auprès  de  qui  il  s'était 
réfugié. 

Ptolémée  lui-même,  grièv^ement  blessé  à  la  tête  pendant  la 
bataille,  succomba  quelques  jours  après  :  les  garnisons  ég3-p- 
tiennes  postées  dans  le  pays  furent  massacrées  et  Démétrius  II, 
appelé  désormais  Xicator,  put  inaugurer  sa  royauté  en  145 
(I  Mach.,  XI,  i-ig). 

X^onobstant  ce   changement   de   règne,  Jonathas   se   crut  à  Démétrius 
même  de  faire  évacuer  1'  "Axpa   :   la  garnison  syrienne  l'occu-  Il 

pait  toujours;  il  se  décida  à  l'assiéger.  L'entreprise  fut  dénon- 
cée à  Démétrius  II  par  les  Juifs  de  l'opposition,  et  le  roi 
signifia  à  Jonathas  de  lever  le  siège  et  de  v-enir  le  trouver  aussi- 
tôt à  Ptolémaïs.  Jonathas  devait  être  conscient  de  l'importance 
que  le  monarque  syrien  attacherait  à  son  alliance,  car,  tout  en 
se  rendant  à  l'entrevue  désirée  avec  tous  les  présents  d'usage, 
il  donna  l'ordre  formel  de  continuer  le  siège  de  la  citadelle. 
Malgré  les  préventions  qu'on  tâcha  de  faire  naître  dans  l'esprit 
de  Démétrius  contre  le  prince  juif,  il  confirma  celui-ci  dans 
toutes  ses  dignités.  Il  donna  une  exécution  définitive  à  une 
décision  prise  jadis  par  Démétrius  I  (i  Mach.,  X,  38),  notam- 
ment celle  de  rattacher  à  la  Judée  trois  cantons  de  Samarie  : 


Nicator. 


(11  Cfr.  DIOUORK  UF.  Sl(  ILE  dans  Fragm.  hisl.  Gnec  II.  p.  XVI.  .55  XIX. 


25o  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'aLEXANDRE 

Ephraïra,  Lydda  et  Ramathaïm  (i),  et  sur  les  instances  de 
Jonathas,  le  territoire  juif  fut  déclaré  exempt  de  tout  tribut  ou 
dîme,  moyennant  payement  de  3oo  talents.  Dans  ces  conditions 
on  se  sera  désisté  du  siège  de  1'  "Axpa,  qui  ne  se  verra  évacuée 
que  sous  Simon.  Ce  qui  avait  engagé  Démétrius  à  se  montrer 
si  coulant,  c'était,  au  fond,  le  peu  de  stabilité  de  son  trône;  il 
n'allait  pas  tarder  à  l'éprouver. 

Tryphon  Un  ancien  général  d'Alexandre  Balas,  Tryphon,   profita   du 

^t  mécontentement    de  l'armée  et  des  Antiochiens  contre  Démé- 

Antiochus     ■    •        tt  i    •  •      i       ^.',    •>  n 

yi  trius  li   pour    lui    opposer    un    rival.    C  était    un   jeune  fils 

d'Alexandre,  Antiochus,  qui  avait  été  confié  à  un  Arabe 
probablement  palmyrénien,  nommé  Imalkuë.  Démétrius 
demanda  du  secours  aux  Juifs  en  promettant  le  retrait  des  gar- 
nisons encore  installées  dans  l'Acra  et  d'autres  endroits  du  pays. 
Jonathas  lui  envoya  trois  mille  hommes  ;  ils  étouffèrent  la 
révolte  qui  venait  d'éclater  à  Antioche  où  le  roi  était  assiégé 
dans  son  palais,  et  s'en  retournèrent  chargés  de  dépouilles.  Le 
danger  écarté,  Démétrius  ne  tint  pas  ses  promesses.  Son  étoile 
pâlit  bientôt.  Tryphon  revint  d'Arabie  avec  le  ieune  Antio- 
chus VI  ;  grâce  à  la  défection  d'une  partie  des  troupes,  Antioche 
tomba  en  son  pouvoir  et  le  nouveau  roi  se  hâta  de  mettre  à 
profit  le  mécontentement  de  Jonathas  contre  le  parjure  Démé- 
trius II  en  reconnaissant  tous  ses  titres  et  en  lui  envoyant  de 
riches  présents.  En  même  temps  Simon,  le  frère  de  Jonathas, 
fut  nommé  stratège  ou  gouverneur  militaire  du  pa37S  qui 
s'étend  depuis  l'échelle  de  Tyr  (2)  jusqu'à  la  frontière  d'Egypte 
(i  Mach.,  XI,  20-59).  Cette  fois  le  pouvoir  des  Machabées 
sortait  du  territoire  proprement  juif. 

D'accord,  les  deux  frères  ayant  à  leur  service  des  troupes 


(I)  Ephraïm,  d'après  Bell.  Jnd.,  1.  IV,  ch.  9,  J:;  9,  dans  le  voisinage  de 
BéUiel.  UOnomasticon  d'Eusébe  la  i)lace  à  vingt  niilliaires  au  Nord  de 
Jérusalem.  Cl'r.  Ki.ostkrmann,  Eiisebiiis-Ononitislicon,  Leip/ig,  Ilinrichs, 
1904,  ]).  86. 

Lvdda,  actuellement  I^udd. 

Ramathaïm,  peut-être  l'actuelle  Beit-Rima  au  Nord-Est  de  Lvdda. 

('2)  L'éehelle  de  Tyr  est  un  promontoir  en  granit  blanc  situé,  d'après 
Bell.  Jud.,  1.  II,  ch.  10, 4;  2,  à  cent  stades  au  Nord  de  Ptolémaïs.  Elle  com- 
mence au  Nord  du  Râs-en-Nâkôura. 


jusqu'à    la    domination    romaine.  2DI 

juives  et  syriennes,  soumirent  le  pays  dont  l'administration 
leur  était  confiée.  Ascalon  ne  fit  aucune  difiîculté,  Gaza  résista 
d'abord,  mais  dut  livrer  des  otages  à  Jonathas,  qui  parcou- 
rut le  pavs  jusqu'à  Damas,  pendant  ijue  Simon  s'emparait  enfin 
de  Beth-Sour  où  il  mit  une  garnison  juive.  Dans  la  plaine  de 
Hazor  (i)  les  troupes  de  Jonathas  se  heurtèrent  à  celles  de 
Démétrius  qui  furent  finalement  mises  en  déroute  (l  Mach., 
XI,  60-74). 

A  la  faveur  de  ces  circonstances,  le  prince  juii  renouvela 
l'alliance  avec  Rome  et  Sparte  puis  continua  ses  opérations 
militaires. 

Apprenant  que  les  armées  de  Démétrius  se  préparaient  à  une 
nouvelle  invasion,  Jonathas  alla  à  leur  rencontre  dans  la  région 
de  Hamath  ;  comme  elles  se  retirèrent,  il  n'eut  pas  à  les  com- 
battre, mais  il  s'en  prit  à  la  tribu  arabe  des  Zabadéens,  qu'il 
rançonna,  et  parcourut  une  fois  de  plus  la  région  de  Damas. 
Simon,  resté  en  Palestine,  mit  son  temps  à  profit  pour 
garnir  de  défenseurs  juits,  Joppé  et  Adida  (2)  dans  la  Séphé- 
lah. 

A  son  retour  à  Jérusalem,  Jonathas  en  fit  exhausser  l'en- 
ceinte, coupa  par  un  mur  toute  communication  de  r--\cra  avec 
le  reste  de  la  ville  et  décida  l'érection  de  forteresses  dans  la 
Judée.  Sa  carrière  si  illustre  devait  finir  de  façon  tragique. 
Tryphon  n'avait  mis  Antiochus  ^'I  en  avant  que  pour  diviser 
les  forces  de  Démétrius  ;  à  vrai  dire,  il  n'avait  qu'une  ambi- 
tion :  s'élever  lui-même  sur  le  trône  de  Syrie.  Craignant  que 
Jonathas  ne  contrecarrât  ses  visées,  il  résolut  de  le  taire  dispa- 
raître et  il  entra  avec  une  armée  en  Palestine.  Averti  .Jonathas 
vint  au  devant  de  lui  à  Beisan,  à  la  tête  de  quarante  mille  hom- 
mes. Protestant  alors  qu'il  était  venu  dans  le  seul  dessein  de 
lui  livrer  Ptolémaïs  et  de  mettre  à  son  service  les  troupes 
royales  elles-mêmes  (3),  Tryphon,  qui   avait   d'ailleurs  osten- 


(1)  Nord  Ouest  du  lac  Mérom. 

(2)  Est-Xord-Est  de  Lydda  au  Nord-Ouest  de  Modiu. 

(3)  Le  plan  exposé  par  Ti*yphon,  i  Mach.,  XII,  45,  n'est  pas  très  clair. 
Voulut-il  faire  entrevoir  à  .Tonathas  quil  était  prêt  à  l'appuyer  jiour  mettre 
à  son  service  les  ti'oupes  fidèles  à  Antiochus  VI  et  ainsi  permettre  à 
Jonathas  de  se  rendre  al)solument  indopendant?  C'est  ce  qu'il  y  a  de  plus 


232  DEPUIS    LA    COXOUÈTE    d'aLEXANDRE 

siblement  donné  à  son  armée  l'ordre  d'obéir  à  Jonathas  comme 
à  lui-même,  obtint  de  lui  qu'il  renvoyât  ses  hommes,  à  l'excep- 
tion d'un  millier,  et  l'attira  dans  les  murs  de  Ptolémaïs.  A 
peine  la  troupe  juive  s'y  fut-elle  engagée,  que  les  portes  delà 
ville  se  fermèrent,  qu'on  s'empara  de  la  personne  de  Jonathas 
et  qu'on  massacra  son  escorte.  Les  Syriens  se  mirent  à  la  pour- 
suite de  deux  mille  soldats  juifs,  auxquels  Jonathas  avait 
ordonné  d'occuper  la  Galilée;  mais  ceux-ci,  décidés  à  vendre 
chèrement  leur  vie,  purent  regagner  le  gros  de  l'armée  en  Judée 
(I  Mach.,  XII).  L'indignation  et  la  crainte  s'emparèrent  du 
Simon  peuple;  Simon  se  déclara  prêt  à  continuer  l'œuvre  de  ses 
Mâcha  ee.  fj-^^-gg  g^-  s'entendit  aussitôt  acclamé  comme  chef.  En  toute 
hâte,  il  acheva  les  travaux  de  fortification  de  Jérusalem  et 
s'assura  une  échappée  sur  la  côte  en  éliminant  de  Joppé  l'élé- 
ment étranger,  qu'il  remplaça  par  des  Juifs. 

Tryphon,  traînant  derrière  lui  Jonathas  captif,  envahit  la 
Judée;  Simon  alla  l'attendre  à  Adida;  alors  Tryphon,  prétex- 
tant que  Jonathas  était  retenu  pour  redevances  non  pavées  au 
trésor  royal,  demanda  cent  talents  d'argent  et  deux  fils  de  son 
prisonnier  comme  otages.  Quoique  défiant,  Simon  satisfit  à  ces 
exigences.  Jonathas  ne  fut  pas  relâché.  Sollicité  par  la 
garde  de  l'Acra,  le  fourbe  voulut  alors  arriver  à  Jérusalem  par 
Adora  (i),  mais  il  en  fut  empêché  par  une  chute  de  neige  extra- 
ordinairement  abondante;  il  se  replia  directement  sur  la  Trans- 
jordane,  se  défit  de  Jonathas  â  Bascama  (2)  et  s'en  retourna 
en  Syrie. 

Simon  fit  recueillir  les  restes  du  héros  et  éleva  à  Modin  un 
mausolée  magnifique  à  ses  parents  et  à  ses  quatre  frères,  mau- 
solée qu'Eusèbe  atteste  exister  encore  de  son  temps  (3) 
(i  Mach.,  XIII,  i-3o).  Il  devait  être  donné   à  Simon  de  para- 


probable.  Ou  se  rend  bien  fomi)te  que  les  efforts  des  Machabées  visaient 
à  se  consolider  dans  leurs  propres  positions  et  que  leur  idéal  serait  d'être 
dégagés  de  tout  lien  de  vassalité.  Le  fait  que  Jonathas  se  laisse  séduire 
par  les  i)roi)Os  de  Ti-j'phon  conlirme  cette  manière  de  voir. 

(i)    En  pleine  Iduniée,  sur  la  même    latitude  que  Gaza,  îi    mi-chemin 
entre  cette  localité  et  la  mer  Morte. 

2)  Localité  inconnue  de  Trausjordane. 

(3)  Onoinanticon,  édition  Ki.ostermaxx,  p.  i3-2. 


JUSQU  A    LA    DOMINATION    ROMAINE. 


253 


cliever  l'œuvre  des  siens  en  octroyant  au  peuple  juil  son  auto- 
nomie absolue. 

De  retour  en  Syrie,  Trvphon  mit  ses  projets  de  i^randeur  à 
exécution:  il  ftt  périr  le  jeune  Antiochus  Vl  et  ceignit  lui-même 

la  couronne.  Alors 
Simon  fortifia  les 
citadelles  de  Ju- 
dée et  se  tourna 
vers  Démétrius, 
■qui, tenu  en  échec 
par  le  nouveau 
compétiteur  Try- 
phon,  ne  pouvait 
que  se  féliciter  de 
l'alliance  des  Juifs 
rompue  jadis  par 


Tétradrachme  de  Tryphon  (i42-i3ç). 

a/  Tète  diadémée  de  Trvphon. 
r/  BA2IAEQ(S)     TP\*ûNOS 
AYT0K.PAT0P02. 
Casque  orné  d'une  corne  dans  une  couronne. 


lui-même.  Il  fut  fait  remise  de  tout  impôt  encore  dû  et  exemp- 
tion de  tout  tribut  à  l'avenir.  C'était  l'indépendance  complète  : 
cette  année  143  142,  on  commença  à  mentionner  dans  les  actes 
et  les  contrats  :  Premier  e  année  de  Simon,  grand -prêtre,  général 
et  ethnarque  des  Juifs. 

Sentant  le  besoin  de  consolider  ses  positions,  Simon 
s'attaqua  à  la  place  forte  de  Gazara(i),  à  mi-chemin  entre Joppé 
et  Jérusalem, au  débouché  de  la  montagne  ;  il  en  bannit  les  habi- 
tants païens,  les  remplaça  par  des  Juifs  fidèles  à  la  loi,  et  la 
donna  en  résidence  à  son  fils  Jean,  qui  obtint  le  commande- 
ment des  troupes.  Il  réussit  aussi  finalement  à  s'emparer  de 
lAcra  à  Jérusalem.  Depuis  quejonathas  les  avait  littéralement 
séquestrés,  les  défenseurs  de  cette  citadelle  comprirent  que  la 
situation  y  devenait  intenable  ;  ils  entrèrent  en  jpourparlers  avec 
Simon,  qui  leur  donna  un  sauf-conduit,  à  condition  de  quitter 
l'Acra.  Le  23  du  2'"'^  mois  de  l'an  142,  au  milieu  des  cris  d'allé- 
gresse, elle  fut  enfin  occupée  par  les  Juifs.  Simon  se  fixa  sur  la 
colline  du  temple  qu'il  fortifia  (i  Mach.,  XIII,  3i-54), 

Avec  l'ère  de  Simon  s'ouvrit  une  période  de  prospérité  pour  le 


(i)  C'est  ainsi  qu'il  faut  lire:  i  Maeh..  XIII,  4^.  au  lieu  de  Gaza.  Cela 
ressort  d!Ant..  I.  XIII,  ch.  6,  .^J  6  et  de  plusieurs  autres  endroits  des  quatre 
derniers  chapitres  du  i)renuer  livre  des  Machabées. 


21)4  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'aLEXANDRE 

pa3^s,  dont  les  frontières  avaient  été  notablement  reculées; 
l'accès  à  l'extérieur  fut  facilité  par  le  port  de  Joppé,  et  la 
défense  assurée  par  des  places  fortes  dûment  garnies  (i  Mach., 
XIV,  4-7).  Très  expressive  est  la  description  que  nous  fait  le 
premier  livre  des  Machabées  :  «  Chacun  cultivait  en  paix  sa 
terre  ;  le  sol  donnait  ses  produits  et  les  arbres  des  champs  leurs 
fruits.  Les  vieillards,  assis  sur  les  places  publiques,  s'entrete- 
naient tous  de  la  prospérité  du  pays,  et  les  jeunes  gens  revê- 
taient comme  un  ornement  les  habits  de  guerre.  Simon  distri- 
buait des  approvisionnements  aux  villes,  et  les  pourvoyait  de 
toutes  les  choses  nécessaires  à  la  défense  :  au  point  que  son 
nom  glorieux  était  célèbre  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre.  Il 
rétablit  la  paix  dans  son  pays,  et  Israël  se  réjouit  d'une  grande 
joie.  Chacun  était  assis  sous  sa  vigne  et  son  figuier,  et  personne 
ne  leur  inspirait  de  crainte.  Il  n'y  avait  plus  d'adversaire  pour 
les  attaquer  dans  le  pa3's  ;  les  rois  ennemis  furent  vaincus  en 
ces  jours-là.  Il  fut  le  soutien  de  tous  les  malheureux  de  son 
peuple  ;  il  se  montra  zélé  pour  la  loi  et  fit  disparaître  tous  les 
impies  et  les  méchants.  Il  glorifia  le  sanctuaire  et  multiplia  les 
ustensiles  sacrés  »  (i  Mach.,  XIV,  8-i5). 

En  141,  une  ambassade  fut  envoyée  derechef  à  Sparte  et  à 
Rome  pour  annoncer  la  mort  de  Jonathas  et  l'avènement  de 
Simon,  et  confirmer  une  fois  de  plus  les  bons  rapports  unissant 
la  nation  juive,  maintenant  si  prospère,  avec  ces  deux  puissants 
alliés  (i). 

C'était  donc,  comme  nous  l'a  prouvé  la  suite  des  aventures, 
l'initiative  du  prêtre  Matathias  et  de  ses  fils,  qui  avait 
rendu  à  leurs  compatriotes  la  liberté  religieuse  et  politique.  Le 
fait  que  par  là  même,  cette  famille  —  étrangère  à  l'ancienne 
lignée  pontificale  — était  arrivée  au  pouvoir  saprème,  était  le 
résultat    des    circonstances    et    non    celui    d'une    légitimation 


I)  La  nouvelle  de  la  mort  de  Jonathas  et  de  lavènement  de  Siuïon 
peut  être  parvenue  à  Sparte  et  à  Rome  avant  l'arrivée  de  l'ambassade 
(I  Mach.,  XVI,  i(i-i9);  toutefois,  elle  avxra  été  confirmée  officiellement  par 
les  envoyés  chargés  de  renouveler  l'alliance  (ao-24).  Le  contexte  moutx'e 
clairement  que  cette  ambassade  est  partie  en  i4i.  Comme  les  envoyés  ne 
reviennent  qu'en  i3()/i38,  Schûrer  (I,  pp.  25o,  ii5i,  note  20)  pense  que  leur 
départ  a  été  antidaté.  Les  raisons  qu'il  apporte  ne  nous  semblent  pas 
convaincantes. 


jusqu'à  la  domination  romaine. 


255 


d'ancienne  date.  Mais  ils  avaient  trop  bien  mérité  de  la  religion 
et  de  la  patrie  pour  que  leur  suprématie  ne  tut  maintenant 
officiellement  reconnue. 

Le  i8  Elul  (septembre)  141,  il  se  tint  une  assemblée  des 
prêtres,  des  chefs  et  des  anciens  du  peuple  où  furent  rappelés 
tous  les  titres  acquis  par  Simon  et  ses  frères  cà  l'éternelle  recon- 
naissance de  la  race  et  sanctionnées  officiellement  les  dignités 
déjà  possédées  en  fait  d'àpy.cps'j;,  TTcaTY.yo;  et  èOvâpyY.;  pour 
Simon  à  jamais,  jusqu'à  ce  que  paraisse  un  prophète  digne  de 
foi  {i  Mach.,  XIV,  41). 

Cette  dernière  formule  impliquait  l'hérédité  de  la  charge,  à 
moins  d'une  dérogation  divine  formelle  (i  Alach.,  XIV,  16-49). 
La  dynastie  asmonéenne  (i)  était  dès  lors  légalement  inau- 
gurée. 

Sur  ces  entrefaites,  Démétrius  II,  sollicité  par  les  Grecs  de 
Mésopotamie  et  escomptant  leur  appui  contre  Tryphon,  s'était, 
cette  même  année  141,  engagé  dans  une  lutte  contre  Arsace  VI, 
le  roi  des  Parthes  :  il  finit  par  tomber  entre  les  mains  de  son 
adversaireen  i39/i38(i  Mach. , 


XIV,  1-3;  Ant.,  1.  XIII, 
ch.  5,  §  II).  Tryphon  n'allait 
pas  pour  cela  avoir  le  champ 
libre,  car  le  second  fils  de 
Démétrius  I,  Antiochus,  qui 
setrouvaitàRhodes,  apprenant 
la  mésaventure  de  son  frère 
Démétrius  II,  résolut  de  dis- 
puter la  couronne  à  Tryphon. 
Avant  même  de  débarquer, 
Antiochus  VII  Sidètes  (2) 
adressa  une  lettre  à  Simon, 
lui  octroyant,  outre  toutes  les 
prérogatives  déjà  concédées 
par  les  autres  rois  de  Syrie, 


Sicle  d'Argent. 

AJ  En  écriture  archaïque  ^iiîTsi'"'^pïï' 
(sicle  d'Israël)  en  légende  circu- 
laire entourant  une  coupe. 

Au-dessus  y^  =  Jfi2^  ^^  ^^  ^' 

r/  En  écriture  archaïque 

nnipnn"''?'»:^!'!''  (Jérusalem  la 
sainte)  en  légende  circulaire  en- 
tourant la  verge  d'Aaron.  — 
Grènetis. 

La  plupart  des  numismates 
attribuent  cette  monnaie  à  Simon 
Machabée,  d'autres  au  temps  de 
la  première  révolte  (66-70!.  Cfr. 
Sohùrer  I  pp.  761  ss. 


(Il  Ce  nom  d'.-Js/jio/iêen  qui  était  celui  d'un  des  ancêtres  de  Matathias 
{Ant.,  1.  XII,  ch.  ().  §  I  et  alil)i)  n'est  pas  mentionné  dans  les  livres  des 
Machabées. 

(2)  Appelé  ainsi  parce  que  originaire  de  Sida  eu  Pamphylie. 


La 

dynastie 
smo- 
néenne. 


Antiochus 
Vil 

Sidètes. 


256  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    d'ALEXAXDRE 

celle  de  battre  monnaie.  Tr3^phon  se  vit  abandonner  de  la 
plupart  de  ses  troupes  et  dut  s'enfuir  à  Dora  (i)  où  il  fut 
immédiatement  assiégé  par  le  nouveau  prétendant. 

A  la  même  époque,  les  messagers  juifs,  envoyés  à  Rome, 
venaient  de  rentrer  porteurs  de  lettres  d'alliance,  adressées  au 
grand-prêtre  et  notifiées  en  même  temps  à  presque  tous  les  rois 
d'Asie  Mineure  ainsi  qu'à  plusieurs  îles  et  villes  grecques.  Les 
Romains  y  signifiaient  qu'ils  entendaient  voir  respecter  le  terri- 
toire juii  dans  son  étendue  actuelle  par  tous  ces  peuples  voi- 
sins, lesquels  auraient  à  livrer  à  Simon  tout  délinquant  qui  du 
territoire  juif  se  serait  réfugié  chez  eux. 

Pendant  qu'Antiochus  VII  serrait  le  siège  de  Dora,  Simon 
lui  envoya  à  la  rescousse  deux  mille  hommes  avec  des  munitions 
et  des  ressources  en  argent.  Il  faut  croire  que  le  roi  se  sentit 
assez  appuyé,  car  il  refusa  les  secours  qui  lui  étaient  offerts,  et 
députa  Athénobius  en  mission  à  Jérusalem  :  il  devait  ou  récla- 
mer la  cession  des  villes  et  des  forteresses  dont  les  Juifs  s'étaient 
rendus  maîtres,  ou  obtenir  que  l'on  consentit  à  payer  en 
échange  la  somme  de  mille  talents.  Simon  répliqua  au  courti- 
san que  les  places  récupérées  constituaient  tout  simplement  le 
patrimoine  ancestral,  injustement  possédé  parles  ennemis  pen- 
dant quelque  temps  ;  il  offrit  toutefois  cent  talents  en  échange 
de  Joppé  et  Gazara  dont  la  possession  était  nécessaire  pour  la 
sécurité  du  pays.  Irrité  et  vexé,  Athénobius  retourna  auprès  de 
son  maître  et  l'édifia  sur  la  magnificence  qui  régnait  à  la  cour 
de  Simon. 

Tryphon  parvint  à  s'enfuir  par  Ptolémaïs  (2)  et  Orthosias 
(3)  jusqu'à  Apamée  (4),  où  il  perdit  la  vie.  Comme  ce  fut 
Antiochus  VII  lui-même  qui  poursuivit  son  adversaire,  il  aban- 
donna à  un  de  ses  généraux  Cendébée,  qu'il  institua  stratège  de 
la  côte, le  soin  de  régler  les  affaires  juives.  Cendébéese  fortifia 


(i)  Sur  la  côte,  au  Nord  de  Césarée. 
(2)  Frngin.  Illst.  Gnec,  III,  p.  644,  §  4^- 
(3j  Sur  la  côte  au  Nord  de  Tripolis. 

(4;  Il  s'agit  d'Apainée  au  S.-S -E.  de  Laodicée,   à  peu  de  distance  de  la 
côte.  Ci'r.  Ant.  1.  III,  ch.  7,  ^;2. 


ji'Sou'a  la  domination  romaine.  257 

à  Jamnia  et  dans  la  localité  voisine  de  Katra  (i),  d'où  il  com- 
mença à  infester  les  environs.  Simon  fut  averti  de  ses  agisse- 
ments par  Jean  son  fils,  mais,  trop  avancé  en  âge  pour  diriger 
encore  une  expédition,  il  en  chargea  ses  deux  fils  aînés  Judas 
et  Jean.  Ils  eurent  tôt  fait  de  mettre  l'ennemi  en  déroute. 
Judas  ayant  été  blessé  dans  la  mêlée,  Jean  poursuivit  les 
fuyards  à  Katra  et  à  Azot  qu'il  mit  en  feu  après  avoir  tué  deux 
mille  hommes  de  l'armée  syrienne  (i   Mach  ,  XV). 

Mais,  comme  ses  frères,  Simon  mourrait  de  mort  violente. 
Son  gendre  Ptolémée,  gouverneur  militaire  du  district  de 
Jéricho,  jalousait  la  famille  asmonéenne  et  rêvait  de  supplanter 
son  glorieux  chef. 

Au  mois  de  Schebat  (février)  i35,  Simon  était  descendu 
à  Jéricho  avec  ses  deux  fils  Matathias  et  Judas,  pour  inspecter 
les  villes  de  cette  région.  Ptolémée  les  reçut  dans  la  petite 
localité  fortifiée  de  Dok  (2)  et  les  y  fit  massacrer  au  cours  d'un 
festin.  La  souveraineté  tant  civile  que  religieuse  revenait  au 
troisième  fils  de  Simon,  à  Jean,  surnommé  Hyrcan  (3). 

C'est  contre  lui  que  le  traître  devait  d'abord  se  prémunir.  Jean 
Il  envoya  un  message  au  roi,  pour  le  mettre  au  courant  des  Hyrcan. 
événements  et  lui  demander  de  l'appui,  des  forces;  sur 
Gazara  il  dirigea  des  émissaires  pour  se  défaire  de  Jean  et 
expédia  en  même  temps  des  troupes  pour  occuper  Jérusalem. 
Jean  fut  averti  à  temps  de  ce  qui  se  tramait  :  les  meurtriers 
furent  tués  à  leur  arrivée,  et  Jérusalem,  accueillant  l'héritier 
légitime,  repoussa  Ptolémée  (i  Mach.,  XVI;  Auû.,  1.  XIII, 
■ch.  7,  i^  4).  Celui-ci  se  retira  à  Dok;  il  y  fut  aussitôt 
assiégé  par  Hyrcan.  La  place  naurait  pas  opposé  une  longue 
résistance,  si  Ptolémée  ne  s'était  emparé  de  la  mère  et  des 
frères  de  son  ennemi;  à  chaque  assaut,  il  suppliciait  les  êtres 


(1)  S.-E.  de  Jamnia  à  l'intérieur  de  la  côte. 

(2)  Aujourd'hui  'Ain-Duk,  N.-O.  de  Jéricho. 

3)  Depuis  qu'Artiixerxès  Ochos  avait  déporté  des  Juifs  en  Ilyrca- 
nie,  le  nom  de  'T^c/avos  se  rencontre  comme  ai)pellatif.  Assez  bien 
-d'auteurs  veulent  que  ce  nom  ait  été  donné  au  fils  de  Simon,  parce 
(ju'il  dut  accompagner  j)lus  tard  Antiochus  ^'II  dans  une  campagne 
•contre  les  Parthes  eu  llyrtanie. 

17 


258 


DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D  ALEXANDRE 


chéris  et  parvint  ainsi  à  tirer  le  siège  en  longueur  jusqu'au 
commencement  de  la  nouvelle  année  :  comme  elle  était  sabba- 
tique, Hyrcan  dut  cesser  ses  attaques.  Ptolémée  massacra 
les  proches  de  Hyrcan  et  s'enfuit  auprès  de  Zenon,  tyran  de 
Philadelphie    (Aiii.,    1.    XIII,    ch,    8,    §    i). 

Cette  première  année 

de     règne    i35-i34,     si 

tristement     commencée 

se  continuerait  dans  la 

lutte  (ij.  Antiochus  VII 

tomba  sur  la  Judée,  et, 

après    avoir   ravagé   les 

Tétradrachme  phénicien  ci' Antiochus  VU        campagnes ,  bloq  ua  Tean 

Sîdetès  (frappe  à  Tyr).  tt  i  t/         , 

A/  Tête  diaden.ée  d'Aotiochus  Yii.  Hvrcan  dans  Jérusalem 

r/  Aigle   aux   ailes   ployées   sur   un   éperon    de  ^n  COUpant   par    un  mur 
galère.  Devant  l'aigle  la  massue  d'Hercule,  et  un    foSsé    tOUte    COm- 
surmontee  du  monogramme  de  Tyr  se  décom- 
posant Tvp.      lop  =  an  177  des  Scleu-  munication  avec  le  dé- 
cides =  i36  av.  T.-C  1  T         •  -  1  1 

ANTioxov    BA2IAEQ2  ^^^^s.  Le  sicgc  dura  plus 

d'une  année,  avant  qu'on 
en  vînt  à  une  entente  :  les  Juifs  eurent  à  rendre  les  armes, 
payer  impôt  pour  les  villes  possédées  au  dehors  de  la  Judée, 
fournir  des    otages,     et 
parmi  eux  un   frère   de 
Jean  H3-rcan,  donner  en 
outre  une  indemnisation 
de  cinq  cents  talents  et 
voir  raser  les  murs  de 
la  ville.    Somme  toute, 
ces  conditions  n'étaient 
pas  excessives;  aussi,  il 


Tétradrachme  phénicien 
de  Démétrius  II  Nicator  (frappé  à  Tyr) 

est    plus    que    probable     a/  Tête  diadémée  de  Démétrius  11 
que  pendant  les  hostili- 
tés   mêmes,    il   3^    aura 
eu  intervention  des  Ro- 
mains (2);  sinon  ons'ex- 


k/  Aigle  aux  ailes  ployées  devant  la  massue 
d'Hercule,  surmontée  du  monogramme  de 
Tyr. 

AllP  =  an  184  des  Séleuc.  =  129  av.  J.-C. 
AHMHTPIOV 

C  est  une  pièce  du  deuxième  règne  (i3o-i25). 


(I)  Pour  la  jiistificatiou  de  cette  date  voir  ScuùRKR.Lpp  269,  uGo.uoteo. 
2)  Cfr.  ScHuRKK,  I,  pp.  1261,  262  et  pp.  2G2,  263,  note  7,  qui  place  à  ce 


jusqu'à  la  domination  romaine.  259 

pliquerait  difficilement  que  les  Juifs  n'aient  dû  rendre  aucune 
des  villes  conquises. 

En  i3o,  Antiochus  \ll  entreprit  une  guerre  contre  les  Par- 
thes  ;  Jean  Hvrcan  réconcilié  avec  le  roi,  s'y  associa.  Ce  fut 
pour  Démétrius  II  l'occasion  de  recouvrer  sa  liberté.  En 
fait,  sa  captivité  avait  été  des  plus  douces.  Arsace  VI  avait 
donné  à  son  prisonnier  sa  propre  fille  Rhodogune  en  ma- 
riage; une  égale  bienveillance  lui  fut  continuée  sous  le  règne 
suivant,  celui  d'Arsace  VII  Aussi  quand  Antiochus  Vil  eut 
déclaré  la  guerre  au  monarque  parthe,  celui-ci  lâcha  Démé- 
trius II  qui  tâcha  aussitôt  de  reconquérir  sur  son  trère  la  cou- 
ronne de  Syrie.  Antiochus  VII  périt  dans  la  lutte  contre  Arsace 
et  Démétrius  II  récupéra  son  trône  pour  quelques  années.  Il 
ne  tarda  pas  à  entreprendre  une  guerre  avec  Ptolémée  VII 
Physcon  qui  lui  opposa  un  nouveau  prétendant  :  Alexandre 
Zabinas,  d'après  les  uns  hls  adoptif  d'Antiochus  VII  Sidètes,  Alexandre 
d'après  d'autres,  fils  d'Alexandre  Balas.  Démétrius  fut  défait  ^  '"^^ 
près  de  Damas  et  voulut  se  réfugier  à  Ptolémaïs,  auprès  de 
Cléopàtre;  elle  lui  refusa  l'entrée,  irritée  qu'elle  était  sans 
doute  de  son  mariage  avec  Rhodogune;  il  s'embarqua  pour 
Tyr,  mais  à  peine  v  était-il  descendu,  qu'il  fut  tué  par  ordre  des 
magistrats,  en  125  {Ani.,  1.  XIII,  ch.  g,  §  3). 

Jean  Hyrcan  avait  mis  à  profit  la  mort  d'Antiochus  VII  et 
les  luttes  de  Démétrius  II  pour  étendre  son  territoire  ;  en  Trans- 
jordane  il  s'empara  de  Madaba  au  bout  d'un  siège  de  six  mois; 
il  se  tourna  ensuite  contre  Sichem  et  le  temple  du  Garizim  qu'il 
renversa,  après  deux  siècles  d'existence,  et  s'attaqua  enfin  aux 
Iduméens.  Ceux-ci  virent  tomber  leurs  villes  d'Adora  (i)  et  de 
Marissa  et  durent  accepter  la  circoncision  et  la  loi  juive,  s'ils 
voulaient  rester  dans  leur  pays;  ils  furent  dès  lors  considérés 
comme  mi-juifs  {Ant.,  1.  XIII,  ch.  9,  §  i;  cfr.  Ant.,  1.  XIV. 
ch.  i5,  §  2). 

Des  troupes  auxiliaires  étrangères  auront  aidé  le  prince  juif 
dans  ses  conquêtes,  car  Joséphe  nous  apprend  qu'il  en  avait 
prisa  son  service  (Ant.,  1.  XIII,  ch,  8,  §4). 


inoineiit-ei  le  décret  attribué  aux  Rumains  par  le  sénat  de  Pergame  :  Ant. 
1.  XIV,  cliap.  10,  5;  22. 
(i)  Aujourd'hui  Dura  à  l'O.  d'IIébron. 


26o 


DEPUIS  LA  CONQUETE  D  ALEXANDRE 


Antiochus 
VIII  et  IX. 


Zabinas,  qui  eut  aussitôt  à  se  défendre  contre  Antiochus  VIII 
Grypos,le.fils  de  Démétrius  II,  n'entretint  avec  Hyrcan  que  des 
rapports  de  bonne  entente;  déjà  vers  I23-I22  il  tombait  sous  les 
coups  de  son  adversaire.  Antiochus  VIII  régna  tranquillement 
jusque  vers  ii3;  il  se  vit  enlever  la  royauté  par  son  demi-frère 
Antiochus  IX  Kyzikène  (i),  qui  pendant  deux  ans  fut  maître  de 
la  Syrie  entière;  mais,  en  m,  Grypos  récupéra  la  plus  grande 
partie  de  la  Syrie,  ne  laissant  à  K3^zikène  que  la  Cœlé-Syrie. 
Kyzikène  mena  une  vie  débauchée,  bouffonne  et  aventureuse, 
rappelant  celle  d'Antiochus  IV  (2).  Il  eut,  comme  nous  le  ver- 
rons, quelques  démêlés  avec  H3Tcan. 

Engô,  Antiochus  Grypos  fut  assassiné  par  un  certain  Héra- 
cléon  ;  son  fils  Séleucus  VI  entra  presque  aussitôt  en  lutte  avec 
Kyzikène  qui,  sentant  sa  cause  perdue  dans  un  engagement  près 
de  Damas,  se  donna  la  mort  en  g5. 

Pendant  douze  ans  ce  furent  des  luttes  continuelles  entre  le 
fils  de  Kyzikène,  Antiochus  X  Eusebès  et  les  fils  de  Grypos: 
Séleucus  VI,  Antiochus  XI,  Philippe,   Démétrius  III  Eukai- 

ros  et  Antiochus XII. 
La 


Cœlé-Svrie  finit 
par  échoir  à  un  roi 
des  Arabes,  Arétas 
III.Tigrane,  roi  d'Ar- 
ménie, s'empara  du 
royaume  syrien  en  83. 
Quatorze  ans  après , 
en  6g,  le  général 
romain  Lucullus  tri- 
ompha de  Tigrane  et 
remit  la  Syrie  à  un 
Antiochus  XIIl,  appelé  Asiaticus  ; 


Monnaie  en  argent  de  Tigrane,  roi  d'Arménie 

et  de  Syrie  (83  6ç). 

a/  Buste  du  roi  avec  cidaris  (tiare  royale  . 

r/  La  ville  d'Antioche  personnifiée  assise  sur  le  roc 

L'Oronte  personnifié  nageant  à  ses  pieds. 

I5ASIAEÛ2      TirPANOV 


fils  d'Antiochus  Eusebès 


(i)  Antiochus  VIII  Grypos  était  le  i'ils  de  Cléoinitre  (la  fille  de  Ptolé- 
mée  Philométor)  et  de  Démétrius  II.  Pendant  que  ce  dernier  était  pri- 
sonnier des  Parthes,  CléoiJâtre  épousa  sou  frère  •  Antiochus  VII  Sidétès; 
de  ce  mariage  naquit  Antiochus  IX  Kyzikène.  Antiochus  VIII  et  Antio- 
chus IX  étaient  donc  à  la  fois  nii-frères  par  leur  mère  commune  et  cousins 
germains  par  leurs  pères. 

(2)   Cfr.  DlOUOREDK  SiCII-K,  1.  XXXIV. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  261 

toutefois,  il  ne  la  conserva  que  jusqu'en  65,  année  où  le  roy- 
aume séleucide  fut  converti  en  province  romaine. 

Ces  démêlés,  où  se  trouvèrent  impliqués  les  souverains 
syriens,  devaient  nécessairement  favoriser  les  visées  de  Jean 
Hyrcan  et  de  ses  successeurs  qui  ne  tendaient  qu'à  consolider 
l'indépendance  de  leur  situation. 

Les  habitants  de  Samarie  lui  ayant  fourni  un  prétexte  à  mé- 
contentement, Hyrcan  mit  le  siège  devant  cette  ville,  en 
l'encerclant,  sur  une  longueur  de  quatre-vingts  stades,  par  un 
fossé  et  un  double  mur  ;  après  quoi,  il  confia  le  soin  de  poursui- 
vre les  opérations  à  ses  deux  fils  Antigone  et  Aristobule. 
Poussés  à  toute  extrémité,  les  Samaritains  appelèrent  à  leur 
secours  Antiochus  Kyzikène.  Il  fut  défait  une  première  fois  par 
Hyrcan;  revenu  à  la  charge  avec  six  mille  auxiliaires  égyptiens, 
il  crut  obliger  les  Juifs  à  se  détourner  de  Samarie  en  exerçant 
des  déprédations  dans  leurs  terres,  mais  il  perdit  quantité  d'hom- 
mes et  s'en  retourna  à  Tripolis ,  abandonnant  la  suite  des  hostilités 
à  deux  de  ses  généraux,  Callimandre  et  Epicrate.  Le  premier 
perdit  bientôt  la  bataille  et  la  vie;  quant  à  l'autre,  sa  cupidité 
le  porta  à  livrer  aux  Juifs  Scythopolis  et  les  localités  voisines. 
Dans  ces  conjonctures,  la  reddition  de  Samarie  ne  pouvait  plus 
tarder;  après  avoir  soutenu  le  siège  une  année  durant,  elle  dut 
se  rendre  et  fut  rasée  au  point  de  n'être  plus  qu'un  amas  de 
décombres  {Ant.,  1.  XHI,  ch.  10,  §§  2  et  3). 

Hyrcan  était  conscient  que  la  dignité  octroyée  à  sa  lamille 
était  dûment  souveraine  et  princière  :  il  fut  le  premier  à   faire 
frapper  les   monnaies    à    son   nom; 
dans  une  première  émissionil  se  nom- 
ma  grand-prêtre    tout    court,    mais 
dans  une  seconde  il  s'intitula,  en  plus 
«  chef  de  la  communauté  des  Juifs  ».         Brome  de  Jean  Hyrcan. 
Ce  souci  de   souveraineté   tempo-      ,  ^^  ^  , 

^  A/  Dans  une  couronne  de  lauriers 

relie  se  trahit  encore  dans  un  autre  (effacée  sur  l'original  trop 

fait  :  après  s'être  auparavant  attaché  ^ur'cunqHgner-  ^'"*^^'^"" 

au  parti  des  Pharisiens,  il  se  rangea  t"    "I2m^   "IJ"7r;D  "pm  "^ 
finalement  à  celui  des  Sadducéens.  (Jean  le  grand  prêtre  et  la    Pharisiens 

Cl  mmunauté  des  Juifs).  et 

c^  ,1  •       T  k/  Deux  cornes  d'abondance  se-        Saddu  = 

bous  ces  vocables  particuliers  ces  parées  par  une  tête  de  pavot.  céens. 


202  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 

deux  sectes  ne  sont  mentionnées  que  depuis  l'époque  de 
Jonathan  (^«/.,  1,  XIII,  ch.  5,  .^  g)  ;  l'une  et  l'autre  étaient, 
si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  le  précipité  des  deux  courants 
radicalement  opposés  que  nous  avions  remarqués  au  sein  de 
la  nation  juive,  dès  qu'elle  commença  à  se  sentir  imprégnée  de 
culture  étrangère  :  l'hellénisme  et  le  légalisme.  Certes,  on  n'en 
était  plus  aux  extrêmes,  au  moins  dans  les  tendances  allophiles, 
mais  maintenant  qu'un  pouvoir  autonome,  environné  de  faste  et 
de  pompes,  disposant  de  richesses  et  de  forces  appréciables, 
régissait  le  peuple  élu,  l'attrait  des  intérêts  matériels  éblouis- 
sait et  sollicitait  bien  des  esprits  et  des  cœurs.  Or,  Tamour 
des  biens  temporels  n'est  pas  générateur  d'aspirations 
religieuses  très  idéales  et  c'est  ainsi  que  le  haut  sacerdoce, plus 
immédiatement  appelé  à  participer  à  ce  gouvernement  hiéro- 
cratique  qui  régissait  les  Juifs  (i),  jugeait  amplement  suffisant 
de  s'en  tenir  a  la  lettre  des  prescriptions  de  la  loi,  sans  se 
préoccuper  des  interprétations  piétistes  des  consciences  plus 
délicates.  Ce  parti  large  fut  appelé  «  Sadducéen  »,  puisqu'il 
était  surtout  représenté  par  la  noblesse  ecclésiastique  des  des- 
cendants de  Sadok. 

A  côté  d'eux  se  dessinait  de  plus  en  plus  nettement  le  parti 
des  zélateurs  de  la  loi.  Aux  débuts  du  mouvement  machabéen 
nous  avons  rencontré  une  classe  d'hommes  appelés  «  Assi- 
déens  »,  dont  le  seul  but,  étranger  à  toute  préoccupation  poli- 
tique, était  d'assurer  le  libre  exercice  du  culte  et  des  pratiques 
légales. 

Poursuivant  cette  fin  pour  leur  propre  compte,  ils 
étaient  indépendants  des  troupes  machabéennes,  quoique 
parfois  ils  leur  aient  prêté  main-forte.  Quand  la  liberté 
religieuse  eut  été  octroyée,  ils  se  désintéressèrent  de 
toute  lutte  politique  et  S(î  préoccupèrent  uniquement  d'as- 
surer l'exécution  intégrale  de  tous  les  préceptes  de  la 
Loi,  recherchant  scrupuleusement  les  moindres  applications 
qu'elle  pouvait  inclure.  Ce  fut  dans  leur  sein  que  se 
recruta   alors  le  plus  grand  nombre   des  docteurs  de    la   loi 


(I)  Nous   avons  vu   que,  dès  la  restauration,  c'est  dans  le  haut  sacer- 
doce <iue  se  rencontrent  le  plus  d'intrigues  et  d'abus. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  263 

•ou  des  scribes.  Il  y  avait  des  scribes  saddncéevs,  mais  la 
plupart  étaient  pliarisiois  ou  séparatistes  (i). 

De  par  ses  origines  donc  —  puisque  d'ordre  religieux  —  le 
parti  machabéen  devait  avoir  plus  d'inclination  pour  les  Phari- 
siens que  pour  les  Sadducéens.  Il  est  dit  encore  de  Hyrcan 
«  qu'il  était  jadis  le  disciple  des  Pharisiens  et  leur  était  parti- 
culièrement cher  »  (//;//.,  1.  XIII,  ch.  5,  ,^  5). 

Mais  la  famille  asmonéenne  était  parvenue  au  suprême  pon- 
tificat et  à  la  souveraineté,  et  chez  ses  membres  aussi  les  inté- 
rêts politiques  et  dynastiques  finiraient  par  reléguer  à  l'arrière- 
plan  les  préoccupations  religieuses. 

L'occasion  de  la  rupture  avec  les  Pharisiens  fut  fournie  à 
Hyrcan,  par  une  injure  gratuite,  qu'un  des  leurs  lui  fit, 
lors  d'un  banquet  qu'il  leur  offrait;  il  se  sépara  complètement 
d'eux,  jusqu'à  défendre  la  mise  en  pratique  de  leurs  prescrip- 
tions. Cette  attitude  lui  attira,  ainsi  qu'à  ses  fils,  la  défaveur 
publique,  car  l'ascendant  des  Pharisiens  sur  la  masse  était  indu- 
bitablement prépondérant. 

Il  mourut  en  104,  après  un  règne  de  trente  et  un  ans,  au  cours 
duquel  il  avait  rendu  à  son  pays  une  extension  comparable  à 
celle  des  plus  beaux  jours  de  l'antique  royauté.  {Ant.,\.  XIII, 
ch.  10,  §§  5-7.) 

Hyrcan   avait   stipulé   que  sa  veuve  assumerait   le  pouvoir    Aristobuie 
après  lui;  l'aîné  de  ses  fils,  Aristobuie,  en  décida  autrement  :  I- 

il  jeta  sa  mère  en  prison,  ovl  il  la  fit  périr  de  faim;  ses  trois  plus 
jeunes  frères  furent  également  incarcérés;  seul  Antigone,  qui  le 
suivait  de  plus  près  en  âge  et  qu'il  affectionnait  particulière- 
ment, fut  associé  au  pouvoir,  mais,  jalousé  par  des  envieux,  il 
fut  accusé  de  briguer  la  domination  suprême  et  amené  par  eux 
dans  des  circonstances  qui  lui  coûtèrent  la  vie.  Lorsqu'il  eut 
appris  la  vérité  sur  ce  qui  s'était  passé,  de  chagrin  Aristobuie 
•contracta  une  hémorragie  et  il  expira  après  une  année  de  règne. 

Ces  laits  font  d'Aristobule  un  tyran  ombrageux  et  sangui- 
naire. Strabon,  qui   s'inspire  de  l'historien  svrien  Timagène, 


iij     D^w'TlC  •  II'' aHeotaieiit  en  fait  (le  se  tenir  à  réeart  de  tous   ceux 

<iui    nafîissaieut    ou   ne    pensaient    pas    comme    eux.    Cl'r.    SciuiRER,    II 
l)p.   4^5408. 


204  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 

l'appelle  cependant,  in'.i'.yrr^c,  :  équitable,  modéré  dans  sa  con- 
duite. Son  règne  éphémère  ne  fut  d'ailleurs  pas  sans  gloire. 
Il  assuma  le  titre  de  roi  et,  s'il  se  montra  partisan  de  la 
culture  grecque,  au  point  d'être  appelé  par  Josèphe  'ç,ô.DXry, 
il  sut  également  prendre  à  cœur  les  intérêts  de  sa  patrie.  Il  en 
recula  la  frontière  Nord  par  l'annexion  de  la  Galilée  (i),. 
dont  les  habitants  furent  forcés  de  se  circoncire  et  de  se  judaï- 
ser.  Le  témoignage  favorable  que  lui  donnent  les  historiens  pro- 
fanes, fait  croire  à  Schûrer  (2)  que  le  tableau  de  ses  cruautés  a 
été  chargé  par  les  Pharisiens  {Aiit.,  1.  XIII,  ch.  ii,  §§  i-3). 

Alexandre        A  la  mort  d'Aristobule,  sa  veuve  Salomé  Alexandra  fit  sortir 
Jannee.       ^^  prison  les  frères  de  son  mari,  accordant  à  l'ainé,  à  Alexandre 
Jannée,  en  même  temps  que  sa  main,  la  ro3'auté  et  le  suprême 
pontificat  (3).  Ce  fut  un  règne  de  luttes  incessantes. 

Il  s'en  prit  d'abord  à  la  ville  de  Ptolémaïs  dont  les  habitants 
appelèrent  à  leur  secours  Ptolémée  X  Lathyre,  qui,  écarté  du 
trône  d'Egypte  par  sa  mère  Cléopàtre,  se  contentait  pour  l'heure 
de  régner  sur  les  Chypriotes.  Affectant  d'entrer  en  pourparlers 
avec  lui,  Jannée  négocia  sous  main  avec  Cléopàtre  contre- 
Lath3're.  Mis  au  courant  de  ces  menées,  celui-ci  reprit  l'offen- 
sive et  son  armée,  commandée  par  son  général  Philostophane, 
remporta  une  éclatante  victoire  en  Galilée,  sur  la  rive  ouest  du 
Jourdain,  et  dévasta  la  Judée  (Ant.,  1.  XIII,  ch.  12). 

Seulement,  les  succès  de  son  fils  inquiétèrent  Cléopàtre  qui 
envo3^a  contre  lui  des  forces  navales  et  une  armée  de  terre, 
sous  la  conduite  de  deux  généraux  juifs:  Helcias  et  Ananias.. 
Ptolémée  voulut  opérer  une  diversion  et  profiter  de  la  présence 
de  cette  armée  en  pays  juif  pour  tenter  de  se  faire  reconnaître 
à  nouveau  en  Eg3'pte;  il  fut  trompé  dans  son  calcul  et  obligé  de 
passer  Thiver  à  Gaza. 


(i)  C'est  ainsi  qu'il  faut  comprendre  ce  que  Josèphe  (Ant.  1.  XIII,. 
ch.  II,  J;  3)  entend  par  «  une  partie  du  pays  des  Ituréens  »;  car 
riturée  proprement  dite  située  au  Nord  et  au  Xord-Ksl  de  la  Galilée  était,, 
encore  païenne  à  l'époque  hérodienne.  Ci'r.  Hchurkr,  I,  p.  27G. 

{2)  I,  p.  216. 

(3)  C'est  l'identité  des  noms  :  «  Salomé  Alexandra  »,  étant  à  la  fois  ceux 
de  l'épouse  d'Aristobule  et  de  l'épouse  d'Alexandre  Jannée,  qui  fait 
conclure  que  c'est  une  seule  et  même  personne  qui  les  portait. 


jusqu'à  la  domination  romaine.  265 

A  ce  moment,  Cléopàtre  aurait  pu  se  soumettre  toute  la  Pales- 
tine, et  c'est  le  conseil  que  lui  donnèrent  quelques-uns  de  ses 
courtisans,  mais  son  général  Ananias  l'en  détourna  et  elle  con- 
clut alliance  à  Sc3'thopolis  avec  Jannée  qui  de  la  sorte  eut  à 
nouveau  les  mains  libres.  Dans  la  Transjordane  il  s'empara  de 
Gadara  et  de  la  ville  fortifiée d'Amathus  (i),  puis,  en  Philistie,  de 
Raphia,  Anthédon  et  en  g6,  après  une  année  de  siège,  de  Gaza, 
qui  avait  accueilli  haihyre  (A ti t.,  1.  XIII,  ch.  i3,  i:5i^  i-3). 

L'opposition  entre  la  d\nastie  asmonéenne  et  la  secte  des 
Pharisiens  s'accentua  siii^^ulièrement  sous  le  règne  actuel;  il 
s'en  suivit  pour  Jannée  une  impopularité  telle  qu'à  une  fête  des 
tabernacles,  comme  il  sacrifiait  à  l'autel  des  holocaustes,  les 
Juifs  présents  lui  lancèrent  à  la  tête  des  cédrats  (2),  que,  selon  les 
prescriptions  rituelles,  ils  tenaient  en  main.  Ils  lui  crièrent  en 
même  temps  qu'il  devait  être  écarté  de  la  suprême  sacrificature,  . 
vu  que  sa  mère  avait  été  jadis  captive.  Furieux  de  ces  injures 
il  fit  massacrer  six  mille  d'entre  eux  et  se  mit  désormais  à  l'abri 
de  leurs  aménités  en  dressant  une  palissade  du  côté  de  l'autel 
visible  au  public. 

Bientôt  il  s'engagea  dans  de  nouvelles  campagnes.  Il  se  sou- 
mit les  tribus  arabes  de  Moab  et  de  Galaad  et  s'attaqua  à  Obo- 
das  le  monarque  nabatéen  du  Djôlan  (3).  Tombé  dans  une 
embuscade,  il  s'échappa  à  grand'peine  pour  se  réfugier  à  Jéru- 
salem. Un  soulèvement  éclata  contre  lui,  et  durant  six  ans  il  dut 
guerroyer  avec  des  troupes  mercenaires  de  Pisidiens  et  de  Cili- 
ciens  contre  ses  propres  sujets,  dont  cinquante  mille  périrent  au 
cours  de  ces  luttes  intestines.  Ce  désastre  ne  les  rendit  pas  plus 
soumis,  et  alors  que  Jannée  demanda  leurs  propositions  de 
paix,  ils  lui  répondirent  qu'ils  ne  voulaient  qu'une  chose  :  sa 
mort.  Ils  appelèrent  à  leur  secours,  vers  l'an  88,  Démétrius  III 
Eukairos  {Ant.,  1.  XIII,  ch.  i3,  §  5),  qui  à  ce  moment  régnait 
sur  une  partie  de  la  Syrie  et  de  Damas. 

Démétrius  s'avança  avec  une  armée  jusqu'à  Sichem,  où  une 


(1)  Aujonrdhui  Aminàta  au  Nord  «lu  .lahhok. 

(2)  Espèce  (le  très  gros  citrons. 

3)  La  leçon  y^-y.  rr.j  rau/zv/;.!  de  Rell.Jud.,  1.  I,  ch.  4^  §  4  ^st  à  adopter 
au  lieu  de  celle  y'j.Ty.  r 'O'xp'x  y.ùiu.r,j  t/,-  ra/aaotrtoos  de  Ant.,  1.  XIII,  ch.  i3,  §  5. 
Cfr.  Schurer,  I,  p.  2S1,  note  17. 


266  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    d'ALEXANDRE 

partie  des  Juifs  s'unirent  à  lui.  Dans  l'engagement  qui  suivit, 
Jannée  perdit  toutes  ses  troupes  mercenaires  et  n'eut  plus  qu'à 
se  réfugier  dans  la  montagne.  Alors  un  revirement  se  produisit 
et  six  mille  Juifs  firent  retour  à  leur  roi  :  ce  fait  engagea  Démé- 
trius,  qui  lui  aussi  avait  perdu  un  grand  nombre  des  siens,  à  se 
retirer.  Avec  ceux  qui  lui  étaient  revenus,  Jannée  continua  la  lutte 
contre  les  rebelles  obstinés ,  qui  furent  alors  défaits  coup  sur  coup. 
Les  révoltés  les  plus  en  vue  étant  tombés  entre  ses  mains,  il  les 
amena  à  Jérusalem,  et,  tandis  qu'il  festoyait  avec  ses  concu- 
bines, il  se  donna  le  spectacle  de  faire  crucifier  huit  cents  des 
captifs  dont  il  rendit  l'agonie  plus  horrible  en  égorgeant  sous 
leurs  regards  leurs  femmes  et  leurs  enfants.  Cette  vengeance 
atroce  terrifia  tellement  ses  adversaires  qu'ils  s'exilèrent,  au 
nombre  de  huit  mille,  pour  le  reste  de  son  règne,  qui  depuis  ne 
connut  plus  d'agitations  intestines  (.4w/. ,  1.  XIII,ch.  14,  !:;§  1,2). 

Dans  les  luttes  des  derniers  Séleucides,  le  roi  arabe  Aré- 
tas  m  venait  de  l'emporter  sur  Antiochus  XIT  et  d'étendre  ses 
possessions  jusqu'à  Damas  inclusivement.  Son  territoire  con 
finait  donc  à  celui  d'Alexandre  Jannée  et  il  ne  put  s'empêcher 
de  faire  une  incursion  en  pays  juif;  à  Adida,  à  l'Ouest  de 
Lvdda,  il  infligea  une  défaite  à  Jannée  qui  ne  se  débarrassa  de 
l'Arabe  qu'au  prix  de  transactions  [Ant.,  1.  XIII,  ch.    i5,  §  2). 

Le  prince  juif  compensa  toutefois  son  échec  par  de  nouvelles 
acquisitions  en  Transjordane.  De  83  à  80  il  s'empara  de  Pella, 
Dium,  Gérasa,  puis  à  l'Est  du  lac  de  Génézareth,  des  localités 
de  Gaulana,  Séleucie  et  Gamala.  Ces  succès  lui  valurent  à  son 
retour  un  accueil  triomphal  {Aiit.,  1.  XIII,  ch.  i5,  §  3). 

Les  excès  de  boisson  auxquels  il  s'était  livré,  déterminèrent 
vers  la  fin  de  sa  vie  une  fièvre  quarte  qui  devait  l'emporter 
après  trois  ans  (en  76),  mais  elle  ne  l'empêcha  pas  de  continuer 
ses  entreprises  guerrières;  il  mourut  en  plein  siège  de  Ragaba(i), 
après  avoir  recommandé  à  son  épouse  de  se  tenir  en  bonnes 
relations  av^ec  les  Pharisiens,  dont  l'amitié  lui  assurerait  le 
dévouement  de  toute  la  nation  {Ant.,  1.  XIII,  ch,  i5.  §  5). 
Alexandre  Jannée  avait  encore  agrandi  sa  patrie.  Excepté 
Ascalon,  ville  libre  depuis   104,  toute  la  côte  était  tributaire 

(i)  Identilication  iucouuue,   la  localité  se  trouvait  dans   le  district  de 
Géi'asa. 


jusqu'à  la  domination  RoMAiNi:.  2(37 

des  Juifs.  Il  en  était  de  même  de  plusieurs  villes  de  Trans- 
jordane  :  il  est  vrai  que  d'aucunes  avaient  été  judaisées  de  force 
et  celles  qui  s'étaient  montrées  réfractaires,  avaient  été  détruites. 
C'était  notamment  le  cas  de  Pella  et  autres  qui  durent  être 
rebâties  par  les  Romains  (Cfr.  A  lit.,  1.  XIIl,  ch.  t5,  J^  4; 
1.  XIV,  ch.  5,  §  3). 

Selon  les  dispositions  du  défunt,  ce  lut  sa  veuve  Alexandra  Alexandra. 
qui  prit  en  main  le  pouvoir  et  avec  elle  le  parti  pharisien  devint 
maître  dans  le  pays.  Il  est  probable  que  sa  représentation  aura 
dès  lors  été  nombreuse  au  sanhédrin,  car  la  politique  adminis- 
trative prit  une  tournure  tout  opposée  à  celle  du  gouvernement 
précédent.  Les  coutumes  pharisaïques  abolies  par  Jean  H\Tcan 
reprirent  force  de  loi  ;  des  exilés  furent  rappelés,  des  captifs 
libérés  ;  la  réaction  alla  si  loin  qu'on  mit  à  mort  ceux  qui 
avaient  jadis  conseillé  à  Jannée  d'exécuter  huit  cents  de 
ses  principaux  adversaires.  Cette  mesure  provoqua  toutefois 
de  la  part  de  la  noblesse  un  mouvement  d'opposition  à  la  tète 
■duquel  se  plaça  Aristobule  II,  le  plus  jeune  fils  d'Alexandra. 

A  part  une  brève  incursion  de  Tigrane,  le  monarque  armé- 
nien, qui  se  désista  du  siège  de  Ptolémaïs,  grâce  à  des  pré- 
sents, et  plus  encore  à  la  nouvelle  que  le  général  romain 
LucuUus  ravageait  l'Arménie,  le  règne  d'Alexandra  fut  exté- 
rieurement calme.  Les  traditions  pharisaïques  en  font  une 
ère  de  fécondité  prodigieuse  due,  à  la  piété  de  la  souveraine  (i). 

Pourtant  le  mécontentement  des  évincés  de  l'heure  couvait  ; 
il  se  déclara  vers  la  fin  de  la  vie  d'Alexandra.  Comme  elle  était 
gravement  malade,  Aristobule,  craignant  que  Hyrcan  II,  son 
frère  aîné,  qui  avait  succédé  à  son  père  dans  le  pontificat  et 
auquel  allait  revenir  également  la  couronne,  ne  fût,  à  cause  de 
l'indolence  de  son  caractère,  complètement  sous  la  coupe  des 
Pharisiens,  jugea  que  le  moment  d'agir  était  venu.  De  nuit,  il 
se  rendit  dans  un  endroit  fortifié,  où  ii  savait  se  tenir  des  amis 


(I)  Le  souvenir  nous  en  est  surtout  conservé  dans  un  petit  écrit  juif  du 
premier  siècle  de  notre  ère  la  «  Megillath  Taanitli  »  ou  livre  des  jeûnes, 
dans  lequel  on  mentionne  les  jours  où,  à  cause  d'un  événement  heureux 
(jui  s'v  i-attache,  il  n'est  i)as  permis  de  jeûner. 


Aristobuie 
II. 


268  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    D'ALEXANDRE 

de  son  père,  et  les  gagna  à  sa  cause.  Fort  de  ce  premier  succès, 
il  parvint  au  bout  de  quinze  jours,  à  s'assurer  la  fidélité  de  vingt 
deux  places  fortes  et  à  recruter  une  armée.  A  cette  nouvelle 
Hyrcan  son  frère  et  les  anciens  du  peuple  allèrent  trouver  la 
reine  pour  qu'elle  prît  les  mesures  de  répression  voulues.  Trop 
épuisée  pour  s'en  occuper  personnellement,  elle  leur  permit 
de  disposer  de  toutes  les  ressources  prêtes  en  hommes 
et  en  argent  et  mourut  peu  de  temps  après,  en  67,  à  l'âge  de 
73  ans,  après  un  règne  de  neuf  ans  (Ant.,  1.  XIII,  ch.  16). 

Hyrcan  11  H3a-can  II  voulut  ceindre  la  couronne,  mais  la  lutte 
et  éclata   aussitôt  entre  les   deux  frères  et  leurs  armées  se  ren- 

contrèrent à  Jéricho.  On  eut  vite  la  preuve  que  le  régime  pha- 
risien en  vigueur  ces  dernières  années  et  qui  menaçait  de  con- 
tinuer avec  Hyrcan,  n'avait  pas  toutes  les  sympathies,  car  une 
bonne  partie  de  l'armée  d'Hyrcan  passa  dans  le  camp  adverse 
et  son  chef  délaissé  courut  s'enfermer  dans  la  citadelle  de  Jéru- 
salem. On  en  vint  bientôt  à  un  compromis  :  Aristobuie  II 
serait  roi  et  grand-prêtre,  mais  Hyrcan  continuerait  de  jouir  de 
ses  revenus  pontificaux  et  vivrait  en  homme  privé  dans  le  palais 
d'Aristobule  (A  11t.,  1.  XIV,  ch.  i,  §§  1,2). 

Cependant  un  nouveau  personnage  entrait  en  scène  et  ses 
agissements  aboutiraient  à  faire  tomber  le  sceptre  en  des  mains 
étrangères. 

N^ous  avons  va  JeanHyrcanjudaïser  complètement  l'Idumée, 
qui  depuis  lors  se  trouvait  totalement  sous  la  mouvance  des 
Juils.  Alexandre  Jannée  y  avait  préposé  comme  stratège  un 
certain  Antipater  (i),  puis,  à  la  mort  de  celui-ci,  son  fils, 
qui  portait  le  même  nom,  lui  avait  succédé  dans  cette  charge. 
C'était  un  ambitieux  et  les  circonstances  lui  semblaient  favora- 
bles à  ses  desseins.  Il  eut  bientôt  compris  qu'avec  le  caractère 
moud'Hvrcan  II  il  aurait  la  tâche  plus  facile  qu'avec  l'entre- 
prenant Aristobuie  :  il   résolut  d'évincer  ce    dernier.   Il    com- 


(li  Les  historiens  aiu-iens  ne  sont  pas  d'accord  sur  l'origine  de  cet  Anti- 
pater. D'après  .Tosèi)he  c'étnit  un  Iduméen  appartenant  à  l'aristocratie  de 
sa  nation.  D'après  saint  .lustin,  Jules  l'Africain,  Eusèbe,  Epiphaue  et 
autres,  ce  serait  un  Ascalonite,  amené  très  jeune  comme  captif  en  Idumée 
où  i)lus  tard  il  devint  un  personnage  en  vue. 


jusqu'à    la    DOMIXATIOX    ROMAINE.  26g 

mença  par  créer  dans  la  noblesse  juive  un  parti  d'opposition 
au  souverain  régnant  :  il  insista  sur  ce  fait  qu'après  tout  il 
occupait  indûment  le  trône;  il  tâcha  ensuite  de  faire  accroire 
à  Hyrcan  que  son  frère  méditait  de  se  défaire  de  lui  pour 
prévenir  toute  velléité  de  compétition  ultérieure  :  mais,  vo\ant 
que  Hyrcan  n'accordait  pas  grande  créance  à  ces  dires,  il  in- 
venta toutes  les  calomnies  possibles  pour  étayer  ses  affirma- 
tions. Il  finit  par  le  décider  à  se  réfugier  à  Pétra  auprès  du 
roi  nabatéen  Arétas  III.  Antipater  travailla  si  bien  sur  l'esprit 
des  deux  princes  qu'il  décida  Arétas  à  rétablir  de  force  Hyrcan 
sur  son  trône  :  en  échange  de  ce  service,  douze  villes,  jadis 
enlevées  au  territoire  nabatéen  par  Alexandre  Jannée,  y 
teraient  retour  {Ant.,  1.  XIV.  ch.  i,  f^^g  3,  4). 

Arétas  marcha  alors  avec  5o.ooo  hommes  contre  le  frère  de 
Hyrcan,  et  à  la  suite  de  la  défaite  qu'il  lui  infligea,  une  partie 
des  troupes  d'Aristobule  se  rangea  du  côté  de  Hyrcan  qui  eut 
également  pour  lui  les  sympathies  du  peuple. 

Aristobule  se  fortifia  avec  les  prêtres  sur  la  colline  du  tem- 
ple où  il  ne  tarda  pas  à  être  assiégé. 

A  ce  moment  Pompée  parcourait  triomphalement  l'Asie,  Pompée. 
étendant  définitivement  sur  elle  la  domination  romaine.  Occupé 
lui-même  en  Arménie,  Pompée  envoya  Scaurus  en  Syrie. 
Damas  venait  de  tomber  au  pouvoir  de  Rome  au  moment  où 
ce  général  y  arriva;  il  est  probable  qu'il  y  apprit  les  troubles 
qui  agitaient  le  pa3^sjuit,  car,  sans  tarder,  il  se  dirigea  sur  la 
Judée.  Aussitôt  les  deux  compétiteurs  lui  envo3"èrent  chacun 
une  délégation  pour  avoir  son  appui.  L'un  et  l'autre  v  mettaient 
le  prix  de  quatre  cents  talents.  Scaurus  se  fia  davantage  à 
Aristobule,  mieux  à  même  de  tenir  ses  promesses,  et  intima 
conséquemment  à  Arétas  l'ordie  de  cesser  le  siège  sous  peine 
d'être  considéré  comme  ennemi  des  Romains.  L'Arabe  n'eut 
qu'à  s'exécuter  et  Scaurus  retourna  à  Damas.  Mais  Aristobule 
n'entendait  pas  laisser  les  choses  ainsi;  il  se  lança  sur  les  traces 
de  l'armée  qui  l'avait  malmené  et  en  tua  six  mille  hommes, 
parmi  lesquels  un  frère  d'Antipater,  Phallion  {Ant.,  1  XIV, 
ch.  2). 

L'année  suivante,  Pompée  vint  lui-même  en  Svrie;  il  passa 


270  DEPUIS    LA    CONQUETE    D  ALEXANDRE 

l'hiver  à  Aspis  (i)  et  se  soumit,  au  printemps  de  63,  les  petites 
principautés  libanaises.  Après  quoi,  il  entra  à  Damas,  où  Aris- 
tobule,  désireux  de  se  concilier  ses  bonnes  grâces,  lui  envoya  un 
sarment  de  vigne  travaillé  en  or  et  estimé  à  cinq  cents  talents 
(2).  Une  fois  de  plus,  les  deux  partis  juifs  se  firent  représenter 
par  une  délégation  pour  exposer  leurs  griefs  respectifs  ;  cette 
fois  il  s'y  joignit  un  troisième  groupe  qui  revendiquait  la  restitu- 
tion d'un  gouvernement  purement  pontifical  et  l'abolition  de  la 
royauté.  Pompée,  qui  se  préparait  à  une  expédition  dans  le  ter- 
ritoire nabatéen,  répondit  qu'il  arrangerait  leurs  affaires,  aus- 
sitôt après  la  campagne  projetée  et  leur  demanda  de  se  tenir 
tranquilles  en  attendant. 

Mais  Aristobule  manifesta  si  vivement  son  mécontentement 
que  Pompée  jugea  nécessaire  de  surseoir  à  sa  campagne  contre 
Arétas  et  de  mettre  Aristobule  à  la  raison.  Suivi  des  troupes 
qu'il  voulait  mener  chez  les  Arabes  et  des  réserves  qu'il  avait 
en  Syrie,  le  général  romain  revint  de  Dium  où  il  se  trouvait 
déjà,  sur  Pella  et  Sc3^thopolis  et  s'avança  jusqu'à  Koréa  (3); 
c'est  de  là  qu'il  fit  sommer  Aristobule,  qui  s'était  enfermé  dans  la 
forteresse  de  l'Alexandrium  (4),  de  lui  livrer  cette  place.  Aris- 
tobule s'y  résigna  finalement,  mais  il  se  retira  immédiatement 
à  Jérusalem  pour  s'y  préparer  à  la  résistance. 

Il  3"  fut  suivi  sans  tarder  par  Pompée  ;  estimant  alors  sa  cause 
perdue,  il  descendit  à  la  rencontre  du  généralissime  romain  sur 
la  route  de  Jéricho  et  demanda  la  paix,  moyennant  une  rançon 


fi)  Identification  inconnue. 

i'>)  Le  l'écit  de  Josèphe  {Ant.,  l.  XIV,  ch.  3,  §§  1-2;  donne  à  entendre  que 
Pompée  serait  venu  deux  fois  à  Damas,  en  64  et  en  63.  Ce  serait  en  (34 
qu' Aristobule  lui  aurait  fait  ce  présent.  Scliiirer  (I,  p.  açjG  note  i5)  conclut 
à  une  information  inexacte  de  la  part  de  l'historien  juif. 

(3)  L'actuelle  Karawa,  à  deux  heures  au  Nord  du  Karn  Sartabé  ou 
Alexaudrium. 

(4)  C'est  la  forteresse  bâtie  sur  le  Karn-Sartabé,  mentionnée  la  première 
fois  au  temps  d'Alexandra  {Ant.,  1.  XllI  ,ch.  iti,  §  3;.  Elle  aura  été  bâtie  i)ar 
Alexandre  .Tannée.  Comme  Niachéroute,  elle  servait  à  enfermer  les 
trésors  (pfon  voulait  mettre  en  lieu  sur.  La  situation  était  forte,  presque 
imprenable.  Le  10  février  1910  nous  en  fimes  l'ascension;  elle  exige  plus  de 
deux  heures  et  devient  très  raide  à  proximité  du  sommet.  On  y  jouit  d'une 
vue  très  étendue  sur  toute  la  plaine  de  Jourdain.  Quelques  arasements  de 
murs  et  des  vestiges  d'ancienne  tour  sont  les  seules  reliques  du  passé. 


JUSOU  A    LA    DOMINATION    ROMAINE.  2']! 

et  la  redtliiion  de  la  ville.  Pompée  accepta,  retint  Aristobule 
auprès  de  lui  et  envoya  Gabinius  à  Jérusalem  pour  exiger  aus- 
sitôt l'accomplissement  des  conditions.  Seulement  les  habi- 
tants lui  interdirent  l'accès  de  la  ville,  le  forçant  ainsi  à 
retourner  sans  résultat  auprès  de  son  maître.  Aigri  par 
cet  affront,  Pompée  lit  retenir  Aristobule  sous  bonne  garde  et 
mit  aussitôt  le  siège  devant  la  capitale  juive.  (Ajit.,  1.  XIV, 
ch.  3,  §§  1-4  et  ch.  4,  ^  i.) 

En  présence  de  ce  danger  les  avis  se  partagèrent,  les  parti- 
sans de  Hyrcan  opinant  pour  la  reddition  immédiate,  ceux 
d'Aristobule  pour  la  lutte  à  outrance.  Les  premiers  l'emportè- 
rent et  ouvrirent  les  portes  à  l'armée  romaine;  le  parti  de 
la  résistance  se  retira  sur  la  colline  du  temple,  bien  décidé  à  s'y 
défendre  jusqu'au  bout. 

Fréquemment  au  cours  de  cette  histoire,  nous  avons  vu  ce 
quartier  offrir  un  abri  sérieux  à  ceux  qui  l'occupaient.  C'est 
qu'il  était  admirablement  déiendu  par  son  emplacement  même: 
à  l'Est,  la  pente  abrupte  du  Cédron  ;  au  Sud,  la  déclivité  de 
rOphel;  à  l'Ouest,  la  crevasse  du  Tyropéon  rendaient  son  accès 
fort  difhcile;  ce  n'est  que  du  côté  Xord  qu'il  était  abordable  de 
plain-pied  :  là  de  solides  travaux  de  défense  avaient  été  élevés. 
Pompée  se  décida  pourtant  à  l'attaquer  par  ce  point  plus  vulné- 
rable. Il  fit  construire  un  remblai  sur  lequel  furent  dressées  des 
machines  de  guerre  venues  de  Tyr.  Les  assaillants  avaient  tôt 
fait  de  remarquer  que  les  assiégés  qui  les  refoulaient  avec 
vigueur,  n'empêchaient  pas  les  travaux  du  siège  le  sabbat; 
aussi  ne  les  attaquaient  ils  pas  ce  jour-là,  mais  poussaient 
d'autant  plus  activement  leur  œuvre  decirconvallation.  Le  siège 
dura  trois  mois,  au  cours  desquels  les  prêtres  continuèrent  au 
temple  toutes  les  cérémonies  quotidiennes.  A  la  fin  de  l'automne 
de  63  la  chute  de  la  plus  forte  des  tours  amena  une  brèche  qui 
livra  passage  aux  Romains.  Ce  fut  un  carnage  effroyable,  les 
uns  tombant  sous  le  glaive  ennemi,  des  groupes  de  Juifs  s'entre- 
tuant,  d'autres  se  jetant  à  bas  des  remparts  ou  se  brûlant  dans 
leurs  maisons  ;  les  prêtres,  occupés  à  cette  heure  à  sacrifier, 
se  laissèrent  tuer  dans  l'accomplissement  de  leurs  fonctions.  Il 
périt  ainsi  douze  mille  hommes  et  —  horreur  suprême  !  — 
Pompée  avec  une  partie  de  son  escorte  foulèrent  le  Saint  des 


272  DEPUIS    LA    CONQUETE    D  ALEXANDRE 

Saints.  Le  vainqueur  eut  néanmoins  la  délicatesse  de  respecter 
tous  les  trésors  y  contenus  ;  le  lendemain,  il  fit  purifier  le  tem- 
ple et  rétablit  Hyrcan  comme  pontife  et  chef  du  peuple  en  lui 
enlevant  toutefois  la  dignité  royale  (i).  Il  porta  désormais  le 
titre  d'ethnarque.  Quant  à  ceux  qui  avaient  poussé  à  la  résis- 
tance, ils  furent  décapités.  C'en  était  fini  de  l'indépendance  et 
de  l'expansion  du  pouvoir  juif.  Le  pays  fut  rendu  tributaire  et 
la  plupart  des  acquisitions  territoriales  faites  par  les  Asmonéens 
lui  furent  enlevées. 

Toutes  les  villes  maritimes  depuis  Raphia  jusqu'à  Dora,  les 
localités  non  juives  de  la  Transjordane,  dont  l'ensemble  prit  le 
nom  de  Décapole  (2),  ainsi  que  Scythopolis  et  Samarie,  récu- 
pérèrent leurs  franchises  communales  et  furent  soumises  à  la 
iuridiction  immédiate  du  propréteur  (3)  de  la  nouvelle  province 
romaine  de  Syrie.  Pompée  y  laissa  en  cette  qualité  son  général 
Aemilius  Scaurus  à  la  tète  de  deux  légions,  tandis  que  lui-même 


(i)  Cfr.  Ant.,  1.  XX,  ch.  10,  p.  790,  lignes  3i  et  82,  éditiou  Dindorf.  ï. 

(2)  Ces  villes  auront  probablement  t-oustitué  entre  elles  une  sorte  de 
confédération.  Originairement  au  nombre  de  dix,  il  s'en  ajouta  plus  tard 
d  autres,  et  les  auteurs  anciens  ne  sont  pas  toujours  d'accord  sur  la  dési- 
gnation de  celles  qui  en  firent  partie.  Ce  qu'où  peut  dire,  c'est  qu'à  part 
Scythopolis,  elles  étaient  toutes  situées  en  Transjordane.  Pline  (Hist.Nat., 
1.  V,  ch.  18)  nomme  Damas,  Philadelphie,  Rhaphana,  Scytliopolis,  Gadara, 
Hippos,  Dium,  Pella,  Gérasa  et  Canatha.  Ptolkmée  {Geogr.,  1.  V,  cli.  i4, 
§  18)  mentionne  sous  une  même  rubrique  les  dix-huit  villes  de  la  Cd'lé-Syrie 
et  de  la  Décapole,  sans  spécifier  davantage;  il  est  certain  (lu'Abila  y  a 
appartenu  égal  ment.  Comme  elles  devaient  leur  affranchissement  à 
Pompée,  presque  toutes  ces  villes  adoptèrent  l'ère  de  Pompée  :  par  quoi 
il  faut  entendre  autant  d'ères  locales  dont  le  commencement  varie  de 
64  à  61. 

Cfr.  ScHûRER,  I,  pp.  299,  3oo,  note  26;  II,  pp.  148,  ss. 

ViGOUROUX,  Dictionnaire  de  la  Bible,  art.  Décapole,  II,  col.  i333-i33G. 

(3  En  58.  à  cause  des  troubles  incessants  provoqués  par  les  Arabes,  il  fut 
décidé  d'y  envoyer  dorénavant  un  pi-ocoiiNul.  C'était  au  Sénat  de  décider  si 
une  province  devjiit  être  consulaire  ou  prétorienne,  selon  le  plus  ou  moins 
d'importance  qu'elle  avait  ou  de  difficultésqu'elle  offrait,  le  propréteur  ne 
disposant  que  d'une  légion  ordinairement,  le  proc(msul  de  plusieurs. 

Ces  gouverneurs,  tiint  le  propréteur  (jue  le  proconsul,  exerçaient  dans 
leur  province  le  pouvoir  suprême  dans  toute  son  étendue  :  législatif, 
exécutif,  judiciaire  et  militaire  :  c'était  Vitnperiiim. 

En  27,  Auguste,  qui  avait  d'abord  obtenu  l'imperium  proconsulaire  sur 
toutes  les  provinces,  en  céda  dix  au  Sén.at  :  deux  consulaires,  l'Afrique  et 
l'Asie  et  huit  prétoriales  ;  on  eut  dès  lors  la  division  eu  provinces  impé- 


jusqu'à  la  domination  romaine.  273 

retournait  en  Asie  Mineure  amenant  avec  lui  Aristobule,  ses 
deux  filles,  ses  deux  fils  Alexandre  et  Antigone,  —  dont  le 
premier  réussit  à  s'enfuir,  —  et  d'autres  captifs  qui,  relâchés 
plus  tard,  devaient  grossir  la  colonie  juive  de  Rome. 

Une  dernière  humiliation  attendait  Aristobule  :  celle  de  figu- 
rer sous  les  regards  curieux  et  moqueurs  des  Romains  au 
cortège  de  Pompée  entrant  triomphalement  à  Rome  en  61. 
{Ant.,  1.  XIV,  ch.  4,  §§  2-4.)  Désormais  les  Juifs  étaient 
vassaux  des  Romains. 


riales  et  sénatoriales  ;  ces  dernières  dépendaient  dans  leur  administration 
du  Sénat,  4111  y  nommait  un  proconsul  ou  un  propréteur  :  les  premières 
relevaient  dix*ectement  de  l'empereur  qui  en  touchait  personnellement  les 
revenus  et  y  envoyait  un  gouverneur  avec  le  titre  de  ic  legatus  Augusti  pro 
prtvtore  ».  La  Syrie  aussi  devint  alors  province  impériale. 

Dans  les  provinces  sénatoriales  l'administration  financière  était  confiée 
à  des  questeurs;  dans  les  provinces  impériales  elle  l'était  à  des  procura- 
teurs. 


18 


SIXIEME      PERIODE 


OU 


PÉRIODE  ROMAINE 

Depuis  la  conquête  de  Pompée 

en  63  avant  J.-C. 

jusqu'à    l'échec    définitif    de    Barkokéba 

en    135  après  J.=C. 


SIXIEME  PÉRIODE 

Depuis  la  conquête  de  Pompée 
en  63  avant  J  =C. 
jusqu'à    l'échec    définitif    de    Barkokéba 
en    135   après  J.=CJ'^ 


Les  premières  années  de  la  domination  romaine  s'écoulèrent 
paisibles  pour  les  Juifs,  sous  l'autorité  apparente  de  Hyfcan  et 
la  gestion  effective  d'Antipater.  Celui-ci  recherchait  toutes  les 
occasions  d'obliger  les  Romains.  Il  profita  de  ses  bons  rapports 
avec  les  Nabatéens  pour  les  déterminer  à  payer  trois  cents 
talents  aux  Romains;  grâce  à  cet  incident,  Scaurus,  qui  avait 
repris  la  campagne  projetée  contre  eux  par  Pompée,  put  avan- 
tageusement finir  une  première  fois  les  hostilités  en  62  {Atit., 
1.  XIV,  ch.  5,  §  i);  mais  elles  reprirent  sous  les  propréteurs 
suivants,  Marcius  Philippus  et  Lentulus  Marcellinus;  ces  faits 
décidèrent  le  Sénat  à  envoyer  dorénavant  en  Syrie  un  pro- 
consul. Gabinius  venait  à  peine  d'y  arriver  en  cette  qualité 
(en  57),  qu'il  eut  à  intervenir  en  pays  juif.  Le  fils  d'Aristobule, 
Alexandre,  qui  s'était  échappé  lors  de  sa  déportation  à  Rome, 
était  parvenu  à  recruter  une  armée  et  à  s'emparer  des  forte- 
resses d'Hyrcania,  d'Alexandreion  et  de  Machéronte.  Aussitôt 
Gabinius  envova  son  sous-ordre,  le  futur  triumvir  Marc- 
Antoine,  et  lui-même  le  rejoignit  peu  de  temps  après.  Ils  eurent 
bientôt  raison  du  rebelle  qui  perdit  trois  mille  hommes  de  ses 
troupes  et  dut  rendre  les  citadelles  conquises.  La  Palestine  fut 


(i)  Pour  cette  dernière  période  nous  avons  aussi  consulté,  non  sans 
profit,  l'ouvrage  du  D''  Felten  :  Xeutestamentliche  Zeitgescluchle,  2  vol. 
Manz.  Regensburg,  1910. 


278  DEPUIS   LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

divisée  en  cinq  c7'jv£ôp',a,  terme  qui  implique  une  administra- 
tion judiciaire  et  administrative  autonome  ;  les  chefs-lieux  de 
ces  cinq  circonscriptions  furent  Jérusalem,  Gadara,  Amathus, 
Jéricho  et  Sepphoris.  Cette  mesure  dépouillait  H3Tcan  de  ce 
qui  lui  restait  de  pouvoirs  politiques  et  son  autorité  se  confina 
dès   lors    dans   ses  attributions    pontificales.    {Ant.,    1.    XIV, 

ch.  5,  §4.) 

En  56,  Aristobule  parvint  à  s'enfuir  de  Rome  avec  son  fils 
Antigone  et  tenta  de  récupérer  le  pouvoir  dans  sa  patrie.  Il 
courut  à  un  échec  et  dut  réintégrer  sa  prison  ;  ses  fils  obtinrent 
la  liberté. 

Gabinius  entreprit  alors,  sur  l'injonction  de  Pompée  et  contre 
la  volonté  du  Sénat,  de  rétablir  sur  le  trône  Ptolémée  Aulète, 
renversé  du  pouvoir  par  une  émeute  éclatée  à  Alexandrie.  Anti- 
pater  vint  à  son  aide,  au  moyen  de  secours  en  nature  et  en 
argent  et  non  moins  par  son  influence  sur  les  Juifs  d'Egypte 
qu'il  rangea  du  côté  de  Gabinius.  Le  proconsul  venait  de  ren- 
trer de  cette  expédition  en  55,  lorsqu'il  se  heurta  à  de  nouvelles 
troupes  levées  par  Alexandre.  Il  le  défit  une  seconde  fois  au 
pied  du  Thabor  et,  pour  récompenser  Antipater  des  services 
qu'il  avait  reçus  de  lui  au  cours  de  tous  ces  événements,  il 
disposa  au  goût  de  son  auxiliaire  l'administration  de  Jéru- 
salem {Ant.,  1.  XIV,  ch.  6,  §§  1-4)  (i).  Après  une  campagne 
menée  chez  les  Nabatéens  et  les  Parthes,  Gabinius  rentra  à 
Rome  en  64,  où  il  lui  fut  intenté  un  procès  de  majestate;  il 
parvint  à  se  iustifier,  mais  ses  nombreuses  exactions  lui  valu- 
rent d'être  condamné  à  l'exil. 

Licinius  Crassus  le  remplaça,  peu  avantageusement,  cette 
même  année,  comme  proconsul  en  Syrie.  Court  d'argent  pour 
son  expédition  contre  les  Parthes,  il  pilla  le  trésor  du  temple  : 
2,000  talents  en  monnaie  et  8,000  talents  en  objets  d'orfèvrerie. 
Il  fut  défait  et  massacré  en  53,  au  cours  de  cette  campagne.  Ce 
fut  pour  les  Juifs  mécontents  l'occasion  d'une  rébellion;  ils  se 
levèrent  sous  la  conduite  d'un  certain  Pitholaus  ;  m^ais  le  suc- 


(i)  Cette  indication  par  trop  vague  est  précisée  A/l^.  1.  XIV,  ch.  8,  §  i, 
oii  Antipater  est  désigné  comme  b  rw'\o\i3a.iùiv  tnifiilfiirn.  Il  aura  donc  été 
préposé  à  l'administration  des  imiJÔts. 


JUSQU  A    L  ÉCHEC   DEFINITIF    DE    BARKOKÉBA.  279 

cesseur  de  Crassus,  Cassius  Longinus,  en  eut  vite  raison  : 
trois  mille  de  ces  révoltés  furent  vendus  comme  esclaves,  et, 
sur  le  conseil  d'Antipater,  Pitholaus  lut  exécuté.  {Ant.,  1.  XIV, 
ch.  7,  1^5.^  I  et  3.)  Longinus  (53-5 1)  et  son  successeur  Calpurnius 
Bibulus  (5i-5o)  continuèrent  avec  succès  la  lutte  contre  les 
Parthes.  En  49  la  guerre  civile  éclata  entre  Pompée  et  César; 
ces  compétitions  devaient  avoir  nécessairement  leur'répercus- 
sion  en  Syrie  et  en  Palestine,  comme  dans  les  autres  provinces, 
car  toutes  lurent  mises  à  contribution  pour  permettre  aux  deux 
partis  de  soutenir  la  lutte. 

Maître  de  Rome,  César  libéra  Aristobule  et  l'envoya  en  César. 
Syrie  avec  deux  légions  pour  y  combattre  les  partisans  de 
Pompée.  Mais  ceux-ci  emprisonnèrent  Aristobule  et  décapi- 
tèrent son  fils  Alexandre  à  Antioche.  {Ant.,  1.  XIV,  ch.  7,  §  4.) 
Après  le  désastre  de  Pharsale  le  9  août  48,  Pompée  tomba 
assassiné  sur  la  côte  d'Egypte  le  28  septembre  suivant.  Hyrcan 
et  Antipater  jugèrent  opportun  de  transférer  leur  allégeance  sur 
César,  et  le  soutinrent  dans  les  luttes  qu'il  dut  livrer  à  la  popu- 
lation d'Alexandrie,  soulevée  par  la  garnison  romaine  hostile  à 
César.  Ils  n'eurent  qu'à  se  louer  de  leur  attitude;  car  lorsque, 
pendant  l'été  de  47,  le  dictateur  romain  traversa  en  triomphe 
la  Syrie,  Hyrcan  récupéra  son  autorité  politique  avec  le  titre 
d'ethnarque.  Cette  charge  et  celle  de  grand-prétre  lui  furent 
concédées  à  vie,  et  rendues  héréditaires;  il  fut  stipulé  explici- 
tement qu'elles  comportaient  tous  les  droits  y  attachés  jadis, 
—  donc  aussi  le  droit  de  rendre  la  justice  aux  Juifs.  H3Tcan  et 
ses  enfants  furent  déclarés  officiellement  amis  et  alliés  des 
Romains,  et  il  fut  décrété  que  son  pays  n'aurait  pas  à  laisser 
hiverner  des  troupes  romaines  ni  à  prélever  des  contributions 
pour  leur  entretien  ;  de  plus,  l'enceinte  de  Jérusalem  put  être 
rebâtie.  D'autres  faveurs  furent  ultérieurement  concédées  aux 
Juifs  :  les  localités  de  la  plaine  d'Esdrelon  et  d'autres  villes 
syro-phéniciennes,  dont  Joppé,  qui  avaient  été  en  possession 
des  Asmonéens,  puis  enlevées  par  Pompée,  leur  firent  retour, 
et  dans  toute  l'Asie  Mineure  les  droits  les  plus  larges  leur 
furent  reconnus.  Quant  à  Antipater,  il  se  vit  octroyer  le  titre 
de  citoyen  romain,  la  franchise  de  tout  impôt,  et  la  dignité 


28o  DEPUIS   LA   CONQUÊTE   DE    POMPÉE 

d'èizi-rponoç,  ou  procurateur  de  Judée.    {Ant.,   1.   XIV,   ch.    8^ 
§§  1-5,  ch.  lo.) 

En  fait,  c'était  lui  qui  détenait  le  gouvernement.  Il  profita 
des  pouvoirs  qui  venaient  de  lui  être  octroyés  pour  instituer 
son  fils  Phasaël  stratège  ou  gouverneur  de  Jérusalem  et  un 
autre  de  ses  fils,  Hérode,  alors  âgé  de  25  ans,  gouverneur  de 
la  Galilée.  Ce  même  Hérode  fut,  en  outre,  nommé  gouver- 
neur de  la  Cœlé-Syrie  par  le  proconsul  Sextus  César.  (47-46). 

Marc-  Le    i5  mars  44  César  succomba,  poignardé  en  plein  Sénat 

Antoine,  romain:  Marc-Antoine  ayant  peu  après  ouvert  les  hostilités 
contre  les  conspirateurs,  un  de  ceux-ci,  Cassius  Longinus,  qui 
avait  déjà  administré  la  Syrie  (53-5i)  et  que  César  lui-même  avait 
désigné  comme  proconsul  de  ce  pays  pour  Tannée  43,  s'y  trans- 
porta aussitôt,  malgré  que  Marc-Antoine  lui  eût  assigné  une 
autre  province.  Les  armées  romaines  présentes  en  Syrie,  encore 
que  jadis  césariennes,  prirent  le  parti  de  Cassius.  Mais  il  fallut 
à  celui-ci  des  ressources  considérables  pour  entretenir  ces  trou- 
pes et  s'en  assurer  la  fidélité.  Il  n'hésita  pas  à  taxer  la  Pales- 
tine à  concurrence  de  700  talents,  et  pour  la  levée  de  cette 
somme,  Antipater  et  Hérode  se  tournant  du  côté  d'où  soufilait 
le  vent,  témoignèrent  de  tout  leur  empressement.  L'année  43 
vit  la  fin  tragique  d'Antipater.  Il  périt  empoisonné  sur  Tordre 
d'un  certain  Malichos  qui  rêvait  de  le  supplanter.  Il  fut  vengé 
par  Hérode  qui  fit  assassiner  Malichos  prés  de  Tyr. 

Cassius  quitta  la  Syrie  en  42  ;  Antigone  en  pçofita  pour  tenter 
de  s'emparer  du  pouvoir.  Hérode  eut  raison  de  lui;  mais  les 
Tyriens  réussirent  à  occuper  plusieurs  localités  de  la  Galilée  et 
à  réduire  en  esclavage  un  grand  nombre  de  Juifs.  [Afît.,  1.  XIV, 
ch.  9,  II,  12.) 

Vers  la  fin  de  42  s'engagea  à  Philippes  en  Thrace  la  bataille 
entre  les  armées  de  Marc-Antoine  et  ses  adversaires  républi- 
cains. Cassius  y  laissa  la  vie  et  Marc- Antoine  se  vit  maître  de 
toute  l'Asie.  Pour  Hérode  et  Phasaël,  qui  avaient  complète- 
ment viré  du  côté  de  Cassius,  la  situation  était  par  là-même 
d'autant  plus  critique  qu'au  commencement  de  41  une  déléga- 
tion de  Juifs  vint  trouver  Antoine  en  Bithynie  pour  accuser  les 
deux  Irères  d'usurper  le  pouvoir.  Hérode  prévint  si  bien  par  ses 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         281 

largesses  Antoine  en  sa  faveur,  que  le  triumvir  ne  reçut  même 
pas  la  délégation.  Une  nouvelle  démarche,  faite  dans  le  même 
sens  à  Antioche,  pendant  l'automne  de  cette  année,  eut  un  effet 
tout  opposé.  Antoine,  se  souvenant  que  jadis  sous  Gabinius 
(57-55),  il  avait  été  Thôte  d'Antipater  et  voyant  que  Hyrcan, 
qui  était  devenu  le  beau-père  d'Hérode,  prenait  le  parti  de  son 
gendre,  nomma  Phasaël  et  Hérode  tétrarques  du  pays  juif.  Les 
adversaires  des  deux  Iduméens  ne  se  tinrent  pas  pour  battus. 
Une  députation  d'un  millier  d'hommes  vint  trouver  Antoine  à 
Tyr.  Mal  leur  en  prit,  car  les  armées  romaines  se  jetèrent  sur 
eux  et  en  tuèrent  un  bon  nombre.  Réintégration  dut  être  faite 
aussi  par  les  Tyriens  des  territoires,  biens  et  hommes,  enlevés 
aux  Juifs  l'année  précédente.  {Ant.,  1.  XIV,  ch.  12,  §§  i-5, 
ch.  i3,  §§  1-2.) 

La  Palestine  eut,  comme  les  autres  provinces  d'Asie,  à  four- 
nir sa  contribution  dans  les  sommes  folles  qu'Antoine  dissipait 
par  sa  vie  de  dévergondage  et  de  plaisirs. 

Capté  par  l'amour  de  Cléopâtre,  fille  de  Ptolémée  XIII 
Aulète  et  depuis  5i  souveraine  d'Egypte,  il  devait  perdre,  dans 
les  années  de  débauche  qu'il  passa  avec  elle,  ses  talents  poli- 
tiques et  stratégiques  et  jusqu'à  l'existence. 

Antoine  passa  l'hiver  de  41-40  à  la  cour  de  Cléopâtre,  puis  il 
partit  pour  la  Grèce  et  l'Italie.  Pendant  ce  temps  l'Asie  Occi- 
dentale se  vit  envahie  par  les  Parthes. 

Antigone  crut  l'occasion  propice  pour  satisfaire  enfin  ses  am- 
bitions. Il  sut  gagner  la  faveur  des  chefs  parthes,  moyennant 
la  promesse  —  jamais  accomplie  —  de  mille  talents  et 
cinq  cents  femmes;  mais  déjà  avant  leur  intervention  il  parvint 
à  se  créer  à  Jérusalem  un  parti  qui  lui  fût  dévoué,  et  qui  livra 
des  luttes  quotidiennes  aux  forces  de  Phasaël  et  d'Hérode. 
Peu  après,  arriva  un  renfort  parthe  sous  la  conduite  de  Pacorus, 
fils  du  roi  parthe  Orosus,  et  du  satrape  Barzaphrane.  Malgré 
les  avertissements  d'Hérode  qui  pressentait  un  piège,  Phasaël 
et  Hyrcan  se  laissèrent  conduire  en  Galilée  au  quartier  général 
de  l'armée  ennemie,  sous  prétexte  d'y  conclure  une  entente 
entre  les  divers  intéressés.  A  peine  y  furent-ils  arrivés  qu'ils  se 
virent  prisonniers,  Hérode,  averti  de  cette  trahison,  n'eut  que 
le  temps   de  convoyer  à  la  forteresse  de  Masada,  défendue 


282 


DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 


Hérode 

roi 

des  Juifs. 


par  son  frère  Joseph,  sa  famille  et  sa  domesticité,  non  sans 
avoir  dû  en  même  temps  lutter  contre  les  Parthes  qui  le  pour- 
suivaient, et  contre  une  troupe  de  Juifs  qui  lui  étaient  hostiles. 
Lui-même  se  dirigea  d'abord  sur  Pétra. 

Les  Parthes  se  payèrent  leurs  services  en  pillant  le  pays  et 
livrèrent  Hyrcan  et  Phasaël  aux  mains  d'Antigone.  Pour  qu'il 
fût  à  jamais  incapable  d'exercer  les  fonctions  pontificales, 
Hyrcan  eut  les  oreilles  coupées;  Phasaël,  sachant  que  la  mort 
l'attendait,  se  l)risa  le  crâne  contre  les  parois  de  sa  prison 
et  Antigone  se  vit  enfin,  par  la  grâce  des  Parthes,  roi  et  grand- 
prêtre  des  Juifs.  {Aiit.,  1.  XIV,  ch.  i3,  §§  3-io.) 

Hérode  avait  appris  dans  sa  fuite  qu'il  ne  serait  pas  accueilli 
par  le  roi  des  Arabes  Nabatéens,  Malchus,  qui  craignait  des 
complications  avec  les  Parthes  ;  il  parvint  à  gagner  Alexandrie 
par  Péluse,  et  s'embarqua  sur  Brindisi  pour  Rome,  malgré  les 
tempêtes  auxquelles  l'exposait  la  saison  automnale.  Cette  même 
année  40,  après  s'être  réassuré  de  la  faveur  d'Antoine,  et  avoir 
conquis  celle  d'Octavien,  il  fut  proclamé  par  le  Sénat  «  roi  des 
Juifs  ». 

Restait  à  entrer  effectivement  dans  l'exercice  de  la  dignité 
obtenue.  Les  Parthes  furent  expulsés  de  Syrie  en  89;  quelques 
mois  après,  Hérode  débarquait  à  Ptolémaïs  (Akka)  et  les  géné- 
raux romains,  qui  jusqu'ici  avaient  soutenu  Antigone,  se  ran- 
geaient aux  côtés  du  protégé  d'Antoine.  Toutefois,  de  nouvelles 
incursions  parthes  et  des  soulèvements  locaux  empêchèrent 
Hérode  d'être  dès  lors  maître  du  pays,  encore  qu'il  entreprît 
des  expéditions  couronnées  de  succès  contre  les  brigands  qui 
infestaient  la  Galilée. 

Ce  n'est  qu'au  printemps  de  37,  après  les  irimas  de  l'hiver, 
qu'il  put  mettre  définitivement  le  siège  devant  Jérusalem.  Il 
l'abondonna  le  temps  voulu  pour  se  marier  avec  Mariamme, 
une  petite-fille  de  Hyrcan  II  (i).  Après  cet  intermède,  il  con- 
tinua l'attaque,  avec  l'aide  d'une  armée  romaine  sous  le  com- 
mandement du  proconsul  Sosius.  Après  cinq  mois  de  résistance 


(i)  Mariamme  était  fille  d'Alexandre  (fils  d'AristobuIe  II)  et  d'Alexan- 
dra  (fille  de  Hyrcan  II).  Hérode  avait  déjà  une  première  femme.  Doris. 
qu'il  répudia  avant  d'être  roi  et  dont  il  eut  un  fils,  appelé  Antipater. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉBA.         283 

Jérusalem  fut  prise  le  jour  de  l'expiation  au  mois  d'octobre. 
Antigone  tomba  aux  mains  des  Romains  et  fut  envoyé  comme 
prisonnier  à  Antoine  qui  venait  d'arriver  à  Antioche.  Un  mas- 
sacre impitoyable  décima  les  habitants  et  Hérode  dut,  pour 
empêcher  le  pillage  de  la  ville  et  du  temple,  combler  de 
cadeaux  les  auxiliaires  de  sa  victoire.  Antoine  aurait  bien  voulu 
réserver  Antigone  pour  son  triomphe,  mais,  gagné  par  l'argent 
d' Hérode,  il  le  fit  exécuter  à  Antioche. 

Ainsi  finit  la  dynastie  asmonéenne.  Depuis  trois  ans,  Hérode 
était  roi  des  Juifs  en  titre  ;  depuis  ce  jour  il  le  fut  en  fait.  [Ant., 
1.  XIV,  ch.  14-16.) 

Les  premières  années  de  son  règne,  Hérode  eut  à  combattre 
beaucoup  d'éléments  ennemis  pour  consolider  son  autorité.  Son 
caractère  énergique  mais  dur  le  servit  à  souhait.  L'aristocratie 
de  Jérusalem  était  généralement  portée  pour  Antigone  ;  qua- 
rante-cinq de  ses  principaux  membres  furent  exécutés  et  leurs 
biens  confisqués.  Alexandra,  la  mère  de  Mariamme,  se  montra 
particulièrement  antipathique  à  son  beau-fils.  Hyrcan  H  était 
revenu  de  sa  captivité  chez  les  Parthes  ;  il  continua  à  jouir  des 
faveurs  d' Hérode,  mais,  mutilé  qu'il  était,  il  lui  était  impossible 
de  reprendre  ses  fonctions  pontificales.  Hérode  installa  alors 
comme  grand-prêtre  un  certain  Ananel,  Juif  babylonien  de 
souche  sacerdotale,  mais  absolument  ignoré.  Alexandra  en  fut 
piquée  au  vif  et  mit  tout  en  branle  pour  faire  octroyer  cette 
dignité  à  son  plus  jeune  fils  Aristobule.  Elle  s'adressa  à  Cléo- 
pàtre,  pour  qu'elle  agît  sur  Antoine  qu'elle  enlaçait  de  nouveau 
de  ses  amours  ;  de  son  côté  Mariamme  insista  auprès  de  son 
mari  en  faveur  de  son  frère  :  cédant  à  toutes  ces  instances, 
Hérode  finit,  au  début  de  35,  par  remplacer  Ananel  par  Aris- 
tobule, âgé  de  17  ans  ;  mais,  jaloux  de  la  faveur  populaire  dont 
ce  jeune  homme  fut  gratifié,  il  trouva  moyen  de  le  faire  périr 
vers  la  fin  de  cette  même  année  35. 

Alexandra  obtint  alors  de  Cléopâtre  qu'Antoine  demandât 
compte  à  Hérode  de  son  forfait.  Au  printemps  de  34,  Antoine, 
dirigeant  une  nouvelle  campagne  en  Arménie,  manda  effective- 
ment Hérode   à   Laodicée(i);  le  roi  iuif  s'y    présentant  les 


(i)  Sud  d'Antioche  maritime. 


284 


DEPUIS  LA  CONQUETE  DE  POMPÉE 


mains  pleines,  il  parvint  à  arracher  un  verdict  en  sa  faveur. 
A  son  retour  à  Jérusalem  il  soupçonna  son  oncle  et  beau-frère 
Joseph    (i),    gouverneur    de    l'Idumée,    d'avoir    des    rapports 
avec  Mariamme  et  le  fit  mettre  à  mort  (34). 

Déjà  nous  avons  vu  Cléopâtre  prendre  parti  pour  Alexandra 
contre  Hérode.  A  force  de  sollicitations,  elle  finit  par  obtenir 
d'Antoine,  qu'elle  avait  accompagné  jusqu'à  l'Euphrate,  la  pos- 
session de  nouveaux  territoires,  aux  dépens  du  roi  juif.  Indé- 
pendamment d'une  partie  des  terres  nabatéennes  de  Malchus, 
elle  devint  souveraine  de  la  côte  philistine  et  phénicienne 
jusqu'au  fleuve  Eleuthérus  (aujourd'hui  le  Nahr  el  Kébîr),  — 
à  l'exception  toutefois  de  Tyr  et  de  Sidon,  —  ainsi  que  de  la 
plantureuse  région  de  Jéricho  (2). 

Hérode  n'eut  qu'à  s'incliner  ;  moyennant  deux  cents  talents  à 
payer  annuellement,  il  put  toutefois  garder  en  location  les  terri- 
toires ainsi  enlevés,  et,  lors  du  retour  de  Cléopâtre  en  Eg3^pte, 
force  lui  fut  encore  de  ménager  à  cette  reine  un.  accueil  ro3'al. 
L'astucieuse    essaya  bien    à    cette    occasion    de    gagner  le 

cœur  d' Hérode,  mais 
sans  y  parvenir.  L'Idu- 
méen  songea  même  un 
instant  à  la  faire  périr, 
mais  il  en  fut  dissuadé 
et  il  l'accompagna  jus- 
qu'à la  frontière  égyp- 
tienne, non  sans  l'avoir 
comblée  de  présents. 

Le    despotisme    pas- 
sionné    que     Cléopâtre 
exerçait  sur  Antoine  de- 
vait hâter  la  perte  de  son  amant.  Avant  d'avoir  rencontré  la 


Quadruple  denier  d' Antoine  et  de  Cléopâtre. 

a/  Tête  de  Marc  Antoine. 

ANTÛNIOC     AYTOK.PATQP     TH 
TûN     TPIÛN     ANAPÛN. 
r/  Tête  diadémée  de  Cléopâtre. 

BACIAICCA     KAEOIIATPA 
OCAN     CûTEPA. 


(i)  Ce  Joseph  était  frère  tl'Antipater,  le  père  d'IIérode,  et  avait  épousé 
Salomé,  sa  nièce,  nue  sœur  d'Hérode. 

(2)  C'était,  au  dire  des  iiistoriens  et  géographes  de  l'aiiticiuité,  une  con- 
trée extraordinairenient  fertile.  Son  climat  sous-tropical  permettait  d'y 
cultiver  en  grand  les  palmiers  et  halsamiei's,  qui  lui  donnaient  sa  beauté 
enchanteresse  et  sa  richesse  de  rapport.  De  nos  jours,  il  en  serait  encore 
ainsi,  si  le  gouvernement  turc  était  moins  décourageant  pour  les  i^lanteurs. 


I 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉBA.         285 

pharaone,  Antoine  s'était  marié  avec  Octavia,  la  sœur  d'Octa- 
vien,  son  collègue  dans  le  triumvirat.  La  conduite  qu'il  menait 
en  Orient  irrita  son  épouse  et  son  beau-frère.  Il  mit  le  comble 
à  leur  colère  et  à  son  insolence,  lorsque,  après  sa  dernière 
expédition  en  Arménie,  il  donna  des  provinces  romaines  en 
partage  aux  enfants  de  Cléopatre,  et  envoya  à  Octavia  ses 
lettres  de  divorce. 

En  32,  Octavien  fit  destituer,  par  un  plébiscite,  Antoine 
comme  généralissime  et  déclarer  la  guerre  à  Cléopatre.  Hérode 
mit  aussitôt  ses  troupes  au  service  d'Antoine;  mais  Cléopatre, 
vindicative  en  même  temps  qu'intéressée,  obtint  de  son  amant 
aveuglé  qu'Hérode  fût  chargé  de  combattre  à  nouveau  l'arabe 
Malchus  qui  avait  cessé  de  payer  son  tribut.  Durant  cette  cam- 
pagne, où  les  succès  et  les  revers  alternèrent,  la  Palestine  fut 
secouée,  au  printemps  de  3i,  par  un  tremblement  de  terre  qui 
fit  trente  mille  \'ictimes.  Hérode  eut  enfin  raison  de  son  adver- 
saire, mais  peu  après,  le  2  septembre  3i,  la  bataille  navale 
d'Actium  se  termina  par  le  désastre  complet  de  la  flotte 
d'Antoine  et  de  Cléopatre.  Tous  deux  s'enfuirent  en  Egypte, 
où  ils  essayèrent  encore  de  résister,  mais,  poursuivis  bientôt 
par  Octavien  et  abandonnés  de  leurs  troupes,  ils  finirent  leur 
vie  par  le  suicide  au  mois  d'août  de  l'an  3o. 

Heureusement    qu'Hérode    n'avait    pas    eu    l'occasion    de        César 
se    ranger    parmi    les    adversaires  avoués  d'Octavien.   Il  put     Octavien 
d'autant  plus  aisément  virevolter  et  prouva  aussitôt  son  attache-        "sus  e 
ment  au  nouveau  maître,  en  s'opposant  avec  Didius,  le  nou- 
veau  proconsul    de    Syrie,  à  une   troupe  de    gladiateurs   de 
Cyzique,   qui   voulaient  aller    porter    secours    à   Antoine   en 
Egypte. 

Puis,  craignant  une  possibilité  de  compétition  de  la  part  du 
vieil  Hyrcan,  il  le  rit  mettre  à  mort  sous  prétexte  que  le  pauvre 
octogénaire  avait  conspiré  avec  le  nabatéen  Malchus  ;  après 
quoi  il  se  rendit  auprès  d'Octavien,  alors  à  Rhode,  en  route 
pour  l'Egypte  (printemps  de  3o).  Il  fut  confirmé  dans  sa  dignité 
royale,  et,  quand  en  automne  de  cette  même  année  Octavien 
revint  en  triomphateur  de  l'Egypte,  convertie  par  lui  en  pro- 
vince romaine,   Hérode  récupéra  le  territoire  de  Jéricho,  ainsi 


286  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

que  les  villes  de  Gadara,  Hippos,  Samarie,  Gaza,  Anthédon, 
Joppé  et  la  tour  de  Straton. 

Octavien  régla  les  affaires  d'Asie,  puis  au  sixième  mois  de  29, 
(appelé  depuis  lors  Augustus),  il  revint  à  Rome  où  il  obtint 
rimpermm  proconsulaire  sur  toutes  les  provinces,  c'est-à-dire 
le  pouvoir  impérial.  En  27,  le  Sénat  lui  décerna  le  titre 
(^Auguste  que  porteront  dans  la  suite  tous  les  empereurs. 
Malgré  la  bonne  fortune  d'Hérode,  son  entourage  ne  connut 
guère  plus  de  tranquillité.  Il  soupçonna  Mariamme  et  un  certain 
Soème  de  rapports  illicites  et  les  fit  mettre  à  mort  en  2g.  Puis, 
pris  de  remords,  il  chercha  à  s'étourdir  dans  des  distractions 
bruyantes,  au  point  qu'il  tomba  mortellement  malade  à  Sama- 
rie. Alexandra,  croyant  qu'il  ne  relèverait  plus,  voulut  s'assurer 
la  possession  de  la  citadelle  de  Jérusalem,  ainsi  que  celle  du 
temple.  Mais  les  commandants  des  deux  forteresses  prévin- 
rent Hérode,  et  celui-ci  donna  ordre  d'exécuter  Alexandra  (28). 
Le  gouverneur  de  l'Idumée,  Costobarus,  marié  à  Salomé,  la 
sœur  d'Hérode,  subit  le  même  sort  en  25,  pour  avoir  abrité 
des  parents  éloignés  appartenant  à  la  dynastie  asmonéenne. 
Ceux-ci  furent  également  tués  et  ainsi  disparurent  les  derniers 
compétiteurs  possibles. 

Le  règne  d'Auguste  se  caractérisa  par  une  impulsion  puis- 
sante donnée  au  commerce,  à  l'industrie,  ainsi  qu'aux  travaux 
d'embellissement  et  d'utilité  publique;  l'empire,  maintenant 
en  paix,  avait  d'ailleurs  besoin  de  se  remettre  de  la  perturba- 
tion apportée  les  dernières  années  tant  par  les  guerres  à  l'exté- 
rieur que  par  les  guerres  civiles.  Dans  toutes  les  provinces 
on  rivalisa  pour  satisfaire  le  maître  du  monde  dans  l'accom- 
plissement de  ses  desseins.  Hérode  témoigna  d'une  activité 
enthousiaste  dans  ce  domaine  et  la  Palestine  connut  une 
recrudescence  de  culture  hellénique. 

Jérusalem  vit  s'élever  un  théâtre,  un  amphithéâtre  et  un 
hippodrome;  en  même  temps  le  roi  se  bâtissait  dans  la  ville 
haute  un  palais  luxueux,  défendu  au  Nord  par  les  trois  tours 
Phasaël,  Hippicos  et  Mariamme  (i).  Déjà  auparavant  il  avait 


(i)  Des  noms  du  frère  mort  en  40,  d'un  ami  et  de  sa  femme.  D'une  de 
ces  tours  (probablement  la  tour  Phasaël)  il  reste  encore  le  soubassement, 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         287 

transformé  la  forteresse  qui  dominait  le  temple  au  Xord-Ouest 
et  l'avait  appelée  «  Antonia  »  en  l'honneur  du  triumvir. 

Samarie  fut  splendidement  restaurée  et  son  nom  changé  en 
Sébaste;  sur  la  côte  il  remplaça  la  tour  de  Straton  par  une  ville 
entièrement  neuve  qu'il  appela  Césarée,  au  milieu  de  laquelle 
il  éleva,  en  l'honneur  de  l'Empereur,  un  temple,  visible  à  grande 
distance  en  mer  ;  une  jetée  large  et  longue  protégeait  les 
navires  entrant  en  rade.  Il  construisit  en  outre  plusieurs  villes 
nouvelles,  qu'il  appela  du  nom  de  ceux  qui  lui  furent  chers  : 
Antipatris ,  Kypros,  Phasaelis,  Agrippeion  (i);  il  décora 
deux  forteresses  de  son  nom  :  Hérodium  (2);  il  restaura  ou 
consolida  les  places  fortes  d'Alexandrium,  Hyrcania,  Maché- 
ronte  et  Masada,  et  installa  plusieurs  colonies  militaires  dans 
le  pa3's.  Sa  générosité  et  sa  munificence  de  bâtisseur  dépas- 
sèrent d'ailleurs  les  étroites  frontières  palestiniennes  (3),  tout 
en  demeurant  finalement  à  charge  à  ses  sujets.  Il  visa  néan- 
moins à  leur  laisser  un  souvenir  reconnaissant  et  admirateur 
en  réédifiant  dans  des  proportions  grandioses  et  avec  une 
magnificence  particulière  le  temple  de  Jérusalem.  L'entreprise 
fut  commencée  la  dix-huitième  année  de  son  règne  (20-19)  ^t 
dédiée  après  neuf  ans  et  demi;  elle  n'obtint  toutefois  son  der- 
nier achèvement  qu'en  64  après  J.-C,  peu  de  temps  avant  sa 
destruction.  Le  traité  Middot  de  la  Mischna  la  décrit  en 
détail  et  l'on  se  rappelle  l'admiration  des  disciples  devant  ces 
constructions  grandioses  dont  il  ne  devait  pas  rester  pierre 
sur  pierre.  (Mat.,  XXIV,  i  ss.,  Marc,  XIII,  i  ss.) 

Hérode  avait  donc  donné  une  certaine  satisfaction  à  ses 
sujets  juifs,  par  l'érection  d'un  temple  à  jamais  mémorable; 
pour  le  reste  il  visa  à  témoigner,  en  toutes  circonstances  et  par 


appelé  aujourd'hui  «  tour  de  David  ».  Ce  palais  occupait  l'emplacement  de 
la  citadelle  actuelle  et  d'une  partie  du  grand  jardin  des  Arméniens. 

(i)  Antipatris,  du  nom  de  son  père,  remplaça  l'ancienne  Kapharsaba  ; 
Kypros,  du  nom  de  sa  mère,  tut  bâtie  aux  environs  de  Jéricho  ;  Phasaelis, 
du  nom  de  son  frère,  au  Nord  de  la  même  localité  ;  Agrippeion,  du  nom  du 
gendre  d'Auguste,  remplaça  l'ancienne  Anthédon  (sur  la  côte,  au  Nord  de 
Gaza). 

(2)  L'une  au  Nord  de  Thécoa,  aujourd'hui  le  mont  des  Francs,  l'autre 
dans  la  montagne,  aux  confias  du  royaume  nabatéen. 

(3-  Cfr.  ScHiiRER,  I, p.  Sgi  ;  Fklten,  I,  p.  iiii. 


288  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

tous  les  moyens,  de  son  esprit  hellénisateur.  Il  ne  se  contenta 
pas  de  bâtir  des  cités  et  dans  celles-ci  des  monuments  publics 
et  des  temples  païens;  il  institua,  entre  autres  à  Césarée  et  à 
Jérusalem,  des  jeux  périodiques;  dans  sa  résidence  à  Jérusalem 
il  aménagea  des  parcs  et  des  jardins  traversés  d'avenues, 
rafraîchis  par  des  jets  d'eau,  et  égayés  par  la  présence  de  pi- 
geons apprivoisés.  En  23  il  avait  envoyé  ses  deux  fils, 
Alexandre  et  Aristobule,  faire  leur  éducation  à  Rome;  il  s'en- 
toura d'hellénistes  de  premier  ordre  auxquels  il  confiait  les 
charges  les  plus  importantes  et  qu'il  se  plaisait  à  écouter  :  de 
ce  nombre  fut  l'historien  connu  Nicolas  de  Damas.  {Ant.,  1. 
XVI  et  XVII  passim.) 

L'introduction  de  cette  civilisation  païenne  lui  valut  —  il  n'y 
a  pas  lieu  dé  s'en  étonner  —  l'antipathie  des  Juifs.  Le  parti 
pharisien  jouissait  depuis  Alexandra  de  la  faveur  populaire; 
encore  qu  Hérode  le  ménagea  à  bien  des  égards,  la  façon  dont 
il  hellénisait  et  par  suite  paganisait  tout  son  pays,  ne  pouvait 
que  lui  attirer  leur  réprobation.  Aussi,  lorsque  vers  l'an  20,  il 
exigera  du  peuple  un  serment  de  fidélité  à  l'empereur  et  à  sa 
personne,  six  mille  d'entre  eux  le  refuseront  net,  quittes  à  payer 
une  amende  d'importance.  D'ailleurs  le  Sanhédrin,  la  grande 
autorité  juive  dûment  reconnue,  n'eut  plus  l'ombre  de  pouvoir; 
quant  au  suprême  pontificat,  Hérode  en  instituait  ou  en  dépo- 
sait le  titulaire  à  son  gré  et  selon  ses  caprices,  ce  qui  n'allait 
pas  sans  profit  pour  sa  caisse.  Ajoutons  que  le  parti  saddu- 
céen,  étroitement  attaché  à  la  dynastie  asmonéenne,  le  consi- 
dérait comme  un  intrus,  et  l'on  comprendra  aisément  que  les 
hautes  classes  de  la  nation  lui  étaient  franchement  hostiles. 

Il  n'en  allait  pas  autrement  du  petit  peuple  qu'il  accablait 
d'impôts  pour  pouvoir  couvrir  toutes  ses  fastueuses  dépenses 
(i)  et  qu'il  faisait  surveiller  par  ses  espions,  prêt  à  se  défai- 
re de  quiconque  lui  paraissait  suspect.  Vers  les  années  25  il 
avait  failli  être  victime  du  complot  de  dix  citoyens  qui  avaient 
juré  de  le  tuer  au  théâtre  :  leur  entreprise  éventée  et  avortée 


(I)  Le  total  auûuel  des  impots  prélevés  daus  ses  territoires  comportait 
à  la  fin  de  son  règne  à  peu  près  1.200  talents  juifs,  somme  équivalant  à  plus 
de  II  millions  de  francs.  (Cfr.  Felten,  I,  p.  i25.) 


jusqu'à    l'échec    DEFINITIF    DE    BARKOKÉBA.  289 

leur  avait  coûté  la  vie;  mais  depuis  lors  il  s'entoura  de  tant  de 
précautions,  usa  de  tant  de  voies  d'intimidation  que  pareille 
tentative  ne  se  répéta  plus.  Aux  forteresses  déjà  existantes 
s'étaient  ajoutées,  comme  nous  l'avons  dit,  celles  de  Maché- 
ronte  (i)  et  de  Masada  (2),  intimidant  autant  les  habitants 
mêmes  du  pavs  que  les  voisins;  il  avait  à  sa  dévotion  une 
armée  de  mercenaires  étrangers,  et  il  empêchait  par  des  me- 
sures de  police  interdisant  le  moindre  rassemblement,  toute 
tentative  de  révolte  ou  de  conspiration.  (Ant.,  1.  XV,  ch.  ro, 
§  4  et  1.   XVII  passi))i.) 

On  comprend  que  toutes  ces  mesures  n'étaient  pas  pour  lui 
concilier  les  sympathies  populaires,  malgré  que  certains  de  ses 
gestes  étaient  de  nature  plutôt  réparatrice  :  tels  l'érection  du 
temple  de  Jérusalem,  la  création  du  port  de  Césarée,  la  sécu- 
rité assurée  au  commerce  et  à  la  circulation  (3),  même  par 
deux  fois  la  remise  d'une  partie  des  impôts  (4).  Pour  tout 
autre  qu'Hérode  ç'eurent  été  des  motifs  d'être  acclamé;  les 
griefs  qu'on  avait  contre  lui  n'en  furent  aucunement  diminués; 
il  est  vrai  que  de  son  vivant  il  ne  rencontra  plus  de  résistance 
ouverte,  tant  il  avait  terrorisé  ses  adversaires. 

Si  Hérode  put  se  maintenir  malgré  l'antipathie  de  ses  sujets, 
il  ne  réussit  pas  moins  dans  la  sauvegarde  de  sa  situation 
politique  extérieure;  c'est  même  par  elle  que  son  règne  acquit 
le   plus  d'éclat.    La   condition   d'un  roi  allié,   tel  qu'Hérode 


(i)  Alexandre  .Tanuée  y  avait  jadis  élevé  uu  fort,  qui  fut  rasé  par  les 
Romains  eu  07;  entre  20  et  i3  Hérode  le  Grand  bâtit  sur  cet  emplacement 
une  construction,  à  la  fois  forteresse  pour  s'opposer  aux  Xabatéens,  et 
résidence  d'agrément  pour  jouir  du  voisinage  des  eaux  thermales  de  Cal- 
lirrhoé  et  de  Baarou. 

Cfr.  Abei-,  Une  croisière  autour  de  la  mer  Morte,  Paris,  Gabalda,  1911, 
p.  33  ss. 

(2)  Le  rocher  de  ?*Iasada,  sur  la  rive  gauche  de  la  mer  Morte,  en  face  de 
la  Lisàn,  était  encore  autrement  inaccessible  que  Machéronte  :  c'est  là 
qu'en  73  ap.  J.  C.  les  sicaires  juifs  opposeront  une  défense  désespérée  aux 
Romains.  Voir  détails  sur  cette  place  fortifiée  :  Abel,  op.  laiid.,  p.  108  ss. 

(3)  \'ei's  l'an  19  il  promulgua  un  édit  condamnant  les  voleur>^  à  èti'e  ven- 
dus comme  esclaves  à  l'étranger  :  moyen  d'ailleurs  ingénieux  d'accroitre 
ses  revenus.  {Ant.,  1.  XVI,  ch.  i,  §  i.) 

(4)  En  l'an  20  elle  fut  d'un  tiers,  en  l'an  14  d'un  quart.  (Ant.,  1.  X^',  ch.  10. 
§4;1.  XVl.ch.  2,  §5.) 

19 


290 


DEPUIS    LA    CONQUETE    DE    POMPEE 


et  les  autres  souverains  syriens,  était  essentiellement  subor- 
donnée et  précaire.  Leur  pouvoir  et  leur  titre  de  roi  (i) 
devaient  être  expressément  reconnus  par  l'empereur;  pour 
passer  à  leurs  héritiers  il  fallait  un  nouveau  décret  impérial 
qui  fréquemment  modifiait  l'ordre  de  choses  existant  Ce  vas- 
selage  impliquait  diverses  obligations  et  restrictions  :  la  pres- 
tation d'un  tribut  au  moins  occasionnellement,  l'appui  de 
troupes  contre  les  ennemis  de  l'empire,  la  défense  de  contracter 
des  alliances  étrangères  ou  d'entreprendre  une  guerre  autono- 
me, la  frappe  de  la  monnaie  généralement  limitée  au  billon.  A 
part  cela,  l'administration  interne  du  pays  obtenait  ses  droits 
ordinaires  dans  l'exercice  des  pouvoirs  judiciaire,  financier  et 
militaire.  Toutes  ces  particularités  se  trouvèrent  maintes  fois 
vérifiées  sous  les  dynastes  iduméens,  et  Hérode  s'entendit  à 
merveille  à  exploiter  les  latitudes  lui  concédées,    pour  gagner 

les  faveurs  des  Romains 
/f^  .,  ^  et  s'en  servir  au  bénéfice  de 
l'extension  de  son  pouvoir. 
Autant  il  était  despote 
vis-à-vis  des  siens,  autant  il 
se  montrait  obséquieux  en- 
vers le  dominateur  romain. 
Nous  l'avons  vu  rechercher 
les  bonnes  grâces  d'Au- 
guste,   alors    que    celui-ci 


Bronze  d' Hérode  le  Grand. 


a/  Trépied.  A  gauche  la  date  (illisible  sur 
le  dessin)  L  r  (an  3). 

A  droite  :  monogramme. 

Tout  autour  :  (B)AS1AEÛ2  HPÛA. 
r/  Casque    avec  jugulaire  accosté   de  deux     avait  CU  l'avantage  SUr  An- 

P^^"^^^-  toine.  Plus  tard  il  ne  man- 

qua aucune  occasion  de  lui  rendre  hommage, et  jusqu'à  trois  fois 
il  lui  fit  visite  à  Rome. Il  se  lia  également  d'amitié  avec  Agrippa, 
le  familier  devenu  le  beau-fils  d'Auguste.  Le  résultat  de  ces  liai- 
sons fut  une  extension  toujours  plus  grande  de  son  royaume. 
Vers  23,  il  se  vit  octroyer  la  Trachonitide,  la  Batanée,  et  le 
Hauran;  trois  ans  plus  tard,   il   acquit   l'Iturée  (2)  dans    le 


(i)  Il  fallait  un  territoire  d'une  certaine  étendue  pour  constituer  un 
royaume;  l'appellation  de  tétrarchie  était  plus  fréquente,  sans  que  ce  voca- 
ble impliquât,  comme  son  étymologie  le  ferait  croire, la  réunion  de  quatre 
jirincipautés. 

(2)  D'après  i  Chron.,  I,  3i,  Jétur  était  un  des  fils  d'Ismaol.  i  Chrou.,  V^ 


jusqu'à  l  échec  définitif  de  barkokéba.         291 

Liban,  avec  les  districts  d'Ulatha  et  de  Panéas,  et  obtint  de 
nommer  son  iVère  Phéroras  tétrarque  de  la  Pérée  (i).  Enfin, 
sa  haute  influence  obtint  aux  Juits  de  la  diaspora  d'èire  pré- 
servés de  tous  ennuis  dans  l'étendue  de  l'empire. 

C'est  l'éclat  extérieur  de  son  règne  qui  valut  à  Hérode  d'être 
nommé  «  le  Grand  »;  son  impopularité  auprès  de  ses  sujets 
ne  lui  aurait  pas  décerné  ce  titre.  Les  misères  familiales  (jui 
assombrirent  surtout  les  neuf  dernières  années  de  sa  vie, 
firent  de  lui  le  plus  misérable  des  hommes. 

Quand  on  saura  qu'il  avait  épousé  dix  femmes  (2),  on  ne 
s'étonnera  pas  qu'il  dut  se  produire  des  rivalités  entre  tous  ces 
ménages.  Alexandre  et  x\ristobule,  les  deux  fils  de  Mariamme, 
la  petite  fille  d'Hyrcan,  avaient  passé  cinq  années  à  Rome, 
(de  23  à  ï8  ans   environ).    De   retour  en  Palestine,  Alexandre 


i9-2>,  nous  racontant  les  prises  de  possession  par  les  tribus  de  Rubeu,  (iad 
etManassé,  mentionne  parmi  les  peuplades  vaincues  les  Ituréens  et  parle 
du  territoire  entre  Kasan  jusi^u'au  Baal  Hermon  et  à  Sénir  et  à  la  monta- 
gne dllermon. 

D'après  Strauox  (Geogr.,  1.  XVI,  ch.  ^2,  S  10)  leur  région  est  à  placer  à 
coté  de  la  Damascène  sur  l'Anti-Liban,  sa  pente  orientale,  et  dans  une 
partie  de  la  plaine  située  au-dessous. 

Pendant  la  domination  assyrienne  l'Iturée  fut  occupée  par  des  colons 
étrangers.  Aristobule  I  reconquit  une  partie  du  pays  en  104  et  obligea  les 
habitants  à  embrasser  le  judaïsme  ovi  à  s'exiler.  Strabon  (loc.  cit.)  semble 
leur  donner  i)our  capitale  la  ville  de  Chalcis  dans  le  Liban.  Lorsque  Pom- 
pée sempara  du  pays,  les  Ituréens  faisaient  partie  d'une  confédération  (lui 
avait  pour  chef  un  certain  Ptolémée,  fils  de  Mennée,  dont  le  royaume  com- 
prenait les  montagnes  de  l'Iturée  et  la  plaine  de  Massyas  (entre  Liban  et 
Anti-Liban  vers  Baalbeki.  Ptolémée  devint  vassal  de  Rome.  11  eut  pour 
successeur  son  filsLysanias  (4o).  A  l'instigation  de  Cléopàtre,  Antoine  le 
fit  mettre  à  mort.  Cette  région,  après  avoir  passé  eu  partie  par  les  mains 
de  Zénodore  qui  la  reçut  à  ferme  de  Cléopàtre,  fut  donnée  par  Auguste  à 
Hérode  le  Grand.  Après  sa  mort  l'Iturée  passa  à  son  fils  Philippe,  plus  tard 
à  Agrippa  I  et  II.  (Voir  Vigouroux,  Dict.  Bibl.  au  mot  Iturée,  tome  III, 
col.  1089  1042;  —  Rev.  Hibl.,  iS()8,  pp.  278-79.) 

(i<|On  nommait  Pérée  cette  portion  du  royaume  hérodien  qui  s'étendait 
du  Jourdain  à  Philadelphie  (Amman)  exclusivement,  et  de  Pella  à  Maché- 
ronte.  Auiii,,  op.  laiid.,  p.  33. 

(2)  Doris  fut  la  première  ;  il  la  répudia  avant  d'être  roi.  Il  en  eut  un  fils, 
nommé  \ntipater. 

En  3-,  Mariamme,  de  la  race  des  Asmonéens,  devint  la  seconde;  il  en  eût 
trois  fils  et  deux  filles.  Le  plus  jeune  des  fils  mourut  à  Rome  ;  les  noms  des 
deux  autres  sont  Alexandre  et  Aristobule.  Ce  dernier  fut  père  d'Agrippa  I, 


2g2  DEPUIS    LA    CONQUETE    DE    POMPÉE 

épousa  Glaph3Ta,  une  fille  d'Archélaus,  roi  de  Cappadoce. 
Aristobule  se  lia  à  sa  cousine  Bérénice,  dont  la  mère  Salomé 
était  la  sœur  d'Hérode.  Celle-ci  vit  de  mauvais  œil  le  retour 
des  fils  de  Mariamme  ;  elle  ne  cessa  de  les  accuser  auprès 
d'Hérode  de  tramer  contre  lui  des  projets  criminels,  et,  comme 
Hérode  était  bien  conscient  qu'ils  pouvaient  venger  la  mort  de 
leur  mère  (cfr.  sitpra  p.  286),  il  rappela  près  de  lui  un  autre  pré- 
tendant éventuel  au  trône  :  Antipater,  le  fils  de  Doris  sapremière 
épouse,  et  renvo3'a  à  Rome  avec  Agrippa  en  i3,  pour  le  faire 
présenter  à  l'empereur.  A  peine  de  retour,  Antipater  profita  de 
la  situation  pour  évincer  les  fils  de  Mariamme  en  les  calom- 
niant de  concert  avec  Salomé  et  Phéroras.  D'ailleurs,  Gla- 
phyra,  fière  de  sa  lignée  royale  [Bell,  jud.,  1.  i,  ch.  24,  §  2), 
le  prenait  de  haut  avec  Salomé  et  Bérénice  se  lamentait  de  ce 
que  son  mari  lui  en  voulait  de  n'être  pas  fille  de  roi.  (Aiit., 
1.  XVI,  ch.  3,  §  I.) 

Alexandre  et  Aristobule  se  plaignirent  amèrement  du  chan- 
gement qui  s'opérait  à  leur  égard  et  commencèrent  à  s'ex- 
primer librement  sur  la  mort  de  leur  mère. 

La  tension  devint  telle  entre  les  deux  fils  et  le  père,  que 
celui-ci  se  décida  à  se  rendre  avec  eux  en  l'an  12  à  Aquilée, 
pour  les  accuser  devant  l'empereur.  Mais  l'ainé,  Alexandre,  se 
défendit  en  termes  si  nobles  qu'Auguste  lui-même  voulut  la 
réconciliation  entre  eux  et  leur  père.  {Ant.  1.  XVI,  ch.  4,  §  1-6.) 


roi  de  Judée,  d'Hérode,  roi  de  Clialcis  et  d'Hérodiade,  dabord  épouse  de 
Philippe,  puis  amante  d'Aiitipas. 

La  troisième  (vers  l'année  24)  l'ut  une  autre  Mariamme,  iiUe  de  Simon, 
prêtre  de  .Térusalem,  orisflnaire  d'Alexandrie.  Elle  lui  donna  un  fils  nommé 
Hérode,  plus  connu  sous  le  nom  de  Philippe,  époux  d'Hérodiade. 

De  la  quatrième  et  de  la  cinquième  il  n'eut  pas  d'enfants. 

De  la  sixième,  Malthace,  une  Samaritaine,  il  eut  Archélaûs  qui  gouvei'ua 
plus  tard  la  moitié  du  royaume,  et  Philippe  (qu'on  appelle  encore  Autipas) 
qui  épousa  Salomé,  fille  d'Hérodiade. 

De  la  septième,  Cléopàire,  il  eut  deux  autres  fils,  Hérode  et  Autipas 
(qui  s'appella  aussi  Philippe).  C'est  lui  qui  toui-na  le  Christ  en  dérision. 

De  la  huitième,  nommée  Pallas,  il  eut  un  fils  du  nom  de  Phasaël. 

De  la  neuvième,  nommée  Phédrn.  il  eut  une  lille  Rossana. 

De  la  dixième,  Elpidie,  il  eut  une  autre  fille  du  nom  de  Salomé. 

(Cfr.  Z.VNECCHIA,  La  Palestine  cl'aujotird'Jmi.  Paris,  Lethielleux,  1899, 
T.  I,  pp.  i57-i58.  —  SCHURER,  I,  pp.  406-407.) 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.        293 

Elle  ne  pouvait  guère  durer,  tous  les  membres  de  la  branche 
iduméenne  s'entendant  à  comploter  la  perte  des  fils  de 
Mariamme.  Bérénice  transmettait  à  sa  mère  la  moindre  confi- 
dence lui  faite  par  Aristobule,  et  Hérode  fut  accusé  auprès 
d'Alexandre  de  rapports  coupables  avec  Glaphyra.  Les  fausses 
dénonciations  devinrent  telles,  que  plusieurs  partisans  des 
deux  frères  furent  mis  à  la  torture,  jusqu'à  ce  que  l'un  d'eux 
parla  d'une  accusation  inventée  par  Alexandre,  et  d'après 
laquelle  Hérode  devait  être  dénoncé  auprès  de  l'empereur 
comme  entretenant  des  relations  hostiles  aux  Romains  avec 
Mithridate,  le  roi  parthe.  Là-dessus  Alexandre  fut  mis  en  pri- 
son, mais  l'intervention  de  son  beau-père,  Archélaùs,  le  roi  de 
Cappadoce,  réussit  une  fois  encore  à  rétablir  une  courte  en- 
tente. {A}it.  1.  XVI,  ch.  8,  §§  2-6.) 

Vers  cette  époque  Hérode  faillit  encourir  la  disgrâce  de 
l'empereur.  Une  quarantaine  d'habitants  de  la  Trachonitide, 
avaient  ameuté  ce  pays,  à  cause  de  la  sévérité  avec  laquelle 
Hérode  administrait  ce  repaire  de  bandits,  et  ils  s'étaient  ré- 
fugiés auprès  de  Sylleus,  roi  des  Arabes.  N'obtenant  pas  leur 
extradition,  Hérode,  appu3'é  par  Saturninus,  le  légat  de  Syrie, 
envahit  le  territoire  arabe  pour  se  faire  justice.  Mais  S3'lleus 
l'accusa  à  Rome  de  violation  illicite  de  frontières,  et  lui  fit 
effectivement  perdre  la  faveur  impériale.  Une  première  ambas- 
sade, envoyée  par  le  roi  juif  pour  se  justifier,  ne  fut  même  pas 
reçue.  Il  en  fallut  une  nouvelle,  conduite  cette  fois  par  Nicolas 
De  Damas,  pour  plaider  et  gagner  la  cause  du  monarque.  (A?tt. 
1.  XVI,  ch.  g,  §4;  cfr.  Fragm.  Jiist.  graec,  t.  III,  p.  35i,) 

L'arrivée  à  la  cour  de  Jérusalem  d'un  Spartiate  du  nom 
d'Euryclès,  un  ami  d'Antipater,  compromit  définitivement  les 
deux  malheureux  fils  de  Mariamme.  Faussement  accusés  de 
comploter  la  perte  de  leur  père,  ils  furent  jetés  dans  les  fers  à 
Jéricho,  et  incriminés  de  haute  trahison  auprès  de  l'empereur. 
Celui-ci,  fraichement  réconcilié  avec  Hérode,  lui  donna  plein 
pouvoir,  tout  en  lui  conseillant  d'instituer  un  tribunal  à  Ber^tos 
(la  moderne  Beyrouth),  A  l'exception  de  Saturninus,  de  ses  trois 
fils  et  de  quelques  autres,  le  reste  des  membres  qui  le  compo- 
saient jugèrent  les  accusés  dignes  de  mort.  Un  vétéran,  appelé 
Téron,    voulut  intercéder  en  leur  faveur  ;   lui  et  trois   cents 


294  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

soldats  furent  mis  à  mort,  convaincus  d'être  des  partisans  des 
victimes  :  celles-ci  furent  pendues  à  Sébaste.  (Ant.,  1.  XVI, 
ch.   lo  et  II.) 

Antipater  avait  maintenant  le  champ  libre,  mais  son  impa- 
tience d'arriver  au  pouvoir  le  perdit  à  son  tour.  Il  s'entendit 
avec  Phéroras  pour  précipiter  la  fin  d'Hérode;  or,  celui-ci  tut 
mis  au  courant  par  Salomé  de  ce  qui  se  tramait.  Toutefois  le 
roi  rejeta  la  faute  sur  l'entourage  de  Phéroras,  composé  en 
grande  partie  de  Pharisiens.  Ceux-ci  furent  exécutés,  et  Anti- 
pater envoyé  à  Rome  pour  y  faire  approuver  le  testament 
l'instituant  héritier;  il  était  prévu  qu'en  cas  de  décès  d'Antipa- 
ter,  ce  serait  Philippe  Hérode,  fils  de  la  seconde  Mariamme 
(l),  qui  monterait  sur  le  trône.  Phéroras,  renvoyé  dans  sa 
tétrarchie,  y  mourut  bientôt. 

On  découvrit  alors  qu'Antipater  lui  avait  remis  du  poison 
pour  en  finir  avec  le  vieux  roi.  Peu  après  arriva  à  la  même 
adresse  un  nouvel  envoi  de  poison,  ainsi  qu'une  lettre  calom- 
nieuse dans  laquelle  Antipater  tâchait  de  perdre  deux  autres  de 
ses  frères  :  Archélaùs  et  Antipas-Philippe.  (2)  La  domesticité 
de  la  maison  de  Phéroras  acheva  d'édifier  Hérode  sur  les  senti- 
ments de  son  héritier  présomptif.  Une  lettre  des  plus  cordiales  in- 
vita Antipater  à  un  prompt  retour.  Ignorant  que  tout  était  décou- 
vert, il  se  laissa  prendre  au  piège;  à  peine  revenu,  il  fut  saisi; 
acculé  par  l'évidence  des  témoignages,  il  fut  jeté  dans  les  fers 
et  son  cas  dénoncé  auprès  de  l'empereur.  {Ant.  1.  XVII, 
ch.  I  à  5.) 

Cependant  la  fin  du  monarque  septuagénaire  approchait.  Une 
maladie  des  intestins  se  déclara  qui  fit  croire  à  un  dénoùment 
subit.  Le  lioi  modifia  son  testament  en  faveur  de  Philippe-Anti- 
■  pas,  fils  cadet  de  Malthace.  Le  mal  empira  rapidement.  A  l'ulcé- 
ration des  entrailles  se  joignit  l'hydropisie  et  les  vers  rongeaient 
certains  membres  déjà  en  décomposition.  Il  se  fit  transporter 
aux    sources   thermosulfureuses    de  Callirrhoé  (3),  puis,  n'en 


(i)  En  même  temijs  qu'elle  devenait  sa  femme,  sou  père  était  devenu 
grand  prêtre  vers  l'année  24.  Voir  la  note  précédente. 

(2)  Archélaiis,  fils  aine  de  Malthace  la  Samaritaine,  et  Antipas-Philippe, 
fils  de  Cléopâtre  de  Jérusalem. 

(3)  Sur  la  côte  N.-E.  de  la  mer  Morte;  localité  identique  à  l'Aïu-az-Zârah 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         295 

supportant  plus  l'action,  reconduire  à  Jéricho.  Les  derniers 
jours  s'achevèrent  dans  des  ordres  monstrueusement  sangui- 
naires et  dans  des  douleurs  atroces,  (i)  Il  reçut  encore  à 
temps  le  permis  de  l'empereur  d'en  agir  à  sa  guise  avec  Anti- 
pater  et  l'ignoble  fratricide  périt  peu  avant  la  mort  de  son 
exécrable  père.  Un  dernier  changement  testamentaire  désigna 
Archélaùs  comme  roi,  institua  Antipas-Philippe  tétrarque  de 
Galilée  et  de  Pérée,  et  assigna  à  Philippe-Antipas  la  tétrarchie 
de  la  Gaulanitide,  de  la  Trachonitide,  de  la  Batanée  et  de  la 
région  de  Panéas.  D'autres  legs  favorisaient-  sa  sœur  Salomé, 
ainsi  que  l'empereur  et  l'impératrice.  (Ant.,  1.  XVII,  ch.  6-8.) 
Il  expira  peu  avant  Pàque,  l'an  760  de  Rome,  quatre  ans  avant 
notre  ère,  (2)  et  fut  enterré  sous  la  forteresse  de  l'Hérodium. 
C'est  vers  la  fin  du  règne  de  ce  monstre  que  le  Sauveur 
naquit  à  Bethléhem  au  milieu  du  concert  angélique  annonçant 
la  paix  au  monde.  (3)  Connaissant  le  caractère  soupçonneux 


des  Arabes.  L'ouvrage  déjà  t-ité  et  si  intéressant  du  Père  Abel  nous  dis- 
pense de  tenter  une  description  de  cet  endroit.  (Cfr.  op.  laiid.,  pp.  2'i-25.) 
Pour  toutes  les  localités  situées  sur  les  bords  de  la  nier  Morte,  nous  ren- 
voyons le  lecteur  à  ce  livre,  et  nous  le  faisons  avec  d'autant  plus  d'assu- 
rance, qu'ayant  participé  à  cet  inoubliable  périple,  nous  avous  trouvé  dans 
le  récit  de  notre  docte  compagnon  de  route  une  abondance  et  une  justesse 
de  souvenirs  qui  nous  dispensent  de  nous  servir  de  nos  notes  personnelles, 
(i)  Voiries  détails  Ant  ,  1.  XVII,  cli.  6,  §.§  2-5.  Cfr.  ScHiiRER,  I,  pp.  \\^-\\ 
Pelten,  I,  p.  i33. 

(2)  Voir  détails  Fei.ten,  I,  pp.  i34-i36,  note  5.  Schurer  I,  pp.  ^iTy-i-j, 
note  1G7. 

(3)  Le  point  de  départ  de  l'ère  chrétienne  a  été  établi  par  un  moine  du 
sixième  siècle,  Deuys  le  Petit  (f  vers  54o);  c'est  pourquoi  elle  s'appelle 
encore  l'ère  dionysienne.  Denys  place  la  naissance  <Iu  Sauveui'  en  l'an  753 
ab  urbe  condita  :  l'an  754  serait  donc  la  première  année  de  l'ère  chrétienne. 
Pareille  fixation  est  impossible.  Il  est  certain  que  .Jésus-Christ  est  né  sous 
Hérode  le  Grand,  lequel  est  mort  au  plus  tard  vers  Pàque  de  l'année  7Ô0. 
Denys  s'est  donc  trompé  de  4  ans  au  moins.  Le  Sauveur  doit  être  ne  en  748 
ou  74f)  ub  u.  c.  Pratiquement  la  fixation  du  moine  Deuys  a  été  maintenue. 

Une  autre  difficulté  —  classique  elle  aussi  —  est  celle  du  recensement  de 
Quirinius.  La  phrase  de  Luc  II  2,  aûrv;  -Uno/paoh  tt^wtvj  ■yé^-'i -n/suiovs'jo/zoi  tf.i 
lupixi  lL-jçri-jiou  est  d'ordinaire  traduite  ;  «  Ce  premier  recensement 
eut  lieu  pendant  que  Quirinius  commandait  la  Syrie  »  (trad.  Crampon). 
Or,  dit-on,  Quirinius  n'a  faitde  recensement  qu'eu  l'an  6  après  J.-C.  (Voir 
plus  loin).  Plusieurs  exégètes  catholiques  solutionnent  la  difficulté  en 
disant  que  Quirinius  a  terminé  un  recensement  commencé  une  dizaine 


296  DEPUIS    LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

et  cruel  d'Hérode,  la  lâche  tuerie  des  Saints  Innocents  contem- 
porains du  Seigneur  (Mat.,  II,  1-12)  n'a  plus  de  quoi  nous 
étonner.  Terminons  la  biographie  de  ce  sinistre  personnage  par 


d'années  plus  tôt.  (Voir  la  littérature  à  ce  sujet  :  Fei,tex,  1,  p.  189,  note  3. 
ScHiiRER,  pp.  508-09.)  Cette  explication  nous  paraît  forcée. 

Le  Père  Lagrange  pro^iose  une  tout  autre  traduction  déjà  donnée  par 
Calmet,  mais  confirmée  depuis  par  d'autres  cas  semblables.  Il  prend 
TrpcjTo?  dans  le  sens  comparatif  i)our  izpàzspoi  ou  pour  npà  ce  qui  donne 
un  sens  bien  différent  :  «  Ce  recensement  fut  antérieur  à  celui  qui  eut  lieu 
pendant  que  Quirinius  était  gouverneur  de  Syrie.  »  (Cfr.  Lagrange  :  Où  en 
est  la  question  du  recensement  de  Quirinius'/  Rev.  Bihl.,  1911,  pp.  60-84,  ^t 
spécialement  pp.8o-83).  Il  est  vrai  que  cette  traduction  suppose  deux  recen- 
sements; le  premier  sous  Hérode,  à  l'occasion  duquel  la  Sainte  Famille  se 
met  en  route  ;  le  second,  celui  de  Quii'inius,  en  G  de  notre  ère. Or  Schûrer,  I, 
pp.  5oS  09,  s'étend  longuement  à  prouver  que  sous  Hérode  rex  socius  les 
Romains  n'auraient  pas  pu  procéder  à  une  ûnoyptxféi  ou  recensement, 
qui  n'avait  d'autre  but  que  d'aboutir  à  un  relevé  du  cens  à  percevoir  sur  les 
biens  fonciers.  Ceci  n'aurait  été  possible  qu'après  la  transformation  de  la 
Judée  en  province  romaine,  c.  à  d.  en  6  après  J.C.  C'est  là  une  asser- 
tion gratuite,  qui,  de  plus,  a  contre  elle  un  passage  de  Tertullien,  Adv.  Mar- 
cionem  IV,  19  :  «  Sed  et  census  constat  actos  sub  Augusto  nunc  in  Judasa  per 
Sentium  Saturninum  apud  quos  genus  ejiis  inquirere  potuissent.  »  De  cette 
donnée  Schûrer  ne  tient  aucun  compte.  Comme  le  fait  observer  le  Père 
Lagrange,  il  est  i^emarquable  que  Tertullien  ait  tenu  en  apparence 
si  peucomiîte  des  termes  de  Saint  Luc  (s'il  entendait  la  phrase  de  l'Evan- 
géliste  comme  on  le  fait  d'ordinaire)  ;  s'il  s'est  écarté  de  lui,  c'est  qu'il  avait 
une  source,  et  c'est  pour  cela  qu'il  est  permis  de  se  prévaloir  de  l'attestation 
de  Tertullien  (ar^  c/^é,  p.  70).  Or,  ce  Saturninus  fut  légat  de  Syrie  de  9-6. 
Ce  recensement,  commencé  avant  6,  peut  avoir  été  continué  sous  Varus 
de  6-4. 

Schiirer  iirétend  aussi  que  l'histoire  ignore  un  recensement  universel  de 
l'emi^ire  sous  Auguste;  Luc  sei'ait  donc  encore  en  défaut,  quand  il  dit  II  i 
Kiio-/py.9s.cdxt  7ià(7av  tvîv  otxouuévvjv.  Ce  recensement  général  est  pourtant  attesté 
par  Cassiodore  (45o-575)  et  le  lexicographe  Suidas  du  loe  siècle  (Voir 
textes  Schûrer,  I,  pp.  520-21,  note  47)-  A  cela  Schiirer  répond  que  leur 
témoignage  est  infirmé  par  le  fait  qu'ils  étaient  chrétiens  !!!  et  qu'ils 
vivaient  à  une  époque  bien  tardive.  Mais  l'argumentation  de  Schiirer 
tendant  à  trouver  l'Evangélisie  eu  défaut  ne  serait-elle  pas  infirmée  par  sa 
mentalité  rationaliste.''  Il  est  vrai,  les  témoignages  de  Cassiodore  et  de 
Suidas  sont  tai-difs,  mais  l'antiquité  des  sources  compulsées  parées  deux 
auteurs  fait  disparaître  cet  inconvénient.  (Cfr.  Felten,  I,  p.  141.)  C'est 
précisément  le  détail  donné  jjar  Luc  que  le  recensement  fut  universel, 
qui  accentue  davantage  encore  sa  diversité  avec  celui  de  Quirinius  après 
l'an  6  de  notre  ère,  (lui.  lui,  fut  local,  et  par  là-mème  laissa  un  souvenir 
plus  odieux  et  plus  précis  dans  les  mémoires  juives. 

D'ailleurs  le  troisième  Evangéliste  est  particulièrement  bien  renseigné 
sur  la  famille  d'Hérode,  siiécialemeut  sur  Hérode  Antipas,  au  sujet  duquel 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         297 

l'appréciation  qu'émettait  sur  lui  l'empereur  Auguste  dont  il 
avait  tant  recherché  la  faveur;  il  disait  de  lui  :  «  Mclius  est 
Herodis  porcu))i  esse  cjuain  Jiliîim  ».  (i) 

Le  dernier  testament  avait  besoin  d'une  validation  Archélaùs. 
impériale.  Archélaùs  était  sur  le  point  d'entreprendre  le 
voyage  ad  hoc,  lorsqu'éclata  une  sédition  à  Jérusalem  qui  fut 
étouffée  dans  le  sang.  (Ajit.,  1.  XVII,  ch.  9,  §  i  ).  (2)  Con- 
fiant à  Philippe  l'administration  du  lot  lui  échu,  il  put  enfin 
partir,  mais  fut  suivi  de  près  par  Antipas,  mécontent  des  der- 
nières dispositions  paternelles,  et  par  d'autres  membres  de  la 
dynastie  hérodienne  qui  demandèrent  d'être  administrés  im- 
médiatement par  un  procurateur  romain,  sinon  par  Antipas  au 
lieu  d' Archélaùs. 

Sur  ces  entrefaites,  une  nouvelle  révolte  dut  être  arrêtée  en 
Judée  par  le  proconsul  de  Syrie,  Ouintilius  Varus,  qui  caserna 
une  légion  à  Jérusalem  pour  prévenir  toute  tentative  ultérieure. 
Mais  un  certain  Sabinus,  y  envoyé  par  l'empereur  comme 
chargé  d'affaires,  en  attendant  que  la  succession  d'Hérode  fût 
réglée,  exaspéra  la  population  par  ses  mesures  oppressives.  A 
la  Pentecôte,  les  Romains  furent  attaqués  par  les  Juifs,  précisé- 
ment nombreux  à  l'occasion  de  la  fête;  ils  réussirent  toutefois 
à  s'emparer  du  temple  dont  ils  pillèrent  le  trésor.  Mais  ce  geste 
déchaîna  un  soulèvement  général  tant  en  Galilée  et  en  Pérée, 
que  dans  la  Judée  même,  —  soulèvement  conduit  d'ailleurs  par 
des  aventuriers  qui  }•  cherchèrent  leur  profit  personnel  en  pil- 
lant et  en  terrorisant  le  pa3's.  Varus,  à  la  tête  des  deux  légions 
dont  il  disposait  encore,  et  secondé  par  les  Nabatéens  du  roi 
Arétas  IV,  revint  d'Antioche  et  eut  bientôt  raison  des  insurgés  ; 
deux  mille  des  leurs  expièrent  leur  forfait  sur  la  croix,  et  Jéru- 


il  donne  des  détails  qui  lui  sont  propres,  à  l'exclusion  des  autres  Synopti- 
ques. Voilà  qui  n'est  pas  de  nature  à  ébranler  notre  confiance,  (juandil  nous 
raconte  les  faits  passés  sous  Hérode  le  (Jraud  (Cfr.  la  brochure  de  Geloofs- 
oerdedig^in'f,«  De  \'olkstelling  van  (^uirinius  »  par  ^'A^■  TuiiEi^x,  Anvers, 
i9ii,p.i>5). 

(i)  Cfr.  Macrobi:  ,  Snturnul,  1.  II,  cli.  4-  Au  même  endroit  Macrobe,  fait 
de  la  mise  à  mort  d'Anlipater  et  du  massacre  des  Saints  Innocents  une 
seule  et  même  exécution. 

(2)  3,000  hommes  périrent. 


2g8  DEPUIS    LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

salem  resta  occupée  par  une  légion  romaine.  {Ant.,  1.  XVIl, 
ch.   lo,  §§  4-IO). 

Tandis  qu'à  Rome  la  cause  des  héritiers  d'Hérode  était 
encore  pendante,  une  délégation  de  cinquante  Juifs  s'y  présenta 
pour  demander  eux  aussi  de  pouvoir  vivre  conformément  à 
leurs  lois,  sous  l'administration  directe  des  Romains,  et  d'être 
délivrés  du  joug  iduméen  (i).  De  son  côté,  Philippe  avait 
jugé  bon  de  se  rendre  dans  la  capitale  de  l'empire,  pour  soutenir 
la  cause  d'Archéllùs  et  la  sienne  propre. 

L'empereur  convoqua  les  deux  partis  dans  le  temple  d'Apol- 
lon. La  requête  des  mécontents,  appu3^ée  par  les  huit  mille 
Juifs  de  Rome,  énumérait  d'abord  les  griefs  accumulés  contre 
Hérode  et  Archélaiis  ;  ensuite  Nicolas  de  Damas  plaida  en 
faveur  d'Archélaùs  dont  jadis  il  avait  défendu  le  père  :  l'empe- 
reur prit  quelques  jours  avant  de  communiquer  sa  décision,  qui 
confirma  presque  dans  toute  sa  teneur  le  dernier  testament 
d'Hérode.  Archélaiis  retint  donc  la  Judée,  l'Idumée  et  la 
Samarie  (2)  ;  il  ne  perdit  que  le  titre  de  roi  qu'il  échangea 
contre  celui  d'ethnarque;  Antipas  devint  tétrarque  de  Galilée 
et  de  Pérée,  et  Philippe  tétrarque  (3)  de  la  Batanée,  le 
Hauran,  la  Trachonitide  et  d'une  partie  de  l'Iturée;  Salomé 
conserva  également  les  villes  lui  départies  :  Jamnia,  Azot,  Pha- 
saëlis;  elle  reçut  en  outre  le  palais  d'Ascalon  et  5oo,ooo  pièces 
d'argent.  Auguste  remit  même  aux  enfants  d'Hérode  les  quinze 
cents  talents  que  celui-ci  lui  avait  légués.  {Aiit.,  1.  XVH, 
ch.  II,  §§i-5.) 

Poursuivons  rapidement  l'histoire  des  deux  tétrarchies  pour 
reprendre  ensuite  celle  du  territoire  judéen. 

Tétrarchie       ^^^  parties   constituantes    du   territoire    de    Philippe    sont 

de  souvent  diversement  désignées,  ce  qui  provient  de  ce  qu'elles 

Philippe,     étaient  d'annexion  récente   au   pays  juif,  et  que  leurs  confins 


(\)  C'est  à  cette  démarche  que  fait  clairement  allusion  la  parabole  du 
divin  Maitre,  Luc,  XIX.  12-27. 

(2)  A  l'exception  des  villes  de  Gaza,  Gadara  et  llippos,  qui  furent  ratta- 
chées à  la  province  de  Syrie;  par  contre,  il  eut  Joppé  et  Césarée. 

(3)  Sur  l'importance  des  titres  d'ethnarque  et  de  tétrarque,  voir  SCHu- 
RER,  I  p.  4ii3-24,  note  12. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉBA.         299 

n'étaient  pas  toujours  nettement  limités.  Elles  s'étendaient  du 
côté  oriental  du  Jourdain,  à  peu  près  entre  sa  source  et 
l'endroit  où  il  reçoit  le  Yarmouk  (i).  Les  habitants  de  ces 
régions  étaient  pour  la  plupart  païens,  tout  en  étant  mélangés 
à  des  Juifs  et  des  Iduméens.  Philippe  était,  à  l'encontre  des 
autres  membres  de  sa  famille,  d'un  caractère  pacifique,  équi- 
table et  doux,  et  le  Sauveur  trouva  plus  d'une  fois  sur  son 
territoire  une  sécurité  dont  il  ne  jouissait  pas  ailleurs.  Elevé 
à  Rome  avec  Archélaùs,  il  garda  toute  sa  vie  un  souvenir  fidèle 
de  la  famille  impériale.  A  Panéas  il  bâtit  la. cité  qu'il  appela 
Césarée,  en  l'honneur  de  l'empereur,  et  transiorma  la  vieille 
Bethsaïda  en  ville  qu'il  nomma  Julias,  du  nom  de  la  fille 
d'Auguste;  il  frappa  également  sur  ses  monnaies  l'effigie 
d'Auguste  et  plus  tard  celle  de  Tibère.  Marié  sur  la  fin 
à  la  fameuse  Salomé,  la  fille  d'Hérodiade,  il  n'en  eut  pas 
d'enfants. 

Il  mourut  en  33-34.  Pour  quelque  temps  sa  tétrarchie  fut 
incorporée  à  la  province  de  Syrie,  mais  bientôt  après,  en  37, 
Caligula  la  donna  à  Agrippa  I.  {Ant.,  1.  X\'III,  ch.  2,  §  i  ; 
ch.  4,  §  6;  ch.  6,  §  10.) 

Antipas,  également  appelé  Hérode  —  et  désigné  sous  ce  nom  Tétrarchie 
sur  ses  monnaies  et  chez  les  auteurs  du  Nouveau  Testament  —  °  iv^s- 
avait  davantage  hérité  du  caractère  paternel;  orgueilleux,  sen- 
suel, fastueux  et  astucieux  comme  son  père  (Luc,  XIII,  32),  il 
avait  reçu  en  partage  les  contrées  de  Galilée  et  de  Pérée,  dont 
le  seul  désavantage  était  d'être  séparées  par  les  villes  de  la 
décapole.  Il  obvia  à  cet  inconvénient  en  restaurant  et  en  forti- 
fiant Sépphoris  et  l'ancienne  Beth-Haram  qui  porta  successive- 
ment les  noms  de  Livias  et  de  Julias.  Pour  avoir  moins  à 
craindre  les  incursions  de  ses  voisins  nabatéens,  il  épousa  la 
fille  de  leur  roi  Arétas  IV.  Dans  un  site  charmant,  sur  la  rive 
occidentale  de  la  mer  de  Génézareth,  il  se  bâtit  une  capitale, 
appelée  Tibérias  en  l'honneur  de  l'empereur  alors  régnant  et 
l'organisa  à  la  manière  des  villes  helléniques;  elle  fut  habitée 
par  une  population  assez  hétéroclite,   car,    son  emplacement 


(i)  Sur  ces  différents  territoii*es,  voir  Scliûrer,  I.  pp.  420-28.  note  3. 


300  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

occupant  une  ancienne  nécropole,  elle  devait  nécessairement 
souiller  un  Juif  scrupuleux. 

En  divers  points  toutefois  Antipas  se  conformait  aux  exi- 
gences de  la  loi  juive,  venant  à  Jérusalem  pour  certaines  fêtes 
(cfr.  Luc,  XXIII,  7)  et  ne  faisant  frapper  aucune  effigie  sur 
ses  monnaies.  Malgré  cela,  il  ne  devait  pas  jouir  de  beaucoup 
de  sympathie,  attendu  que  ses  partisans  étaient  désignés,  au 
rapport  de  l'Evangile,  sous  un  nom  particulier  (cfr.  Marc,  III, 
ô,  XII,  i3;  Matth.,  XXII,  i6)  et  le  contexte  prouve  bien 
qu'ils  ne  constituaient  pas  une  majorité. 

Lors  d'un  vo_vage  à  Rome,  il  fit  la  connaissance  d'Hérodiade^ 
une  fille  du  malheureux  Aristobule,  épousée  par  son  demi-frère 
Philippe-Hérode  (2).  Epris  d'elle,  il  n'eut  pas  de  peine  à 
s'attacher  cette  créature  cruelle  et  ambitieuse  qui  devait  causer 
sa  perte. 

La  fille  d'Arétas,  mise  au  courant  de  l'infidélité  de  son  mari^ 
n'attendit  pas  que  celui-ci  la  répudiât  ;  elle  fit  ses  préparatifs 
et  pria  Hérode,  à  son  retour,  de  la  faire  conduire  à  Maché- 
ronte.  Celui-ci,  ignorant  qu'elle  fût  consciente  de  sa  félonie, 
y  consentit;  mais,  à  peine  arrivée  à  destination,  elle  lui  brûla 
la  politesse  et  se  réfugia  auprès  de  son  père. 

Ce  dut  être  vers  cette  époque,  en  automne  de  l'an  26,  la 
quinzième  année  de  Tibère,  que  s'éleva  la  voix  clamant  dans  le 
désert,  dont  la  fière  franchise  reprocha  au  tétrarque  son  union 
illicite.  Les  Synoptiques  nous  apprennent  qu'elle  lui  valut  d'être 
emprisonné  (3).  Flave-Josèphe,  dans  la  notice  élogieuse  qu'il 
consacre  au  saint  Précurseur  {Ant.,  1.  XVIII,  ch.  5,  §2)  nous 
dit  qu'Hérode  l'emprisonna  par  crainte  que  son  influence  sur 
les  foules  ne  provoquât  une  révolte.  En  fait,  les  deux  motifs 
auront  concouru  à  abréger  la  carrière  de  celui  qui  devait  dis- 


(i)  Pour  plus  de  détails  voir  Schûrer  I,  p.  433  et  II,  pp.  216-ai. 

(2)  Le  uom  de  Philippe  uous  est  donné  par  Mure,  VI,  i"-  D'après  Flave- 
Josèphe,  Ant.,  1.  XVIII,  ch.  5,  §  4,  elle  aurait  été  la  femme  de  cet  Hérode, 
fils  de  la  seconde  Mariamme,  héritier  éventuel  selon  le  premier  testament 
d'IIérode  le  Grand  (cfr.  p.  294)  et  qui  finalement  n'avait  rien  reçu.  Selon 
Fei.ten  I,  p.  173,  cet  Hérode  était  surnommé  Philippe,  un  Philippe  distinct 
du  tétrarque.  Schiirer  prétend  à  tort  (I,  p.  435)  que  deux  fils  d'IIérode  ne 
pouvaient  porter  le  même  nom. 

(3)  Matth.  XIV,  I  ss.;  Me.  VI,  :4  ss  ;  Luc,  III    i  ss. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         3oi 

paraître  à  l'avènement  d'un  plus  grand  que  lui.  Le  caractère 
inquiet  d'Antipas,  et  la  haine  sanguinaire  d'Hérodiade  se 
seront  accordés  sur  cette  mesure  suppressive.  Jean-Baptiste 
fut  enfermé  dans  le  palais  fortifié  de  Machéronte,  où  il  passa 
près  d'une  année  (l),  avec  la  latitude  de  recevoir  des  visi- 
teurs. (Cfr.  Matth.,  XI,  2  ss.)  Hérode  lui-même  éprouvait  pour 
le  saint  détenu  une  crainte  respectueuse  et  le  protégeait  contre 
les  tentatives  occisives  d'Hérodiade;  mais  la  mégère  veillait, 
et  l'on  sait  comment  finit  celui  que  le  Seigneur  avait  si 
magnifiquement  loué. 

Peu  après,  le  lâche  et  superstitieux  monarque,  entendant 
parler  des  œuvres  merveilleuses  du  Sauveur,  crut  sa  victime 
ressuscitée  et  voulut  s'en  assurer.  (Luc,  IX,  7  ss.)  Quand  le 
ministère  du  divin  Maître  lui  sembla  également  compromet- 
tant pour  sa  sécurité,  il  lui  fit  faire  une  commission  d'intimida- 
tion par  les  pharisiens.  (Luc,  XIII,  3i-33.)  Ce  n'est  qu'au  jour 
de  la  Passion  que  l'insolent  adultère  se  rencontra  avec  la 
divine  Victime  dont  le  dédain  suprême  vitupéra  à  jamais 
sa  mémoire.  (Luc,  XXIII,  7-1 1.) 

L'infidélité  conjugale  de  l'Iduméen  n'allait  d'ailleurs  plus 
tarder  d'être  punie.  Une  contestation  de  frontières  mit  aux 
prises,  en  l'an  36,  l'armée  arabe  avec  celle  d'Antipas.  Cette  der- 
nière fut  complètement  défaite  dans  la  région  de  Gamala  (2) 
et  le  vaincu  n'eut  plus  qu'à  prendre  son  recours  auprès  de 
l'empereur.  Tibère  ordonna  aussitôt  à  Vitellius,  le  légat  de 
Syrie,  de  marcher  contre  Arétas.  Tandis  que  l'armée  romaine 
longeait  la  côte  pour  arriver  à  Pétra  en  contournant  la  Judée 
et  en  traversant  l'Idumée,  Vitellius  piqua  jusqu'à  Jérusalem 
où  l'on  célébrait  précisément  la  fête  de  Pàque  (37). Le  quatrième 
jour  de  son  arrivée  il  apprit  la  mort  de  l'empereur,  et  comme 
il  n'était  pas  fort  porté  pour  Hérode  (3),  il  donna  ordre  à  son 


(i)  Voir  justification  de  cette  durée  de  riucarcération  :  Feltex,  I,  p.  177, 
note  7.  Pour  le  récit  évaugélique  consultez  Lagraxge,  Evangile  selon 
Saint-Marc,  pp.  i52-ij8.  Sur  Machéronte  et  la  visite  inoubliable  que  nous 
y  avons  faite,  lire  ;  Abel.  Op.  laud.,  p.  3oss. 

(2)  S.-O.  du  lac  de  Tibériade. 

(3)  Voir  le  motif  :  AnL.  I.  XVIII,  ch.  4,  ?;  5.  Cfr.  Feltex,  I,  p.  180,  note  3 
et  SCHURER,  I,  pp.  4i^t>-47. 


3o2 


DEPUIS  LA  COXOUETE  DE  POMPEE 


armée  de  retourner  à  Antioche.  C'était  pour  le  monarque  juit 
une  première  déconvenue. 

Caligula,  le  nouvel  empereur,  un  ami  d'enfance  d'Agrippa,  le 
frère  d'Hérodiade.  avait  peu  après  son  avènement,  donné  à  ce 
dernier  la  tétrarchie  de  Philippe  (cfr.  supra  p.  29g)  et  le  titre  de 
roi.  Le  favori  arriva  en  Palestine  l'année  suivante  en  pompe 
rovale.  Jalouse  de  cette  préséance,  Hérodiade  fit  tant  et  si  bien 
qu'Hérode  se  mit  en  route  pour  Rome  avec  elle,  afin  de  solli- 
citer en  sa  propre  faveur  le  diadème  ro3'^al.  Mais  Agrippa  mit  à 
ses  trousses  un  affranchi,  Fortunatus,  chargé  d'accuser  le 
tétrarque  de  comploter  contie  les  Romains  avec  les  Parthes. 
Le  fait  était  qu'Hérode  avait  armé  70,000  hommes,  on  ne  sait 
trop  dans  quel  but.  Comme  il  ne  put  nier  cet  armement,  il  se 
vit  pris  en  suspicion  et  exilé  dans  les  Pyrénées  (i),  où  Héro- 
diade, cause  initiale  de  ses  mésaventures,  voulut  le  suivre. 
Son  ethnarchie  passa  elle  aussi  au  pouvoir  d'Agrippa.  (^nt., 
L  XVni,  ch.  2,  §§  I,  3;  ch.  4,  §  5  ;  ch.  5,  §§  i-3  ;  ch.  7,  §§  i,  2.) 


La  Judée 

sous 
Archélaùs 

et  les 
Procura- 
teurs 
romains, 
jusqu'à   41 
,  ap.  J  C. 


Le  règne  d'Archélaiis  fut  t3'rannique  et  oppressif,  au  point 
qu'à  son  retour  d'Egypte,  Joseph  n'osa  se  fixer  sur  son  terri- 
toire. (Matth.,  H,  22.)  Archélaùs  répudia  Mariamme,  sa  pre- 
mière femme,  et  épousa  la  veuve  du  malheureux  Alexandre 
(cfr.  sîip}-a  p.  292),  GlaphATa,  qui,  après  la  mort  de  son  premier 
époux  s'était  mariée  à  Juba,  le  roi  de  Mauritanie,  pour  s'en 
séparer  bientôt.  Par  cette  alliance  illégitime  il  heurta  les  con- 
consciences  juives.  Il  se  les  aliéna  encore  davantage  en  dépo- 
sant les  grands-prêtres  l'un  après  l'autre.  Héritier  du  génie 
bâtisseur  du  vieil  Hérode,  il  restaura  magnifiquement  le  palais 
de  Jéricho,  planta  une  palmeraie  au  nord  de  cette  ville,  et 
construisit  à  douze  milles  plus  loin,  dans  la  même  direction, 
la  localité  qui  s'appela  de  son  nom  :  Archélaïs.  Tout  cela  ne  le 
réconcilia  pas  avec  ses  sujets.  Une  délégation  de  notables  Juifs 
et  Samaritains  alla  le  dénoncer  auprès  d'Auguste.  Appelé  pour 
se  justifier,  il  fut  déposé  et  exilé  à  Vienne  en  Dauphiné,  dans 
la  dixième  année  de  son  règne.  (6  ap.  J.-C.) 

La  Judée  avec  la  Samarie  et  l'Idumée  furent  dès  lors  admi- 


(i)  Voir  Feltex,  I,  p.  181,  note  3;  Schûrer,  I,  p.  448,  note  45. 


jusqu'à,  l'échec  définitif  de  barkokéba.         3o3 

nistrées  d'une  manière  spéciale,  tout  comme  certaines  autres 
contrées  (Egypte,  Thrace,  Mauritanie),  qui  offraient  des  diffi- 
cultés particulières  et  supportaient  dès  lors  un  régime  différent 
de  celui  qui  régissait  les  autres  provinces.  Au  lieu  d'un  pro- 
consul ou  d'un  propréteur,  c'était  un  officier  de  rang  équestre 
seulement  qui  en  prenait  la  direction.  Il  avait  le  titre  de  pro- 
curator,  â'-'.Tpojro;  (dans  le  X.  T.  plus  souvent  ■(;-'i<j.w/).  Ce 
nom  qui  autre  part  désignait  un  administrateur  des  finances, 
comportait  dans  ces  cas  particuliers  toutes  les  attributions 
gouvernorales  des  autres  chefs  de  provinces.  Toutefois,  dans 
des  circonstances  extraordinaires,  le  procurateur  de  Judée 
relevait  du  légat  de  Syrie  comme  de  son  supérieur  immédiat. 

Sa  résidence  habituelle  était  Césarée;  exceptionnellement,  il 
séjournait  à  Jérusalem  ;  dans  1  une  et  l'autre  de  ces  villes  il 
occupait  le  palais  construit  par  Hérode. 

Le  procurateur  ne  disposait  que  de  troupes  auxiliaires  (i), 
dont  l'infanterie  était  répartie  en  «  cohortes  w,  et  la  cavalerie 
en  «  ailes  »,  chaque  division  s'appelant  du  nom  ethnographique 
de  ses  composants.  Comme  les  Juifs  étaient  dispensés  du  ser- 
vice militaire,  les  troupes  palestiniennes  étaient  recrutées 
parmi  les  autres  habitants  du  pays  et  réparties  entre  diverses 
localités. 

Au  point  de  vue  judiciaire  la  compétence  du  procurateur 
s'étendait  à  toutes  les  peines  et  à  toutes  les  personnes,  sauf  que 
quiconque  avait  le  titre  de  citoyen  romain,  pouvait  en 
appeler,  même  au  cours  du  procès,  au  jugement  de  l'empereur. 
(Cfr.  Act.,  XXV,  10-12.)  En  Judée  cependant,  les  cours  judi- 
ciaires locales  et  le  Sanhédrin  continuèrent  à  fonctionner,  à 
côté  du  tribunal  romain,  avec  cette  seule  restriction  qu'ils  ne 
pouvaient  exécuter  une  condamnation  capitale.  Enfin  le  procura- 
teur avait  encore  l'administration  financière  à  charge.  Les 
impôts  de  Palestine  étaient  versés  au  fisc,  ou  caisse  impériale  ; 
c'étaient  l'impôt  foncier  et  l'impôt  personnel  ou  sur  le  revenu. 
A  côté  de  cela,  il  y  avait  les  douanes,  l'octroi,  les  droits  de 
péage  pour  frontières,   ponts,   routes,  marchés,    etc.,    et   les 


(il  Les  légions  seules  étaient  composées  de  soldats   ayant  le  titre  de 
citoyens  romains.  Elles  constituaient  l'armée  régulière. 


3o4  DEPUIS   LA   CONQUÊTE   DE    POMPÉE 

impôts  particuliers  prélevés  par  certaines  cités  autonomes, 
et  par  les  dynastes  locaux,  à  leur  propre  profit. 

L'impôt  foncier  et  l'impôt  sur  le  revenu,  destinés  à  la  caisse 
impériale,  étaient  perçus  par  des  agents  de  l'Etat,  mais  tous  les 
autres  Tétaient  par  des  particuliers,  les  «  publicains  »,  qui 
prenaient  cette  perception  en  location.  Quoiqu'il  y  eût  des 
tarifs  fixant  les  sommes  dues,  ils  étaient  trop  peu  précis  pour 
ne  pas  donner  lieu  à  l'arbritaire.  Ce  système  de  location  était 
généralement  rémunérateur  pour  ceux  qui  le  prenaient  à  charge. 
Aussi  les  percepteurs  d'impôts  étaient-ils  exécrés  et  mis  au 
rang  des  pires  pécheurs.  (M  atth.,  IX,  lo  ss.,  XI,  ig,  XVIII,  17, 
XXI,  3i  —  Luc,  V,  3o,  VII,  34,  etc.)  Le  système  sévit  encore 
en  Palestine  de  nos  jours,  avec  tous    ses    inconvénients,    (i) 

On  comprendra  que  dans  ces  conditions  les  impôts  écra- 
saient fréquemment  les  tributaires  et  motivaient  leurs  plaintes; 
tout  Juif  avait  à  payer,  en  outre,  le  didrachme  pour  le  temple. 

Nonobstant  ces  attributions  multiples  des  procurateurs,  et 
malgré  que  ceux-ci  abusèrent  plus  d'une  fois  de  leurs  pou- 
voirs, les  Juifs  se  virent  régis  avec  plus  de  liberté  que  sous 
le  régime  hérodien;  c'est  que  le  sanhédrin,  et  à  sa  tète  le 
grand-prêtre,  avaient  repris  l'administration  interne  de  la  com- 
munauté juive.  Il  est  vrai  que  cette  situation  n'était  nullement 
garantie  de  façon  légale,  encore  que  de  fait  elle  tâcha  de  s'im- 
poser le  plus  possible. 

C'est  le  moment  de  faire  connaître  de  plus  près  la  compo- 
sition et  l'autorité  de  ce  corps  sanhédrinal. 

Le  Un  sénat  aristocratique  à  Jérusalem,  aux  mains  duquel  était 

°  rin  confiée  l'administration  du  peuple  juif  en  tout  ou  en  partie, n'ao- 
Jérusalem.  parait  qu'à  l'époque  hellénique.  Les  rabbins  en  rattachaient  l'ori- 
gine aux  soixante-dix  Anciens  qui  formaient  le  conseil  de  Moïse. 
(Num.,  XI,  16.)  Seulement,  pendant  toute  la  période  qui  pré- 
cède l'époque  grecque,  on  n'en  trouve  aucune  trace.  Les 
Anciens  du  peuple  qu'on  voit  mentionnés  parfois,  ne  consti- 
tuaient pas  un  corps  organisé  comme  le  sanhédrin,  et  le  tribunal 


(i)  Voir  détails  sur  les  différentes  attributions  du  px'ocurateur,  ScHû- 
RER,  I,  pp.  457-79. 


jusqu'à  l'échec  défixitif  de  barkokéba.        3o5 

suprême  de  Jérusalem,  dont  parlent  le  Deutéronome  XVII, 
8  ss.,  XIX,  i6  ss.,  et  2  Chron.,  XIX,  8  n'est  qu'un  tribunal 
judiciaire  et  non  un  corps  gouvernant.  Aux  temps  de  l'exil 
et  à  l'époque  perse  on  trouve  douze  chefs  du  peuple,  repré- 
sentant probablement  les  douze  tribus,  mais  leur  action 
était  commune  seulement  pour  autant  qu'ils  le  voulaient, 
les  tribus  constituant  encore  alors  des  clans  assez  bien 
séparés.  (Esdr.,  II,  2,  Xéh.,  VII,  7)  (i).  Mais  lorsque 
celles-ci  se  iondirent  ensemble,  on  aura  eu  ce  corps  adminis- 
tratif que  Josèphe  appelle  yspo-ja-ia.  Mentionné  pour  la  première 
fois  à  l'époque  d'Antiochus  le  Grand  (2j3-iS7)  il  doit  cepen- 
dant dater  de  la  fin  de  l'époque  perse,  car  il  est  aristocratique 
chez  les  Juifs,  alors  que  dans  les  villes  helléniques  de  fondation 
récente  il  était  démocratique.  Cette  institution  est  donc  vrai- 
semblablement pré-hellénique,  d'autant  plus  qu'à  l'époque 
perse  la  situation  était  à  peu  près  identique  à  ce  qu'elle  fut  à 
l'époque  hellénique.  Au  commencement  de  cette  dernière  épo- 
que ce  furent,  au  témoignage  d'Hécatée  (2),  les  prêtres  qui 
exerçaient  l'influence  dominante  dans  cette  assemblée.  A  sa 
tête  se  trouvait  Vxzyyzzi'jz,  :  le  grand-prêtre  dont  la  fonction 
était  héréditaire.  Les  attributions  de  ce  corps  législatif  étaient 
très  étendues,  étant  donné  que  les  souverains  grecs  se  conten- 
taient en  général  de  voir  leur  autorité  reconnue  et  le  tribut 
payé.  A  l'ancienne  dynastie  pontificale  succéda  celle  des 
Asmonéens  également  héréditaire,  mais  la  ^■■tzo'ji'.y.  se  main- 
tint, (3)  quoique  l'assomption  du  titre  roval  par  les  Asmo- 
néens et  le  règne  autocratique  d'un  Alexandre  Jannée  fussent 
faits  pour  amener  une  monarchie  pure.  Depuis  Alexandra (76-67) 
les  scribes  entrèrent  en  grand  nombre  dans  la  vsco'jT-'a;  le  vent 
soufflait  d'ailleurs  du  côté  du  pharisaïsme. 

Lorsque  Pompée  abolit  la  rovauté,  le  grand-prêtre  Hyrcanll 
conserva  la  -zrfy-y.i'.y.  toû  î'Ovo'j;.  Après  une  répartition   tempo- 


(i)  Il  est  eu  outre  parlé  des  aucieus  tlu  peuple  ;  Esdr.,  V,  5,  ;>  ;  VI,  7,  14  ; 
X,  8.  Néh.,  II,  16,  IV,  8,  i3,  Y,  7, 17,  VII,  5. 

(2)  Ilistorieu   de    l'Egypte,  couteuiporaiu  de  Ptoléuiée  Lagus  (323-285) 
Voir  SciuiRKR,  II,  p.  240. 

(3)  I  Mac,  VII,  33,  XI,  23,  XII,  G,  35,  XIII,  3G,  XIV,  20-28;  2  Mac,  I,  10. 
IV,  44,  XI.  27. 


3o6  DEPUIS   LA    CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

raire  de  la  Judée  sous  Gabinius  (57-55)  en  cinq  T'jvsopia,  qui 
restreignit  le  pouvoir  des  Juifs,  l'ancien  état  de  choses  fut  res- 
tauré après  une  dizaine  d'années  sous  César  (47),  qui  nomma 
Hyrcan  II  èhàpyr^c,  des  Juifs.  Vu  qu'on  considérait  le  sénat 
de  Jérusalem  avant  tout  comme  un  tribunal  p^-pi-j,  on  lui  donna 

le  nom  de  cr'jv£op!.ov,  mot  qui  n'est  pas  employé  d'ordinaire 
pour  désigner  les  sénats  des  villes.  (l)  Hérode  le  Grand 
commença  son  règne  en  faisant  exécuter  une  grande  partie  des 
sanhédrites,  membres  de  la  vieille  noblesse  qui  lui  était  hostile. 
Depuis  lors  beaucoup  de  pharisiens  entrent  aussi  dans  le  san- 
hédrin. 

Sous  Archélaùs  qui  n'obtint  que  la  Judée  et  la  Samarie,  la 
juridiction  territoriale  du  sanhédrin  fut  réduite  dans  les  mêmes 
limites;  il  en  fut  encore  ainsi  sous  les  procurateurs,  mais 
sous  eux  son  influence  s'étendit,  au  point  que  Josèphe  nous 
dit  (2)  qu'après  la  mort  d'Hérode  et  d'Archélaùs,  le 
corps  dirigeant  était  l'aristocratie  sous  la  haute  direction 
des  grands-prêtres,  distinguant  ainsi  le  régime  actuel  d'un 
sénat  aristocratique  du  régime  monarchique  sous  Hérode» 
ICuvéopwv,  7rp$'7ii;'j'r£p!.ov,  iiou\euTf\<;,  [iouXr^  sont  les  appellations  du 
N.  T.  Il  disparut  après  70,  car  l'autonomie  relative  qui  avait 
été  laissée  aux  Juifs  ne  pouvait  plus  désormais  leur  être  oc- 
troyée. Il  est  vrai  que  le  peuple  juif  se  reconstitua  une  p-n-fiiE 

à  Jamnia,  mais  celle-ci  usurpa  des  attributions  juridiques,  sans 
d'ailleurs  jamais  reprendre  une  direction  politique.  Le  rabbi- 
nisme  se  rendit  bien  compte  de  la  dissolution  du  grand 
sanhédrin  :  il  n'exista  plus  de  tribunaux  au  véritable  sens 
du    mot,     fonctionnant    d'une    manière   permanente. 

La  tradition  juive  représente  le  sanhédrin  comme  composé 
exclusivement  de  scribes,  ce  qui  ne  fut  pas  le  cas  avant  70. 
Josèphe  et  le  Nouveau  Testament  s'accordent  pour  mettre  à 
sa  tête  la  plus  haute  aristocratie  sacerdotale;  originairement  et 
essentiellement,  c'était  un  corps  aristocratique  et  non  un  corps 


(i)  C'est  le  sens  de  ce  mot  dans  la  grécité  postérieure.  Ixj-Aàpiov  apparaît 
pour  la  première  fois  :  Ant.,  1.  XIV,  ch.  9,  §§3-5. 
(2)  Ant.,  1.  XX,  ch.  10,  vers  la  fin. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         3o7 

savant.  Mais  le  pharisaïsme  gagnant  tant  d'influence,  il  obtint 
lui  aussi  ses  représentants  dans  le  sanhédrin;  en  outre,  l'oppo- 
sition d'Hérode  à  la  vieille  noblesse  devait  être  nécessairement 
favorable  au  pharisaïsme. 

A  l'époque  romaine  il  y  a  deux  composants  du  sanhédrin  : 
la  vieille  aristocratie  sacerdotale  à  tendance  sadducéenne,  et 
le  rabbinisme  pharisaïque.  Le  nombre  de  ses  membres  est  de 
septante  et  un  d'après  la  Mischna  et  il  semble  être  exact, 
car  à  Alexandrie  on  trouve  aussi  un  conseil  des  anciens 
de  septante  et  un  membres.  Contrairement  à  l'usage  admis 
dans  les  sénats  démocratiques  des  villes  helléniques, 
dont. les  membres  n'étaient  élus  que  pour  un  an,  ceux  du 
sanhédrin,  à  raison  de  son  caractère  aristocratique,  doivent 
l'avoir  été  pour  un  terme  assez  long,  ou  même  à  vie;  ils  n'étaient 
pas  non  plus  choisis  par  le  peuple,  mais  soit  par  les  anciens 
membres,  soit  par  les  hautes  autorités  politiques  (Hérode^  les 
Romains).  Il  fallait  être  Juif  de  pur  sang  et  l'entrée  en  charge 
se  faisait  par  l'imposition  des  mains  :  hd^^C  (^)- 

D'après  Josèphe  et  le  N.  T.  on  distinguait  les  àpyLcpcC;  ou 
ir/oy-t^  comme  personnalités  dirigeantes,  désignant  les  mem- 
bres principaux  du  sacerdoce;  à  eux  revenait  l'administration 
des  affaires;  après  eux  on  a  les  ypauiJiaTsîrç,  scribes,  rabbins, 
connaisseurs  de  profession  de  la  loi  ;  ceux  qui  n'apparte- 
naient pas  aux  classes  précédentes,  qu'ils  fussent  prêtres  ou  non, 
étaient  appelés  -çn^lj-j-zzo:.  Les  deux  partis,  pharisiens  {-^'^y.'j.u.y.-zî<; 
surtout)  et  sadducéens  {xcjy.zzz^^  surtout)  y  étaient  donc  repré- 
sentés. A  l'époque  romaine  ce  furent  les  pharisiens  qui  l'empor- 
taient et,  en  fait,  c'est  à  leur  avis  que  devaient  bien  se  ranger  les 
sadducéens  s'ils  ne  voulaient  pas  s'aliéner  la  faveur  populaire. 
Cet  accord,  pour  forcé  qu'il  fut,  nous  est  montré  sur  le  vif  dans 
le  N.  T.  où  les  àoyisper;  vont  souvent  de  pair  avec  les  cpap^TatTot, 
Quant  à  la  présidence,  la  tradition  juive  postérieure,  qui  ne 
voyait  dans  le  sanhédrin  qu'un  collège  de  rabbins,  l'a  toujours 
dévolue  à  des  scribes.  Au  contraire,  Josèphe  et  le  Nouveau 
Testament  s'accordent  pour  la  conférer  au  grand-prétre;  ce  qui 
n'est  pas  étonnant,  car,  à  l'époque  hellénique  le  grand-prêtre 


(1)  Cfr.  Num.,  XXVII,  18  23. 


3o8  DEPUIS   LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

était  chef  politique,  sous  les  Asmonéens  il  fut  roi,  et  pour 
l'époque  romaine  Josèphe  nous  dit  «  t>.v  Tzpoo-Taa-iav  toj  è'Gvo-j; 
oi  y.^yiepelç  iTzz-ii'zvjv-o  »  {An t.,  1.  XX,  ch.  lo  fin,  allégation 
d'ailleurs  confirmée  par  les  faits.)  (i). 

A  proprement  parler,  depuis  la  mort  d'Hérode  le  Grand,  la 
juridiction  sanhédrinale  ne  s'étendait  que  sur  la  Judée, ce  qui  fait 
que  ce  corps  n'avait  aucune  prise  juridique  sur  Notre-Seigneur 
aussi  longtemps  que  celui-ci  resta  en  Galilée.  (2)  En  un  cer- 
tain sens  toutefois  le  sanhédrin  était  obéi  dans  toutes  les  com- 
munautés juives  du  monde  (Actes  IX,  2,  XXII,  5,  XXVI,  12); 
mais  cela  dépendait  de  la  libre  acceptation  de  celles-ci.  A  part 
certaines  restrictions,  le  pouvoir  du  sanhédrin  était,  même  en 
Judée  sous  les  procurateurs,  le  pouvoir  suprême  des  Juifs  à 
tous  points  de  vue  :  civil,  religieux,  criminel,  répressif  :  (3) 
seule  la  peine  de  mort  devait  être  confirmée  par  le  procurateur. 
Sous  cette  réserve  elle  pouvait  être  appliquée  à  un  non-Juif,  et 
même  pour  un  seul  cas  à  un  Romain  :  à  savoir,  s'il  dépassait  la 
borne  du  temple  que  pouvaient  seuls  Iranchir  les  Juifs;  néan- 
moins le  condamné  ne  devait  pas  être  remis  aux  mains  des 
Romains,  comme  on  fit  pour  le  Sauveur.  Il  suffisait  que  la 
condamnation  à  mort  fût  approuvée.  La  plus  grande  restric- 
tion au  pouvoir  sanhédrinal  consistait  en  ce  que  les  Romains 
pouvaient  se  réserver  des  cas  particuliers,  comme  on  fit  avec 
S.  Paul.  (Act.,  XXV,  II,  12,  21.)  Procurateur  et  tribun  pou- 
vaient convoquer  le  sanhédrin  pour  qu'il  se  prononçât  sur 
un  cas  au  point  de  vue  de  la  loi  juive. 

Les  tribunaux  locaux  siégeaient  ordinairement  le  lundi  et  le 
jeudi.  On  ignore  si  le  sanhédrin  faisait  de  même  :  certainement, 
il  ne  siégeait  pas  les  jours  de  fêtes  ni  le  sabbat. 

D'après  Josèphe  le  local  de  réunion  de  la  '^po'Skr^  se  trouvait 
dans  le  voisinage  du  Xystos,  à  l'Est  de  celui-ci,  vers  la  colline 
du  temple.  Or,  comme  du  X3'Stos  il  y  avait  un  pont  qui   con- 


(i)  Là  où  Josèphe  parle  de  séances  du  Sanhédrin,  ou  y  voit  le  grand- 
Ijrêtre  présider  :  Ani.^  1.  XIV,  ch.  9,  S§  3-5;  1.  XX,  ch.  9,  ?;  i.  Cfr.  Matth., 
XXVI,  3,  57.  Act.  V,  17  ss.,  VII,  I.  IX,  I,  2,  XXII,  5,  XXIII,  2,  4,  XXIV,  i. 

(2)  Il  y  avait  néanmoins  des  tribunaux  de  moindre  importance  à  côté 
du  Sanhédrin,  même  à. Jérusalem. 

(3)  Saisies  de  corps  :  Matth.,  XXVI,  47  ;  Marc,  XIV,  43;  Act.,  IV,  3,  5, 
V,  21,  40. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         3o9 

duisait  immédiatcinoit  à  la  colline  du  temple,  il  faudra  le  placer 
sur  la  colline  même,  du  côté  Ouest.  Il  était  en  dehors  de 
la  ville  haute.  La  réunion  chez  le  grand-prêtre  dans  le  procès 
de  Jésus  s'explique  parce  que  c'était  la  nuit,  et  qu'alors  les 
portes  de  la  colline  du  temple  étaient  fermées. 

Depuis  la  seconde  période  de  l'époque  perse  jusqu'à  l'époque 
romaine,  le  grand-prètre  tut  le  chef  religieux  et  civil.  Quoique 
leur  autorité  fut  restreinte  d'une  part  par  les  dominateurs  grecs, 
d'autre  part  par  la  -•zzryj'jiy.  le  fait  d'occuper  leur  charge  à  vie 
et  d'une  manière  héréditaire,  leur  donnait  une  grande  lorce. 
Le  souverain  pontificat  atteignit  sa  plus  haute  puissance  sous 
les  rois  asmonéens  postérieurs. 

Mais  la  dynastie  asmonéenne  renversée,  le  pouvoir  ponti- 
fical fut  restreint.  La  charge  ne  fut  plus  conférée  à  vie  et 
cessa  d'être  héréditaire.  Hérode  et  les  Romains  démettaient 
les  grands-prêtres  à  plaisir,  et  à  cette  instabilité  s'ajoutait 
l'influence  croissante  du  pharisaïsme.  Malgré  ces  facteurs 
corrosits  de  son  autorité,  le  grand-prêtre  conserva  un  pou- 
voir très  étendu  jusqu'en  70.  Il  se  trouvait  toujours  à  la 
tête  de  la  communauté  civile,  et  ce  n'étaient  que  quelques  famil- 
les de  choix  qui  fournissaient  les  candidats.  Ils  représentaient 
encore  toujours  sous  la  domination  romaine  et  sous  celle  des 
Hérodes  une  aristocratie  très  influente. 

Comme  pendant  cette  dernière  période  on  les  changeait  fré- 
quemment, il  s'en  trouvait  toujours  quelques-uns  survivant  à. 
leur  charge  ;  ils  gardaient  une  grande  importance  :  tels  Anne 
et  son  fils  Jonathan. 

Ces  ex-pontifes  conservaient  leur  titre  d'âr/'.îcij;  avec  cer- 
tains droits  et  certaines  obligations  de  la  haute  fonction. 

Des  personnages  qui  ne  furent  jamais  grands-prêtres  por- 
tèrent cependant  le  titre  de  cette  dignité  :  cette  charge  étant 
en  fait  la  prérogative  de  quelques  grandes  familles,  l'appel- 
lation passa  souvent  à  leurs  fils,  à  d'autres  parents.  (Cfr. 
Act.,IV,  6,  XIX,  14.)  Ceux-ci  d'ailleurs  ne  s'en  tenaient  pas  qu'au 
titre:  ils  prenaient  souvent  une  participation  effective  à  la  di- 
rection des  affaires.  (Act.,  IV,  6  en  grec.)    (i) 


(i)  Sur  le  Sanliédriu  voir  :  Fei.tex,  I,  pp.  286-801  ;  Schurer.  Il,  pp.  287-77, 


3lO  DEPUIS    LA   CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

Comme  l'indique  la  mesure  prise  contre  toute  violation  du 
temple  par  un  étranger,  fut-il  citoyen  romain  (voir  texte  dans 
les  appendices),  la  religion  juive  était  même  protégée  officielle- 
ment, et,  par  égard  pour  elle,  on  dispensa  les  Juifs  du  culte  de 
l'empereur,  son  efïigie  ne  fut  pas  frappée  sur  les  monnaies  de 
bronze  propres  au  pays,  et  les  étendards  qui  la  représentaient 
n'étaient  pas  portés  devant  les  armées  sur  le  territoire  juif. 
Mais  malgré  ces  concessions  faites  à  la  conscience  de  la 
race  élue,  deux  facteurs  devaient  contribuer  à  créer  une  animo- 
sité  toujours  plus  grande  contre  la  domination  romaine.  Le 
premier,  c'est  que  parmi  les  procurateurs  envoyés  en  Judée, 
plusieurs  se  rendirent  odieux  par  leurs  exactions,  leurs  mesures 
arbitraires  et  leur  ingérence  inopportune  dans  les  affaires 
juives;  l'autre,  ce  fut  l'idée  chère  aux  pharisiens  et  qui  allait 
être  partagée  de  plus  en  plus  par  les  masses  :  que  la  sou- 
mission à  la  Rome  païenne  du  peuple  qui  se  croyait  appelé  à  la 
domination  universelle,  constituait  un  renversement  des  rôles, 
lequel  ne  pouvait  tarder  à  être  renversé  à  son  tour.  La  suite 
de  l'histoire  juive  se  résume  en  ces  deux  mots  :  l'opposition 
à  Rome  jusqu'à  la  disparition  du  peuple  juif  comme  nation. 

Le  premier  procurateur  de  Judée 
fut  Copofuns  (6-9).  En  même  temps 
que  lui,  était  député  comme  légat 
de  Syrie  P.  Sulpicius  Quirinius  : 
il  avait  déjà  rempli  ces  fonctions 
Bronze  de  Coponius.  dans    les  années   3    et  2    av.  J.-C. 

a/  KAicA  —  poc  entourant  un       H  avait  entre  autres  pour  mission 

,  r-.  F,.-  .    -i  ,    /T   »  c       de    faire    le    recensement    de     la 

R/  Dattier   en   Iruit   L  (n  A  S 

=  an  36  d'Auguste  =       population  dans  l'ancienne  tétrar- 
,  ,  ,     ,  °    ■ .  ■     ,      ,.     ...        chie  d'Archélaùs,  afin  de  fixer  le 

(1)  L  est   un    signe    égyptien  indi-  ' 

SmenT uruombre.  '''"'  '"''""'      moutant  dcs  impôts.  Cette  mesure, 

qui  prouvait  nettement  la  sujétion 
immédiate  aux  Romains,  indisposa  à  l'extrême  certains  esprits 
qui, sous  la  conduite  du  scribe  Judas  de  Gamala  et  d'un 
pharisien  Saddoc,  poussèrent  à  la  résistance  ouverte.  Judas 
paya  l'aventure  de  sa  vie  (Act.,  V.,  37),  mais  le  courant  d'idées 
qu'il  avait  créé,  se  continuera  dans  un  groupe  de  pharisiens 
fanatiques  appelés  les  «  zélotes  »;  et  les  fils  et  les  parents  de 


JUSQUA   L  ÉCHEC   DEFINITIF    DE    BARKOKÉBA. 


3lT 


Judas  se    trouveront  jusqu'à  la  tin  à  la  tête  des  révoltés  contre 
Rome, 

Des  deux  successeurs  immédiats  de  Coponius,  Marciis  Ani- 
bibulus  (9-12)  et  Annius  Ru/us  (i2-l5),  nous  n'avons  rien  d'in- 
téressant à  mentionner.  Les  deux  suivants  furent  nommés  par 
Tibère;  conformément  à  l'habitude  de  cet  empereur,  ils  res- 
tèrent longtemps  en  charge. 


Bronze  de  Valerius  Grains. 

a/  TiBEPlOV  au-dessus  de  deux  cornes 

d'abondance  entre  lesquelles  un 

caducée. 

Lr  =  an3deTibère  =  16/17  A.  [). 
b/  RAICAP  en  deux  lignes   dans  une 

couronne. 


Bronze  de  Valerius  Gratus. 

AJ  TIBEPIOV  au-dessus  d'un  pam- 
pre. 

r/  KAICAP  au-dessus  d'un  vase  à 
deux  anses  et  à  panse  bom- 
bée. 

L    A    =:    an    4    de    Tibère 
=  17/18  A.  D. 


Bronze  de  Valerius  Gratus. 

aI  Une   palme  coupant  dans  le 

champ  le  nom  10  Y- AI  A  Imère 

de  Tibère). 

L  E  =  an  5  de  Tibère  =  18/19 

A.D. 
r/  TiB.  KAICAP  en   trois   lignes 

dans  une  couronne. 


Valerius  Gratus  (i5-26)  déposa  le  grand-prêtre  Anne  et 
installa  quatre  autres  pontifes,  dont  Caïphe.  Ce  fut  sous  son 
administration,  en  17,  que  les  Juifs  pétitionnèrent  à  Rome 
pour  obtenir  une  diminution  d'impôts.  (Tacite,  Ami.,  II,  42.) 

Ponce  Pilate   (26-36)  est    particulièrement    et    surtout    peu 


avantageusement  connu. 


Agrippa  I,  dans  la  lettre  que  nous  a  conservée   Philon,  (i) 


(i)  De  le^at.  ad  Cajam,  opéra,  t.  Il,  p.  Sgo. 


3l2  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

le  caractérise  comme  spécialement  obstiné  et  dur,  et  lui  impute 
ses  vénalités,  violences,  rapines,  vexations,  exécutions  arbi- 
traires et  toutes  sortes  de  cruautés.  Il  avait  peu  de  sympathie 
pour  les  Juifs,  et  il  est  probable  que  ces  dispositions  auront  été 
prises  en  considération  pour  sa  nomination  par  Séjan, 
le  ministre  judéophobe  alors  tout-puissant  auprès  de  Tibère. 

Peu  après  son  arrivée,  il  fit  entrer  de  nuit  les  troupes  à 
Jérusalem  avec  les  étendards  portant  l'effigie  impériale.  Ce 
n'est  que  sur  les  démonstrations  les  plus  fermes  de  la  part 
des  Juifs  qu'il  se  décida  à  les  enlever.  {Ant.,  1.  XVIII, 
ch.  3,  §  I.) 

Plus  tard,  il  exposa  dans  le  palais  d'Hérode  à  Jérusalem, 
qu'il  occupait  pendant  ses  séjours  dans  la  capitale  juive,  des 
boucliers  dorés  encerclant  le  nom  de  l'empereur.  Une  déléga- 
tion, ayant  à  sa  tête  la  noblesse  et  même  les  quatre  fils  du  vieil 
Hérode,  n'obtint  pas  leur  disparition.  Une  pétition  adressée  à 
Tibère  eut  plus  de  succès  :  ordre  fut  donné  de  suspendre  les 
boucliers  dans  le  temple  d'Auguste,  à  Césarée  (i).     ■ 

Pilate  rencontra  une  opposition  encore  plus  violente,  lors- 
qu'il s'attaqua  aux  trésors  du  temple  pour  faire  construire  une 
conduite  d'eau  du  S.  O.  de  Bethléhem  (2)  à  Jérusalem.  Le 
rassemblement  houleux  qui  l'attendit  à  cette  occasion  fut  dis- 
persé à  coups  de  gourdins  et  de  nombreux  manifestants  res- 
tèrent sur  le  carreau.  {Ant.,  1.  XVIII,  ch.  3,  i^  2.) 

Les  Evangiles  nous  donnent  sur  sa  carrière  de  procurateur 
des  détails  analogues  à  ceux  que  fournissent  les  historiens 
juifs.  Dans  Luc  XIII,  i,  nous  apprenons  qu'il  fit  massacrer  des 
Galiléens  pendant  qu'ils  offraient  au  temple.  Il  se  peut  que  ce 
fut  là  une  des  causes  de  sa  mésintelligence  avec  Hérode  Anti- 
pas.  (Luc  XXIII,  12.)  L'histoire  de  la  Passion  nous  représente 
Barrabas  comme  emprisonné  pour  meurtre  et  sédition  (Marc 
XV,  7,  Luc,  XXIII,  19)  et  le  procurateur  romain  peureux  vis- 


(i)  Probablement  le  fait  se  passa-t-il  après  le  18  octobre  3i,  date  de  la 
mort  de  Séjan.  Philon  nous  apprend,  en  effet,  —  De  leoat.,  opéra,  t.  II.  p.  56;), 
—  que  c'est  après  la  mort  de  ce  ministre  (jue  Tibère  fut  moins  hostile  aux 
Juifs. 

{2)  Du  réservoir  dit  :  les  vasques  de  Salomon. 


JUSQU  A    L  ÉCHEC    DEFINITIF    DE    BARKOKÉBA. 


3x3 


à-vis   des  Juifs  le   menaçant   de  la  disgrâce  impériale.  (Joa., 

XIX,  12.) 

Un  nouvel  acte  de  violence  mit  fin  à  sa  carrière  en  Palestine. 
Un  pseudo-prophète  samaritain  avait,  en  l'an  35,  l'ait  accroire 
à  ses  congénères  cju'il  allait  leur  exhiber  les  ustensiles  sacrés 
cachés  par  Moïse  au  sommet  du  Garizim,  croyaient-ils.  Pilate 
ayant  appris  le  dessein  des  Samaritains  de  s'y  rendre  en  foule, 
le  leur  défendit.  Mais  eux  passèrent  outre  à  cette  prohibition 
et  v  allèrent  en  armes.  Pilate  les  fit  alors  attaquer  par  ses 
soldats  qui  en  tuèrent  et  blessèrent  un  grand  nombre,  firent 
des  prisonniers  et  exécutèrent  les  notables.  Conscients  de  n'être 
pas  des  insurgés,  ils  firent  accuser  le  procurateur  par  leur 
Sénat  auprès  de  Vitellius,  le  nouveau  légat  de  Syrie,  qui 
envoya  l'inculpé  s'expliquer  auprès  de  l'empereur.  Quand, 
après  une  année  de  voyage,  le  procurateur  arriva  à  Rome, 
Tibère  était  mort.   D'après  Eusèbe  {Hist.  eccles.,  1.  II,  ch.  y), 


Bronze  de  Ponce  Pilate 

a/  TIBEPIOV  KAICAPOC    entourant   un 

lituus. 
r/  L  I  Z  dans  une   couronne  =    an   17 

de  Tibère  =  3o/3i  A.  D. 
Monnaie  frappée  après  la  mort  de  Julie 

qui  n'est  plus  mentionnée. 


Bronze  de  Ponce  Pilate 

a/  lOYAlA    KAICAPOC    entourant  trois 

épis  liés  ensemble. 
r/  TIBEPIOY    RAICAPOG   entourant  un 

simpulum. 

1, 1  S  ^  an  16  de  Tibère  ag/So   -^ 

A.  D. 


Pilate  aurait  mis  fin  à  ses  jours  par  le  suicide  (i).  Vitellius  le 
remplaça  en  Judée  par  Marcellus  (36-37)  (2), 

Vitellius  était  arrivé  en  Syrie  dans  l'été  de  35.  A  la  Pàque 
de  l'année  suivante  il  se  rendit  à  Jérusalem;  à  cette  occasion  il 
fit  remise  de  la  taxe  à  prélever  sur  la  vente  des  fruits  et  rendit 
l'habit  d'apparat  du  grand-prètre  ;  cet  ornement  était  conservé 
depuis  l'an  6  à  la  forteresse  Antonia  et  ne  pouvait  en  sortir 
jusqu'alors  que  quatre  fois  l'an. 


(1)  Voir  les  différentes  versions  sur  la  fin  de  Pilate  :  SciiiiRKR.  I,  pp.  4!)2- 
493,  note  i5i  ;  Fei.ten,  I,  pp.  iG4-i<>5,  note  6. 

(2)  Ant..  1.  XVIII,  ch.  4.  .^?;  i  et  2. 


3l4  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

Lorsqu'en  37  Vitellius  reçut  l'ordre  de  marcher  contre  Aré- 
tas  IV  (I),  il  montra  de  nouveaux  égards  aux  Juifs  en  faisant 
longer  la  côte  par  son  armée,  afin  que  les  étendards  à  effigie 
impériale  ne  dussent  pas  traverser  la  Judée. 

Comme  nous  l'avons  vu,  lui-même  était  allé  à  Jérusalem  où 
arriva  bientôt  la  nouvelle  de  la  mort  de  Tibère  et  de  l'avène- 
ment de  Caligula.  Bien  disposés  envers  le  légat,  les  Juifs 
s'empressèrent  de  jurer  fidélité  au  nouvel  empereur  et  d'offrir 
des  sacrifices  à  son  intention;  sous  le  nouveau  règne  ils  devaient 
pourtant  vivre  de  mauvais  jours.  Caligula  en  était  arrivé  à 
ce  point  d'infatuité  de  croire  sincèrement  à  sa  propre  divinité  ; 
il  devait  donc  considérer  comme  une  injure  personnelle  le 
refus  du  culte  impérial.  Alors  que  dans  toutes  les  provinces  on 
rivalisait  de  dévotion  envers  lui,  les  enfants  d'Israël  s'en  abste- 
nant, furent  bientôt  réputés  ses  ennemis.  Ce  fut  pour  la  popu- 
lation païenne  d'Alexandrie  une  occasion  d'assouvir  sa  haine 
contre  les  compatriotes  juifs  dont  elle  exécrait  le  voisinage  etles 
privilèges.  (Voir  plus  hautpp.  214-216)  Le  procurateur  d'Egypte 
alors  en  fonction,  Avillius  Flaccus,  était  mal  en  cour  auprès  de 
Caligula,  par  là  même  qu'il  avait  été  l'ami  intime  de  Tibère. 
Il  lui  fallait  donc  à  tout  prix  conquérir  la  faveur  impériale.  Au 
mois  d'août  38 ,  Agrippa  I ,  venant  de  Rome ,  passa  par  Alexandrie 
pour  se  rendre  dans  les  états  palestiniens  que  Caligula  lui  avait 
donnés.  Sa  présence  dans  la  grande  cité  ég3ptienne  donna  lieu 
à  des  manifestations  d'ironie  le  visant.  Quand  il  fut  parti,  les 
ennemis  des  Juifs,  mis  ainsi  en  humeur,  exigèrent  des  mesures 
oppressives  contre  ceux-ci,  et  Flaccus  crut  l'occasion  tout 
indiquée  de  se  concilier  les  bonnes  grâces  de  l'empereur.  Déjà 
il  avait  retenu  une  missive  adressée  à  Caligula  par  la  com- 
munauté juive  d'Alexandrie,  où  elle  justifiait  son  abstention 
du  culte  impérial,  tout  en  témoignant  de  sa  déférence  par 
d'autres  hommages.  Maintenant  il  permit  la  profanation  des 
synagogues  par  l'érection  de  la  statue  impériale,  déclara  les 
Juifs  étrangers  :  çévou;  xal  2-/^A'jOa;  (  2  )  et  laissa  se  déchaîner 
contre  eux  la  fureur  populaire.  Les  malheureux  durent  se  réfu- 


(i)  Cù*.  .s(j/jra,  p.3ci. 

(2)  Adversus  Flaccum  :  opéra,  t.  II,  p.  Saâ. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.        3x5 

gier  dans  un  coin  de  la  cinquième  section,  près  de  la  mer; 
plus  de  quatre  cents  de  leurs  maisons  et  boutiques  et  même 
leurs  vaisseaux  qui  étaient  dans  le  port  furent  pillés,  et  plusieurs 
d'entre  eux  turent  malmenés  et  tués.  Le  3i  août,  anniversaire 
de  la  naissance  de  l'empereur,  trente-huit  membres  de  la  vepovT'la 
furent,  sur  l'ordre  de  Flaccus,  flagellés  en  plein  théâtre,  pour 
avoir  refusé  de  participer  au  culte  impérial.  La  disgrâce  de 
Flaccus  n'en  fut  pas  retardée.  Dans  l'automne  de  cette  même 
année  38,  il  fut  amené  prisonnier  à  Rome,  exilé  dans  l'île 
d'Andros,  dans  la  mer  Egée,  et  exécuté  peu  après.  Une  dépu- 
tation  de  cinq  des  principaux  Juifs  alexandrins,  à  la  tête  des- 
quels se  trouvait  Philon,  partit  alors  pour  Rome,  mais  elle  fut 
suivie  d'une  autre,  conduite  par  le  fameux  rhéteur  Apion,  pour 
neutraliser  l'effet  de  leur  démarche.  Les  Juifs  parvinrent  à 
grand'peine  à  remettre  une  supplique  à  Caligula  qui  ne  les 
reçut  que  beaucoup  plus  tard,  probablement  vers  la  fin  de  40, 
après  sa  campagne  dans  les  Gaules  et  en  Germanie;  il  leur 
accorda  une  audience  tandis  qu'il  visitait  une  villa.  Au  cours 
de  cette  entrevue,  il  ne  cessa  de  se  moquer  d'eux  et  ils 
durent  se  retirer  sans  avoir  obtenu  la  moindre  satisfaction. 
Leur  situation  resta  menacée  à  Alexandrie  jusqu'à  l'avènement 
de  Claude  (janvier  41),  qui,  sur  les  instances  d'Agrippa  et 
d'Hérode  de  Chalcis,  leur  rendit  tous  leurs  anciens  privilèges. 
Deux  de  leurs  principaux  adversaires,  Isidore  et  Lampon, 
furent  condamnés  à  mort. 

La  Palestine  faillit  être  le  théâtre  de  semblables  persécu- 
tions. La  ville  de  Jamnia  avait  été  léguée  par  Salomé,  la  sœur 
d'Hérode,  à  l'impératrice  Livia  et  était  ainsi  entrée  dans  l'apa- 
nage du  fisc  impérial.  Son  administrateur  était,  au  moment  qui 
nous  occupe  (automne  de  3g),  un  certain  Hérennius  Capito, 
peu  favorable  aux  Juifs,  qui  pourtant  constituaient  la  majorité 
de  la  population.  La  minorité  païenne  avait,  par  défi  vis-à-vis 
de  leurs  concitoyens,  érigé  un  autel  de  briques  en  l'hon- 
neur de  l'empereur.  L'indignation  des  Juifs  l'avait  renversé  et 
Capito  n'eut  rien  de  plus  empressé  que  de  relater  le  forfait  à 
Caligula.  Aussitôt  ordre  fut  donné  d'ériger  à  Jamnia  un  autel 
autrement  précieux  et  de  placer  une  statue  impériale  dans  le 
temple  de  Jérusalem.  Le  nouveau  légat  de  Syrie,    P.   Pétro- 


3l6  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

nius  (39-42),  fut  chargé  d'y  donner  suite  et,  comme  une  résis- 
tance était  à  craindre,  il  amena  deux  légions,  ainsi  que  des 
troupes  auxiliaires,  d'Antioche  à  Ptolémaïs.  Pétronius  s'exécu- 
tait à  regret;  tout  en  confiant  la  fabrication  de  la  statue  à  des 
artistes  sidoniens,  il  manda  les  notables  juifs  à  Ptolémaïs  et 
tâcha  de  leur  faire  accepter  de  bonne  grâce  le  caprice  du 
maître.  Il  se  heurta  à  un  refus  catégorique  et  bientôt  des 
masses  imposantes  de  tout  âge  vinrent  de  Palestine  l'accabler 
de  leurs  supplications.  C'était  pendant  l'été  de  40.  Touché  de 
leur  détresse,  le  légat  essaya  de  différer  l'accomplissement 
de  la  volonté  de  l'empereur.  Il  lui  remontra  que  si  on  violentait 
de  la  sorte  leur  conscience,  les  Juifs  seraient  en  état  de  détruire 
la  moisson  qui  mûrissait  et  d'attirer  ainsi  la  famine  en  Pales- 
tine; or,  l'empereur  projetait  pour  l'automne  de  cette  même 
année  40,  un  voyage  en  Syrie;  que  d'ailleurs,  l'achèvement  de 
cette  statue  demandait  du  temps  et  que,  par  suite,  il  valait 
mieux  ne  pas  se  presser. 

Caligula  comprenait  bien  les  intentions  de  son  légat,  mais, 
momentanément,  il  lui  répondit  de  procéder  à  l'érection  après 
les  récoltes.  Grâce  aux  tergiversations  ultérieures  de  Pétronius 
et  à  une  démarche  personnelle  d' Agrippa  I  â  Rome,  le  projet 
finit  par  être  abandonné,  mais  la  désobéissance  de  Pétronius 
lui  valut  l'ordre  de  se  suicider.  Heureusement  pour  le  légat, 
Caligula  tomba  assassiné  le  24  janvier  41  et  sa  missive  arriva 
environ  un  mois  après  (i).  Un  des  premiers  actes  de  Claude 
fut  d'octroyer  à  Agrippa  la  Judée  et  la  Samarie,  réunissant  à 
nouveau  la  Palestine  entière  sous  un  seul  sceptre. 

Hérode  La    biographie    de    ce    personnage    tient    de    l'invraisem- 

Agnppa  I     blable.  (2)  Né  en  l'an  10  avant  notre   ère,  il   était  le  fils   aîné 

d'Aristobule  (mis  à  mort  en  7)  et  de  Bérénice  (3);  il  était  donc 

petit-fils   d'Hérode   le    Grand.  Après  la  mort  tragique  de  son 

époux,  Bérénice  était  partie  pour  Rome,  où  elle  se  lia  étroite- 


'i)  Ces  événements  sont  rapportés  par  Philon  :  Z)e  lei^at.,  opéra,  t.  II, 
pp.  57r)-5f)5;  par  .losèplie,  Ant.,  1.  XVIII,  cli.  8,  S?;  2-9.  Sur  leur  suite  cfr. 
SCHûKKR,  I,  pp.  5o6-5o7,  note  187. 

(2)  Cfr.  Ant ,  1.  XVIII,  ch.  6.  1.  XIX,  ch.  o-g. 

(3)  Fille  de  Salomé  et  de  Costobare. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.        317 

ment  avec  Antonia,  la  belle-sœur  de  Tibère  (i).  Le  jeune 
Hérode  lut  élevé  à  la  cour  impériale,  où  il  contracta  de  telles 
habitudes  de  frivolité  et  de  gaspillage  que,  peu  de  temps  après 
le  décès  de  sa  mère,  il  avait  dépensé  toute  sa  fortune  et  se 
trouvait  criblé  de  dettes.  La  mort,  parle  poison,  de  Drusus  le 
jeune,  le  fils  de  Tibère  (23),  le  priva  momentanément  de  tout 
appui  à  Rome  et  lui  lit  gagner  la  Palestine  pour  échapper  à  ses 
créanciers.  Treize  ans  il  vécut  de  divers  expédients,  jusqu'à  ce 
qu'en  36  il  reçut,  —  non  sans  avoir  été  d'abord  éconduit,  —  un 
nouvel  accueil  à  Capri  auprès  de  Tibère,  grâce  à  l'ancienne  amie 
de  sa  mère,  Antonia,  qui  l'aida  à  couvrir  ses  dettes.  Ce  lui  fut 
l'occasion  de  s'unir  d'amitié  avec  le  petit-fils  de  sa  bienfaitrice, 
Caius  Caligula,  le  futur  empereur  (2).  Sa  sympathie  pour  lui 
se  traduisit  dans  le  vœu  imprudemment  émis  qu'il  put  succé- 
der bientôt  à  Tibère.  Rapporté  au  maître  régnant,  ce  propos 
valut  à  Agrippa  d'être  jeté  dans  les  iers.  Mais  six  mois  après, 
le  16  mars  37,  Tibère  mourait,  et  la  fortune  daigna  sourire  défi- 
nitivement à  l'aventurier.  Caligala  corrigea  le  déshonneur  subi 
par  son  ami  en  lui  donnant  une  chaîne  d'or  de  poids  égal  aux 
fers  qu'il  avait  portés  et  lui  octroya  la  tétrarchie  de  Philippe 
et  de  Lysanias  avec  le  titre  royal;  le  Sénat  lui  accorda  en 
outre  le  rang  de  préteur.  Ce  n'est  qu'en  l'automne  de  38  qu'il 
prit  possession  de  son  territoire  grossi  bientôt  de  celui 
d'Hérode  Antipas.  Nous  l'avons  rencontré  à  Rome  vers  la  fin 
de  40,  et  il  s'y  trouvait  toujours  quand  Caligula  tomba  assassi- 
né le  24  janvier  41.  Les  circonstances  l'avaient  préparé  à  con- 
tribuer au  choix  du  nouvel  empereur;  il  avait  partagé  l'éducation 
des  deux  fils  d'Antonia  :  Germanicus  (tig),  le  père  de  Caligula, 
et  Claude,  le  frère  cadet  de  Germanicus,  C'est  sur  cet  oncle  de 
l'empereur  défunt  que  se  porta  le  choix  des  prétoriens  et  du 
Sénat  qui  souhaitait  un  maître  peu  despotique.  Il  s'agissait  de 
décider  le  candidat,  timide  par  tempérament  et  rendu  plus 
craintif  par  la  tournure  tragique  des  derniers  événements.  C'est 


(i  Antouia  était  alors  veuve  du  frère  de  Tibère,  Claudius  Xéroii  Drusus 
Germanicus,  dit  Drusus  l'ainé,  mort  en  9  av.  J.-C. 

(2)  Caius  Caligula  était  le  fils  cadet  de  Germanicus  (7  19),  lui-même  fils 
d'Antonia.  Le  surnom  de  CuUgula  (petite  botte)  lui  avait  été  donné  dans 
sou  enfance  par  les  soldats. 


3l8  DEPUIS    LA   CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

à  cette  tâche  qu'Agrippa  s'employa  avec  plein  succès.  En  re- 
connaissance le  nouveau  César  confirma  toutes  les  possessions 
antérieures  du  roi  juif,  et  y  ajouta  la  Judée  avec  la  Samarie;  le 
Sénat  lui  conféra  la  dignité  consulaire.  La  faveur  dont  jouissait 
Hérode  ne  profita  pas  qu'à  lui  seul  :  les  privilèges  dont  avaient 
été  privés  les  Juifs  d'Alexandrie  leur  furent  rendus,  et  même 
ils  furent  étendus  à  tous  leurs  coreligionnaires  de  la  diaspora. 

Remis  ainsi  en  possession  de  l'héritage  intégral  du  vieil 
Hérode,  Agrippa  débarqua  bientôt  en  Palestine.  Son  esprit 
d'accommodante  souplesse  aux  situations  lui  fit  chercher  son 
appui  auprès  du  parti  pharisien  qui  avait  les  faveurs  popu- 
laires. Il  s'exhiba  donc  en  juif  accompli,  satisfaisante  toutes 
les  exigences  de  la  Loi  et  montrant  un  zèle  particulier  à 
poursuivre  ceux  qui  ne  se  conformaient  pas  au  programme 
légal.  C'est  ainsi  qu'il  fit  don  au  temple  de  la  chaîne  d'or  qu'il 
avait  reçue  de  Caligula,  couvrit  les  frais  de  nombreuses  offran- 
des tant  au  cours  de  son  règne  qu'à  l'occasion  de  son  avène- 
ment, et  exigea  que  le  fils  d'Antiochus,  le  roi  de  Commagène, 
Epiphane,  prétendant  à  la  main  de  sa  fille  Drusilla,  embrassât 
au  préalable  le  Judaïsme,  (i) 

Encore,  il  fit  citer  au  tribunal  du  légat  Pétronius  un  groupe 
de  jeunes  gens  qui  avaient  introduit  une  statue  impériale 
dans  une  synagogue  de  Dora,  et  il  persécuta  les  chefs  de 
l'Église  naissante.  S.  Luc  saisit  bien  le  mobile  de  sa 
conduite  :  après  avoir  maltraité  quelques  chrétiens  et  exécuté 
le  fils  de  Zébédée,  Jacques  le  majeur,  le  frère  de  Jean,  voyant 
que  cela  était  agréable  aux  Juifs^  il  ordonna  encore  l'arrestation 
de  Pierre  (Act.,  XII,  i-3).  Les  prières  incessantes  des  fidèles 
lui  arrachèrent  sa  victime  (4-19). 

Peut-être  était-ce  encore  ce  souci  de  plaire  au  parti  na- 
tional qui  lui  fit  à  deux  reprises  essuyer  les  affronts  des 
Romains, 

Le  quartier  N.  E.  de  Jérusalem,  le  Bézétha,  s'étant  considé- 
rablement développé  sous  les  Hérodes,  Agrippa  avait  com- 
mencé à  l'entourer  d'un  mur  épais  et  élevé.    Cette  précaution 


(i)  Epiphane,  par  répugnance  pour  la  circoncision,  finit  par  renoncer  à 
cette  alliance. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉBA.  3I9 

inquiéta  le  successeur  de  Pétronius,  Vibius  Marsus  (42-44),  qui 
en  référa  à  l'empereur  :  ordre  fut  donné  de  cesser  les  travaux. 

Peu  de  temps  après  cette  déconvenue,  le  même  légat  soup. 
çonnant  une  conspiration,  fit  dissoudre  un  conciliabule  de  cinq 
rois  vassaux  de  Rome(i  ),  groupés  autour  d' Agrippa,  à  Tibérias. 

Au  reste,  les  scrupules  pharisaïques  du  monarque  juif  ne 
l'accompagnaient  pas  dans  les  milieux  païens.  Comme  tout 
membre  de  la  dynastie  iduméenne  il  favorisa  la  culture  helléni- 
que; son  palais  à  Césarée  était  orné  de  colonnes  statuaires 
représentant  ses  filles,  et  ses  séjours  dans  cette  ville  marqués 
par  des  jeux  au  théâtre.  Bér3'tos  lui  dut  un  théâtre,  un  amphi- 
théâtre, des  bains  et  des  colonnades;  ces  constructions  furent 
inaugurées  par  des  combats  de  cirque,  auxquels  quatorze  cents 
gladiateurs,  ramassés  parmi  les  cri- 
minels, durent  prendre  part.  Quant  à 
ses  monnaies, excepté  celles  frappées 
à  Jérusalem,  elles  portaient  effigie. 

La  fin  de  ce  règne  fut  prématurée.      Bronze  d'Hérode  Agrippa  I 

Présidant  une    réunion  (2)  à  Césarée     a/  Parasol  orné  de  franges.  Tout 
j  ...  j  autour  :  BACIAEûi;  ArPiriA. 

au  prmtemps  de  44,  au  milieu  des      ,  „    .    .  .        ^    ,  ,. 

^  ^  ^^'  H/    Irois  epis  sortant  dune  tige 

adulations  de  ses  dévots,  il  se  sentit  l  s  ==  an  6  de  son  règne  = 

subitement  pris  de  maux  d'entrailles,  4    -•     • 

et  mourut  cinq  jours  après,  vraisemblablement  de  la  même  ma- 
ladie qui  avait  miné  son  grand-père  et  qu'il  avait  contractée  par 
sa  vie  de  dévergondage.  Avant  tout  judéophile,  sa  mort  ne  fut 
pleurée  que  par  ses  compatriotes;  les  gentils,  en  particulier 
ceux  de  Césarée  et  de  Samarie,  en  manifestèrent  ouvertement 
leur  joie.  Il  laissait  trois  filles,  Bérénice,  Mariamme  et  Dru- 
silla,  et  un  fils  de  dix-sept  ans,  appelé  lui  aussi  Agrippa.  De 
ses  deux  frères  cadets,  Aristobule  et  Hérode,  seul  le  dernier 


(i)'  Les  renseignemetits  de  quelque  intérêt  sur  ces  i^rinces  sont  fournis 
dans  SCHuUER,  I,  pp.  556-559,  note  34. 

(2)  D'après  Josèphe.  Ant.,  1.  XVIII,  ch.  6,  ?;  7,  c'était  une  fête  donnée  en 
l'honneur  de  l'empereur,  probablement  à  l'occasion  de  son  heureux  retour 
de  Bretagne,  où  il  avait  mené  une  expédition  de  conquête.  D'après  Act., 
XIL  20  ss.,  il  s'agissait  d'une  audience  accordée  à  des  Tyriens  et  Sidoniens 
venus  en  pacifistes.  Pour  le  reste  les  deux  récits  concordent.  Les  Actes 
nous  apprennent  qu'il  y  faisait  à  ce  moment  un  séjour  quelque  peu  pro- 
longé :  oiixttpîJ. 


320  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

joua  un  rôle  public  comme  roi  de  Chalcis  dans  le  Liban,  dignité 
qui  lui  fut  conférée  par  Claude.  Il  n'hérita  de  son  frère  que  le 
droit  de  nommer  les  grands-prêtres  et  d'exercer  la  haute  inten- 
dance sur  le  temple  et  ses  trésors;  il  mourut  vers  la  fin 
de  48  (i). 

Agrippa  II  Marcus  Julius  Agrippa,  le  jeune  fils  d'Agrippa  l,  se  trouvait 
au  moment  du  décès  de  son  père  faire  son  éducation  auprès  de 
Claude.  Celui-ci  songeait  à  transmettre  l'héritage  paternel  au 
jeune  homme,  mais  on  lui  représenta  qu'il  n'était  pas  prudent  de 
confier  l'administration  de  ce  pays  à  l'inexpérience  d'un  ado- 
lescent. Agrippa  resta  donc  à  Rome,  où  sa  présence  fut  en 
maintes  circonstances  de  grande  utilité  à  ses  compatriotes,  et 
la  Palestine  fut  de  nouveau  — •  entièrement  cette  fois  —  admi- 
nistrée par  des  procurateurs.  Quelques  années  plus  tard, 
Agrippa  II  fut  dédommagé.  La  mort  de  son  oncle  Hérode  (49) 
le  mit  en  possession  du  ro_yaume  de  Chalcis  et  de  ses  droits 
sur  le  temple  et  le  souverain  pontificat.  En  53  il  échangea  cette 
petite  principauté  contre  des  territoires  plus  étendus  :  la  tétrar- 
chie  de  Philippe  (cfr.  supra  pp.  298-299),  celle  de  L3'sanias  ou 
l'Abilène  (2)  et  l'Iturée.  Néron  y  ajouta,  en  55,  les  villes  de 
Tibérias,  Tarichée  etjulias  avec  leurs  banlieues.  (3). 

Le  long  séjour  d'Agrippa  II  à  Rome  n'avait  pas  étouffé 
ses  sentiments  patriotiques,  mais  il  avait  pourtant  conquis  défi- 
nitivement ses  sympathies  et  même  ses  préférences  pour  les 
dominateurs  de  son  pays. 


(i)  Hérode  de  Chalcis  avait  épousé  en  secondes  noces  sa  nièce  Bérénice, 
fille  de  son  frère  Agrippa  I. 

(2)  Tétrarchie  dont  Abila  était  la  capitale.  Abila,  aujourd'hui  le  Souk- 
Ouadi-Bai"ada,  à  29  kilomètres  de  chemin  de  fer  de  Damas,  au  milieu  d'un 
vallon  encaissé  que  traverse  le  Barada.  L'Abilène  comprenait  px'obable- 
ment  ce  district  du  haut  Barada,  au-dessus  d'Abila  et  s'étendait  peut-être 
au  Sud  jusqu'à  l'Hermon.  Eu  tout  cas,  elle  renfermait  à  l'Ouest  le  versant 
oriental  de  l'extrémité  méridionale  de  l'Anti-Liban  et  une  partie  des  riches 
vallées  arrosées  par  le  Barada. 

D'abord  comprise  dans  les  territoires  soumis  à  Ptolémée  d'Iturée,  elle 
passa  ensuite  à  Héi'ode  le  Gi-and  ;  puis  lorsque  Philippe  obtint  l'Iturée, 
l'Abilcne  passa  de  nouveau  à  un  tétrarque  dont  le  nom  —  Lysanias  —  a  été 
retrouvé  sur  une  inscription  en  1787  par  Pococke.  Plus  tard  elle  fut  donnée 
aussi  à  Agrippa  1.  Voir  Yigouroux.  Dict.  de  la  Bible  aux  mots  :  Abilène, 
Lysanias . 

(3)  Voir  SCHilRER,  I,  pp.  587-589. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉBA.         321 

Jérusalem  lui  dut  un  pavage  de  marbre  blanc  et  les  chantres 
du  temple  la  concession  de  porter  des  robes  de  lin  tout 
comme  les  prêtres.  Il  exigea  de  ses  beaux-frères  Azizusd'Emesa 
et  Polémon  de  Cilicie  qu'avant  d'épouser  ses  sœurs  ils  se  sou- 
missent à  la  circoncision. 

Pour  le  reste  ses  libertés  d'allure  irritèrent  plus  d'une  fois 
l'opinion  juive  :  il  s'était  avisé  d'élever  dans  le  palais  des 
Asmonéens  à  Jérusalem  (i)  une  espèce  d'observatoire  qui 
déroulait  à  ses  regards  un  panorama  immense,  et  d'où  il  pou- 
vait suivre  les  cérémonies  du  temple;  mais  les  prêtres  lui  inter- 
ceptèrent cette  vue  par  l'érection  d'un  mur,  et  ils  eurent  soin  de 
se  faire  appuyer  auprès  de  Néron  par  Poppée  (2)  contre 
les  réclamations  d'Agrippa. 

Ses  relations  incestueuses  avec  sa  propre  sœur  Bérénice, 
veuve  d'Hérode  de  Chalcis,  lurent  une  autre  occasion  de  scan- 
dale. C'est  en  compagnie  d'elle  que  nous  le  trouvons,  lorsque, 
venu  à  Césarée  en  60,  pour  saluer  le  nouveau  procurateur 
Festus,  il  entendit  la  plaidoirie  du  grand  apôtre  Paul.  (Act. 
XXV,  I3-XXVI,  32.)  (3) 

Il  témoigna  de  toutes  façons  de  son  attachement  à  l'empire. 
^--^£^-^,^  En  54  il  fournit  des 
/%       K''U^      \     troupes  pour  une  expé- 


//fïJ^^tTxKi '^-^  r        dition  contre  les  Parthes; 

le   nom    de    sa  capitale 

Césarée  de  Philippe  fut 

changé     en     celui      de 

__        .        ,  .,rr-    j    ^      xz    TT       Nérouias;    Bérvtos    fut 

Monnaie  en  bronze  a  Herode  Agrippa  II  ,       ' 

A/  TêtelauréedeDomitien.  KAICAPA  TERMANI     encore     dotee     par      lui 

AYTOKPA  AOMiTiA.  d'un  nouveau  théâtre  et 

r/  Fortune.  ,        , 

ETOY  EA  BA  ArPIQDA  (laSoeannée  duroi     Ornee    de     StatueS  ;     SCS 

Agrippa  =  go  A.  D.)  monnaies  portèrent  con- 

stamment  l'effigie    et   le    nom    des    empereurs. 


/A/ 


(i)  Ce  palais  faisait  face  au  temple  dont  il  était  séparé  par  le  Tyropëou 
sur  la  colliue  occidentale. 

(2)  Ceci  a  diï  se  passer  vers  60. 

(3)  Pour  mettre  fin  aux  bruits  provoqués  par  cette  cohabitation  scanda- 
leuse, Bérénice  épousa  Polémon  de  Cilicie,  mais  sou  union  fut  de  courte 


322 


DEPUIS   LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 


Mais  ce  fut  surtout  au  cours  de  la  guerre  juive  qu'il  se 
déclara  ouvertement  pour  les  Romains, 

Au  début  de  la  tourmente  en  66  il  essaya  de  tous  les  moyens 
pour  faire  rentrer  le  peuple  dans  la  soumission  :  ce  fut  en  vain  ; 
il  dut  quitter  Jérusalem  poursuivi  à  coups  de  pierres;  il  appuya 
alors  de  trois  mille  cavaliers  le  parti  pacificateur  à  Jérusalem, 
mais  celui-ci  ayant  eu  le  dessous,  les  immeubles  d'Agrippa  ainsi 
que  ceux  de  Bérénice  furent  livrés  aux  flammes  et  les  der- 
nières attaches  de  leurs  propriétaires  avec  la  nation  juive 
turent  rompues.  Il  ne  cessa  de  fournir  des  auxiliaires  et  des 
vivres  à  l'armée  romaine,  ce  qui  lui  attira  la  défection  des 
villes  de  Tibérias,  Tarichée  et  Gamala.  Il  est  vrai  que  les  suc- 
cès et  la  gratitude  de  ses  puissants  alliés,  lui  valurent  non 
seulement  leur  restitution,  mais  encore  un  accroissement  de 
territoire  sur  la  frontière  nord  de  ses  Etats.  En  75  Vespasien 
lui  décerna  le  rang  prétorien.  On  n'est  pas  fixé  sur  la  date  de 
sa  mort,  qui  dut  arriver  entre  94  et  loo.  (i). 

Retournons  au  théâtre  principal  de  notre  histoire;  nous  ne  le 
quitterons  plus  et  nous  y  assisterons  aux  convulsions  suprêmes 
de  cette  tenace  complexion,  qui  était  celle  du  peuple  juif. 


Les 

procura- 
teurs 
romains 

de 
44  à  66 


Le  premier  procurateur  envoyé  en  Palestine  après  la  mort 
d'Agrippa  I  fut  Ctispins  Fadus.  Les  circonstances  au  milieu 
desquelles  il  eut  à  remplir  son  mandat,  constituèrent  autant  de 
froissements  de  la  sensibilité  juive.  Chargé  de  reléguer  dans  le 
Pont  les  cohortes  de  Césarée  et  de  Samarie  qui  avaient  témoi- 
gné leur  vive  joie  à  la  mort  d'Agrippa  I,  il  ne  s'opposa  pas  à  un 
recours  en  grâce  auprès  de  l'empereur,  et  satisfaction  leur  fut 
donnée,  au  grand  déplaisir  des  Juifs. 

A  son  arrivée  en  terre  israëlite,  il  avait  trouvé  les  Juifs  de 
Pérée  en  pleine  hostilité  avec  les   Philadelphiens  à  l'occasion 


durée  (63-66)  et  elle  revint  auprès  de  son  frère.  Lors  de  la  présence  de 
Titus  en  Palestine,  elle  devint  sa  maîtresse;  arrivée  à  Rome  en  75,  elle 
habita  avec  lui  le  Palatin,  mais  l'opinion  publique  flétrit  à  tel  point  ces 
amours  que  Titus  la  congédia. 

(I)  Cfr.  Felten,  I,  p.  199,  ScHiiRER,  I,  p.  599. 

Comme  sources  à  consulter  sur  Agrippa  II,  voir  Josèphe,  Ant.,  1.  XX  et 
Bell.jud.,  1.  Il,  passim. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉ^.         323 

de  contentions  de  frontières.  Il  dut  rétablir  la  paix  en  châtiant 
les  instigateurs  des  troubles  qui  se  trouvaient  avoir  tort  et  être 
des  Juits.  Il  lui  fallut  aussi  réprimer  les  brigandages  exercés 
en  Judée,  en  Idumée  et  en  terre  arabe  par  un  certain  Ptolémée 
qu'il  fit  exécuter. 

On  se  rappelle  que  Vitellius  avait  remis  au  grand-prêtre  la 
possession  et  le  libre  emploi  de  ses  ornements  d'apparat;  un 
caprice  de  Claude  voulut  les  mettre  de  nouveau  en  dépôt  à  la 
forteresse  Antonia.  Heureusement  qu'Agrippa  II,  alors  à  Rome, 
obtint  satisfaction  aux  délégués  des  Juifs  et  que  l'état  de  choses 
existant  ne  fut  pas  changé. 

Fadus  eut  encore  à  mettre  fin  aux  excitations  d'un  pseudo- 
prophète, du  nom  de  Theudas,  dont  les  menées  messianisantes 
avaient  massé  les  foules  aux  bords  du  Jourdain,  qu'il  se  propo- 
sait de  traverser  miraculeusement,  et  mis  les  esprits  en  excita- 
tion; lui  et  nombre  de  ses  partisans  furenttués  ou  emprisonnés. 

Au  procurateur  Fadus  succéda  Tibère  Alexandre  (proba- 
blement de  46  à  48),  un  neveu  de  Philon;  il  avait  passé  du 
judaïsme  au  paganisme.  Sous  son  administration,  il  faut  signaler 
la  mise  en  croix  des  deux  fils  de  Judas  le  Galiléen  (i)  : 
Jacques  et  Simon,  —  ainsi  que  la  famine  qui  désola  la  Palestine 
et  dont  fait  mention  S.  Luc,  Act.,  XI,  27-30. 

Il  fut  remplacé  par  Ventidius  Ciimanus  (48-52)  dont  la  gestion 
occasionna  des  conflits  plus  sérieux  avec  ses  administrés. 

Un  soldat  de  garde  au  portique  antérieur  du  temple  lors  de 
la  fête  de  Pàque,  s'était  permis  des  gestes  moqueurs  à  l'adresse 
de  ceux  qui  venaient  y  accomplir  leurs  dévotions.  Le  procu- 
rateur ne  donnant  pas  immédiatement  satisfaction  à  la  multi- 
tude irritée,  en  punissant  le  coupable,  il  s'en  suivit  un  tel 
mouvement  d'hostilité  qu'il  dut  faire  charger  la  foule  ameutée, 
et  nombreux  furent  ceux  qui  périrent  dans  la  bagarre. 

Peu  de  temps  après,  peut-être  par  revanche,  un  attaché  de  la 
maison  impériale  se  vit  totalement  dépouillé  sur  la  grand'route 
non  loin  de  Jérusalem.  Les  coupables  restant  introuvables, 
Cumanus  ordonna  le  pillage  des  villages  environnants  et,  pour 


(I)  Celui  qui  avait  j)Oussé  à  la  révolte  lors  du  recensement  de  Quirinius 
(voir  plus  haut  p.  3io). 


324  DEPUIS   LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

comble  de  malheur,  un  soldat  lacéra  sous  tous  les  regards  un 
rouleau  de  la  Thora;  il  s'en  serait  suivi  une  révolte,  si  le  sacri- 
lège n'avait  été  exécuté  sur  Tordre  du  procurateur. 

Une  dernière  maladresse  mit  fin  à  sa  carrière.  Des  pèlerins 
de  Galilée  en  route  pour  Jérusalem  avaient  été  assassinés  à 
Ginéa  (i).  Comme  Cumanus,  acheté  par  les  Samaritains,  ne 
voulait  pas  donner  suite  à  l'afifaire,  les  Juifs  se  rendirent  eux- 
mêmes  justice,  brûlant  plusieurs  villages  de  Samarie  et  massa- 
crant les  habitants.  Cette  fois  Cumanus  lança  ses  troupes 
contre  les  Juifs  dont  un  grand  nombre  furent  tués  ou  empri- 
sonnés Sur  les  instances  des  deux  partis,  le  légat  de  Syrie 
Ummidius  Durmius  Quadratus  (5o-6o)  instruisit  la  cause.  Il 
fit  crucifier  deux  zélotes,  Eléazar  et  Alexandre,  qui  avaient 
conduit  les  troupes  vengeresses,  ainsi  que  les  principaux  ins- 
tigateurs d'entre  les  Juifs;  puis  il  envoya  les  notables,  tant 
Samaritains  que  Juifs,  avec  Cumanus  lui-même,  se  faire 
juger  au  tribunal  de  l'empereur.  Grâce  encore  une  lois  à  la 
présence  d'Agrippa  II  à  Rome  et  malgré  les  puissants  appuis 
qu'y  trouvèrent  les  Samaritains  et  le  procurateur,  le  verdict 
fut  en  faveur  des  Juifs  et  Cumanus  s'entendit  condamner 
à  l'exil. 

Sur  les  instances  du  grand-prêtre  Jonathan  (2),  Claude 
préposa  comme  procurateur  de  la  Palestine  l'homme  le  moins 
recommandable  qu'il  pût  y  envoyer  :  Antonius  Félix.  Affranchi 
d'Antonia,  la  mère  de  Claude,  il  était  frère  du  libertin  Pallas, 
alors  tout  puissant  à  la  cour  (3).  Sa  conduite  prouva  que 
c'était  un  haut  parvenu  de  basse  extraction.  Tacite(///5/.,l.  V, 
ch.  g)  dans  son  style  lapidaire  l'a  magistralement  caractérisé  : 
«  Per  omnem  saevitiam  ac  libidinem  jus  reghim  servili  ingénia 
exerciiit  ».  Il  fut  marié  à  trois  reines  (4)  :  entre  autres  vers 
53/54  à  Drusilla,  la  sœur  d'Agrippa  II,  qu'il  arracha  à  Azizus 


(i)  Aujourd'hui  Djéjiîu,  à  mi-chemin  entre  Nazareth  etNaplouse. 

(2)  Il  était  précisément  au  nombre  des  notables  envoyés  par  Quadratus 
à  Rome. 

(3)  Ce  Pallas  était  également  un  affranchi  d'Antonia  et,  en  outre,  le 
favori  d'Agrippine,  la  fille  de  Germanicus  et  la  mère  de  Néron,  devenue  la 
seconde  épouse  de  son  oncle  Claude  en  48. 

(4)  «  Triiim  reginarum  maritum  ».  Suet.,  Claud.,  28. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉBA.         325 

d'Emésa  ;ctr.  supra  p.  32i).  (i)  On  comprend  qu'un  pareil  repré- 
sentant de  l'autorité  romaine  devait  accentuer  la  tension 
existante.  A  côté  d'abus  de  pouvoir  sans  nombre,  son 
administration  se  signala  par  des  répressions  implacables 
des  éléments  en  effervescence.  On  peut  répartir  ceux-ci 
en  trois  catéij^ories  assez  distinctes.  Il  y  avait  d'abord  les 
"élotcs,  qualifiés  par  Josèphe  de  k  brij^ands  n.  {A  ut., 
1.  XX,  ch.  8,  ^  5.)  Par  là  même  qu'ils  comptaient  des 
partisans  nombreux  dans  les  diverses  classes  de  citoyens, 
il  est  bien  prouvé  que  leur  brigandage  était  dirigé  avant 
tout  contre  leurs  adversaires  politiques  et  visait  surtout 
à  entraver  le  plus  possible  le  gouvernement  du  pays.  Félix 
parvint  à  s'emparer  par  ruse  de  leur  chef  Eléazar  et  fit  mettre 
en  croix  tous  ceux  de  ses  adhérents  qui  lui  tombèrent  sous  la 
main;  quiconque  était  soupçonné  de  sympathiser  avec  eux 
était  rigoureusement  puni.  Une  association  d'obscurs  assassins 
se  substitua  alors  aux  zélotes.  C'étaient  les  sicaires  (2),  qui  pro- 
fitaient des  cohues  ou  des  rassemblements  plus  compacts  dans 
certains  endroits  ou  à  certains  jours  de  fêtes  pour  surprendre 
leurs  victimes  et  disparaître  aussitôt  dans  la  foule.  Tout  en  les 
poursuivant  à  outrance,  Félix  n'hésita  pas  à  se  servir  d'eux 
pour  se  défaire  impunément  de  Jonathan,  l'ex-pontife  qui  lui 
reprochait  amèrement  sa  conduite  et  qui  était  également  odieux 
aux  intégristes  juifs. 

Rien  d'étonnant  à  ce  que  en  pareilles  circonstances  le  fana- 
tisme religieux  ait  créé  des  pseudo-prophètes  accomplissant 
la  prédiction  du  Sauveur  :  «  qu'il  y  en  aurait  beaucoup  se  fai- 
sant appeler  Messie  et  trompant  un  grand  nombre  ».  (Matth., 
XXIV,  5,  26.)  Ils  trouvèrent  d'autant  plus  facilement  créance 
que  le  despotisme  oppresseur  et  vindicatif  du  procurateur  ren- 
dait plus  intolérable  que  jamais  le  joug  païen  imposé  à  la 
race   élue,   qui  se    croyait    malgré  tout    appelée    à    dominer 


'D  A  ce  raoïnent  elle  avait  tout  au  plus  seize  ans.  Elle  lui  donna 
un  fils  nommé  Agrippa,  qui  périt  avec  elle  dans  l'éruption  du  Vésuve 
en  79. 

(2)  De  sica  :  poignard  qu'ils  dissimulaient  habilement  sous  leurs 
habits. 


326 


DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 


les  peuples  et   à    inaugurer    à 


Bronze  d'Antonius  Félix 


bref  délai    l'ère    du  triomphe 
national  (i). 

Parmi  les  multiples  pré- 
tendants à  ce  rôle  particu- 
lièrement recherché,  quoique 
Félix  les  traquât  sans  relâche , 
il  faut  citer  le  fameux  Egyp- 
tien avec  qui  S.  Paul  faillit 
être  confondu.  (Act.  XXI, 
28,  38).  Il  avait  promis  à  ses 


A/  TI  KAAYAIOC  KAICAP  TEPM  entourant 
deux  palmes  en  sautoir. 
LIA  =  an  14  de  l'empereur  Claude  = 
54/55  A.  D. 

r/  lOYAIA  ArPlliniNA    en    quatre    lignes     nombreuses  dupes  de  les  COU- 
dans  une  couronne.  ^ 

duire  au  mont  des  Oliviers, 
de  faire  encercler  de  là  les  murs  de  la  ville  Sainte  et  d'envahir 
celle-ci  en  triomphateur. 

Les  troupes  romaines  prévinrent  son  essai  en  tombant  sur  la 
foule  rassemblée  ;  plus  de  quatre  cents  personnes  restèrent  sur 
le  carreau,  mais  l'Egyptien  échappa. 

Au  milieu  de  ces  troubles  sans  cesse  renouvelés  et  grâce 
au  régime  d'arbitraire  et  de  violences  qui  sévissait,  le  haut 
sacerdoce  lui  même  donna  l'exemple  de  l'injustice  en  faisant 
accaparer  de  force  sur  l'aire  même  les  dîmes  des  céréales 
qui  revenaient  de  droit  au  clergé  inférieur  et  constituaient 
sa  subsistance. 

A  Césarée  maritime  également  des  troubles  civils  ensan- 
glantèrent les  rues.  Les  Juifs  se  réclamaient  de  la  fon- 
dation de  la  ville  par  Hérode  pour  prétendre  à  des  avanta- 
ges sur  leurs  concitoyens  syriens.  Ce  fut  une  occasion  de  plus 
pour  le  procurateur  de  sévir  contre  les  Juifs  jusqu'à  ce  que 
—  l'émeute  renaissant  toujours  —  une  représentation  des 
deux  partis  fut  envoyée  à  Rome  pour  faire  trancher  le 
différend. 

La  rumeur  de  ces  scènes  de  désordre  arrivait  sans  doute  aux 
oreilles  de  S.  Paul  qui  passa  dans  la  prison  de  Césarée  les 
deux  dernières  années  de  la  procurature  de  Félix. 

Forcément  le  contraste  s'impose  entre  la  figure  souverai- 


(i)   A    consulter    Lagrange,    Le    Messianisme  chez    les    Juifs,    Paris, 
Gabalda.  1909,  pp.  21-27;  i45-i47i  186-209. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  BARKOKÉBA.         327 

nement  noble  du  grand  apôtre  de  Jésus-Christ  et  le  crapu- 
leux personnage  devant  lequel  il  eut  à  se  présenter.  Le  hardi 
prédicateur  parla  à  son  juge  «  de  la  justice,  de  la  continence, 
et  du  jugement  futur  »,  en  termes  tels  que  son  auditeur  se  sentit 
troublé.  N'empêche  que  celui-ci  voulut  exploiter  la  situation 
de  l'illustre  détenu  pour  lui  soutirer  de  l'argent.  N'y  réussissant 
pas  et  voulant  donner  une  tardive  satisfaction  aux  Juifs,  il  laissa 
Paul  en  prison  lors  de  son  départ  en  60  (i),  après  avoir  exercé 
sa  fonction  pendant  huit  ans.  (Act.  XXIII  et  XXIV.) 

Porcins  Festus  que  Néron  envoya  alors  en  Palestine,  avait  un 
caractère  essentiellement  droit,  mais  le  peu  de  temps  que  dura 
sa  magistrature,  ne  lui  permit  pas  de  réparer  les  lourdes  fautes 
de  son  prédécesseur. 

Combattus  par  Pallas  et  par  d'autres  influences  à  la  cour,  les 
Juifs  de  Césarée  perdirent  leur  cause.  Festus  dut,  lui  aussi, 
étouffer  une  nouvelle  révolte  soi-disant  messianique  et  com- 
battre la  tourbe  des  sicaires.  Tant  s'en  faut  qu'il  fût  anti- 
israélite  pour  cela,  car,  malgré  son  amitié  pour  Agrippa  II,  il 
permit  le  recours  des  Juifs  à  Rome  lors  de  leurs  réclamations 
contre  ce  roi  et  son  caprice  de  surveiller  l'esplanade  du  temple 
(cfr.  supra  p.  32 1).  Quant  à  l'attitude  loyale  qu'il  prit  vis-à-vis  de 
Paul,  elle  témoigne  de  son  souci  d'impartialité  et  de  justice.  (Act. , 
XXV- XXVII .)  Il  mourut  avant  l'expiration  de  son  mandat,  dans  le 
courant  de  l'année  62. Quelque  temps  durant,  ce  fut  le  grand-prê- 
tre Annas  (fils  de  cet  Annas  qui 
fut  mêlé  à  la  passion  du  Sau- 
veur), qui  rendit  prépondé- 
rante sonautorité.  Il  est  connu 

pour  avoir  fait  lapider  l'évê-  e>  j'  1  *    ■     c  7-  ♦ 

^  ^  ^  Bronze  a  Anton  tus  Félix 

que  de  Jérusalem,  S.Jacques  a/  le  kaicapoc  autour  d'une  palme  (an  5 
le  Mineur,  le  frère  du   Sei-      ,    de  Xeron  =  os/Sg  a.  D.) 

R/  NEPÛNOC   en    trois    lignes    dans    une 

gneur,  (2)  surnommé  le  Juste.  couronne. 

T  PQ      Hpiiv      riprnipre      cnr  *  Daprès  Madden  op.  îaud.,  p.  i85. 

i-,e£>      ueu.\      ueimeib       bUC-         De  Swi.ny  :  A'^amismafique  de  U  Terre  .Sainte, 

cesseurs    de     Festus     ache-    p-'^- li-»'-»^"^. x8:4. p.  77, latmbue à Porcius 


(1)  Cette  date  tommunémeut  admise  se  trouve  confirmée  par  des  études 
récentes.  Cfr.  Brassac,  Une  inscription  de  Delphes  et  la  chronologie  de 
St-PauL  Rev.  Bibl.,  igiS,  pp.  30-53;  207-217. 

(2)  Ant.,  1.  XX.,  ch.  9,  S  I.  Les  raisons  apportées  par  Scliiirer,  I,  pp.  58i- 


328  DEPUIS    LA    CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

vèrent    d'exaspérer    le     sentiment     national     en     Palestine. 

Sous  Albimts  (62-64)  ce  fut  le  régime  de  la  concussion  et  de 
la  vénalité,  érigées  en  principe.  Quiconque  —  partisan  de  l'or- 
dre ou  révolutionnaire  —  lui  versait  de  l'argent,  avait  jeu 
franc;  les  biens  privés  ni  même  les  caisses  publiques  ne  furent 
à  l'abri  de  sa  cupidité.  Par  tout  le  pays  et  de  la  part  de  tous,  y 
compris  le  haut  sacerdoce,  ce  fut  le  brigandage  et  l'anarchie  en 
plein.  Lors  de  son  rappel  il  fit  exécuter  les  criminels  les  plus 
signalés  et  relâcher  les  autres  moyennant  finances,  procédé  qui 
vida  les  prisons  et  inonda  le  pays  de  brigands. 

Celui  qui  clôtura  la  série  des  procurateurs  devait  dépasser 
tous  les  autres  en  impudence.  Ce  fut  Gessius  Florus  (64-66). 
Redevable  de  son  élévation  à  l'impératrice  Poppée,  il  ne 
chercha  dans  l'exercice  de  sa  charge  qu'à  assouvir  son  avarice 
et  sa  cruauté.  Il  ruina  des  villes  entières,  au  point  que  des 
milliers  d'habitants  s'expatrièrent  pour  se  mettre  à  l'abri  de  sa 
malveillance.  D'un  trait  Tacite  (i)  caractérise  le  résultat  de 
son  infâme  conduite  :  Duravit  patientia  Jiidaeis  iisque  ad 
Gessiîini  Florum. 

Au  dire  de  Josèphe  (2),  des  signes  précurseurs  sinistres 
avertirent  les  Juifs  des  calamités  imminentes;  déjà,  depuis  la 
fête  des  tabernacles  en  62,  un  nommé  Jésus  n'avait  cessé  de 
clamer  —  même  sous  les  fouets  —  le  malheur  qui  allait  fondre 
sur  Jérusalem.  Sa  voix  ne  devait  s'éteindre  qu'après  sept  ans  et 
cinq  mois,  lorsqu'un  projectile  de  siège  atteignit  le  lugubre 
prophète.  (3) 

Sans  nous  attarder  à  toutes  les  péripéties  si  terriblement 
La  guerre     ,  •  ,  ,  r  n 

iuive        dramatiques  de  cette  guerre  lameuse,   nous   en   rappellerons 

66-73       seulement  ici  les  faits  les  plus  marquants  (4). 


( 


582  pour  taxer  ce  passage  d'interpolation  chrétienne  ne  sont  pas  péremp- 
toires.  Cfr.  Fei.ten,  I,  p.  2i3. 

(1)  Hist.,  1.  V,  ch.  10. 

(2)  Bell.  Jad.,  1.  VI,  ch.  5,  i^  3. 

(3)  Bell.  Jud.,\.  VI,  ch.  5,  §  3.  Sur  les  derniers  procurateurs,  consulter 
Ant.,  1.  XX,  ch.  I,  ch.  5-ii;  Bell.  Jiid.,  1.  II,  ch.  11-14. 

(4)  La  source  principale  est  le  récit  d'un  témoin  oculaire  :  Flave-Josèphe, 
dans  ses  sept  livres  sur  la  guerre  juive  :  rUpt  roii  lourjxïxoj  noié/xou.  Il 
utilisa  principalement  les  notes  prises  pendant  le  siège   de  Jérusalem 


JUSQU  A   L  ÉCHEC    DÉFINITIF   DE    BARKOKÉBA.  32g 

La  rapacité  de  Florus  avait  respecté  les  trésors  du  temple, 
jusqu'au  moment  où  il  s'avisa,  au  mois  d'Artémisios  de  66,  d'en 
prélever  dix-sept  talents,  soi-disant  pour  le  compte  de  l'empe- 
reur. Une  agitation  extraordinaire  s'en  suivit,  et  un  groupe  de 
bouffons  se  mit  à  parcourir  la  ville  avec  des  paniers,  en  vue  de 
quêter  u  pour  le  pauvre  Florus  ».  La  rage  de  celui-ci  déborda. 
Malgré  les  supplications  des  notables  et  même  de  Bérénice, 
présente  à  Jérusalem,  il  lâcha  ses  troupes  dans  la  ville,  dont  un 
quartier  fut  livré  au  pillage  et  plus  de  trois  mille  citoyens  sup- 
pliciés. Le  lendemain,  17  Artémisios,  nouvelles  bagarres,  au 
cours  desquelles  la  populace  parvint  à  se  retrancher  sur  la 
colline  du  temple  en  détruisant  la  colonnade  qui  le  rattachait 
à  l'Antonia.  Florus  jugea  prudent  de  quitter  la  ville.  En  même 
temps  le  légat  de  S3Tie,  Cestius  Gallus  (63-66),  et  Agrippa  II 
lurent  informés  de  la  situation.  Agrippa  se  hâta  de  venir 
d'Alexandrie;  il  remontra  au  peuple  quelle  folie  ce  serait  de 
s'engager  dans  une  guerre  contre  Rome  et  il  eût  obtenu  l'apai- 
sement de  la  révolte  s'il  n'était  allé  jusqu'à  exiger  à  nouveau 
obéissance  à  Florus.  Poursuivi  de  railleries,  le  roi  dut  regagner 
ses  États. 

Non  seulement  la  famille  hérodienne,  mais  encore  l'aristo- 
cratie sadducéenne  ainsi  que  les  plus  avisés  d'entre  les  phari- 
siens, mirent  tout  en  œuvre  pour  conjurer  le  désastre  qui 
menaçait  la  nation.  Mais  le  peuple,  fanatisé  par  les  zélotes,  ne 
voulut  rien  entendre.  Ces  meneurs  eurent  tôt  fait  de  s'emparer 
de  Masada,  tandis  qu'à  Jérusalem  ils  manifestèrent  leur  rup- 
ture avec  les  autorités  romaines  en  supprimant  le  sacrifice 
quotidien  à  l'intention  de  l'empereur.  Le  parti  de  l'ordre  en 
appela  à  la  force;  avec  l'aide  de  trois  mille  cavaliers  dépêchés 
par  Agrippa  II,  ils  occupèrent  la  ville  haute.  Déjà  les  révolu- 
tionnaires avaient  en  leur  pouvoir  la  ville  basse  et  le  temple. 


auquel  il  assista,  et  l'exactitude  de  ses  mémoires  est  vantée  par  ses  con- 
temporains Vespasien,  Titus,  Agrippa  II.  C'est  également  celui  de  ses 
ouvrages  que  la  critique  moderne  a  le  plus  épargné.  Cfr.  Schûrer,  I, 
PP-  78,  -9;  93,94- 

Agréable  à  lire,  mais  non  dépourvu  d'une  certaine  fantaisie,  est  le  livre 
de  De  Saulcy  :  Les  Derniers  Jours  de  Jérusalem.  Paris,  18GG.  Les  événe- 
ments sont  bien  résumés  dans  Schurer,  pp.  O00-642;  Felten,  I,  pp.  217-247. 


33o  DEPUIS  LA  CONQUÊTE  DE  POMPÉE 

Les  palais  du  grand-prêtre  Ananias,  d' Agrippa,  de  Bérénice, 
ainsi  que  les  archives,  furent  livrés  aux  flammes.  Du  haut  de 
l'Antonia,  qui  tomba  entre  leurs  mains  dans  le  mois  de  Loos 
(=  Ab  =  juillet-août)  (i),  les  insurgés  assiégèrent  les  troupes 
fidèles  qui  après  peu  avaient  dû  se  barricader  dans  la  résidence 
procuratoriale  (palais  d'Hérode).  La  résistance  de  celle-ci  ne 
pouvait  guère  durer;  l'armée  d'A grippa  et  les  renforts  indigènes 
obtinrent  de  se  retirer,  tandis  que  les  cohortes  romaines  se 
protégèrent  dans  les  trois  tours  du  palais.  Mais  il  fut  incendié 
le  6  Gorpiaios  (=  Elul  =  aoùt-septerabre).  Les  soldats  romains 
offrirent  alors  de  déposer  les  armes  sur  garantie  de  sauf-con- 
duit; seulement  à  peine  sortis,  ils  furent  tous  massacrés.  Toutes 
les  villes  de  Palestine  où  se  trouvaient  des  Juifs  et  des  non-Juifs 
devinrent  autant  de  théâtres  de  carnage  et  Alexandrie  vit  périr 
cinquante  mille  Israélites. 

Au  mois  d'octobre  66,  Cestius  Gallus  quitta  Antioche  à  la 
tête  d'une  armée  assez  considérable,  renforcée  de  contingents 
fournis  par  Agrippa,  le  roi  de  Commagène  et  celui  d'Emésa.  Il 
longea  d'abord  la  côte,  puis  obliqua  sur  Antipatris,  Lydda, 
Beth-Horon,  Gabaon  et  arriva  en  face  de  Jérusalem  sur  le 
Scopus.  Le  faubourg  du  Bézétha  fut  brûlé  et  la  colline  du 
temple  attaquée  par  le  nord.  Les  forces  dont  disposait  le  légat 
étaient  insuffisantes;  il  dut  se  replier  et,  poursuivi  qu'il  était 
par  les  troupes  juives,  sa  retraite  se  changea  en  déroute.  Le 
8  Dios  (fin  d'octobre)  les  insurgés  rentrèrent  en  triomphe  à 
Jérusalem  et  forcèrent  cette  fois  les  soumissionistes  à  quitter 
la  cité  ou  à  se  ranger  de  leur  côté. 

Comprenant  que  la  résistance  jusqu'au  bout  était  arrêtée, 
les  aristocrates  restés  dans  le  pays  se  résignèrent  à  la  diriger. 
Le  grand-prêtre  Annas  (2)  —  celui  qui  avait  mis  à  mort 
Jacques  le  Mineur  et  avait  été  déposé  par  Agrippa  II  —  assuma 
la  direction    des  aftaires   à  Jérusalem.    Jésus    ben    Sapphias 


(i)  Tout  eu  employaut  les  uoms  macédouieus  pour  les  mois,  Josèphe 
suivait  le  caleudrier  juif,  fixant  p.  ex.  la  Pàque  (14  Nisan)  au  14  XantiCos. 
{Ant.,  1.  III,  ch.  10,  S55.1 

(2)  Voir  plus  haut  p.  327.  Auanias,  celui  qui  avait  fait  souffleter  S.  Paul 
(Act.,  XXIII.  2),  avait  été  trouvé  caché  daus  le  palais  du  procurateur  et  fut 
tué  i)ar  les  émeutiers. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         33i 

et  Eléazar  le  fils  d'Ananias  partirent  pour  l'Idumée;  les  onze 
toparchies  de  la  Judée  eurent  é^i^alement  leurs  gouverneurs; 
quant  à  la  Galilée,  ainsi  que  la  forteresse  de  Gamala  dans  la 
Gaulanitide,  elles  furent  confiées  à  Josèphe,  le  futur  historien 
juif,  alors  âgé  de  vingt-neuf  ans.  Tout  en  organisant  adminis- 
trativement  et  militairement  le  pays  qui  lui  était  départi, 
Josèphe  faisait  violence  à  ses  sympathies  pour  les  Romains; 
il  ne  doutait  d'ailleurs  aucunement  de  leur  succès  final  et  tenait 
à  se  ménager  leurs  égards  pour  lors.  Cette  politique  d'équilibre 
ne  put  échapper  aux  fanatiques  de  la  résistance  et  il  rencontra 
un  adversaire  acharné  dans  la  personne  de  Jean  de  Giscala, 
riche  parvenu  qui  terrorisait  la  Galilée  à  la  tête  d'une  troupe 
de  brigands.  L'aventurier  qui  aspirait  lui-même  au  commande- 
ment, mit  vainement  tout  en  œuvre  pour  faire  révoquer 
Josèphe  et  attenter  à  sa  vie. 

Tandis  que  Jérusalem  fortifiait  son  enceinte,  se  pourvoyait 
de  munitions  et  s'exerçait  aux  armes,  l'Idumée  et  la  Judée 
connaissaient  les  mêmes  troubles  civils  que  la  Galilée;  luttes 
intestines  qui  devaient  faciliter  la  tache  des  Romains. 

Néron  confia  la  campagne  en  Palestine  au  général  Vespasien, 
tout  désigné  par  les  succès  qu'il  avait  remportés  en  Germanie 
et  en  Bretagne.  Vespasien  envoya  son  fils  Titus  lever  la  quin- 
zième légion  à  Alexandrie.  Lui-même  rejoignit  avec  la  cin- 
quième et  la  dixième  légion,  vingt-trois  cohortes  auxiliaires  et 
six  ailes  de  cavalerie,  l'armée  des  rois  alliés  (i)  à  Ptolémaïs. 
On  était  au  printemps  de  67.  Déjà  sept  mille  hommes  de 
troupes  avaient  eu,  sous  la  conduite  de  Placidus,  raison  des 
forces  de  Josèphe  et  ravagé  la  Galilée  ;  à  l'arrivée  de  Vespasien, 
les  armées  juives  se  débandèrent,  Josèphe  se  retira  à  Tibérias 
et  demanda  du  renfort  à  Jérusalem;  le  renfort  n'arrivant  pas,  le 
commandant  de  Galilée  rejoignit  le  21  Artémisios  (commence- 
ment mai)  ses  bandes  fuyardes  à  Jotapata  (2),  dont  le  siège 
fut  entrepris  le  surlendemain  par  Vespasien.  La  résistance 
fut  âpre  et    dura   près  de  deux  mois.    Elle  est  longuement 


(i)  Agrippa  II,  Autiochus  de  Conimagène,  Soème  d'Emésa,  Malichos  des 
Nabatéens. 

(2)  Kirbet  Dschefùt,  au  iiord  de  Sepphoris. 


332  DEPUIS    LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

racontée  dans  Bell.  Jud.,  1.  III,  ch.  7,  §§4-36.  Trahie  par  un 
transfuge  qui  renseigna  l'ennemi  sur  l'état  d'épuisement  de 
la  garnison,  celle-ci  lut  exterminée  et  la  place  rasée  le  i^""  Pané- 
mos  (aux  premiers  jours  de  juillet).  Josèphe  s'était  réfugié  dans 
une  citerne  avec  quarante  des  défenseurs.  Ceux-ci  résolurent 
de  se  donner  la  mort,  mais  leur  chef  sut  se  dérober  à  ce  moyen 
extrême  et  se  rendit.  Mené  devant  Vespasien,  il  le  fléchit  en  lui 
prophétisant,  ainsi  qu'à  son  fils  Titus,  leur  élévation  à  la  dignité 
impériale.  Cette  prédiction  lui  valut  provisoirement,  sinon  la 
liberté,  du  moins  la  vie  sauve. 

Pendant  le  siège  de  Jotapata,  les  Romains  avaient  encore 
fait  d'aff"reux  carnages  à  Japhia  (i)  et  sur  le  Garizim.  Après  ces 
succès,  Vespasien  fut  fêté  pendant  vingt  jours  par  Agrippa  II 
et  Bérénice  à  Césarée  de  Philippe,  puis  il  continua  ses  opéra- 
tions militaires  dans  la  Galilée  et  la  Samarie  qu'il  soumit,  ainsi 
que  Gamala,  avant  la  fin  de  67.  Les  zélotes  furent  particulière- 
ment éprouvés.  Plus  de  quarante  mille  des  leurs  furent  pour- 
suivis à  Tarichée  sur  le  lac  de  Tibériade,  dont  les  vagues  reje- 
tèrent six  mille  cinq  cents  cadavres  ;  douze  cents  des  survivants 
furent  exécutés  et  le  reste  déporté  ou  vendu;  toutefois,  lors  du 
siège  de  Giscala,  leur  fameux  chef  Jean  qui  défendait  lui-même 
cette  place,  était  parvenu  à  gagner  Jérusalem  avec  ses  hommes. 

Convaincus  qu'on  devait  attribuer  les  défaites  subies  jus- 
qu'alors au  manque  d'enthousiasme  patriotique  de  la  part  de 
ceux  qui  avaient  dirigé  la  résistance,  les  fanatiques  résolurent 
de  conduire  à  eux  seuls  le  mouvement  et  la  lutte  à  outrance. 

Dès  ce  moment  la  Ville  Sainte  allait  être  en  proie  aux 
factions  et  offrir  le  spectacle  d'écœurants  et  effroyables  mas- 
sacres. 

A  la  bande  du  principal  meneur,  Jean  de  Giscala,  s'étaient 
adjoints  d'autres  révolutionnaires,  venus  de  tous  les  coins  du 
pays;  ils  commencèrent  par  éliminer  tous  ceux  qu'ils  soupçon- 
naient de  sympathie  envers  les  Romains  ou  qu'ils  pensaient  sim- 
plement ne  leur  être  pas  assez  hostiles.  Ceux  qui  avaient 
quelque  accointance  avec  la  lignée  des  Hérodes  furent  exécutés  ; 
les  occupants  des  hautes  charges  sacerdotales  destitués  et  un 


(i;  Actuellement  Jàfà,  Sud  Ouest  de  Nazareth. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.        333 

nommé  Phannias,  un  prêtre  de  campagne,  hissé  par  le  sort  au 
souverain  pontificat.  Eprouvant  de  la  résistance  de  la  part  des 
autorités  locales  qui  s'essayaient,  non  sans  succès,  à  apaiser  la 
populace,  les  zéloles  appelèrent  à  leur  aide  les  Iduméens,  qui, 
au  nombre  de  vingt  mille,  pénétrèrent  de  nuit  dans  la  ville,  à  la 
faveur  d'un  violent  orage.  Le  pillage  et  les  assassinats  frap- 
pèrent avant  tout  la  classe  aisée  :  Annas,  Jésus  ben  Sapphias, 
Siméon  ben  Gamaliel,  un  pharisien  de  marque,  furent  successi- 
vement poignardés  ainsi  que  douze  mille  autres  suspects.  Ces 
horreurs  finirent  par  lasser  même  les  Iduméens,  au  point  qu'ils 
regagnèrent  leur  pays.  La  faction  des  zélotes  put  alors  impu- 
nément terroriser  Jérusalem  ;  ceux  des  chrétiens  qui  s'y  trou- 
vaient encore  partirent  pour  la  ville  entièrement  hellénique  de 
Pella,  en  Pérée  ;  d'autres  citoyens  achetèrent  leur  exode  à  prix 
d'argent;  une  des  dernières  victimes  du  parti  modéré  fut 
Joseph  ben  Gorion. 

C'est  ainsi  que  se  passa  l'hiver  de  67-Ô8.  Cependant,  \"espa- 
sien  avait  établi  des  garnisons  romaines  dans  les  localités  sou- 
mises et  en  avait  relevé  plusieurs  de  leurs  ruines  ;  il  laissa  les 
dissensions  civiles  opérer  leur  œuvre  auto-destructive  à  Jéru- 
salem, mais  s'assura  dès  le  printemps  de  68,  la  pacification  du 
reste  du  pavs.  La  Pérée  fut  soumise  jusqu'à  Machéronte; 
l'Idumée,  la  Séphélah  et  la  côte  garnies  de  corps  d'occupation, 
ainsi  que  plusieurs  localités  de  la  Judée,  de  la  Samarie  et  de 
la  région  du  Jourdain. 

Vespasien  revint  ensuite  à  Césarée  pour  y  faire  ses  prépa- 
tifs  en  vue  du  siège  de  la  capitale  juive,  lorsque  la  nouvelle  de 
la  mort  de  Néron  (g  juin  68)  arrêta  l'exécution  immédiate  de 
son  plan.  En  l'espace  d'une  année,  en  effet,  trois  empereurs  se 
succédèrent.  Proclamé  à  l'âge  de  soixante-treize  ans,  en  juin  68, 
Sulpitius  Galba  se  rendit  odieux  par  sa  sévérité  et  son  avarice. 
Tué  le  i5  janvier  69,  il  fut  remplacé  par  le  candidat 'des  Préto- 
riens :  Marcus  Salvius  Othon.  Celui-ci  eut  presque  aussitôt 
comme  concurrent  Aulus  Vitellius  et  se  suicida  en  avril  de  cette 
même  année  69. 

L'instabilité  de  ces  règnes  avait  forcé  les  armées  en  Pales- 
tine à  se  tenir  prêtes  à  toute  éventualité  et  créa  ainsi  un  arrêt 
d'une  année  dans  la  poursuite  des  opérations.  Elles  furent  for- 


334  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

cément  reprises  par  l'entrée  en  scène  d'un  nouveau  meneur  : 
Simon  bar  Giora,  qui  avait  contribué  à  la  défaite  de  Cestius  Gal- 
lus  en  66.  Il  profita  de  l'armistice  forcé  des  Romains  pour 
rassembler  une  troupe  de  quarante  mille  hommes  avec  lesquels 
il  ravagea  et  pilla  Tldumée  jusqu'à  Hébron.  Jérusalem  s'était 
vue  transformée  par  la  tourbe  de  Jean  de  Giscala  à  la  fois  en 
lupanar  et  en  repaire  de  brigands.  (Ctr.  Bell.  Jud.,  1.  IV,  ch.  g, 
§  lo.)  Simon  fut  appelé  au  secours  de  la  ville.  Il  y  entra  au 
mois  de  Xanticos  (mars-avril)  69  ;  les  zélotes  se  retranchèrent 
alors  sur  la  colline  du  temple  et  les  deux  partis  mirent  par 
leurs  rivalités  le  comble  à  la  terreur  des  habitants. 

Cette  recrudescence  des  troubles  força  Vespasien  à  renforcer 
les  garnisons  de  Judée,  en  même  temps  que  le  tribun  Céréalis 
reprenait  Hébron  et  matait  l'Idumée. 

En  dehors  de  la  capitale,  il  y  avait  encore  aux  mains  des 
insurgés,  Masada,  Machéronte  et  l'Hérodium,  mais,  le  sort  de 
l'empire  n'étant  pas  assez  définitivement  arrêté^  les  troupes 
revinrent  à  Césarée  au  mois  de  juin.  A  peine  y  étaient-elles, 
que,  sous  la  poussée  du  légat  Tibère  Alexandre  (i),  les  légions 
d'Egypte  se  refusèrent  à  reconnaître  Vitellius,  porté  au  pouvoir 
par  celles  du  Rhin,  et  fixèrent  leur  choix  sur  Titus  Flavius  Ves- 
pasien. 

Le  légat  de  Syrie,  Licinius  Mucianus  (67-69)  fit  reconnaître 
dans  tout  l'Orient  le  nouvel  empereur,  qui,  acclamé  avec 
enthousiasme  par  ses  propres  troupes,  reçut  à  Bérytos  l'hom- 
mage de  nombreuses  cités  (mi-juillet  69).  Sa  prophétie  s'étant 
si  heureusement  accomplie,  Flave  Josèphe  fut  remis  en  liberté. 

Vespasien  confia  à  Mucianus  et  à  Antonius  Primus,  le  légat 
de  Mysie  (2),  de  fortes  armées  pour  le  triomphe  de  sa  cause 
en  Italie  et  se  rendit  lui-mêmie,  accompagné  de  Titus  et  de 
Flave  Josèphe,  désormais  son  familier,  à  Alexandrie  d'Eg3^pte. 
Le  21  décembre,  Vitellius  tomba  assassiné  en  pleine  Rome  qu'il 
avait,  au  cours  de  ses  quelques  mois  de  règne,  mal  édifiée  par 
son  dévergondage. 

Vespasien  attendit  à  Alexandrie  les  vents  d'été  pour  faire 


(i)  Le  mêmequi  avait  été  procurateur  de  Judée  jusqu'en  48. 
(2)  Celui-ci  rallia  les  légious  du  Dauube. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.        335 

la  traversée  et  chargea  son  fils  Titus  de  mener,  d'ici  là,  la 
guerre  juive  à  bonne  fin. 

A  Jérusalem,  il  s'était  opéré  une  scission  parmi  les  forcenés 
de  Jean  de  Giscala  sous  la  conduite  du  prêtre  Eléazar,  l'ancien 
chef  des  zélotes.  Celui-ci  s'était  emparé  du  parvis  intérieur 
du  temple.  Jean  de  Giscala  occupait  la  colline  qui  y  conduisait; 
quant  à  Simon  ben  Gioras,  il  était  maître  de  la  ville  haute  et 
d'une  bonne  partie  de  la  ville  basse.  Des  assauts  réciproques 
et  continuels  de  ces  troupes  irrémédiablement  ennemies  inon- 
daient de  sang  les  rues  de  la  cité,  non  moins  que  l'esplanade 
de  l'autel  des  holocaustes.  Car  les  sacrifices  s'offraient  toujours 
et  les  projectiles  de  Jean  de  Giscala  écrasaient  souvent  les 
sacrificateurs  à  côté  de  leurs  victimes.  Pour  comble  de  démence, 
on  incendia,  au  cours  des  sorties  tentées  dans  les  quartiers 
ennemis,  les  entrepôts  pleins  de  blé  qui  s'y  trouvaient. 

Aux  trois  légions  de  l'armée  de  Vespasien  s'était  ajoutée  la 
douzième  (i),  conduite  par  Cestius  Gallus  aux  débuts  de  la 
guerre.  Ces  forces  jointes  à  celles  des  alliés,  se  concentrèrent 
autour  de  Jérusalem  quelques  jours  avant  la  Pàque  de  70. 
Malgré  les  troubles  qui  ensanglantaient  la  Ville  Sainte,  des 
foules  innombrables  y  étaient  accourues  de  toutes  parts  pour 
célébrer  la  fête;  la  plupart  devaient  n'en  plus  sortir. 

Dominant  la  ville  au  N.-N.-E.,  le  Scopus  fut  occupé  par  les 
douzième  et  quinzième  légions,  tandis  que  la  cinquième  se 
tenait  à  trois  stades  en  arrière;  la  dixième,  venue  de  Jéricho, 
établissait  ses  retranchements  sur  le  mont  des  Oliviers,  quand 
elle  fut  furieusement  assaillie  par  un  détachement  juif,  que  Titus 
refoula  à  grand'peine  dans  le  lit  du  Cédron. 

Le  jour  même  de  Pàque,  une  bande  armée  de  Jean  de  Gis- 
cala se  mêla  aux  pèlerins  qui  étaient  venus  faire  leurs  sacrifices 
au  temple  et  s'empara  des  positions  d'Eléazar,  réduisant  à  deux 
les  camps  adversaires  dans  la  ville. 

Environnée  de  profondes  vallées  à  l'Est,  au  Sud  et  au  Sud- 
Ouest,  Jérusalem  devait  être  attaquée  par  le  Nord  et  le  Nord- 
Ouest.  Titus  approcha  une  division  de  son  armée  jusqu'à  deux 


(i)  C'étaieut  doue  la  V»  Maciedonica;   la  X*  Freteusis  ;  la   XII»  Fulmi 
nata;  la  XV»  ApoUiuaris. 


336  DEPUIS    LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

stades  du  mur  nord-ouest,  en  face  de  la  tour  Pséphina,  établit 
l'autre  à  l'Ouest  près  de  la  tour  Hippicus  et  laissa  la  légion 
Fretensis  sur  le  mont  des  Oliviers. 

Au  préalable  une  demande  de  reddition  fut  tentée,  mais  en 
vain,  par  Josèphe,  qui  accompagnait  l'armée  romaine,  et  le 
siège  commença.  En  présence  de  cette  situation  extrême,  les 
deux  partis  ennemis  de  Simon  et  de  Jean  s'unirent  enfin  dans 
la  résistance. 

Après  un  assaut  de  quinze  jours,  repoussé  à  fréquentes 
reprises,  le  7  Artémisios  (fin  avril),  la  troisième  enceinte  (i) 
céda  et  le  Bézétha  fut  occupé.  Cinq  jours  après,  le  second  mur 
tomba,  mais  il  ne  fallut  pas  moins  de  quatre  jours  de  combats 
acharnés  avant  que  les  Romains  fussent  maîtres  du  quartier 
devant  la  ville  haute. 

L'attaque  du  premier  rempart  intérieur  et  de  l'Antonia 
nécessita  la  construction  de  quatre  boulevards  d'attaque 
(aggera)  destinés  à  supporter  et  à  élever  les  machines  de  siège. 
Au  cours  de  ce  travail,  Josèphe  essaya,  une  fois  de  plus  inuti- 
lement, d'engager  des  pourparlers. 

Jean  de  Giscala,  qui  défendait  l'Antonia,  trouva  moyen  de 
creuser  des  mines,  soutenues  au  moyen  de  pilotis,  sous  les 
deux  remblais  qui  devaient  lui  faire  face  ;  ceux-ci  achevés,  il  mit 
le  feu  aux  poutres  de  soutènement  et  le  tout  s'écroula.  Simon 
incendia  aussi  les  deux  autres  dressés  contre  la  ville  haute. 

Pourtant  la  situation  devenait  de  plus  en  plus  désespérée; 
la  famine  avec  toutes  ses  horreurs  étreignait  la  malheureuse 
cité  surpeuplée;  à  ceux  des  habitants  qui  étaient  soupçonnés 
de  receler  encore  quelque  réserve,  on  en  arrachait  l'indication 
par  la  torture  ;  ceux  qui  se  risquaient  hors  des  remparts,  en 
quête  de  quelques  herbes,  étaient  saisis  par  les  assiégeants, 
flagellés  et  crucifiés  sous  les  yeux  des  assiégés  :  tel  était  leur 
nombre  que  bientôt  on  manqua  de  place  pour  les  croix,  et  de 
bois  pour  ces  mstruments  de  supplice;  et,  scène  horrible!  les 
cadavres  de  ceux  qui  mouraient  d'inanition  étaient  jetés  dans 
les  fossés  des  remparts. 


(i)  Commencée  par  Agrippai,  sa  construction  avait  été  arrêtée  (cfr.  supra 
pp.  3i8,  319)  et  n'avait  été  que  liùtivemeut  aclievée  au  cours  de  la  révolte. 


f 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.        337 

Un  mur  en  pierres  encerclant  toute  la  ville  finit  par  empêcher 
toute  tentative  d'approvisionnement  et  toute  sortie  ;  puis  de 
nouveaux  remblais  turent  dressés  dont  l'érection  exigea  vingt  et 
un  jours,  car  il  lallut  déboiser  les  environs  à  une  distance  de 
quatre-vingt  dix  stades. 

Le  5  Panémos  (vers  la  mi-juin),  l'Antonia  tomba  au  pouvoir 
des  Romains,  qui  la  rasèrent  douze  jours  plus  tard  pour  rendre 
plus  aisée  l'attaque  du  temple.  Ce  même  jour,  17  Panémos, 
l'offrande  crématoire  du  matin  et  du  soir  cessa,  faute  de 
sacrificateurs. 

L'esplanade  du  temple  était,  elle  aussi,  remarquablement 
fortifiée  :  l'immense  rectangle  était  entouré  d'un  mur  épais  (i) 
€t,  ce  mur  franchi,  une  seconde  enceinte  protégeait  le 
parvis  intérieur.  Pour  éviter  la  destruction  de  ce  monument, 
l'orgueil  de  la  nation,  Josèphe  et  les  plus  notables  des 
transfuges  voulurent  négocier  une  fois  encore  avec  les  défen- 
seurs de  la  place,  mais  ceux-ci  s'obstinèrent  décidément.  Il 
fallut  un  nouveau  siège,  et,  les  béliers  étant  impuissants 
contre  ces  murs  de  granit,  on  mit  le  feu  aux  portes  pour 
pénétrer  ainsi  dans  les  parvis.  Les  Juifs  tentèrent  alors  des 
sorties,  et  c'est  au  cours  d'une  des  refoulades  qu'un  soldat 
romain,  parvenu  dans  le  parvis  intérieur  et  soulevé  par  un 
de  ses  compagnons,  lança  une  torche  dans  un  des  appartements 
du  temple  même.  Titus  donna  itérativement  l'ordre  d'éteindre 
l'incendie  (2),  mais  la  rage  de  ses  hommes  n'écouta  plus  que 
leurs  instincts  de  vengeance  contre  l'ennemi  qui  leur  avait 
opposé  une  si  opiniâtre  résistance  et  causa  dans  leurs  rangs 
tant  de  ravages.  Le  général  romain  eut  le  temps  d'entrer  avec 
ses  officiers  dans  le  Saint  des  Saints  avant  que  le  feu  le 
gagnât;  puis  cette  merveille  du  monde,  le  seul  temple  légi- 
time de  l'ancienne  alliance,  s'abima,  écrasant  sous  ses  ruines 
les  milliers  de  malheureux  qui  s'y  étaient  réfugiés,  tandis  que 


(i)  Le  «  mur  des  pleurs  »,  où  les  Juifs  vont  encore  se  lamenter  le 
jour  du  Sabbat,  est  le  dernier  vestige  de  cette  construction  aux  blocs  mas- 
sifs si  soigneusement  joints. 

(2)  C'est  la  version  de  Flave-Josèplie;  d'après  Suétone  et  Orose,  Titus 
aurait  au  contraire  ordonné  la  ruine  complète  du  teniple.  Cfr.  Schruer,  I, 
pp.  G3i-63a,  note  11 5. 


338  DEPUIS    LA   CONQUÊTE   DE   POMPÉE 

les  soldats  massacraient  impitoyablement  quiconque  leur 
tombait  sous  la  main.  C'était  le  lo  du  mois  de  Loos  (6  août). 
Au  milieu  de  cet  épouvantable  carnage  les  étendards  des 
légions  furent  plantés  sur  le  parvis  extérieur  du  côté  du 
Cédron,  et  Titus  décoré  du  suprême  titre  honorifique 
d'  «  imperator   », 

Restait  la  ville  haute,  où  Jean  de  Giscala  et  les  survivants 
de  ses  zélotes  étaient  parvenus  à  se  sauver.  N'obtenant  pas 
sortie  libre  pour  tous  les  assiégés,  Jean  et  Simon  continuèrent 
la  résistance.  Le  quartier  autour  du  Xyste,  ainsi  que  la  ville 
basse,  furent  alors  pillés  et  brûlés  ;  les  constructions  pour  le 
siège  de  la  ville  haute  prirent  encore  dix-sept  jours,  du  20  Loos 
au  7  Gorpiaios,  après  quoi  les  Romains  purent  sans  trop  de 
difficultés  se  rendre  maîtres  du  quartier  haut,  qu'ils  pillèrent 
et  incendièrent  comme  le  reste.  Ceux  qui  —  au  nombre  de 
quatre-vingt-dix-sept  mille  —  échappèrent  au  massacre,  furent 
destinés  aux  exploitations  minières  en  Egypte  ou  aux  com- 
bats des  gladiateurs  dans  les  cirques;  les  plus  beaux  types 
furent  réservés  pour  le  triomphe  de  Titus  à  Rome  et  parmi 
eux  les  deux  chefs  de  la  révolte.  De  toute  la  ville  on 
ne  laissa  subsister  que  les  trois  tours  Hippicus,  Pha- 
saël  et  Mariamme,  ainsi  que  le  rempart  ouest  :  le  reste  fut 
rasé. 

Ce  siège,  —  un  des  plus  acharnés  que  l'histoire  ancienne 
ait  enregistré,  —  qui  avait  duré  cinq  mois,  coûta  au  dire  de 
Josèphe  la  vie  à  près  d'un  million  cent  mille  Juifs,  sans  comp- 
ter les  vies  des  assiégeants  sacrifiées  en  grand  nombre  au  cours 
de  ces  terribles  opérations. 

Titus  laissa  la  dixième  légion  avec  quelques  détachements 
de  moindre  importance  à  Jérusalem  comme  corps  d'occupation 
et  partit  à  la  tête  des  autres  troupes  pour  Césarée  maritime, 
Césarée  de  Philippe,  Bérytos,  Antioche,  et  traversa  les  villes 
de  Syrie  jusqu'à  Zeugma,  à  l'Euphrate,  donnant  partout  des 
jeux  et  des  combats  publics  dont  les  captifs  faisaient  les  frais. 
Il  se  rendit  ensuite  à  Alexandrie  où  il  laissa  ses  légions  et 
cingla  vers  Rome  avec  sept  cents  captifs  de  choix.  En  71,  la 
capitale  du  monde  lui  fit,  ainsi  qu'à  son  père  et  à  son  frère 
Domitien,  un  accueil  triomphal,  immortalisé  par  le  fameux  arc 


jusQU  A  l'échec  Définitif  de  barkokéba. 


339 


Double  As  de  Vespasien. 

a/  IMP.  CAES    YESPaSIAN.   AVG.  p.  m.  t.  W.  P.P.P.  COS. 

III. 

Tète  laurée  de  Vespasien. 
r/  a  droite,  derrière  un  palmier,  Vespasien  en  tenue 
militaire,  tenant  de  la  droite  une  lance,  de  la 
gauche  un  parazonium  (courte  épée)  ;  le  piedgauche 
appuyé  sur  un  casque.  A  gauche  une  femme  assise 
sur  une  cuirasse,  la  tète  appuyée  sur  la  main. 
IVUAEA  CAPTA  S.  G. 


Aureus  de   Vespasien. 

a/  Tète  laurée  de  Vespasien  IMP. 
CAESAP  VESPASIA.NUS  AVC. 

r/  Femme  symbolisant  la  Judée  vain- 
cue, assise  au.\  pieds  d'un  trophée. 
En  dessous  IVDAEA. 


Bronze  de  Titus. 

a/  Tète  laurée  de  Titus. 

AVTOKP.  TITOS  KAISAP. 

r/  Trophée  de  face  ;  à  terre,  à  gauche,  une  femme 
accroupie  les  mains  derrière  le  dos  (représen- 
tant la  Judée  humiliée)  ;  à  droite  une  pelta. 
I0YAAIA2  EAAQKYIA2 


de  Titus,  au  pied 
du  Palatin. 

La  pacification 
du  pays  juif,  ache- 
vée par  la  prise  des 
trois  forteresses  de 
rHérodium,de  Ma- 
chéronte  et  de  Ma- 
sada,  fut  l'œuvre 
dés  deux  légats  im- 
périaux Lucilius 
Bassus  et  Flavius 
Silva.L'Hérodium 
et  Machéronte  ne 
demandèrent  pas 
trop  d'efforts,  mais 
il  en  fut  autrement 
de  Masada,  occu- 
pée et  défendue 
dès  les  débuts  de 
la  guerre  par  Eléa- 
zar,  un  descendant 
de  Judas  le  Galiléen 
et  l'un  des  fauteurs 
de  troubles  sous 
Varus  après  la  mort 
d'Hérode le  Grand. 
Silva  dut  déployer 
toute  la  stratégie 
romaine  pour  arri- 
ver au  bout  de  ce 
siège,  et,  quand  le 
16  avril  73  les  lé- 
gionnaires s'élan- 
cèrent à  l'assaut 
final,  ils  trouvèrent 
les  défenseurs  à 
l'état  de  cadavres  . 


340 


DEPUIS  LA  CONQUETE  DE  POMPEE 


plutôt  que  de  se  rendre ,  ils  s'étaient  entretués  (  i  ) . 
Comme  écho  à  l'aftreuse  tragédie  de  Palestine  il  y  eut  des 
soulèvements,  bientôt  réprimés,  dans  les  juiveries  d'Alexandrie 
et  de  Cyrène  ;  le  temple  de  Léontopolis  fut  alors  définitivement 
fermé. 

La  Palestine  devint  domaine  privé  de  Vespasien,  c'est-à-dire 
province  impériale,  indépendante  de  la  légation  de  Syrie  et 
administrée  non  plus  par  un  procurateur  mais  par  un  légat  de 
rang  sénatorial.  Sa  résidence  fut  Césarée,  transformée  en 
colonie  romaine;   mais  la  dixième  légion  resta  à  Jérusalem. 

C'en  était  fait  des  élé- 
ments sensibles,  qui, 
malgré  la  domination 
étrangère,  avaient  jus- 
qu'alors tenu  si  forte- 
ment rattachées  les  âmes 
juives,  sans  égards  pour 
les  tendances  opposées 
et  les  dissensions  intes- 
tines qui  les  divisaient  ; 


Bronze  de  la  Légion  X"^  Fretensis. 

La  pièce  est  fruste  et  les  légendes  devenues  illi- 
sibles. 


a/  Tête  probablement  laurée. 

k/  Au   milieu   du    champ  contre-marque  carrée        j^g    ^^  sanhédrin,  plus 
offrant   un  porc   en   défense   surmonte  des     ^  .       ^ 

lettres  L.  X.  F.  de  temple,  par  suite  plus 

Au-dessous  et  à  gauche  seconde  contre-marque     Jp  oor^rifires  ni  de  sacer- 
offrant  une  petite  galère  (fretum  =^  détroitj. 

doce  effectif;  et,  pour 
rendre  cette  dernière  privation  plus  tangible  et  plus  dou- 
loureuse, il  fallut  aux  Juifs,  o  suprême  amertume!  verser 
désormais  la  capitation  du  didrachme  pour  le  temple  de  Jupiter 
Capitolin. 

Pour  ceux  qui  n'avaient  pas  voulu  croire  au  changement 
d'alliance,  ceux  qui,  n'admettant  pas  que  le  sacerdoce  fut 
changé,  n'admettaient  pas  non  plus  un  changement  de  Loi 
(Heb,,  VII,  12),  cette  Loi  entretint  leurs  dernières  illusions. 
Ils  s'y  cramponnèrent  comme  à  l'âme  de  la  nation  et,  ne 
pouvant  pas  regarder  la  ruine  comme  définitive,  ils  tentèrent 
un  suprême  essai  de  restauration.  Il  aboutit  à  un  échec  radical. 


(i)  Ou  lira  avec  intérêt  l'histoire  de  ce   fameux  siège  dans  Touvrage 
du  PÈRE  Abei,  :  Une  Croisière  autour  de  la  mer  Morte,  pp.  Iio-iai. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.        341 
Les  Romains  n'ignoraient  pas  les  espérances  messianiques  La 


des  Juifs  ;  ils  savaient  que  c'étaient  ces  rêves  qui  avaient  été 
en  partie  la  cause  de  la  révolte  et  ils  pouvaient  craindre  à  bon 
droit  que  ces  utopies  ne  conduisissent  à  de  nouvelles  tentatives 
d'insurrection. 

Au  dire  d'Héj^ésippe  (i),  «  Vespasien  fit  rechercher  tous 
les  descendants  de  David,  afin  qu'il  ne  restât  plus  chez  les  Juifs 
personne  qui  fût  de  race  royale.  Ce  leur  fut  un  nouveau  sujet  de 
très  grande  persécution  ».  D'après  le  même  historien  (2), 
Domitien  (81-96)  fit  comparaître  les  petit-fils-de  Jude,  le  frère 
du  Seigneur,  dénoncés  comme  appartenant  à  la  race  de  David, 
mais,voyantquec'étaient  de  pauvres  laboureurs  qui  attendaient 
uniquement  un  royaume  céleste,  il  les  renvoya.  Toujours 
d'après  cet  auteur  (3),  Siméon,  fils  de  Clopas,  le  second 
évèque  de  Jérusalem,  mourut  martyr  à  l'âge  de  120  ans, 
parce  qu'il  était  de  la  race  de  David  et  chrétien,  sous  le  règne 
de  Trajan  (98-117). 

Déjà  au  début  de  la  guerre  en  68,  des  Juifs  qui  ne  voulaient 
pas  y  participer,  avaient  formé,  avec  l'autorisation  de  Vespa- 
sien, des  colonies  à  Jamnia  et  à  Lydda.  C'est  dans  ces  deux 
localités  que  vinrent  enseigner  à  la  fin  du  premier  siècle  et  au 
commencement  du  deuxième,  les  rabbins  les  plus  fameux.  Ils 
réunirent  autour  d'eux  les  Juifs  notables  échappés  à  la  ruine. 
Comme  le  dit  le  Père  Lagrange  (4)  :  «  Ce  n'était  plus  un  san- 
))  hédrin  mais  une  académie.  L'assemblée  avait  encore  une 
»  autorité  considérable,  surtout  dans  l'ordre  spéculatif;  elle 
»  s'eftorça  de  maintenir  l'unité  du  judaïsme,  d'exercer  une 
))  juridiction,  d'empêcher  les  Romains  de  s'immiscer  dans  les 
»  affaires  de  la  nation.  Mais  elle  ne  pouvait  prétendre  à  une 
))  action  politique  et  ces  exégètes  n'avaient  ni  estime  ni  goût 
))  pour  le  métier  des  armes  ».  En  fait,  ce  collège  de  rabbins 
à  Jamnia  devint  une   espèce  de  tribunal  suprême  aux  déci- 


(i)  Elsebe,  Hist.  EccL.  1.  III,  ch.  12.  Edition  Grapiu. 

(2)  Ibid.,  ch.  19  et  20. 

(3)  Ibid.,  ch.  32. 

(4)  Le  Messianisme  chez  les  Juifs,  p.  3o3,  ouvrage    qui  fournit  sur  cette 
période  ultime  de  précieux  renseignements. 


dernière 
tentative. 


342  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE   POMPÉE 

sions  duquel  tout  le  monde  se  soumettait  et  où  les  espérances 
messianiques  se  maintinrent,  (i) 

Jérusalem  quoique  détruite  et  profanée  par  le  campement  de 
la  dixième  légion,  ne  cessa  pas  d'exercer  sur  les  restes  de  la 
race  juive  un  irrésistible  attrait.  Des  vieillards  et  quelques 
femmes  étaient  restés  pour  pleurer  sur  ses  ruines  (2)  ;  elle 
devint  bientôt  un  lieu  de  pèlerinage  douloureux,  mais,  malgré 
tout,  sollicitant.  Eusèbe  (3)  nous  apprend  qu'une  église  judéo- 
chrétienne  y  eut  jusqu'en  i35  des  évêques  «  de  la  circoncision  » 
qui  s'y  succédèrent  régulièrement.  Elle  s'était  donc  repeuplée, 
et  dès  lors  on  peut  y  admettre  a  fortiori,  à  côté  de  cette  chré- 
tienté, une  population  purement  juive.  La  Palestine  avait  reçu 
quelques  fondations  nouvelles  exclusivement  païennes,  telles  la 
colonie  militaire  d'Emmaùs,  Flavia  Néapolis  sur  l'emplace- 
ment de  l'ancienne  Sichem,  et  Capitolias  dans  la  décapole  (4). 
Pour  le  reste  ses  villes  avaient  gardé  leurs  habitants  juifs  à 
l'exception  de  ceux  que  le  désastre  de  la  capitale  avait  enlevés. 

Le  règne  si  prospère  et  si  glorieux  de  Trajan  qui  s'était  sou- 
mis et  avait  converti  en  provinces  romaines  la  Dacie,  l'Arabie 
transjordane,  l'Arménie,  la  Mésopotamie  et  l'Assyrie  (royaume 
parthe),  se  termina  par  une  levée  de  boucliers  de  la  part  des 
Juifs  sur  plusieurs  parties  de  l'empire. 

Tandis  que  l'empereur  menait  sa  campagne  dans  le  pays  de 
l'Euphrate  et  du  Tigre  en  ii5,  les  Juifs  d'Egypte  et  de  Cyrène 
s'en  prirent  à  leurs  concitoyens  païens.  De  cause  bien  précise 
les  contemporains  n'en  assignent  point,  mais  comme  les  troubles 
éclatèrent  à  plusieurs  endroits,  on  peut  dire  que  c'était  la  soif 
de  venger  l'humiliation  infligée  à  toute  une  race  par  l'anéantis- 
sement de  ce  qui  lui  était  cher  dans  la  mère-patrie  et  sans 
doute  aussi  un  réveil  intempestif  des  espérances  messianiques. 

En  Egypte  le  mouvement  s'étendit  jusqu'à  la  Thébaïde  et 
le  légat  Rutilius  Lupus  ne  parvint  pas  à  l'enrayer.  Les  Hellènes 
partout  défaits,  s'enfuirent  alors  à  Alexandrie  :  ils  y  exercè- 


(i)  Cfr.  SCHiiRER,  I,  pp.  656-661. 

(2)  Bell.,  Jud.,  1.  VII,  ch.  8,  éditiou  Dindorf,  II  p.  33o  à  la  fiu. 

(3)  Hlst.  Eccl.,  1.  IV,  ch.  6,  §4. 

(4)  Aujourd'hui  Beth-er-Ràs. 


JUSOU  A   L  ÉCHEC    DEFINITIF    DE    BARKOKÉBA.  343 

rent  un  tel  carna<:,'e  que  pas  un  Juif  n'échappa  et  la  ville  dut 
être  restaurée  sous  Hadrien.  La  rev^anche  fut  prise  à  Cyrène. 
Elle  fut  d'une  cruauté  inimaginable  ;  au  témoignage  de  Dion 
Cassius  les  Juifs  y  firent  deux  cent  vingt  mille  victimes  :  plu- 
sieurs d'entre  elles  furent  sciées  du  haut  en  bas,  on  cuisit  leurs 
chairs,  on  se  ceignit  de  leurs  entrailles  et  on  se  couvrit  de  leur 
peau  (i).  Eusèbe  (2)  nous  dit  que  leur  chef  Loukouas  (3) 
avait  pris  le  titre  de  roi,  ce  qui  à  cette  époque  trahit  indubita- 
blement des  v'isées  messianiques;  auparavant  déjà  la  démence 
et  la  fureur  des  sicaires,  nous  dit  Josèphe  (4),  avaient  envahi 
la  Cyrénaïque  comme  un  mal  contagieux. 

Trajan  envoya  en  Afrique,  à  la  tète  d'une  armée  et  d'une 
flotte,  un  général  de  première  valeur  :  Marcius  Turbo.  Il  lui 
fallut  toute  l'année  116  et  des  combats  acharnés  pour  réprimer 
ce  soulèvement;  il  ne  le  put  d'ailleurs  complètement  qu'en  117, 
aux  débuts  du  règne  d'Hadrien. 

L'île  de  Chvpre  fut  le  théâtre  des  mêmes  tueries  que  Cyrène; 
les  Juifs  massacrèrent  deux  cent  quarante  mille  insulaires  et 
détruisirent  la  capitale  Salamis.  Tel  fut  le  ressentiment  des 
habitants  que,  même  longtemps  après,  la  mort  attendait  tout 
Juif  qui  s'aventurât  sur  Tile  (5). 

En  Mésopotamie,  où  les  fils  d'Israël  étaient  nombreux,  la 
révolte  éclata,  tandis  que  Trajan  était  en  marche  sur  Ctésiphon, 
la  capitale  parthe.  Le  général  Lusius  Quietus,  un  prince 
maurétanien,  dut  s'emparer  de  Nisibe  et  d'Edesse  et  mena  une 
guerre  d'extermination  dans  toute  la  province;  après  quoi,  il 
fut  nommé  légat  en  Palestine.  Là  aussi  les  esprits  se  rebel- 
laient (6).  Schûrer  (7)  n'admet  pas  une  guerre  bien  carac- 
térisée dans  ce  pays;  malgré  cela,  les  détails  donnés  par  les 
sources  juives,  qui  nous  parlent  d'une  guerre  de  Quietos,  enca- 


(I;  Hist.  Rom.,  1.  LXVIII.ch.  82. 

(2)  Hist.  EccL,  I.  IV,  ch.  2,  §  4. 

(3)  Dion  Cassius  l'appelle  Audré. 

(4)  Bell.  .lud.,  I .  VII.  ch.  11,  S  i. 
(5|  Diou  Cassius,  Ibid. 

(6)  Spartien,    Vita   Hadriani,   ch.   5.    Aegyptus  sedilionibiis    argebatur. 
Lit  y  a  deniqueac  Palaestina  rebelles  aninios  efferebant. 

(7)  I,  pp.  667-668. 


344  DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 

drée  entre  celles  de  Vespasien  et  d'Hadrien,  s'entendent  mieux 
d'une  campagne  menée  en  Palestine  que  bien  de  celle  en  Méso- 
potamie. Tout  ce  qu'on  peut  accorder  à  l'historien  allemand 
c'est  que  l'agitation  n'y  eut  ni  l'importance  ni  l'extension 
qu'elle  avait  prises  dans  d'autres  contrées  (i). 

Elle  fut  d'autant  plus  formidable  peu  d'années  après  sous 
Hadrien.  Cette  dernière  guerre  palestinienne  ne  le  céda  pas  en 
durée  et  en  horreurs  à  celle  de  Vespasien,  soutenue  qu'elle 
fut  par  les  juiveries  du  monde  entier  (2). 

Généralement  on  assigne  comme  causes  à  ce  soulèvement 
ultime  contre  la  domination  romaine  les  deux  faits  sui- 
vants (3)  : 

1°  La  défense  rapportée  par  Spartien  :  inoveriint  ea  tempestate 
et  Jiidaei  belhtui,  quod  vetabantur  imitilare  genitalia  (4).  Domi- 
tien  avait  prohibé  antérieurement  la  castration  (5)  et  Hadrien 
voulut  donner  à  ce  délit  la  même  gravité  qu'aa  meurtre;  la 
circoncision  aurait  été  considérée  comme  un  cas  analogue  et, 
dès  .lors,  cette  prohibition  menaçait  un  rite  essentiel  du 
judaïsme; 

2°  Dion  Cassius  (6)  assigne  un  autre  mobile,  notamment 
la  fondation  par  Hadrien  à  Jérusalem  d'une  colonie  romaine  et 
la  transformation  de  cette  cité  en  ville  entièrement  hellénisée  et 
paganisée  par  l'érection  d'un  temple  à  Jupiter. 

Ces  deux  motifs  sont  récusés  par  le  Père  Lagrange  (7). 
Schûrer  lui-même  n'admet  pas  que  l'interdiction  d'Hadrien  ait 
été  dirigée  expressément  contre  les  Juifs  (I,  p.  677),  et  quand  les 
empereurs  postérieurs  ont  formellement  défendu  la  circon- 
cision, ils  ont  eu  soin  d'excepter  les  Juifs.  Dès  lors  «  l'interdire 
sans  songer  aux  Juifs  eût  été  une  insigne  étourderie  ;  braver 
les  Juifs,  une  imprudence  et  un  crime  politique  w;  conséquem- 
ment,  le  docte  dominicain  rejette  le  témoignage  du  biographe 


(1)  Cfr.  Lacjraxge,  op.  laud.,  pp.  3o6  3o8 

(2)  Dion  Cassius,  Hist.  Rom.,  1.  LXIX,  ch.  i3. 

(3)  Entre  autres  auteui's  :  Schûrer,  I,  pp.  674-^^82;  Felten,  I,  pp.  279-281. 

(4)  VilaHad.,  ch.  4. 

(5i  Dion  Cassius,  Hist.  Rom.,  1.  LXVII,  cli.  2. 

(6)  Hist.  Rom.,\.  LXIX,  ch.  12. 

(7)  Op.  laud.,  pp.  3o9-3i5. 


JUSQU  A   L  ÉCHEC    DÉFINITIF    DE    BARKOKÉBA. 


345 


d'Hadrien,  comme  incompatible  avec  la  prudente  politique  de 
cet  empereur. 

La  transformation  brusque  de  Jérusalem  en  cité  païenne 
s'appu3ait  sur  l'activité  bien  connue  d'Hadrien,  dont  le  règne 
réalisa  un  programme  systématique  de  «  restitutor  »,  ainsi  que 
quantité  de  ses  monnaies  en  témoignent  (i).  Seulement,  fait 
remarquer  le  Père  Lagrange  (p.  3i3),  Jérusalem  était  redevenue 
une  ville  juive;  la  paganiser  n'allait  pas  sans  soulever  toute  la 
population  et  il  est  peu  vraisemblable  qu'Hadrien,  qui,  pour  en 
finir  avec  les  révoltes  de  l'Orient,  avait  renoncé  à  l'Arménie  et 
à  la  Mésopotamie,  ait  provoqué  les  Juifs,  dont  la  guerre  de 
Trajan  avait  prouvé  l'audace  et  la  concorde. 

Il  est  possible  toutefois,  et  le  Père  Lagrange  l'accorde,  qu'il 
y  ait  eu  un  projet  de  rebâtir  et  peut-être  un  commencement 
d'exécution  de  la  part  d'Hadrien;  peut-être,  ajouterons-nous, 
la  défense  de  la  castration  inquiéta-t-elle  les  Juifs,  par  crainte 
de  voir  s'étendre  la  défense  également  à  la  circoncision?  Ces 
deux  considérants  auront  pu  motiver  les  causes  assignées 
par  le  savant  maître  :  «  l'extrême  exaltation  des  Juifs  et 
leurs  espérances  messia- 
niques surexcitées  par 
leursmalheurs»(p.3i5). 

La  sédition  qui  cou- 
vait pendant  les  séjours 
que  fit  l'empereur  en 
Egypte  et  en  Syrie, 
éclata  lorsque,  en  i32, 
il  fut  parti  pour  la  Grèce. 


Sicle  de  Barkokébas. 


Le  légat  de  Palestine 


a/  Ethrog  et  loulab. 

Ecriture  archaïque  ^""^'^l"^  min^ 
(délivrance  de  Jérusalem). 

r/  Temple  tétrastyle  surmonté  d'une  étoile.  Au 
centre  signe  conventionnel  de  la  porte  dorée. 
Ecriture  archaïque  î^y^»^  (Simoni 


Tineius  Rufus  eut  beau 
(c  tuer  des  masses  ser- 
rées d'hommes,  de  fem- 
mes et  d'enfants  et  dé- 
peupler leurs  habitats  (2)  »,  l'insurrection  gagna  tout  le  pays  et 
fut  encouragée  par  les  sympathies  ardentes  de  la  diaspora,  au 


(i)  Cfr.  ScHiiRKR,  I,  p.  G81,  note  93. 
(2)  EUSÈBE,  Hist.  Eccl.,  I.  IV,  ch.  6,  §  i. 


346 


DEPUIS    LA    CONQUÊTE    DE    POMPÉE 


point  que  l'univers  entier  se  trouva  en  émoi  (i).  Jérusalem 
tomba  bientôt  aux  mains  des  révolutionnaires  et  sa  délivrance 

^'~  fut  proclamée  officielle- 


Mm 


ment  par  la  frappe  de 
monnaies  au  nom  de 
(c  Simon  »  à  l'avers,  et 
la  légende  «  lechêruth 
J  eruschalem  »  au  revers. 
C'est  sur  ce  Simon 
que  se  concentrèrent  une 
fois  encore  les  aspira- 


Dichalque  de  Bar-Kokébas. 
a/  Lyre  à  trois  cordes.  Ecriture  archaïque 

\\Viyi!  (Simon). 
r/  Palme  à  folioles  serrée   dans    une    cou- 
ronne.  Ecriture  archaïque  nnnS  (à  la         ,  •  ■       •  j 

délivrance).  npn?  tions    messianiques    de 

ce  peuple  qui  dans  son 
aveuglement  avait  rejeté  le  seul  «  qui  fut  venu  au  nom  du 
Seigneur.    » 

Simon, nommé  dans  les  sources  rabbiniques  Bar  Kozêba  (2) 
n'était  qu'un  voleur  et 
un  assassin  (3),  mais  il 
sut  exploiter  les  illu- 
sions de  ses  compatrio- 
tes et  s'imposa  d'abord 
aux  masses  par  de  gros- 
sières supercheries  (4). 
Le  célèbre  rabbin 
Aqiba  ben  Joseph  lui 
appliqua  la  prophétie  de 
Balaam  (Num.,  XXIV, 
17),  en  jouant  sur  les  mots  et  en  disant  :  Jn^dîID  (Kozêba) 
sortira  de  Jacob,  au  lieu  du  texte  original  2D1D  (kôkab  :  étoile). 
D'où  son  changement  de  nom  en  Bar-Kokéba  :  «  le  fils 
de   l'étoile    »    que    lui    donnent    les    sources    chrétiennes    et 


Dichalque  de  la  dernière  révolte. 
a/  Palmier  portant  fruit?.  Ecriture  archaïque 

j;,«2i'ii'  (Simon). 
r/  Feuille  de  vigne.  Ecriture  archaïque 

(2™®  année  de  la  délivrance  d'Israël). 


(i)  Dion  Cassius,  Hlst.  Rom.,  1.  LXIX,  ch.  i3. 

(2"!  Probablemeut  du  lieu  de  sa  naissauce  (Akzib    jjrès  de  Bêt-Nettif  ?). 

(3)  EusÈBE,  Hlst.  EccL,  1.  IV,  ch.  6,  §  2. 

(4)  lUe  Barchochabas,auctor  seditionisjudaicœ,stipulam  in  ore  succensam 
anhelitu  ventilabat,  ut  flammas  euomere  putaretiir.  HiEROJi.,  Adv.  Riifinum, 
III,  Si. 


JUSQU  A   L  ÉCHEC    DÉFINITIF   DE   BARKOKÉBA. 


347 


qu'elles  empruntent  nécessairement  à  une  tradition  ancienne. 

Cette  exégèse  d'un  maître  aussi  célèbre  eut  sans  doute 
plus  d'un  adhérent  ;  elle  fut  certainement  admise  par  une  autre 
lumière  rabbinique  du  temps, 
Eléazar  de  Modin,  l'oncle  de 
Simon.  C'est  ainsi  que  «  par 
son  nom,  dit  Eusèbe  {loc.  cit  ), 
il  en  imposait  à  ces  hommes 
serviles  ». 

Les  renseignements  que  nous 
avons  sur  cette  tentative  de  res- 
tauration ne  sont  ni  nombreux 
ni  étendus  ;  ils  nous  prouvent 
néanmoins  que  l'acharnement 
fut  grand  de  part  et  d'autre. 

Par    certaines    monnaies    de 


Chalque  de  la  dernière  révolte. 
a/  Palmier  ;  en  dessous  lettres  archaï- 
ques =  ]W?2^  (Simon). 
r/  Grappe  de  raisins.  Tout  autour  en 
lettres  archaïques  :  S'^2;'n''ni"in^ 
(délivrance  de  Jérusalem). 
Cette   monnaie    date    probablement 
de  la  première  année   de  la    seconde 
révolte. 


Simon,  nous  apprenons  qu'il  s'intitula  prince  (nasi)  d'Israël,  que 
sa  capitale  était  délivrée  et  qu'en  même  temps  que  lui, 
mais  sous  lui,  un  grand-prêtre  (Eléazar)  détenait  le  pou- 
voir. 

Messie  jaloux  et  farouche,  «  il  faisait  subir  aux  chrétiens  les 
derniers  supplices  s'ils  ne  reniaient  et  ne  blasphémaient  Jésus- 
Christ  »  (i). 

Du  côté  juif  il  y  eut  aussi  des  martyrs  parmi  les  rabbins,  qui, 
sans  avoir  pour  cela  pris  part  à  l'insurrection,  tombèrent 
victimes  de  la  vindicte  romaine  (2). 

La  répression  avait  été  confiée  à  un  général  renommé  :  Julius 
Severus,  rappelé  expressément  de  Bretagne;  il  semble  que  le 
terrain  dut  être  reconquis  pas  à  pas  :  c'est  du  moins  ce  qui 
ressort  de  la  notice  de  Dion  Cassius  (3)  qui  ne  parle  pas  de 
grands  engagements,  mais  nous  dit  qu'il  fallut  forcer  5o  forte- 
resses défendues,  ravager  g85  localités  et  que  le  nombre  de 
ceux  qui  périrent  par  le  fer  seul  fut  de  58o,ooo  ;  une  quantité 


(i)  Justin,  i<.4poZ.,  ch.  3i,  §6. 

(a)  Les   sources  rabbiniques  sont  indiquées  dans  Schurer,   I,  p.   697. 
note  i38. 
(3,  Hist.  Rom.,  1.  LXIX,  ch.  i3-i4. 


348  DEPUIS    LA   CONQUÊTE   DE    POMPÉE 

innombrable  de  survivants  fut  vendue  comme  esclaves  sur  les 
marchés  d'Hébron,  de  Gaza  et  d'Egypte. 

Bar-Kokéba  fut  tué  au  siège  de  Béther  (i)  qui  résista  en 
tout  dernier  lieu. 

La  guerre  avait  duré  trois  ans  et  demi  (commencement  de 
i32  au  milieu  de  i35),  mais  la  victoire  coûta  cher. 

L'empereur  s'en  rendait  bien  compte  :  notifiant  au  sénat 
l'issue  de  cette  campagne,  il  n'osa  se  servir  de  la  formule 
habituelle  en  pareille  occasion  «  que  lui  et  l'armée  étaient  en 
bon  état  ». 

La  Palestine  était  devenue  un  véritable  désert.  Jérusalem, 
reprise  à  nouveau  sur  les  Juifs  et  rasée,  fut  totalement  trans- 
formée en  colonie  romaine  et  reçut  le  nom  de  Colonia  Aelia 
Capitolina  (2). 

D'après  le  Chronicon  Pascale  (3),  on  y  voyait  deux  bains 
publics,  un  théâtre,  des  fontaines  et  autres  constructions 
helléniques. 

Sur  l'emplacement  de  l'ancien  temple  on  en  érigea  un  nou- 
veau dédié  à  Jupiter  Capitolin  et  l'on  3^  plaça  une  statue 
d'Hadrien  ;  sur  le  tombeau  du  Christ,  fut  élevé  un  sanctuaire 
d'Aphrodite  ;  les  monnaies  d' Aelia  représentent  encore 
d'autres  divinités  :  Bacchus,  Sérapis  et  les  Dioscures.  Sur 
la  porte  Sud  qui  regardait  Bethléhem  on  sculpta  un  sanglier 
dans  le  marbre. 

Il  fut  défendu,  sous  peine  de  mort,  aux  Juifs  d'approcher  de 
la  ville  et  cette  prohibition  était  encore  en  vigueur  du  temps 
d'Eusèbe  (4).  Les  ethnico-chrétiens  toutefois  s'y  rétablirent  et 
ce  sont  leurs  traditions  qui  assignèrent  aux  pèlerins  des  âges 
postérieurs  les  précieux  souvenirs  relatifs  à  la  passion  et  à  la 
glorification  du  Sauveur. 

Sans  patrie,  les  Juifs   ne   seront  plus   désormais   que   des 


I 


(i)  Aujourd'hui  Bittir,  sur  la  route  du  cliemin  de  fer  de  Jaffa  à  Jérusa- 
lem, à  II  kil.  de  celle-ci. 

(2)  Aelia  du  nom  de  famille  de  l'empereur  :  Publias  Aelins  Iladrianus ; 
Capitolina  en  l'honneur  de  .Jupiter  Capitolin. 

(3)  MiGNE,  P.  G.,  tome  XCII,  p.  G14. 

(4)  Hist.  EccL,  1.  IV,  ch.  6,  §  3. 


jusqu'à  l'échec  définitif  de  barkokéba.         349 

étrangers  dans  le  monde  entier,  mais  le  rabbinisme  ne 
fera  que  se  développer  et  s'imposera  de  plus  en  plus.  Reli- 
gieusement écouté,  il  isolera  la  race  juive  d'entre  toutes 
les  autres  par  le  maintien  de  la  circoncision  et  le  culte 
de    la   Loi. 

Notre  tâche  est  achevée. 


Nous  nous  sommes  associé  à  toutes  les  situations  de  la  petite 
tribu  ignorée,  partie  d'Ur  en  Chaldée  et  devenue  ce  peuple 
opiniâtre,  mêlé  à  tous  les  bouleversements  de  l'ancien  Orient, 
survivant  à  chacun  d'eux  et  finalement  disséminé  au  milieu  de 
toutes  les  nations  sans  perdre  ses  particularités  dans  aucune. 

Admirant  la  providence  particulière  de  Dieu  dans  l'élection 
et  la  conservation  de  la  race  élue,  nous  nous  sommes  réjoui  des 
promesses  qui  lui  étaient  faites.  Mais,  plus  d'une  fois  aussi, 
nous  avons  éprouvé  avec  l'Apôtre  «  une  grande  douleur  et 
une  angoisse  de  cœur  (i)  »  devant  les  prévarications 
auxquelles  elle  s'est  livrée.  Son  aveuglement  et  ses  cata- 
strophes finales  nous  ont  profondément  touché,  car  «  c'étaient 
des  Israélites,  c'est  à  eux  qu'appartiennent  l'adoption  et  la 
gloire  et  les  alliances  et  la  Loi  et  le  culte  et  les  promesses  et  les 
pères,  c'est  d'eux  que  le  Christ  est  issu  selon  la  chair  »  (2). 

Nous  ne  pouvons  oublier  que  «  leur  rejet  a  été  la  réconci- 
liation du  monde  et  que,  si  leur  endurcissement  doit  durer 
jusqu'à  ce  que  la  plénitude  des  gentils  soit  entrée,  leur  réinté- 
gration sera  la  résurrection  des  morts  »  (3). 

Ce  n'est  pas  sans  émotion  que  nous  nous  rappelons  les  avoir 
vus  maintes  lois  à  l'angle  Sud-Ouest  du  Haram,  pleurer  et  se 
lamenter  auprès  du  seul  pan  de  mur  encore  debout  de  leur 
ancien  Temple. 


(i)  Rom.,  IX,  2. 
(a)  Rom.,  IX,  4,  5. 
(3)  Rom.,  XI,  i5.  25. 


352 

Ce  souvenir  nous  inspire  de  leur  adresser  l'invitation  d'Ori- 
gène,  «  à  rechercher  la  Jérusalem  céleste  au  lieu  de  pleurer 
la  Jérusalem  de  la  terre  »  (i).  Et,  du  fond  de  l'âme,  nous 
redisons  la  prière  de  TEglise  au  jour  anniversaire  de  leur 
déicide  : 


Omnipotens,  sempiterne  Deus,  oui  etiam  Judai- 
cam  perfidiam  a  tua  misericordia  non  repellis  : 
exaudi  preces  nostras,  ouas  pro  illius  populi 
obcaecatione  deferimus  ;  ut,  agnita  veritatis  tuae 

LUCE,  QUAE  ChRISTUS  EST,  A  SUIS  TENEBRIS  ERUANTUR. 


(i)  MiGNE,  P.  G  ,  tome  XII,  col.  910. 


APPENDICES 


23 


APPENDICES 


Une    lettre    d'Abd-Hiba   d'Urusalim 
à  Aménophis  IV  (i) 

Au  roi,  mon  Seigneur  Abd-Hiba,  ton  serviteur.  Aux  pieds  de 
mon  Seigneur  sept  tbis  et  encore  sept  fois  je  me  prosterne. 
Qu'ai-je  fait  contre  le  roi,  mon  Seigneur?  On  me  calomnie 
devant  le  roi,  mon  Seigneur  (quand  on  dit)  :  Abd-Hiba  a  fait 
défection  au  roi,  son  Seigneur.  Vois,  ce  n'est  ni  mon  père  ni  ma 
mère  qui  m'ont  établi  en  ce  pays.  C'est  le  bras  puissant  du  roi 
qui  m'a  mis  en  possession  du  territoire  paternel.  Pourquoi 
commettrais-je  alors  un  délit  contre  le  roi,  mon  Seigneur? 
Aussi  vrai  que  le  roi  vit,  c'est  parce  que  je  dis  aux  fonction- 
naires du  roi,  mon  Seigneur  :  pourquoi  favorisez- Vous  les 
Habiru  et  faites-Vous  du  tort  aux  rois  vassaux  locaux  (2), 
voilà  pourquoi  ils  me  calomnient  auprès  du  roi.  C'est  parce  que 
je  dis  :  il  s'écroule,  le  territoire  du  roi,  mon  Seigneur,  c'est 
pour  cela  qu'ils  me  calomnient  auprès  du  roi,  mon  Seigneur. 

Qu'il  le  sache  le  roi,  mon  Seigneur,  que  le  roi,  mon  Seigneur, 
avait  placé  des  garnisons,  mais  les  a  enlevées...  Janhamu  (3) 
...  Egypte...  roi,  mon  Seigneur...  il  n'y  a  plus  là  de  garnisons. 

Que  le  roi  prenne  soin  de  son  pays,  que  le  roi  prenne  soin  de 


(i)  D'après  Winckler,  K.  I.  T.,  pp.  4-6.  Cet  auteur  donne  encore  cinq 
autres  lettres  du  même  roi  au  même  destinataire,  pp.  6-i3. 

(2)  Il  oppose  les  IJabiru  «  nomades  »  aux  hazanùti  «  chefs  locaux  séden- 
taires ». 

(3)  Janhamu    était  préposé  à  certaines  contrées  du  delta  et  du  pays  de 
Canaan. 


356  APPENDICES 

son  pays  :  il  a  fait  défection  le  territoire  entier  du  roi,  mon 
Seigneur.  Ili-milku  (i)  fait  tomber  tout  le  territoire  du  roi. 
Pour  cela  qu'il  prenne  soin  le  roi,  mon  Seigneur,  de  son  pays. 
Je  pense  :  je  vais  me  rendre  à  la  cour  auprès  du  roi,  mon  Sei- 
gneur, et  contempler  les  3'eux  du  roi,  mon  Seigneur,  mais  les 
ennemis  sont  puissants  contre  moi  et  je  suis  dans  l'impossibilité 
d'aller  à  la  cour,  auprès  du  roi,  mon  Seigneur-.  C'est  pourquoi 
qu'il  le  trouve  bon  le  roi,  mon  Seigneur,  d'envoyer  des  garni- 
sons afin  que  je  puisse  me  rendre  à  la  cour  et  contempler  les 
yeux  du  roi,  mon  Seigneur, 

Aussi  vrai  que  le  roi,  mon  Seigneur  vit,  quand  il  sort  (2) 
un  fonctionnaire,  j'ai  soin  de  dire  toujours  :  il  s'écroule  le  pays 
du  roi.  Si  Vous  ne  m'écoutez  pas,  ils  sont  tous  perdus  les  rois 
vassaux,  et  le  roi,  mon  Seigneur,  n'aura  plus  de  rois  vassaux. 
C'est  pourquoi  qu'il  songe,  le  roi,  aux  troupes  (3),  qu'il  en 
vienne  des  troupes  d'archers  du  roi,  mon  Seigneur.  Il  ne  pos- 
sède plus  de  territoire,  le  roi.  Les  Habiru  ravagent  tout  le 
territoire  du  roi.  S'il  y  a  présentes  des  troupes  cette  année,  il 
restera  le  territoire  au  roi,  mon  Seigneur,  mais  s'il  n'y  a  pas  de 
troupes,  alors  le  territoire  du  roi,  mon  Seigneur,  est  perdu. 

Au  secrétaire  du  roi,  mon  Seigneur  :  Abd-Hiba,  ton  servi- 
teur. Transmets  les  paroles  non  falsifiées  au  roi,  mon  Sei- 
gneur :  il  croule  le  territoire  entier  du  roi,  mon  Seigneur. 


(i)   Sans    doute  un  roitelet  révolté  contre  le  pharaon    et   un  ennemi 
d'Abd-Hiba. 

(2)  Quand  on  vient  d'Egypte  en  Canaan. 

(3)  A  envoyer  des  troupes. 


'I 


APPENDICES.  357 


II 

Inscription  de  Mésa. 

1.  Je  suis  Mésa,  fils  de  Camos...  roi  de  Moab,  le  Dibonite./ 

2.  Mon  père  a  régné  sur  Moab  durant  trente  ans,  et  moi, 
j'ai  régné 

3.  après  mon  père./  Et  j'ai  fait  ce  sanctuaire  à  Camos  de 
Qorkha  '  en  signe  de  salut, 

4.  car  il  m'a  sauvé  de  toutes  mes  chutes  et  il  m'a  fait  triom- 
pher de  tous  mes  ennemis,/  Omri, 

5.  roi  d'Israël,  fut  l'oppresseur  de  Moab  durant  de  longs 
jours,  car  Camos  était  irrité  contre  son  pays  ;/ 

6.  et  son  fils  lui  succéda,  et  il  dit,  lui  aussi  :  J'opprimerai 
Moab  !/  C'est  de  mon  temps  qu'il  parla  ainsi, 

7.  et  j'ai  triomphé  de  lui  et  de  sa  maison/  et  Israël  a  péri 
pour  toujours.  Or,  Omri  avait  pris  possession  du  pays 

8.  de  Madaba/  et  [Israël]  y  demeura  durant  ses  jours  et  le 
terme  des  jours  de  ses  fils,  durant  quarante  ans,  et 

g.  Camos  [nous]  l'a  rendue  de  mon  temps./  Et  j'ai  bâti 
B'aalmé'on,  et  j'y  ai  fait  la  piscine,  et  j'ai  bâti 

10.  Qaryathen./  Or,  les  gens  de  Gad  habitaient  dans  le  pays 
d"Ataroth  de  toute  antiquité,  et  le  roi  d'Israël  s'était  bâti 

11.  'Ataroth,  Et  je  combattis  contre  la  ville,  et  je  la  pris, 
et  je  tuai  tout  le  peuple 

12.  de  la  ville,  spectacle  pour  Camos  et  pour  Moab  !/  Et  je 
m'y  emparai  de  l'autel  de  son  Génie  et 

i3.  je  le  traînai  devant  Camos  à  Qiriyath./  Et  j  y  fis  habiter 
les  gens  de  Saron  et  de 

14.  Makharath,  Et  Camos  me  dit  :  Va  !  prends  Nébo  sur 
Israël  !  et  j'allai 

i5.  de  nuit,  et  je  combattis  contre  elle  depuis  la  pointe  de 
l'aurore  jusqu'à  midi,  et  je  la  pris 

16.  et  je  tuai  tout,  sept  mille  hommes  et  jeunes  garçons/  et 
femmes  et  jeunes  filles 


358  APPENDICES. 

17.  et  servantes,/  car  je  l'avais  vouée  à  l'anathème  envers 
'  Astar-Camos,  et  je  pris  de  là 

18.  les  autels  (?  ou  les  vases  ?)  de  Jahvé,  et  je  les  traînai 
devant  Camos./  Or,  le  roi  d'Israël  avait  bâti 

19.  Jahas,  et  il  y  demeurait  alors  qu'il  me  faisait  la  guerre,/ 
mais  Camos  le  chassa  devant  moi,  et 

20.  je  pris  de  Moab  deux  cents  hommes,  toute  son  élite,/  et 
le  les  portai  contre  Jahas,  et  je  la  pris 

21.  pour  l'annexer  à  JDibon./   C'est  moi  qui  ai  bâti  Qorkha, 
le  mur  des  jardins  et  le  mur 

22.  de  l'arrière-ville,/  et  c'est  moi  qui  ai  bâti  ses  portes,  et 
c'est  moi  qui  ai  bâti  ses  tours,/  et 

23.  c'est  moi  qui  ai  bâti  le  palais,  et  c'est  moi  qui  ai  fait  la 
double  piscine  pour  l'eau  au  milieu 

24.  de  la  ville;/  et  il  n'y  avait  pas  de  citerne  au  milieu  de  la 
ville,  à  Qorkha,  et  j'ai  dit  à  tout  le  peuple  :  Faites-vous 

25.  chacun  une  citerne  dans  sa  maison  !    et  c'est  moi  qui  ai 
fait  creuser  les  fossés  de  Qorkha  par  les  prisonniers 

26.  d'Israël,/  et  c'est  moi  qui  ai  bâti  'Aro'er,  et  c'est  moi  qui 
ai  fait  la  route  de  l'Arnon./ 

27.  C'est  moi    qui    ai    bâti    Beth-Bamoth,    car    elle    était 
détruite./  C'est  moi  qui  ai  bâti  Beser,  car  elle  était  en  ruines 

28.  avec  les  gens  de  Dibon,  au  nombre  de  cinquante,   car 
tout  Dibon  était  enrôlé/  et  j'ai  placé  le 

29.  nombre  complet  de  cent  [hommes]  dans  les  villes  que  j'ai 
annexées  au  pays./  Et  c'est  moi  qui  ai  bâti 

30.  Madaba  et  Beth-Diblathen/  et  Beth-Ba'almé'on,  et  j'y  ai 
porté  les  pasteurs. 

3i.   ...  troupeaux  du  pays./  Et  Khoronên  où  habitait... 

32.  ...  et  Camos  me  dit   :    Descends,    combat  contre  Kho- 
ronên !/  et  je  suis  descendu... 

33.  ...  [nous  l'a  rendue]  Camos  de  mon  temps.  Et...  delà... 
dix... 

34.  ...  année...  et  c'est  moi. 

Traduction  Lagrange. 
Revue  Biblique.  190 i,  pp.  524-525. 


APPENDICES.  359 


III 

Une  des  lettres  d'Eléphantine. 

1.  A  notre  seigneur  Bagohi,  gouverneur  de  Judée,  tes  servi- 
teurs Jedoniah  et  ses  confrères,  prêtres  dans  la  cité  de  Jêb. 

2.  Que  le  Dieu  du  ciel  salue  bien  des  fois  en  tout  temps 
notre  seigneur,  et  qu'il  t'établisse  en  faveur  auprès  du  roi 
Darius 

3.  et  des  fils  de  la  cour  mille  fois  plus  encore  que  mainte- 
nant, et  qu'il  te  donne  une  longue  vie,  et  sois  heureux  et  stable 
en  tout  temps. 

4.  Maintenant  ton  serviteur  Jedoniah  et  ses  confrères  s'expri- 
ment ainsi  :  Dans  le  mois  de  Tammouz  de  l'an  14  du  roi  Darius, 
lorsque  Archam 

5.  était  sorti  et  s'était  rendu  auprès  du  roi,  les  prêtres  du 
dieu  Khnoub  de  la  cité  de  Jêb  [firent]  accord  avec  Widrang, 
qui  en  était  Parthadac, 

6.  en  ces  termes  :  Le  sanctuaire  du  dieu  Jahô  dans  la  cité 
de  Jêb,  qu'on  l'enlève  de  là  !   Ensuite,  ce  Widrang 

7.  détestable  a  écrit  une  lettre  à  Naphiàn  son  fils,  qui  était 
chef  de  troupes  dans  la  cité  de  Syène,  de  cette  sorte  :  Ce  sanc- 
tuaire de  la  cité  de  Jêb, 

8.  qu'on  le  détruise  !  Ensuite  Naphiân  a  conduit  des  Egyp- 
tiens avec  d'autres  troupes;  ils  sont  venus  à  la  cité  de  Jêb  avec 
leurs  carquois  (?) 

g.  ils  sont  arrivés  à  ce  sanctuaire  et  l'ont  détruit  jusqu'au 
sol,  ils  ont  brisé  les  colonnes  de  pierre  qu'il  y  avait  là;  même, 
il  arriva  encore  que  des  portes 

10.  de  pierres  au  nombre  de  cinq,  construites  en  pierres  de 
taille,  qui  étaient  dans  ce  sanctuaire,  ils  [les]  ont  détruites,  et 
ils  ont  enlevés  leurs  vantaux  et  les  armatures 

11.  de  ces  vantaux  en  bronze,  et  la  toiture  en  bois  de  cèdre, 
tout  entière  [qui  ?],  avec  le  reste  de  la  décoration  et  les  autres 
choses  qu'il  y  avait  là, 


360  APPENDICES. 

12.  ils  ont  brûlé  dans  le  feu  :  et  les  coupes  d'or  et  d'argent, 
et  tout  ce  qu'il  y  avait  dans  ce  sanctuaire,  ils  l'ont  pris 

i3.  et  se  le  sont  approprié.  Or,  dès  le  temps  du  roi  d'Egypte, 
nos  pères  ont  bâti  ce  sanctuaire  dans  la  cité  de  Jêb,  et  lorsque 
Cambyse  est  arrivé  en  Egypte, 

14.  il  l'a  trouvé  ce  sanctuaire  bâti,  et  ils  ont  renversé  tous  les 
sanctuaires  des  dieux  de  l'Egypte,  et  personne  n'a  rien  abîmé 
â  ce  sanctuaire. 

i5.  Et  après  que  tout  cela  fut  accompli,  nous,  avec  nos 
femmes  et  nos  enfants,  nous  avons  revêtu  des  sacs  et  nous 
avons  jeûné  et  prié  Jahô,  le  dieu  du  ciel, 

16.  qui  nous  a  donné  de  voir  [la  perte  de]  ce  Widrang;  les 
chiens  ont  fait  sortir  les  muscles  de  ses  pieds,  et  tous  les  biens 
qu'il  avait  acquis  ont  péri,  et  toutes  les  personnes 

17.  qui  ont  voulu  du  mal  à  ce  temple  ont  toutes  été  tuées, 
et  nous  avons  eu  le  spectacle  [de  leur  perte].  Or,  avant  cela, 
au  temps  où  ce  mal  nous  fut 

18.  fait,  nous  envoyâmes  une  lettre  [à]  notre  seigneur,  et 
aussi  à  Jehokhanàn  le  grand-prêtre,  et  à  ses  confrères  les  prê- 
tres de  Jérusalem,  et  à  Ostan,  le  frère 

19.  d"Anani,  et  aux  principaux  des  Juifs;  une  lettre,  ils  ne 
nous  ont  pas  envoyée.  Or,  depuis  le  mois  de  Tammouz  de 
l'an  14  du  roi  Darius 

20.  jusqu'à  ce  jour,  nous  avons  revêtu  des  sacs  et  jeûné  ;  nos 
femmes  sont  devenues  comme  une  veuve,  nous  n'avons  pas 
employé  de  parfums, 

21.  et  nous  n'avons  pas  bu  de  vin.  Or,  depuis  lors  et  jus- 
qu'au jour  de  l'an  17  du  roi  Darius,  ni  sacrifice  non  sanglant, 
ni  encens,  ni  holocauste 

22.  n'ont  été  offerts  dans  ce  sanctuaire.  Maintenant,  tes  ser- 
viteurs Jedoniah  et  ses  confrères  et  tous  les  Juits  citoyens  de 
Jêb,  nous  disons  ; 

23.  S'il  paraît  bon  à  notre  seigneur,  qu'il  soit  résolu,  au 
sujet  de  ce  sanctuaire,  de  le  rebâtir,  puisqu'on  ne  nous  a  pas 
laissés  le  rebâtir  ;  voici  donc  :  les  personnes 

24.  qui  sont  bien  avec  toi  et  en  amitié  avec  toi,  qui  [sont] 
ici  en  Eg3^pte,  qu'une  lettre  de  ta  part  leur  soit  envoyée  au 
sujet  de  ce  sanctuaire  du  dieu  Jahô, 


APPENDICES.  36l 

25.  pour  le  rebâtir  dans  la  cité  de  Jéb,  comme  il  était  bâti 
auparavant  !  et  des  sacrifices  non  sanj^lants,  et  d'encens  et  des 
holocaustes  seront  offerts 

26.  sur  l'autel  du  dieu  Jahô  en  ton  nom,  et  nous  prierons 
pour  toi  en  tout  temps,  nous  et  nos  femmes  et  nos  enfants,  et 
tous  les  Juifs 

27.  qui  sont  ici,  si  on  en  agit  ainsi,  jusqu'à  ce  que  ce  sanc- 
tuaire soit  rebâti.  Et  il  y  aura  en  ta  faveur,  une  redevance 
auprès  de  Jahô,  Dieu 

28.  du  ciel,  de  quiconque  lui  offrira  un  holocauste  et  des 
sacrifices  pacifiques  d'une  valeur  égale  à  la  valeur  de  mille 
talents  d'argent,  et  en  plus  de  Tor;  sur  ce, 

2g.  nous  avons  mandé  et  fait  connaître.  Or,  nous  avons 
mandé  toutes  choses  dans  une  lettre  en  notre  nom  à  Delaiah  et 
Chelemiah,  fils  de  Sanaballat,  gouverneur  de  Samarie. 

3o.  Or,  de  tout  ce  qui  nous  est  arrivé,  Archam  n'a  pas  eu 
connaissance.  Le...  de  Markhechwan  l'an  17  du  roi  Darius.* 

Traduction  Lagrange. 
Revue  Biblique,  1908.  pp.  826-327. 


*  Darius  II  (424404). 


362  APPENDICES. 


IV 


La  défense  faite  aux  Gentils 
de  franchir  l'enceinte  sacrée  du  Temple  ^i^. 

MHeENAAAAOrENHElsnO 

PEYESQAIENTOSTOYnE 

PITOIEPONTPY^AKTOYKAI 

HEPIBOAOVOSAANAH 

<i>eHEAYTQIAlTIOSES 

TAIAIATOESAKOAOY 

eElNeANATON 

MviSéva  âXkoyByr^  ù<7Tzo^sÙB(T^y.i  evxôi;  to\j  Tcepi  zb  Upôv  TpuoàxTOU 
xal  Tzepi^okou.  ^'Oç  S'av  XyjcpQr,  eauTco  àt,Tt.oç  es-rai  ot,à  xo  è^oixoXouSzZy 
©àvaTOV. 

Qu'aucun  étranger  (à  la  religion  juive)  n'entre  à  l'intérieur  de 
la  barrière  et  de  l'enclos  qui  entoure  le  sanctuaire.  Celui  qui 
sera  saisi  sera  cause  à  lui-même  que  la  mort  s'en  suivra. 


(i)  Cette  inscription  gravée  sur  pieri'e  est  conservée  au  Musée  de  Cou- 
stantinople. 


2-3 
"5"» 
o 


> 

< 


'5 

•-3 


c    :=: 


B 

+-» 

a, 
<o 

<3 
O 
< 


O 


s 

a, 


O 


s 

o 

C 


S 

> 

o 


£ 


>     > 


«    » 

'h  a 
■o  o 

B  73 
»  u 

es    « 


m 


'3- 


r< 


u> 


u* 


> 


^^ 

s 

, 

V 

0) 

u 

O 

r 

Z    ^    c/} 


< 


'^    .^ 


0) 


0) 


o 


> 


£ 

o 

Z 


s 

B 

a> 

V 

u 

A 

'V 

c 

C 

<t 

j: 

^ 

0. 

4> 

s 

> 

o 

Xi     N 


a 

4) 

a 

o 

3 

C 

C 

eu 

c/] 

2 

iz; 

>» 

«0 

3      c 


ri 

g 

> 

P 

=1 

^ 
3 

'H 

ri 
C/3 

< 

a 

ri 

'nî 

C-" 

ri 

^     H 


ri 
ri 


^3 
< 


364  ■  APPENDICES. 

L'année  juive  était  lunaire.  Le  commencement  du  mois  n'était  pas 
calculé  d'une  manière  astronomique,  mais  de  façon  purement  empirique; 
sa  durée  n'était  pas  fixée  d'avance;  elle  était  de  29  ou  de  3o  jours.  Aussitôt 
la  nouvelle  lune  aperçue,  des  témoins  dignes  de  foi  l'annonçaient  au  Sanhé- 
drin à  Jérusalem  (plus  tard  à  Jabné)  et,  le  mois  comprenait-il  une  fête,  on 
envoyait  immédiatement  des  courriers  eu  tous  sens  pour  notifier  l'ouver- 
ture du  nouveau  mois.  Cette  fixation  empirique  faisait  osciller  l'année 
juive  entre  352  et  3")6  jours,  alors  que  de  fait  l'année  lunaire  en  comprend 
354-355. 

Pour  mettre  l'année  lunaire  en  rapport  avec  l'année  solaire,  il  fallait 
intercaler  un  mois  tous  les  deux  ou  trois  ans  (trois  fois  en  huit  ans).  Cette 
intercalation  n'était  pas  non  plus  fixée  d'avance.  Pendant  tout  le  mois 
d'Adar  on  pouvait  encore  délibérer  pour  savoir  si  l'année  suivante  serait 
intercalaire  ou  non.  La  règle  sur  laquelle  on  s'appuyait  pour  cette  interca- 
lation était  la  suivante  :  La  fête  de  Pâque  qui  était  fivée  au  jour  de  la 
pleine  lune  (le  14  donc)  du  mois  de  Xisan,  devait  toujours  être  posté- 
rieure au  jour  où  commençait  le  printemps,  c.  à  d.  au  jour  de  l'équinoxe, 
quand  le  soleil  se  trouve  dans  la  constellation  du  bélier.  Ce  mois  interca- 
laire prenait  aussi  le  nom  d'Adar  (Veadar).  On  comprend  que  la  corres- 
pondance des  mois  juifs  avec  ceux  du  calendrier  julien  ne  peut  être  dès 
lors  qu'approximative. 

Pour  les  dates  données  par  Josèphe  dans  son  récit  de  la  guerre  juive, 
il  est  à  remarquer  que  tout  en  employant  les  noms  macédoniens,  il  a 
compté  très  probablement  d'après  le  calendrier  juif. 

L'année  liturgique  juive  commençait  au  printemps,  l'année  civile  en 
automne;  mais  les  désignations  des  mois  étaient  les  mêmes. 


APPENDICES.  365 


yi 

Monarques   Chaldéens,   Babyloniens 
et   Assyriens  ■>. 

I.  —  Monarques  Chaldéens  antérieurs  au  vingt=deuxième 

millénaire. 

A.  —  Rois  de  Kis. 

Me-silim. 
Ma-an-is-tu-su. 

B.  —  Premier e  dynastie  de  Lagas. 

E-an-na-tum. 
Uru-ka-gi-na. 

C.  —  Rois  d'Agadé. 

Sargon  l'Ancien. 
Naràm-sin. 

D.  —  Deîixième  dynastie  de  Lagas. 

Gu  de-a. 

E.  —  Rois  d'Our. 

Dungi 

F.  —  Rois  d'Isin. 

Lipit-Istar. 

G.  —  Rois  de  Larsa. 

Rîm-Sin. 
H.  —  Rois  d'Erech, 
Lugal-zag-gi-si . 

Il,  —  Monarques  Babyloniens. 

A.  —  Premier  empire  babylonien. 

Sumu-abu vers  2i5o 

Sin-muballit 2060-2040 

Ha-am-mu-ra-bi 2040 

Samsou-ditana. 

(i)  Nous  ne  donnons  que  les  noms  cités  dans  le  corps  du  livre. 


366  APPENDICES. 

B.  —  Dynastie  «  dît  pays  de  la  mer  »  (i). 

C. — Dynastie  Kassitc (i  800-1 178) 

Gandis 1800 

D.  —  Souveraitis  de  diverses  «  Bîtâti  »  et  de  diverses  origines. 

Mardoukabaliddina  (Mérodach-Baladan)  II     721-710 

Mardouk-zakir-Souma 704     i  mois 

Mérodach-Baladan  II    .     .     .      g  mois    704-703 
Asour-nadin-Souma  (fils  de  Sennachérib)  .      700 

Nergal-usezib jusqu'en  693 

Su-zu-bu  (Musezib-Mardouk) 692 

Asaraddon  (fils  de  Sennachérib)  ....      689 
Samas-Souma-oukin  (fils  d'Asaraddon).    669-649 

E.  —  Deuxième  empire  babylonien. 

Nabopolassar  (Naboubalouzour).     .     .    620-604 

Nabuchodonosor  II'. 604-561 

Évilmérodach 56i-559 

Nériglissor •    .     .    559-555 

Labasi-Mardouk 555     9  mois 

Nabounaïd  (Nabonide) 555-539 

Balthazar  (Bêl-Sar-ousour)  548-532  interrègne  pendant  la 
folie  de  Nabonide  ;  tué  en  539. 

F.  —  Les  Monarques  perses  de  Babylone. 

Cyrus 539-529 

Cambyse  II 529-522 

Oropastès,  le  faux  Bardiya     ....  522-521  usurpateur 

Darius  I 521-485 

Compétition    de   Nabuchodonosor    III  (Nadin- 

tavbel) 52I-520 

Xerxès  I 485-465 

Artaxerxès  I 465-425 

Xerxès  II 425  45  jours 

Sogdianos 425-424  6  mois  1/2 

Darius  II  (Ochos) 424-404 

Artaxerxès  II 404-362 

Artaxerxès  III  (Ochos) 362-338 

Darius  III  Codoman 338 


(i)  Golfe  Persique. 


APPENDICES.  367 

III.  —  Monarques  Assyriens. 

Ilou-soumma vers        2l5o 

Adad-nirari  I i325-i290 

Toukoulti-Ninib  I 1260-1240 

Téglath-Phalasar  I  (Tikoulti-Pileser)       .     iioo 

Asournazirabal  II 1060 

Rammàn-nirari  II 893 

Salmanasar  III 86o-825 

Rammàn-nirari  ou  Adad-nirari  IV  .  .  812-782 
Salmanasar  IV  .  .  .  7  .  .  .  782-772 
Assourdan  ou  Asaraddon  II.     .     .     .     772-754 

Téglath-Phalasar  III 745-727 

Salmanasar  V 727-722 

Sargon 722-705 

Sennachérib 7o5-68l 

Asaraddon  III  (Asur-aha-iddin)      .     .     681-669 

Assourbanipal 672-625  («règne  3  os.) 

Asour-êtil-ilàni 625-620 

V 

Sin-Sarra-iskoun 620-607 


368  APPENDICES. 


VII 
Rois  d'EIam. 

Kutir-Nahhunle   I vers  2285 

Kudur-lagamar     .     .     .     • 2041 

Khoumbanigash   .      • -|-   717 

Shoutrouknakhounta 717 

Khalloudoush vers     701 

Koutournakhounta  II »       700    3  mois. 

Oummanminanou »       700 

Houmbanhaldas  I 689-681 

Houmbanhaldas  II 681-675 

Ourtakou  (frère  de  Houmbanhaldas  II)  675-664 
Tep-Houmban  »  »  .  664-660 

Houmbanigas  II  (fils  d'Ourtakou)    .     .  66o-65o 
Tammaritou  »  ...     65o 

Indabigas 65o 

Oummanaldasi vers      647 

Oumbahaboua m        647 

Tammaritou    .     .     .     une  seconde  fois  647-640 


APPENDICES.  369 


VIII 


Les  dynasties  égyptiennes  (i). 

1.  —  Période  Archaïque 

(ire.jQine  dynastie.) 

A.  —  Ejnpire  Thinite. 

i""^  dynastie  :  Thinite 5ooo-475o 

2"^^  »  »  4750-4450 

B.  —  Empire  Memphite. 


)) 

))                  ... 

.             4240-3950 

^me 

)) 

Eléphantite. 

.             3950-3700 

5me 

» 

Memphite  . 

3700-3500 

yme 

» 

>'             ... 

35oo 

gme 

)) 

))             ... 

.     35oo-335o 

gme 

V 

Héracléopolitaine 

335o-32oo 

Qine 

)) 

'^ 

3200-3I00 

II.  —  Période  Thébaine 

(Ii'"^-I4'^«;   i7"ie-2o"^«=  dynastie.) 

A.  —  Ancien  Empire  Thébain. 

jjme  d3-nastie  :  Thébaine     ....  3ioo-3o5o 

12'"'^         »                    »           ....  3000-2840 

i3"^®         >i                    »            ....  2840-2500 

14"^^         M          Xoïte 25oo-235o 

B.  —  Invasion  des  Hycsos. 

i5™^  dynastie  :  H3CSOS  et  Thébaine  .  235o-2o62 

16™^         »           Hycsos 2062-1750 

C.  —  Nouvel  Empire  Thébain, 

jyme  dynastie  :  Hycsos  et  Thébaine  .  1750-1600 

Ahmosis i73o 


(i)  L'accord  est  loin  d'être  fait  sur  la  chronologie  des  dynasties  égyp- 
tiennes et  des  différents  règnes.  En  frénéral,  nous  adoptons  celle  donnée 
par  M.  Maspero  daus  son  Guide  to  the  Cairo  Muséum,  Cairo,  1908. 

Tout  en  éuuméraut  les  diverses  dynasties,  nous  n'insérons  que  les  noms 
des  pharaons  dont  il  a  été  question  au  cours  de  notre  ouvi'age. 

s4 


370  APPENDICES. 

i8"^e  dynastie  :  Thébaine     ....  i6oo-i368 

Thoutmosis  III 1501-1447    ? 

Aménophis  II 1461-1436    ? 

yy  III  ....'.      . 

»  IV 

igme  dynastie  :  Thébaine      ....  i368-i25o 

Ramsès  II i35o? 

Ménephtah  I i3oo-i25o  ? 

20"^"^  dynastie  i^Thébaine     ....  i25o-io8o 

Ramsès  III i25o? 

«         XII 1120 

Hrihor,  pharaon  et  grand-prêtre  d'Amon. 

III.  —  Période  Saïte. 

(2i"^^-26'^e.  27nit-3o'^^  dynastie.) 

A.  —  Première  période  Saïte. 

21"^*^  dynastie  :  Tanite  et  Thébaine    .     .  loSo-gSo 

22me         „         .  Bubastite 950-800 

Sheshonq 

23"^^  dynastie  :  Tanite 800-721 

Psamouti 

24™^  dynastie  :  Saïte 721-715 

Tafnakhti 

Bocchoris  (Boukounrinif)     .     . 

25me  dynastie  :  Ethiopienne  et  Saïte       .  715-662 

Sabacon 7i5-7o3 

Shabitlvou 703-693 

Taharqou 693-666 

Tanouatamanou  (Tanout-Amon)    .  666-662 

26"^«  dynastie  :  Saïte 662-525 

Psammétique  I     , 662-611 

Néchao  II    .......     .  61 1-595 

Psammétique  II 5g5-589 

Apriès  (Hophra) 589-569 

Ahmasis 569-526 

Psammétique    III 525    quelques  mois. 


APPENDICES. 


371 


B.  —  Période  Perse. 

27'""  dynastie  :  Perse 525-332 

Cambyse 525-522 

Darius  I 521-485 

Xerxès  1 485-465 

Artaxerxès  I 465-424 

Xerxès  II 424    45  jours. 

Sogdianos 424    6  mois  1/2. 

Darius  II  (Ochos)      ....  424-404 

Artaxerxès  II 404-362 

Artaxerxès  III  (Ochos)  ....  362-338 

Darius  III  (Codoman)    ....  338-332 

C.  —  Deuxième  période  Saïte. 

28"^^  dynastie  :  Saïte      ....     vers  400 

Amyrtée ,    règne  6  ans. 

2gi"e  dynastie  :  Mendésienne  ,      .     ,     .  3g4  environ-378 

Néphoritès 

Hakoris 3g3-38o 

3Qme  dynastie  :  Sébennytique  ....  378-342 

Nectanébo  I 378-36i 

Tachos 361-358 

Nectanébo  II 358-342 


IV.  — 

Al 

exandre  de  Macédoine. 
V.  —  Les  Lagides. 

332-323 

Ptolémée 

I  Soter  I 

323-285 

» 

II  Philadelphe     .     .      . 

285-247 

» 

III  Evergète  I     .     .     . 

247-222 

» 

IV  Philopator      .     .      . 

222-204 

» 

V  Epiphane    .      .      .      . 

204-181 

)) 

VI  Philométor     . 

181-146 

De  170-163  trirègne  de  Ptolémée  VI,  de  son  frère 
Ptolémée  VII  Physcon,  Evergète  II  (i  70-1 17)  (*)  et  de 
leur  sœur  Cléopâtre. 


(*j  Sous  le  loiig  règue  de  Ptolémée  VII  Physcon,  Evergète  II,  il  y  eut  plu- 
sieurs corègues  et  compétitious. 


372  APPENDICES. 

Ptolémée  VIII  Néos  Philopator .     i3o-i27 

Ptolémée  IX 127-117 

Corègne  de  Cléopâtre,  veuve  de  Ptolémée  IX  et  de  son 

fils  Ptolémée  X,  Soter  II(Lathyre)    1 17-106 
Expulsion  de  Ptolémée  X.       ,     .     106 
Corègne   de   Cléopâtre  et   de  son  fils  Ptolémée  XI, 

Alexandre  I 106-88 

Retour  de  Ptolémée  X  Soter  II  .  88-81 
Ptolémée  XII  Alexandre  II  .  .  81-80 
Ptolémée    XIII    Néos    D3'^onisius 

(Aulète)     .      .  8o-52 

Corègne  de  Ptolémée  XIV  et  de  sa  sœur  Cléopâtre, 

enfants  du  précédent    .      .     .      .        51-47 
Ptolémée  XV 47  45  (     «'''«^la 

V\Tr     n'  c  corégence 

^  »^        XVI  César      ....       45-44  (  de  ciéopâtre. 
Cléopâtre 44- 3o 

En  3o,  l'Egypte  devient  province  romaine. 


APPENDICES. 


373 


IX 
Rois  Juifs  (0. 


Samuel  et  Saù! 

David 

Salomon 

Royaume  du  No7'd. 
I.    (2)  Jéroboam  935-912 


912-910 
910-887 

887-885 

885 

885-873 

873-852 

852-85o 

850-843 

843-820 

820-804 
804-787 
787-746 
746-745 
745 

745-735 
735-734 
734-732 
IX.     HoshéaouOsée732-722 


Nadab 

Basa 

Ela 

III. 

Zamri 

IV. 

Omri 

Achab 

Ochozias 

Joram 

V. 

Jéhu 

Joachas 

Joas 

Jéroboam  II 

Zacharie 

VI. 

Selloum 

VII. 

Menahen 

Péquahia 

VIII 

.  Péquah 

1 100-1020 
1020-980 

980-938 

Royaume  du  Sud. 
Roboam  938-921 

Abias  921-914 

Asa  914-870 


Josaphat 


870-849 


Joram 

849-844 

Ochozias 

844-843 

Athalie 

843-837 

Joas 

837-800 

Amasias 

800-791 

Ousias  ou 

Azaria 

791-740 

Joathan 

Achaz 

Ezéchias 

Manassé 

Amon 

Josias 


740-735 

735-727 
727-698 
698-643 
643-640 
640-608 


Salloumoujoachaz  608  3  ™°^^ 
Eliakim  ou  Joïaqim  608-597 
Joïakhirioujéchonias  597  3  ™°^^ 
Sédécias  (Mattaiiias)  597-586 


(il  Ici  encore  la  chronologie  des  règnes  n'est  le  plus  souvent  qu'approxi- 
mative. Nous  suivons  habituellement  celle  qu'adopte  M.  Vax  IIooxacker 
dans  :  Les  douze  petits  prophètes,  pp.  XVII  ss. 

(2)  Les  chiffres  romains  indiquent  les  différentes  dynasties. 


X 


o 

00 

<N 

(0 

+ 

4> 

12 

u, 

'3 

O 

;3 

rt 

o 

o 

CA 

-3 


o 
CD 


O 

01 

<M 

+ 

+ 

^-•^ 

m 

u 

O 

<v 

vO) 

-M 

o 

^ 

C/)_ 

H_ 

H-l 

1— 1 

t-H 

en 

;=! 

en 

u 

XI 

O 

o 

<^ 


M 
CM 

+ 


o 
en 


co 
i-i 

O 

<U  - 


< 


+ 


o 

CO 


(U 

c 

X! 
■   a, 

w- 

> 


a 


CM 


+ 


> 


o 

.2 

"-M 
c 


1^  M 


g3 

> 


CJ» 


+ 


'T3 


-c/)_ 


+ 

en 

' 

Xi 

(U 

(U 

=1 

^ 

w 

X  _ 

en 

d 

S^ 

(-C 

r^ 

l-H 

"o 

o 

C/) 

'-t-j 

> 


< 


+ 


o 

co  _ 


Q 


Cl 


+ 


+ 


o 
eu 


-o 


a 


> 

:is 

XI 

o 
.2 
su 


OJ 


> 

en 

o 

CO 


/N  l-H 

en       r;! 


o 

.2 


a 
o 


< 


G 


(U 

Cl, 


0^ 


x 

en 

:3 
X! 
o 

.2 

< 


> 

-  d 

CO 


a. 
a. 

Oh 


m 

^ 


-t- 


•4-1 

a 
c 
o 


X 


« 

O 

c 

S" 

l-H 

D 

o 

+ 

s<0 

C 

r^ 

H-t 

o 

C 

O 

C     "-^ 

15 

E 

O 

-  g  - 

-    OJ  _    w  _ 

o 

(75 

ci 

tA 

rt 

rt 

4> 

g 

'O 

J 

13 
1 — > 

l-H 

G 
O 
u 
a 

N 
c3 


+^ 

1/3 

a 

C! 
O 

a 


c: 


■  en 


O 


u 

c 


in 

i-i 


ci 


c 
o 
tp 

n 
< 


o 

G     ^ 


O  4» 

G  -o 

ci  S 

X  ^ 


2  I 


G 
O 


<: 


4)    o 


en 

rt    •- 

r-     <D 

+ 

.  G  — 

O 

fille  se  n 
Antipati 
'Hérode 

-i-> 

(U    o  ^3 

c 

C    flJ    en 

< 

^    rt  '-G 

O 


G 
p 


4- 


c: 


00 


C 
ci 
X 


■+'^ 

<u  o 

ai  ïr" 

O 

a, 

MU 


;3 
o 


Xi 

.    Oh 


c 
c 

•5 
o 

u 


X! 


C 


03 


'■+J 
C 


^-'  s-r  y     o 

•  1>    S  .- 

•  XI  -(u  '^ 
p^  o  m 

"*  «      S 

o  o  ••  '33 

2  o«g 

(-1  T3      s    >« 


CJ 


rt 


fi  rt    en 

O  3 

w  O    O 

T3  m  -0) 


+ 


-cl 


+ 

Xi 


o 

fi 
> 

d 
os 

l-H 

O 
o 


O 


(O 

Ri 

eu 


W  <U     I     O    O    « 

rt  -aj  s  «  s  o< 

->-'  ï  ^    '^  ,<u  -"^ 

„,  d  O  *.  "S  ^  J3 


o     ..    ^    Ë   >         « 
^  J^     «  ^     'il 

::?^  2'fi.!2'-a  g- 


X 


Q 

4- 


.t:  ^  .2  -  ai 


■-C3    li  ^  C/3  i-H 
5    ^  es  !"  - 


«H  g  « 


^^ 


3 

X  -ii  "5  •-=  a  ^ 

Pm 


Cil 
'S    o 


03 

Q    fL|  -S- 


S 


- — -  -9) 


S 

a  -s 

.2   < 


t>   rt 


0 

*■  ^ 

;-! 

Q 

+ 

""^ 

(^ 

M 

Ui 

ci 

T3 

O 

G 

-îTi 

03 

X 

-4) 

<u 

°U 

<   6 


O 


U   (g 

o  (^ 

1-1  "ri 

o   <u 

in   ^< 
TZ  -ai 


Q.  cd 

-«S 


I — 1 


4)    W 

G  'JJ   i/> 
cd  C/3  :2   ^ 


o3 

a, 

S 

o 

C3 

Xi 

< 

o 

05 

1 — 1 

r;^ 

'OJ 

tn 

11 

O 

o 

s 

Q 

-oJ 

<t> 

m 

o3 


Oj 

U 

-d 
o 


<u 


Q<.  o 
-ni   i? 


03 

a. 
.&• 
fao 


X 


Q   S 


APPENDICES  377 


XIII 


Officiers    romains   en    Syrie    et   en    Palestine 
intéressant  l'histoire  du  peuple  Juif. 

A.  —  Les  légats  de  Syrie. 

1.  Sous  Pompée  (65-48). 

Aemilius  Scaurus 65  et  62 

Marcius  Philippus 61-60 

Lentulus  Marcellinus 59-58 

Gabinius 57-55 

Licinius  Crassus 54-53 

Cassius  Longinus 53-5i 

Calpurnius  Bibulus 5i-5o 

Vejento 50-49 

Metellus  Scipio 49'48 

2.  Sous  César  (47-44). 

Sextus  Caesar .  47-46 

Cœcilius  Bassus 46 

Antistius  \'etus 45 

Statius  Murcus 44 

3.  Cassius  Longinus 44^42 

4.  Sous  Marc-Antoine  (41-30). 

Decidius  Saxa 41-40 

Ventidius 39-38 

Sosius ....  38-37 

Munacius  Plancus 35 

Calpurnius  Bibulus 32-3i? 


378  APPENDICES 

5.  Empereur  Octavien  Auguste  (3o  av.-  14  apr.  J.-C). 

Didius 3o 

Mesalla  Corvinus 29 

Tullius  Cicero 28  ? 

Varro 28-23  ? 

Agrippa 23-i3 

Titius 10 

Sensius  Saturninus 9-6 

Quintilius  Varus 6-4 

Sulpitius  Quirinius 3-2? 

Caesar i  av.- 4  apr.  J.-C.  ? 

Volusius  Saturninus 4-5 

Sulpitius  Quirinius 6  ss. 

Cœcilius,  Creticus,  Silanus 12-17 

6.  Empereur  Tibère  (14-37). 

Calpurnius  Piso 17-19 

Sentius  Saturninus 19-21 

Aelius  Lamia ?-32 

Pomponius  Flaccus 32-35 

Vitellius 35-39 

7.  Empereur  Caligula  (37-41). 

Petronius 39-42 

8.  Empereur  Claude  (41-54). 

Vibius  Marsus ...  42-44 

Cassius  Longinus 45-5o 

Ummidius  Quadratus      ......  5o-6o 

9.  Empereur  Néron  (54-68). 

Domitius  Corbulo 6o-63 

Cestius  Gallus 63-66 

Licinius  Mucianus 67-69 


i 


APPENDICES  379 

B.  —  Les  procurateurs  de  Judée. 

Coponius 6-g 

Marcus  Ambibulus 9-12 

Annius  Rufus I2i5 

Valerius  Gratus.     . i5-26 

Pontius  Pilatus 26-36 

Marcellus 36-37 

Marullus 37-41 

Cuspius  Fadus .'  44-    ? 

Tiberius  Alexander ?    -48 

Ventidius  Cumanus     . 48-52 

Antonius  Félix 52-6o 

Porcius  Festus 60-62 

Albinus .  62-64 

Gessius  Florus 64-66 

C.  —  Les  légats  de  Palestine, 

Vettulenus  Cerealis ) 

Lucilius  Bassus ) 

Flavius  Silva 74-80 

Salvidenus vers  80 

Pompeius  Longinus n  86 

Atticus ))  107 

Pompeius  Falco »  107  ss. 

Tiberianus ))  114 

Lusius  Quietus.     .,,....»  117 

Tineius  Rufus »  i32 

Julius  Severus »  i35 

Cfr.  ScHÙRER,  I,  pp.  304-337,  487-507,  564-583,  643-649. 


4 


TABLES 


TABLE  ONOMASTIQUE 


PERSONNAGES   HISTORIQUES 


Nous  ne  donnons  pas  les  noms  des  auteurs  cités,  si  ce  n'est 
lorsqu'ils  sont  mêlés  activement  aux  événements  mêmes. 
Cette  table  néglige  les  noms  figurant  dans  les  appendices. 


Pages 


A  bdastart,  roi  de  Tyr 

5i 

Abdias,  prophète 

189 

Abdi-hiba,    roi  d'Uru- 

salim 

20 

Abdi-Milkutti,    roi    de 

Pliéiiicie 

100 

Abias,  roi  de  Juda 

46 

Abimélek,  fils  de    Gé- 

déon 

32,34 

Abraham  (Abràm) 

6-9,  12,  i3,  19,  32, 

33,39 

Achab,  roi  d'Israël  5i,  53 

-57.  95 

Achab  ben  Collas,  pseu- 

do-prophète 

i35 

Achaz.  roi  de  Juda  67-70,90,  I23 

Achéménés,    souverain 

perse 

i5o 

Achias,  prophète 

45 

Adadidri  =  Hadadézer 

Adad-nirari  I,  roi  d'As- 

syrie 

42 

Adad-nirari  IV,  roi  d'As- 

s^Tie 

61 

Pages 

Addad,  prince  édomite  43 

Adonias,  fils  de  David 

et  de  Khaggit  43 

Adonisédeq,  roi  de  Jé- 

bus  29 

Adrammélek,  fils  aîné 

de  Sennaehérib  97,  99 

Agar,  mère  d'Ismaël  32,  33 
Aggée,  prophète  i85,  186 

1 .  Agrippa,  gendre  d'Au- 
guste 287,  290,  292 

2.  Agrippa  I,   roi   des 

Juifs  212,  291,  299, 

3o2,  3ii,   3i4-32o,  322,   336 

3.  Agrippa  II,   roi  des 

Juifs  1^91, 319-324, 327, 329-332 

4.  Agrippa,  fils  de  Dru- 
silla  et   d'Antonius 

Félix  325 

Agrippine,  mère  de  Xé- 

ron  324 

Ahmasis(Ahmasou),  pha- 
raon     146,  147,  i53,  169-171 


384 


TABLE    ONOMASTIQUE 

Pages 


Ahmosis,  i)haiaon  17,  i8 

Akhamanish,     roi    des 

Perses  ii4 

Akhimiti,  roi  d'Asdoud  76 

Akkis,  roi  des  Philis- 
tins 40 

Albinus,     procurateur 

de  Palestine  828 

Alcime,    grand-prêtre 

243,  244,  246 

1.  Alexandra,  épouse 
d'Aristobule  I  et 
d'Alexandre  Jannée 

264,  267,  268,  270,  288,  3o5 

2.  Alexandra,  fille  de 
Hyrcan  II  et  nière 

de  Mariamme  I  282  284,  286 

1.  Alexandre  le  Grand   184,  i85, 
201,  2o3-2io,  224,  229,  23o, 

241 

2.  Alexandre,  fils  d'Ale- 
xandre le  Grand  et 

de  Roxane  207 

3.  Alexandre  Balas  247-250,  269 

4.  Alexandre  Zabinas     259,  260 

5.  Alexandre  Jannée 

264-270,  289,  3o5 

6.  Alexandre,  fils  d'Aris- 
tobule II      273,  277-279,  282 

7.  Alexandre,  fils  d'Hé- 
rode  le  Grand  et  de 
Mariamme  I  288, 291-294, 3o2 

8.  Alexandre,  zélote  324 
Alyatte,  roi  de  Lydie      129,  i52 

1.  Amalec,  petit-fils 

d'Esaii  25,  3o,  33 

2.  Amalec,  père  des 
Amalécites  3d 

Amasias,  roi  de  Juda  62 


Pages 


Aménertaïs,  pharaone  76 

1.  Aménophis  II  19,  35 

2.  Aménophis  III  20 

3.  Aménophis  IV  19,  20 
Ammon,  fils  de  Lot  26,  3i,  33 
Amon,  roi  de  Jnda  ii3 

1.  Amos,  père  d'Isaïe      83,  124 

2.  Amos,  prophète  64 
Amraphel  =  Hammourabi 
Amyrtée,  pharaon                  180 

1.  Amytis,  fille  de  Cya- 
xare,  épouse  de  Na- 
buchodonosor  121 

2.  Amytis,  fille  d'As- 
tyage,  épouse  de  Cy- 

rus  II  i5i 

Ananel,  grand-j)rêtre  283 

Anania,     commandant 

de    la  citadelle    de 

Jérusalem,  sous  Né- 

hémie  191 

1.  Ananias,  général  juif 

264,  265 

2.  Ananias,  grand-prê- 
tre du  temps  de  la 
guerre  juive  (66-73)  33o,  33i 

Andromaque,  premier 
gouverneur  de  Pa- 
lestine sous  Alexan- 
dre le  Grand  204 

Annas,  grand-prêtre, 
fils  d'Anne  mêlé  à 
la  passion  827,  33o,  333 

Anne,  grand-prêtre  mê- 
lé à  la  passion  3og,  327 

Annius  Rufus,  procura- 
teur de  Judée  3ii 

I.  Antigone,  général 
d'Alexandre  le  Grand       208 


DES    PERSONNAGES    HISTORIQUES 


385 


Pages 

2.  Antigone,      l'ils     de 

Jean    Hyrcan  i>6i,  u63 

3.  Antigone,  fils  d'Aris- 
tobule  II      273,  278,  280-283 

I.  Antiochus  I  Soter  226 
a.  Antiochus  II  Théos              220 

3.  Antiochus  III  le  Grand 

226-228,  241,  245,  3()5 

4.  Antiochus  IV  Epiphane    219, 
226,  227,  229,   232-239,    241- 

243,  247,  260. 

5.  Antiochus  V  Eupator  223,  241- 

243,  247. 

6.  Antiochus  VI,    iils 
d'Alexandre     Balas 

230,  25l,  253 

7.  Antiochus  VII  Sidétès 

255  260 

8.  Antiochus  VIII  Grypos        260 

9.  Antiochus  IX  Kyzikéne 

260,  261 

10.  Antiochus  X  Eusebès         260 

II.  Antiochus  XI  260 
12.  Antiochus  XII  260,  2G6 
i3,  Antiochus  XIII  Asia- 

ticus  260,  261 

14.  Antiochus,    roi    de 

Commagène  3 18,  33o,  33i 
Antipas     (Philippe  -  Hé- 

rode),  fils  d'Hérode 

le  Grand  et  de  Cléo- 

pâtre,  tétrarqne  de 

Galilée  et  de  Pérée  292,  294- 
3o2,  3x2, 3i7 

1.  Antipater,    stratège 
d'Idumée  268 

2.  Antipater,  père  d'Hé- 
rode le  Grand  268,  269, 

277-281,  284,  287 


Pages 

3.  Antipater^  fils  d'Hé- 
rode le  Grand  et  de 
Doris  282,  291-295,  297 

Antoine  (Marc),  le   tri- 
umvir,        277,  280-285,  287, 
290,  291 

Antonia,  belle-sœur  de 
Ti])ère,  mère  de 
Claude  317, 324 

Antonius  Primus,  légat 

de  Mysie  334 

Apion,  rhéteur  3i5 

1.  Apollonius,  général 
syrien,  gouverneur 
de  la  Coelé-Syrie 

228,  239,  248 

2.  Apollonius,    officier 

d' Antiochus  lY  236 

Apriés  (Hophra),    i35,  i38,  i45- 
147,  169,  170 
Aqiba  ben  Joseph,    rab- 
bin 346 
Aran,  fils  de  Tliérah  33 

1.  Archélaùs,  roi  de 
Cappadoce  292,  298 

2.  Archélaùs,  etlinarque 

de  Judée,  etc.  292,  294,  295, 

297-299,  3o2,  3o6,  3io 

Ardys,  roi  de  Lydie      128,  i52 

Aréius,  roi  de  Sparte,    212,  229 

1.  Arétas  I,  roi  des 
Nabatéens  235 

2.  Arétas  III,  roi  des 
Xabatéens  260,  266,  269,  270 

3.  Arétas  IV,  roi  des 
Nabatéens,    297,  299-301,  3x4 

Argésilas,  roi  de  Sparte  181 

1.  Arghistis  I,  l'oi  d'Ou- 
rartou  65 


386 


TABLE   ONOMASTIQUE 


Pages 

2 .  Arghistis  II ,  roi  d' O u- 

rartou  79 

Ariaramnès,    roi    de 

Perse  i5o 

Ariarathe V,  roi  de  Cap- 

padoce  211,  247 

Arioch(Ariok),roi  d'El- 

lassar=Rim-Siii    ou 

K-im-Aku  de  Larsa  6,  i3,  14 

1.  Aristobule  I,  fils 
aîné  de  Jean   Hyr- 

can  261,  263,  264,  291 

2.  Aristobule  II,  fils 
d'Alexandre  Jannée  267-271, 

278,  277-279,  282 

3.  Aristobule, fils  d'Ale 
xandra  la  belle-mère 
d'Hérode  le  Grand, 
g-rand-prêtre  283 

4.  Aristobule,  fils  d'Hé- 
rode le  Grand  et  de 
Mariamme  I       288,  291-294, 

3oo,  3i6. 

5.  Aristobule,     frère 

d' Agrippa  I  819 

1.  Arsace  VI,  roi  des 
Parthes  211,  255,  25g 

2.  Arsace  VII,  roi  des 
Parthes  259 

Arsamés,  roi  de  Perse  i5o 

Arsés,  fils   d'Artaxer- 

xès  III  i83 

Artabaze,  asiate  enne- 
mi des  Perses  i83 

1.  Artaxerxésl,      i65,  168,  178, 

179,  187,  189,  194,  200 

2.  Artaxerxés  II,  179-181, 197-199 

3.  Artaxerxés  III  Ochos, 

177,  i8i-i83,  257 


Pages 

Aryandés,   gouverneur 

perse  d'Egypte  172 

Aryenis,  épouse  d'As- 

tyage,  roi  des  Mèdes  129 

Asa,  roi  de  Juda  46,  49, 

5o,  54,  55 
Asaraddon  III,    fils  de 

Sennacliérib  96,  98-105, 

112,  114.  118,  148,  171,  196- 
Asmonée,    ancêtre    de 

Matatliias  de  Modin  255 

Asourbanipal  5,  66, 

98,  102,  io4-ii5,  T18,  121,  122, 
148,  17a 
Asour-etil  ilàni  121 

Asour-nadin-Souma  87 

Asournazirabal  (Assour- 

nazirabal  II)  ^2,  79 

Assourdan  II  62 

Astarym,  roi  de  Tyr  5i 

Astyage,  roi  des  Mèdes 

121,  129,   i5o-i54 
Athaliah  (Athalie),  reine 

de  Juda  55,  59-61 

Athénobius,    officier 

d'Antioclius  VII  256 

Attale  II,   roi  de  Per- 

game  211,  247 

Auguste     (Octavien), 

empereur  2i5,  272,  282, 

285-288,  290-299,  302 
Azaria  (Ousia),  roi   de 

Juda  63,  64 

Azibaal,  roi  d'Arad  106 

Azizus,  roi  d'Emésa       32 1,  824 
Azur],  roi  d'Asdoud  76 

Jjaasa,  roi  des  Ammo- 
nites 32 


DES    PERSONNAGES    HISTORIQUES 

Pages 


Baalbézer,  roi  de  Tyr  5i 

Baalis,  roi  des  Ammo- 
nites 32 

Baalou,  roi  de  Tyr  102,   106 

Bacchidés,  général  syrien 

244-247 

Bagoas,  ministre  d'Ar- 

taxerxès  III  Ochos  i83 

Bagohi  (Bagosés),  gou- 
verneur militaire  de 
Syrie  197,  199 

Balaam  3o,  218 

Balthazar  (Bel-sar-ou- 
sour),  l'ils  de  Xabo- 
nide  i55,  i63 

Bara,  roi  de  Sodome  i3 

Baraq,  juge  35 

Bardiya  (=Smerdis), 

168,  169,  173,  174 

Barrabas  3i2 

Baruch,  prophète  i32, 141 

Earzaphrane,     satrape 

partlie  281 

Basa,  roi  d'Israël  49'  ^4 

Bêl-ibni,  roi  de  Baby- 

lone  87 

Bél-iqisa,  roi  des  Gam- 

boulou  107,  108 

1.  Ben-Hadad  I,  roi  de 
Damas  49-  ^o>  ^^'  ^4 

2.  Ben-Hadad  II,  roi  de 
Damas  54»  ^J^»  ^^ 

3.  Ben-Hadad  III,  roi  de 
Damas  54 

I.  Bérénice,  nièce d'IIé- 
rode  le  Grand,  épou- 
se d'Aristobule,  fils 
d'Hérode  le  Grand 

292,  293,  3i6,  3i7 


387 

Pages 


2.  Bérénice,  fille  d'Agi-ippa  I 
3i9,  321,  322,  329,  33o,  332 

Bersa,  roi  de  Gomorrhe  i3 

Berzellaï,  un  (Jalaadite 
(lu  temps  de  la  res- 
tauration 191 

Bethsabée,     concubine 

de  David  43 

Bocchoris  (=Boukounri- 

nif).  pharaon  70,  75, 

76,  92,   104 

(_;aligula,       empereur 

romain         212,  219,  220,  299 
3o2,  3i4-3i8 

Callimandre,  général 

syrien  261 

Calpurnius  Bibulus,  pro- 
consul de  Syrie  279 

1.  Cambyse  I,  roi  d'An- 

san  i5o,  i5i 

2.  Cambyse  II,  fils  de 
Cyrus         1G4,  168,  169,  171- 

174,  i85 

Canaan,  neveu  de  Sem  9 

Capito  (Herennius),  admi- 
nistrateur de  Jamnia         3i5 

Cassandre,  général 

d'Alexandre  le  Grand       208 

Cendébée,  général  d'An- 

tiochus  VII  256,  257 

Céréalis,  tribun  romain         334 

César,  dictateur  romain 

279,  280,  3o6 

Cestius  Gallus,  procon- 
sul de  Syrie 

329,  33(),  334,  335 

Cétura,  femme  d'Abra- 
ham 32,  33 


388 


TABLE    ONOMASTIQUE 


Pages 

Chabrias,  général  athé- 
nien iSo 

Chodorlahomor  -  Kudur- 

lagamar,  roi  d'Elam  i3,  14,  3i 

Claude,  empereur 

3i5-32o,  322-324 

1.  Cléopâtre,  fille  d'An- 
tioclius  III,  éijouse 
de  Ptolémée  V  Epi- 
phane,  mère  de  Pto- 
lémée  VI  Philomé- 

tor  227,  234 

2.  Cléopâtre,  épouse  de 
Ptolémée  VI  Philo- 
métor  223 

3.  Cléopâtre,  sœur  de 
Ptolémée  VI  Philo- 
métor  235 

4.  Cléopâtre,  fille  de 
Ptolémée  VI,  mariée 
à  Alexandre  Balas 
puis  à  Démétrius  II 

248,  249,  259,  260 

5.  Cléopâtre,  mère  de 
Ptolémée  X  Lathyre  264,265 

6.  Cléopâtre,  fille  de 
Ptolémée  XIII  Au- 
lète,  pharaone,  maî- 
tresse de  Marc- An- 
toine 281,  283-285,  291 

7.  Cléopâtre,  épouse 
d'Hérode  le  Grand    292,  294 

Costobarus,  gouverneur 
d'Idumée,  beau-frère 
d'Hérode  le  Grand  286,  3i6 

Coponius,   procurateur 

de  Judée  3io,  3ii 

Cratérus, général  d'Ale- 
xandre le  Grand,  ré- 


gent désigné  de  l'em- 
pire après  la  mort 
d'Alexandre  207 

Crésus,  roi  de  Lydie       i52-i54 

Cumanus  (Ventidius), 
l^rocurateur  de  Pa- 
lestine 323,  324 

1.  Cyrus  I,  roi  d'Ansan         i5o 

2.  Cyrus  II,  roi  des 
Perses  et  des  Mèdes 
i5o-i56,    iSg,    162-165,   168, 

169,  i85,  186 

3.  Cyrus,  fils  cadet  de 
Darius  II  Oclios  179 

Cyaxare,  roi  des  Mèdes  ii5,ii6, 
120,   121,  12S,  129,  i3i,  i5o 

Uaniel,  prophète  i3o,  140 

Danounou,  roi  des  Gam- 

boulou  108,  109 

1 .  Darius  I,  roi  de  Perse 

i5o,  i65,    168,  174-178,  182, 
185-187,  197 

2.  Darius  II  Ochos,  179,  197,  199 

3.  Darius  III  Codoman, 

i83,  184,  195,  2o3,  204 

David     i3,  25,  3i,  34,  35,  ^o-^5, 

48,  49,  54,  62,  ii3 

Débora^  prophétesse         32,  35 

1.  Démétrius,  historien 

grec  225 

2.  Démétrius  I  Soter, 

229,  243-249,  255 

3.  Démétrius  II  Nicator,         211, 

248-251,   253,  255,    258-260 

4.  Démétrius  III  Eukairos 

260,  265,  266 
Didius,    proconsul    de 

Syrie  285 


DES   PERSONNAGES    HISTORIQUES  SSq 

Papes  Pages 


Domitien,  empereur, 

frère  de  Titus  338,  34i,  344 
Doris,  première  femme 

d'Hèrode  le  Grand  282,291 
Drusilla,  fille  d'Agrip- 

pa  1  3i8,  3i9,  324,  325 

1.  Drusus,  l'aîné,  frère 

de  Tibère  317 

2.  Drusus,  le  jeune,  fils 

de  Tibère  317 

Dungi,  roi  d'Ur  5 


4 
35 

5o 


rj-an-na-tum,    roi    de 

Lagas 
Ehoud,  juge 
Ela,  roi  d'Israël 

1.  Eléazar,    grand-prè- 

tre  fils  d'Onias  I         229-230 

2.  Eléazar,  martyr  de 
de  la  persécution 
d'Antiochus  IV  238 

3.  Eléazar,  frère  de  Ju- 
das Machabée  238 

4.  Eléazar,  zélote  324 

5.  Eléazar,  prêtre,  chef 

des  zélotes  325,  335 

6.  Eléazar,  fils  du  grand 
prêtre  Ananias  33i 

7.  Eléazar,  descendant 
deJudasde  Gamala, 
défenseur  de  Masada        339 

8.  Eléazar,  grand -prêtre 

sous  Simon  Barkokéba     347 

9.  Eléazar,  de  Modin, 
rabbin  347 

Eliakim,  courtisan  d'E- 

zécliias  92 

Eliashib,  grand-prêtre 

188,  191,  194,  195,  197,  200 


Elle,  prophète  53,  59,  141 

Eliphaz,  fils  aîné  d'E- 

saii  et  père  d'Amalec     3o,  33 

Elisée,  prophète  53,  58,  59 

Eloulaios,  roi  de  Tyr  84 

Elpidie,  épouse  d'Hè- 
rode le  Grand  292 

Epicrate,  général  syrien        261 

Epiphane,  fils  "d'Antio- 
chus de  Commagène  3i8 

Esaù,  25.  3o,  33 

Esdras,  prêtre,  scribe  et 
péha  de  Palestine 

192,  194,   197-200,  23l 

Eurybate,  officier  éphé- 

sien  de  Crésus  i53 

Euryclès,  Spartiate  ami 
d'Antipater  le  fils 
d'Hèrode  le  Grand  293 

Euméne  II,  roi  de  Per- 

game  227 

Eupoléme,    ambassa- 
deur juif  245 

Evagoras,  roi  de  Chypre        180 

Evil-Mérodach  (Awel- 
Mardouk),  roi  de  Ba- 
bylone  149,  i55,  i65 

1,  Ezéchias,  roi  de  Juda 

3i,  67,  76,  82  -86,    90,    92, 
94,  95,  loi,  124 

2.  Ezéchias,  prêtre  juif 
d'Egypte,  208 

Ezéchiel,  prophète 

97,    118,  134,  i36.   i39,   147, 
i58,  159 

r  adus  (Cuspius),  pro- 
curateur de  Pales- 
tine, 322,  323 


Sgo 


TABLE    ONOMASTIQUE 
Pages 


Félix  (Antonius),  procu- 
rateur de  Palestine    824-327 

Festus  (Porcius),  procu- 
rateur de  Judée  321,  327 

Flaccus  (Avilius),  pro- 
curateur d'Egypte     3i4,  3i5 

Flavius  Silva,   géiiéral 

romain  389 

Florus  (Gessius),  procu- 
rateur de  Palestine 

328,  309 

Fortunatus,     affranchi 

d'Agrippa  I  3o2 

(jrabinius,     proconsul 

de  Syrie,  271,  277,  278,  281, 

3o6 
Gadatas,  général  de  Cy- 

rus  i63 

Galba,  empereur  333 

Gandis,    souverain    de 

Babyloue  ^2 

Gaumâta,  mage   perse, 

pseudo-Bardiya,  usur- 
trône  perse 

173,  174,  i85 
Gédéon,  juge  82,  35 

Germanicus,    père     de 

l'empereur  Caligula  817,824 
Géschem,  ennemi  de  la 

restauration  189,  190 

Ginath,  père  de  Thibni  5o 

Glaphyra, épouse  d'Ale- 
xandre le  fils  d'Hé- 

rode,  puis   de  Juba 

de     Mauritanie     et 

ensuite  d'Archélaiis 

l'etlinarque  de  Judée 

292,  -298,  302 


Pages 


Gobryas  (voir  Goubarou) 

Godolias,  gouverneur 
de  Jérusalem  établi 
par  Nabuchodonosor  82,  188 

Gorgias,  général  sja-i en 

289,  241,  243 

Goubarou-Gobryas,  gou- 
verneur du  pays  de 
Goutioum  t63,  164,  168 

Gu-de-a,  roi  de  Lagas  5 

Gygès.  roi  de  Lydie 

106,  III,  128,  129,  i52,  i53 

ri  abaquq,  prophète  i33 

Hacalias,  père  de  Xé- 

liémie  189 

1.  Hadadézer,  roi  de 
Sobali  contemporain 

de  David  41-  4^»  49»  ^4 

2.  Hadadézer,  roi  de 
Damas    (=  Hadadi- 

dri  ou  Adadidri)      53-56,  58 

Hadrien,  empereur  848-845,  848 

Hakoris,  pharaon  180 

Hammourabi    (Ha  -  am  - 
mura  bi),  roi  de  Ba- 
bylone    5-7,  i3,  14,    19,  20, 
42,  52,  53 

Hananias,  pseudo-pro- 
phète i85,  i36 

Hanani,  frère  de  Néhé- 

mie  189,  191 

Hannon,   roi   de    Gaza 

68,  70,  75,  76 

Hâràn,  père  de  Lot  7 

Harpage,  officier  mède 

de  Cyrus  i54 

I.  Hazaël,  roi  de  Da- 
mas 54,  58-63 


DES    PERSONNAGES    HISTORIQUES 
Pnges 


2.  Hazaël,  roi  des  Aia- 

1)0S  S9,  lOI 

I.  Helcias,  père  d'Elia- 
kiin  le  courtisan  d'E- 
zécliias  92 

u.  Helcias,  père  de  .Té- 

rémie  i38 

3.  Helcias,  général  juii'  264 
Héli,  jnge  34,  35 
Héliodore,  ministre  de 

Séleucus  IV        228-23o,  234 
Héracléou,    assassin 
d'Antioelms  YIII 
Urypos  260 

1.  Hérode  le  Grand,  236,  28o-3oo, 
3o2-3()4,  3o6-3o9,    23i,    3i6, 

3i8-32o,  326,  339 

2.  Hérode,  fils  d'Héro- 
de  le  Grand  et  de 
Cléopâtre  292 

3.  Hérode,  roi  de  Clial- 
cis  petit-fils  d'Héro- 

de  le  Grand  292,  3i5,  3i9-32i 
Hérodiade,    petite-fille 

d'ilérode  le  Grand, 

épouse  de  Pliilippe- 

Ilérode,      amante 

d'Antipas  292,   299-302 

Hézion  i=  Rezon  I),  roi 

de  Damas  53 

Hippicos,  ami  d'Hérode 

le  Grand  286 

Hiram,  roi  de  Tyr       44»  4^»  ^^ 

1 .  Houmban^aldas  I,  roi 
d'Elam  100 

2.  Houmbanhaldas   II, 

roi  d'Elum  100,  108 

Houmbanigas    II,    roi 

d'Elam  109 


3gi 

Pages 


Hoschaja,  juif  notable 
du  temps  de  la  res- 
tauration 194 

Hrihor,  pharaon-pon- 
tife 43 

Hulda,  propliétesse  119 

1.  Hyrcan  I  =  Jean  Hyr- 
cau 

2.  Hyrcan  II,  fils  d'Ale- 
xandre Jannée  2G7-269,  271, 
272,    277-279,    281-283,    285, 
3o5,  3o6. 

Hystaspe,roi  de  Perse, 


père  de  Darius 


100,  174 


lamani,  roi  d'Asdoud      76,  77 

laoubidi,  roi  de  Hamath  75 

Ilu-Summa,  roi  d'Agadé  6 

Imalkuë,  arabe  palmy- 

rénien  25o 

Inaros,  roi  de  Libj^e  178 

Indabigas,  roi  d'Elam 

109,  IIO 

Innocents  (Saints)  296,  297 

Iphicrate,  général  athé- 
nien 180 

Isaac,  fils  d'Abraham         14,  33 

Isaïe,   prophète,   fils 

d'Amos,  26,  63,  64,  68,  70,  76, 

77,  80,  83,  85,  86,  90,  92,93, 

123,  124,  162 

Isbaal,  fils  de  Saiil  ^i 

Isidore,    Alexandrin, 

ennemi  des  Juifs  3i5 

1.  Ismaël,  fils  d'Abra- 

haiu  32,  33,  290 

2.  Ismaël,  assassin  de 
Godolias  i38 

I.  Ithobaal  Lroi  de  Tyr,  5i,  55 


392 


TABLE    ONOMASTIQUE 
Pages 


2.  Ithobaal  II,  roi  de 
Pliénicie  sous  Sen- 
nachérib 

3.  Ithobaal  III,  roi  de 
Tyr 


84,  100 
145 

29 


O  abin,  roi  d'Hazor 
Jacob,  fils  d'Isaac, 

14,  i5,  22,  20,  33 

1.  Jacques  (Saint  le  Ma- 
jeur) 3i8 

2.  Jacques  (Saint  le  Mi- 
neur) 327,  33o 

3.  Jacques, fils  de  Judas 

de  Gamala  323 

Jaddus  (Jedda),  grand - 

prêtre  igS,  200,  2o3,  204 

Jason ,    gran  d  -  p  rêtre , 

frère    d'Onias    III, 

chef  du  parti  hellé- 

nophile  233-235 

Jason,  ambassadeur  juif 

245 

1.  Jean-Baptiste  (Saint), 3oo,  3oi 

2.  Jean  de  Giscala,  chef 

des  Zélotes,   33i,   332,   334- 
336,  338 

3.  Jean  Hyrcan.  fils  de 
Simon     Machabée, 

253,  257-261,  263,  267,  268 

4.  Jean,  frère  de  Judas 
Machabée  238 

Jedda,  voir  Jaddus. 
Jéchonias,  roi  de  Juda, 

voir  Joïakin 
Jéhoschoua  =  Jeschoua, 

grand-prêtre  186,  188,  200 
Jéhu,  roi  d'Israël  54,  59-61,  95 
Jérémie,    prophète  26,  119,  124, 


Pages 


126,   127,  128.   i3o,   i32-i4i, 
145,  147,  i58,  160,  162 

1.  Jéroboam  I,     roi 

d'Israël  45,  46,   48,  59 

2.  Jéroboam  II,  roi  d'Is- 
raël !62-64 

Jeschoua,  voir  Jéhos- 
choua,  grand-prêtre. 

Jeshoua,  frère  du  grand  - 

prêtre  Jochanan  199 

1.  Jésus,  prophète  juif 
annonçant  la  fin  de 
Jérusalem  328 

2.  Jésus  ben  Sapphias  33o,  333 
Jétur,  fils  d'Ismaël  291 
Jézabel,  reine  d'Israël 

5i,  52,  55,  59 
Joab,  général  de  David  4^ 

1.  Joachaz,  roi  d'Israël     61,  62 

2.  Joachaz,  roi  de  Juda 

127,  139,  140 

1.  Joas,  roi  d'Israël  54,  62 

2.  Joas,  roi  de  Juda  44'  60-62 
Joatham,  roi  de  Juda  64,  67 
Jochanan,  grand-i^rêtre 

19^.  197.  199.  200 

1.  Joïada, grand-prêtre 

du  temps  d'Athalie        60,  61 

2.  Joïada, grand-prêtre 
du  temps  de  la  res- 
tauration 20a 

1.  Joiakim,roi  de  Juda 

124,  127,    j3o,   i32-i35,  140, 

149 

2.  Joiakim  =  Joïaqim, 

grand-prêtre,   père 
d'Eliasliib  188,  200 

Joïakin  -  Jéchonias,  roi 

de  Juda  1 33,  i34,  i4o>  149'^^^ 


DES    PERSONNAGES    HISTORIQUES 

PitRes 


323 

40 


Joïaqim,  noir  Joiakim, 
giaiul-prè'trcpèred'Eliashib. 

1 .  Jonathan  -  Jouathas . 
frère  de  Jiulas  Ma- 
chabée  238,  246-254.  -62 

2.  Jonathan,  grand-prètre     309 

3.  Jonathan,    grand- 
prètre  du  temps  de 
Claude  324 

1.  Jonathas,  fils  de  Saiil 

2.  Jonathas,  l'rère  de 
Judas    Machabée, 

238,  246-254,  262 

1.  Joram,  roi  d'Israël, 

54-56,  58,  59 

2.  Joram,  roi  de  Jada 

55,  57-59,  61 
Josaphat,  roi  de  Jnda 

55,  56,  58,  61 
Joschéba,sœar  d'Oebo- 
zias  de  Jnda 

1.  Joseph,  fils  de  Jacob 

2.  Joseph,  frère  d'Hé- 
rode  le  Grand 

3.  Joseph,  oncle  et  beau- 
frère  d'Hérode  le 
Grand,  gouverneur 
d'Iduniée 

4.  Joseph  (Saint) 

5.  Joseph  ben  Gorion 
Joséphe    (Flavej,    328,   33o-332, 

334,  336-338 

Josias,  roi  de   Jnda  114,   119, 

123-127,  i'^2,  134.  140 

Josué,  29,  34,  35 

Juba,  roi  de  Mauritanie         3o2 

1.  Judas  Machabée     32,238-246 

2.  Judas,  fils  de  Simon 
Macliabée  257 


53 

60 
i5 

282 


284 
3o2 
333 


3.  Judas  de  Gamala,  me- 
neur juif     3io,  3i  I,  323, 

Jude,  le  frère  du  Sei- 
gneur 

Julia,  fille  d'Auguste 

Julius  Severus,  général 
ronuxin 


J^-aslito,    souverain 
d'Etbiopie 

Khaggit,  une  des 
femmes  de  David, 
mère  d'Adonias 

Khalloudoush,  roi  d'Elam 

Kohéleth.  auteur  pseu- 
donyme de  l'Ecclésiaste 

Kouchan,  roi  de  Méso- 
potamie 

Khoumbanigash  ,       roi 
d'Elam 

Kutir-Na'nhunte  I,  roi 
d'Elam 

Koutournahhounta    II , 
roi  d'Elam 

Kypros,mère  d'Hérode- 
le- Grand 

Liaban 
Labasi-Mardouk,  roi  de 

Bab3ione 
Lagus,  père  de  Ptolé- 

mée,  le  fondateur  de 

la  dynastie  des  La- 

gides 
Lampon,     ennemi     de 

Juifs 
Laomédon ,     général 

d'Alexandre-le-Grand 
Lentulus     Marcellinus , 


393 

Pages 
329 

34  r 
299 

76 

43 

88 

206 

33 

71,  78 

5,  iio 

88 

287 

25 


149. 


IDD 


208 


3i5 


208 


3q4 


TABLE    ONOMASTIQUE 
Pages 


propréteiir  de  Sj'^rie         277 

Lévi,,  patriarche  188 

Licinius  Crassus,  pro- 
consul de  Syrie        278,  279 

Licinius  Mucianus,  pro- 
consul de  Syrie  334 

Lipit  Istar,  roi  d'Isin  5 

Livia,  épouse  d'Auguste  29.5,  3i5 

Longinus  (Cassius),  pro- 
consul de  Syrie         279,  280 

Lot  7,  i3,  26,  33 

Loukouas,     chef    des 
Juifs  révoltés  de  Cj''- 
rène  343 

Lucilius  Bassus,  géné- 
ral romain  339 

Lucius,  consul  romain  211 

LucuUus,  général  ro- 
main 260,  267 

Lugal  zag-gi  si ,      roi 

d'Erech  4 

Lusius  Quietus,  général 
romain,  procurateur 
de  Palestine  345 

1.  Lysanias,  roi  d'Itu- 

rée  291,  3i7 

2.  Lysanias,  tétrarque 
d'Abilène  32o 

Lysias,  ministre  d'An- 

tiochus  IV  239-243 

1.  Lysimaque,  général 
d'Alexandre     le 

Grand  208 

2.  Lysimaque,  frère  du 
grand-prêtre  Méné- 

las  234 

J\j  a-an-is-tu-su,  roi  de 
Kis  4 


Pages 


33 


Madian, 

Madyas,roides  Scj^thes 

116,  118 
Malachie,  prophète        188,  189 

1.  Malchus  I  (Malichos), 
roi    des    Xabatéens 

282,  284,   285 

2.  Malichos  II,  roi  des 
Nabatéens  33 1 

3.  Malichos,  empoison- 
neur d'Antipater  le 
père     d'Hérode    le 
Grand  280 

Malthace,  épouse  d'Hé- 
rode le  Grand  292,  294 

1.  Manassé,roi  de  Juda 

loi,  io3,  ii3,  124 

2.  Manassé,  frère  du 
grand- prêtre  Jad- 
dus,  fondateur  du 
temple  au  Garizim    195-197 

3.  Manassé,  grand-prêtre  23o 
Marcellus.  procurateur 

de  Judée  3i3 

Marcius  Philippus,  pro- 

préteur  de  Sj'rie  277 

Marcius  Turbo,  général 

romain  343 

Marcus  Ambibulus,  pro- 
curateur de  Judée  3ii 
Mardonius,  générai  de 

Xerxès  178 

Mardouk-Zakir-  Souma, 

roi  de  Babj^lone  82 

Mariah,  roi  de  Damas  54,  61 
Mariammel.  petite-fille 

d'Hyrean  II,  épouse 

dHérode  le  Grand,  282,  284. 
286,  291-293 


DES    PERSONNAGES    HISTORIOUES 

PaRes 


2.  Mariamrae  II,  épouse 
d'IIérodc  le  Grand  292 

3.  Mariamme,  première 
épouse  d'Arcliélaus, 
l'ethnariiue  de  .J  udée  3o2 

4.  Mariamme,  fille  d'A- 
gi'ippa  1  3i9 

1.  Bfatathias.  prêtre, 
organisa  la  résis- 
tance contre  Antio- 

chus  IV     238,  239,  254,  255 

2.  Matathias,  fils  de 
Simon  Machabée  25; 

Mattanias,  voir  Sédé- 
cias,  roi  de  Juda 

Memnon,  deuxième  gou- 
verneur de  Palestine 
sous  Alexandre  le 
Grand  204 

Ménahen,  roi  d'Israël  64-68,  95 

Ménélas,    grand-prêtre 

234,  235,  242,  244 

Ménephtah  I,  21,23,  28,  36 

Mentor,    général    rlio- 

dien  i83 

Mérodach  -  Baladan    II 
(Mardouka-baliddina) 

7I'    >-'    77'    7^»   ^-'   ^7»  ^^' 
99,  iio,  124 
Mésa,    roi    de    ^loab, 

26,  3o,  5i,  56,  57 
Mé-Silim,  roi  de  Kis  4 

Méthouastart,    roi     de 

Tyr  5i 

Michèe,     auditeur     de 

Baruc'h  i32 

Mithridate,  roi  parthe  298 

Mitinti,  roi  d'Asdoud  86 

Moab,  fils  aîné  de  Lot      26,  33 


Moïse,     19.  22-24,  3"'   ï-5' 

Moukhourilâni,  un  épo- 
nvnie  du  règne  de 
Kammannirari  I 

Mucianus,  général  do 
\'('Spasien 

Musezib-Mardouk  (Su-zu- 
bul,    roi     de   Babj'- 
lone  88 

iS  abonide(Nabounaïd), 
roi      de     Babylone 
ii5,  149-153,  i55,  i56, 
164, 
Nabopolassar,     roi     de 
Babylone  ii5,  121,  122. 
i3o, 
Naboubelzikri,     petit- 
fils    de    Mérodach- 
Baladan  II 

1.  Nabuchodonosor  II, 
roi     de     Babj'lone 

26,    32,    85,    121,    129 

i33,  134,  i36,  i38-i4o, 

147-152,  i55,   157, 

2.  Nabuchodonosor  III 
(Nadintavbelj 

Nabù-sar-usur,  assassin 
de  Sennachérib 

Nabuzardan ,  officier 
babj'lonien 

Nabii  -  zêru  -  kênu  -  lisir, 
fils    de    ^lérodach- 
Baladan  II 

Nachor,  fils  de  Térah 

Nadab,  roi  d'Israël 

Nadintavbel,  voir  Nabu- 
chodonosor III 


395 

Pages 

3o4 
3i3 

66 


174' 


99' 


334 


9^ 


162- 
174 


128- 
148 


IIO 

i3i, 
145, 
i65 

175 

97 
i38 


100 
33 
49 


396 


TABLE    ONOMASTIQUE 


Page 

Nahoum,  prophète  108,  116,  117 
Naïd-Mardouk,   fils    de 

Mérodacli  -  Bala- 

dan  II  100 

Naràm-Sin,roi  d'Agadé  4 

1.  Néchao  I,  roi  de  l'Oc- 
cident   du     delta     104-107, 

III 

2.  Néchao  II,    123,  125-127,129, 
i3i,    182,    184,  i35,  189.  146 

I    Nectanébol,  pharaon,  180 

2.  NectanéboII,  pharaon  18 1 ,  182 

Néhémie,  pélia  de  Pa- 
lestine 85,  188-192,  194- 
197.  199'  200,  281 

Néphoritès.  pharaon  180 

Nergal-Usezib,    roi    de 

Babylone  88 

Nériglissor  (Nergalsha- 
roussour),  roi  de  Ba- 
bylone 149,  i55 

Néron,  empereur  820,  821,  824 
881,  338 

Nicanor,  général  sy- 
rien 289,  243-245 

Nicaso,  épouse  du  pon- 
tife schismatique 
Manassé  196 

Nicolas,  de  Damas,  his- 
torien grec         288,  298,  298 

Nicostrate,  d'Argos,  gé- 
néral grec  182 

Nikoua,  mère  d'Asarad 

don  98,   102 

Noadias,  pseudo -pro- 
phète du  temps  de  la 
restauration  190 

Nofrit,  princesse  égyp- 
tienne 17 


Pages 

C  )bodas,  roi  des  Xabatéens  265 
Ochozlah  ou  Ochozia,  roi 

de  Juda  55,  56,  58,  59,  6r 

Ochozias,  roi  d'Israël  55,  56 
Octave  ou  Octavien,  voir 

Auguste. 
Octavia,     épouse      de 

r^Iarc-Antoine  285 

Omri,  roi  d'Israël  5o,  5i,  57,  62 
I.  Onias  I.  212,  229 

2    Onias  II,  280 

8.  Onias  III,  228,  228,  280,  288, 
284,  244 
4.  Onias  IV,  228,  244 

Oropastés,  mage  perse  178 

Orosus,  roi  parthe  281 

1.  Osée,  prophète  64 

2.  Osée  (Hoshéa),  roi 
d'Israël  69,  70,  95 

Osorkon  I,  pharaon  47 

Othon,  empereur  883 

Othoniel,  juge  84,  35 

Oumbahaboua,  roi  d'E- 

lam  iio 

Oummanaldasi,  roi  d'E- 

lam  110 

Oummanminanou,      roi 

d'Elam  88,  95,  100 

Ourtakou.roid'Elam  100,107-109 
Ousia  ou  Azaria,  roi  de 

Juda  68,  64 

X  acorus,  fils  du  roi 
parthe  Orosus  281 

Padi,  roi  d'Ekron  84,  86 

Pakrourou,  roi  de  l'O- 
rient du  delta       104106,111 

Paktyas,  officier  lydien 

de  Cyrus  i54 


DES    PERSONNAGES    HISTORIQUES 
rages 


1.  Pallas,  épouse  cl'Hé- 

rodt'  le  Grand  292 

2.  Pallas,  affranchi 
d'Antonia  324,  ^-7 

Pantaléou,  fils  d'Alyatte 

le  roi  de  Lydie  102 

Partatoiia,  roi  Scythe  118 

Paul  (Saint),  218,  220,  228,  3o8, 

821,  326,  827,  33o 

Péquah,  roi  d'Israël 

67-69,  95,  1^3 
Péquahia,  roi  d'Israël  67 

Perdikas,  commandant 

de  la  garde  royale 

d'Alexandre     le 

Grand,  régent  effec- 
tif de  l'empire  à  la 

mort  d'Alexandre  207 

Pétronius,      proconsul 

de  Syrie       8i5,  3i6,  3i8,  819 
Phalhon,  frère  d'Anti- 

pater     le     stratège 

d'Idumée  269 

Phanés,  d'Halicarnasse  171 

Phaunias,  grand-i^rètre 

au  temps  de  la  guerre 

juive  383 

1 .  Phasaël,  frère  d'Hé- 

rode  le  Grand    280-282,  286, 

287 

2.  Phasaël,  fils  d'Hé- 
rode  le  Grand  et  de 
Pallas  292 

Phédra,  épouse   d'Hé- 

rode  le  Grand  292 

Phellès,  roi  de  Tj'r  5i 

Phéroras,    frère  d'Hé- 

rode  le  Grand  292,  294 

I.  Philippe,  roi  de  Ma- 


397 


Pages 


cédoine  i83,  184 

2.  Philippe  Arhidaeos, 
demi-frère  d'Ale- 
xandre le  Grand  207 

3.  Philippe,  général  sy- 
rien 241-243 

4.  Philippe,  fils  d'An- 
tiochus    VIII    Gry- 

pos.  roi  de.  Syrie  260 

5.  Philippe-Hérode,  fils 
d'ilérode  le  Grand 
et  de  Mariamme  II, 
époux    d'Hérodiade 

292,  294,  3oo 

6.  Philippe- Autipas,  fils 
d'ilérode  le  Grand 
et  de  Malthace,  té- 
trarque    d'Iturée    291,    292, 
294,  295,  297-300,    3o2,  817, 

820 

Philon.  juif  philosophe 

alexandrin  214,  3i5,  828 

Philostophane,  général 
de  Ptolémée  X  La- 
thyre  264 

Phoiil  -  Téglath-Phala- 
sar  III. 

Phraortés,  roi  des  Mè- 

des  114-116 

Pierre  (Saint),  818 

Pitholaus,  chef  des  re- 
belles juifs  278,  279 

Placidus,  général  ro- 
main 38i 

Polémon,  roi  de  Cilicie,  821 

Polybe,  historien  248 

Pompée,  le  triumvir     269-278, 
277-279,  291.  3o5 

Ponce-Pilate,    i^rocura- 


SgS 


TABLE    ONOMASTIQUE 
Pagf'S 


teni'  de  Judée  3ii-3i3 

Popilius-Loena,  général 

romain  235 

Poppée,     impératrice, 

épouse  de  Néron         32i,  328 

1 .  Psammétique  I  =  Psa- 
matikou,  i'ils  de  Né- 

cliao  I    io6,    107,    III,    120, 
122,  123,  127,  146,  172 

2.  Psammétique  II,  i34,  i35,  iSg, 

169,  172 

3.  Psammétique  lîl,         171,  172 

4.  Psammétique,  roite- 
let du  delta  an  temps 

de  la  28"'  dynastie  180 

Psamouti,  pharaon  70.  75 

1.  Ptolémée  I  Lagus,   208,   209, 

3o5 

2.  Ptolémée  II  Philadel- 

phe,  225,  23o 

3.  Ptolémée    III    Ever- 

géte,  23o 

4.  Ptolémée  IV  Philopa- 

tor,  225,  226 

5.  Ptolémée  V  Epiphane, 

226,  227,  234 

6.  Ptolémée  VI  Philo- 
métor,  223,  234,  235,  241,  247- 

249,  260 
7    Ptolémée  VII  Physcon 
Evergéte  II,  211,  225,  226,  235, 

259 

8.  Ptolémée  X  Lathyre     264,265 

9.  Ptolémée XIII  Aulète,  278,  281 

10.  Ptolémée,  général 
syrien  239 

11.  Ptolémée  Macron, 
gouverneur  de  Chy- 
pre 235 


Pages 


12.  Ptolémée,     gendre 

de  Simon  Machabée  257,  258 
i3.  Ptolémée,     fils    de 

Mennée  roi  d'Iturée  291,  32o 
14.  Ptolémée,    brigand 


Réhob,  père  du  roi 
Baasa  des  Ammo- 
nites 32 

Réhoum,     gouverneur 

perse  de  Palestine  187 

1.  Rezon  I,  de  Sobah 
(=Hezion),  roi  de  Da- 
mas 44,  49,  53,  54 

2.  Rezon  II,  roi  de  Da- 

mas, 54,  65,  67-69,  71,  123 
Rhodogune,  fille  d'Ar- 

sace    VI,     roi     des 

Parthes  259 

Rim-siu,  roi  de  Larsa  6 


palestinien 

323 

Pur-Sagali,  éponyme  de 

l'année  763 

66 

Ouadratus    (Ummidius 

Durmius),  proconsul 

de  S^a-ie 

324 

Quirinius  (P.  Sulpitius), 

proconsul  de  Syrie 

295,  2 

96, 

3io 

r\  ahospou,  prince  égyp- 

tien 

16                   1 

I.  Rammânnirâri  I, 

66 

2.  Rammânnirâri  II 

66 

3,  Rammânnirâri    IV  = 

Adadnirari  IV 

61 

I,  Ramsés  II             21,  1 

26, 

i35 

2.  Ramsés  III                28 

2C 

,43 

3    Ramsés  XII 

43 

DES    PERSONNAGES    HISTORIOUES 


39g 


Pages 

Roboam,  l'ils  de  Salomou 

45,  46,  48,  68 

Romélias,   père  du  roi 

Pé(|iiah  d'Israël  67 

Rossana,  fille  dHérodo 

\e  Grand  et  de  Pliédra      292 

Roxane,  l'ille  de  roi 
bactrien,  épouse 
d'Alexaiidrele  Grand  205,207 

Ruth  26 

Rutilius  Lupus,  procu- 
rateur d'Egypte  342 

Oabacon  76,  83.  89,  92,  106 
Sabinus,  chargé  d'affaires 

d'Auguste  en  Judée  297 

Saddoc,  meneur  juif  3io 

Sadok,  prêtre  juif  262 

Salloum,  voii-  Joachaz. 

roi  de  Juda. 

1.  Salmanasar  III,  d'As- 
syrie       3i,  54,  55,  58,  60,  61 

2.  Salmnasar  IV  G2,  63 

3.  Salmanasar  V    (Ou- 

loulaï,  65,  69-72 

1.  Salomé  Alexaudra,  voir 
Alexandra. 

2.  Salomé,  sœur  d'Hé- 

rode  le  Grand    284,  286,  292- 
295,  298,  3i5,  3i6 

3.  Salomé,  fille  d'Hé- 
rode  le  Grand  et 
d'Elpidie  292 

4.  Salomé,  fille  d'Hé- 
rodiadc,  épouse  de 
Philippe -Antipas  le 
tétrarque  d'Iturée     292,  299 

Salomon       1 3,  34,  35,  43,  44"46» 
48-5o,  56,  58,  62 


Pages 

Samasdanàni,  gouver- 
neur de  Babylone  1 1  o 

Samas-souma-oukm,  fils 
aîné      d'Asaraddon 
roi  de  Babylone         104,  io5 
108-110,   112 

Samson,  juge  33,  35 

Samson-ditana,    roi    de 

Babylone  ^2 

Samuel  33-35,  39 

Sanaballat,  ennemi  de 
la  restauration  pcha 
de  Samarie        189,  190,  195- 
T97,  200,  204 

Sandouarri,  roi  cilicien  100 

Sàrai,  lemme  d'Abra- 
ham 7 

Sardanapale.  voir  Asourbanipal. 

1 .  Sargon,  l'ancien,  roi 
d'Agadé  4 

2.  Sargon,    d'Assyrie        70-72, 
76-80,  83,  87, 97,  ii3, 114,  196 

Sarrou-lou  dari,  roi   de 

Tanis  io5 

Saturninus  (Sentius),  pro- 
consul de  Syrie  293,  296 

Saûl,  3o,  3i,  34,  40 

Scaurus  (Aemilius),  gé- 
néral romain,  pro- 
]:)réteur  de  Sj^rie 

269,  272,  277 

Scheschbassar,  voir  Zorobabel. 

Schimschaï,   secrétaire 

de  Réhoum  187 

Scipion,  l'asiatique,  gé- 
néral romain  227 

1.  Sédécias,  roi  de  Juda 

26,  85,  i34-i38,  140 

2.  Sédécias,  roi  d'Ascalon      84 


400 


TABLE    ONOMASTIQUE 
Pages 


3.  Sédécias,  ben  Maa- 
sias.  pseudo"-  pro- 
phète i35 

Séhon,  roi  d'Hésébon        25,  26 

Séjan,  ministre  de  Ti- 
bère 3l2 

1.  Séleucus  I  Nicator, 
fondateur  de  la  dy- 
nastie    des     Séleii- 

cides  208,  209 

2.  Séleucus  IV  Philopa- 

tor  228,  229 

3.  Séleucus  VI  260 
Sellum,  roi  d'Israël  64 
Sem  9 
Séméber,  roi  de  Séboïm           i3 

1.  Séméias,  pseudo-i^ro 

pbète  i35 

2.  Séméias,  juif  de  la 
restauration  igo 

Sennaab,  roi  d'Adama  i3 

Sennachérib,  roi  d'As- 
syrie 64,  82,  84-99,  lOI, 
io5,  112,  114,  147 

Séron,  général  syrien  239 

Séthon,  grand-prêtre 
de  Ptab  93 

Sextus-César,  proconsul 

de  Syrie  280 

Shabé,  voir  Sua. 

Shabitkou  =  Shabitokou, 

fils  de  Sabacon        83,  89,  92 

Shardouris  III,  roi  d'Ou- 

rartou  65-67 

Sheshonq  45-47, 68 

Shoutrouknakhounta,  roi 
d'Elam  78,  79,  88 

Sîl-Bêl,  roi  de  Gaza  86 

I.  Siméon  ben  Gamaliel,  333 


Pages 


2.  Siméon,  fils  de  Clo- 
pas,  second  évoque 
de  Jérusalem  341 

1.  Simon  I,  grand-prê- 
tre 229 

2.  Simon  II,  grand  prê- 
tre 229,  23o 

3.  Simon,  administra- 
teur du  temple,  au 
temps  d'Onias  III      228,  234 

4-  Simon  Machabée,  frère 

de  Judas  238-241,  246, 

247,  200-257 

5.  Simon,  père  de  Ma- 
riamme  II  292,  294 

6.  Simon,  fils  de  Judas 

de  Gamala  323 

7.  Simon  Barkokéba        346-348 

8.  Simonbar-Giora,  me- 
neur juif  334-336,  338 

Sin-Muballit,  roi  de  Ba- 

bylone  7 

Sin-Sarra-iskoun,  der- 
nier roi  d'Assyrie     121,  129 

Siséra,  roi  cananéen  32 

Smerdis,  voir  Bardiya. 

Sobna,  courtisan  d'Ezé- 

cliias  83,  92,  124 

1.  Soème,  mis  à  mort 

par  Hérode  le  Grand        286 

2.  Soéme,    roi    d'Emésa 

33o,  33i 
Sogdianos,     frère      de 

Xerxès  II  179 

Sophonie,  propbète  119 

Sosius,    proconsul    de 

Syrie  282 

Sua  ou  Shabé,  roitelet 

du  delta  70,  75,  76 


DES   PERSONNAGES   HISTORIQUES 
Pa^es 


Sumu-Abu,  roi  de    Ba- 

l)ylone 
Su-zu-bu  (Musezib-Mar- 

douk),  roi    de  Baby- 

lone 
Sylleus,  roi  des  Arabes 


5-7 


88 
293 


J.  abale,     gouverneur 
perse  de  Sardes         i54,  168 

Taboua,  reine  des  Arabes      10  r 

Tabrimmon,  roi  de  Da- 
mas 49,  54 

Tachos,  pharaon  181 

Tafnakhti,  pharaon  70,  70 

Taharqou,  roi  d'Ethio- 
pie       89,  90,  92,  93,  100-106 

Tammaritou,roi  de  Kaî- 

dalou  et  d'Elani         109,  iio 

Tandamani  =  Tandama- 
nou  -  Tanouatamanou 
=  Tanout  Amon,    fils 
de    Sabacon,     89,     106-108, 
III,  172 

Tchaispi  (Téispés),  roi 

des  Perses  ii4 

1.  Téglath-Phalasar     I, 

roi  d'Assyrie  ^2 

2.  Téglath-Phalasar  III, 
(Poulou,  Phoul),  02,  64-66,  68- 

71,  83,  97,  114,  123 
Téispés,  monarque  perse 

114, i5o 
Tennés,  roi  de  Sidon  181 

Tep-Houmban.roi  d'Elam 

108,  109 
Térah    (Thérah),    père 

d'Abraham  6,  7,  33 

Téron,    officier    d'Hé- 

rode  le  Grand  293,  294 


401 

Pages 


Thadal,  roi  de  Goïm  i3 

Thamna,  mère  d'Esaii  3o 

Thatanaï,  gouverneur 
perse  de  la  Cis-jor- 
daue  186,  198 

Theudas,    pseudo-pro- 

l)hète  323 

Thibni,  compétiteur 

d'Omri  5o 

I.  Tibère,  (empereur),  299-301, 
3ii-3i4,  3i7 
a.  Tibère  Alexandre,  pro- 
curateur de  Pales- 
tine, puis  procura- 
teur d'Egypte  323,  334 
Tigrane.  roi  d'Arménie 

260,  267 
Tineus  Rufus,  procura- 

rateur  de  Palestine  345 

Titus,  (empereur)  322,  329,  33i, 
332,  334,  335,  337-339 
Tobie,ennemi  des  Juifs 
lors  de  la  restaura- 
tion,   serviteur    de 
Sannaballat  32,  189-191,195, 

200 
Toukoulti-Ninib    I,    roi 

d'Assyrie  /{2,  77 

Toutmés  III  (Toutmosis),  12,  126 
Trajan,   empereur 

27,  341-343,  345 
Tryphon,   roi  syrien, 

25o-253,  255,  256 

U  rie,  mari  de  Betsa- 

bée  la  concubine  de 

David  43 

Uru-ka-gi-na,  roi  de  Lagas  4 
Urya,  prophète  128 


26 


402 


TABLE   ONOMASTIQUE 


Pages 

V  ahyadâsta,  (2''  pseiido- 
Bardiya,  usurpateur 
du  trône  perse  170 

Valerius  Gratus,  procu- 
rateur de  Judée  3ii 

Varus  (Quintilius),  pro- 
consul de  Syrie  297,  889 

Vespasien,     empereur 

322,  329,331-335,338-341,344 

Vibius  Marsus,  procon- 
sul de  Syrie  3i9 

1.  Vitellius,  proconsul 

de  Sj^rie,  3oi,  3j3,  3i4,  323 

2.  Vitellius  (Aulus),  em- 
pereur 333,  334 

W  enamon,     officier 
égyptien  4^ 

Jvénophon,  général  grec     180 


Pages 

1.  Xerxés  I       178,  179,  i83,  187 

2.  Xerxés  II  179 

Y  akinlou,  roi  d'Arad  106 


i^abdiel,  cheikh  arabe 

249 

I.  Zacharie,  grand-prè- 

tre.   fils  du  grand- 

prêtre  Joïada 

61 

2.  Zacharie,  prophète 

i85 

Zakaria,  roi  d'Israël 

64 

Zamri,  roi  d'Israël 

5o 

Zékarba'al,  roi  de  Byblos 

43 

Zénodore,    souverain 

d'Iturée 

291 

Zenon,  tyran  de  Phila- 

delphie 

258 

Zérach 

47 

Zorobabel    (Scheschbas- 

sar)  165,167, 186, 187, 191,200- 


TABLE 


CITATIONS  BIBLIQUES 


Pages. 

Pages. 

Genèse. 

XXXVII-L 

i5 

XXXVII  27-28 

32 

X 

9 

XLIX  7 

3o 

XI  Si 

7 

L 

22 

XII-XIII  7 

7 

XIII 

i3 

Exode. 

XIII  7 

8 

XIV    1-2 

i3-i4 

I  ss. 

21 

»     6 

25 

II  i5 

32 

»      7  ss. 

3i 

III  8 

i3 

XV  i3 

19 

»     17 

i3 

XVI 

32 

XII  40 

19 

»       12 

32 

XIII  5 

i3 

XIX  36-37 

26 

XV  ss. 

23 

»     38 

3i 

XVII  4 

3o 

XXII    21 

ICI 

).      8 

3i 

XXIII  3  ss 

i3 

»      8  ss 

23 

XXV  2 

32 

»      8-16 

3i 

»     I2-I6 

32 

XVIII  I 

32 

»      14 

89 

»        5 

32 

»        20 

14 

»        27 

32 

XXVIII  2 

14 

XX  23  —  XXIII  33 

125 

XXXI 

25 

XXIII  23 

i3 

XXXVI  4-14 

25 

)t        28 

i3 

»         8 

25 

XXIV  3-8 

125 

»         16-22 

25 

XXX  i3 

193 

»       35 

32 

XXXIV  II 

i3 

404 


TABLE 


Lévitique. 


I-X  II 

XVIII    2T 

XX  2  5 

XXI  t4 

XXIII  24 


Nombres. 


XI  16 
XIII 

))    19 
»    29 

XIII  3o 
XIV-XX 

XIV  24-25 

..  32-33 

«  34 

»  45 

XX  14  ss. 

XXI  II 
»  i3 
))    26 

XXII  4 

))    7 

XXIII  9 

»    44 

XXIV  17 

»         20 

XXVII  18-23 
XXIX  1-6 
XXXI 
XXXII  1-4 
XXXII 
XXXIII 


Pages 


23 
52 
52 

193 

iqi 


3o4 

23 

8 
27,  3i 
i3 
24 
3o 
24 
35 
3i 
24 
24 
24,  26 
26 

32 
32 

219 

24 

346 

3o 
307 

32 
25 

3o 

26 


I  7 

»  22  ss. 

II  4-9 
»  5 
))  8 
))  19 

))  20-21 
))  33 

III  12-17 
V-XXVI 
VII  I 

»    I  ss. 
XVII  8  ss. 

XIX  16  ss. 

XX  17 

XXI  10 
XXV  17-19 
XXVIII 


Josué. 


Livre  de  Josué 

VI-XII 

IX  1-2 

X 

XI 

XI  3 

XII 

XIII  I 

)■>     2.5 

XV-XX 

XV  2-4 

»  29 

XXIV  II 


Juges. 


Deutéronome. 


I-III 


25 


I  1-9 
»  34 
III  5-7 


Pages 

27,    28 
28 

3o 

25 

24,  26 

3o 

8,  3i 

28 

3o 

125 

i3 
192 
3o5 
3o5 
i3 
193 
3o,3i 

125 


25 

29 
29 
29 

29 
27 
29 
29 

26,  240 

29 

25 
24 

i3 


29 
28 
3i 


DES   CITATIONS    BIBLIQUES. 


4o5 


III     8 

»    II 

III  3o 
»  3i 
Y 
»   32 

VI  1-3 
VII-IX 
VIII  24 
»     28 

XI  3 

XII  8 
XII   II 

»     i3 

XV  20 

XVI  3i 

Ruth. 

Livre  de  Ruth. 


1  Samuel 


YI 


IV  18 

V  3-4 

»  9 
»  12 
5 
II 
»    18 

VII  i5 
VIII-IX 

VIII  6-8 
»     22 

IX-X 

IX  16 
XIII 
XV 

»      2-3 

XVI 


Vaiies 

33 

XVIII  I 

34,  35 

»       3 

35 

XXVII 

34 

»       7  ss. 

32 

XXX 

35 

»      14 

32 

XXXI  10 

33 

32 

2  Samuel 

35 

34 

I 

34 

V  6 

34 

VIII 

34 

»     12,  i3 

35 

33,35 

1  Rois. 

I 

II  II 

26 

III  I 

VI   I 

VII  8 

IX   9 

35 

»  16  ss. 

53 

»  20 

93 

»  24 

93 

»  26 

93 

»  26-28 

93 

X  28 

93 

»  28  ss. 

34 

))  29 

39 

XI   I 

39 

»     5 

39 

»    8 

40 

))    14-22 

39 

»    23 

40 

»  26  ss. 

40 

>y  27 

3o 

»  33 

40 

XII  1-24 

Pages 

40 
40 
40 

Si 
Si 
28 
53 


40 

41 
41 
3o 


43 
35 
43 

33,  34,  35 

44 
44 
43 

i3 

44 

25 

56 
58 
58 
i3 

32 

53 

32 

43 
53 

45 

44 
53 
45 


40D 

TABLE 

Pages 

Pages 

XII  25 

5o 

XIV 

7 

127 

»     25  ss. 

45 

)) 

25 

63 

»    28 

45 

XV 

1-7 

64 

XIV  25  ss 

46 

)) 

10 

64 

XV     10 

46 

XV 

19 

65 

»       16  ss. 

54 

» 

29 

69 

XV  17 

5o 

» 

3o 

69 

»      18 

54 

■>•> 

37-38 

67 

»      18-22 

5o 

XVI 

4 

67 

M          19 

49 

)) 

5 

67 

))        21 

5o 

)) 

6 

67,  71 

XVI   8-22 

5o 

)) 

9 

6;J 

»      24 

5o 

» 

10 

69 

»         25-26 

5o 

XVII  1-3 

70 

XVII-XIX 

53 

» 

1-6 

70 

XIX  i5 

54 

)) 

3 

70 

XX 

54,  55 

)) 

6 

71,  114 

»    34 

5o 

)) 

24 

72,  196 

XXI  17-29 

53 

)) 

24-25 

72 

»         23 

59 

) 

3o-3i 

72 

XXII  4i-5i 

56 

XVIII  9 

71 

XVIII-XIX 

94 

2  Rois 

XVIII  9  ss. 

70 

» 

9-10 

70,94 

I-II  14 

53 

)) 

II 

114 

III  4  ss. 

57 

)) 

i3 

64.94 

»    8 

56 

» 

i3-i6           87, 

91.  92,  94 

»     26 

57 

)) 

14 

87.  92.  94 

»     26-27 

57 

)) 

17-XIX  36 

87.89 

VI-VII 

58 

)) 

17-XIX  37 

94 

VII  6 

i3 

M 

18 

92 

VIII-XI 

60 

)) 

20 

90 

VIII  20 

57 

» 

21 

147 

»  28 

54 

)) 

26 

II,  120 

X  32-33 

61 

» 

37 

92 

XII 

61 

XIX 

9 

92 

XIII  1-7 

61 

» 

21-34 

90 

»      24 

54 

» 

35-36 

91.93 

»        25 

62 

» 

36-37 

98 

XIV 

62 

XX 

1-12 

94 

DES   CITATIONS    BIBLIQUES. 


407 


XX    12  ss. 

XXI 

I 

)) 

1-8 

)) 

16 

XXI 

[9  ss. 

XXII 

8  ss. 

)) 

II 

» 

i5  ss. 

XXIII  4-28 

» 

10 

» 

i3 

» 

29  ss 

)) 

3i 

» 

3i-36 

XXD 

T    la 

)) 

1-4 

)) 

6 

)) 

7 

» 

10 

)) 

II 

XXV 

4 

)) 

27 

XXV 

27-30 

PuKcs 
82 

ii3 
102 
ii3 
114 
124 

125 

119 
124 

52 

53 
126 
127 
140 
i33, 140 
134 
i33 
i3o 
i34 
i34 
i37 
i55 
149 


)0, 


1    Chroniques 


I  3i 

III  17 
»     19 

IV  42-43 

V  19-23 
»  26 
XVIII  II 


290 

i65 

i65 

3i 

290,  291 

69 
3o 


2  Chroniques 


I  16 
»  16  ss. 
IX  28 
XII 


58 

58 
58 
46 


XII  3 
XIV 

XV  19 

XVI  8 
XVII-XX 
XIX  8 
XXI 
XXIV 
XXVI 

»        i-ro 

XXVII  1-6 

XXVIII  5-1 5 
»  16-18 

XXXII  1-8 
»  2-7 
»         5 

»         9-23 
»         21-22 
»        3o 

XXXIII  1-20 
))  14 

»       14  ss. 
»       20  ss. 

XXXIV  3-7 

))         14  ss. 
»         19 
XXXV 

))        20  ss. 

»  20-22 

XXXVI  1-4 

))  6  ss. 

))  8 

»  9 


Esdras 


I-II 
I-IV  5 
II 
II  1-63 


Pa^es 

48 
46,47 

49 
48 

56 

3o5 

58 

61 

64 

64 

67 

67 
67 

91 
85 

44 

89 
93 

85 
102 

85 
ii3 
114 
124 
124 

125 
125 

126 
126 
126 
i33 
i33 
134 


i65 

199 
166 

191 


4o8 

TABLE 

Pages 

II    2 

3o5 

II  II- 17 

»     68-69 

167 

»  14 

»     70 

i65 

166 

»   16 

III 

167 

III 

III-IV  5 

187 

III  i5 

III  3 

167 

IV  1-5 

»    8 

167 

»    3 

IV  2 

196 

»    6-23 

»     6 

187 

))    8 

»    6-23 

187 

199 

»    i3 

»    9 

196 

V  1-9 

»     24 

187 

M       I-l3 

»     ))  — 

VI 

199 

;)    7 

V  5 

3o5 

M     14 

»  9 

3o5 

»     14-18 

V-VI 

187 

»  i5 

VI  7 

3o5 

»  17 

»    14 

3o5 

M     19 

VII 

198 

VI  I 

VII-X 

199 

200 

»    i-i5 

»  8- VIII  3i 

198 

»    12 

»  12 

198 

»    14 

VIII  i5-] 

n 

157 

»    17-18 

IX 

198 

»    17-19 

»    I 

i3 

VII  I 

X 

198 

)j      1-3 

»  6 

199 

200 

))      2 

»  8 

3o5 

«      5 

»  18-24 

Néhémie 

197 

»      6-65 
»      7 
»      7-65 
»      66-68 

Livre  de  Néhémie 

199 

»      70-73 

I 

189 

VIII 

»  1-2 

189 

IX 

»  II 

189 

M     8 

II  1-8 

189 

X  1-29 

>)  8 

236 

»    3o 

»  9-20 

189 

»    3o-3i 

»    10 

200 

»    32-38 

Pages 
187 

85 

3o5 

189,  190 

85 

190 

32 

190 
32,  3o5 

3o5 
188 

191 
3o5 

189,  194 

194 

188 

3o5 
197 

32 

190 

32 
32 

191 

32 

167 

191 

236 
3o5 

191 
3o5 
191 
i65 
193 
192 
192 
i3 
192 
188 
192,  193 
188 


DES    CITATIONS    BIBLIQUES. 


409 


Payes 


X  32-39 

193 

VIII  19 

245 

XI 

194 

X 

248 

XII  10 

188 

n    26-45 

248 

»     11 

203 

»    38 

249 

»     22                     I 95 

200,  2o3 

XI  1-19 

249 

»     26 

200 

»     20-59 

25o 

»     43-46 

193 

»      23 

3o5 

XIII 

195 

»     34 

23l 

-     4 

i9t 

»    60-74 

201 

))      6 

194 

XII 

252 

»     14 

197 

»      6 

3o5 

»     29 

197 

»      7-8 

212 

»      7-20 

229 

1  Machabées 

))      35 

3o5 

I     1-8 

205 

»     45 

25l 

»     II 

227 

XIII  i-3o 

252 

»     12-16 

233 

»      25 

238 

M         14 

227 

»     3 1-54 

253 

»        20-21 

235 

»     36 

3o5 

»    43-56 

236,  237 

»    43 

253 

»     57-64 

237 

XIV  1-3 

255 

II 

239 

»       4-7 

254 

»    34-38 

219 

n          8-l5 

254 

»    39-41 

219 

))      16-49 

255 

»    42 

233 

»         20-28 

3o5 

III-IV  35 

239 

»      4^ 

255 

III  4 

239 

XV 

257 

IV-VI 

243 

»     16-23 

211 

IV  36-6 1 

240 

XVI 

207 

V 

241,  243 

»      16-19 

254 

»  6-7 

32 

»      20-24 

254 

V  9-54 

23l 

VI  1-17 

241 

2  Machabées. 

))    i8-63 

243 

VII 

245 

1  10 

3o5 

M     14 

244 

»  i3-i6 

228 

»      32 

244 

II  29 

228 

).    33 

3o5 

III-IV 

23o 

VIII  1-22 

246 

III  3-40 

228 

»      7-8 

227 

IV  7 

233 

l'aies 


4IO 


TABLE 


IV  12 

:»     22 
»     23-5o 
»     27 

»  44 

V  i-io 
»    5 

))      11-23 

VI  i-ii 
VIS 

«   I8-VII  42 

VIII-XIII 
IX 

»      2 

»    29 

X  i3 

XI  27 

XII  43 

XIII  3-8 

XIV  3 


227 


236 
233 
234 
236 
3o5 
235 
236 
235 
237 

232 

238 
243 
241,  243 
241 
241 
235 
3o5 
i85 
242 
244 


Psaumes. 


Ps.  83  (Vulg.  82)  vers.  7-8  3o 
»     122  (    »     121)    »     3     166, 

167 
»  i37  (  »  i36)  M  I  i57 
»      M         ))      »       ))  8-9   157, 

i58 

Ecclésiaste. 

Le  livre  de  l'Ecclésiaste      206 

Cantique. 


Pages 

Sagesse. 

Le  livie  de  la  Sagesse  206 

Ecclésiastique. 

Prologue  223 

XXXVIII  24-XXXIX  II  232 

XL  VIII  17  85 

XLIX  i3-i5  200 

))       i5  (Texte  mas.  i3)  191 

L  23o 


IV  I 
VI  5 


25 
25 


»  27-28 


V  27  ss. 

VI  I 
VII 

))     3 
»     18-20 
VIII  4 
))       6 
>'       7  ss. 
X9 

))       28-32 

XIII  19 

XIV  4-21 
XV 

XVI    I-I2 

XIX  1-3 

»    4 
))    18-19 

XX 

XXI  2 

XXII  6 

»  9-11 

))  II 

»  i5 

»  i5-24 


Isaïe. 


196 


77 
64 
68 
84 

123 

60 
85 

J  J 

m 

84 

i65 

80,81 

63 

63 

89 
io3 

223 

77 
i5i 

69 
85 
85,  86 
92 
92 


DES   CITATIONS    BIBLIQUES. 


411 


Ta  go 


PagfS 


XXII    15-25 

83 

XXII  6 

25 

XXVIII  1-6 

70 

»       10-12 

127 

XXX  1-7 

77, 

124 

»       II 

127 

XXXI  1-3 

77. 

124 

»       19 

i34 

XXXVI  I 

64.91 

,94 

XXIII 

127,  128 

XXXVI-XXXVII  36 

89 

XXV  19 

147 

XXXVI  3 

9'-2 

»         25 

i5i 

XXXVII  2 

92 

XXVI  6 

28 

»              22-35 

9c 

,  91 

»       7-16 

128 

»          37-38 

98 

»         20-23 

128 

XXXVIII 

94 

»         24 

128 

»                 36-3; 

93 

XXVII  I 

i35 

XXXIX 

82 

»        3 

i35 

»         I 

82 

j)        5-7 

i35 

XL-XLV 

i59 

9 

i35 

XLLV 

i56 

))        12 

i35 

XLI  25 

i56 

))        16 

i35 

XLII  22 

15; 

»        18 

i36 

XLIV  28 

i56 

XXVIII 

i35 

X].V  I 

i56 

»        I 

i35 

XL  VI  1-2 

160 

))         17 

i36 

XL  VII 

160-162 

XXIX  4 

157 

»     5-7 

i36 

Jérémie. 

))     7 
))     10 

160 
i36 

I 

119 

»     21 

i35 

I-VI 

124 

»     22 

i36 

I  6 

l32 

»     24 

i35 

»  9-10 

141 

XXX-XXXIII 

i58 

I  i3 

128 

XXXII  35 

52,  i36 

»  18 

l32 

XXXIV  7 

i36 

II  18 

124 

126 

XXXVI  9  ss. 

140 

IV 

1^9 

»        3o 

i34 

V 

119 

»        3o-3 1 

i32-i33 

»    i5-i7 

119 

XXXVII 

i37 

VI    22-23 

120 

»          9 

i36 

VIIX 

124 

»          10-14 

i37 

IX  25 

147 

XXXVIII 

i37 

XI-XX 

124 

XXXIX  2 

137 

XX  2 

i37 

XL-XLIV 

i39 

412 

TABLE 

Pages 

Page 

XLI  5 

196 

XXIX  6-7 

147 

XLIII  10-13 

147 

»       17-18 

145 

XLIV  I 

126 

»       18 

145 

»         2 

140 

XXXI  3-6 

61 

))         29-80 

146 

»       3-9 

97 

»        3o 

i35 

XXXII  24-25 

i5i 

XLVI  2 

i3o 

»        26 

118 

»       5-6 

i3o 

XXXIII  28 

189 

»       7-9 

129, i3o 

XXXIV-XXXVII 

159 

»       10-12 

i3o 

XXXVI  20-23 

i58 

))       i3-i6 

147 

XL-XL  VIII 

159 

XLVII 

127 

XLVII  16 

69,  72 

XL  VIII 

i39 

XLVIII-XLIX  7 

i33 

Daniel. 

XL VIII  4 

28 

»        21 

26 

I 

i3o 

XLIX 

i39 

»  I 

i3o, 140 

»       10-16 

26 

»  1-6 

140 

))       28-33 

147 

IV-V 

t55 

»      35-39 

i5i 

V 

i63 

L-LI 

160 

VII  6 

205 

LU  28 

140 

VIII  5-8 

205 

»     29 

140 

XI 

226 

w    3o 

189,  141 

XI  1-20 

226 

»    3 1-34 

149 

»     3-4 

205 

Ezéchiel. 

»     5 

209 

I  I 

107 

»     21 

229 

III  i5 

157 

»     29  ss. 

236 

VIII  I 

157 

»     3i 

287 

»      10-16 

i36 

Osée. 

XIV  I 

157 

VII  11-12 

68 

XVI  3 

i3 

XIII  2 

45 

»      45 

i3 

XVII  i5 

i36 

Amos. 

XX  1 

157 

XXI  26 

i36 

V  II 

64 

XXIII  i4-i5 

149 

))     27 

64 

XXV  16 

28 

VI  2 

m 

XXVI-XXVIII  19 

,45 

»      7 

64 

XXIX-XXXII 

147 

»       14 

64 

DES   CITATIONS    BIBLIQUES. 


VIII  l4 

IX  7 

Abdias. 

Prophétie  d'Abdias 
Vers.  3-6 


Nahoum. 


II  2-10 

»       I2-III  7 

III  8-10 


I  6-II 


Habaquq. 


Sophonie. 


I-II 
II 

»     5 


4-6 


Aggée. 


M 


» 

D-II 

» 

I2-l5 

II  10-19 

Malachi 

e 

I 

2-5 

)) 

7 

» 

8 

)) 

12 

)) 

i3 
14 

II 

7-9 

) 

11-12 

) 

i3-i6 

P;i({es 

5o 
28 

189 
26 


117,  iib 
117 
108 


i33 


119 
120 

28 


III  8-9 
»     i4-i5 


Ev.  Saint-Matth. 

II  1-12 

»  22 
IX  10  ss. 
XI  2  ss. 

»     19 

XIII  29 

XIV  I  ss. 
XVIII  17 

XXI  3i 

XXII  16 

XXIII  7 
M         i5 

XXIV  I  ss. 
«       5 

»       26 
XXVI  3 
»       47 
)J        57 

Ev.  Saint-Marc. 


186 

Ev. 

186 

186 

III  6 

186 

VI  14  ss. 

»    17 

XII  i3 

XIII  I  ss. 

189 

XIV  43 

188 

XV  7 

188 

188 

Ev. 

188 

188 

II  I 

188 

»  2 

188 

III  I  ss. 

188 

V  3o 

Ev.  Saint-Luc. 


4X3 

P;.(,'es 


296 
302 

3o4 
3oi 
3o4 

23 

3oo 
3o4 
3o4 
3oo 

23l 

aïo 

287 
325 
325 
3o8 
3o8 
3o8 


3oo 
3oo 
3oo 
3oo 
287 
3o8 

3l2 


296 

295,  296 

3oo 

3o4 


414 


TABLE 


Pages 


VII 34 

3o4 

IX  7  ss. 

3oi 

XIII  I 

3[2 

»      3i  33 

3oi 

).        32 

299 

XV  8-9 

i85 

XVII  6 

24 

XIX  12-27 

298 

XXIII  7 

3oo 

i)        7-1 1 

3oi 

))        12 

3l2 

»        19 

3l2 

Ev.  Saint-Jean. 

IV  9 

196 

X    22 

240 

XIX  7 

219 

»     12 

3i3 

Actes. 


II  9-11 

IV  3 
»  5 
»     6 

V  17  ss. 
»  21 

»  37 

»  40 
VII  I 
IX  I 

IX   2 

XI  27-30 

XII  1-3 
»     4-19 

jy      20   SS. 


219. 


2t3 
3o8 
3o8 
309 
3o8 
3o8 
3io 
3o8 
3o8 
3o8 
3o8 
323 
3i8 
3i8 
319 


Pa6es 


XIII  i5 

217 

»     21 

34 

XVIII  12-16 

219 

XIX  14 

3o9 

XXI  28 

326 

»     38 

326 

»     39 

221 

XXII  5 

3o8 

»       19 

219 

»       20-29 

220 

XXIII-XXIV 

327 

»         2 

3o8,  33o 

»     4 

3o8 

XXIV  I 

3o8 

XX\  -XXVII 

327 

»      10-12 

221,  3o3 

XXV  II 

3o8 

»         12 

3o8 

»       I3-XXVI  32 

321 

»      21 

3o8 

XXVI  II 

219 

»         12 

3o8 

Ep.  aux  Romains. 


IX  2 

»    4 
»    5 

XI  10 

»      25 


35i 
35i 
35 1 
35i 
35i 


2*  Ep.  aux  Corinthiens. 

XI  24  219 

Ep.  aux  Hébreux. 

VII 12  340 


TABLE 


NOMS    GÉOGRAPHIQUES 


MENTIONNES 


SUR    LA    CARTE 


Les  lettres  majuscules  A,  B,  C,  renvoient  aux  segments  de 
la  carte  générale,  les  minuscules  a,  b,  c,  à  ceux  de  la  carte 
de   Palestine   placée  à  l'angle  gauche   de  la  grande  carte. 


A  barim  (monts) 

b 

3 

1  Altakou 

a/b 

a 

Abel-beth-Maaka 

b 

I 

Amaniis  (fleuve) 

c 

I 

Abila 

b 

2 

Amanus  (mont) 

G 

o 

Abydos 

F 

4 

Amarna  (tell  el) 

F 

4 

A  ohm  i  m 

F 

4 

Araathus  (Ammàta) 

b 

2 

Acrabim  (montée  d') 

F,  G 

3 

Amers  (lacs) 

F 

6 

Actium 

D 

2 

Amourrou  (pays  d') 

b/c 

I 

Addama 

b 

2 

Andros  (île  d') 

D 

2 

Adida 

a 

3 

Anathoth 

b 

3 

Adora  (Dura) 

b 

3 

Anthédon 

a 

3 

Adriatique  (mer) 

B  C 

I 

Antioche 

G 

2 

A-du-um-ma-tu(Duma 

)G/H 

3 

Antipatris 

a/b 

2 

Aegos  Potamos 

E 

I 

Anti  Taurus 

G 

2 

Agadé  (Akkad) 

H 

3 

Anshan  (pays  d') 

J     3 

/'4 

Aïalon 

a 

3 

Apaniée 

G 

o 

Aïlon  (Elath) 

G 

4 

Apliek 

a 

2 

Akaba  (golfe  d') 

F 

r 

4 

Arabah 

F/G    3 

4 

VO                         / 

Aradus 

G 

3 

Akka  (=  Ptolémaïs) 

a/b 

2 

Aragosie 

K 

3 

Akkad  (pays  d') 

H/I 

3 

Araxe  (fleuve) 

H/1     I 

/2 

Akkaron  (Ekron) 

a 

3 

Arbèles 

H 

1 

Alep 

G 

2 

Argos 

D 

2 

Alexandrie  d'Egypte 

E 

3 

Arménie 

G/H 

I 

Alexandrium 

b 

2 

Arnon  (Aroër) 

b 

3. 

4i6 


TABLE   DES   NOMS   GÉOGRAPHIQUES 


Aipad  G  2 
Asour  (-Ellassar  -  Ka- 

làt  Scherkât)  H  2 

Assyrie  G/H  2 

Athènes  D  2 

Athribis  F  3 

Attique  (1')  D  2 

Azéca(=  TellZakarija)       a  3 

Azmaveth  (-  Hizmeh)         b  3 

Azot  (-  Asdoud)  a  3 

Babel  (=  Babylone)  H  3 

Babylonie  H/I  3 

Baetryaue  K  2 

Bala  G  3 

Balikh  (fleuve)  G  2 
Baiiéas    (Césarée    de 

Philippe)  b  i 

Barca  a  3 

Basan  (Basbanj  G  3 

Bazou  I  5 

Beeroth  (el-Bireh)  b  3 

Beit-Shemesh  a/b  3 

Bene-Baraq  b  3 

Béotie  D  2 

Bérénice  D  3 

Bérée  D  i 

Bersabée  a  8 
Berytos  (Beyrouth) b  ietF/G3 
Beth-Basi  (-^  Beth  Hag- 

lah  -  Aïn-Hajlah)  b  3 

Beth-Horon  b  3 

Beth-Shesmesh  a/b  3 
Beth-Sour  (Beth- 

sura)  b  3 

Bethléhem  b  3 

Bethsura  b  3 

Beth-Zacharija  b  3 

Borsippa  H  3 

Bosra  G  3 

Brindisi  C  i 

Bubaste  F  3 


Byblos  G  3 

Bythinie  F  i 
Cadès   (Aïn  Gadès  ou 

Qdeis-Cadès-Barné  F  3 

Caire  (le)  F  3 

Callirrhoé  b  3 

Canatha  G  3 

Caphtor  (île  de  Crête)  D/E  2 

Capitolias  b  2 
Cappadoce                   F/G     1/2 

Capri  (île  de)  B  i 

Carie  E  2 

Carinanie  J/K  4 

Carmel  a/b  2 

Cartilage  B  2 

Césarée  de  Philippe  b  t 

Chalcis  G  3 

Chaldée  (Kardouniash)  H/I  3 

Chephirah  (Kephîreh)  b  3 

Chôbak  G  3 

Cilicie  F  2 

Cimmériens  H  i 

Cnide  (île  de)  E  2 

Coelé-Syrie  G  3 

Colophon  E  2 

Commagène  G  2 

Corinthe  D  2 

Cos  (île  de)  E  2 

Ctésiphon  H/I  3 

Cunaxa  H  3 

Cyrène  D  3 

Cj'rénaïque  D  3 

Cyzique  E  i 

Damas                        G  3;  c  i 

Danube  D/E  i 

Daphné  E  3 

Deir  aban  b  3 

Délos  (île  de)  D  2 
Dhouspas    (-  Dhous- 

pana-  Van)  H  2 

Diban  b  3 


MENTIONNES   SUR    LA   CARTE. 


417 


Dion(Dium) 

Djenin 

Djôlan 

Dok  (Aïn-Duk) 

Dor  (a) 

Dourîlou 

Ecbutane 

Edesse 

Egée  (mer) 

Ekrou  (Akkaronj 

Elara 

Elath 

Elanitique  (golfe) 

Elépbantine  (île  d') 

Ellip 


b  2 

b  2 

b  2 

b  3 

a  2 

I  3 

I  3 

G/H  2 

D/E     1/2 

a  3 

1  3 

G  4 

F  4 

F  5 

I  3 


El-Medyeb  (-  Midje  = 

Modiu) 
Elvend  (monts) 
Elymaïde 

Ematli  (-  Hamath) 
Endor 
Epbèse 
Ephraïm 
Erecb  (=  TJruk) 
Eridoii 

Erythrée  (mer) 
Ethiopie  (=  Koush) 
Etoile  (Aetolia) 
Eubée  (île  d') 
Eziongaber 
Gaba 
Gadara 
Galaad 
Galatie 
Gamala 

Gamboulou  (tribu  des) 
Garizim 
Gath  (-  Geth) 
Gazara 
Gebal 
Gédrosie 


a/b 


3 

I     3 

I     3 

G  2 

b  2 

E  2 

b  3 

I  3 

I  3 

L/M  5 

F  5 

D  2 

D  2 

G4 
b  2 

b  2 

b  2 

F  2 

b  2 

I  3 

b  2 

a  3 

a  3 

G  3 

K4 


Géhon  (-  Araxe,  fleuve)       I  2 
(ielboë  (plaine  et  monts)      b  :> 

Genezareth  (lac  de)  b  2 

Géra  sa  b  2 

Gessen  F  3 

Geth  (-  Gath)  a  3 

Gézer  a  3 

Gibéa  b  3 
(xibbethon  (-Kibbieh)       b  c  2 

Giscala  b  i 

Gortyne  D/E  2 

Goutioum  H/I  2 

Guzanu  H  2 

Habour  (fleuve)  G/H  2 

Hadrakh  G  2 

Hagg-Kandil  F  4 

Haï  b  3 

Halicarnasse  E  2 
Halys  (fleuve)                F/G  1/2 

Hamath  (-  Emath)  G  2 

Hanigalbat  G/H  2 
Haouarou  (-  Avaris 

Tânis)  F  3 

Hâràn  G  2 

Hauran  G  3 

Hazor  b  i 
Hébron                      G  3  et  b  3 

Héliopolis  (d'Egypte)  F  3 

Héracléopolis  F  4 

Hermon  (mont)  b  i 

Hésébon  b  3 

Hippos  b  2 

Homs  G  3 

Houle  (-  Mérom,  lac)  b  i 

Hyrcanie  G/K  2 

Ibléum  b  2 

Idumée  F/G  3 

Ijon  h  2 
Iqbi-Bèl  (territoire  du 

Jatburu)  I  34 

Irasa  D  3 


4i8 


TABLE    DES    XOAIS    GEOGRAPHIQUES 


Isin 

I  3 

Laodicée  (de  Lycaonie)       F  2 

Issus 

G   2 

M          (de  Phrygie 

)           E    2 

Itiirée 

G  3 

M          (du  Pont) 

G  I 

Jabbok 

b/c  2 

»         (de  Syrie) 

G   2 

Jabroud 

G  3 

Larnaca 

F  3 

Jàfâ 

b  2 

Larsa 

I  3 

Jaffa  (=  Joppé) 

a  2 

Ledjâh   (la  =  la  Tra- 

Jamnia 

a  3 

chonitide) 

G  3 

Janoakli 

b  I 

Léontopolis 

F4 

Jarmouk  (=  Yarmouk) 

b  2 

Liban 

G  3 

Jaser 

b  3 

Libye 

D/E  3/4 

Jéricho 

b  3 

Libna  (=  tell  el-Hasi) 

a  3 

Jezréel 

b  2 

Litany  (fleuve)         G  3  et  b/c  i 

Jourdain 

G  3 

Louxor 

F   4 

Juda  (désert  de) 

b  3 

Ludd  (=  Lydda) 

a   3 

Kadesk 

b  2 

Lycie 

E/F2 

Kalakli 

H    2 

Lydda  (=  Ludd) 

a  3 

Karkar 

G    2 

Lydie 

E/F  2 

Katra 

a  3 

Macédoine 

D  I 

Karkémisli  (=  Garga- 

Machéronte 

b  3 

mish) 

G   2 

Madaba 

b  3 

Karnak 

F  4 

Maganoubba 

H    2 

Katabathmos 

E  3 

Magnésie  du  Sipyle 

E    2 

Kédar 

G  3 

Maliaque  (golfe) 

D    2 

Kérak 

G  3 

Mallas  (mont) 

F    2 

Kharkhar 

G   2 

Man  (=  Mannai) 

H    2 

Kbazou 

M 

Marathon 

D    2 

Khétis  (monts) 

F    2 

Marathus 

G  3 

Khorsabàd 

H    2 

Maréa 

E  3 

Kiriatb  -  Jearim 

b  3 

Marissa 

a  3 

Kir  Moab 

b  3 

Masada 

b  3 

Kis 

H  3 

Mashaouasha  (les) 

B  3 

Koréa 

b  2 

Masios  (monts  du) 

G/H  2 

Koundi 

G   2 

Médie 

I/J    2/3 

Koush  (Ethiopie) 

F  5 

Meggido 

b  2 

Kuê 

G   2 

Memphis 

F4 

Kurdistan 

H/I    2 

Meudès 

F  3 

Kutha  (tell  Ibrahim) 

H  3 

Mephaath 

b/c  3 

Lacédémone 

B    2 

Mérom  (lac  -  Houle) 

b  I 

Lagas 

I  3 

Mérom  (ville) 

b  2 

Lais 

b  I 

Mésopotamie 

H  2/3 

MENTIONNHS    SUR    LA    CARTE. 


419 


Miclinias  b  3 

INIispali  h  3 

Mitàui  G  2 

Modin  a/b  3 

Mouskkou  (les)  G  2 

Mousri  CJ  2 

Mycale  (promontoire)  E  2 

Myude  E  2 
Mysie                               E/F  1/2 

Xaharanna  G  2 
Nalir  el  Kebir  (-  fleuve 

Eleutherus)  (J  3 

Xahr  es-zerka  b  2 

Naples  B  i 

Naplouse  (-  Sichem)  {*)  b  2 
Naucratis  (-  Samaraï- 

tis)  F     3 

Nazareth  b     2 

Nebo  (mont)  b     3 

Nedjd  (désert  d'Arabie)  H    4 

Négcb  a/b     3 

Xétophah  a     3 

Nimrali  G     3 

Nippiir  H/I     3 

Nisibe  H     2 

Ninive  H     2 

Xobé  b     3 

Oeta  (mont)  D  2 

Ono  (Kefr'  Ana)  a     2 

Oplira  b     3 

Opis  H    3 

Oronle  G  2/3 

Ortliosias  (-  Arethnsa)  G     3 

Osrlioêne  (t     2 

Ouadi  el  Arich  F  3 
»      el  Hésa(- torrent 

de  Zared)              G  3  et  b     3 

Oiirniiah  (lac  d')  I     2 

Ourarton  H     1/2 

Ou  mm  a  I     3 

Ousou  (Ras  el  xVïn)  b     i 


Pamphylie 

Papl  il  agonie 

Pasargade 

Patmos  (île  de) 

Pella 

Péloponèse 

Péluse 

Pergame 

Persépolis 

Pétra  (-  Séla) 

Pitliom 

Pisidie 

Pliasélis 

Pliénicie 

Philadelphie 

Philippes 

PhounoQ 

Platées 

Pnouel 


F  2 

F  I 

J  3 

E  2 

b  2 

I)  2 

F  3 

E  2 

J  4 

G  3 

F  3 

F  2 

F  2 
F/G     2/3 

E  2 

D  I 

G  4 

D  2 

b  2 


Propontide    (mer    de 

Marmara)  E  i 

Ptéria  F  2 
Ptolémaïs   (■=■   Akka  = 

Saint  Jean  d'Acre)  a/b  2 

(^odshou  (=  Kadesh)  G  3 

Rabbath-Amon  b/c  3 

Rama  (Galilée]  b  i 

»      (Judée)  b  3 

Ramleh  a  3 

Ramathaïm  b  2 

Ramoth  de  Giléad  c  2 

Ramsès  F  3 

Raphia  F  3 
R  as  en  Nâkoura  (échelle 

tyrienne)  b  i 

Rhaphana  G  3 

Rhode  (île  dej  E  2 

Riblah  G  3 

Sais  F  3 

Sainaraïtis  F  3 

Samarie  (^  Sebastijeh)  b  2 


(•)  Sur  la  carte  on  a.  par  erreur,  ideutifié  Naplouse  avec  Samarie. 


420 


TABLE  DES  NOMS  GEOGRAPHIQUES 


Samos  (île  de) 

E 

2 

Tamar 

b 

2 

Samosate 

G 

2 

Tanis 

F 

3 

Salainine  (baie  de) 

F 

2 

Taphileh 

G 

3 

Sardes 

E 

2 

Taricliée 

b 

2 

Scytlies 

H/I 

2 

Tarse 

F 

2 

Scythopolis  (=  Beisan) 

b 

2 

Taurus 

F/G 

2 

Sebennytos 

F 

3 

Têmâ 

G 

3 

Séir  (mont) 

F 

3 

Thabor 

b 

2 

Sel  (vallée  du) 

b 

3 

Thèbes 

F 

4 

Séla  (=  Pétra) 

G 

3 

Tliébez 

b 

2 

Séleucie  maritime 

G 

2 

Tlieman 

G 

3 

Séleucie 

H 

3 

Thinis 

F 

4 

Sendjirli 

G 

2 

Tlirace 

D/E 

I 

Sennaar  (pays  de) 

H/I 

3 

Tliermopyles 

D 

2 

Séphélah  (plaine  de  la) 

a 

3 

Tliessalie 

D 

2 

Sépharvaïm  (=  Sabara' 

Tibérias 

b 

2 

in=  Shomeriyeh) 

G 

3 

Timna 

a 

3 

Sichem  (=  Naplouse) 

b 

2 

Timnathah  (=  Tibnet) 

b 

2 

Sida(Side) 

F 

2 

Timsâli  (lac) 

F 

3 

Sidon 

b 

I 

Tirzali 

b 

2 

Siloh 

b 

2 

Toulliz 

I 

3 

Sinaï 

F 

4 

Trébizonde 

G/H 

I 

Sioat  (Assiout) 

F 

4 

Troade 

E     ] 

[/2 

Sipj)ar 

H 

3 

Tyr 

b 

I 

Sizou  (-  Sis) 

G 

2 

Tyrienne  (échelle) 

a/b 

1 

Soba 

G 

3 

Tyrrliénienne  (mer) 

B/C     ] 

/2 

Sodome  (djebel  Ous- 

Ulatha 

b 

I 

doum) 

b 

3 

Ur 

I 

3 

Sogdiane 

K 

2 

Uruk  (=  Erech) 

1 

3 

Sourouppak 

I 

3 

Van  (lac  de) 

H 

2 

Soumer 

I 

3 

Venosa 

C 

I 

Suse 

I 

3 

Yarmouk 

b 

2 

Sparte 

D 

2 

Yemen 

G    4/5 

Suez 

F 

3 

Zagros  (massif  du) 

IJ 

3 

Syrte  (grande) 

C 

3 

Zared  (torrent  de=  ouadi 

->■>      (petite) 

B 

3 

el  Hésa)              G 

3  et  b 

3 

Taanak 

b 

2 

Zeugma 

G 

2 

Tabal  (les) 

E/G 

2 

Zikiag 

a 

3 

TABLE    GÉNÉRALE 
DES  MATIÈRES 


l'ages. 

Dédicace vu 

Préface  de  S.  E.   le  Cardinal  Mercier ix 

Avant-Propos xi 

Addenda  et  corrig^enda xv 

Première  période  :   Des  origines  à  l'établissement  de 

la  royauté  juive    .     , 1  36 

Akkadiens  et  Sumériens,  p.  3.  —  Cananéens  et  Ara- 
niéens,  p.  81  —  Les  Khàti,  p.  i2.  —  Abraham,  Hammou- 
rabi,  p.  i3.  —  L'Egypte  ancienne,  p.  i5.  —  Entrée  des 
Hébreux  en  Egypte,  p.  17.  —  L'exode,  p.  19.  —  Edo- 
mites,  Moabites,  Amorrliéens,  p.  20.  —  Occupation  de 
la  Palestine  par  les  Hébreux,  p.  28. 

Deuxième    période    :    Depuis    l'établissement    de    la 

royauté  Jusqu'à  la  chute  de  Samarie  en  722      .     .       37-72 

Saiil,  p.  4o-  —  David,  p.  41-  —  Salomon,  p.  43-  —  Le 
schisme,  Roboara,  Jéroboam,  p.  45.  —  Abias,  Asa,  p.  ^6. 
—  Nadab,  Basa,  p.  49-  —  ''la,  Zamri,  Omri,  p.  5o.  — 
Tyr,  p.  5i.  —  Achab,  p.  53.  —  Josaphat  et  Joram  de 
Juda.  p.  55.  —  Ochozias  et  Joram  d'Israël,  p.  56.  — 
Ochozias  de  Juda,  p.  59.  —  Jéhu,  p.  59.  —  Athalie  et 
Joas  de  Juda,  p.  Sg.  —  Joachaz,  p.  61.  —  Joas  d'Israël 
et  Amasias  de  Juda,  p.  62.  —  Jéroboam  II,  p.  62.  — 


422  TABLE    GÉNÉRALE    DES    MATIÈRES 

Pages. 

Azaria,  p.  63.  —  Joatham,  p.  64.  —  Zacliarie,  Sellum, 
Menaheu,  p.  64.  —  Péqualiia  et  Péquah  d'Israël  ;  Acliaz 
de  Juda,  p.  67.  —  Osée,  p.  69. 


Troisième    période    :    Depuis    la    chute    de    Samarie 

jusqu'à  la  captivité  babylonienne 73-142 

Ezéchias  de  Juda,  Sargon  d'Assyrie,  p.  75.  —  Senna- 
oliérib,  p.  82.  —  Asaraddon.  p.  98.  —  Manassé  de  Juda, 
p.  loi.  —  Asourbanipal,  p.  104.  —  Amou  de  Juda, 
j).  ii3.  —  Mèdes  et  Perses,  p.  114.  —  Scj^thes,  p.  118. 

—  Cyaxare  et  Nabopolassar,  p.  121.  —  Josias  de  Juda, 
p.  128.  —  Joacliaz,  Joïakim,  Joïakiu,  Sédécias,  p.  127. 

—  Xabuchodonosor,  p.  i3o. 

Quatrième  période  :  Depuis  la  déportation  de  Baby= 

lone  jusqu'à  l'époque  hellénique 143-200 

Nabounaïd,  p.  149.  —  Cyrus,  p.  i5i.  —  Crésus  de 
Lj'die,  p.  i52.  —  Les  Juifs  en  Eabylonie,  p.  i56.  —  Le 
retour  des  Juifs  exilés,  p.  164.  —  Cambyse  II,  p.  168.  — 
Darius  I,  p.  174.  —  Les  guerres  médiques,  p.  177.  — 
Xerxès  I,  p.  178.  —  Artaxerxès  I,  p.  178.  -  Darius  II  et 
Artaxerxès  II,  p.  179.  —  Artaxerxès  III  Oclios,  p    181. 

—  Darius  III  Codomau,  p.  i83.  —  Alexandre  de  Macé- 
doine, p.  184.  —  La  restauration  juive,  p.  i85.  —  Zoro- 
babel  et  Jélioschoua,  ]).  186.  —  Les  grands-prêtres 
Joïakim  et  Eliasbîb,  p  188  —  Nébémie,  p.  189.  — 
Esdras,  p.  197. 

Cinquième  période  ou  période  hellénique  :  Depuis 
la  conquête  d'Alexandre  jusqu'à  la  prise  de  Jéru= 
salem  par  Pompée  en  63 201-274 

L'bellénisation  de  l'Orient,  p.  206.  —  Les  Lagides  et 
les  Séleucides,  p.  208.  —  La  diaspora,  p.  210.  —  Exten- 
sion de  la  diaspora,  p.  210.  —  Administration  des  com- 
munautés de  la  diaspora,  p.  213.  —  La  Bible  grecque, 
p.  224.  —  Antioclius  III,  p  220.  —  Séleueus  IV  Pliilo- 
pator,  p.  228.  —  Les  scribes,  p.  281.  —  L'hellénisme  en 
Palestine,  p.  282.  —  Antiochus  IV  Epipbane,  p.  282.  — 


TABLE    (IKNÉKALK    DES    MATIÈRES  423 

Pages. 

Les  ]Miu'habées,  p.  238.  —  .Judas  iMachabée,  p.  289  — 
Antioc'hiis  \'  Kupatof,  \).  241.  —  Uémétrius  1  Soter, 
p.  243.  —  .lonathas,  p.  246.  —  Alexandre  lialas.  p.  247 
—  Déinétrius  II  Xicator,  p.  249.  —  "l'ryphon  et  Antio- 
chus  VI,  p.  25o.  —  Simon  ^Nlacliabée,  p.  252.  —  La 
dynastie  asniouéenne,  p.  255  —  Antiochns  \'II  Sidètes, 
p.  255.  —  Jean  Il.yrcan,  p.  257.  —  Alexandre  Zabinas, 
p.  u'nj.  —  Antioolius  VIII  et  tX,  p.  260.  —  Pharisiens 
<3t  Saddiicéens,  \).  2G1.  —  Aristobule  I,  p,  2G3.  — 
Alexandre  Januée,  p.  264.  —  Alexandra,  p.  267.  — 
llyrcan  II  et  Aristobule  II,  p.  268.  —  Pompée,  p.  269. 

Sixième  période  ou  période  romaine  :  Depuis  la 
conquête  de  Pompée  en  63  avant  J.=C,  jusqu'à 
l'échec  définitif   de  Barkokéba  en   135  après  J  =C.  275-352 

César,  p.  279.  —  ]\Iarc-Antoine,  p,  280.  —  Ilérode,  roi 
des  Juifs,  p.  282.  —  César  Octavien-Auguste,  p,  285.  — 
Areliélaùs,  p.  297.  —  Tétrarcliie  de  Philippe,  p.  298.  — 
Tétrarchie  d'Antipas,  p.  299.  —  La  Judée  sous  Arché- 
laiis  et  les  procurateurs  romains,  jusqu'à  41  après  J.-C, 
p.  3o2,  —  Le  Sanliédrin  de  Jérusalem,  p.  3o4.  —  Hérode 
Agrippa  I,  p.  3iG.  —  Agrippa  II,  p.  820.  —  Les  procu- 
rateurs romains  de  44  ^  ^6>  P-  ^---  —  ^^  guerre  juive, 
66-73,  p.  328.  —  La  dernière  tentative,  p.  341. 

Appendices 353  379 

I.  —  Une   lettre    d'Abd-Hiba  d'Urusalim   à  Amé- 

no})his  IV     ...     .  355 

IL  —  Inscription  de  Mésa 357 

III.  —  Une  des  lettres  d'Eléphantine 359 

IV.  —  La    défense    faite    aux    Gentils    de    franchir 

l'enceinte  sacrée  du  Temple 862 

V.  —  Noms  des  mois 363 

VI.  —  Monarques  chaldéens,    babyloniens    et    assy- 
riens      365 

VIL  —  Rois  d'Klam 368 

VIII.  —  Les  dynasties  égyptiennes 369 

IX.  —  Rois  juifs 373 

X.  —  Les  Séleucides 374 


424  TABLE    GÉNÉRALE    DES    MATIÈRES 

Pages 

XI.  —  Les  Asmonéens 87.5 

XII.  —  La  dynastie  hérodienne 876 

XIII.  —  Officiers   romains  en  Sj^rie    et  en   Palestine 

intéressant  l'histoire  du  peuple  juif  .     .     .  877 

Tables ,     .     .    381-424 

I.  —  Table  onomastique  des  personnages  historiques  883 

II.  —  Table  des  citations  bibliques 4^3 

III.  —  Table  des  noms  géographiques  mentionnés  sur 

la  carte ^i5 

lY.  —  Table  générale  des  matières 4^1 

Illustrations  hors  texte. 

Planche         I.  —  Plan  de  Jérusalem. 

»  II.  —  Obélisque  de  Ma-an-is-tu-su. 

»  III.  —  Code  de  Hammourabi. 

»  IV.  —  Un  habitant  de  Canaan.  —  Soldats  hittites. 

—  Taureau,  dieu  Hadad?   —   Une  tablette 

de  Tell-el-Amarna. 
«  V.  —  Le    nom    d'  «  Israël  »    sur  la  stèle  de   Mé- 

nephtah. 
w  VI.  —  La  stèle  de  Mésa,  roi  de  Moab. 

»         VII.  —  Astarté. 

»       VIII.  —  L'obélisque  noir  de  Salmanasar  III. 
»  IX.  —  Buste  de  l'empereur  Auguste. 


I 


PLANCHES 


Plan   de   Jérusalem. 


/ 


V 

Obélisque   de   Ma-an-is-tu-su. 

Le  plus  ancien  monument  considérable  de  la  littérature  cunéi- 
forme. Original  au  Louvre.  Photographie  du  premier  moulage 
exécuté  pour  le  Musée  biblique  de  l'Université  catholique  de 
Louvain.  Cfr.  p.  4. 


Code  de  liammourabi 


Bloc  de  diorite  noir  découvert  par  M.  de  Morgan 

dans  les  fouilles  de  Suse 

en  décembre  1901  et  janvier  1902. 

Hauteur  :  2™2b.  Pourtour  à  la  base  ;  l'i'go 

Original    au    Louvre. 

Cfr.  pp.  6  et  13-14. 


Un  habitant  de  Canaan 

Céramique  palestinienne  d'avant 
le  XX«^  siècle.  Provenance  :  Biltir.  ^lusée 
biblique.  Université  Louvain.  Cfr.  pp.  8-9. 


Soldats  hittites 

Bronze.  Art  hétéen  (XI le  siècle?) 
Provenance  :  Alep.  Musée  biblique 
Université  Louvain.  Cfr.  pp.  i2-i3. 


Taureau.  Dieu  Hadad  ? 

Bronze.  Art  hétéen.  XIle-X«  siè- 
cle. Provenance  inconnue.  Musée 
biblique,  Université  Louvain. Cfr. 
pp.  I2-I3  et  52. 


Une  tablette  de  TelI-el=Amarna. 

British    ^luseum  Cfr.   pp.    19-20,   note  4. 


■s  O 


(J     o' 


a 

-^    o 

a," 

bC   C 

S 


V 


•o 


4J  3     « 

D. 


S  .ïf 


o   2 


*i     4) 

0)    J= 


3     &- 


•<u 


o 


^  ro  ^ 

H  T'  13 

<U  o  3 

-«  -  £ 


C    "O     C 


U    ::  3 

«J  <4 

a  ^ 

"S  rt 


La   Stèle   de   Mésa,    roi    de   Moab. 

Original  au  Louvre. 

Cfr.  p.  57. 


Astarté. 


Céramique  juive  du  Ville  siècle 

provenant  de   Sébastîyeh. 

Musée  biblique  de  l'Université  de  Louvain. 

Cfr.  pp.  52-53,  note. 


L'Obélisque   noir  de  Salmanasar  III. 


Original  au  British  Muséum. 
Cfr.  p.  60. 


Buste  de  l'Empereur  Auguste 


D'après  un  camée  conserve  au  British  Muséum 


ACHEVE 

d'imprimer 

LE    27    JUILLET     Igl5 

PAR 

A.      LESIGNE 

BRUXELLES 


I 


Librairie  Albert  DEWIT,  53,  rue  Royale,  Bruxelles. 


EXTRAIT  DU  CATALOGUE  : 

BELLEMANS  (Alphonse). 

Victor  Jacobs  (d838-if9l),  avec  une  préface  de  M.  Wokste,  Ministre  d'Etat. 

—  1  volume  grand  in-8"  de  .\vi-7C3  p.iges  avec  portrait.  Prix  :  10  fr.'incs. 

DE  BAS  (F.),  colonel  des  hussards,  ex-directeur  de  la  section  historique  de  l'Étst- 
niajoi-  des  Pays-Bas  et  le  comte  de  't  SERCLAES  de  WOMMERSOM  (J.),  général- 
majoi'  de  l'armée  belge. 

Im  Compagne  de  1815  mur.  Pays-UiiK  d'après  les  rapports  officiels  néerlandais. 
Tome  I.     —  Quatre-Bras. 
Tome  II.   —  Waterloo. 
Tome  III.  —  Notes  et  plans. 
3  \ol urnes ^in-S»  de  xxxii-547,  vi-49îî  et  xi-577  pages,  avec  cartes. 

Prix  :  25  francs. 
de  MOREAU  s.  .1.  (l\.  P.  E.). 

L'Ahhnyc  de  VHIers,  slux  Xll*"  et  XIII'*  siècles.  —  Etude  d'histoire  religieuse 

et  économique,  sui\ie  d'une  notice  archéologique  par  R.  Maere.  —  In  8»  de 

i.xxii  330  pages,  avec  planches  hors  texte.  Prix  :  5  francs. 

Adolphe  Decliavi]is  (1807-i87o),  avec  une  préface  de  M.  Woeste,  Ministie 

d'Etat.  —  ln-8o  de  xvii-oi9  pages.  Prix  :  8  fiancs. 

DE  TilANNOY  '.baron',  docteur  en  scieni'os  politiques  et  sociales. 

Jules  Malou,  1810  à  1870,  avec  une  préface  de  JI.  Woeste,  Ministre  d'Etat.  — 
In-S»  de  xvi-fi90  pages,  avec  un  portrait  en  héliogravure.  Piix  :  S  francs. 

GRANDERATII  S.  J.  (R.  P.  Th.). 

Hnloire  du  Concile  du  Vatican,  depuis  sa  première  annonce  jusqu'à  sa  proro- 
gation, d'îîprès  les  documents  authentiques  publiés  par  le  R:  P.  Kibcu,  S.  J, 
Traduit  de  l'allemand  par  des  Pèns  de  la  Compagnie  de  Jésus.  —  6  volumes 
in-8'\  Prix  :  42  francs. 

MERCIER  (S.  E.  le  Cardinal),  Archevêque  de  Matines. 

.4  mes  Sciihiiarislcs.  8"""  édition  l'.lOO.  —  In-IG  de  xv  272  pages. 

Prix  :  3  francs. 

lietraile  pastorale.  1910.  —  ln-I6  de  3C8-Lxin  pages.  Prix  :  3  francs. 

(Vùtvres  pastorales,  actes,  allocutions,   lettres  (190C-  913).  —  Trois  forts 

volumes  in-S».  Prix  :  Fr.  10.50. 

PAQUET  S.  J.  (R.  P.  J.-B.). 

Les  écueils  et  les  triomphes  de  la  chasteté,  in-16.  Prix  :  Fr.  1.50. 

Les  droits  cl  les  devoirs  de  la  propriété,  in-16.  Prix  :  Fr.  1.50. 

.    Les  ahus  et  les  bie)t faits  de  la  parole,  in-16.  Prix  :  Fr.  1.50. 

TERLINDEN  (On.).  —  Docteur  en  sciences  morales  et  politiques. 

Guillaume  b> ,  rv\  des  Pays-Bas  et  1  Eglise  catholique  en  Belgique  (1814-1830). 

—  2  volumes  in-S"  de  526  et  470  pages.  Prix  :  10  francs. 

VERHELST  (l'abbé  F.).  —  Docteur  en  philosophie.  Licencié  en  sciences  physiques. 

Court  de  Religion.  Apologétique,  avec  une  préface  de  S.  Em.  le  Cardinal 
Mehcieu.        l  volume  in  12  de  376  pages.  Prix  :  Broché,  3  francs. 

Relié,      fr.  3.50. 


/V" 


"•■^   .     * 


5Si* 


1^ 


^■4^ir- 


J 


/ 


=*-A 


:K-- 


ï^^.^ 


L^l-y- 


y*-^ 


i^t  p 


^ 


_S& 


:v 


>  -î 


'^Sl;jk«-«>4