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A. i^
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J. VANDERVORST
ISRAËL ET
L'Ancien Orient
PREFACE
DE
S. E. LE Cardinal MERCIER
Illustrations hors texte
BRUXELLES
LIBRAIRIE ALBERT DEWIT
Rue Royale, 53
I9I5
Digitized by the Internet Archive
in 2011 witii funding from
University of Toronto
littp://www.arcliive.org/details/israletlancienOOvand
// a été tiré de cet ouvrage quinze exemplaires^
sur papier de Hollande Van Gelder, dont dix
hors série et cifiq numérotés de ii à i5.
ISRAËL
ET
UANCIEN ORIENT
IMPRIMATUR
Mechliniœ, 12 Jtdii igi5.
J. Thys, can., lib. cens.
TOUS DROITS RÉSERVÉS.
J. VANDERVORST
DOCTEUR EN THÉOLOGIE
ANCIEN ÉLÈVE DE l'ÉCOLE BIBLIQUE DE JÉRUSALEM
PROFESSEUR AU GRAND SÉMINAIRE DE MALINES
ISRAËL
ET
L'Ancien Orient
Oli ! si mon peuple voulait m'écouter, Israël
marcher dans mes voies, je courberais aussitôt
la tète de ses ennemis, je tournerais ma main
contre ses oppresseurs. (Ps. LXXXI, i^-iô.)
Préface de S. Em. le Cardinal MERCIER
BRUXELLES
LIBRAIRIE ALBERT DEWIT
Rue Royîile, ô:i
igio
«IÇS« <
"8 55 12
A ^lA
MÈRE BIEN-AIMÉE
^UI CONSENTIT GÉNÉREUSEMENT A MON SÉJOUR EN PALESTINE
A SON
ÉMINEXCE RÉVÉREXDISSIME
LE CARDINAL MERCIER
ARCHEVÊQUE DE MALIXES
<iVl ME FIT ADMETTRE A l'ECOLE BIBLIQUE DOMINICAINE DE JÉRUSALEM
AUX
DÉVOUÉS ET SAVANTS MAITRES
OUI m'y FORMÈRENT.
ARCHEVÊCHÉ MuUues, le /2 Juillet içiS.
DE
MAL INES
Mon cher Professeur,
Votre séjour en Orient, votre formation à l'École
biblique de Jérusalem vous avaient préparé à entre-
prendre le travail que vous publiez aujourd'hui et que,
dans un sentiment de piété filiale auquel je suis très
sensible, vous voulez bien me dédier.
\'os chers élèves du Séminaire ont déjà largement
bénéficié du fruit de vos études. Votre commerce jour-
nalier avec eux vous a fait constater que vous leur faci-
litiez beaucoup l'intelligence des récits bibliques en les
replaçant dans leur cadre géographique et historique de
l'ancien Orient.
Le clergé qui, de plus en plus, reprend l'étude des
Livres saints, se rend compte du besoin qu'il a de mieux
comprendre l'histoire d'Israël. Mais il n'a généralement
ni l'occasion d'avoir accès aux grandes bibliothèques, ni
le loisir d'interroger les sources. Vous avez fait pour lui
le travail de recherche nécessaire, et il vous en saura gré.
Les gens du monde eux-mêmes s'attachent avec un
intérêt croissant aux problèmes qui touchent à l'origine
de notre Sainte Religion, et je crois que tout homme
attentif au mouvement de la pensée religieuse souscrira
volontiers à cette parole qu'écrivait, il y a plus de dix
7)5
I 17
,6
y 3
X PREFACE.
ans déjà, le marquis de Vogué qui eut le premier,
paraît-il, l'idée d'une école biblique à Jérusalem : « Il
« est temps que le grand public soit saisi de l'évolution
« qui se fait dans la critique des sources religieuses
« que, pour ma part, je considère comme nécessaire au
« maintien de la foi dans les régions intellectuelles. »
Je souhaite le succès à votre travail; nos séminaristes
vous seront reconnaissants de leur avoir rendu plus
faciles et plus attrayantes leurs études scripturaires ; le
clergé et, je l'espère, une élite de laïques vous feront bon
accueil; j'ai confiance que Dieu bénira votre activité
scientifique et votre zèle sacerdotal.
Recevez, je vous prie, mon cher Professeur, avec mes
félicitations bien cordiales, l'assurance de mon affec-
tueux dévouement.
t D.-J. Card. mercier,
Arch. de ^lalines.
AVANT-PROPOS
Les récits de la Bible, pour circonstanciés que soient plu-
sieurs d'entre eux, gardent presque toujours le silence sur les
faits qui se passaient à l'écart du théâtre de leur action. Çà et
là une sobre allusion rattache à la politique générale du monde
oriental telle répercussion des événements sur le petit État juif.
C'est que, contemporains souvent des faits relatés, et écrivant
pour des contemporains, les historiographes n'avaient pas à
rappeler des choses que tous avaient présentes à la mémoire et
qui, du reste, n'étaient pas d'un intérêt aussi immédiat que les
souvenirs proprement nationaux.
Alors même que les chroniqueurs relataient le passé, ce
n'était pas toujours à des annales officielles qu'ils recouraient,
mais parfois à des traditions populaires, pour remettre les
actions dans leur cadre historique ; de plus, fréquemment, le
but parénétique de l'auteur dispensait celui-ci des précisions
qu'on est en droit d'exiger de l'historien.
Seulement, ceux-là qui relisent ces narrations à de longs siè-
cles de distance et se meuvent dans une tout autre civilisation,
réclament un enchaînement plus rigoureux et des rapports plus
nets des situations entre elles.
Nous avons cru faire oeuvre utile en essayant, — sans trop
XII AVANT-PROPOS
nous étendre toutefois, — ce raccordement des événements
bibliques avec l'histoire des anciens peuples d'Orient qui
influencèrent les destinées de la race élue ; — œuvre patrio-
tique en même temps, par l'apport de notre pierre, si modeste
soit-elle, à l'édifice intellectuel de notre glorieux pays.
Sans doute, les grandes publications sur le vieil Orient ne
manquent pas, et chaque jour paraissent des monographies qui
nous permettent de préciser les physionomies des personnages
et de mieux comprendre le rôle qu'ils remplirent.
Il existe aussi des histoires étendues du peuple juif en parti-
culier, mais, pour ne citer que celles d'Ewald et de Renan,
elles sont un peu vieillies, et — faut-il le dire? — trop souvent
entachées des préoccupations rationalistes de leurs auteurs. A
ce dernier reproche n'échappent ni 1' « Israëlitische und
Jûdische Geschichte » de Wellhausen, ni la « Geschichte des
Volkes Israël » de B. Stade, ni la « Geschichte des Jùdischen
Volkes im Zeitalter Jesu-Christi » de Schûrer. D'ailleurs,
si les spécialistes, disposant des connaissances et du temps
voulus pour s'appliquer à une étude approfondie des sciences
juives et orientales, resteront nécessairement toujours le petit
nombre, par contre, ceux qui ont avantage à s'initier aux
grandes lignes de ces mêmes sciences, à connaître les conclu-
sions auxquelles aboutissent les érudits, constituent dans la
classe instruite un respectable contingent.
Les éditions des cunéiformes, des hiérogl3'phes, des papy ri,
des écrits rabbiniques, des historiens de l'antiquité; les revues,
les encyclopédies et les grands ouvrages sur l'histoire, les
mœurs et l'archéologie des peuples orientaux, ne se rencontrent
que dans de rares bibliothèques privées ; un ouvrage qui les
résume, en dégage les traits principaux et essentiels, a l'avan-
tage d'atteindre quiconque s'est familiarisé avec la lecture des
Livres Saints et voudrait disposer de certains renseignements
pour situer les récits qu'il y trouve.
AVANT-PROPOS. XIII
Nous sommes convaincu de la nécessité qui s'impose actuel-
lement à tout esprit qui s'applique aux études bibliques, ou
qui saisit l'importance du rôle joué dans l'histoire générale
par l'ancienne nation juive, d'être édifié au moins sur les
sources où l'on peut puiser de plus amples informations et de
connaître les résultats, auxquels sont arrivées tant d'investiga-
tions laborieuses, entreprises pour donner une intelligence plus
nette des péripéties de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Elaboré en vue des cours donnés à nos chers élèves du Grand
Séminaire de Malines, ce volume, nous osons l'espérer, ne
rendra pas service qu'à eux seuls.
Ces quelques considérations justifient, ce nous semble, la
méthode suivie dans ce livre. Là où les auteurs bibliques ont
donné plus de développement à leur récit, surtout quand ils
parlent des faits domestiques intéressant une tribu ou un héros
plus connu (nous visons ici, par exemple, le Pentateuque,
Josué, les Juges, les deux livres de Samuel), nous avons été
le plus sobre ; là où ils se bornent à des indications sommaires
ou négligent la connexion de la politique juive avec celle du
dehors, là surtout où leurs renseignements nous font totalement
défaut, nous nous sommes étendu davantage. Il en résulte dans
l'exposé une inégalité très marquée, mais intentionnelle.
L'ouvrage a été réparti en six grandes périodes nettement
délimitées. On souhaiterait à première vue des sections plus
nombreuses, mais on conviendra que le sujet : Israël au milieu
de l'Ancien Orient, est trop enchevêtré pour se prêter à des
divisions faciles et adéquates. A titre d'aide-mémoire ou de
points de rattache, nous avons mis en marge quelques noms
permettant de mieux repérer les événements gravitant autour
d'un personnage ou se rapportant à son époque. Une table
des noms propres ainsi qu'une table des textes bibliques cités,
faciliteront la recherche des faits particuliers.
Une grande carte de l'Ancien Orient, avec, en surcharge,
XIV AVANT-PROPOS.
une carte plus petite de la Palestine, est jointe en supplément
à l'ouvrage. Elle sert à toutes les époques : dès lors on voudra
ne pas s'étonner de trouver des noms modernes voisinant avec
des désignations franchement archaïques ; la multiplication des
cartes aurait rendu excessif le prix du volume. Faisant suite
aux deux tables déjà citées, une liste alphabétique des noms
géographiques indiqués sur la carte renvoie à leur segment
respectif. Il est à remarquer que la courbe des parallèles des
latitudes est dessinée d'après un segment de sphère s'étendant
jusqu'au 80° de longitude, pour déterminer aisément la situa-
tion de quelques contrées orientales de l'empire d'Alexandre
le Grand, mentionnées à l'extrémité Est de la carte.
En fait d'illustrations, nous avons fourni ce que nous avons
pu. Les monnaies, reproduites toutes en grandeur origi-
nale, se trouvent pour la plupart — les plus rares en élec-
trotypes — au Musée biblique de l'Université de Louvain.
Notre vénéré et cher maître, le Révérendissime Père Lagrange,
après nous avoir encouragé à entreprendre ce travail, avait mis
à notre disposition les clichés et dessins de la Revue Biblique :
les risques et dangers de guerre ont rendu leur envoi impos-
sible ; nous ne lui exprimons pas moins toute notre gratitude
pour sa délicate et gracieuse avance.
Nous remercions ceux de nos collègues et élèves qui ont eu
l'amabilité de nous prêter leur obligeant concours pour la
revision de notre ouvrage, la transcription du manuscrit, la
correction des épreuves et le dessin de la carte.
M. le chanoine Caeymaex s'est acquis un titre spécial à
notre reconnaissance pour le dévoûment dont il n'a cessé de
nous donner preuve en l'occurrence.
L'Auteur.
ADDENDA ET CORRIGENDA
Page II, lignes 5 et 6, au lieu de : sont et sortis les derniers contin-
gents cananéens et phéniciens les bandes des Hycsos... lire :
sont sortis les derniers contingents cananéens et phéniciens et les
bandes des Ilycsos...
Page i6, ligne 12 de la note, lire '. dix-septième — vingtième.
Page 21, à la fin de la ligne 16, ajouter : et.
Page 5.7, ligne 8 de la note, supprimer : pp. après 2 Reg., III.
Page 68, note i, lire : pp. 1 58- 182.
Page 121, ligne 8, au lieu de ; Asour-etili-lâni, lire : Asour-etil-ilâni.
Même page^ note 2. ligne 4, lire : pp. gq-io5.
Page i3o, ligne i, au lieu de : Lybiens, lire : Libyens.
Page 137, ligne 36, lire : 2 Reg., XXV, 4.
Page 189, ligne 7, lire : Néhémie, son frère.
Page 197, ligne i5, au lieu de : 'Séh. XVIII, 29, lire : XIII, 29.
Page 198, ligne 7, au lieu de :i\i, lire ; fut.
Page 21 5, note 6, au lieu de : TtpwTEÛ-rî'jov-ï?, lire : -pwTÉuovxsi;.
Page 222, ligne i3, au lieu de : il laisse, lire : il reste.
Page 223, remarque à la ligne 23 : C'est un fait unique dans la
grande diaspora. On se rappellera qu'il existait déjà au commen-
cement de l'époque perse un temple de Jahvé dans l'île d'Eléphan-
tine. Voir pp. j 38-i 39 et 359-36 1 .
Page 255, en marge, au lieu de : smonéenne, lire : asmonéenne.
Page 3o6, ligne 23, lire : ]'^l-r]^'2.
Page 327. Dans la note jointe à la description de la monnaie, au lieu
de : De Saulny, lire : De Saulcy.
XVI ADDENDA ET CORRIGENDA.
Page 329, dernière ligne de la note, lire : Schiirer I, pp. 600-642.
Page 336, ligne 17, au lieu de : aggera, lire : aggeres.
Page 339, ligne 24, au lieu de : et l'un des, lire : l'un des
Page 346. Dans la légende du revers de la première monnaie,
lire : nnn%
Page 363. ]^e deuxième mois du calendrier phénicien doit se lire ;
Zîv, le cinquième du calendrier macédonien : Aojo;.
PREMIERE PERIODE
Des origines
à rétablissement de la Royauté juive.
PREMIÈRE PÉRIODE
Des origines
à l'établissement de la Royauté juive.
Aussi haut que les documents historiques nous permettent Akkadiens
de remonter, nous trouvons dans la partie basse des bassins sumériens
du Tigre et de l'Euphrate deux peuples différents de langue et
de race; l'un sémitique, dans la région Nord, ayant comme
centre Agadé ; l'autre non sémitique, dans le Sud-Est : ce sont
les Sumériens (i). Le pays de Soumer comprenait les villes
d'Uruk, Larsa, Ur, Nippour, Oumma et Lagas. C-^lui d'Akkad,
situé au Nord-Nord-Ouest du premier, englobait les villes
d'Agadé, Kis, Kutta, Sippar, Babylone et Borsippa.
Dès l'époque la plus reculée, dès avant le troisième millé-
i) Sur la (listinctiou des Sumériens comme race différente des Sémites
et sur la première histoire de ces peuples, résumée ici, voir les études sui
vantes •
Dhorme, Les Origines bubyloniennes dans Conférences de Saint-Etienne,
1909-1910, pp. 3-52. Paris, Gabalda, 1910.
Ilammourabi Amruphel dans Reinie Bibliqne, 190H, jip. 2o5-2i>G. Paris,
Lecoffre (Gabaldal.
La religion assyro-babylonienne; première leçon. Les sources, pp. i-36.
Paris, Gal)alda, 1910.
Le R. P. Dhorme nous écrivait encore en juillet 1918 : « Je maintiens cer-
tainement l'origine non sémitique des Sumériens. Plus j'étuilie la Baby-
lonie ancienne, plus je considère connue inexplicables sa religion et sa
civilisation en dehors de l'hypothèse sumérienne. »
L.\(;r.4N(;k, Etudes sur les religions sémitiijues, 2""« édition, chap. I", Les
Sémites, i)p. \\-iy^. Paris, Lecoffre, 1905.
VIXCKXT, Canaan d'après l'exploration récente, chap. VIL Canaan dans
r Histoire générale, pp. 4^7 ss. Paris, (iabalda. 1907.
4 DES ORIGINES
naire, ce sont les Sémites d'Akkad qui exercent la suprématie
sur toute la Chaldée ; celle-ci a sa civilisation toute faite à ce
moment et cette civilisation est sémitique de toutes pièces.
Cette civilisation est-elle autonome ou a-t-elle été empruntée à
une civilisation voisine : celle des Sumériens? Rien ne prouve
cette dernière hypothèse. L'art des Akkadiens (la stèle de
Naram-Sin, conservée au Musée du Louvre, en est un spé-
cimen) l'emporte sur celui de Lagas ou de Nippour plutôt
qu'il ne lui cède. C'est l'époque des rois de Kis. Le premier
roi connu, Me-Silim, un Sémite, établit la plus ancienne
stèle de démarcation entre les territoires sumériens de Lagas
et d'Oumma. Pendant un certain laps de temps toutefois
le pays de Soumer dispute la prééminence au pa3-s d'Akkad,
et lorsque la stèle de Me-Silim est détruite par les habitants
d'Oumma, ce sera un roi de Lagas, E-an-na-tum, qui la rem-
placera par sa propre stèle, connue sous le non de « stèle des
vautours » (i). Nous sommes toujours avant l'an 3ooo. Le der-
nier roi de la première dynastie de Lagas, Uru-ka-gi-na, qui
réforma les abus existants, surtout les exactions commises
par le sacerdoce, voit son pa3's envahi par les gens d'Oumma,
sous la conduite du roi d'Erech, Lugal-zag-gi-si.
Pendant que Lagas subit cette éclipse et que le roi d'Erech
s'étend vers le Nord, Kis atteint son apogée sous le règne de
Ma-an-is tu-su. Celui-ci agrandit la ville d'Agadé, qui, sous
Sargon l'ancien et Naràm-Sin, son fils, occupe le premier rang
dans les bassins de l'Euphrate et du Tigre (2800-2750). Sargon
apparaît aussi comme le vainqueur de l'Elam à l'Est et de
l'Amourrou à l'Ouest. Il construit deux temples à Babylone
qui, à cette occasion, fait son entrée dans l'histoire.
Naràm-Sin, qui nous a laissé sa superbe stèle de victoire, ré-
prime au Sud, les villes d'Erech et de Naksou, à l'Est, l'Elam ;
et au Nord, il monte jusqu'au lac de Van en Arménie. Aussi,
le premier des souverains de Soumer et d'Akkad, il prend le
titre classique de « roi des quatre régions » c'est-à-dire Akkad
au Nord, Elam au Sud, Amourrou à l'Ouest, Soubartou
(i) Cette stèle est conservée en ],)artieau Musée du Louvre, en partie au
BritishMuseuin.
A l'établissement de la royauté juive 5
(Assvrie) à l'Est. Mais cette dynastie d'Agaclé, si illustre sous
ces deux rois, disparaît brusquement, et nous assistons à une
véritable renaissance artistique et religieuse de Lagas, la capi-
tale de Soumer.
Parmi ses Patesi (i) ou monarques -prêtres, le nom de
Gu-de-a (aSoo) est surtout connu par les constructions reli-
gieuses qu'il entreprit. Le Louvre possède les deux cylindres
de fondation du temple qu'il dédia à Nin-gir-su, dieu de Lagas.
Mais après lui Lagas disparaît à son tour pour ne plus se rele-
ver. Aux environs de 2400, c'est Ur qui devient le centre de la
civilisation chaldéenne, surtout sous le roi Dungi, bâtisseur
de nombreux temples, et dominateur des pays de l'Est. A la
dynastie d'Ur succèdent immédiatement les rois d'Isin, dont il
nous est parvenu moins d'inscriptions ; ils énumèrent comme
villes principales de leur royaume : Nippour, Ur, Eridou (2),
Erech et Isin. Mais bientôt un nouveau courant envahit la
Chaldée ; les populations sémitiques de l'Ouest, qu'on groupait
sous le titre général de « gens du pays de l'Amourrou », re-
montent du désert arabique, qui s'étend à l'Ouest de l'Eu-
phrate et communique av^ec la péninsule sinaïtique, et refluent
vers cette terre si extraordinairement riche. Ces Arabes
chassent Lipit-Istar, dernier roi d'Isin, et un des leurs, Sumu-
abu, fonde la première dynastie de Babylone. (3) Elle com-
prend onze rois, dont Ha-am-mu-ra-bi, qui en sera le sixième
monarque.
Les Elamites avaient profité de ces troubles occasionnés
par l'invasion venue de l'Ouest pour attaquer la Chaldée à
l'Est. i635 ans avant Assurbanipal, vers 2285, le roi d'Elam,
Kutir-Nahhunte, attaqua la Chaldée à l'Est; il ravagea le pays
d'Akkad (la Babyloniei, en pilla les temples et établit ainsi,
pour deux siècles, la domination d'Elam sur la Mésopotamie.
La suprématie sur la Chaldée du Sud passa alors à une
nouvelle dynastie : celle de Larsa dont l'un des représentants
(i) Pa-te-si. représentant du dieu de la cité sur la terre, ou vicaire d'un
roi plus fort.
(2) Eridou, ville la plus méridionale de la Chaldée primitive.
(3) Chose à remarquer : cette première dynastie babylonienne qui comp-
tera onze rois n'est pas autochtone mais arabe.
6 DES ORIGINES
postérieurs, Rim-Sin (i) se rendra maître à la fois d'Ur,
d'Erech, d'Eridou, d'Isin, Nippour et Lagas, tout en restant un
allié soumis de l'Elam. Quelques années après, Rim-Sin et ses
alliés les Elamites seront défaits par Hammourabi, célèbre à
jamais par son code qui nous renseigne sur les lois civiles, la
religion et la morale de la société babylonienne vers 2040(2 .
C'est une ère de prospérité, pendant laquelle les rois res-
taurent et bâtissent de nombreux temples, fortifient les villes
et exécutent toutes sortes de travaux d'utilité publique.
Pendant toute cette période, un va-et-vient incessant mélan-
geait les populations strictement babyloniennes et les popula-
tions ouest-sémitiques
Sous la poussée des envahisseurs arabes ou amorrhéens (3)
les Akkadiens abandonnent donc les rives de l'Euphrate pour
remonter les plaines du Tigre jusqu'à Asour. Pendant que
Sumu-abu inaugure en Babylonie la dynastie amorrheenne
vers 2i5o, et fortifie Babylone d'un mur qui portera son nom,
Ilu-Summa, l'akkadien, refoulé vers le Nord, repousse plus
septentrionalement encore l'ancienne population mittannite
(apparentée aux Hittites d'Asie-Mineure), et installe à Asour,
fondée par les Mittanites maintenant refoulés, les Sémites qu'il
a amenés du pays d'Akkad (4). C'est ici que se place la migra-
tion de Térah, le père d'Abraham, On se demande si cette
famille de Térah, en d'autres mots les Hébreux, n'était pas,
elle aussi, de race arabe, — à cause de la ressemblance des
noms arabes ou ouest-sémitiques, qu'on retrouve dans certains
contrats de l'époque, avec ceux des descendants de Térah (5).
Le Père Lagrange opine en ce sens. Le Père Dhorme admet
toutefois que ce pourraient être aussi de purs noms babylo-
(i) Rim-Sin, l'Ariok d'Ellâssâr de la Bible : Cfr. Rev. Bibl.,1908, pi).2o8ss.
(2) Depuis Hammourabi l'axe de la domination est à jamais déplacé en-
faveur (le la Chaldée du Nord Lagrangk, Etudes sur les relisrions semi-
tiques, 2^ édit. p. Go.
i3) Tous ces étrangers que diverses poussées amenaient de l'Ouest
étaient désignés par les Babyloniens sous le même vocable de « gens de
l'Ouest •> ou Amorrhéens.
4) Conférences de Saint-Etienne, loog-tjiio : Les origines babyloniennes,
pp. 50-5*2.
(5) E. R 52., pp. 60, (il.
A l'établissement de la royauté juive 7
niens. Tout fait supposer d'ailleurs que ce clan fixé à Ur sera
venu d'une première intrusion des Sémites en Chaldée, lors-
que ceux-ci supplantèrent la population sumérienne primitive.
Il n'est pas probable, en effet, que, si la famille de Térah était
seulement venue à Ur avec le flot envahissant qui permit à
Sumu-abu d'asseoir sa dynastie en Babylonie, elle eût dû,
comme nous allons le voir, fuir l'oppression de celle-ci.
On lit dans la Genèse, XI, 3i : Térah prit son fils Abrâm
ainsi que Lot, fils de Hâràn, son petit-fils, et vSàrai, sa bru,
femme de son fils Abràm. Il les fit donc sortir d'Ur des
Chaldéens pour se rendre au pays de Canaan, et ils vinrent
jusqu'à Hâràn où ils^habitèrent.
Or, nous savons que, vers 2046, en la quatorzième année de
son règne, Sin-muballit, qui régna vingt ans, et fut le père
d'Hammourabi, passa les gens d'Ur au fil de l'épée. Seulement,
on n'extermine pas une ville entière, bon nombre d'habitants
échappent toujours; "ensuite, Ur, sur la rive occidentale de
l'Euphrate et la ville de Hàràn (i), avaient toutes deux comme
culte local celui du dieu Sin (la lune) et celui de sa parèdre
Nin-gal; d'autre part, la ville de Hàràn n'est pas mentionnée
dans les inscriptions de Soumer et d'Akkad antérieures à cette
période. Eu égard à ces considérations, on se demande si cette
transposition de culte n'a pas eu lieu à l'occasion d'une émi-
gration aux temps du massacre dont nous avons parlé, et
si Térah et sa famille, soucieux de se mettre en sécurité
et de sauver leur culte qui commençait à souffrir de l'ab-
sorption des divinités locales par Mardouk à Babylone,
n'ont pas fait partie de cette émigration ; le synchronisme
d'Abraham et d'Hammourabi va nous faire constater que les
deux événements se passèrent à la même époque.
La Genèse, XII à XIII, 7, nous apprend comment Dieu
choisit Abraham pour être le père d'un grand peuple, — de ce
peuple, qui sera le peuple choisi ; comment, sur l'invitation
(I) Harrânu, au Sud d'Ede.sse. Cette ville était laboutissant des cara-
vanes, qui venaient du Sud, c'est-à-dire de la Babvlonie, de l'Ouest : pays
dWmurru, et de l'Kst : Elam et Médie, d'où le nom do : IlaiTàuu. qui sif^ni-
fie « route ».
8 DES ORIGINES
divine, Abraham quitta le pays de Hârân, dressa ses tentes en
Canaan, entre Béthel et Haï, descendit en Egypte pour
échapper à la famine qui affligeait le pays et revint quelque
temps après à son ancien caftipement.
Au chapitre XIII, 7, on nous dit que les Cananéens et les
Phéréséens habitaient la contrée au moment de la venue
d'Abraham.
C'est donc ici le moment de l'aire la connaissance de ces peu-
plades avec lesquelles les descendants du patriarche seront
en contact.
Cananéens
et
Araméens.
Nous nommons Cananéens (i), comme la Bible le fait elle-
même communément, tous les habitants du pays qui va de
rOuadi-el-Arich (11 h. au Sud de Gaza) à la hauteur de
Hamath (2), quoique dans le sens strict et restreint (Num.,
XIII, ig) ce nom désigne les habitants d'une certaine partie du
pa3^s de Canaan, à savoir, ceux qui se tenaient dans les plaines du
Jourdain et au bord de la mer. Il semble bien que, vers le milieu
du troisième millénaire, il s'est produit un grand déplacement
de peuples qui, partis des lagunes du golfe Persique, ont envahi
d'abord l'Elam et la Chaldée, — ce que nous avons déjà cons-
taté, — atteint les plaines fertiles et les riches montagnes de la
Syrie, et subjugué l'Egypte même où ils sont installés dès le
XXI IP siècle : ce sont les Hycsos (3). D'après Jules l'Afri-
cain, ces Hycsos étaient phéniciens, venus peut-être du golfe
Persique. M. Maspero y voit des Khàti, mais reconnaît que le
gros de la population envahissante était sémite et fixe la date
de l'invasion entre 25oo et 225o. Il se pourrait aussi que ce
mouvement qui créait l'installation des Phéniciens sur le litto-
ral de la Méditerrannée et mettait rEg3^pte aux mains des ■
Hycsos, ne fut qu'un simple renfort donné à un ancien élé-
ment cananéen déjà fixé dans l'Ouest (4). Ce dernier fait est
(1) E.R.S^^p.^-j.
(2) La Bible ne les considère pas comme les plus anciens liabitants du
pays. Ceux-ci seraient les Rcpliaïm,"Anaqim, Kiinim,Zanizoumniin. (Deut.
II., 20-21.) Mais riiistoire ne nous renseigne pas sur leur compte.
(3) Voir Masi'Kko, Histoire ancienne des Peuples de l'Orient classique,
3 vol., Paris, Hachette, 1895-1899, II, pp. 53 ss.
(4) E. R.Sa., pp. 57-5y.
A l'Établissement de la royauté juive 9
confirmé par les découvertes récentes. M. Macalister, interpré-
tant les fouilles entreprises par lui à Gézer, se voit obligé de
rapprocher de l'an 3ooo les débuts sémitiques de cette contrée
(r). D'autres vagues, issues du même réservoir de peuples,
viendront, à partir du XX® siècle environ, déferler sur les pre-
mières couches sémitiques de Syrie ; la plus fameuse est dite
araniécnne : c'est à la migration de ces Araméens que doit être
soudée celle des Hébreux. Malgré leur communauté probable
d'origine avec les Cananéens, ni Araméens, ni Hébreux ne
se considéreront comme de même famille avec leurs devanciers :
ils ne sont nullement imbus de leur culture et n'ont, pour eux,
que de l'antipathie.
Avant de continuer l'histoire d'Abraham, intercalons en cet
endroit quelques détails ethnologiques sur les peuples dont
nous citions les noms.
Assvro-Babyloniens, Cananéens, Araméens, Arabes, tribus
Thérakides, Phéniciens, établissements éthiopiens, sont tous
sémites. Ce n'est pas par filiation proprement dite que tous
ces peuples se rattachent à Sem : Canaan, par exemple,
était son neveu (Genèse, X).
Ces peuples parlent des langues apparentées ; elles se res-
semblent tellement qu'on peut les considérer comme le? frac-
tionnements d'une même langue. Ces Sémites ont donc vécu
d'une union plus étroite que ne nous tont connaître les docu-
ments écrits. L'aire occupée par les Sémites comprend au Sud
l'Arabie, s'arrête au Sud-Ouest à rEg3'pte, à l'Ouest à la
Méditerranée; le Taurus et l'Amanus, le cours supérieur de
l'Euphrate et les montagnes du Kurdistan lui sont la limite
au Nord ; et à l'Est elle s'arrête aux plateaux de la Médie.
Hugo Winckler dans sa brochure : Die Vôlker J^ordera-
siens fait venir tous les Sémites de l'Arabie. Qu'il y ait eu
plusieurs migrations sémites venues de là, c'est incontes-
table ; mais les Sémites que nous trouvons solidement établis
en Chaldée dés les débuts de l'histoire, viennent-ils égale-
ment de là? C'est possible mais ce n'est pas prouvé. Le Père
Schwalm trouve que, socialement, il est plus vraisemblable
II) Cfr. Vincent, Canaan, pj). 4'^4. 435.
lO DES ORIGINES
que les Sémites descendirent des plateaux arméniens (i),
M. Meyer conjecture que les envahisseurs furent les Sumériens
et non pas les Chaldéens (2). D'après M. de Morgan, les
présémites de la Mésopotamie seraient non des immigrés,
mais les descendants des hommes pléistocènes de l'Asie anté-
rieure (3).
La tradition d'une migration cananéenne vers le milieu du
troisième millénaire s'est perpétuée avec une singulière préci-
sion et nous est rapportée par les historiens grecs Hérodote,
Strabon, Pline, Justin (4) ; aussi l'opinion citée ci-dessus du
Père Lagrange semble-t-elle partagée par M. de Morgan [op.
laud.), qui dit les Cananéens séparés du tronc sémitique à
une époque fort reculée (p. 214) et distingue deux mouvements
de peuples : le premier, donnant à la Syrie et à la Palestine
des colonies mésopotamiennes et le second, espacé par bien
des siècles du premier, qui amena les Hycsos en Eg3^pte et les
Hébreux dans le pays de Canaan (p. 217).
Bientôt après l'invasion les Cananéens s'étaient dispersés.
Les uns se répandirent dans les \ allées de l'intérieur, ce l'Ama-
nos au Séir et dans les plaines qui se déroulent au Sud du
Carmel jusqu'au désert et à la frontière d'Egypte. Les autres
se logèrent le long de la côte entre le Liban, les massifs de la
Palestine et la mer. Ceux-ci étouffés entre le Liban et la Médi-
terranée se firent marins et commerçants. Ce sont les Phéni-
ciens, installés sur la côte depuis l'Oronte jusqu'au promontoire
du Carmel. Ils devinrent célèbres par leur commerce, leur in-
dustrie : verrerie, céramique, étoffes, objets de toilette, et leur
navigation qui dégénéra souvent en piraterie. Leurs comptoirs
s'étendirent jusqu'en Espagne. Le nom de Phcenix est une
forme élargie de « Pouanit », pays que les plus anciens monu-
ments égyptiens identifient avec les régions de la mer Rouge.
Les Cananéens du golfe Persique en transférèrent le nom en
II) SCHWAI-M. La vie privée du ]>euiiJe juif à Vépoqne de Jésus-Christ .
Paris, Gabalda, 1910, p. 44-
2; Meyek, Sumerier iind Seinitcii iit Knbylonien. Cottasclie Jiùchhaud-
liiiifj:, r.erlin, 1906, p. m.
i3) Dh: Morgan, Les premières civilisntions. Paris, liCroux, 1909, p. iSi.
4» l'J. R. 5a., pp. 57-58.
A l'établissement Di: LA ROYAUTÉ JUIVE II
Syrie, les Phéniciens de Syrie le menèrent en Afrique et les
Phéniciens d'Afrique (Pœni) l'exportèrent dans leurs colonies
les plus lointaines (i).
Nous le répétons : du même réservoir de peuples dont
sont et sortis les derniers continj^ents cananéens et phéni-
ciens les bandes des Hycsos, d'autres vai^ues viendront, à
partir du XX* siècle environ, déferler sur les j^remières
couches sémitiques de Syrie ; la plus fameuse est dite
araméenne. Malgré leur communauté probable d'origine
avec les Cananéens, les clans araméens ne se considé-
rèrent pas du tout comme de même famille avec leurs devan-
ciers. A cette migration araméenne doit être soudée celle des
Hébreux, dont l'antipathie pour les Cananéens qu'ils trouveront
plus lard devant eux s'expliquera dès lors de façon plus
saisissante (2).
Nous rencontrons tout d'abord les Araméens là où les a placés
la Bible, c'est-à-dire surtout à l'Ouest de l'Euphrate à partir
de Damas, quoiqu'on les trouve aussi sur )a rive orientale, à
Hàrân. Le cœur de l'Aramée est bien l'Osrhoène (Edesse,
Mardin) où fleurit plus tard la littérature syriaque. Les Ara-
méens occupèrent le pays du Mitâni, jadis habité par une race
non-sémitique et s'implantèrent d'ailleurs sur toutes les fron-
tières du désert de Svrie (qu'ils avaient probablement occupé
précédemment), depuis Damas jusqu'au Bas-Euphrate.
Au IX^ siècle, la langue araméenne sera répandue partout et
prévaudra bientôt sur la langue des civilisés. (2 Reg., XVIII, 26.)
Leur pénétration dans tous ces pays s'explique plutôt par le
commerce que par la guerre. Nulle part les Araméens ne for-
ment un groupement compact et résistant. Leur manque de
cohésion comme nation (3) se retrouve dans l'ordre religieux —
(i) Maspero, Histoire uncienne des Feujdes de l'Orient 7^ édit. revue,
Paris, Ilac-hette. 1905, pp. 216, 317.
(2) Vincent, Canaan, p. 435.
(3) Voir sur la difficulté de la répartition exacte des Cananéens. Anior-
rhéens et .Vraméens : Masi'kro, II, i)p. i^~ ss. Vincent, Canaan, note,
pp. 453-450.
<( II est d'autant moins aisé de distinguer ces Araméens dans lAntitiuité
que le nom d'Aram représente pour les Ilélireux les iiopulations de la Syrie
12 DES ORIGINES
ils s'adaptent à tous les panthéons des pays où ils s'installent —
et dans le caractère indécis de leur langue. C'est ce qui en fit
un utile instrument de relations internationales. Mais si
la couche araméenne est devenue comme une lisière entre
l'Arabie et les pays d'ancienne culture sémitique, elle a pénétré
cependant, comme un coin, du côté du Nord et séparé les Cana-
néens de la civilisation euphratéenne. C'est dans ce mouvement
araméen que la Bible range Abraham. Le Père Schwalm a très
bien fait ressortir cette facilité d'adaptation aux circonstances
locales, propre aux Araméens, dans les différentes situations
par lesquelles passèrent les Hébreux (i).
Le» Khâti. Quant au peuple nommé Khétas sur les monuments ég3^p-
tiens, et Khâti par les Assyriens, il paraît appartenir aux races
qui ont peuplé le Caucase. D'abord cantonnés sur les plateaux
de la Cappadoce, ils débouchèrent par les défilés du Taurus
dans la Syrie du Nord et dans la Cilicie. Quelques-unes de
leurs tribus, entraînées à la suite des Hycsos, s'étaient épar-
pillées dans le bassin moyen du Jourdain et vers les côtes de la
mer Morte, puis elles s'étaient concentrées autour d'Hébron.
Le gros de la nation occupa le Naharanna entre le Balikh et
l'Oronte, les versants de l'Amanos et une partie de la plaine
cilicienne. Situé sur le passage des caravanes entre la Chaldée
et rEg3'pte, leur domaine fut un des marchés les plus riches de
l'Orient, dont Gargamish fut la station préférée (2). L'aire de
son art est extrêmement étendue; on en trouve les traces dans
toute l'Asie mineure et jusqu'aux confins de l'Assyrie.
Vu que vers 2000, époque où les Babyloniens se vantaient
de régner sur l'Occident, ceux-ci reconnaissent le Khàtu comme
état indépendant et que Toutmès III (i5oo-i45o), qui a conquis
toute la Syrie méridionale, ne le compte pas parmi ses tribu-
taires, le Khâtu devait avoir comme limite Sud tout au plus la
Commagène au Nord de l'Osrhoène. Ce' point de départ ainsi
jusqu'à l'Euphrate, tandis que chez les Assyriens il ne s'applique qu'à
l'Orient de l'Euphrate, à certains petits peuples de .Mésopotamie et de
Basse-Chaldée ». Vincent, Les Nubateens, llev. Bibl., 18.1)8, p. 584.
(I) Op. luud., pp. 25-46. — E. li. 6'.=., pp. Cl, 63.
(a) Masi'ERo, Histoire ancienne, p. 2i5.
A l'ktablissement de la royauté juive i3
fixé dans l'Asie minçure, l'aire recouverte par leurs monuments
et les noms propres (jue nous ont transmis les Egyptiens mon-
trent bien (jue nous n'avons pas affaire aux Sémites.
Certains passages bibliques (i) semblent pourtant les con-
fondre avec les Cananéens. Mais une simple distinction de
temps suffit probablement à résoudre cette énigme. Lorsque
David et Salomon entrèrent en contact avec les Hétéens, ceux-
ci étaient déjà sans doute presque complètement sémitisés et
ils ne durent plus se distinguer beaucoup des autres Sémites ;
or, .t plus ancienne population connue entre l'Oronte et l'Eu-
phrate était de race cananéenne.
Ce qui plus est, il se pourrait que ce nom de Khàti fut moins
un nom de peuple qu'un nom de pays. Or, ce pays était incon-
testablement, avant l'occupation par ces Caucasiens, un pays
sémite où se sont arrêtées les premières hordes des Cananéens
venues du Sud-Ouest. ^Rien d'étonnant dès lors que les occu-
pants postérieurs aient été désignés comme Cananéens. D'ailleurs
(i Reg., X, 29) la Bible parle des Hétéens d'une façon qui ne
peut s'appliquer qu'aux Khàti et par opposition aux Ca-
nanéens strictement dits (2 Reg., VII, 6.)
Ces renseignements ethnologiques donnés, revenons aux
événements qui intéressent la race juive naissante.
Abraham, de retour en Canaan, se fixa, après quelques mi- Abraham
grations, près d'Hébron et Lot choisit les envn-ons du Jour- ^^5^;**"°
dain et les bords de la mer Morte. (Gen., XIII.)
Le chapitre XIV de la Genèse nous raconte un épisode qui
nous permet, grâce aux inscriptions cunéiformes, de fixer l'épo-
que à laquelle nous nous trouvons : « Au temps d'Amraphel,
roi de Sennaar, d'Arioch, roi d'Ellassar, de Chodorlahomor,
roi d'Elam, et de Thadal, roi de Goïm, il arriva qu'ils firent la
guerre à Bara, roi de Sodome, à Bersa, roi de Gomorrhe, à
Sennaab, roi d'Adama, à Séméber, roi de Séboïm et au roi de
Bala qui est Ségor. Ces derniers s'assemblèrent tous dans la
(i) Gen. XXIII, 3 .S.S. - Ex. III, 8, 17. XIII, 5, XXIII, 28, 28, XXXIV, n. -
Num. XIII. 3o. — Dent. VII. i, XX, 17. — .los. XXIV, 11. - i Reg. IX, 20 —
Esd.:lX. 1. — Xeh IX, 8. — Ezech. XVI, 3, 45.
14 DES ORIGINES
vallée de Siddim qui est la mer Salée ». (Gen.,XIV,i-2.) Nous
voyons que c'est Chodorlahomor, roi d'Elam, qui conduit l'ex-
pédition. Or, Amraphel de Sennaar n'est autre qu'Hammourabi
de Babylonie, Ariok d'EUassar semble bien être Rim-Aku ou
Rim-Sin de Larsa. Quant au nom de Chodorlahomor, il est
strictement élamite dans ses deux composés : Kudur-lagamar.
Cette campagne à Sodome doit se placer vers 201 1, avant
la trentième année d'Hammourabi, monté sur le trône
vers 2041 (i); en effet, c'est le roi d'Elam qui apparaît comme
le chef de l'expédition et Amraphel comme son subordonné.
Or, parmi toutes les dates relevées, soit dans les listes chro-
nologiques, soit dans les contrats datés du règne d'Hammou-
rabi, le nom d'Elam n'apparaît pas avant la trentième année du
monarque; mais, pour cette année-là, on trouve la mention que
les troupes d'Elam furent battues; de vassal Hammourabi
devenait suzerain, et c'est pourquoi, désormais les pièces le
concernant, parleront de l'Elam. L'année suivante, la trente-et-
unième de son règne, comme nous l'apprend la chronique baby-
lonienne d'Hammourabi, il marcha contre Rim-Sin de Larsa
et le défit. Voilà donc le récit d'Abraham situé dans son milieu
et à sa date historique.
Abraham resta dans la terre de Canaan; toutefois il fit cher-
cher une femme de son pays d'origine en Mésopotamie pour
Isaac, son fils ; c'est encore là que celui-ci envoie son fils Jacob
dans le même but, pour ne pas se mêler aux Cananéens au
milieu desquels les patriarches habitaient (2).
Jacob resta vingt ans en Mésopotamie, après quoi il revint
en Canaan avec sa famille et tous ses biens et s'v installa.
(1) Nous serions entrailles dans un exposé trop long, si nous voulions
justifier cotte année 2041 connue date d'accession au trône d'IIammou-
ral)i. Le Père Hcheil, qui s'appuyait sur des données étrangères à celles sur
lesquelles table le Père Dhorme, avait abouti à 2o5o pour le coniniencemeut
du même règne. L'écart n'est pas sensible. On trouvera des dét; ils justi-
ficatifs dans l'article déjà cité du Pèx-e Dhorme : II ammoiirnbi- Amraphel.
llev. Bibl.. 1908, pp. 22o-22().
(2) Le pays de Paddan-Aram dont il est parlé, Gen. XXV. 20, XXVIII, 2
et alibi, est situé entre l'Euphrate et le cours supérieur du Khabour, à
cheval .sur le lialikh, peut être Tell-Faddàn près de Ilarrau. Maspkko, II,
p. 64, note 4
A l'Établissement de la j>:()v\nTH juive i5
L'aventure de son fils Joseph et la famine qui sévit dans la
contrée, le poussèrent néanmoins plus tard dans le delta où ses
descendants finirent par constituer une tribu importante.
Gen.,XXXVII-L.)
Nous voyons les fils de Jacob accueillis avec laveur par ces
populations de la Basse Egypte, que nous avons dit être en
majeure partie sémites; on les accueillit d'autant mieux qu'on
sentait le besoin de se fortifier continuellement contre les po-
pulations autochtones, hostiles malgré tout (i).
Il n'entre pas dans les cadres de notre travail de faire l'his- L'Egypte
toire de l'Egypte avant ses rapports avec le peuple d'Israël. ^"'^'^""^■
Nous nous contenterons du sommaire dressé par M. Maspero :
il suffira pour rattacher l'époque présente aux âges antérieurs
de l'histoire égyptienne et donner dès maintenant un court
aperçu des événements postérieurs, sur lesquels il nous faudra
insister davantage, puisqu'ils auront leur répercussion sur les
destinées de la nation juive.
« Il se produisit quatre grandes révolutions dans la vie poli-
tique de l'Egypte. Au début des âges, le centre de gravité du
pays repose sur Thinis (dans la Haute-Egypte en deçà de
Thèbes) : Thinis est la capitale et le tombeau des rois. Bientôt,
toutefois, avec la troisième dynastie, Memphis impose ses sou-
verains à tous et elle est l'entrepôt du commerce et de l'indus-
trie. C'est la seconde période, celle qui marque l'apogée de
l'Egypte archaïque, mais vers la sixième dynastie, le centre de
gravité se déplace et tend à s'abaisser vers le Sud. Il s'arrête
d'abord à Héracléopolis dans la Moyenne-Egypte (neuvième et
dixième dvnasties), puis il descend encore et se fixe à Thèbes
sous la onzième dynastie. Dès ce moment Thèbes reste la ca-
pitale réelle et elle fournit les rois : à l'exception de la quator-
zième dynastie, xoïte, toutes les dynasties,* de la onzième à la
vingt-et-unième, sont thébaines de naissance. Quand les pas-
teurs envahirent la vallée, la Thébaïde s'ouvre comme un
refuge à la nationalité égyptienne, et ses princes, après avoir
lutté pendant des siècles contre les conquérants, finissent par
(I , NLaspeko, II, !>. 1)2.
l6 DES ORIGINES
affranchir le royaume entier au profit de la dynastie thébaine, la
dix-huitième, qui ouvre l'ère des guerres étrangères. Sous la
dix-neuvième dynastie, un mouvement inverse à celui qui
s'était produit vers la fin de la sixième, redresse peu à peu le
centre de gravité vers le Nord et vers la mer. Avec la vingt-et-
unième dynastie, tanite, Thèbes perdit son rang de capitale, et
les villes du delta, Tanis, Bubaste, Mendès, Sébenn3-tos et
surtout Sais, se disputèrent la primauté avec acharnement.
Désormais toute la vie active se concentra dans les nomes ma-
ritimes ; ceux de la Thébaïde, ruinés par les invasions éthio-
piennes et assyriennes, furent privés de leur influence : Thèbes
tomba en ruines et ce ne fut plus qu'un rendez-vous de tou-
ristes curieux, » (i)
A cet exposé nous ajouterons deux remarques :
1° Au moment où l'Egypte débute dans l'histoire, elle ne
débute pas dans sa civilisation. Celle-ci dénote à ce moment
(vers le cinquième millénaire) un état de développement qui,
d'après les calculs les plus modérés, doit avoir exigé trois
mille ans de formation. Les arts y avaient atteint à cette épo-
que une perfection qui ne sera guère dépassée (2).
(i)M. Maspero se propose (lès lors (le diviser l'histoire d'Egypte en trois
périodes, correspondant chacune à la suprématie d'une ville ou d'une por-
tion du pays sur le pays entier :
i" Période archaïque (première-dixième dynasties). Elle se subdivise en
deux périodes secondaires :
a) Empire thinite. Première-deuxième dynasties.
b) Empire memiîhite. Troisième-dixième dynasties.
i>" Période thébaine (onzième-vingtième dynasties). Supi'émalie de
Tlièbes et des rois thébains. Cette période est divisée en deux parties
par l'invasion des Pasteurs :
a) Ancien empire thébain. Onzième-(iuatorzième dynasties.
b) Nouvel empire thébain. Dix-septième vingtième dynasties.
3» Période saïte (vingt et unième-trentième dynasties). Suprématie de
Sais et des autres villes du delta. Cette période est divisée en deux parties
par l'invasion perse :
a) Première période saïte. Vingt et uuième-vingl-sixièine dynasties.
b) Deuxième période saïte. Vingt-sei)tième-treiitième dynasties.
{Hist. anc. pp. 5i,52).
(i>) Rappelons à titre documentaire les jjeintures sur stuc, détachées de
l'un des mastabas de iMeidoum, représentant des oies (|ui paissent et da-
tant de la troisième dynastie (445o-424o) (n»> 11 du catalogue du Musée du
Caire), ainsi (jue les deux statues peintes en calcaire du prince Rahospou
A L KIABLISSEMENT DE LA ROYAUTÉ JUIVE
17
2*^' Il faut se mettre en j^arde contre l'idée cjue les habitants
de l'Egypte relevaient toujours en droite ligne, sans intermé-
diaire, de la dynastie dominante de l'époque. Nul pavs n'a été
plus téodal que l'Egypte et c'est précisément la multiplicité de
ses maîtres locaux et conséquemment leurs continuelles riva-
lités qui ont nui si fréquemment à ses intérêts domestiques et à
son expansion extérieure.
Il est difficile, sinon impossible, de fixer l'époque exacte à
•laquelle les enfants de Jacob pénétrèrent dans le pays du Nil.
M. Maspero (i) fait remarquer que les récits de la Genèse
témoignent d'un état de choses analogue à celui que le roman
égyptien de Sinouhit nous révèle sur les Bédouins pour le
temps des douzième et treizième dynasties. Ceux-ci sont tou-
tefois antérieurs à ceux de l'immigration hébraïque.
Pendant cette période de domination étrangère dans le Nord
de l'Egypte, au cours de laquelle les Hébreux y entrèrent,
Thèbes n'avait pas perdu complètement l'ascendant qu'elle
avait exercé jadis sur les barons féodaux; d'instinct, on ne se
soumettait qu'à contre-cœur aux Asiatiques et, quoique ceux-
ci se fussent laissé imprégner de la civilisation égyptienne, ils
étaient toujours considérés comme des intrus; aussi la période
d'hégémonie que les chroniques égyptiennes attribuent aux
Hycsos de la seizième dynastie ne fut-elle pas probablement
pour eux un temps de tranquillité complète et de domination
incontestée. Sous la dix-septième dynastie, les princes thébains
se soulèvent et Ahmosis commença contre les étrangers la
guerre de délivrance. L'an V d'Ahmosis il n'y eut plus en
Egypte de rois Pasteurs, mais une partie des anciens conqué-
rants resta dans le pays à l'état d'esclaves (2).
« La longueur de la domination asiatique n'est pas connue
exactement. On est d'accord pour supposer que les trois
et (le sa femme Nofrit. découvertes également dans un des nuistabas de
Meidoum et datant de la quatrième ou cinquième dynastie (4240-37001 (n'^'9
du Musée du Caire). L'expression de vie et le naturel des altitudes sont
ravissants.
(i) Masi'kro, II, p. 71, note et I, pp. 47i-4"3-
(2) Maspkro, II, p. 81. note 2.
Entrée
des
Hébreux
en
Egypte.
l8 DES ORIGINES
moments distingués dans le récit de Manéthon (Miiller-Didot,
Fragmenta Jiistoricorîun grœcorum, t. II, pp. '566-68) répondent:
1° la conquête et les six premiers rois à la quinzième dynastie
thébaine; 2° la soumission complète (du delta) à la seizième
dynastie; 'i^ la guerre de l'indépendance à la dix-septième d}^-
nastie, composée de deux séries parallèles, l'une de Pasteurs,
l'autre de Thébains. On discute longuement sur le temps que
l'oppression (des Pasteurs) dura. La meilleure solution est
encore celle qui fut préconisée par Erman, d'après laquelle la
quinzième dynastie aurait régné 284 ans; la seizième 284; la
dix-septième 143; ce qui donnerait pour les trois réunies 661 ans.
L'invasion (des Hycsos) aurait donc eu lieu vers 2346, vers le
temps où la puissance des Elamites était la plus forte; l'avène-
ment de la seizième dynastie tomberait alors vers 2062, et le
commencement de la guerre sous Ahmosis entre 1730 et
1720 (i). »
Les Egyptiens appelèrent les Bédouins asiatiques du sobri-
quet injurieux de « Shaousou », pillards, voleurs, qui leur
convenait à merveille; ils l'appliquèrent par la suite aux étran-
gers qui s'emparèrent du delta, à l'époque ci-dessus indiquée de
cette migration de peuples, et le chef qui dominait sur eux, ils
le saluèrent dans leur langue du nom de « roi des Shaousou »
— Hiq Shaousou — dont les Grecs ont tiré pour le peuple le
mot de Hykoussos « Hycsos » (2).
Le Père Lagrange (3) fait remarquer que si les Egyptiens
n'ont pas nommé expressément les Hycsos par leur nom et que
si les désignations sont vagues, elles s'appliquent pourtant
toutes sans efforts à des Sémites, tandis qu'elles excluent les
Khâti que les Egyptiens connaissaient bien et ont décrits
autrement. Quoique M. Masperose soit désisté de l'opinion qui
range l'invasion des Hycsos dans le grand mouvement cana-
néen, c'est pourtant celle qui a pour elle les raisons les plus
plausibles. M. Maspero reconnaît d'ailleurs que le gros de ces
étrangers était sémite, puisqu'on embaucha souvent des
Cananéens et des Bédouins pour le camp retranché de
(i) Maspero, II, p. 73. note i.
(2) Maspero, II, p. 54 et notes 3 et 4-
(3) h. R.S^.. p. 5;). note 2.
A L ÉTABLISSEMENT DE LA ROVAUTli^ JUIVE IQ
Haouarou (Avaris-Tanis). Ces peuplades ne sont toutefois pas
à prendre pour des nomades ; les plus voisines de la mer et de la
Chaldée avaient dû mener la vie sédentaire (i).
Parmi les peuplades du delta qui, sous la deuxième série de
la dix-septième dynastie lurent asservies par les Thébains, après
que ceux-ci eurent repris le pouvoir sur ces Hycsos, il iaut
compter les Hébreux dont le livre de l'Exode nous retrace l'op-
pression subie en Egypte et la délivrance, sur l'ordre de Dieu,
par Moïse, après une tyrannie qui dura selon la Bible, 43o ans.
(D'après Ex., XII, 40; d'après Gen., XV, i3": 400 ans.)
Sur cette question de l'époque où se lit l'exode, les avis sont L'Exode
toujours partagés.
D'après M. Miketta (2) l'événement se passerait sous Amé-
nophis II (1461-1436). Il prend comme date minima du règne
d'Hammourabi, qu'il considère comme contemporain d'Abra-
ham, l'année 2100 (alors que d'après le P. Scheil on ne peut
remonter au-delà de 2o5o) et les années d'asservissement des
Hébreux en Egypte comme étant de 430 (d'après Ex., XII, 40
et non d'après Gen., XV, i3, qui, étant une prophétie, indique
un chiffre rond de 400 ans). Additionnant ces 430 ans avec les
années écoulées entre Abraham et l'immigration en Egvpte, il
obtient une période de 645 ans depuis Abraham jusqu'à l'exode
(3). En soustrayant 645 de 2100 on arrive à 1455, en plein
règne d'Aménophis II (1491-1436 d'après lui). M. Miketta voit
dans les Habiru des lettres de Tell-el-Amarna (4) les Hébreux.
II) Maspero.II, j). G2.
(ti) 'y>llKV:\"\'A.^ Der Pliarao des Auszns^ea, ([a.i\s la collection Biblische Stu-
ilien. Ileriler. rribourg, igoS.
(31 Les LXX (louneiit Ex., XII, 4o : 43<> ans pour le .séjour en Canaan cl
en Eg>i)te.
(4i Les lettres ou tablettes cunéiformes dites de Tell-el-Amarua lurent
trouvées, vers la fin de 1888, dans des cassettes en bois, par une fellahine
égyptienne qui cherchait du sébah (poussière nitrée. employée comme
engrais), aux environs des ruines dites" Tell-el-Aniarna », où fut jadis le
palais d'Aménophis IV. (Les pavements eu stuc peint de ce palais ont été
trouvés par M. Fliuders Pétrie, en 1891-92, du côté Est du Xil, à une demi-
heure de la localité riveraine de Hagg-Kandill. La pauvresse les vendit
pour quelques piastres, comme « antika » à des connaissances qui les écou-
lèrent à .\chmim, à Louxor et au Caire. On estime à 36o à peu près le
20 DES ORIGINES
Ces Habiru sont représentés dans les tablettes du roi Abdi-
hiba d'Urusalim comme dévastant les territoires du pharaon
dans le pavs de Canaan. Cette considération lui fait maintenir
son avis sur le pharaon de l'exode, tout en reconnaissant que
ses conclusions ne peuvent être qu'hypothétiques (i).
Nous avons déjà fait remarquer que cette fixation du régne
d'Hammourabi à l'époque 2100 est discordante de celle de 2o5o
nombre primitif des tablettes, dout ])lusieurs lurent brisées au cours des
négociations (qu'elles subirent.
Le Musée de Berlin en possède la plus grande partie : 199 tablettes et une
vingtaine de fragments ; 80 reposent au Britisli-Museum de Londres ; ôo au
Musée égyi)tieu du Caire et 22 au Musée d'Oxford. Ces tablettes en terre
cuite appartiennent, i)Our le plus grand nombre, au règne d'Aniénophis IVJ
quelques-unes à celui de son prédécesseur Aménopliis III. Plusieurs ont
été expédiées par la chancellerie i)haraonique ; la plupart i)rovienneiit des
roitelets (KAsie-Mineure et du pays de Canaan ; quelques-unes inétne des
rois do Kabylonie et d'Assyrie, et elles sont adressées, soit aux i)liaraons,
soit à lies personnages de leur maison, soit à leurs luiuts fonctionnaires;
elles sont écrites en babylonien, la langue diplomaticiue internationale
de l'époque ; toutefois, il s'y nièle des expressions et des tournures
cananéennes, parfois aussi certaines expressions babyloniennes sont tra-
duites jjar le mot liébreu correspondant. (Quelques unes de ces tablettes
contiennent même des syllabaires et des exercices <le lecture, sans doute
à l'usage des scribes égyptiens. Le thème de ces lettres est divers. Cer-
taines annoncent l'envoi de présents et demandent en échange des pro"
duits égyptiens; d'autres contiennent des demandes en mariage, ces
alliances récipi'oques maintenant la bonne entente entre les cours orien-
tales de l'Elgypte et de l'Assyro-Babylonie ; beaucou]) sont d'un intérêt
politique i)lus immédiat. Nous y voyons les princes jdiéniciens et cana"
néens rendre compte au jiharaon ou à ses grands de la situation de leurs
pays soumis à sa suzeraineté. On y lit des dénonciations réciproques d'in-
fidélité,la justification de griefs formuléSjdes protestations de soumission;
souvent une demande de secours, cjui ne vient jamais, pour défendre le
pays contre les incursions des Amurru, des Ilattatu et des Habiru.
L'impression d'ensemble qui se dégage de cette correspondance, c'est
<iue l'Egypte, occupée et absorbée par des difficultés intimes, n'est pas à
mènie de retenir sous une ilominatiou efficace et par des démonstrations
guerrières ces i)ays dont les occupants manifestent des velléités d'indé-
pen<lance et dont les territoires sont envahis déjà par des hordes étran-
gères. Nous avons ainsi des renseignements sur bien des (jnestions clirono-
logi(|ues, géograi)hi(iues et ()oliti(iues à une épo(iue et i)our des territoires
sur lesciuels nous sommes si i)eu documentés.
Voir dans l'appendice la copie d'une des lelti'cs d'Abdi-hiba d'Urusalim
à Aménophis IV.
(I) Die Aniarnuseil, p. 44- brochure de la collection « liihlisc/ic Zeit-
fragen ». .\schendorffsche Buchhandl. Miinster i W., i<)o8.
A l'ktahlissemext de la royauté juive 21
(2040 d'après le P. Dhorme) donnée par le P. Scheil (i). En-
suite, cette identitication des Habiru (qui appartiennent au
groupe des Habbatu ou Sa-Gaz) avec les Hébreux n'est jias
certaine. Les lettres de Tel 1-el-A marna ne donnent pas à enten-
dre d'ailleurs que les Habbatù, dont t'ont partie les Habiru,
soient des envahisseurs venus de l'étranger, tels que le seraient
les Hébreux, mais bien plutôt des nomades qu'on opposerait
aux habitants des villes. Habiru est un participe qui peut
signifier les « passants », tandis que """IrV- est un gentilice
supposant une désignation locale ou généalogique (2).
D'autres voient avec plus de raison, semble-t-il, le pharaon
de l'exode en Ménephtah I (i3oo-i25o environ, d'après la liste
du catalogue du British Muséum). Ex., I, ss. nous apprend
qu'Israël bâtit des villes en Egvpte pour servir d'entrepôts de
blé à pharaon, savoir Pithom et Ramsès.
Or, les récits égyptiens (papyrus Anastasi, II, pi. 1,2
Anastasi, IV, pi. 6), célèbrent la fondation de la ville de
Ramsès par le pharaon Ramsès II, père de Ménephtah (3).
De plus, la stèle de Ménephtah (4) semble bien faire allusion
à l'exode quand elle dit : ù Le Hittite rend hommage, les Ca-
nanéens sont capturés comme tous mauvais, l'Ascalonite est
transporté, Gézer est empoigné, Jamnia est lait comme n'exis-
tant pas, Israël est déraciné et n'a pas de graine ». Cette façon
particulière de s'exprimer sur Israël qui est comparé à une
plante déracinée, (jui ne se reproduira pas, s'applique à mer-
veille à une race errante et sans patrie qu'était alors Israël,
après son départ de Gessen et avant l'entrée dans la terre pro-
mise (5).
Il) Oïl eu trouveiM la jiistific-iiLioii dans : Textes Elamiles-Aiiziinites,
2« série, p. XIII. Tome V îles Mémoires rie lu déléi^'-iilioii en Perse. Piir\s,
Leroux.
(1») Dhormi:, Les pays l)il>li(/ues tiiix temps d'El-Amurna. lU'v. Bibl. 1909.
!>]>• 72, 73.
(3) Pllir.lPlM': ViRKV, \iite sur le pharaon Ménephtah et les temps de
l exode. Rev. Bibl. 1900, p. 5So, iiotei.
(4> Cette stèle lut érij^t'e par ce prince à Toccasiou de sa virtoire sur les
Lybiens et découverte par M. Flinders Pétrie derrière les colosses de
Memnon, près de Thèbes, rive Ouest, à 10 iniiiutes à TEst «le Médinet-
Ilabou. ^
('11 Rev. Kibl,, i()oo. p. "85.
22 DES ORIGINES
M. Flinders-Pétrie (i) préfère reconnaître dans « Israïlou »
un ancien clan des montagnes de Canaan qui ne se serait jamais
fixé en EgN'pte, ou encore un clan formé et grossi par des émi-
grations successives, car rien ne prouve que tons les Hébreux
demeurèrent en Egypte jusqu'au moment de l'exode sous
Moïse; Gen., L nous en montre allant enterrer Jacob au champ
de Macpéla vis-à-vis de Mambré, et il n'y a aucun inconvénient
à admettre qu'un certain nombre soit resté sur les lieux et
ait fini par constituer un groupe assez nombreux. Cela explique-
rait pourquoi la stèle les appose à leurs voisins d'Ascalon, de
Gézer et de Jamnia (2). Le motif en est que M. Flinders-Pétrie
entend cette expression « Israël est déraciné et n'a pas de
graine » d'une défaite en bataille rangée, infligée par les
Egyptiens à cet Israël; dès lors, ce ne peuvent pas être les
Hébreux en exode sous la conduite de Moïse, pour le motif
justifié, que nulle part, dans la Bible, au milieu des guerres et
des agitations qui se produisaient au moment de la prise de
possession de Canaan, et pas davantage sous le gouvernement
des Juges, il n'y a trace d'invasion égyptienne en Palestine.
Cette expédition aurait eu lieu dès lors avant l'entrée en
Palestine des Hébreux de l'exode.
Nous préférons partager l'opinion de Virey (3) d'après
lequel le sens du mot égyptien « fekt )> qui est employé pour
caractériser la situation d'Israël, doit signifier autre chose
que la défaite d'Hébreux, fixés définitivement sur une terre.
Il est à remarquer que dans cette inscription les noms des autres
peuples sont précédés du signe hiéroglyphique indiquant une
race étrangère ^ accompagné du signe hiéroglvphique <- ^ i qui
indique le sol étranger possédé par cette race (J^). Seul
Israël n'est pas distingué par le second signe, et cette omission
semble bien indiquer que, s'il existe comme race, il n'existe pas
comme pays. Si la racine « fek » se retrouve dans le mot copte
uoi£ dont le sens est bien « arracher, déraciner « {Version
(i) Coiih'inporary licniew. May iHi}G. \)\}.Q'2^>-2']. Eg-ypt tnui Israël.
(21 Dkiiuir, La stèle de Ménephtah et Israël, Rev. liihl. 1899, p. 27").
(3) Rev. Bibl. 1900, p. 582-85.
A l'Établissement di: la royauté juive 23
copte. Mat. XIII, 29; Luc, X\'II, 6), nous aurions une confir-
mation de plus; quoiqu'il en soit, il semble bien que l'exode se
place le mieux sous le successeur du roi qui fit bâtir Pithom et
Ramscs, c'est-à-dire sous Ménephtah, et probablement en
l'an III de son règne, la stèle ayant été gravée l'an V.
M. Maspero est entré également dans ces vues; jadis il avait
cru devoir mettre l'exode sous un des successeurs de Mé-
nephtah, maintenant il dit, II, pp. 443, 444 : « L'opinion la plus
accréditée place l'exode des Hébreux sous le règne de Mé-
nephtah et le témoignage d'une inscription triomphale semble
le confirmer. Si c'est bien l'Israël biblique qui se révèle pour
la première fois sur un monument égyptien, on pourra sup-
poser qu'il venait à peine de quitter la terre de servage et de
commencer ses courses errantes )>.
M. Pelt constate aussi que l'opinion la plus admise est celle
qui place l'exode sous Ménephtah (i).
Les Hébreux passèrent le bras de la mer Rouge probable-
ment entre le lac Timsah et les lacs amers (2) pour se lancer
dans les déserts de la presqu'île sinaïtique, où ils durent endu-
rer les privations qui si souvent leur arrachèrent des mur-
mures; ils eurent même à combattre les Amalccites. (Ex.,
XX'il, S, ss.) On lira l'Exode à partir de XV et le Lévitique
jusqu'à X, II, pour se rappeler les épisodes qui caractérisèrent
le séjour des Hé'nreux avant et pendant la manifestation de
Jahvé au Sinaï.
La deuxième année, au vingtième jour du deuxième mois, ils
levèrent leur campement et reprirent leur marche vers la terre
promise. Ils se dirigèrent sur Cadès (Ain Gadès ou Kdeis), d'où
Moïse envoya des explorateurs se rendre compte du pays jus-
qu'à Hébron (Xum., XIII). Apprenant les difficultés qu'il
aurait à s'emparer de cette contrée, le peuple se révolta, en
punition de quoi il dut errer pendant 38 ans encore dans le
(i) PEr.T, Histoire de l'Ancien Testument, vol. I, 4^ éflitioii, Paris, Leooft're,
19(4. p. Ii21.
La géog;rai)liie du teinj)» de la dix-liuitiéiue dynastie nous montre la
mer Rouge remontant, <iuoi<iue par des passages à peine continus et par
conséquent à peine inondés, jusqu'aux environs de Pithom ou Ileroopolis.
LaokanhK, Itinéraire des Israélites. Rev. Bibl. 1900 pp. 'y8-8i.
Ubach. El Sinai. Oliva, Harcelona. 191.3. pp. 55 ss.
24 DES ORIGINES
désert. (Num.,XIV,32, 33). Ce temps écoulé (Num., XIV-XX),
Moïse envoya de Cadès des messagers au roi d'Edom pour lui
demander iXX, 14, ss.) de passer par son territoire et d'entrer
ainsi dans le pays de Canaan, mais les Edomites s'opposèrent
à ce projet et les Israélites furent contraints de prendre le che-
min de la mer Rouge, pour passer derrière Edom en contour-
nant le mont Séir, qui dans la Bible désigne toujours le massif
de montagnes au Sud d'Hébron (i) et non pas la montagne
orientale où est Pétra. Deut., II, 8 (LXX) indique la route
suivie : « Nous passâmes donc à distance de nos frères, les
enfants d'Esaù qui habitent en Séir, par le chemin de l'Arabah,
près d'Aïlon et d'Ezion Gaber. » Ils remontent la vallée stérile
et inhabitée de l'Arabah qui divise le territoire d'Edom, pour
obliquer vers l'Est dans le désert de Moab, probablement au
torrent de Zared. Ils arrivent d'abord à Salmona (inconnue jus-
qu'ici), puis à Phounon (2) et ensuite à lyé-ha-'Abarim (distin-
guant ainsi de l3^é de Juda, Jos., XV, 2g) (3). Or, ces monts
Abarim sont ceux qui dominent la mer Morte jusqu'au X^ébo
au Nord, jusqu'à la limite de Moab au Sud, Ce ne peuvent
être les collines à l'Est du désert de Moab, (« d l'Orient du
soleil » qui ne figure pas dans Num., XXXIII, 44, doit être
rayé de Num., XXI, 11 ; cfr. Rev.Bibl,igoo,pp,286 et 443).C'est
donc le long de la vallée de Zared, que les Israélites con-
tournent Moab, à l'Ouest, en passant de l'Arabah entre le
Gébal et Kérak, pour arriver au désert par derrière l'Arnon,
Num., XXI, i3, (ils contournent donc Moab par l'Ouest et par
le Nord. Rev. Bibl. 1900, p. 444), et, une fois passé le torrent de
l'Arnon, ils entreprirent la conquête du pays des Amorrhéens,
(i) Lagrangk, Phounon, Rev. Bibl. i8()8, p. ii5.
(2) Kirbet-Fenàu, à l'Est des sables rouges de Feddâii, à 10 kilomètres
Nord-Ouest de Chôbak, <à la lisière Est de l'Ai'abali. L'identification faite
eu i8()() du Kirhet-Fenân avec le Phounon biblique par le P. Lagran^ije
prouve l'itiucraii'e par l'Arabah. (Cfr. Lagrauge. Itinéraire des Israélites .
Rev. Hibl. 1900, p. 28G et Phounon. Rev. Bibl. iSi)8, pp. 112 ss.)
De toutes nos chevauchées en Palestine nous n'en avons pas connue de
plus difficile à effectuer (lue celle de Phounon et si nous n'avions pas été
précédés i)iir le P. Lagrange en 181)6, nous ne l'aurions jamais tentée. Nos
Arabes d'ailleurs ne se montraient guère enthousiastes <le l'expédition.
Voir le récit de cette journée dans Ubagh : El-Sinai, pp. .'{i5 ss.
(3j Rev. Bibl.. if)Oo, p. 28U.
A L ETABLISSIiMEXT DE LA KOVAUTi: JUIVE
2.")
dont le roi Séhon d'Hésébon avait également retusé le passage,
puis celle du pays de Basan et de Galaad (i) pour passer
ensuite à l'Ouest du Jourdain (clV. Deut., I-III et Josué).
Encore une fois, nous interrompons le récit des événements
pour donner les renseignements nécessaires sur les Deuples
avec lesquels les Hébreux entrent en contact : Edomites,
Moabites et Amorrhéens.
Si l'on ne compte pas la tribu ilkigitime d'Amalec, on trouve
douze tribus pour Edom. (Gen., XXXVI, 4-14; 16-22.)
En quittant Canaan, Esaù vint s'établir dans les montagnes
de Séir (Gen.,XIV,6,XXXVI, 8;Deut.,II,5), d'abord occupées
par les Horites. Il est prouvé que les monts et les plateaux au
Sud de la Judée portaient le nom de mont Séir et qu'il n'v
a pas lieu d'entendre par là le Djébel-ech-Chérah (2). Edom
s'étendait, en plus, à l'Orient de 1' « Arabah » dans le Chérà et
le Djebàl ; au Sud-Est, il comprenait Elath et Eziongaber
(I Reg., IX, 26) ; à l'Ouest il touchait à Cadès-Barné, Aïn-
Qdeis, (Jos., XV, 2-4), où il confinera à la tribu de Juda.
Bosra, Phounon, Théman et Pétra étaient de ses villes
principales. Au moment de l'entrée des Hébreux dans la
terre promise, nous voyons les Edomites leur refuser le pas-
sage par leur pays. Plus tard David les soumit; dans la suite
ils se révolteront souvent et attaqueront fréquemment les
(1) Un différend étant né entre Laban et Jacob, ceux-ci pour le terminer
firent une alliance en témoignage de laquelle ils érigèrent un monceau <le
pierres tiue Jacob appela " Galaad » (-;y^' : « monceau du témoignage »
de ss» : « rouler des pierres » et i^j; à l'hiphil : « rendre témoignage,
assurer » Gen., XXXI).
Kst-ce lorigi'ie du nom donné au pays ou la scène se passa ! En tout cas,
à ce pays de « (Jalaad » dont il est souvent (juestion, correspond partielle-
ment ce (lui sera appelé plus tard la Transjordane et la Pérée ; il est diffi-
cile de préciser les territoires visés dans les multiples emplois de ce mot.
Les limites extrêmes semblent avoir été outre le Jourdain à l'Ouest, les
montagnes du Haurau et même le désert de Syrie à l'Est; l'Arnon au Sud
et rilermon au Xord. Le pays est un massif de montagnes i)arallèles à
celles qui traversent la Palestine de Tautre côté du Jourdain. Lieu de
pâturage recherché jjar les Rubénites et les Gadites, Xum., XXXII, 1-4,
Cant., IV. I et VI. ,"); il était occupé par de vastes forêts : Jér., XXII, G. Les
Amorrhéens, Ammonites et Israélites en occupèrent diverses j)arties.
(2) lj.\i.iR.\sv.v:, Le Si liai Biblique. Rev. Bibl . 1899, pp. 374-7»;.
Edomites
Moabites
Amor-
rhéens.
26 DES ORIGINES
Juifs. Ils coopéreront à la guerre de Nabuchodonosor contre
Sédécias et profiteront de cette occasion pour occuper le
midi de la Judée, où nous les retrouverons, et nulle part
ailleurs, à l'époque des Machabées. Ils auront alors dû
évacuer leurs positions à l'Est de la nier Morte devant
les Nabatéens. Jean Hyrcan (i35-i04) leur imposera la cir-
concision. A l'époque machabéenne le mot Idumée s'appli-
que également à une bonne partie de la Judée Méridionale (en
comprenant Hébron et Bethsura) qui, demeurée sans maîtres,
au moment de la captivité, tut envahie par une immigration
considérable de la population édomite. C'est la force de ses
citadelles bâties sur les rochers et de ses refuges inaccessibles
qui faisait l'orgueil d'Edom. (Jer., XL.IX. 10-16; Abdias,
3-6.) (I) ,a.-A _
Moab était frère d'Ammon et fils aîné de Lot. (Gen., XIX,
36-37. )A l'époque de sa plus grande extension, Moab s'étendait
depuis le Jabbok (partie Sud-Est : Xahr-es-zerka) jusqu'au
moderne Ouadi-el-Hésa (torrent de Zared au Nord de Taphî-
leh). A l'époque de la conquête Israélite, il était borné au
Nord par TArnon (Num., XXI, i3); au Sud par : lyé-ha-'Aba-
rim (Num., XXXIII, 43-45), à deux journées de marche de
Phounon; sa frontière orientale était le désert qui s'étend
jusqu'à l'Euphrate (Deut., II, 8), à l'Ouest c'était la mer
Morte. Peu de temps auparavant (Num., XXI, 26 et Jos.,
XIII, 25) la frontière passait au Nord d'Hésébon et atteignait
Rabba, Séhon des Ammonites avait déjà repoussé les Moabites
jusqu'à l'Arnon, lors de la conquête israélite.
Le roi Mésa, dont il sera question plus loin, ne doit pas avoir
reporté sa frontière au delà de Madaba, car c'est la dernière
ville septentrionale qu'il cite. Du temps d'Isaie et Jérémie le
pays s'étendait de nouveau jusqu'à Méphaath (Jér., XLVIII,
21), à dix kilomètres au sud de Rabbath-Amon iKirbet-Nefà?).
C'est dans la plaine ou sur le haut plateau de Moab que se
place l'idylle du livre de Ruth. Moab suivra les destinées des
peuples palestiniens dans leur sujétion aux grands empires
(i) Dictionnaire de la Bible, publié par Vl(H)LROlx. Paris, Letouzey et
Ane, lyiîi, cinq tomes, au mot Idumée.
A l'Établissement de la rovaiti: juivi: 27
de l'Asie. Les Asmonéens, profitant des troubles dans lesquels
se trouvera impliquée la Syrie, s'empareront de Moab septen-
trional {.hit. '}ud., 1. XIII, cil. i3. î^ 5), dont plusieurs localités
passeront aux Hérodes. Le reste fera partie du royaume
arabe nabatéen dont Damas sera la capitale. En 106. Trajan
réduira l'Arabie, dont Moab fait partie, en province ro-
maine (i).
Le terme d'Amorrhéen désigne dans la Bible, parallèlement
à celui de Cananéen, les habitants de la Palestine antérieurs aux
Hébreux (2). On s'est aperçu que E parle d'Amorrhéens là où
J parle de Cananéens et P de Canaan, toutelois la Bible
elle-même distingue entre les deux, tout en laissant sub-
sister une unité de race, par le fait qu'elle ne leur assigne
jamais le même habitat. Le pays est tout d'abord au pouvoir
des Cananéens : ils le partagent plus tard avec les Amorrhéens
qui occupent tout le haut du pays, la plaine restant réservée
aux Cananéens (Xum., XIIl. 29, Deut., I, 7, Jos., XL 3);
plus tard encore surviendront des épaves hétéennes. Cana-
néens et Amorrhéens faisaient partie de l'ébranlement ini-
tial qui avait introduit les Sémites en Svrie ; mais, tandis
que les premiers pénétraient jusqu'à la mer et s'y instal-
laient, les Amorrhéens se cantonnaient dans la plantureuse
Coelé-Syrie(3) autour de Ouodshou (4 . Dans la suite, ébranlés
par le choc des hordes asiatiques, harcelés constamment par
les Araméens, ils évacuèrent en partie les positions qu'ils
occupaient sur l'Oronte et le Litany et descendirent vers le Sud
en refoulant les Cananéens. Ils occupèrent les alentours du lac
de Génésarethjles monts au sud du Thabor,le bassin moyen du
Jourdain et les cités à l'Est du Jourdain. Bientôt le
territoire envahi fut partagé en deux rovaumes : au X^ord, celui
de Bashan qui comprenait, av^ecle Hauran, les steppes arrosés
par le Yarmouk ; au Sud, celui de Hesbon de qui relevaient
les districts situés sur le Jabbok et l'Arnon à l'Est de la mer
' I) Dict. Uibl au mot Moab
(2) M.\sPERo II, p. 148, note 2.
• 3) Vincent, Canaan, pp. 4">3-5G, note.
<4i Maspero, II, p. i+S-
28
DES ORIGINES
Occupation
de la
Palestine
par les
Hébreux.
Morte (i). Ils assujettirent encore une partie des petits États
cananéens entre le Jourdain et la Méditerranée. Un de leurs
clans campait au bord de la mer entre Ekron et Joppé (Jud., I,
34 j : un autre installé à Jébus au mont Moriah se taisait appeler
Jébusites. D'autres s'étaient fixés près de Sichem et au Sud
d'Hébron, en assez grand nombre pour imposer aux monta-
gnes qui longent la mer Morte le nom de « monts des Amor-
rhéens ». (Deut., I, 7, 22 ss.) (2).
Après le règne de Ménephtah qui avait, comme sa stèle nous
l'apprend, rétabli la domination égyptienne sur les provinces
palestiniennes, des tendances de rébellion se manifestèrent de
nouveau dans les régions extrêmes. de l'empire (3). -Les peu-
ples d'Asie Mineure, culbutés apparemment par quelque mi-
gration septentrionale, avaient reflué vers la Syrie. Royaume
hébreu, régions amorrhéennes, Phénicie, provinces égyptien-
nes de Canaan, tout avait été mis à mal par les envahisseurs.
Ramsès III, en l'an VIII de son règne (peu après i25o ?), les
défit dans la Séphélah et les poursuivit par terre et par mer le
long de la plage jusqu'à l'Oronte, pendant qu'une partie de ses
troupes traversait la Cœlé-Syrie et ravageait les terres jusque
dans les plaines de l'Euphrate. Ce qui restait des vaincus, il
l'installa sur la côte, les Philistins (4) dans la Séphélah, les
(r) Maspeko, II. pp. 6-G, (377.
(z) Maspero, Histoire ancienne^ p 222.
(3) Clr. ViNCK.NT, CfiiiHan, pp. 458 ss. Maspkko, II, p. 466.
(4) La Bible (Deut., II, 33, .Ter., XLVIII, 4 Amos, IX, 7) l'ait venir les
Philistins de Caphtor qu'on identifie communément avec l'île de Crète;
aussi, I Sam., XXX. 14, Ezéch., XXV, 1(5, Soph., II, 5, sont-ils appelés les
Q^^ -| 3 : (Van IIoonacker, Les douze /)etits prophètes, Paris, Gabalda,
i;)O.S, pp. 280,81). Sous le règne de Ramsès III, il y eut dans la Syrie et la
Palestine une invasion des peuples du centre de l'Asie Mineure, culbutés
par la poussée des ma.sses européennes, qui avaient l'ranehi le Bosphore
et la Propontide (merde Marmara). Après avoir ravagé la C(ï'lé-Syrie. ils
s'attaijuèrent au.\ sujets du pharaon. La Crète était à ce moment le siège
d'un empire maritime, dont leschels écumaientles mers et harcelaient les
états policés de la Méditerranée orientale. Pendant (juo les hordes asia-
tiques précitées s'avant;aient par voie de terre, ces pirates filaient le
long <le la côte, comme nous lavons fait remarquer dans le texte. Les
armées égyptiennes rencontrèrent probablement dans la Séphélah les
A L'ÉTAHLISSEMENT de la ROVAUTi; jri\i- 2g
Zakkala du Cannol à l)or. A ce moment même les Héhreux
iVanchissaient le Jourdain. Canaan décimé, alïaihli et divisé,
allait se voir compénétré par les nouveau- venus.
Certains récits bibliques à tournure synthétique donneraient
à entendre que deux ou trois campagnes auraient consommé la
conquête. (}os., \'I-XII.) D'autres passages nous font com-
prendre qu'en réalité ni conquête ni fusion ne furent com-
plétées de si tôt. Le passage XIII, i, après la récapitulation
de XII en est une preuve palpable : « le pays qui te reste à
soumettre est très grand » est-il dit à Josué, sur la fin de sa
vie, et la répartition du pays entre les diverses tribus, donnée
par les chapitres suivants XV-XX, peut être considérée plutôt
comme juridique que comme une (juestion de lait. Les récits
du livre des Juges nous en donnent la preuve manifeste.
A l'approche de l'invasion, les roitelets cananéens essayent
un mouvement d'union, (fos., IX, i, 2 etX.) Les Cananéens se
coalisèrent au Sud, à l'instigation d'Adonisédeq, roi de Jébus;
ils furent dispersés non loin de Gibéon. (Jos., X, Jud., I, i-g.)
Les Amorrhéens du Nord, rassemblés autour de Jabin, roi
d'Hazbr, furent défaits aux eaux de Mérom, et la Galilée mise
à feu et à sang, ijos., XL) (i)
Mais ces premières victoires remportées, les Israélites cessent
l'action commune; la prise de possession effective se fait
séparément, chaque tribu se dirigeant vers le lot de son choix,
ou celui qui lui a été assigné. Judas et Siméon s'installent dans
le Négeb; Ruben et Gad s'en retournent à leurs troupeaux
parqués à l'Orient du Jourdain et de la mer Morte, pays qu'ils
avaient obtenu déjà auparavant; Ruben occupait la côte orien-
tale de la mer Morte jusqu'à Jéricho aux dépens d'Ammon, et
bandes venues par voie <le terre, et leurs guli-res poursuivirent les pirates
jusqu'à rOronte. Ilamsès, après les avoir vaincus, en instal'a une partie
sur la côte, les Zakkala du C'armel à Dor.et les Pulusati dans la Séphélali,
(Maspkro, II, pp. 4^9-7i; Rev. Bibl., i;)Oi, p. 3i8>, du torrent d'Egypte aux
environs de .loppc. Ciaza, Asdoud, Ascalon, (iath et Ekron furent les villes
principales de ce peuple, (jui se mêla par des alliances répétées aux mai-
trcs primitifs du sol, dont ils adoptèrent la langue et la religion. Leur
armée valait surtout par ses chars et ses archers. \'ers la fin du douzième
siècle, une de leurs flottes s'empara de Sidon, ce qui donna pour long-
temps à Tyr la prépondérance en Phénicie.(M.\si'KU(),///6'f. anc . pp. 368-374)-
(i) MaSI'KKO. II, 1). G80.
3o DES ORIGINES
Gad au Nord de Ruben jusqu'au Jabbok. (Num., XXXII,
Deut., III, 12-17.) Manassé eut également une enclave dans le
pays de Galaad et de Basan et disputa aux Araméens les
plaines situées entre le lac de Génésareth et la rive Nord du
Yarmouk. Les autres tribus entament le centre et le Nord de
Canaan : Ephraïm englobe les Amalécites (i) aux environs de
Siloh; Benjamin s'installe sur les hauteurs qui dominent Jéri-
cho; Issachar, Zabulon, Nephtali, Aser gagnèrent les collines
qui s'élèvent derrière Tyr et Sidon. Outre son installation dans
le Négeb, Juda occupa encore les environs de Jérusalem ;
Dan se tint d'abord près de Juda et de Siméon, ensuite à
Laïs (Ouest de Banéas). La tribu de Lévi n'eut jamais d'exis-
tence politique; Ruben se fondit bientôt avec Gad {la stèle de
Mésa au neuvième siècle ne connaît que des Gadites). Plu-
sieurs tribus n'atteignirent leur croissance normale que dans la
suite des temps, notamment Ephraïm, Manassé, Benjamin,
Juda. Siméon s'unit bientôt à Juda. (Gen., XLIX, 7).
(i Amalec était le petit-fils d'Esaû par Eliphaz et Thamua la horéeniie.
Il est possible toutefois que la Bible ne uous indicpie pas en cet Amalec le
père des Amalécites. En effet : i» Amalec est appelé par Balaam : « le com-
mencement des peuples » Xum., XXIV, 20, ce qui se comprendrait difficile-
ment, si ou y voyait le descendant du petit- fils d'Esaû ; 2° ils sont plut(')t
distingués de la nation idiiméenne qu'ils n'y sont rattachés (2 8am., VIII,
12. i3; I Chron., XYIII, 11 ; Ps., LXXXII. 7, 8); 3" tandis que les Iduméens,
comme peuple parent d'Israël, doivent être épargnés et leur territoire
respecté, Deut. II, 4-8, 9. 19, Amalec est voué à la mort Ex., XVII, 4; Deut.,
XXV, 17-19; I Sam., XV, e-3. et son pays doit appartenir aux Hébreux. Xum.,
XIV, 24, 25 {Dict. Bibl. au mot Amalec i).
« Moïse ne reproche jamais aux Amalécites d'avoir attaqué les Israélites
leurs frères; circonstance aggravante qu'il n'aurait pas omise, s'ils eussent
été descendants d'Esaii, et en ce sens, frères des Israélites. Daus l'Ecri-
ture on voit presque toujours les Amalécites joints aux Cananéens et aux
Philistins et jamais aux Idumèens et lorsque Saiil fit la guerre à Amalec
et qu'il l'extermina, les Iduméens ne se donnèrent i)as le moindre mou-
vement pour les secourir ni pour les venger. Il est donc vraisemblable que
les Amalécites dont il est souvent parlé daus l'Ecriture, étaient uu peuple
descendu de Canaan, et dévoué à l'auathème, de même que les autres
Amorrhéens, et fort différents des descendants d'Amalec petit-fils
d'Esaii ». (Cal.MET, Dictionnaire historique... de la Bible, édition petit in-S"
de 1783, chez Lens, à Toulouse, I, p. 176.)
Il est assez difficile de fixer les< limites occupées par le territoire des
Amalécites. Les Hébreux les rencontrent une première fois dans la région
septentrionale de la i)éninsule sinaïtique, au Nord et à l'Est du golfe de
A l'i':tahi.issement de la royauté juive 3i
Chaque tribu travaillait d'ordinaire à son ])rotil; aussi se
trouvèrent-elles finalement séparées en trois troncs :
au centre : Ephraïm, Manassé et Benjamin;
au Sud : juda et Siméon;
au Nord : Issachar, Aser, Nephtali, Zabulon et Dan.
Les tbrteresses de Mai^eddo, Taanak, Ibleam, Jezréel, En-
dor, Beshan formaient une barrière infranchissable aux tribus
du Nord, les empêchant de rejoindre leurs frères du Sud.
Les Danites n'eurent qu'une demi-douzaine de postes entre
Aïalon et Jaffa. Comme nous l'avons dit, Manassé, gêné dans son
expansion, cherchera fortune sur la rive Orientale du Jour-
dain, au Nord du Yarmouk, clans les vastes espaces qui s'ap-
puient aux monts du H au r an.
Les diverses tribus s'unirent aux divers peuples dont elles
prirent trop souvent les religions, se querellèrent entre elles et
subirent fréquemment le joug des nations auxquelles elles
s'étaient mêlées : Amorrhéens, Ammonites (i), Moabites,
Philistins. (Jud., Ill, 5-7.)
Suez. Kx. XVII, 8, puis les explorateurs les retrouvèreiil à la frontière
méridionale de la Palestine dans le Xégeb. Xum., XIII, 29, XIV, 45. C'est
là aussi (jue Chodorlahonior semble les avoir rencontrés : (îen , XIV, 7 ss.
I Sam., XXVII, 7 ss. et X\X les met dans le voisinage des Philistins. Leur
région conlinail donc à IKgypte. aux Philistins, au Sud de Juda et aux
Iduméens. Le livre de l'Exode, X\II, 8-16, raconte la célèbre bataille entre
les Hébreux et les Amalécites dans la i)éninsule du Sinaï. Pendant la pé-
riode des .Tuges. les Amalécites. de concert avec les Madianites et les
Moabites, s'attaquèrent plusieurs fois aux Hébreux. Mais Saiil et David
prennent leur revanche sur le peuple qui avait si lâchement harcelé leurs
pères dans le <lésert. Deut., XXV, 17-19'. I Chron., IV, 42-43^ parle d'une
dernière défaite infligée aux Amalécites du temps d'Ezéchias. Depuis lors
il n'est plus parlé d'Amalec, ni les prophètes ne le citent, ni les documents
assyriens n'en parlent. On peut croire donc qu'à partir duhuitième-septième
siècle il a disjjaru comme peuple.
i> Ammon était fils de Lot et de sa plus jeune fille. (Gen., XIX, 3.S.) Les
Ammonites sétablirent à l'Est de la mer Morte et du .Jourdain a])rès avoir
vaincu une race de géants ap])elés les <( Zam/oummim ». (Dent., H. ao, 21.)
Eux mêmes furent plus tar<l vaincus par les Amorrhéens (jui les refoulè-
rent du i)ays de (ialaad vers le Sud et vers l'Est.
Ils furent, avec les Moabites. les ennemis jurés des Hébreux, dès l'entrée
de ceux-ci dans la terre promise; parfois ils furent soumis par la force des
armes, mais continuellement aussi ils se révoltaient et s'alliaient à leurs
ennemis pour les attaquer. Dans la confédération syrienne des douze rois
contre Salmanasar à la bataille de Karkar. en 854. se trouvait aussi le roi
32 DES ORIGINES
De temps à autre un héros (juge) rendait l'indépendance à sa
tribu et à quelques autres Les deux tribus de Joseph réus-
sirent à coaliser celles du Nord contre les Cananéens et leur
chef Siséra. Ce lut le fameux combat de Taanak, près de
Megiddo, célèbre par le cantique de Déborah, — dans son
l\'risme un des plus beaux morceaux de la \ieille littérature
juive. (Jud., V.)
Gédéon de Manassé rallia encore une lois les tribus contre
les Madianites (i). Après la victoire on voulut le faire roi; il
refusa, tout en restant leur chef, et se fixa à Ophra d'Abiézer,
près de Sichem. A sa mort, Abimélek, un de ses fils illégitimes,
massacra ses frères et se fit proclamer roi à Sichem. Mais il
des Ammonites, Baasa, fils de Réhob; ils t'iireut dès lors les tributaires de
l'Assyrie. Plus tard, après la chute de Jérusalem, plusieurs d'entre eux
durent s'installer dans les anciens royaumes d'Israël et de .luda, puisc^ue
c'est sur l'instigation de Baalis, roi des Ammonites, que sera tué Godolias,
le gouverneur, que Nabuchodonosor avait établi à Jérusalem, et puisque
lors du retour de la cai)tivité et de la restauration nous trouverons iiu
Ammonite du nom deTobie à la tête de ceux qui s'opposent à la reconstruc-
tion des murs de «Jérusalem (Xeh., IV, 3, 8, VI, i, 12, i4); d'ailleurs à ce mo-
ment il y avait déjà des alliances matrimoniales entre les grands de Juda
et la famille de ce Tobie (Xéh., VI. 17-19), preuve que celle-ci dût être
fixée depuis un temps déjà en territoire judéen. Ils fui'ent défaits dans de
nombreux combals par .Tudas Machabée (l Mac, V, G. 71 et passèrent plus
tard sous la domination romaine, lorsque celle-ci s'étendit sur toute la
Syrie et l'Arabie. (Voir Dict. Bibl. au mot Ammonites.)
(I) Les Madianites sont des Abrahamites, mais des descendants de .sa
femme Cétura. (Gen., XXV, 2.) II est difficile de préciser la région où ils
habitaient. La tradition arabe place leur patrie originaire sur la rive
orientale du golfe d'A(iaba. Il est i)robable (lue de là des rameaux se sex-ont
introduits dans la péninsule sinaïticiue et dans les plaines de !\Ioab. Gen..
XXXVI, 3.-). Ex., II, 1.1, XVIII. 1,5, 27. Num.. XXII, 4,7, XXXI. Jud.,AI,i-3.
I Reg.. XI, I, 8.
Parents des Madianites'sont également les Ismaélites. Ismaél était fils
d'Abraham et de sa servante Agar. (Gen.,X\I.;
La (Jenèse XXV, 12-1(3 lui donne douze fils, chefs d'autant de tribus, et
XVI. 12, elle caractérise bien l'ancêtre des tribus arabes : « ce sera un âne
sauvage tiue cet homme, sa main sera contre tous et la main de tous sera
contre lui et il dressera ses tentes en face de tous ses frères ». Les diffé-
rentes tribus ismaélites ont occupé le territoii'e com[)ris entre le Iledjaz
au Sud, Damas au Xord. la Palestine tran.sjordane à l'Ouest, et le désert
de Syrie à l'Est. Ismaélite est parfois j)ris dans le sens de riche négociant
des caravanes. Jud., N'IIl. 124. Dans le récit de Joseph, J parle d'Ismaélites
Gen. XXXN'II. 1^7 et 1'] de Mndiiiniti"^ i>S
A L ÉTAl^LISSEMEXT DE LA ROYAUTH JUIVE 33
fut tué à la prise de Thébez (Nord de Sichem), Les tribus iso-
lées l'une de l'autre retombèrent au pouvoir de leurs voisins.
(Jud., VII-IX.) Dans le Sud, Juda en vint aux mains avec les
Philistins, déjà maîtres de Tyr et de Sidon. Ce fut au temps
de Samuel (}u'Israrl secoua le joug philistin.
Nous avons rempli notre programme en traçant de la
sorte les caractères de la politique générale suivie par les Isra-
élites dans les premiers temps de leur séjour en Canaan. Nous
renvoyons pour les détails aux livres de Josué, des Juges,
et aux sept premiers chapitres du premier livre de Samuel,
Nous donnons ici le schéma généalogique des peuplades appa-
rentées aux Hébreux mentionnées dans les pages précédentes:
Thérah.
Abraham. Xachor. Aran.
Ismaël Isaac. Madian Lot.
(d'Agar). (de Cétura).
' Esaii Jacob Moab Ammon.
(Israël).
I
Eliphaz.
I
Amalec.
Avant d'entamer la période suivante, fixons notre atten-
tion sur la chronologie des Juges. Au premier livre des
Rois, VI, I, il est dit qu'il s'est écoulé quatre cent quatre-
vingts ans (LXX : 440) depuis l'exode jusqu'au commen-
cement de la construction du temple, la quatrième année
de Salomon. Or, en additionnant toutes les dates four-
nies par le livre des Juges, on compte depuis l'oppression de
Kouchan (Jud., III. 8) jusqu'à la judicature de Sam-
son, (XVI, 3i) quatre cent dix ans. Il manque les
quarante années du désert, un minimum de vingt-cinq ans
3
34 DES ORIGINES
pour Josué (d'après Josèphe, Ani. 1. V, ch., i, § 29),
les quarante années d'Héli, quarante ans pour Saùl (d'après
Actes XIII, 21 et Josèphe, Ant., 1. VI, ch. 14, § g), les qua-
rante années de David, et les quatre premières de Salomon : ce
qui fait cinq cent quatre-vingt dix-neuf ans. Il reste encore à
compter la durée de la judicature de Samuel, nulle part donnée
dans les Saints livres, mais néanmoins supposée assez longue,
I Sam., VII, i5, et l'intervalle écoulé entre Josué et Othoniel
qui fut probablement aussi de quarante ans. (Jud., III, 11).
Cela nous l'ournit un chiffre de loin supérieur à celui de
quatre cent quatre-vingt, donné par i Reg., VI, i. Différentes
explications ont été tentées.
On a suspecté l'authenticité du chiffre de i Reg., VI, i,
Noas avons déjà relevé la variante des LXX : 440. Mais ce qui
frappe davantage, c'est le chiffre de Josèphe Arit., 1. VIII,
ch. 3, § I, et qui est de cinq cent quatre-vingt-douze ans
pour cette période. Seulement, ne faut-il pas attribuer ce chiffre
à un calcul personnel de Josèphe, qui devait avoir également
remarqué l'incohérence des données bibliques ?
MM. Vigouroux et Pelt veulent résoudre la difficulté en éta-
blissant des S3'nchronismes dans les oppressions et les judica-
tures; cela parait manifestement contraire à la pensée de
l'auteur des Juges qui, même à propos des petits juges, établit
un ordre rigoureux de succession. (III, 3i, XI. 3, XII, 8,
II, i3.j (I).
La meilleure solution est celle qui repose sur les
anciennes traditions juives et orientales, à savoir, d'ad-
mettre que l'auteur, qui devait bien se rendre compte
de la disproportion qui existait entre ses chiffres, a systéma-
tiquement omis les années pendant lesquelles les Israélites ont
subi l'oppression des nations étrangères au milieu desquelles
ils habitaient, et qu'il a rejeté également dans son calcul les
trois années du règne d'Abimélek, dû au crime, et les quarante
années de Saùl répudié par Jahvé.
On obtient alors le résultat suivant :
(i) M. Pelt reconnaît d'ailleurs hii-mènie la difficulté de ce système.
Cfr. Histoire de l'Ancien Testament, vol. T, j). 353.
A l'établissement de la royauté juive 35
Désert (xNum. XIV, 34) 40
Othoniel (Jud. III, 11) . . . , . 40
Ehoud (Jud. III, 3o) 80
Débora et Baraq (Jud. V, 32) ... 40
Gédéon (Jud. VIII, 28) 40
Samson (Jud. XV, 20, XVI, 3i) . . 20
Héli (i Sam. IV, 18 d'après LXXi . 20
( (c Texte massor. 40)
David (I Reg. II, 11) 40 .
Au total . 320 ans.
En plus, la somme fournie par les judicatures des petits
juges et les quatre années de Salomon aboutit à quatre-vingts.
Il reste alors quatre-vingts ans aussi pour Josué et Samuel et
l'ensemble nous donne les quatre cent quatre-vingts de i Reg.,
VI, 1.(1)
Ce schéma présente un caractère particulier qui saute aux
veux; nous avons affaire notamment avec des périodes de vingt,
quarante et quatre-vingts ans. Mais des chiffres pareils font
comprendre la pensée de l'auteur, qui n'est pas de donner des
nombres exacts, la nature ne marchant pas par étapes de vingt,
quarante, quatre-vingts, mais de fournir des cycles ayant une
valeur proportionnelle (2). Il n'y a donc pas moyen d'être fixé
sur les dates historiques en se fiant à ces données là. Les tenants
de l'opinion qui place l'exode sous Aménophis II s'emparent
habituellement de ce chiffre de quatre cent quatre-vingts ; mais
appuyer cette opinion sur une chronologie aussi factice que
celle fournie par le livre des Juges, c'est se contenter d'un fon-
dement peu stable.
La dernière solution, celle que proposent Moore et le Père
Lagrange, satisfait incontestablement mieux que toutes celles
qu'on avait tentées. Mais, quelle que soit celle qu'on adopte, on
(I) Remarquons que le nombre de aô i)our Josué est douné non par la
Bible mais par .Josèphe. et qu'il ne peut être (lu'uu minimum : ([uaiit à la
durée du ministère de Samuel, la Bible ne la mentionne nulle part.
(21 VoirMooRK J iidg-es dana « The international criticai commentary ».
Edinburgh, Clark. 1908, pp. XXXVII ss.
Lagrange, Le Livre des Juges, Paris, Lecoffre, U)o3, pp. XXXIX ss.
36 DES ORIGINES
doit s'apercev^oir que, tels qu'ils sont, les chiffres fournis
par le texte sont inconciliables. Nous avons donc toute liberté
de chercher une explication satisfaisante (i). Malgré tous les
essais entrepris, nous ne sommes pas encore fixés sur la chro-
nologie absolue du temps des Juges (2) et pas davantage de
celui de l'exode. Il faut reconnaître que les données fixes
nous échappent.
Indécise est la chronologie biblique pour la période des
Juges; imprécise aussi la chronologie égyptienne pour les dix-
huitième et dix-neuvième dynasties (3). S'il semble plus pro-
bable que l'exode ait eu lieu sous Ménephtah, il n'a pas encore
été fourni de preuve convaincante pour l'arrêter entre telles
dates précises du milieu du treizième siècle. Le Père Lagrange
dit que tous les faits de l'histoire des Juges tiendraient aisément
dans une période de deux cents ans. {Op. land., p. XLV.)
Mettons deux cent cinquante ou trois cents ans ; il n'y a
jusqu'à présent aucune donnée de l'égvptologie qui nous
empêcherait d'antidater dans les mêmes proportions le règne de
Ménephtah,
(i) C'est aussi lavis des éditeurs de Crampon (lui précouisent néan-
moins l'explication par les svnchronlsmes, tout en reconnaissant ne pou-
voir déterminer ceux-ci. « Assigner une date précise aux événements de
cette période nous parait imi)OSsible ». Z-a 5aàj/e /^?7>/p. Tournai, Desclée,
Tome II, p. 91.
(2) Nous rencontrerons plus loin des dilticultés semblables jiour la
chronologie des règnes en Juda et Israël. Nous citerons alors l'opinion de
Saint Jérôme sur les préoccupations de concilier pareilles divergences.
(3) Le Guide to the Eg-yptian collections, du British Muséum, 1909,
p. i8(>, donne six différents systèmes de chronologie proposés par des égyp-
tologues de valeur :
I
II
III
IV
V
VI
XVIII<" dyn. .
lS-22
i()55
1796
1703
1700
i.'>8o
XIX« >>
4:3
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1200
DEUXIEME PERIODE
Depuis l'établissement de la Royauté
jusqu'à la chute de Samarie en 722
I
DEUXIEME PERIODE
Depuis l'établissement de la Royauté
jusqu'à la chute de Samarie en 722
Tous les peuples sémites, qui de l'état nomade avaient passé
à l'état sédentaire, av^aient adopté le système de gouvernement
monarchique. Les Hébreux aussi commençant à comprendre,
que, pour se maintenir au milieu de peuplades hostiles, il leur
fallait réunir leurs forces, sentirent le besoin d'avoir à leur
tête un chef unique et une institution stable. Ils demandèrent
à Samuel l'établissement de la royauté, (i Sam., VIII-IX.)
Jusqu'alors Jahvé lui-même avait directement assumé la con-
duite de son peuple choisi. Il avait appelé Abraham, et sous-
trait les descendants du patriarche à la tyrannie égyptienne ; il
leur avait communiqué son code d'alliance au Sinai. Plus
récemment, il avait suscité des Juges, pour tenir en quelque
sorte, encore que de façon intermittente, la place du pouvoir
central théocratique.(LAGRANGE, Juges, pp. 36, 37.) La demande
parut donc témoigner d'un manque de confiance dans cette
Providence spéciale, qui avait prouvé sa sollicitude constante
pour la race élue, (i Sam., \^III, 6-8.) Mais Dieu, pour dispo-
ser le cours des choses fortiter sed suavité?', laisse de préfé-
rence se déployer les énergies déposées dans les causes se-
condes; Il octroya aux Israélites l'organisation que les cir-
constances semblaient rendre nécessaire selon le calcul
humain. (VIII, 22, IX, 16.)
Désormais une double autorité régira Israël : le sacer-
doce et la royauté; toutefois, Jahvé fera comprendre
40 DEPUIS L ÉTABLISSEMENT DE LA ROYAUTE
par un organe dépendant directement de Lui qu'il en-
tend maintenir la théocratie comme régissant formellement
son peuple. A côté du prophétisme organisé comme profes-
sion, et qui trahira trop souvent des v'isées de politique
humaine, Dieu suscitera, par un ordre directement intimé à
ses élus, des hommes qui rappelleront au peuple et même à ses
rois et à ses prêtres, les exigences jalouses et saintes, qu'est en
droit de poser Celui qui s'était choisi Israël pour son épouse.
Il ne tolérera pas ce qu'il appelle « ses prostitutions » et tou-
jours Il lui fera entendre quejahvéest le Dieu dont Israël est
le peuple.
Saùl. Après la défaite, infligée par Saùl de Benjamin et Jonathas son
fils, aux postes philistins de Gibéa et Michmas, Saûl, que Dieu
avait désigné (i Sam., IX-X), devint roi, et son autorité s'éten-
dit sur la nation entière, à l'Est sur Galaad, au Sud surjuda
(qui jusqu'alors avait dû subir le joug philistin) et sur les oppres-
seurs voisins : Moab, Ammon, Edom, Philistins, Amalécites
et le royaume de Sobah.
Nous sommes arrivés à la première moitié du onzième siècle.
Parmi les fidèles serviteurs de Saùl se trouvait David
de Juda, qui se lia de l'amitié la plus étroite avec le rils
du roi, Jonathas, au point que celui-ci « l'aima comme
son âme w. (i Sam., XVIII, i, 3.) Saùl, toutefois, fut
jaloux des succès de celui que Jahvé avait destiné à lui succé-
der (i Sam., XIII, XV, XVI), et David, pour échapper aux
embûches de Saùl, se retira un an et quatre mois chez les
Philistins, dont le roi fAkkis de Gath récompensa ses services
en lui donnant Ziklag, au Sud-Ouest de Lachis. (i Sam.
XXVII.) Mais les Philistins, qui méditaient une campagne
contre Israël, se méfièrent de David et forcèrent Akkis à le
renvoyer. Il retournait à Ziklag, lorsqu'il apprit que les Ama-
lécites avaient pillé sa ville; il les poursuivit et leur reprit tout
le butin. Pendant ce temps les Philistins attaquèrent les tribus
du centre. Saùl et Jonathas furent défaits et tués au pied des
monts de Gelboë dans la plaine de Jezréel. Cette défaite fut
pleurée dans l'élégie de David sur Jonathas et Saùl. (2 Sam., I.)
« C'est un de ces morceaux c^ui portent avec eux le cachet de
jusou'a la chute de samakie 41
rauthenticité ; la force et la délicatesse des sentiments, la
beauté de leur expression, la rare saveur poétique et guerrière
de tout le morceau se sentent suffisamment sans qu'il soit be-
soin d'un commentaire esthétique. » (Dhorme, Les livres de
Samuel, Paris, Gabalda, i()io, pp. 276 et 278).
Isbaal, fils de Saûl, soutenu par les partisans de sa maison,
lut établi roi sur toutes les tribus d'Israël, excepté la maison
de Juda qui obéit à David, Celui-ci régna à Hébron sept ans et
six mois. Mais Isbaal avant été assassiné, toutes les tril)us se
soumirent à David.
Les Philistins, inquiétés par cette réunion de tous les clans David.
Israélites, tentèrent plusieurs incursions; ils furent défaits et
perdirent leur capitale Gath (à l'Est d'Asdoud), ainsi que les
villages de son ressort; après quoi David s'empara de Jérusa-
lem, la citadelle des Jébuséens, dont il fit sa capitale (i). Jéru-
salem était admirablement située et les Jébuséens en étaient
bien conscients quand ils faisaient dire à David que les aveu-
gles et les boiteux suffiraient à le repousser (2 Sam,, V, 6).
Elle ne comportait à ce moment là que la partie méridionale de
la colline orientale (plus tard la ville englobera aussi la colline
à l'occident du Tyropéon) « entre le mur S. actuel du Haram
et l'escarpement qui domine le confluent des vallées du Tyro-
péon et du Cédron ». C'est dire que « ce coteau était enserré
de toutes parts, le Nord excepté, par des vallées profondes ».
(Cfr. ViN'CENT, Jérusalem, tome i^"", Paris, Gabalda, 1912,
p, i63.) D'autre part, Jérusalem, à raison de sa position plus
centrale, convenait mieux qu'Hébron comme capitale. Ces
succès permirent à David de s'étendre encore. Il soumit
MoaV), défit Hadadézer de Sobah (qui lui-même avait assujetti
le royaume svrien de Hamath), et les Iduméens, qui avaient
profité de cette guerre ponr razzier [uda, furent anéantis
dans la vallée du Sel, au Sud de la mer Morte, (2 Sam.,
VIII,)
M. Maspero {Hist. aiic, pp, 386-89) dit : « Quelques an-
nées d'une politique habile, avaient transformé les Hébreux
(i) Cfr. DuoKMK, Les Livres de Samuel, pp. 3j(i, 817.
42 DEPUIS l'Établissement de la royauté
en conquérants. Leur autorité était respectée des bords
de rOronte au torrent de l'Egypte, et aux rives de ia
mer Rouge. Moab, Edom, Ammon relevaient directement
de leurs officiers ; les Philistins fournissaient le froment et
l'huile à la table royale; la Phénicie leur offrait ses
bois précieux et leur prêtait ses artistes. Zobah, Hamath et les
Etats de l'Aramée leur payaient redevance. Leur royaume en
arrivait presque à être un empire, mais il était étriqué, mal né
et peu viable... » Déjà sous David les Ammonites s'entendirent
avec Hadadézer de Sobah et soulevèrent la Syrie. Mais ils
furent défaits. La Syrie avait donc momentanément trouvé son
maître. Définitivement dominateurs en Mésopotamie, les Assy-
riens (i) avaient essayé au commencement du XL siècle d'éten-
dre leur domination sur la Syrie ; mais les Hittites confédérés
non loin de Karkémisch avaient infligé vers 1060 à Asournazi-
rabal II une défaite qui pendant quelque temps devait tenir les
Assyriens au delà de l'Euphrate. Ceux-ci ne songeaient donc
pas en ce moment à intervenir sur les territoires svriens et
l'Egypte usait les restes de son énergie d'autrefois dans des
querelles intestines.
(i) Sous le règne de Samsou-ditana, dernier l'oi de la première dynastie
babylonienne, une invasion de Hittites avait jeté le trouble dans les pays
d'Akkad, et une autre dynastie dite « du pays de la mer » était montée sur
le trône de Babylouie. Mais cette deuxième dynastie n'eut qu'une domina-
tion éphémère. Elle fut remplacée par les Kassites venus de lEst, et
Gandis, qui concjuit Habyloue, inaugura cette nouvelle dynastie, laquelle
commença vers 1800 et resta au pouvoir jusque vers 1178.
Les villes d'Asour et de Ninive se rencontrent déjà dans le code de Ham-
mourabi. Mais les premiers souverains assyriens en lutte contre les tribus
indisciijlinées voisines, n'ont guère laissé de vestiges de leur puissance.
Avant le quinzième siccle, Babel et Asour fixaient à l'amiable leux-s do-
maines respectifs. Avec Adad-Nirari I (vers iSaS-iagoi commencent les
textes historiques de <iuelque étendue, et Toukoulti-Xinib I d'Assyrie
(vers i26o-ii>4o) inaugura la série des annales des rois d'Assyrie, qui vont
jus(|u'ii la chute de Ninive en 601. Toukoulti-Ninib est vainqueur de Baby-
lone et sous Téglath-Phalasar I, vers 1 100, la puissance du peuple assyrien
est sans rivale. Mais l'expansion extérieure de l'Assyrie sex*a arrêtée
encore (juelque temps par l'opposition des racesd'Asie Mineure; à plusieurs
reprises ses voisins, surtout les Babyloniens, tâcheront de lui ravir sa
suprématie; néanmoins ces moments de crise seront courts et longtemps
elle en sortira victorieuse.
jusqu'à la chute de sa.marie 43
Tant que vécurent David et ses généraux, Joab surtout, les
positions turent maintenues, mais les Hébreux préférèrent céder
à leurs inclinations d'agriculteurs et retomber dans les petites
rivalités de tribu à tribu. La puissance hébraïque devait cesser
presque d'elle-même, sitôt ces grands chefs disparus. (Voir la
carte du royaume hébreu à l'époque de David dans Maspero,
II, p. 732). A la fin de sa vie, David associa au trône Salo-
mon, fils de Bethsabée, femme d'Urie le Hittite, aux dépens
d'Adonias son quatrième fils, né de Khaggit. (i Reg., I)
Salomon, par un mariage, s'allia avec le pharaon d'Egypte salomon.
(i Reg., III, i) et, en guise de dot, les Egyptiens réduisirent à
son profit la ville cananéenne de Gézer, libre juscjue là. (IX,
16 ss.) Depuis l'époque de l'exode la Bible ne fait plus mention
de l'Egypte. Après Ramsès III (qui d'après les inscriptions du
temple de Medinet-Habu bâti par lui, fit sentir sa suzeraineté
par ses campagnes dans la Syrie du Sud), le déclin de sa dynastie
fut brusque. Les rivalités entre les dynasties thébaines et celles
du delta, qui se manifestèrent sous la dynastie suivante (XXP,
1080-950), doivent avoir empêché toute intervention efficace
au dehors. Le papvrus Golenischeff, daté de la cinquième
année du dernier Ramesside, — Ramsès XII (environ 11 25), —
nous apprend que Wenamon, un envoyé du pharaon-pontife
Hrihor auprès de Zekarba'al, roi de Byblos, exige de celui-ci
du bois du Liban pour la construction d'une baraue d'Amon,
sous prétexte que la terre et la mer et le Liban appartenaient à
Amon, et par conséquent à l'Egypte. La réponse de Zekarba'al
est raide : ses ancêtres n'ont jamais fourni que mo3-ennant
paiement, ce qui signifie que rEg3^pte n'a pas de prétentions
juridiques et politiques à émettre, qu'elle n'a qu'à traiter par
voie commerciale.
A l'époque de la royauté chez les Hébreux nous voyons
les Egvptiens rentrer en scène. Le premier livre des Rois,
XI, 14-22, nous parle d'un certain Addad de souche
royale des Edomites, qui, lors d'une victoire de David,
se réfugie chez le pharaon d'Egypte et finit par devenir son
gendre. On peut conclure de là que l'Egypte n'était pas indifte-
rente aux événements {politiques de la Palestine et la suite de
44 DEPUIS l'établissement de la royauté
l'histoire d'Israël nous en donnera la preuve manifeste (i).
Salomon témoigna des égards particuliers envers sa femme
égyptienne, puisque nous voyons qu'il lui construit une habitation
semblable à la sienne. iVII, 8.) Il bâtit le palais royal et le tem-
ple avec les matériaux que lui avait fournis en partie Hiram de
Tyr. Il construit aussi le Millo. (IX, g, 24,) Ce Millo est en rela-
tion avec la ville de David et on le bâtit pour protéger un en-
droit où la ville de David pouvait être accessible, car, en le
construisant, Salomon ferme la brèche de la cité de David son
père, et comble un gouffre ou une dépression compromettante
pour la sécurité de la ville/{i Reg., XI, 27.)
Au vers. 5 de 2 Chron., XXXII, le mot dyoiXr^y.ij,y. rend
l'hébreu vbD . C'est une traduction heureuse qui doit signi-
fier : « un remplissage w, et de nom commun il peut être devenu
nom propre. Le Millo était donc probablement une tour mas-
sive de matériaux entassés, supportant une autre tour habitée,
système qui répond à celui de la construction des tours Phasael
et Hippicus, telles que les décrit Josèphe. A l'entrée du Tyro-
péon, vers la porte actuelle des Maugrebins au Sud-Ouest du
temple d'Hérode,il y avait un point faible pour la cité de David.
C'est probablement à cet endroit que, insérée dans les rem-
parts, cette tour aura été un point de défense du côté alors
septentrional de la ville. Après Joas on ne parle plus du Millo;
il disparait antérieurement à la captivité (2).
Salomon ne conserva pas intact le domaine de son père ;
ridumée se souleva contre lui; Rezon de Sobah s'empara de
Damas. Mais Moab et Ammon se tinrent tranquilles et Tyr bri-
gua l'alliance du roi de Juda. Il fut d'ailleurs habile administra-
teur ; il fortifia plusieurs villes : Mageddo, Hazor (à l'Ouest du
lac îloulé), Gézer, les deux Béthoron (au Nord-Ouest de Jéru-
salem), Tamar (au Sud d'Hébron); entoura Jérusalem de
murailles, et, comme la situation de son royaume barrait la
route de l'Afrique, — commandant ainsi les deux grands mar-
chés du monde : l'Egypte et la Chaldée — outre les droits de
(1) Voir Albrecht Ar,T, Israël und Aegypten, Leipzig, Iliiirichs, 1909,
pp. 13-19.
!2) l'ne étude scientifique et exhaustive du Millo e.st donuée dans
Vincent, Jérusalem, tome l. Paris, Gabalda, 1912, pp. 171- 187.
jusqu'à la cuite ni: samariI' 45
péage auxquels il astreignait les caravanes, il se réserva encore
le monopole de divers produits égyptiens : fils, chars, che-
vaux (i;. Il eut une flotte équipée par Hiram de Tvr à
Eziongaber, ciui alla chercher au pays d'Ophir (2) toutes
sortes de produits rares et curieux.
David et Salomon avaient réduit les éléments du royaume
de Juda en une masse homogène; mais le royaume qu'ils
avaient édifié péniblement ne reposait que sur eux, comme
nous l'avons tait remarquer, et eux avaient été favorisés par
les circonstances.
Roboam, fils de Salomon, ne voulant pas libérer le peuple LeSchisme.
des charges que lui avait imposées Salomon, les tribus, à jérobcmni.
l'exception de celle de Juda, l'abandonnèrent et prirent pour
roi Jéroboam, (i Reg., XII, 1-24.). Celui-ci avait reçu d'Achias,
le Vovant, l'annonce de sa future royauté; il s'enfuit aussitôt
en Egvpte aupiès de Sheshonq et y demeura jusqu'à la mort
de Salomon. (i Reg., XI, 26 ss.) Celui-ci décédé, Jéroboam
revint aussitôt et, une fois roi, bâtit Sichem et établit des
veaux d'or à Dan et à Béthel. (i Reg., XÎI, 25 ss.) On repré-
senta souvent Jahvé en veau de Hadad, dieu principal de la
Syrie, dont le nom propre a été remplacé par celui de Baal. Il
est le Baal par excellence, le Baal du ciel et spécialement de
l'orage (3). L'application de ces attributs à Jahvé était facile.
(i Reg., XII, 28.) Ne s'était-il pas manifesté au Sinaï au milieu
des éclairs et des tonnerres? Aussi ce culte des veaux allait-il
s'ancrer dans les mœurs de ce peuple charnel et matériel et les
prophètes auront toujours à le désavouer (4). L'un des griefs
(i) Maspero, Histoire ancienne, p. 'Myi.
(2) « Ou remplirait iiue bibliothèque rieu qu'avec les traités qu'où a
écrits sur l'euiplatement du pays d'Ophir. Ou a voulu le placer en Arabie,
sur la cote d'Afrique, eu Perse, dans l'Inde, à Java, et jusqu'au l'crou. Les
noms du bois d'Almoug,- des paons, paraissent être d'origine indienne, et
ont fait pencher la balance en faveur de l'Inde. Il se pourrait cependant
qu'au lieu d'aller chercher ces objets dans l'Inde même, les matelots de
Salomon les aient trouvés dans un des nombreux comptoirs de la cote
d'Afrique, qui ont pu être en rapport avec l'Inde depuis une haute anti-
quité ». \[aspero. Histoire ancienne, pp. 892, 898, note .'1.
(Z)E.R.S'.,^.^.
\) P.ex.0sée,XIII,2.Cfr.N'AN \\OoWCKi:ïi,Len dou-e petits prophètes, \i.\^iO.
46 DEPUIS l'établissement de la royauté
les plus graves imputés à Salomon fut l'introduction des fausses
divinités, due à des motifs de harem ; Roboam eut pour elles la
même tolérance que son père.
La cinquième année Ûe son règne nous assistons à une inva-
sion de Sheshonq. (i Reg., XIV, 25 ss., 2 Chron., XII.) Les
documents nous manquent pour expliquer ce changement
d attitude de l'Egypte vis-à-vis du royaume hébreu. N^ous avons
déjà constaté l'accueil donné à Jéroboam à la fin du règne de
Salomon par ce même Sheshonq; en ce moment la bonne en-
tente est entièrement rompue. Changement de règne, et peut-
être de dynastie (la vingt-deuxième était d'origine lybienne et
s'était installée dans le delta en faisant de Bubaste sa résidence,
pendant que Thèbes était en pleine décadence), manque d'ob-
séquiosité de Salomon, soumission des Philistins au joug juif,
autant de causes probables qui faisaient sentir à l'Egypte
l'affaiblissement de son autorité et lui firent chercher une oc-
casion nouvelle de la faire respecter (i). Roboam dut épuiser
pour sa rançon le trésor du temple et du palais royal. « Ce ne fut
ni périlleux, ni long, ni glorieux, mais il y avait deux cents ans
et plus, remarque M. Maspero (II, pp. 772, 773), qu'un pha-
raon n'était revenu si riche des contrées situées au-delà de
l'isthme ; l'Egypte entière estima que son maître avait fait mer-
veille )), L'exploit fut enregistré sur la muraille Sud du temple
d'Amon à Karnak ; on y voit le roi saisissant par la chevelure
un groupe de Juifs vaincus (dont chacun représente une ville
captive) et brandissant sur eux sa massue (2). Semblable expé-
dition ne se renouvela d'ailleurs pas de sitôt.
Abias, Asa. Le successeur de Roboam, Abias, n'eut pas un long règne,
mais son fils Asa régna 41 ans. (i Reg., XV, 10.) Le second
livre des Chroniques, XIV, nous parle d'une guerre qu'il dut faire
contre les □îi'ID et dont il sortit vainqueur. Si les pha-
raons des dix-huitième et dix-neuvième dynasties avaient dû à
maintes reprises faire des incursions dans les petits royaumes
de Palestine et de S3rrie pour y maintenir leur suzeraineté, leurs
(i) Cfr. Ai/r, op. laud.,\y. 2.5.
(2) Cfr. liAKDKKEK, Egypte, Ujo8, p. 261.
jusqu'à la chute de SAMAKIE 47
successeurs de la vinf^t-deuxième, les Rubastides, virent celle-
ci devenir purement théorique. Le silence des quelques inscrip-
tions hiéroglyphiques de cette époque et celui des livres des Rois,
après l'invasion de Sheshonq, sur toute intervention égyptienne
en Palestine et en Syrie, donnent bien à entendre que les Eg3'p-
tiens ne pouvaient guère songer à dépenser dans ces parages
des Ibrces, dont ils n'avaient que trop besoin dans le delta.
Les prêtres thébains et les roitelets héraciéopolitains, ainsi
que ceux du delta, disputèrent à nouveau au pharaon une au-
torité trop autocrate; l'état se divisa derechef en petites prin-
cipautés et la vingt-troisième dynastie tanite, si elle ne sup-
planta pas entièrement la précédente, semble du moins l'avoir
coudoyée.
Lorsque par la bataille de Karkar en 864, les Assyriens vou-
dront s'emparer de la Syrie, les Egyptiens ne figureront pas
parmi les opposants (i).
Si d'une part on se dit que la puissance ass3Tienne n'était
pas encore assez assise pour donner le ton à la Syrie et d'au-
tre part qu'à ce moment l'Egypte a dû se désintéresser de la
politique syrienne et palestinienne, on comprend que dans ces
pays il y eut des puissances autochtones qui se soient renlbr-
cées et se soient disputées la domination de la Syrie.
Sur l'ensemble de cette situation semble donc trancher le
récit de 2 Chron.,XIV, où les LXX nous parlent d'une invasion
éthiopienne (A'.'6'io-ci;) ; et c'est en se basant sur cette inter-
prétation que plusieurs auteurs ont vu dans le Zérach du récit
des Chroniques, le successeur de Sheshonq : le pharaon
Osorkon L Mais, outre que cette interprétation évoquerait une
situation qui semble en contradiction avec les circonstances
historiques, telles qu'elles nous sont connues à cette époque sur
l'Egypte etl'Ethiopie, il est à remarquer que l'ensemble repose
sur une erreur de traduction. Il serait tout d'abord phi-
lologiquement difficile de retrouver dans n"iT Osorkon.
Ensuite, dans '^"^2 et □""^ID il ne faut pas voir nécessaire-
ment l'Ethiopie et les Ethiopiens, mais bien la région de
Cousch dans l'Arabie du Sud (2]. Quant aux Lybiens de
(i) Masi'KRO. III, p. 71, note i.
(2) « Le plus souveut sous le uom de Chus, iju'ou traduit par Ethiopie,
48 DEPUIS l'établissement de la royauté
2 Chron., XVI, 8, ils doivent avoir été amenés par 2 Chron.
XII, 3 (i). Un aperçu svnthétique sur l'histoire des deux
états juifs séparés nous aidera à mieux comprendre la portée
des divers événements. M. Maspero s'est chargé de le tracer
très nettement.
ce Les deux royaumes subsistèrent donc Juda, malgré sa
petitesse, malgré son désastre récent, n'était pas trop inférieur
au plus vaste Israël : David puis Salomon avaient pétri si éner-
giquement les éléments dont il se composait, Kaleb, Kaîn,
jerakhméel et les clans judéens, qu'ils les avaient réduits en
une masse homogène, groupée autour d'une capitale et d'un
sanctuaire magnifique, pénétrée d'une admiration et d'une fidé-
lité p)rofondes pour la famille qui l'avait faite ce qu'elle était.
Le malheur ne refroidit point son zèle : il se serra autour de
Roboam et de sa race avec une constance qui leur permit de
durer, quand leurs rivaux plus riches s'usaient et se ruinaient
sous leurs yeux. Jéroboam, en effet, et ses successeurs ne
trouvèrent jamais dans leur peuple qu'un appui incertain et un
dévouement médiocre; leur autorité se heurta sans cesse aux
tendances séparatistes des tribus, et ils ne parvinrent à la main-
tenir que par la force. Jéroboam avait emprunté les cadres
d'une armée aux garnisons éparses à travers le pays, et il en
casernait les éléments les plus vigoureux dans sa résidence de
Thirza lorsqu'il ne l'occupait pas à quelque entreprise contre
Juda ou contre les Philistins. Ses descendants imitèrent son
exemple, mais cet appareil militaire ne leur offrait que des ga-
ranties de sécurité médiocre. Ils étaient littéralement à la merci
de leur garde, et ils ne régnaient qu'au gré de sa loyauté ou de
il faut entendre le pays qui est sur les côtes orientales de la nier Rouge et à
la pointe de cette nier joignant lEgypte...
« Le nom de Chus qu'on traduit d'ordinaire par Ethioi)ie se donne à ti'ois
pays différents les uns des autres : i» au pays de Chus sur le fleuve Gehou
(l'Araxe ([ui prend sa source dans lesinontagnes d'Arménie et se jette dans
la mer Caspienne); 2» au pays de Chus sur la rive orientale de la mer Rouge;
3<» au pays de Chus situé au dessus de la Thébaïde et de la Haute Egypte;
et faute de distinguer ces ternies on est souvent tombé dans des fautes
considéraljles ■>. Sic Calmkt, Dict. Jii.st.. t. II, au mot Ethiopie. {). 444-
(i) Cfr. Alt. op luiid., pp. SG-Sg. — (xESKXIUS, Hebniisches and Aramiiï-
sches Ilandivorterbnch, i4""" éd. Buhl. au mot '^IJ-
jusqu'à la chute de SAMARIE 49
ses caprices ; le premier ambitieux sans scrupule avait bientôt
lait de débaucher ses camarades, un coup de poignard envoyait
le souverain du moment rejoindre ses prédécesseurs dans la
tombe, et le chef du complot s'asseyait sur le trône en son lieu.
Les caractères propres à chacun des royaumes s'accusèrent
aussitôt après la retraite des Egyptiens. La guerre s'alluma et
se perpétua entre eux, sans trêve ni merci )i. (Maspero, II,
PP- 11^^ 77^'^)-
Nadab, fils de Jéroboam, assiégeait Gibbethon, place forte Nadab
que Philistins et Juifs se disputaient toujours (i), lorsqu'il fut Basa.
assassiné par Basa après deux ans de règne. Celui-ci attaqua
Asa de juda (la trente-cinquième année du règne de ce dernier,
2 Chron., XV, ig), petit-fils de Roboam, et s'empara de Rama.
Comme cette place commandait au Nord les routes qui abou-
tissaient à Jérusalem, elle était aux mains des Israélites (2)
une capture de première importance contre le royaume du
Sud ; aussi Basa eut-il soin de la fortifier.
Asa appela à son secours Ben-Hadad I de Damas (3) qui
était d'abord allié de Basa (i Reg., XV, 19). Le Syrien accepta
(i) La piiblicatiou du « Palestine exploitation fouud » : Naines andjjluces
in the OUI and \ew Testament and apocrypha. S""*^ édition, Londres, 1908,
p. lig. identifie Gibbethon avec le village moderne de Kibbieh à l'Ouest de
Tininathali ou Tibneh.
(2) Dans la suite jusqu'à la chute de Saniarie, nous entendrons par Israé-
lites ou Israël à moins d'indication contraire, les habitants du royaume
du Nord.
i'i) Jusqu'au douzième siècle Damas avait été occupé par les Amor-
rhéens; les Araméens s'en étaient emparés alors.
Le royaume d'Aram-Soba (au Nord de la Palestine, entre TEuphrate à
l'Est et rOronte à l'Ouest) avait aspiré à l'hégémonie de la Syrie. Il i)erdit
la partie contre David (jui avait soumis les États du Hauran et ceux qui y
conl'inaient: Maakah.Gessour. Damas. Mais David à peine mort, un certain
Ilezoït les affranchit. 11 avait fait ses premières armes sous Iladadézer, roi
de Soba. Son maître battu, il guerroya pour son propre compte, prit Da-
mas et recueillit la succession des princes de Soba dans les vallées du
Litany et de l'Oronte. L'unité hébraï<iue rompue, il fit de Damas l'Etat pré-
pondérant dans les régions du Sud et du centre. Tandis que les luttes intes-
tines affaiblissaient Juda et Israël, les successeurs de Rezon, Tabrimmon
puis Hen Iladad I s'agrandissaient en Coelé-Syrie, ils soumirent llamath,
les vallées du désert qui s en vont au Xord-Est dans la direction de l'Eu-
phrate et ils obligèrent plusieurs des rois hittites à leur prêter hommage.
5o DEPUIS l'Établissement de la royauté
l'offre du roi de Juda et réduisit les villes de la Galilée. Asa
démolit alors Rama et avec les débris il bâtit les deux cita-
delles de Mizpaet Géba. (i Reg,, XV, 18-22.)
Ela, Zamrl, Après un règne de deux ans, Ela, fils de Basa, fut assassiné à
Omri Tirzah par Zamri qui commandait la moitié de sa cavalerie. En
ce moment l'armée d'Israël était en guerre avec les Philistins
devant Gibbethon. Elle acclama comme chef Omri, et Zamri,
après un règne éphémère de sept jours, mit le feu au palais
royal à Tirzah et s'y brûla.
Omri eut à lutter d'abord pendant quatre ans contre un com-
pétiteur de nom Thibni, fils de Ginath. (i Reg., XVI,, 8-22.)
Sichem (i Reg., XII, 25), Tirzah d Reg., XV, 21) Pnouel
(i Reg., XII, 25, rive gauche du Jabbok), Rama (XV, 17)
avaient tour à tour servi de résidence aux rois d'Israël. Après
avoir résidé pendant six ans à Tirzah, Omri s'installa au Nord-
Ouest de Sichem et du mont Ebal et bâtit Samarie(i Reg.,
XVI, 24), qui devint, grâce à sa position, le centre de résistance
en Israël. Elle s'étalait (i) sur la croupe d'une colline arron-
die, qui se dressait au centre d'un bassin large et profond et se
reliait aux hauteurs environnantes par une crête étroite.
« L'acropole de la ville antique », dit Guérin (2), « s'élève
comme par étages successifs, avec des rampes doucement
ménagées, jusqu'à un plateau supérieur d'où la vue est très
étendue, »
Il est probable, à juger d'après l Reg., XVI, 25-26, qu'Omri
éleva un temple à Jahvé, représenté par le veau d'or. (Cfr.
Amos, VIII, 14.) Omri se vit enlever plusieurs villes de Ga-
laad, entre autres Ramoth, qui surveillait les gués du Jabbok et
du Jourdain, par Ben Hadad I et arracher par les Syriens un
quartier spécial de Samarie où ils pouvaient exercer leurs mé-
tiers et adorer leurs dieux sans contrainte, (i Reg., XX, 34.)
Pour se dédommager, il établit sa suprématie sur }uda. Il sou-
mit les cantons du Sud- Ouest, perdus depuis Salomon, conquit
le pays de Madaba et imposa à Moab un fort tribut, comme
(i) Maspero, II, p. 780.
(2) La Terre Sainte. . . l'^ partie. Plon-Nourrit, Paris, 1884. p- 270.
jusqu'à la CIIITTE DE SAMARIE 5l
nous l'apprend la stèle de Mésa. (Voir plus loin) (i.) Il maria
son fils Achab à Jézabel, fille d'Ithobaal, roi de Tyr. Cette
alliance devait donner aux deux Etats la persuasion que leurs
relations resteraient amicales, ce qui constituait une sécurité
pour l'un et l'autre.
Les lettres de Tell-el-Amarna nous parlent de Tyr, Sidon, jyr.
Byblos, et nous montrent la Phénicie dans les mêmes rapports
de vassalité, plus ou moins réelle, que ceux des autres peuples
palestiniens. Comme eux, elle se rendit indépendante de
l'Egypte vers l'époque de l'occupation israélite et sa ma-
rine cingla en dominatrice les côtes de la Méditerranée,
non seulement pour y établir des comptoirs, mais pour
y occuper le sol, même assez avant dans les terres.
Nous avons vu que ce sont les Phéniciens qui fondèrent
Carthage (au huitième siècle) (21. Après Hiram I, qui avait
porté la grandeur de Tyr à son apogée, le même esprit de dis-
corde qui agitait les Hébreux avait soufflé sur elle. Le succes-
seur d'Hiram, Baalbézer, régna six ans; Abdastart qui vint
après lui périt dans une émeute : les quatre enfants de la nour-
rice d' Abdastart tuèrent celui-ci, leur frère de lait, et déférèrent
la couronne à l'aîné d'entre eux. Ils restèrent douze ans au
pouvoir; leur administration brutale et maladroite fit émigrer
l'aristocratie dans les colonies d'outre-mer qu'ils soulevèrent
contre la métropole. Une révolution chassa l'usurpateur et rap-
pela l'ancienne lignée royale, sans restituer à Tyr la tranquillité
dont elle avait besoin. Les trois fils survivants de Baalbézer:
Méthouastart, Astarym et Phellès, se succédèrent rapide-
ment et le dernier périt après huit mois, assassiné par son
cousin Ithobaal. Celui-ci saisit avec empressement l'oftre
d'Omri. Les Israélites (tribus du Nord et du centre) jusqu'alors
réfractaires au mouvement de civilisation matérielle, se poli-
cèrent au contact de Jézabel, au moins dans les classes supé-
rieures et la bourgeoisie ; la royauté devint un peu moins pay-
(i La réputatiou d'Omri lut telle que lors même qu'aura disparu sa
lignée, les Assyriens désigneront encore le royaume d'Israël du nom de
« Bit-Umri ».
(2) LAGRANX.K, E,R. 5^, pp. 57-59.
52 DEPUIS l'Établissement de la royauté
sanne et se rapprocha davantage de ce qu'elle était dans les
autres monarchies syriennes, à Damas, à Hamath, à Sidon, à
Tvr et dans Juda. Jézabel introduisit le culte des divinités phé-
niciennes qui eurent leurs temples et leurs bois sacrés à Sa-
marie (i). Ces cultes suscitèrent la violente opposition du
(i) Au premier rang se trouvent les 6a«/.s, dieux locaux considérés com-
me exer<;aut une domination réelle sur les endroits où ils étaient honorés :
Baal Sidon, Baal-Libanon, Baal-llermon. Les Ijaals des montagnes et des
sources sonl fréquents. Parfois aussi le baal est déterminé par une éi)ithète
et, comme tel, s'entend de celui (jui ])ossède certaines qualités et préside
à certaines actions, par exemple : Kaal-.Marplié ou P>aal guérisseur; Baal-
Zeboub ou Baal chasse-mouches; Baal-Manjod ou Baal qui préside aux
danses sacrées.
Le dieu cananéen Hadad est, de l'aveu de tous, le dieu i)riucipal de la
Syrie. Il est le baal i)ar excellence, le baal du ciel, et spécialement le dieu
de l'orage, d'où son surnom de Rammàn ou Tonitruant. Or la Bible parle
souvent d'un baal par excellence, que rien n'oblige à regarder comme le
propre baal de Tyr. et dont les attributs ressemblaient assez à ceux de
Jahvé. dieu du ciel, j)Our qu'on ait mêlé au culte de Jahvé. le culte de Baal,
et même rej)résenté Jahvé sous l'image d'un taureau; le taureau de Iladad.
C'était i)Our les Egyptiens le dieu i>ar excellence des Asiatiques ou des
Sémites de l'Ouest. {E. R. S', pp. 83 9: .)
Vient ensuite le dieu M L K (jue la bible réprouve comme une fausse
divinité et dont le culte se caractérise parles sacrifices humains et les sa-
crifices par le feu. (I.ev., XVIIL 21. XX,2-5; 2 Reg.,XXIII, 10; .Ter. XXXII,
35.)
Il est incontestable (lue le nom de « melek » ~.y2 '■ régner) est à l'ori-
gine un nom commun; mais il est devenu, plus encore ([ue le bagl, le nom
d'un dieu particulier et il a été ponctué par les Massorèies « Molek », sur le
thème '< Bocheth »: objet infâme. (LXX, Mo/ox.) Il désigne cette divinité
sinistre du monde inférieur, du schéol, censée peupler .son empire parla
maladie, la peste, la famine, la guerre, qui ne lâchait prise <iue lorsque des
victimes de choix lui étaient offertes avant le temps normal de leur décès,
par conséquent toutes jeunes. Les sacrifices humains étaient d'ailleurs
considérés par les Hébreux comme un usage des Cananéens. C'est chez ces
derniers que nous trouvons des traces assez évidentes de la personnalité
de ce dieu, dont la prononciation <' Milk » nous est révélée dans les lettres
de Tell-el-Amarna. Milk avait un rapport spécialavec Byblos. Les auteurs
classiques ont fréquemment noté la coutume barbare des Phéniciens et
des Carthaginois d'immoler les enfants par le feu. (E. R 5-., pp. iig-iog.)
Achéra-Anlarté. Comme il y a un maitre, il y a une maîtresse; pour
tons les Sémites la déesse est surtout la dame, comme le dieu était le
seigneur : Baal.
Achéra dans la Bible est le nom d'une déesse et aussi d'un pieu sacré.
Acliéra était une déesse cananéenne dont le culte fut connu à Babylone, au
moins dès les temps d'IIammourabi, et c est précisément au pays de
Canaan, dans les lettres de Tell-el-.\ marna (^ue le nom de la déesse a
jusqu'à la chute de samarie 53
prophète Elie de Thisbé et de son disciple Elisée, (i Reg.,
XVII-XIX, XXI, 17-29, 2 Reg. I-II, 14.)
A la mort de Ben Hadad I, Achab rompit son vasselage et Achab
battit le nouveau roi de Damas Adadidri (aussi appelé
Ben-Hadad dans la Bible) (i) à deux reprises, une première
fois sous les murs de Samarie, que le roi de Damas était v^enu
assiéger avec trente-deux rois, des chevaux et des chars
innombrables, alors que Achab n'avait que sept mille hommes
à lui opposer, — et l'année suivante, dans la plaine de Jezréel,
d'abord été relevé. Ses origines, pour obscures (qu'elles soient, sont liées à
celles du dieu Acliour. Celui-ci a eu de hautes destinées comme la divinité
suprême de la puissante monarchie assyrienne, mais il a complètement
disparu avec celle-ci.
Considérée comme presijue étrangère, — car dès le temps dllammou-
rabi elle est spécialement déesse des pays occidentaux, du pays de
Canaan. — n'étant dailleurs qu'un doublet du dieu Acliour. simplement
compagne du dieu sans personnalité bien distincte, elle s'effaça encore
plus tôt que le dieu, et à l'époque où nous transportent les livres bibliques,
la confusfon entre Acliéra et Astarté, commencée au temps d'el-Araarna.
devait avoir été complète; son nom d'Achéra n'était guère plus usité que
comme une épithcte d'Astarté, la grande déesse cananéenne.
Celle-ci figure, d'après la vocalisation massorétique. sous le nom de
« ."Vchtoreth » vocalisé également comme «. Boclieth »; les cunéiformes ont
Astartu, rendu par LXX 'Aarst^r»?. Elle parait dans la Bible comme la
divinité spéciale des Sidonieus (i Reg.. XI.5, 33; 2 Reg.. XXIII. i3.) D'après
I Sam., XXXI. 10. nous retrouvons son culte chez les Philistins.
Déesse de la guerre et de l'amour, son culte comportait les prostitutions
sacrées et l'institution des hiérodules mâles. La déesse-poisson d'Ascalon
Dercéto ou Atargatis. associée au dieu-poisson Dagon, à Azot (i Sam.,
V, 3, 4^ en est une modalité. Elle est le pendant de l'Istar assyrienne de
l'Aplirodite grecque, delà planète Vénus, et ce culte de l'étoile du matin
persista chez les .\rabes jus(iu'à l'aurore de l'Islam. E. R. S2 , pp. 119-140.)
Quant kl'Achéra : pieu-sacré, c'est un accessoire du culte, non l'objet du
culte C'est un tronc ou pieu sacré placé près de l'autel, non pas un boi''
sacré, comme le veulent les LXX : t« a/3»j et la Vulgate : « idolum luci »
et «luci ». Ce pieu sacré (jui porte le nom de la déesse doit être symbolique!
le plus vraisemblablement l'Achéra était une sorte de xoanon grossier'
une image <le la déesse dont la tète était peut-être à peine ébauchée et
dont le corps était un i)ieu fiché en terre; comme la stèle ou le bétyle a pu
<levenir le symbole du baal, l'.Vchéra figurait la déesse qui lui était unie-
(K. R. S^.. pp. iG<) 180, k4ss., 197 ss.)
(I) Voici la série des rois de Damas mêlés aux événements bibliques :
Hezion, probablement identique à Rezon fi Reg., XI. a'i), fondateur de
54 DEPUIS l'établissement de la royauté
près d'Aphek. Les Juifs eurent le droit d'occuper à Damas un
quartier particulier (comme les Damasquins en avaient un à
Samarie) et promesse fut faite de rendre les villes enlevées jadis
par Ben Hadad I. (i Reg., XX.) Toutefois, les citadelles de la
Pérée qui auraient dû être restituées aux Israélites ne semblent
pas avoir cessé d'être la possession des Damasquins et
Ramoth de Gilead continua d'inquiéter le royaume d'Israël
comme auparavant.
Damas demeurait, malgré tout, l'État prépondérant de la Syrie;
elle paraissait être en bonne voie d'opérer à son profit cette
concentration du pays que ni les Hittites, ni les Philistins, ni
les Hébreux n'avaient réussi à réaliser. Sa position géographi-
que lui donnait des avantages appréciables, mais les peuples
assyro-babyloniens vont l'empêcher de maintenir son hégé-
monie (i). Avec Salmanasar III d'Assyrie (86o-825), cepays
avait commencé à reprendre le dessus. Cinq années lui suffirent
pour anéantir l'Adini (Nord-Est d'Alep), entamer l'Ourartou
(au N'ord du lac Van) et confirmer dans l'obéissance les Etats
tributaires de la Syrie, mais Damas et Babylone étaient
demeurées indemnes. Adadidri, malgré son échec contre
la dynastie. C'est ce Rezou qui avait fait ses premièi'es armes sous
Hadadézer de Soba. battu par David.
Tab-liimmon. (i Reg., XV, i8.)
Ben-Hadad I, couteniporain d'Asa et de Basa, ii Reg. XV, i6 ss.)
Hadadézer ou Iladadidri, contemporain de Salmanasar et d'Acliab,
mort vers 845-842, nommé Ben-Hadad dans 1 Reg., XX.
Hazaël l'usurpateur (i Reg., XIX, i5et 2 Reg., VIII, 28), contemporain
de Salmanasar et des rois d'Israël Joram et.Iéhu.
Ben-Hadad II, son fils (2 Reg., XIII, 24), le contemporain du roi d'Israël
•loas.
Mariait
Ben Hadad III.
Rezon II.
Ha<ladé>;er, contemporain d'Achab, est bien le même que le prédécesseur
de Ilazaël. Il est le roi de Damas qui lutta à Karkar contre Salmanasar en
854. En effet, avec lui A-ka-ab-bu est mentionné avec deux mille chars et
dix mille soldats. Or les inscriptions assyriennes prouvent qu'il n'y a pas
d'intermédiaire entre Hadadézer et Hazaël. Donc le Ben-Hadad de 1 Reg.,
XX, est bien Hadadézer. C'est parce qu'il était roi de Damas que le récit
biblique l'appelle Ben Hadad, nom qui devenait une espèce d'api)ellation
génériciue.
(i) Voir sur la forte situation de Damas : Maspkro, II. pp. 787, 788.
jusqu'à la chute DIÙ samarie
55
Achab I Keg., XX, disposait néanmoins d'une puissance in-
quiétante : seigneur immédiat de la Coelé-Syrie et du Hauran,
il avait pu rassembler autour de lui dans une confédération
plus ou moins précaire Hamath, Israël, Ammon, des hordes
d'Arabes et d'Iduméens, Arad et les principautés de la Phéni-
cie septentrionale : Ousanata, Shianou, Irkanata. Douze sou-
verains avec Adadidri se trouvèrent ainsi avoir une armée de
près de cent mille hommes. Si ces divers peuples s'entendaient
à constituer un empire unique, l'Assyrie allait avoir un puissant
rival. Salmanasar III sortit de Ninive le 14 lyàr (avril-mai) 854,
reçut sur son passage la soumission de diverses peuplades, et
se heurta à l'armée d' Adadidri à Karkar (près de l'Oronte, au
Nord de Hamath ? site occupé probablement plus tard par
Apamée). Deux mille chars et dix mille Hébreux d'Achab prê-
tèrent main-forte à Adadidri (i). Quoique Salmanasar s'attri-
buât la victoire, l'action dut demeurer assez indécise.
A la suite de cette bataille, il eut à réprimer des révoltes des
Khâti et des Araméens ; il dut d'ailleurs renoncer au tribut payé
par la Syrie. De 853 à 85i, Salmanasar intervint dans des dis-
putes de dynasties en Babylonie, et si pendant ces démêlés
intérieurs de Salmanasar, les Khàti se fussent alliés à Damas,
ils auraient pu espérer rester délivrés de l'Assvrie. Ils eurent
le tort de s'isoler.
Josaphat de Juda (qui avait succédé à son père Asa), maria
son fils Joram avec Athaliah, fille d'Achab, et il accompagna
celui-ci sous les murs de Ramoth-Gilead, qu'il s'agissait de
reprendre à Adadidri, vu qu'elle avait été négligée dans la resti-
tution des villes juives (2). Malgré le déguisement auquel
Josaphat
et Joram
de Juda.
(1) Clr. WiXCKLKll, Keiliiiscliriftllche.s Textbuch K. I. T.), i)i). 18-20.
(2) Israël Juda
Achab Josaphat
(marié à .Tézabel, fille d'Itiiobaal de Tyr)
Ochozias
I
.loram
Athaliah-
-Joram
.loraui de .luda est marié à Athaliah disraél
Ochoziah
56
DEPUIS l'Établissement de la royauté
Ochozias
et Joram
d'Israël.
Achab eut recours pour distraire de sa personne l'attention des
Syriens, il tiit tué et son armée défaite : Israël redevint
vassal, probablement aux conditions antérieures à la bataille
d'Aphec. Les royaumes d'Israël et de Juda eurent de nouveau
à fournir leurs contingents habituels à Hadadézer dans ses
luttes contre rAss3Tie.
Le règne de Josaphat de Juda marque une période de pros-
périté pour le royaume du Sud. Le premier livre des Rois nous
donne à son sujet assez peu de détails (XXII, 4i-5i); mais le
second livre des Chroniques est plus riche en informations.
(XVII-XX.)
Josaphat se fortifia contre le royaume du Nord, reçut le tri-
but des Philistins et des Arabes, fit disparaître les hauts lieux
et les Astartés, enseigner la loi dans les villes de Juda et obser-
ver la justice en établissant des juges équitables. Il triompha
des Moabites et Ammonites qui avaient tenté de lui faire la
guerre. Quant aux Edomites, un gouverneur (du royaume de
Juda) les administrait en son nom.
Il équipa une flotte pour aller chercher de l'or au pays
d'Ophir, comme l'avait fait jadis Salomon (i Reg., IX, 26-28)»
mais l'entreprise avorta dès les débuts, les vaisseaux s'étant
brisés à Eziongaber. Il s'allia avec Joram, fils et deuxième suc-
cesseur d' Achab (le règne de son premier fils Ochozias ne fut
qu'une maladie d'un an ou deux), dans une expédition contre
Mésa, roi de Moab, qui, à la mort d'Achab, avait refusé de
continuer son tribut annuel de cent mille agneaux et de cent
mille béliers avec leurs toisons. Nous venons de voir qu'Edom
était sous la mouvance de Juda ; c'est par ce territoire que
passent les armées israélites (2 Reg., III, 8) pour tourner la
mer Morte, passer l'Ouadi-el-Hésa, dans le Ghôr, et gagner les
plateaux en vue d'attaquer Kir Moab (Kérak).
La recension grecque de Lucien (i) donne comme allié de
Joram le roi Ochozias de Juda, deuxième successeur de Josa-
phat; cela étant, on doit supposer qu'Edom, récemment afiran-
(i) Le choix des leçons du texte fait dans sa recension par Lncien de
Samosate, su])i)ose un texte héhreu supérieur au texte massorétique et
différent aussi dt^ celui queurent sous les yeux les traducteurs alexan-
drins (LXX.)
jusqu'à la chute de SAMARIK Sj
chi, et qui s'était donné un roi (2 Keg., VIII, 20), mais fut
ultérieurement battu par Joram de Juda, ne crut pas prudent
de s'opposer aux desseins des deux rois de Juda et d'Israël.
Cette dernière hypothèse pourrait trouver un appui dans le fait
que Mésa (d'après 2 Reg., III, 26) semble compter sur les
complaisances secrètes du roi d'Edom. L'issue de cette cam-
pagne reste mystérieuse. Après avoir failli périr de soif, l'armée
des trois rois confédérés commença par dévaster le territoire
ennemi; puis la Bible nous fait le récit suivant : « Quand
le roi de Moab vit qu'il avait le dessous dans le combat, il prit
avec lui sept cents hommes, l'épée nue à la main pour se frayer
un passage jusqu'au roi d'Edom; mais ils ne purent y réussir.
Prenant alors son fils premier-né, qui devait régner à sa place,
il l'offrit en holocauste sur la muraille. Et une grande indigna-
tion s'empara d'Israël et ils s'éloignèrent du roi de Moab et
retournèrent dans leur pays. » (2 Reg., 111,26, 27.) D'autre part,
Mésa dans sa stèle semble taire allusion à ce drame, quand
il dit (i): « J'ai fait ce sanctuaire à Camos de Qorkha en signe
de salut, car il m'a sauvé de toutes mes chutes et m'a fait
triompher de tous mes ennemis». Peut-être, dit le Père Lagrange,
les Moabites combattirent-ils dès lors avec l'énergie du déses-
poir; peut-être les Israélites redoutèrent-ils l'efficacité de l'hor-
rible sacrifice; élevés depuis le règne d'Achab dans des idées à
moitié païennes, ils ont jiu craindre, non point que Camos se
(i) Découverte en 186S à Dibau par le Rév. Klein, de la mission proles-
tante de .Térusalem, la stèle se trouve aujourd'hui reconstituée au Musée
du Louvre par les soins de M. Cleruiont-Gauneau (on peut en voir un mou-
lage au Musée biblique de l'Université catholique de Louvain) ; les Arabes
l'avaient cassée, croyant que ce « Maktoub » ou inscription recelait des
trésors. Intacte, la piei*re mesurait i"M.S de hauteur, o"'70 de largeur et o"'.'î5
d'épaisseur. Le roi Mésa de Moab raconte comment il délivra son pays du
joug Israélite sous le fils ( = pelit-fils) d'Omri, cl'r., 2 Reg. IIL pp. 4 ss.,
qui, lui, l'avait asservi pendant quax'ante ans ; et énumère les construc-
tions qu'il a l'ait e.xt'cuter eu j)artie par les prisonniers d'Israël. Voir texte
dans Lid/barski. Altsemili.sche Texte, i'^'»- Ileft. Tôpi:i,.mann Giesskn. 1007,
pp. 5 ss.
Notes pliilologiiiues et critiiiues ilans Rev. Hibl., 1901. i)p. •25'Hi. La-
GRANOK, L'inscrr//tion de .1/é.sa.
Déductions hist<jri(iues dans Dicl. hiblif/iie au mot Mena, par La(;kaN(;k.
Nous donnons eu appendice hi traduction de la stèle d'ai)rès La(;i{AN(;e.
Rev. Hil)l., 1901, i)p. 5ii4, "ia"}.
58 DEPUIS l'établissement de la royauté
mît en colère contre eux, mais que Jahvé, auquel ils ne pou-
vaient offrir des victimes humaines, se trouvât dans cet état
d'infériorité que les anciens coloraient publiquement en disant
que leur dieu était en colère. Si on admet (d'après la recension
de Lucien) que le roi de Juda était Ochozias, il est le plus
simple de supposer que le retrait brusque de l'armée juive était
occasionné par l'annonce d'une nouvelle attaque syrienne (i).
En effet, nous savons que vers la fin du règne de Joram
d'Israël, alors que régnait en Juda, Ochozias (2), Adadidri
vint encore une fois assiéger Samarie, qu'il réduisit à toute
extrémité (3). Le prophète Elisée en prédit la délivrance. Le
bruit se répandit dans le camp syrien que des armées du
Mousri (4) et des armées hittites venaient au secours des
Israélites. (Voir Alt, op. laud. p. Sg.) A cette nouvelle les
Syriens s'enfuirent en hâte, abandonnant leur campement avec
tous les vivres et toutes les munitions qu'il contenait. (2 Reg.,
VI-VII.)Peu après, Adadidri fut étouffé par un de ses intimes,
Hazaël, après trente années d'un règne qui n'avait pas été sans
(1) Rev. Bibl., 1901. LagranGE, L'inscription de Mésa, p. 545.
(2) A .Tosaphat succéda son fils Joram (lui commença par tuer tous
ses frères et rétablir les hauts-lieux. Les Edomites essayèrent de secouer
son joug ; les Philistins et les Arabes couschites firent invasion dans sou
royaume et lui-même mourut d'une maladie d'entrailles, après huit ans de
règne (a Chron.. XXI). Son fils Ochozias lui succéda.
(3) Ces événements doivent se passer entre la bataille de Karkar en
854 et l'année 842, car alors Salmanasar est en lutte avec Hazaël le succès
seur d'Hadadidri .
(4) I Reg., X., 28 ss , 2 Chron. I, i() ss., IX, 28, nous racontent que
Salomon tirait tous ses chevaux □i"i^i;^'0' r)oi'dinaire on a vu dans
cette désignation l'Egypte. Seulement à deux i-eprises : i Reg. X, 28 et
2 Chron. ï, iG ou trouve adjointe la mention "ipQ et Wincki.er :
{Alttestamentliche Untersuchnngen pp. 178 ss.) propose d'entendre par Mis-
raim le pays de Mousri 'comme Kittei. propose de lire i Reg.,X, 28 i~)yQQ).
Il s'agira donc du pays ciliciende Mousri ce qui semble bien prouvé par
cette adjonction de la localité de Kue, connue par les -inscriptions assy-
riennes et qui se trouve dans le voisinage du pays de Mousri dans la Syrie
du Nord. (Cfr. Alt, op. laud., pp. 28-24). I^e site du pays de Kue (il a été
détermiiié par Schrader) était la plaine de Cilicie, depuis l'Amanus jus-
qu'aux monts de la Kètis, y compris la grande ville de Tarse. D'après
Fr. Lknor.maxt, les passages i Reg., X, 28, et 2 Chron., I,iG, en parlent au
temps de Saloinou. Cfr. Masi'EUO, 11, p. 590, note o.
JUSQU A LA CHUTE DE SAMARIE
39
gloire. Il avait, en effet, noué d'étroites relations avec Hamath
et la Phénicie, dominé trente-deux rois vassaux et résisté
vaillamment aux Assvriens; s'il n'avait pas conquis la Palestine
entière, il avait au moins soumis presque tout le pays de Ga-
laad, entre le Hauran et la frontière de Moab (i).
Hazael n'hérita pas toutefois de l'autorité qui s'était attachée
à son prédécesseur; les textes assyriens nous le montrent isolé
des confédérés d'autrefois; Hamath, Arad,les peuples du Nord
désertèrent la ligue (2). Joram d'Israèl et Ochozias de Juda
{qui venait de succéder à Joram de Juda) crurent le moment
favorable pour renouveler contre Ramoth-Giléad la tentative
de leurs prédécesseurs. Joram est blessé et se retire au palais
de la plaine de Jezréel pour guérir ses blessures. Pen-
dant qu'Ochozias va l'v visiter, Jéhu. capitaine de l'armée
d'Israèl, campé devant Ramoth-Giléad est oint roi par le pro-
phète Elisée. Aussitôt il se met à la tète d'une petite troupe, et
se dirige vers la résidence du roi d'Israèl. Se rendant compte
de ce qui se passe, celui-ci veut fuir, mais tombe percé d'une
flèche; Ochozias est blessé lui aussi et s'en va mourir à
Mageddo. Entré dans Jezréel, Jéhu fit jeter Jézabel, mère de
Joram, de la fenêtre du palais, d'où elle le narguait, et foula
aux pieds son cadavre. C'était l'accomplissement de la
prédiction du prophète Elie. (i Reg., XXI, 23.)
Cette exécution faite, Jéhu donna l'ordre d'exterminer toute
la famille d'Achab qui restait à Samarie, au nombre de
soixante-dix princes, ainsi (jue tous ses familiers. Tous les prê-
tres et adorateurs de Baal furent massacrés, et le culte de
Jahvé reprit ses droits; toutefois, il tut pratiqué sous la forme
que lui avait imprimée Jéroboam, celle des veaux d'or, dans les
sanctuaires de Béthel et de Dan.
Mais, tandis que la religion de Jahvé triomphait dans Sama-
rie, Baal s'installa à Jérusalem, où la mort d'Ochozias avait
provoqué un drame semblable à celui qui se déroulait a Samane.
Athalie, fille de Jézabel, épouse de Joram de Juda et mère
d'Ochozias de Juda, apprenant la mort de son fils, extermina
Ochozias
de Juda.
Jéhu.
Athalie et
Joas
de Juda.
(i) Maspero. Histoire ancienne, p. 443-
(2) M.\si'i:ro, III, i).s:î.
6o DEPUIS l'établissement de la royauté
les restes de la race de Josaphat et saisit le pouvoir. Grâce,
toutefois, à Joschéba, la sœur du roi Ochozias, le fils de
celui-ci, Joas, fut soustrait au massacre. Avec l'avènement
d'Athalie, le culte de Baal supplanta celui de Jahvé. Mais les
menées de l'impie lui valurent la haine du peuple. La sep-
tième année de son règne, le grand prêtre Joïada révéla aux
chefs militaires l'existence du jeune Joas. Celui-ci fut reconnu
comme roi légitime et l'intruse mise à mort. Comme le jeune
roi n'avait que sept ans, la régence fut tenue par les prêtres.
(2 Reg., VIII-XI.)
Le bruit de ces événements avait-il attiré l'attention de Sal-
manasar? Toujours est-il qu'en 842 l'Assyrien vint en Syrie et
présenta sur le Sanir la bataille à Hazaël, privé maintenant de
tous ses alliés. Celui-ci essu3^a une rude défaite, mais put encore
se replier en bon ordre sur Damas que le vainqueur ne parvint
pas à forcer. Il se dédommagea en dévastant la banlieue, qui,
enrichie par un siècle de paix, fournit un butin presque incal-
culable. De là, le vainqueur descendit en Phénicie, où il reçut
l'hommage de Tyr, de Sidon et d(^ Jéhu. Ce furent les premiers
rapports directs dTsraël avec Asour, et Salmanasar les immor-
talisa avec d'autres de ses exploits sur « l'obélisque noir »
conservé au British Muséum (i).
En 839, les Assyriens revinrent à la charge, mais Hazaël ne
se confia plus dans les opérations en masse ; il préféra le sys-
tème des engagements partiels et imprévus, et ne perdit que
quelques villes. Salmanasar se rejeta alors sur la Phénicie
pour rentrer ensuite en Mésopotamie (2). Salmanasar avait
abattu le royaume de la S3a-ie centrale, comme son père avait
conquis la Syrie du Nord. Le rêve d'hégémonie syrienne était
dissipé: humiliée par les Assyriens, Damas vase dédommager
sur les Juifs; mais un siècle encore et « l'on portera le reste des
richesses de Damas devant le roi d'Assyrie ». (Is., VIII, 4,)
En attendant, Jéhu fut battu depuis le Jourdain jusqu'au soleil
levant, et Hazaël soumit tout le pa3^s de Galaad, les Gadites,
(1) Voir BRrriSll Mtsku.m, A guide In thc hnhylonian and tisayrian anti-
qiiities, igoS. pp. 29-80, aiul plate XIV.
Le Musée biblKiue de ITiiiver.sité <le Lomnin en possètle tiii moulage.
(2) M.\.si'i:ro, III, pp. .S5-.S7.
jusqu'à la chute de samarie Cn
les Manassites, depuis Aroër sur le torrent de l'Arnon jusqu'à
Galaad et à Basan, (2 Reg., X, 32-33.) En Juda, Joas s'appli-
qua pendant la première partie de son règne, de quarante
ans, à réparer le temple ravagé par Athalie, en y employant
l'argent des offrandes . Mais après la mort du grand
prêtre Joïada, on en revint publiquement au culte des Astartés
et des idoles; le grand prêtre Zacharie, tils de Joïada, pour
avoir osé reprocher au peuple ses transgressions, fut lapidé par
ordre du roi dans le parvis de la maison de Jahvé.
Menacé par Hazaël, qui avait pénétré jusqu'à Geth, dont il
s'était emparé en traversant le royaume vassal d'Israël, Joas
acheta de lui la paix au prix des trésors du temple et du palais
roval, accumulés par Josaphat, Joram et Ochozias. Dès lors,
Juda fut un vassal direct de Damas.
Peu après ce désastre, le meurtre récent de Zacharie fit
éclore une conspiration contre Joas, et ses serviteurs le tuèrent
dans son lit. (2 Reg., XII et 2 Chron., XXIV.)
Dans le royaume d'Israël, Joachaz, fils de Jéhu, fut à tel Joachaz.
point l'esclave de Hazaël et de son fils, Ben-Hadad II, qu'il lui
fut défendu d'entretenir des soldats au delà du strict néces-
saire à sa sûreté : dix mille fantassins, cinquante cavaliers
et dix chars. (2 Reg., XIII, 1-7.)
Si donc Damas payait tribut à l'Assyrie, tous les pays de la
Syrie méridionale, sauf peut-être Moab, le payaient à Damas.
Aussi, tant que Hazaël vécut, Rammànnirari IV ou Adadnirari
(812-782, petit-fils et second successeur de Salmanasar III.
Maspero. III, p. II 3) n'osa rien contre elle. Mais après la mort
de Hazaël il assiégea un de ses successeurs,Mariah dans Damas.
Il exigea de lui une rançon énorme (Maspero, III, p. 102) et
empêcha par cet exemple les peuples palestiniens de bouger
sous son règne. L'empire assyrien s'étendait alors sur la meil-
leure partie de l'Asie antérieure (Ezéch., XXXI, 3-6); mais,
arrivé à ce degré de puissance, il s'aft'aissa tout d'un coup et
pendant un demi-siècle il se verra tenu en respect au X'^ord et
à l'occident par l'Ourartou, pays où le Tigre et l'Euphrate
prennent leur cours; il était habité par les Kaldis, race difie-
rente des Arméniens modernes, mais affiliée toutefois aux
62
DEPUIS L ETABLISSEMENT DE LA ROYAUTE
nations du Caucase, entre autres aux Géorgiens. Leur ville prin-
cipale était Dhouspas ou Dhouspana, actuellement Van, sur le
lac du même nom fi). Cette décadence de l'Assyrie durera
jusqu'au règne de Téglath-Phalasar III.
Salmanasar IV (782-772) risqua encore deux campagnes
contre Damas en 773 et une contre Hadrakh en 772, mais il fut
contraint d'évacuer la Syrie. Sous Assourdan II (772-54) la
révolte éclata à Ninive même; elle fut réprimée, mais brisa
les forces du peuple.
Joas
d'Israël et
Amasias
de Juda.
Avec Joas d'Israël et Amasias de Juda il y eut une renais-
sance de vigueur dans les deux royaumes. Joas d'Israël battit
Ben-Hadad II près d'Aphek et dans trois autres combats. « Il
reprit des mains de Ben-Hadad, fils de Hazaël, les villes que
celui ci avait enlevées dans la guerre à Joachaz son père ».
(2 Reg , XIII, 25.) Ce qui laisse supposer que le ter-
ritoire d'au-delà du Jourdain conquis par les Syriens antérieu-
rement à Joachaz, resta aux mains de Ben-Hadad (2).
De son côté Amasias, qui avait succédé en Juda à son père
Joas, battit dix mille Edomites dans la vallée du Sel, au Sud de
la mer Morte, et conquit leur capitale Séla (Pétrades Naba-
téens). Encouragé par le succès, il voulut s'affranchir du joug
d'Israël, qui depuis Omri pesait sur son pays et prov^oqua le roi
Joas. Mal lui en prit; on en vint aux prises à Beit-Shemesh
(près de Deir-Aban) : Amasias fut défait et saisi. Joas entra
dans Jérusalem, fit une brèche de quatre cents coudées dans le
mur, depuis la porte d'Ephraïm jusqu'à la porte de l'angle,
enleva les trésors du temple et du palais et retourna avec des
otages à Samarie, où il mourut peu après. (2 Reg., XIV.)
Jéro=
boam II
Le fils de Joas, Jéroboam II, eut un règne de quarante et
un ans, pendant lequel il reconquit à peu près le rovaume de
David et de Salomon.
Depuis l'échec que Joas d'Israël avait infligé à Ben-Hadad II
à Aphek, Damas avait déchu. Le royaume de Hadrakh, qui
(1) Maspkiîo, Histoire ancienne^ pp. 443-49-
{2) Maspero, III, p. 122, note 4-
jusqu'à la chute de samarie 63
dominait maintenant le plateau d'Alep, lui avait Terme la vallée
de rOronte et une expédition de Salmanasar IV, en 773, lui
enleva encore davantage de ses forces (i). Cet état de fai-
blesse permit à Jéroboam II de rétablir les limites d'Israël
« depuis les environs d'Emath jusqu'à la mer de l'Arabah. »
(2 Re;j^., XIV, 25). Galaad lut soustrnit à la servitude syrienne
qui pesait sur lui depuis plus d'un siècle. Damas même devint
son vassal. Ammon, les tribus bédouines du Hauran, les Phi-
listins reportèrent sur Israël l'hommage offert jadis à Hazaël.
Peut-être doit-on également attribuer à Jéroboam II le désastre
infligé à Moab, célébré par un prophète inconnu et repris par
Isaïe XV et XVI, 1-12 (2).
Cette renaissance d'Israël s'explique une fois de plus par la
débilité des États limitrophes ; l'Egypte, qui vivait sous le
régime des petites principautés rivales (XXI P et XXI IP dy-
nasties), n'intervenait pas dans les querelles d'Asie; l'Assyrie,
nous l'avons vu, subissait une éclipse momentanée; Damas
s'était affaissée brusquement et les cités qui aspiraient
à la remplacer : Hadrakh et Mansuati (villes du bassin de
rOronte, qui avaient, déjà plongé Hamath, à l'Est de Homs,
dans l'ombre) se défendaient avec peine contre les retours
intermittents de l'Assyrien (3).
A la même époque le royaume de Juda redevint puissant et Azaria.
prospère, sous le long règne de cinquante-deux ans d'Azaria
ou Ousia. Celui-ci achevala conquête d'Edom et recouvra le port
d'Elath perdu depuis Josaphat. Il soumit la Philistie, renver-
sant les murs de Geth, de Jamnia, d'Azot et y construisant de
nouvelles villes qui devaient lui assurer la soumission du
pays. Il prévalut contre les Arabes de la Gabalène (LXX :
Toùç xaTO'.xo'jvTa; irJ. -zr^c, -i-poLç) et les Arabes Minéens (LXX :
xài è-i TÔ'j; M'.vawu;) et reçut les présents des Ammonites. Il bâtit
des tours à Jérusalem sur la porte de l'angle, sur la porte de la
vallée et sur l'angle et les fortifia. « Il bâtit des tours dans le
(I) MASPERO, III, p. 123.
(21 Cfr. CoNDAMix, Le livre d'/saïe, Paris, Lecoffre, igoS, pp. 1 18-120.
(!i) Voir sur la situation intérieure du royniiine israélite : Maspero, III
pp. 125 ss.
64
DEPUIS l'établissement DE LA ROYAUTÉ
désert, et il creusa beaucoup de citernes, parce qu'il avait là de
nombreux troupeaux, ainsi que dans la Séphélah et sur les pla-
teaux, et des laboureurs et des vignerons dans les montagnes
et au Carmel, car il aimait l'agriculture ». (2 Chron., XXVI,
i-io.) Il équipa sa nombreuse armée et garnit les murs
de Jérusalem de machines de guerre. Vers la fin de sa
vie il fut frappé de la lèpre, pour avoir usurpé les fonctions
Joatham. sacerdotales, et associa au trône son fils Joatham. (2 Chron.,
XXVI, 2Reg.,XV, 1-7.)
Au milieu de cette si grande prospérité matérielle dans les
deux royaumes, se leva le prophète Amos, le premier dont la
collection des oracles nous soit parvenue. Il est suivi un peu
plus tard par le prophète Osée. Tous les deux exercent leur
ministère proprement dans et pour le royaume du N^ord,
Leurs écrits nous donnent les renseignements les plus pré-
cieux sur la situation intérieure des deux royaumes hébreux.
Les cultes taurolatriques et idolatriques, la débauche, le
luxe et l'orgueil des grands, l'oppression et le mépris des pau-
vres, voilà les abominations qui vont attirer sur Israël les
châtiments divins. Ce sera la captivité et elle est proche.
(Amos, V, II, 27, VI, 7,14.) (I) Le prophète Isaïe, lui aussi,
entendit l'appel de Dieu, la dernière année d'Ousia (VI, i),
vers 740, et exerça son ministère jusqu'à l'invasion de Senna-
chérib en 701. (Is., XXXVI, i ; 2 Reg., XVIII, i3.)
Zacharie.
Sellum.
Menahen.
La fortune d'Israël sembla s'être éclipsée après Jéroboam II.
Zakaria, son fils, fut assassiné après 6 mois de règne, à Ibléam
(Sud de Djenin, à l'Ouest des monts de Gelboë; 2 Reg., XV, 10,
d'après la recension de Lucien) (2), par Sellum qui, après un
mois de règne, fut tué lui-même par Menahen, à Samarie.
Le i3 lyar (avril) 746, monta sur le trône d'Assyrie, un des
conquérants orientaux des plus fameux : c'était Téglath-Phala-
(i) Cfr. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, les introductions
aux livres d'Osée et dAmos.
(ï>) Le texte 2 Keg., X^^ 10 a l)esoiu d'être corrigé, T. M. a □j;-^2p
T T T
rendu dans la Vulgate par « palam » ; d'après la recension de Lucien
il faut lire l'hébreu □y'pni^-
jusqu'à la chute de SAMAkIE 65
sar III. On ne sait rien de précis sur son origine, mais, si celle-ci
est obscure, ses exploits brillent d'un éclat unique à cette pé-
riode de l'histoire. Il allait relever son pays de son effacement
momentané, lui rendre ses anciens territoires et en con(|uérir
de nouveaux.
Si au moment où Téglath-Phalasar arrivait au trône, le
roi del'Ourartou, Shardouris III, fils et successeur d'Arghistis,
maitre des régions du Taurus et de l'Amanus, avait remonté la
vallée de l'Oronte, il eut pu pousser jusqu'à Jérusalem à tra-
vers la Syrie méridionale et coaliser toutes ces nations ; et il
semble qu'il en ait eu l'intention, lorsque Téglath-Phalasar prit
les devants après avoir soumis les états voisins, occupés par
les Araméens, niaitres de la Mésopotamie entière (i). Il
franchit l'Euphrate au printemps de 743 et attaqua non
loin de ce fleuve, entre Kishtan et Khalpi, Shardouris III,
courant au secours d'Arpad. laquelle venait d'ouvrir ses portes
à l'Assyrien. Shardouris fut défait, mais la vif;toire avait coiité
cher et pendant l'hiver les deux adversaires tachèrent de refaire
les forces de leurs armées. Néanmoins l'Ourartou dut rester
inactif, et, ses anciens alliés n'étant plus protégés par lui, ils prê-
tèrent hommage à Téglath-Phalasar qui incorpora de nouveau
la Syrie septentrionale à l'empire. Cependant une coalition des
différentes principautés arrosées par l'Oronte rappela Téglath-
Phalasar vers l'Amanus, en 738 (2J. Il ravagea la vallée de
l'Oronte, et la Syrie entière s'inclina. Parmi les dix-huit rois
énumérés dans les annales de Téglath-Phalasar nous trouvons
Rezon II de Damas et Menahen d'Israël. D'autre part il est dit
(2 Reg., XV, ig) : Phoul (3), roi d'Assyrie, vint dans le pays
(i) yi\svEK(K Histoire iincienne, p ^Gô.
{•2) Voir M.ASi'KHo, III, p. I 5o.
i3) Tét^lath-PIialasar eut, comme ses successeurs, à côté de son nom
assyrien un nom bal).vlonien : Poulini. La fierté de Habylone voulait que
son suzerain se conduisit vis-à-vis d'elle en Babylonien. (Masi'kro, III,
1>. 197.) L'identité de Téglath-Phalasar III avec Poulou, le Phoul de la
Bible, a été mise hors de doute par la découverte de la chronique babylo-
uienneoù les règnes babyloniens de Téglath-Phalasar III et de son fils
Salmanasar V sont racontés à la place où les listes dynastiques donnent
Poulou et Ouloulai (nom babylonien de Salmanasar V). \'oir ^Masi'kro. III,
pp. 112. 1 13, note 4-
66 DEPUIS l'établissement de la royauté
et Menahen donna à Phoul mille talents d'argent, pour qu'il
l'aidât à affermir le rovaume dans sa main. Cette expédition
en Syrie est celle que le canon des limmou (i) appelle la
campagne contre Koullâni, C'est la Kalno, ou Kalneh d'Isaïe,
X, g et d'Amos, VI, 2, dont le site est mal déterminé entre
Arpad et Hamath. (Maspero, III, p. i52, note 3 et p. i53,
note I.)
En 735, après s'être assuré la soumission de tous les états
voisins, Téglath-Phalasar eni^^agea la partie suprême avec
Shardouris III et s'attaqua à la capitale Dhouspana, Il ne put
(1) Ou appelait « limmou » les magistrats qui douuaieut leur nom à
l'aunée pendant laquelle ils remplissaient leur charge. Les Chaldéeus
avaient inventé de désigner les années de chaque règne par la mention
d'un événement qu'elle avait vu s'accomplir ; les Assyriens leur donnèrent
le nom des « limmou ». Le roi était « limmou» de droit, Tannée qui sui-
vait celle de sou avènement, puis c'était le tour du tartan, qui veillait au
recrutement des troupes et les commandait en temps de guerre, ou qui
dirigeait l'état-major si le souverain daignait paraître sur le théâtre de
l'action. I! avait rang immédiatement après le roi), ensuite venaient les
uiinistres et les gouverneurs des provinces et des villes. Les noms des
« limmou » consignés dans les archives et réunis en tables, comme plus
tard ceux des archontes de la Gi'èce,ou des consuls romains, fournirent aux
annalistes, un cadre de chi'onologie rigide où tous les détails de l'histoire
vinrent se classer avec certitude.
Le canon nous est arrivé en trois versions différentes. Dans la plus im-
portante, les noms des èpouymes sont inscrits à la file, sans titres, ni men
tion d'événements ; dans les autres ils sont accompagnés des titres de
chaque personnage et de l'indication des faits marquants accomplis dans
l'année. Les parties conservées vont, sans interruption (du moins, la liste
purement nominale) du règne de Rammânnirari II, eu 898, jusqu'au com-
mencement du règne d'Assourbanipal, en 666. Pour les époques antérieures
et postérieures on possède des noms épars auxquels on ne sait pas encore
attribuer de date certaine. La plus ancienne datation est celle de l'épony-
matde Moukhourilâni, qui vivait sous Rammânnirari I, vers iSaS.
Comme deux versions de ces canons nous donnent les événements prin-
cipaux se rai)portant aux éponymats, il suffisait d'en dater un pour dater
tous les autres. Or, nous apprenons que pendant l'éjjonymat de Pur-
Sagali, dans le mois de Sivan (mai-juin), il y eut une éclipse de soleil. Des
calculs astronomiques récents ont établi qu'une éclipse de soleil visible à
Ninive eut lieu le i5 juin 768. Ce point acquis, on était fixé pour tout le
reste. Voir Maspero, II, pp. 620-21. Otto Weber, Die Literatùr der
Babylonier and Assyrer Leipzig, IliXRiCHS, 1907, pp. 239-41- BRrriSH
Muséum. A guide to the bahyloninn and assyrian antiquities, pp. 56, 57.
Le texte de ces listes est donné dans Wixcki.er, K. I. T., pp. 71-79.
jusqu'à la chute de samarie 67
s'en emparer; mais il ravagea systématiquement la banlieue et
les environs et porta ainsi à la puissance de Shardouris une
blessure dont il ne se releva plus. Il dut renoncer à ses vastes
desseins et songer uniquement à défendre chez lui son indépen-
dance. Pendant près d'un siècle Ninive sera libre de concentrer
toute son énergie sur deux points principaux de la frontière : au
Sud-Ouest sur la Syrie et l'Egvpte; au Sud-Est sur la Chaldée
et l'Elam.
En Svrie la fidélité des rois était plus apparente que
réelle (I)
Sous Joatham le royaume de Juda connut encore quelques
années de prospérité. Ce prince fortifia plusieurs points faibles
de son royaume, et fit la guerre aux Ammonites qui lui payèrent
tribut. (2 Chron., XXVII, 1-6.^,
Pendant ce temps, l'anarchie désolait de nouveau le royaume péquahia
du Nord; le fils de Menahen, Péquahia, ne régna que deux ans '5.^^*1^?'^
... , d'Israël;
et tut tué dans son palais à Samarie par Péquah, fils de Rome- Achaz
lias, un de ses officiers. Péquah et son allié Rezon de ^ ^'
Damas songèrent à se dédommager sur Jérusalem de leurs
coûteux hommages rendus à l'Assyrie. Joatham meurt; son
fils Achaz (2 Reg., XV, 3j, 38), âgé de vingt ans, le rem-
place (2) et sous son règne le culte idolàtrique fut pratiqué
avec toutes ses horreurs; le roi lui-même fit passer son fils par le
leu, (2 Reg., XVI, 4.) Mais bientôt les revers politiques l'acca-
blèrent : en 735, Rezon et Péquah défont Achaz à deux reprises.
(2 Chron., XXVÎII, 5-i5.)Ils assiègent Jérusalem sans pouvoir
s'en emparer (2 Reg , XVI, 5), mais tout le pays se voit dévasté.
Edom inflige une défaite à Juda, lui enlève des captifs et prend
Elath (3), les Philistins se jettent sur les villes du Midi et de
l'Ouest (2 Chron., XXVIII, 16-18), et, comme Achaz résistait
Il Maspero. III, pp. i54-i56.
(a) M. Maspero lui attribue le caual de Siloë III, \>. 1571. Nous ue pou-
vons nous rendre à ses raisons et croyons que ce canal a été fait par E/,é-
chias. (Voir plus bas).
(3) Il faut corriger 2 Rep., XVI, 6, qui fait prendre Elath par Re/on de
Syrie. Au lieu de C"'î<-~^*^ il faut c~{< comme le prouve d'ail-
leurs la seconde partie du verset, où le mot c"'*^*"1N ^^* corrigé par le
qerey ^«"^^lîi ^^ P^^* ^^^ LXX qui ont 'làntjfjiaioi (alors qu'eu.x aussi
68 DEPUIS l'établissement de la royauté
encore, les deux alliés résolurent de le détrôner (Is., VII) et de
le remplacer par le fils de Tabeel (individu qui n'a pas encore
été identifié jusqu'ici).
Achaz au désespoir chercha un sauveur; entouré qu'il était
d'ennemis de toutes parts, il n'y avait que rE^3^pte ou l'Assyrie
qui put lui donner un appui sérieux.
Après l'invasion de Sheshonq sous Roboam, ses successeurs
avaient continué à se considérer par tradition comme les sou-
verains du pa3^s de Kharou (comprenant Israël, Juda, Ammon,
Moab). Ne sortant guère de leur royaume, ils se bornaient à
faire respecter leurs frontières et ils donnèrent à l'EgN'pte un
demi siècle de paix profonde, qu'ils employèrent à des travaux
d'utilité publique, surtout dans le delta où Bubastis se déve-
loppa. Pourtant les mêmes causes qui avaient ruiné les Rames-
sides (XIX^ et XX^ dynasties) et les Tanites (XXI^' d3nastie;
ruinèrent aussi les Bubastites : notamment, le développement
exagéré de la féodalité militaire (i'. Achaz n'avait donc rien
à attendre de ce côté, jd'autant plus que Péquah avait peut-être
déjà engagé une entente avec l'Egypte pour se défendre contre
la dynastie détrônée de Menahenqui avait probablement cherché
son secours en Assyrie. C'est ainsi du moins qu'on pourrait
comprendre le passage d'Osée, VII, ii, 12.
Malgré l'opposition d'Isaïe (VII), le roi de Juda appela donc
à son secours Téglath-Phalasar en appuyant sa demande des
trésors du temple et du palais royal. L'Assyrien ne se fit pas
prier. Au bruit de son approche Rezon et Péquah se désistè-
rent de leur attaque contre Jérusalem et s'enfermèrent chacun
dans son royaume. Le canon des limmou (2) nous apprend
.qu'il reçut d'abord en 784 le tribut des Phéniciens et châtia la
Philistie. Hannon, roi de Gaza, ennemi personnel d' Achaz,
s'enfuit en Egypte (3). Israël dut se défendre tout seul. II
1
I
ont lu un texte corrompu pour la première partie du verset). L'ajoute du
nom de w-| devant □~){^-"!^*2 ^'^* "^"^ glose du dernier copiste qui. pour
plus (le clarté, a cru bon d'ajouter le nom du roi à la mention du pays
qu'il lisait mal.
fi) Masi'KRO, III, pp. I 58 i8i>.
f2) Masi'ERO, III, j). i8(), note 3.
(3) Wixnvi-EK, K. I. T., p. S").
I
JUSOr A LA CIIIIT1-: I)K SAMAKIE 69
perdit successivement les places qui garnissaient sa frontière
septentrionale: Ijon, Abel-beth-Maaka, Janoakh, Kadesh (Sud
de Megiddo), Hazor. (2 Reg., XV, 29.) Nephtali et Galaad
furent dévastés et les populations déportées en Assyrie.
(I Chron., V. 26.)
Téglath-Phalasar employa toute l'année 733 à abattre le
royaume de Samarie. Israël fut réduit aux seules tribus du cen-
tre. Ephraim, Manassé, Benjamin n'avaient plus qu'une super-
ficie et une population égales à peine à celle de Juda et le tri-
but pesait lourd sur ce pays ravagé par le passage des armées
ennemies.
En j52, le vainqueur mit fin hu royaume de Damas.
Rezon avait obtenu l'aide de Tyr, de la Philistie et des Arabes
Mais Damas fut prise. le souverain mis à mort (2 Reg.,XVI,9),
sa royauté supprimée, les habitants déportés à Kir (dans l'Elam,
d'après Is.. XXII, 6), et un gouverneur ninivite installé dans
le palais royal. Ceux qui avaient prêté secours à Rezon se sou-
mirent et cette chute duro3'aume de Damas entraina la soumis-
sion de toute la Syrie. D'après une tablette de Nimroud vingt-
cinq rois vinrent présenter leurs hommages au vainqueur (i);
Achaz y vint aussi pour remercier dans la personne de son
nouveau suzerain, son libérateur, (2 Reg., XVI, 10.)
En 729, Péquah fut assassiné par le général de son armée osée.
Hoshéa ou Osée (2 Reg., XV, ?>o); celui-ci fut reconnu par
Téglath-Phalasar, mais il dut payer dix talents d'or et un cer-
tain nombre de talents d'argent, comme nous l'apprend une
inscription de Téglath-Phalasar (2). Celui-ci mourut en 727.
A l'avènement de Salmanasar V, son fils, le 25 Tébet, les
Mèdes, l'Ourartou et les peuples du Taurus ne bougèrent pas;
mais la vSyrie s'agita ; la ville de Sabara'in (probablement la
Sepharvaïm biblique, identique à la Siberaïmd'Ezech,,XLVII,
16, identifiée avec Shomerîyeh à l'Est du Bahr-Kades, au Sud
de iHamath) qui s'était révoltée, fut prise 3». Il se peut
(1) Voir l'énumératiou dans W'incklkk, K. I. T.. pp 35, SO.
(2) WixcKr.KR, K. I. T., p. 35.
■ 3) Masi'Kro, III, p. 212, note 2.
70 DEPUIS L ÉTABLISSEMENT DE LA ROYAUTE
qu'à ce moment aussi Tyr fut assiégée (i). Osée pro-
bablement cessa ses versements à l'Assyrie, car nous voyons
Salmanasar V monter contre lui et le contraindre au tribut
(2 Reg,, XVII, 3.). (2) Cette première leçon ne lui suffit pas :
deux ans après, il conspira avec l'Egypte.
Ici la dynastie tanite agonisait avec son dernier roi Psamouti
devant l'ascendant que gagnaient les Saïtes (Tafnakhti et
Bocchoris) sur le delta et la vallée de Siout.
Osée s'adressa à Sua. On a voulu voir dans ce 5<1C le
Shabakon de la vingt-cinquième dynastie ; mais la dynastie
éthiopienne ne paraît que plus tard dans les inscriptions égyp-
tiennes. On a reconnu en Sua un des rois secondaires du
delta. Les annales de Sargon l'appellent le tartan, sur lequel
s'appu3'era Hannon de Gaza, en 720, pour reconquérir sa cou-
ronne, perdue lors du châtiment infligé par Téglath-Phalasar à
la Philistie, quand elle harcelait Achaz (3).
Sua n'eut pas le temps de venir au secours du roi d'Israël,
si même il l'avait voulu. L'Assyrien averti manda Osée près de
lui, le jeta en prison et lança son armée sur Samarie, Isaïe
(XXVIII, 1-6) avait annoncé la ruine de a l'orgueilleux dia-
dème des buveurs d'Ephraïm w. Elle résista pendant trois ans
aux Assyriens, et Salmanasar ne la vit pas tomber (4).
I
i) Le blocus de Tyr est raconté par Flave .losèphe d'après le récit de
MÉNANORK d'Ephèise: Ant. Jiid., 1. IX, chap 14, Sa.
(2) Contrairement à M. Maspero, (III, pp. 212, 2i3, note 4) nous voyons
dans le récit de 2 Reg., XVII, i-6 deux expéditions différentes des Assy-
riens en Samarie. La lecture obvie du texte nous y invite. Le canon des
liinmou nous dit qu'en 72(( Salmanasar resta au pays. Cette première
campajïne en Samarie doit donc se placer en 727, au début de son règne.
Le silence de Flave Josèphe sur cette première campagne s'explique ; elle
n'a pas eu grande importance et il ne nous renseigne que sur la cata-
strophe finale. Ant. Jud,, 1. IX, chap. 14, .S l-
(3) Maspero, III, p. 218, note i et Alt Op. laud. p. 58.
4) Dans le texte des fastes, Sargon s'attribue très explicitement la
prise de Samarie. Or, 2 Reg , XVIII, 9, 10, le fait est mis sur le compte de
Salmanasar. Si l'on rapproche ce passage de XVII, i-6, on remarque tout
d'abord que le récit synchroniste, XVIII, 9 ss., ne parle' que de l'épisode
final, la prise de Samarie, alors (jue dans XVII, 1-6, on distingue claire-
ment deux épisodes différents : une première sujétion, et puis la cata-
strophe définitive. Ensuite, si dans ce même récit, XVII, i-(>, le nom de
Salmanasar est mentionné pour la première expédition, i-3. pour la seconde
JUSOU A LA CIIITK DK SA.MARII-: 7I
Il mourut à Babvlone au mois de Tébet 722. Le 12 du même
mois un de ses généraux, Sargon, lui succéda, mais la Babv-
lonie saisit l'occasion de se soustraire à la mouvance de l'As-
s\rie et reconnut, au mois de Nisan, comme souverain, Mar-
doukabaliddina (Mérodach-Baladan), le puissant chef chaldéen
du Bît-Iakîn (i).
Ce dernier avait reconnu, il est vrai, la suzeraineté de
Téglath-Phalasar en 73i, lorsque celui-ci se fut soumis les roi-
telets araméens de la Chaldée. Mais en énervant ces divers
Etats araméens et surtout le Bit- Amoukkàni, Téglath-Phalasar
avait fait l'affaire de Mérodach-Baladan qui ne refusa pas
l'appel des Babvloniens et demanda l'appui de Khoumbani-
gash, le roi de l'Elam. La rencontre des armées assyriennes
avec les forces élamites, auxquelles les troupes babyloniennes
et chaldéennes n'eurent pas le temps de se joindre, eut lieu
sous les murs de la forteresse de Dourîlou. Les Assyriens
eurent le dessus; ils châtièrent leurs sujets araméens qui
s'étaient déclarés pour leurs ennemis, mais ne purent
reconquérir la Babylonie et les frontières de l'Assyrie dimi-
nuèrent d'autant.
Une compensation insuffisante de cet échec fut la prise de
Samarie. Elle tomba, épuisée par un siège de trois ans. en 722.
Saccagée et démantelée, 27290 de ses habitants (annales de
Sargon, inscription des plaques du palais de Khorsabad)
furent déportés à Khalakh (non loin de Harran), à Guzana sur
le Habour (du côté de Nisibe), et dans les villes des frontières
mèdes (2 Reg., XVII, 6.). Un gouverneur assyrien fut installé
à Samarie et sa population juive fut remplacée successivement
selon le système habituel des Assyriens, par des peuplades
il est parlé, à (iviatre reiirises, du « roi <!' Assyrie » sans autre détermina-
tion. N'y a-t-il pas là un indice (lue l'auteur n'a pas voulu ou na pas pu spé-
cifier davantajje? Dés lors le père Dhornie (Les pays bibliques et l'Assyri .
Rev.Bibl.,i9io,p, ■571) émet Ihypothèse (lue, XVIII. <), le nom de Sahnauasar
a pu être intercalé ijostérieurement, comme nous l'avons constaté pour le
passage, XVI, 6. où le nom «le Re/on est, lui aussi, purement adventice.
(I) Les Araméens se ])artageaient en tribus «lu'on appelle maisons
« bilàti », dont les plus importantes sont I.a Bit-Dakuri et la Bit-Iakin. La
plu|)art occupaient les lagunes au Nord du goUe Persitjue appelées «le
pays de la mer ». Cfr. Rev. Bibl., i<)io. p. 384-
72 DEPUIS LÉTAHLISSEMENT DE LA ROYAUTÉ
vaincues autre part, des gens de Bab3'lone, de Koutha,
d'Avah, de Hamath et de Sépharvaïm. (2 Reg., XVI 1,24)
(i). Ceux-ci amenèrent avec eux les cultes de leurs divinités
nationales 24-25; 3o-3i. Ils apprirent également, sans doute
des Israélites restés dans le pays, à honorer Jahvé. De plus, il
leur fut renvo3'é un des prêtres qui avaient été déportés ;
celui-ci s'établit à Béthel et leur enseigna le culte de Jahvé.
De ce mélange de peuples il résulta une race mal définie
qu'on appela plus tard les Samaritains, et de l'ensemble de ces
cultes un syncrétisme que durent nécessairement désavouer les
Juifs à leur retour de l'exil en 538.
Avec Israël tomba la dernière barrière qui séparait l'As-
S3'rie de l'Egypte.
(i) Ici l'auteur sacré blocjue plusieurs déportations.
Ce n'est qu'en 710 que Sargon s'emjjarera de Babylone 'n ce niomeut
rég\e par Mérodach Baladan) et de Koutha ^aujourd'hui Teil-Ibrahiin au
Nord de Babvlone) et qu'il déportera les haliitaiits à Saniarie.
Ceux de Sépharvaïia (Sabarim d'Ezéch., XLVII, iG) sont les Sa ba-ra-in
dont In défaite est inentioiinée par la chroui<iue de Salniauasar. donc
avant 722. Ceux de Avah sont peut-être des Klainites vaincus à Dourilou.
Ceux de Hamath fui'ent déportés en 750.
TROISIEME PERIODE
Depuis la chute de Samarie
jusqu'à la captivité babylonienne
TROISIEME PERIODE
Depuis la chute de Samarie
jusqu'à la captivité babylonienne
L'Assvrie, accrue jusqu'ici aux dépens de petits royaumes Ezéchias
trop taibles pour lui résister, avait fini par coudoyer l'Egypte <^Juda
au Sud-Ouest, l'Ourartou au Nord, l'Elani au Sud-Est. d'Assyrie.
L'orgueil de ses monarques voudra voir s'effacer ces frontières^
et au prix de luttes constamment renouvelées, elle finira par
avoir raison de ses voisins. Toutefois ce sera la cause de son
épuisement final à elle aussi, et dans quelque deux cents ans
le pays de rAss3'rie deviendra le royaume des Mèdes et des
Perses.
Malgré la chute de Damas et la prise de Samarie, il s'ourdit,
l'année 721, une coalition syrienne avec l'appui de TEgvpte,
où Boukounrinit (Bocchoris), maintenant que la dynastie
tanite s'était éteinte avec Psamouti, semblait disposé à conti-
nuer l'attitude énergique de Tatnakhti son père, qui lui, av^ait
fini par se faire obéir dans l'Egvpte entière (vingt-quatrième
dynastie). laoubidi, roi de Hamath, s'allia avec le souverain
d'Arpad, avec les Damasquins, les Phéniciens de Simirra, les
habitants de Samarie (peuplée des gens de Hamath, y dépor-
tés en 722, et des rescapés du désastre de Samarie). Au Sud,
Hannon de Gaza demanda a Bocchoris d'appuyer le soulève-
ment syrien! Mais avant que l'armée égyptienne n'arriva à
Gaza, les rebelles syriens furent défaits à Karkar et laoubidi
écorché vif. Hannon se replia sur Raphia où le renfort égyptien
promis arrivait sous la conduite de Shabé ou Sua (i). Le
(i) Mashkro. III, j). 2'V), note 4
76 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
combat tut rude, mais finalement Sua lut mis en déroute,
Hannon emprisonné, et la population survivante de Raphia :
9,o33 hommes furent déportés avec tous leurs biens. Ceci se
passait en 720. (i) Juda était resté neutre dans la querelle,
Ezéchias ayant suivi les conseils de prudence lui dictés par
Isaïe; cette réserve fit dire à Sargon sur l'inscription de Nim-
roud, ligne 8, qu'il était « le dompteur de Juda le lointain ».
La tranquillité rétablie dans l'Ouest, Sargon employa les
années suivantes de son règne à soumettre les royaumes de
Man et de l'Ourartou (entre les lacs de Van et de l'Ourmiah)
en révolte à trois reprises, et les contrées voisines. Gargamis
ou Karkémish, capitale du pa3^s des Hittites, est pillée et on y
installe des Assyriens pour la nationaliser et s'en assurer ainsi
la soumission; des envahisseurs arabes sont défaits et établis à
Samarie; la Cilicie subit également le joug assyrien, et même
une partie de la Médie le reconnut.
Sur ces entrefaites l'Egypte assistait une fois de plus à un
changement de dynastie. Le souverain de l'Ethiopie Kashto,
jadis marié avec une princesse thébaine, étant mort vers 716,
son fils Sabacon hérita de l'Ethiopie et sa fille Amenertaïs de
Thèbes. Sabacon partit aussitôt pour l'Egypte, où une partie
des princes locaux, jaloux sans doute de la suzeraineté de la
dynastie saïte, s'unirent à lui; il s'empara de Bocchoris qui,
d'après Manéthon (2), fut brûlé vif, d'après Jean d'Antioche
(3), aurait été écorché tout aus-^i vif. La renommée de
Sargon se répandait à ce moment et le nouveau dynaste égyp-
tien, désireux de s'allier à un ami puissant, trouva l'occasion
de complimenter le monarque ass3a-ien, qui lui, fut fort flatté
de cette démarche. Mais une fois sa suprématie aflermie sur
l'Egypte entière, il renoua des relations avec les petits royau-
mes palestiniens qui ne supportaient que. fort mal le joug
assyrien. En 711. Asdoud venait de massacrer son roi Akhi-
miti. imposé par Sargon à la place de son frère Azuri qui refu-
sait de paver le tribut, et elle s'était donnée comme chef un
étranger de nom lamani. Celui-ci fomenta la révolte auprès
(i) Voir texte dans Wincklkk, K. I T., p. 3;).
(•2) Fi-Hgm, hisl. Giœc, t. II, p. 5j)3, t'ra<ïni. 65.
(3 Friiij^m. Iiist. Grtvc, t. IV, pp. oM), 54o, Js 24.
JL'SOl'A l.A CAPTIVITÉ HABYLONIEXXK. 77
des autres roitelets philistins, auprès de Juda, d'Edom et de
Moab. Ces peuplades n'eurent pas le temps de lever les armes.
Sargon, dépécha son « tartan » ou général en chef qui s'em-
para d'Asdoud maritime, d'Asdoud de la terre et de (iath sa
vassale; leurs habitants furent transportés et remplacés par
des prisonniers capturés dans les expéditions de l'Ourartou et
des pays voisins. Jamani essaya de s'enfuir en Egypte, mais il
fut emmené en Assyrie.
Maintenant l'Assyrien était maître du bas en haut de la
Mésopotamie, des pays de la Syrie du Nord, et à l'Ouest il
dominait jusqu'à la frontière d'Egypte. Isaïe l'avait jadis com-
paré aux eaux du fleuve larges et puissantes, envahissant tout
sur leur passage et couvrant toute la Palestine VIII, 7 ss. Leur
fougue d'ailleurs inspirait l'effroi :
Ils n'ôtent pas la ceinture de leurs reins,
ils ne délient pas leurs sandales.
Leurs flèches sont .aiguës,
tous leurs arcs sont tendus.
Les sabots de leurs chevaux sont du silex
les roues des chars sont comme un tourbillon. V,27ss. (i)
Aussi le Voyant avait-il constamment détourné le peuple de
Juda de toute alliance avec l'Egypte incapable de le sauver.
(XXX, 1-7, XXXI, 1-3.) La prise d'Asdoud en 711 lui fit sym-
boliser et prophétiser la rencontre prochaine de l'Assvrie et de
l'Egypte et le désastre de celle-ci. (Is. XX.) Mais avant de faire
sentir la force de son bras à Musuri ou Mitzraim, Sargon voulut
obtenir la soumission de Babylone possédée une première fois
par les Assyriens le jour où Toukoulti Ninib I y avait fait son
entrée en maître (vers 1260). (2.) Depuis lors elle avait
connu des périodes d'indépendance suivies d'une nouvelle
vassalité, et nous avons vu que la bataille de Dourîlou, tout en
se terminant à l'avantage de l'Assvrien, ne lui avait pas permis
de déloger Mérodach-Baladan II de Babvlone. Le moment
était d'ailleurs favorable pour attaquer le roi de Babylone.
(i) Traduction ('(tNi)A>UN : Le Hure d'Isaie, Paris, IjCCoUre, igoS.
(2) Maspero, Histoire ancienne, p. ■^44-
78 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
Celui-ci aurait dû comprendre qu'en sa qualité d'étranger il
avait à ménager les susceptibilités nationales de ceux qui
l'avaient appelé à régner sur eux; il commit la maladresse de
s'appuyer ostensiblement, pour se maintenir, sur les Chaldéens
ses compatriotes, qu'il favorisa au détriment de ses sujets baby-
loniens. Les villes de Kouta, Sippar, Borsippa a3^ant manifesté
leur mécontentement il séquestra les statues de leurs dieux, et
emprisonna leurs principaux citoyens dont il confisqua les
biens; ces procédés apeurèrent les autres cités, mais depuis les
quatorze ans que Mérodach-Baladan régnait sur elles leurs
sympathies avaient eu le temps de se refroidir.
De son côté, le fidèle allié des Kaldou, l'Elam, avait faibli
également. Shoutrouknakhounta, fils et successeur de Khoum-
banigash, mort en 717, avait fort à faire pour maintenir ses
propres vassaux dans l'obéissance. Sargon divisa son armée,
lança le premier corps contre les Araméens de la rive gauche
du Tigre et contre les Elamites ; il dirigea le second contre
Mérodach-Baladan lui même. Les Elamites sont refoulés, une
partie de leur territoire Ouest est ravagée et conquise, la plupart
des villes araméennes se rendent et Mérodach-Baladan s'enfuit
se fortifier à Iqbi-Bêl, au territoire du Jatburu, dans son
ancien royaume du Bît-Iakin. Babylone et Borsippa envoyèrent
des délégués pour féliciter Sargon à Dour-Ladînou. Le
vainqueur fit son entrée solennelle à Babylone à la fin de 710,
et au premier mois de 70g, au mois de Nisan, il prit « les
mains de Bel » rite par lequel Bel-Mardouk, dieu de Babylone,
était censé lui donner le pouvoir sur la ville ; il poursuivit son
adversaire dans ses retranchements, qu'il força, mais ne parvint
pas toutefois à s'emparer de sa personne.
En même temps que Sargon s'assurait ainsi la domination
sur toute la Chaldée, son gouverneur du pays de Kuê (Cilicie)
triomphait de la résistance des Moushki situés sur les deux
rives de l'Euphrate supérieur. Même les pirates grecs qui occu-
paient le Nord et le centre de Chypre sentirent le besoin de se
mettre en bons rapports avec le conquérant et lui envoyèrent
leurs présents. Cette démarche flatta tellement Sargon, que
vers 708, il fit ériger à Larnaca une stèle en marbre noir (main-
tenant au Musée de Berlin) pour perpétuer le souvenir de sa
jusqu'à la CAPTIVITl-: BABYLONIENNE. 79
domination sur le « pays de la' (Chypre), situé à une distance
de sept jours au milieu de la mer ». Cette même année il pilla
la Commagène qui avait refusé le tribut; elle tut peuplée par
des vaincus de la Chaldée.
Toutes ces expéditions ne détournaient pas son attention des
constructions d'utilité publi([ue, telles que les canaux d'irriga-
tion, l'érection de temples, la fortification des villes, etc. Il
voulut aussi une résidence fondée par lui. Le village de Maga-
noubba au Nord-Est de Xinive ^aujourd'hui Khorsabad) arrêta
son choix. Il en expropria tous les habitants "et s'y bâtit une
ville modèle qu'il appela de son nom « Dùr-Sarru-ukîn » : forte-
resse de Sargon, et s'\' érigea un palais (i), pour lequel
furent mis à contribution les cèdres de l'Amanus et du Liban,
les pierres et les métaux précieux du Taurus et des montagnes
de l'Assyrie. Il put enfin quitter Kalakh, où on lui avait amé-
nagé provisoirement l'ancien palais d'Assournazirabal, pour
inaugurer le 22 Tichri 707 sa somptueuse demeure; il ne s'y
installa néanmoins définitivement que le 6 lyar 706.
Les dernières années ne s'étaient pas passées toutefois sans
quelques contrariétés. Alors que les forces assyriennes étaient
concentrées en Chaldée, le souverain de TOurartou (pays de
l'Ararat), Argishtis II, avait pu récupérer les terrains occupés par
ses prédécesseurs à la fin du IX*^ siècle et perdus depuis; il
s'empara même du Mannaï (entre le lac d'Ourmiah au Sud-Est
et le lac de \'an au Xord-Ouest) et en fit une de ses résidences
favorites. De son côté Shoutrouknakhounta. battu encore une
lois en 707 dans le X^ord de ses Etats, notamment dans l'Ellip
(dans les montagnes du Kourdistan), recouxra en 706 tout ce
qui lui avait été enlevé en 710 et même déplaça ses frontières
au détriment des Assyriens. Peu après, au commencement
de ;7o5, Sargon, le grand conquérant, disparut mystérieusement.
Les textes qui nous rapportent la version de sa mort sont
diversement interprétés. D'après M. Maspero (2) il périt
dans le temple de Dùr-Sarru-ukin de la main d'un soldat
(i) Voir descrii)tioii duiis ^[ashkko, III pp. a6o ss. et surtout Pkrrot et
Chipikz : Histoire de l'Art tlmis l'untiqiiité, t. II. Chnldee et Assyrie. Paris,
llat-hette, 1884, pp. 422-44'S
(2i M.\SPKR<», III, p. 271.
8o DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
étranger; d'après Winckler (i) il aurait été tué par des mon-
tagnards au cours d'une campagne livrée contre eux. En tous
cas, son cadavre resta un certain temps sans sépulture; dans la
première hypothèse, pour que son fils et successeur ne conçut
pas de soupçons sur le compte de l'entourage du défunt; dans
l'autre hypothèse, parce qu'il aurait été abandonné sur le
champ de bataille. Cette fin inattendue et ignominieuse inspira
une des plus belles compositions du prophète Isaïe dont les
détails seront mieux compris, après que nous avons exposé
dans les grandes lignes la vie du redouté conquérant :
Comment a fini l'oppresseur,
et fini la tourmente?
Jahvé a brisé la verge des impies,
le sceptre des tyrans!
Lui qui frappait les peuples avec fureur
de coups sans relâche
Et qui dans sa colère subjuguait les nations
sous un joug sans pitié.
Toute la terre est en paix, en repos ;
on éclate en chants d'allégresse.
Les cyprès mêmes se réjouissent de ta chute,
avec les cèdres du Liban,
« Depuis que tu es sans mouvement,
nul ne monte plus nous abattre! »
Le Chéol pour toi s'émeut dans ses profondeurs
pour aller à ta rencontre.
Pour toi il réveille les ombres,
tous les grands de la terre ;
Il fait lever de leurs trônes
tous les rois des nations.
Tous prennent la parole,
et ils disent ;
« Toi. aussi, te voilà faible comme nous,
et devenu semblable à nous ! »
Au Chéol est descendu ta majesté,
avec le son de tes harpes.
Sous toi la vermine s'étend,
et les vers sont ta couverture!
(i) Altorientalische Forschungen, t. I, Leipzig, i8()3, pp. !{\o 4i5.
jusqu'à la captivité babylonienne.
Comment es-tu tombé des cieux
astre brillant, fils de l'Aurore?
Comment as-tu été jeté par terre,
ô dompteur des nations !
Toi qui disais dans ton cœur :
« Je monterai dans les cieux ;
Au-dessus des étoiles de Dieu
j'élèverai mon trône !
Je m'installerai sur la montagne sainte,
aux profondeurs du Septentrion ;
Je monterai sur les sommets des nues,
je serai l'égal du Très- Haut! »
Eh bien ! c'est au Chéol que tu descends,
dans les profondeurs de l'abîme!
On s'arrête pour te mieux voir,
et l'on devise à ton sujet :
« Est-ce là celui qui faisait trembler la terre,
et qui ébranlait les empires ;
Qui changeait le monde en désert,
dévastait les cités,
ne relâchait pas ses captifs ?
Tous les rois des nations,
tous reposent avec honneur,
chacun dans sa demeure;
Et toi, tu es jeté loin de ton sépulcre,
comme un vil rameau !
Ceux qui sont tués, frappés par le glaive,
descendent dans les tombeaux de pierre ;
Tu ne les rejoindras pas dans le sépulcre,
tel un cadavre foulé aux pieds !
Car tu as ruiné ta terre
et tué ton peuple ! »
Jamais on ne parlera plus
de la race du méchant.
Préparez le massacre des fils
pour l'iniquité de leur père;
Qu'ils ne se lèvent pas pour conquérir la terre,
et remplir de ruines la face du monde!
(Is. XIV, 4-21. Traduction Condamin.^
82 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
Senna- L'aîné de ses fils, Sennachérib, (Sin-ahê-rîb) (i) qui sur-
chérib. veillait les contrées septentrionales de l'empire, accourut de la
frontière et fut proclamé roi le 12 du mois d'Ab. En même
temps qu'il ceignait la couronne, il dut endosser la cuirasse;
la disparition du fameux dompteur de peuples avait ravivé
partout des désirs d'indépendance . Sennachérib voulant
faire sentir à Babylone qu'elle était vassale, ne daigna pas
lui-même en porter le diadème, mais lui donna pour roi
un de ses frères ( 2 ) . Irrités , les Babyloniens tuèrent
celui-ci et mirent sur le trône en 704 un certain Mardouk-
zakir-Souma. Mais Mérodach - Baladan était aux aguets.
Avec les Chaldéens il se jeta sur Babylone, oii çclata
aussitôt une sédition dans laquelle Mardoukzakir-Souma
périt, après un mois de règne. Pour une période de neuf mois-
Mérodach Baladan gouverna derechef Babylone. Il tâcha
d'intéresser à sa cause le roi de Juda, Ezéchias, en lui
envoyant une ambassade. C'est à ce moment, oii la
fortune semble lui sourire à nouveau, que nous plaçons
cette démarche racontée 2 Reg., XX, 12 ss,, Is. XXXIX.
Il n'est pas probable qWaprês la rançon qui sera imposée
au roi de Juda en 701, il ait encore eu de quoi faire
ostentation de ses trésors, comme il est raconté dans les
récits bibliques. D'ailleurs, l'expression assez vague de
2 Reg , XX., 12 ss. et Isaïe XXXIX, i : « en ce temps là »,
n'implique pas plus de précision dans la fixation du moment
que r « /// illo tcinpore » des évangiles du Missel.
Mérodach- Baladan s'allia une fois de plus avec les Elamites,
et les coalisés attendirent les Assyriens près de Kis. Ce fut une
déroute complète; traqué par l'armée victorieuse, Mérodach-
Baladan s'enfuit dans les marais du Tigre et ensuite dans
l'Elam. Pendant toute l'année 7o3 Sennachérib ravagea systé-
matiquement le pays chaldéen ainsi que les installations
araméennes et arabes, qui, elles, longeaient déjà toute la
(i) Pour les documents sur le rèpne de Seunachérib, voir Maspero, III,
p. 27.}, note. Le principal recueil de textes concernant ce règne est
l'ouvrage de Smith, i)ublié par Sa yce, ^/s/ory of Sennachérib... Loudon,
Williams and Norgate, 1878.
(2) Maspkro, III, p. 274, note i
jusqu'à la captivité habvlonienne. 83
lisière méridionale de la Mésopotamie. Le butin — captifs
et troupeaux — fut immense (i). Il fit sentir également son
autorité aux Cosséens et aux Modes à l'Est, ainsi qu'aux peu-
plades du Kurdistan au Nord. Maintenant il s'agissait de se
ieter de nouveau sur l'Occident.
Depuis la défaite d'Asdoud, Sabacon avait cru qu'il serait
de meilleure guerre de se tenir en rapports amicaux avec
l'Assyrie. De part et d'autre on se fit des présents, ce qui
permit de croire à une déférence réciproque qu'on inter-
prétait des deux côtés d'ailleurs comme des marcjues de
vassalité. (Annales de Sargon, lignes 97-99. — Temple de
Karnak où Sabacon est représenté victorieux des Asiatiques et
des AiVicains.)
Mais à Sabacon avait surcédé vers 7o3 son fils Shabitkou.
Celui-ci était en bonnes relations avec les Phéniciens de
Chypre, qui s'appuyaient d'autant plus volontiers sur le
pharaon que les roitelets grecs du Nord de l'île avaient
reconnu l'hégémonie de l'Assyrie (voir plus haut p. 78), et que
d'autre part le delta offrait aux Phéniciens un débouché assuré
pour leurs opérations commerciales. T}^ d'ailleurs n'avait
jamais qu'à contre cœur subi le joug que lui imposa jadis Té-
glath-Pbalasar III. Quant au royaume de Juda, il faut croire
qu'après la ruine de Samarie on y était inquiet des progrès
faits par l'Assyrie et qu'on préférait la vantardise de l'Egypte
dont la domination n'était que nominale, à celle de l'Assvrie,
tout aussi provocante mais surtout plus réelle. Il n'avait rien
fallu de moins que la parole énergique du fils d'Amos pour
retenir jusqu'ici le pieux roi Ezéchias ; maintenant toutefois il
crut pouvoir se passer de ces conseils de prudence, écouter le
langage de ses courtisans, en particulier de Sobna, le préfet du
palais dont Isaïe prédit la destitution XXII. i5-25, et braver
l'Assyrien en se confiant au pharaon.
Rien d'étonnant dès lors à ce que l'Égvpte, profitant du
désarroi créé par la mort violente de Sargon, ait fomenté la
rébellion contre l'Assyrie chez les peuplades côtières de la
;ii Maspfro, m, p. 27G. Smitii-Savci:, op. laïuL, pp. i>,s, •2\)
84 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
Palestine; et c'est ainsi que de la Philistie et de la Phénicie le
désir d'indépendance avait pénétré jusqu'en Juda.
Sédécias, roi d'Ascalon, fut le premier à secouer le joug,
entraînant dans sa révolte Jaffa, Beth-Dagon, Benê-Baraq et
lâzûr. Ekron s'insurgea contre Padi, le roi que lui avait
donné l'Assyrie et le confia à Ezéchias, le roi de Juda, qui le
mit en prison.
Au printemps de 701, Sennachérib fond sur la Phénicie,
Eloulaios, roi de Tyr, s'enfuit en Chypre. Les T3Tiens
parviennent toutefois à tenir tête à l'envahisseur, mais le
reste de la Phénicie fut soumis et Sennachérib lui donna
comme roi un certain Ithobaal. Parmi ceux qui vinrent pré-
senter leurs hommages au vainqueur figurent les rois d'Ammon,
d'Edom et celui d'Asdoud, qui avec celui de Gaza, avaient été
les seuls en Philistie à ne pas s'insurger. Aussi Sennachérib
descend-il, aussitôt après, la côte philistine.
Ekron avait appelé à son secours « les rois d'Egypte, et les
troupes du roi d'Ethiopie ». Les armées se concentrèrent à
Altakou dans la grande plaine au sud d'Akkaron ou Ekron.
Elles furent complètement défaites, les rebelles d'Ekron
emmenés en captivité, et Padi, qu'Ezéchias s'était hâté de
relâcher, est rétabli dans sa royauté. Maintenant il s'agit de
faire la leçon à Juda. D'Akkaron, Sennachérib suit la route de
l'Ouest pour monter contre Jérusalem (Is., X, 28-32 imagine
un itinéraire du Nord au Sud pour symboliser la rapidité de
l'invasion) ; sur son passage il ravage quarante-six places
fortes avec les bourgs qui les séparent, dévastant, pillant tout
et faisant plus de 200,000 captifs il vient enfin mettre le siège
devant Jérusalem (i).
Pendant que l'armée assyrienne se répand sur la côte jusqu'à
Altakou, Ezéchias s'était fortifié dans Jérusalem, Il fit abattre
plusieurs maisons pour réparer les brèches des murs de la ville,
boucha les sources d'eau du Cédron et clôtura la sortie des
eaux de la piscine supérieure (Isaïe, Vil, 3), appelée le Gihon :
ces eaux descendaient la pente d'Ophel par un aqueduc
(i) Le cvliiulre hexagonal de Taylor nous doiiiie tous les détails de
cette campagne de Seuuacliérib eu Palestine. Voir K. I. T., pp. 43-46.
jusqu'à la CAI'TIVITl': BABYLONIENNE. 85
à ciel ouvert qui se déversait dans les jardins du roi au Sud-
Est d'Ophel. Il en détourna le cours en faisant creuser le
fameux canal souterrain (jui traverse l'Ophel du Nord-Est au
Sud-Ouest pour se jeter dans une piscine enclavée cette fois
dans les murs mêmes de la ville et dont l'achèvement nous est
raconté dans l'inscription dite de Siloë,(2 Chron., XXXn,2-7,
3o, îs., XXII. 9-II, Eccli., XLVIII, 17) (i). Il fortifia si
bien la ville que Sennachérib ne put s'en emparer. Mais une
partie de la garnison, notamment des mercenaires arabes,
firent défection et Ezéchias se vit forcé d'éloigner l'assiégeant
(i) Dans 2 Chron., XXXII, 3o, il est dit : « Ce fut lui aussi Ezécliias qui
couvrit l'issue supérieure des eaux du Gihou et les amena en bas vers
l'Occident de la cité de David ».Et dans EccH., XLVIII, 17: « Ezécliias for-
tifia sa ville et amena dans son enceinte le Giliou: avec le fer il creusa le
rocher et construisit des réservoirs pour les eaux ». Ezéchias fit ces ou-
vrages à l'approche de l'armée ennemie de Sennachérib. vers 701.
Il est fait allusion à ces mêmes travaux dans Isaïe. qui reproche au peu-
ple de ne pas s'être suffisamment appuyé sur Jahvé. « Vous avez fait un
bassin entre les deux murs i)Our les eaux de la vieille piscine, et vous
n'avez pas regardé vers votre Créateur r, Is., XXII, 11. Or la direction de
ce double mur nous est connue jiar 2 Reg., XXV, 4-
Vers la fin du siège de Jérusalem par Xabuchodonosor en 586, Sédécias
veut s'enfuir. « Alors une brèche fut faite à la ville, et tous les gens de
guerre s'enfuirent la nuit par la porte entre les deux murs près du jardin du
roi. pendant que les Chaldéeus environnaient la ville. Le roi prit le chemin
de l'Arabah (du désert). Mais l'armée des Chaldéeus l'atteignit dans les
plaines de Jéricho ». Il s'agit donc de la vallée du Cédron.
Conséquemmeut, nous sommes à l'Orient de la ville. Impossible dès lors
d'identifier, comme le veulent certains topographes, le (xilioii avec le
Birket-.Mamillah qui alimente 1' « 'Amman-el-Batrak ». d'autant plus que
2 Chron., XXXIII, 4, (îihon est dans la vallée Hî-;» qui signifie toujours
- T
le Cédron. par opposition ù. lasimi)Ie vallée de l'Ouest et du Sud appelée
'';. D'ailleurs, comment de la col ine Ouest, plus haute que le tennjle,
aurait-on pu monter au temple?
Cette source de Gihon est à identifier avec le « 'Ain Sitty Mariam ».
Actuellement, pour y arriver, il faut descendre deux escaliers, le niveau
de la vallée ayant remonté, d'où le nom que lui donnent les Arabes : « 'Aïu
Umm ed Daradj «.Anciennement, ces eaux étaient conduites par un canal
à ciel ouvert, taillé dans le bas du l'ocher au bas de la colline dOpliel et se
déversant dans la « vieille piscine » ou « étang inférieur » près des jardins
du roi. Ce sont « les eaux de Siloë qui coulent doucement ». (Isaïe, VIII, (i.)
Quand Xehémie. II. i4 et III. i5 parle de l'étang du roi et de l'étang de
Siloé, près du jardin du roi, i)rès des degrés qui descendent de la cité de
86 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
par un fort tribut : 3o talents d'or, 3oo talents d'argent (i),
les femmes du palais, des objets précieux de tous jj^enres, que
Sennachérib se complait à énumérer. Tous les trésors du
temple et du palais y passèrent. Ce butin dut être envoyé à
Ninive par les messaj^ers d'Ezéchias et ceux-ci y prêtèrent
hommage au nom de leur souverain (2). Outre cette rançon
immense, Ezéchias vit une bonne partie de son petit royaume
lui échapper. Les villes situées à l'Ouest et au Sud-Ouest de
Jérusalem et qui avaient été pillées par les armées assyriennes
furent octroyées à Padi d'Ekron en compensation de sa capti-
vité, de même qu'à Mitinti d'Asdoud et à Sîl-Bêl (3) de Gaza
David, étang qui est appelé maintenant le « Birket-el-Hamrâ ». «l'étang
rouge », c'est de cet étang inférieur qu'il s'agit.
Seulement, cette canalisation à ciel ouvert et à l'extérieur des murs de
la ville offrait des inconvénients sérieux en cas de guerre. Eu effet, elle
permettait à l'ennemi de s'alimenter et de couper les eaux aux assicgés.
C'est alors qu'Ezéchias entreprit la canalisation intérieure de ces eaux,
dont il est question dans les textes rappelés ci-dessus, et les conduisit de
l'Est au Sud-Ouest de la colline d'Ophel, pour les déverser alors, comme
dit Isaïe, XXII. 11, « dans le bassin entre les deux murs ».
Au fond du bassin de T'Aïn-Sitty-Mariain, s'ouvre une galerie dans
laquelle il y a moven de s'aventurer; la hauteur varie de 4'"5o à o"'45; eu
ligne droite la longueur serait de 835 mètres '1767,98 pieds anglais), mais à
cause des sinuosités, le parcours est de r)39"'33, et la différence de niveau
entre le i)oint de départ et le point d'arrivée n'est que de o'"3o.
Or, à l'extrémité Sud-Ouest de ce canal, on a découvert eu mai 1880. une
inscription contemporaine du percement, composée de six ligues, dont
voici le contenu : «... la percée. Voici l'histoire de la percée. Quand [les mi-
neurs levaient] le pic l'un vers l'autre et qu'il y avait encore trois coudées
[a percer on entendit] se crier l'un à 1 autre c^u'il y avait zédah --;;
(déviation ?) dans le rocher sur la droite. Et au jour de la percée les mineurs
frappèrent chacun l'un vers l'autre, pic contre pic, et les eaux coulèrent
de la source jusqu'au réservoir, sur une longueur de douze cents coudées ;
et de cent coudées était la hauteur du rocher au-dessus de la tête des
mineurs » .
Cette inscription en i)artie abimée, eu partie incrustée de calcaire, pré-
sente une le/îture difficile. Elle esl en caractères hébreux archaïciues
comme la stèle de Mésa, et a été transportée au Musée de Constantinople.
Voir texte dans Lioziîarski, Allsemitische Texte, i*"*' Ileft, p. 10.
(I) Huit cents d'après le récit assyrien. Cette différence peut tenir à
la diversité de valeur du talent, d'après les pays et les époques.
f2) Cfr. loc. cit. du cylindre de Taylor.
(3) Ce nom a été parfois lu Is-mi-eu, mais à torl : voir Rev. Hibl., if)io,
p. 5io, corrigé par Rev. Bibl.. 1911, p. 211.
jusqu'à la captivité babylonienne. 87
qui étaient restés lidèles à la cause de l'AssN'rie. Ces événe-
ments, plus détaillés dans le récit assyrien, sont condensés en
quelques versets du texte biblique 2 Keg., XVIII, i3-i6(au
verset 14 il faut supprimer toutefois la mention de Lachis).
La suite de l'histoire biblique XVIII, 17-XIX, 36, contient le
double récit d'une expédition postérieure de Sennachérib,
comme nous le prouverons.
M. Maspero (III pp. 286-295) se trompe donc en voyant dans
ces deux chapitres XVIII, i3-i6 et XVIII, 17-XIX, 36, une
seule et même expédition; à bon droit Winckler et le
P. Dhorme (Rev. Bibl. igio, pp. 5ii ss.) }• distinguent deux
campagnes différentes. C'est bien à cela que le texte lui-même
invite : sans quoi, il présenterait des détails contradictoires
et incohérents.
>rous poursuivons d'abord l'ordre chronologique des faits
pour reprendre alors les événements narrés dans la suite du
récit sacre.
Pendant que Sennachérib guerr03ait ainsi le long de la côte
méditerranéenne, l'agitation avait repris dans le bassin du
Tigre et de l'Euphrate. A sa dernière entrée triomphale à
Babylone, Sennachérib a\ait conféré la couronne à un origi-
naire du pays du nom de Bél-ibni qui avait été élevé à la cour
de Sargon à N^inive. Bêl-ibni semble avoir conspiré avec les
chefs du Kardouniash (Chaldée) contre son suzerain pendant
l'absence de celui-ci. MérodachrBaladan avait, malgré sa der-
nière défaite, une fois de plus recommencé ses intrigues en
mcitant à la rébellion les chefs de la Basse-Chaldée,et en s'asso-
ciant l'Elam. Sennachérib était donc à peine de retour à X^inive
qu'il lui fallut recommencer la lutte. Il vint vite à bout de
Bêl-ibni, ainsi que des bandes chaldéennes du Bit Iakin; mais
Mérodach-Baladan après avoir dû abandonner ses compa-
triotes et sa famille, s'échappa sur des bateaux avec les statues
de ses dieux et aborda sur la côte élamite. Un des fils cadets de
Sennachérib, Asour-nadin-Souma fut vers la fin de 700 placé
sur le trône de Babylone.
L'année 699 est occupée par la répression des révoltes du
Kurdistan et de l'Ourartou et en 6g8 Sennachérib se soumet
à nouveau la Cilicie. Le pays de Tabal, qui couvre le bassin de
88 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
l'Iris et touche à la mer Noire, est mis à la raison en 6g5.
Ces précautions n'étaient pas inutiles. En effet, depuis
quelque temps les peuplades du Caucase, surtout les Cimmé-
riens et les Scythes, avaient pénétré en Asie Mineure et com-
mençaient à en inonder toute la partie occidentale ; même
quelques tribus avaient poussé vers le Sud-Est dans les
pâturages de l'Araxe et les environs du lac d'Ourmiah, refou-
lant ainsi les peuplades autochtories qui constituaient les
frontières de l'empire assyrien. Il avait donc fallu faire sentir
à ceux qui occupaient ces contrées, ainsi qu'à ceux qui voulaient
s'en emparer, que le maître surveillait jalousement ses terres.
L'horizon momentanément éclairci dans le Nord et le Nord-
Ouest, Sennachérib résolut d'en finir avec Mérodach-Baladan
dont tous les revers n'avaient diminué ni le patriotisme, ni la
ténacité.
Pendant quatre ans, jusqu'en 691, la Babylonie et la Chaldée
de nouveau révoltées et unies lutteront avec des alternatives de
succès et de revers contre l'infatigable Assyrien. Malheureuse-
ment, le puissant allié, l'Elam lai-même, était en pleine ébulli-
tion. Depuis la dernière défaite de Mérodach-Baladan,
Shoutrouknakhounta avait par sa retenue mécontenté les
nobles et avait été remplacé par son frère Khalloudoush. Après
peu de temps celui-ci fut détrôné par un nouveau Koutournak-
hounta qui ne régna que trois mois et eut comme successeur
son frère Oummanminanou.
A Babylone, le fils de Sennachérib avait été culbuté du trône
et remplacé par un babylonien du nom de Nergal Usezib, qui
fut bientôt, en 6g3, emmené comme prisonnier à Ninive. Peu
après, un nouvel usurpateur chaldéen, du nom de Su-zu-bu ou
Musezib-Mardouk. (selon la chronologie babylonnienne) s'em-
para de rechef du trône de Soumer et d'Akkad. Enfin,
en 691, eut lieu une rencontre de forces imposantes entre les
Assyriens et les armées coalisées de Babylone et d'Elam, tout
près de Haloulê(sur le Tigre aux environs de Bagdad). L'issue
fut indécise ; de part et d'autre on s'attribua la victoire, mais
les pertes avaient été telles que chacun des belligérants sus-
pendit les hostilités pour quelque temps. Pourtant Sennachérib
ne s'accorda pas des loisirs complets. Un fragment de texte
jusqu'à la captivité babylonienne. 89
récemment interprété nous apprend qu'à cette époque (vers
6go) Sennachérib entreprit une campagne en Arabie, {K. I. T.,
p. 47) ; il dit avoir tait luir la reine des Arabes « ...nu )> et un
certain Hazaël dans la ville de A-du-um-ma-tu (i). Etant à
plus qu'à mi-chemin de la côte méditerranéenne, il risque une
poussée jusqu'à la frontière égyptienne et remonte installer son
camp à Lachis.
Depuis la défaite d'Altakou, Shabitokou s'était tenu sur la
défensive, tout en maintenant son autorité sur les roitelets
égyptiens; mais en 6g3 un certain Taharqou, de la souche
royale éthiopienne, originaire de Napata, avait été proclamé
souverain d'Ethiopie. D'après Eusèbe, qui s'inspire probable-
ment de Manéthon (2), il aurait disputé le trône à Shabitokou,
l'aurait défait et mis à mort. C'est peut-être à ce changement
de règne qu'est applicable le passage d'Is., XIX, i-3. La stèle
dite de Tanis, qui nous fournit quelques détails intimes sur sa
vie, est malheureusement abimée. D'après M. Maspero (3) elle
nous dirait qu'il est arrivé au pouvoir à l'âge de vingt ans.
Alt (4) fixe à vingt ans son départ de Nubie seulement. Il
épousa la veuve de Sabacon, qui avait laissé un fils encore
mineur, Tanouatamanou, et il régna dès lors sur l'Ethiopie et
rEg3^pte, considérant cette dernière comme un pays par lui
conquis (5).
Nous voici ramenés au récit biblique 2 Reg., XVIII, 17-
XIX, 36, qui a son parallèle dans 2 Chron., XXXII, 9-23 et
Is. XXXVI-XXXVII, 36. Nous y lisons que Sennachérib alla
camper à Lachis et que de là il envoya son tartànu, ou général
en chef, le rab-saris ou chef des eunuques et le rab-sâquê ou
grand-officier (dont la Vulgate Is., XXXVI fait un nom propre)
à Jérusalem pour exiger la reddition de la ville. Peut-être
celle-ci n'avait-elle pas continué à payer le tribut lui imposé en
(i) C'est la ^"211 *'® Oenèse XXV, 14. localité qui se trouve en plein
T
désert d'Arabie, dans le Ouadi Sirban.
(a) Fragm. hist. Griec, t. II, j). Sgî.
(3) Maspero ITI, p.3Gi,note4-
'4) M.T,op. laud., pp. 80, Hi, note i.
(5) Masi'ERO, III, p. 3G2.
go - DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
701 (c'est ainsi qu'Ezéchias se sera révolté. 2 Reg., XVIII, 20).
Ezéchias, effra3'é des menaces des envoyés, est rassuré par
Isaïe, qui lui prédit une catastrophe prochaine pour Sennaché-
rib et même la mort de celui-ci. Sur ce, les envoyés sont con-
gédiés et ils vont retrouver leur maître, non plus à Lachis,
mais à Libna (i). En eflfet, Sennachérib venait d'apprendre
que Taharqou, le roi d'Ethiopie, s'avançait pour lui livrer
bataille, et c'est pourquoi il s'était rapproché de la frontière
ég3'ptienne. L'Assyrien renvoie ses ambassadeurs à Ezéchias,
se moquant de la confiance qu'il met en Jahvé son Dieu. Alors
Isaïe lui adresse une prophétie aussi satyrique que pleine
d'assurance (Isaïe, XXXVII, 22-35; 2 Reg., XIX, 21-34).
Is. XXXVII 22. Elle te méprise, elle se moque de toi,
la vierge, la fille de Sien
Derrière toi elle hoche la tête,
la fille de Jérusalem
2 3. Qui as-tu injurié et outragé?
Contre qui as-tu élevé la voix,
Et porté ton regard superbe?
Contre le Saint d'Israël!
24. Par tes esclaves tu as outragé le Seigneur,
et tu as dit . avec mes chars nombreux
Je suis monté au sommet des montagnes,
aux extrémités du Liban.
J'ai coupé les cèdres sublimes
et les plus beaux cyprès ;
J'ai atteint ses dernières cîmes.
ses bois les plus épais.
25. Moi j'ai creusé et j'ai bu
des eaux étrangères
J'ai desséché avec la plante de mes pieds
tous les canaux de l'Egypte !
26. Entends-tu? Il y a longtemps •
que j'ai préparé cela ;
Dès les temps anciens je l'ai rcsolu,
et maintenant je l'accomplis.
Tu devais changer les villes fortes
en monceaux de ruines.
i) Actuellemeut Tell-el-Hasi, àlOiiest de Lachis et à mi chemin entre
cette dernière localité et Gaza.
JUSQU A LA CAPTIV1T1-: H AIiVr.ONlENXE. 9I
27. Leurs habitants était- nt sans forc<^,
épouvantés, confus. •
Us étaient comme l'herbe des champs,
la tendre verdure,
Le gazon qui pousse sur les toits
• brûlé par le vent d'Est.
Je sais quand tu te lèves 28 et quand tu t'assieds
je connais toutes tes démarches
29. Ta fureur contre moi, ton insolence
sont montées jusqu'à mes oreilles.
Je te mettrai au nez mon aniieau,
et mon frein à tes lèvres
Et je te ferai retourner par la route
par laquelle tu es venu!
53. Voici donc ce que dit Jahvé sur le roi d'Assyrie :
Il n'entrera pas dans cette ville,
il n'\' lancera pas une floche;
Il ne marchera pas contre elle armé du bouclier,
il ne l'entourera pas de retranchements.
34 Par la route qui l'amena il s'en retournera,
et il n'entrera pas dana cette ville, déclare Jahvé.
35. Je défendrai cette ville et je la. sauverai.
à cause de moi et de mon serviteur David
(Traduriioti Cond.-vmin).
La nuit suivante la catastrophe se produisit. Sennachérib
perdit la grande partie de son armée et dut retourner précipi-
tamment à Ninive. {2 Reg., XIX, 35, 36.)
Relevons maintenant les principaux détails qui nous font voir
en tout ceci une campagne différente de celle de 701, mention-
née 2 Reg., XVIII, i3-l6 et particulièrement 2 Chron., XXXII,
1-8, et Is., XXXVI, I.
1°) Dans le récit assyrien de la campagne de 701 (cylindre
de Taylor), il n'est pas fait mention de Lachis ; les centres
d'opérations sont Altaqou. Akkaron et Tîmna. Or, sur un
relief du palais de Ninive (i), Sennachérib siège sur son
trône et reçoit les dépouilles de Lachis (La-ki-su). Il ne s'agit
(I) British Muséum, A guide to tJie bubylonian mul nssyrimi nntiquities,
assyrian saloou u" 28, plate XV, texte p. 33.
92 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
donc pas sur ce dernier relief de la bataille de 701, que n'aurait
pu omettre le cylindre de-Taylor, si détaillé dans ses rensei-
gnements.
La mention "'f^K^ 2 Reg., XV^III, 14, doit donc être une
glose introduite à cause du récit qui suit ; car on ne comprend
pas pourquoi les envoyés d'Ezéchias doivent aller à Lachis
où Sennachérib n'est pas allé et au moment où il est monté
contre toutes les places fortes de Juda.
2°) Is., XXII, i5, Sobna est intitulé intendant du palais
iT^n ':'y lïï^i^ ... pàn et remplit le rôle de premier ministre;
c'est à son influence qu'il faut attribuer les faveurs accordées
par Ezéchias à l'alliance égyptienne; aussi Isaïe lance-t-il
contre lui la prédiction de sa destitution du poste élevé
qu'il occupe et lui annonce-t-il son remplacement par Eliakim,
le fils d'Helcias. Is., XXII, 16-24. Or dans Is., XXXVI, 3 et
XXXVII, 2 ainsi que 2 Reg., XVIII, 18, 3y nous voyons
précisément Eliakim en qualité de préfet du palais et Sobna
réduit au rôle de secrétaire. C'était l'accomplissement de la
prédiction d' Isaïe.
3°) Dans la partie que nous considérons comme relatant un
épisode autre que celui de 2 Reg., XVIII, i3-i6, il est
question de Taharqou, le roi de Koush (Ethiopie), 2 Reg.^
XIX, 9. Or, celui-ci n a pas régné avant 693. Même en
admettant l'interprétation de la stèle de Tanis, donnée par Alt
(i), comme quoi Taharqou serait venu en Egypte avec Saba-
con à l'âge de vingt ans, aurait participé à la guerre de celui-ci
contre Bocchoris en yi5 et serait ensuite resté dans l'armée
jusqu'en 693, — période pendant laquelle il aurait pris part à
la campagne contre l'Assyrien, en 701, — on n'explique pas,
dans l'hypothèse qui voit dans le récit biblique le seul événe-
ment de 701, comment Taharqou serait alors appelé 2 Reg.,
XIX, 9, le ce roi » de Koush, s'il n'était à ce moment que le
général de Shabitkou. D'ailleurs, l'interprétation donnée par
Alt repose sur une restitution conjecturale de la ligne treizième
de la stèle de Tanis, mutilée à cet endroit. M. Maspero (2)
(i) Ai/r, pp. 80, 81, note.
(ii) Maspero, III, p. 36i, note 4-
jusqu'à la captivité babylonien XI-:. g3
l'interprète autrement et donne à Taharqou vingt ans au
moment de sa révolte, soit en 6g3.
4°) Le désastre subi par l'armée assyrienne (2 Reg., XIX,
35, 36, Is., XXXVIir. 36, 37; 2 Chron., XXXII, 21, 22), par
lequel Sennachérib trouve au matin les cadavres de z85, 000 hom-
mes dans son camp, a laissé son souvenir dans les traditions
égyptiennes rapportées par Hérodote. {Hist. 1. II ch. 141.) \ln
ce temps (comme nous l'apprennent ces traditions) régnait en
Egvpte Séthon, le grand prêtre du dieu Ptah de Memphis.
Séthon qui avait une médiocre estime pour la classe guerrière,
l'avait dépouillée de beaucoup de privilèges. « Savayâpl,3o;, le roi
des Arabes et des Assyriens», s'avance avec une grande armée
contre l'Egypte ; l'armée égyptienne refuse ses services à
Séthon qui va se lamenter dans le temple de son dieu ; celui-ci
lui communique en songe qu'il lui enverra des auxiliaires pour
lui assurer la victoire. Séthon rassemble alors une troupe de
petits commerçants et les mène camper à Péluse. Or, voici que
pendant la nuit une nuée de rats des champs envahit le camp
assvrien, rongeant les carquois, les cordes des arcs et les poi-
gnées des boucliers des Assvriens. Au matin ceux-ci n'eurent
d'autre ressource que de s'enfuir en abandonnant un grand
nombre des leurs qui lurent poursuivis et tués par les Egyptiens.
Pour fantastique qu'il soit, ce récit contient quelques indica-
tions précieuses. Tout d'abord Sennachérib est l'envahisseur;
ensuite il est appelé le « roi des Arabes et des Assyriens ». Or,
ce n'est qu'en 6gi ou 6go que Sennachérib a pénétré jusque
dans le cœur de l'Arabie. Sans aucun doute il aura selon sa
coutume enrôlé une partie des vaincus dans ses armées et ce
sont eux qu'il conduit en Egypte et qui subissent le désastre
précité.
De plus, cette mention des rats fait songer à un fléau
importé communément par ces rongeurs. N^ous les trouvons
notamment en connexion causale avec la peste bubonique i Sam . ,
V, g, 12 et VI, 5, 11, 18. Il est assez obvie dès lors devoir
dans le désastre que subit l'armée de Sennachérib une invasion
de rats qui ont communiqué la contagion à son armée.
L'événement prédit par Isaïe n'en est pas moins surnaturel,
et l'expression de 1' « ange de Jahvé » est habituelle pour signi-
94 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
fier des causes secondes qui, surtout miraculeusement, amè-
nent un désastre.
5<^) Si l'on voit dans le récit de 2 Reg., XVIII, i3-i6 le même
épisode que narre dans la suite 2 Reg., XVIII, 17-XIX, 37, on
ne comprend plus du tout la connexion des faits. En efi'et, si
l'armée assyrienne était malmenée avant que le roi de Juda,
Ezéchias, ait livré ses trésors et par suite avant que les ennemis
aient dû plier bagages, on ne comprend pas ce qui l'aurait
obligé à les livrer; d'autre part, si après la menace assyrienne
il les a livrés, comment expliquer que les Assyriens aient
continué le siège? Dire, comme le fait le Père Condamin (i),
que c'est sur un prétexte quelconque que Sennachérib aurait
demandé une seconde fois la capitulation de Jérusalem, c'est
vraiment aussi, salvo respectu, une explication quelconque et il
nous semble qu'à séparer les événements on obtient la seule
solution raisonnable. A condition de séparer les deux récits
bibliques, 2 Reg., XVIII, i3-i6, avec suppression de Lachis au
verset 14, et 2 Reg , XVIII, 17-XIX, 36, on les trouve en con-
cordance parfaite avec les récits assyriens sur la double cam-
pagne de 701 et 690 (2).
Un mot au sujet des indications chronologiques de la
Bible sur le règne d'Ezéchias.
2 Reg.', XVIII, i3etls., XXXVI, i, il est dit que l'inva-
sion de Sennachérib de 701 a eu lieu la quatorzième année
d'Ezéchias. D'après ces données, il aurait donc commencé à
régner en yiS. Or, 2 Reg., XVIII, 9, 10, Samarie aurait été
prise la sixième année d'Ezéchias : ce qui reporte l'avènement
de ce roi à 727. Il est évident que l'une ou l'autre de ces indi-
cations est fautive; peut-être la mention de la quatorzième
année de 2 Reg. XVIII, i3 et Is. XXXVI, i se rapportait-elle
à la maladie d'Ezéchias (2 Reg., XX, 1-12, Is. XXXVIII)
(i) Co^UA'Sim, Lelinred'lsaie. p. 209.
(2) Pour 701, cfr. cylindre de Taylor. pour celle de Ggi/Gyo le relief du
palais de Niuive. Dans les Mélanges d'Histoire offerts à Charles Moeller,
Louvain, Van Linthout, 1914, vol I, pp. i-lo : L'invasion de lu Judée par
Sennachérib en ^01, M Van Hoonacker ne voit qu'une seule campagne de
Sennacliéril) dans les chap. XVIII et XIX de 2 Reg. Nous regrettons de ne
pouvoir nous rendre aux raisons ([u'il apporte.
JUSOUA LA CAPTIN'ITÉ BAHYLOXIEXNE. g5
et aura pénétré de là dans le récit de la campagne de Senna-
chérib (i).
Après ce désastre inattendu, Sennachéribre ga^^na Ninive,
au début de 689. Musezib-Mardouk s'agitait à nouveau.
Avec le concours de l'Elam, il serait peut-être parvenu
à donner à la bataille indécise de Haloulé une tournure en sa
faveur, mais Oummanminanou tut frappé d'apoplexie le i5 Ni-
san. Sans chef capable de le gouverner, l'Elam fut désemparé
et Sennachérib profita de la circonstance pour porter à Baby-
lone le coup décisif. Nous en avons conservé le détail sur les
bas-reliefs assyriens des rochers de Bavian (Nord- Est de
Khorsabàd). Le i'"" Kesleu la ville tomba.
Si, lors de ses rébellions antérieures, Babylone avait été
ménagée, il n'en fut plus de même maintenant. Sennachérib,
exaspéré par ses révoltes continuelles, en décida la ruine com
plète. Un massacre impitoyable décima les habitants; ce qui
survécut fut emmené en captivité avec son roi ; les trésors tant
particuliers que publics furent distribués aux vainqueurs ; les
maisons, palais, temples, murs, détruits de fond en comble et
inondés; seuls quelques quartiers populaires échappèrent à la
(i) Ce n'est pas le seul t-as d'incohérence entre les données bibliques
ayant trait à la ehrouologie.il arrive aussi qu'il y a désaccord entre les pre-
mières et les données cunéiformes. Or, dit M. Peut {op. laud. II, p. i34),
« la conciliation est d'autant plus nécessaire sur ce ])oiut, que les dates
fournies par l'assyriologie jiaraissent plus fermes... » "Mieux vaut donc se
baser sur celles-ci, pour étayer une chronologie absolue. La chronologie
assyrienne est, nous l'avons vu plus haut, établie sur des bases fixes à
partir de 8y3. Dès lors certains événements bibliques rapportés par elle
doivent servir de points de repère aux autres :
^^54. — Achab envoie son contingent à la bataille de Karkar.
84a. — .léhu paye tribut.
738. — Ménahen paye tribut.
734. — Déposition de Péquah, payement de tribut par Aclia/. intronisa
tion d'Osée d'Israël.
7212. — Chute de Saniarie.
701. — Première cam|tagne de Sennachérib sous Ezéchias.
Le désaccord entre les données bibli(iues et ])rofanes affecte surtout la
période antérieure à la chute de Samarie en 7i>ii: on trouvera la plupart des
incohérences relevées dans Pi:i,t. op. IhiuL. II. pp i3i-i4o.
La difficulté est bien vieille et Saint-Jérôme s'en débarrassait sans la
résoudre. Voici ce -lu'il écrit au prêtre Vital is :
« Quid euini prodest Im-rere in littera et vel scriptoris errorem vel
■gÔ DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
destruction totale ; les statues des dieux qui avaient été épar-
gnées furent transportées à Ninive, témoignant elles aussi leur
vassalité aux divinités rivales. Babylone resta presque déserte
pendant huit ans sous l'autorité d'Asaraddon, un des fils de
Sennachérib.
Cette chute de l'indomptable cité dut impressionner vive-
ment le monde oriental. Jusqu'à la fin du règne de Sennachérib
l'Elam, l'Egypte, l'Ourartou, et conséquemment les nations
plus humbles de l'Asie Mineure, n'inquiéteront pas le grand
conquérant qui put continuer ses grandioses constructions,
commencées en dépit et au milieu de ses innombrables cam-
pagnes. C'est de lui qu'il nous reste le plus de souvenirs.
Sous son règne l'art assyrien est caractérisé par un réalisme
très accentué et très puissant (i). Entre toutes les villes de son
empire il s'était plu à restaurer et à embellir Ninive, délaissée
par ses prédécesseurs et devenue un amas de ruines. « Ses
boulevards, ses rues, ses canaux, ses quais, ses jardins,
ses aqueducs )> (2), tout fut renouvelé, et les déportés des
diverses contrées furent mis à contribution pour travailler les
matériaux amenés de leurs pa3's d'origine et dans le maniement
auuorum seriem calumniari ; quum inauil'estissime scribatur : Littera occî-
dit, spiritus autem vivificat? Relege omues et Veteris et Xovi Testameuti
libros et tautam amiorum reperies dissoiiautiam et numerum iiiter .ludam
et Israël, id est iiiter regiium utrumque, confusuni, ut linjusmodi bau-ere
qua-stiouibus non tain studiosi, qiiani otiosi bominis esse videatux" ». ^ Edi-
tion Martianav, t. II, col. G22. Paris, Aui&son, 1699.)
A cette constatation de fait indéniable, il faut ajouter cette re-
marque que beaucoup de chiffres et de dates dans les textes des saints
livres ont été manifestement corrompus par des erreurs de copistes et
aussi par un désir de correction ou d'harmonisation mal réussie de leur
part. De plus, les écrivains sacrés recouraieut, comme ils en témoignent
fréquemment eux-mêmes, à des annales existantes. p]nregistrant celles-ci
telles qu'elles se présentaient, ils en conservaient également les inexacti-
tudes.
Pour i)lus de détails voir Cuktis, Chronology of old Testament dans
Hastincîs, Dictionnary of the Bible, \o]. I, pp. o()9-4o3. Ediuburgh, Clark,
1906.
(i) Cfr. Maspero, ///s/of/-e a/jc/enne, pp. 5iG-5i8. Maspero,III. pp. 3i4 ss.
Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité, II, pp. (j3o-647-
(2) Maspero, III.pp. 3io ss.
JUSQU A LA CAPTIVITE BABYLONIENNE. 97
desquels ils étaient le plus experts. Le palais royal, abandonné
depuis longtemps, tut complètement retait, les bois et les
métaux les plus précieux employés dans son revêtement;
les quartiers avoisinants furent transformés en un parc, qu'on
peut considérer comme un « botanic and zoological garden »
de l'époque,
A ce moment l'Assvrie était en voie d'atteindre le faite de
sa puissance et de sa grandeur. Ce qui lui donnait cette incon-
testable suprématie, ce n'était pas la seule force de ses armées,
c'était surtout l'administration intelligente "de toutes ces
nations si diverses qui la constituaient. Alors que l'Egypte
était constamment divisée dans son propre sein, l'Assyrie,
vraie mosaïque de peuples, était une par sa politique intérieure.
Les transplantations des nations vaincues sur des terres à elles
étrangères, faites surtout par Téglath-Phalasar III et Sargon,
avaient eu pour premier résultat un isolement plus grand de tous
ces divers éléments; ceux-ci par suite, tout en s'acclimatant
dans leur nouvelle patrie, restaient pourtant étrangers à leurs
voisins, ce qui empêchait la coalition de tous ces diftérents
groupes; d'autre part, une discipline sévère dans le gouverne-
ment, et des forces militaires exercées qui mettaient partout
les habitants en garde contre toute velléité de rébellion civile
et les détendaient contre toute razzia du dehors, tout cela
avait procuré au pays une sécurité intérieure singulièrement
favorable au développement du bien-être, de la richesse et de
l'activité commerciale.
C'est ce que comprendra le prophète Ezéchiel quand 11
décrira la force et la puissance de jadis, de cet empire qui allait
être détruit quelque quatre-vingts ans après Sennachérib
(Ezéch., XXXI, 3-g). La carrière si illustre de Sennachérib
devait, comme celle de son père, finir de façon tragique et peu
glorieuse. Le 20 Tébet 681 il fut assassiné par Adrammelek,
son fils aîné, et X^abù-sar-usur, l'éponyme de l'année 682-81,
dans le temple de Mardouk, à Bab3'lone. (i) La mention de
la mort de Sennachérib succédant immédiatement dans le texte
(l) Cfr. Dhormk, Les pays bibliques et l'Assyrie, Rev. Bibl., 1910,
pp. 5lf)-120
7
, 9^ DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
biblique 2 Reg., XIX., 36, 37 et Is., XXXVIl, 37, 38, à celle de
son départ précipité pour Ninive, a fait interpréter ce passage
comme s'il fut tué dans cette dernière ville. Nous savons par les
annales d'Asourbanipal, petit-fils de Sennachérib, que le meur-
tre eut lieu à Babylone (i).
Asaraddon. Son fils cadet Asaraddon (Asur-aha iddin) (2), déjà gouver-
neur de Babylone depuis la destruction de celle-ci, résolut de
venger son père et de lui succéder comme souverain de Babel
et dAsour. Asaraddon était fils d'une Babylonienne « Nikoua »;
cette circonstance explique qu'il eut à cœur, dès le jour où il
avait été préposé à Babylone ruinée, de relever cette cité. Ceux
(i) Cylindre de Rassam, col. IV, ligues 70 ss.
Le Père Coiidamiu maintient toujours que le meurtre fut perpétré à
Ninive. (Cfr. Le livre cV Isaie, pp. 224, 226, et Revue pratique d'apologétique^
lei- octobre iQi3, pp. G7, G8). Il admet comme décisifs les arguments que fait
valoir M. Arthur Ungnad contre la solution de Wiuckler, qui conclut. à
la mort de Sennachérib à Babylone :
a) Le sncrifice offert aux mânes de Sennachérib, dont il s'agit dans le
texte d'Asourbanipal cité par Wiuckler, aurait pu difficilement avoir lieu
dans Babylone vaincue et ruinée ;
b) Les taureaux colosses mentionnés en cet endroit (le « sêdu » et le
« lamassu ») témoignent d'un temple assyrien et non babylonien ;
Ces raisons ne nous semblent pas péremi)toires :
I) Lors de la conquête de Babylone, en 64H. Asourbanipal ne ruinera pas
entièrement la ville, quoi(iu'elle aura à souffrir beaucoup du siège, et les
dommages qu'il lui causera, le monarque les réparera i)resqu'aussitôt (voir
plus loin). Nous avons vu qu'en 689, pour maltraitée qu'elle fut par Senna-
chérib, Babjione reçut Asaraddon comme gouverneur et celui-ci se mit
aussitôt eu devoir de la restaurer. D'où il résulte qu'un temple aurait
encore pu être conservé à Babylone en assez bon état pour y offrir des
sacrifices ;
2 Ensuite il n'est pas nécessaire de voir dans le texte d'Asourbanipal un
sacrifice proprement dit; l'expression : « e-nin-na a-na-ku ina ki-is pi-su »,
« en sacrifice mortuaire pour lui » peut être fort bien adoptée par ma-
nière d'hyperbole; le massacre de mes ennemis peut servir de sacrifice aux
mânes de mon aïeul; (Cfr. Winckler, K. /. T., p. 5o et notes ibidem i et 2.)
3) Enfin, est-on si siir qu'on n'ait pas eu des taureaux ailés à Babylone,
alors qu'en Cappadoce on a fait des copies des modèles assyriens? (Cfr.
Perrot et CiiU'iKZ, op. luud., t. II, p. 54">).
(2) Voir les documents sur Asaraddon (68o-66y) : Maspero, III, pp. 348-
49, note 2.
jusqu'à la captivité babylonienne. 99
qui avaient alors pu échapper au massacre et à la déportation,
voyant les dispositions favorables du fils de leur vainqueur,
revinrent de bonne heure, déblayèrent les ruines, et bientôt la
vie renaquit de ses cendres. Asaraddon, qui se caractérisa
toujours par une profonde piété, s'employa à restaurer, même
du vivant de Sennachérib, les temples détruits et s'assura par
cette conduite la bienveillance des Babyloniens.
Après le meurtre si lâchement perj^étré de son père, il n'eut
donc aucune difficulté à s'assurer la fidélité de ces sujets; restait
à empêcher le parricide de s'affermir à Niniye. Les provinces
du Nord avaient pris, en effet, le parti d'Adrammélek. Asarad-
don se précipite sur ses traces et malgré les frimas (on était au
mois de Sabat, — janvier-février), il traîne par étapes forcées
ses fidèles dans la réjj^ion de Hanigalbat (contrée qui s'étend
depuis Ninive inclusivement jusqu'au Taurus dans la direction
Nord-Ouest; cfr. Rev. Bibl., igii, p. 119, note S), romf)t les
lignes ennemies et s'entend aussitôt acclamer roi par les vain-
cus. Adrammélek s'entuit en Arménie. Toutes ces péripéties
n'avaient pris que quarante -deux jours, du 20 Tébet au
2 Adar; le iS de ce même mois de 680, Asaraddon fut intro-
nisé.
Babylone tut récompensée de sa fidélité. Le châtiment
infligé par Sennachérib à la ville rebelle avait été réfléchi ;
le monarque avait voulu abattre à jamais l'orgueil de la rivale
de Ninive. Son fils crut que la dure leçon avait profité et, après
avoir consulté la volonté de Shamash, Hadad et Mardouk, il
décida de relever complètement la ville. Pendant quatre ans on
employa les prisonniers de guerre à cette besogne (680-7Ô).
Temples, palais, les deux enceintes, les canaux, tout fut réédifié
ou réparé et les bois et jardins replantés. Les anciens habitants
furent rappelés de l'exil, réintégrés dans leurs propriétés et
indemnisés.
Depuis le rude traitement subi par Bab\lone sous Senna-
chérib, la Chaldée s'était tenue tranquille; pourtant le meurtre
de Sennachérib avait réveillé son désir d'indépendance. Un fils
de Mérodach Baladan II, Nabù-zêru-kênu lîsir, souleva de
nouveau la Basse Chaldée et assiégea Ur, vassale des Ass3Tiens.
Les armées assyriennes eurent raison de lui ; il se réfugia dans
lOO DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
l'Elam auprès de Houmbanhaldas II (681-675) (i). Mais
celui-ci le fit égorger et le frère de Nabù-zêru-kênu-lîsir, Naid-
Mardouk fit sa soumission à Asaraddon et paya régulièrement
son tribut annuel.
A présent, c'est du côté de l'Ouest qu'il faudra se tour-
ner. Durant les dernières années qu'Ithobaal avait, sous la
suzeraineté d'Asour, régné sur la Phénicie (Tyr exceptée, cfr.
supra p. 84), le tribut imposé en 701 avait été fidèlement paj-é.
Mais son successeur Abdi-Milkutti, comptant sans doute sur
l'appui du pharaon Taharqou, refusa de continuer ces tradi-
tions onéreuses, et en 677 la Phénicie secoua le joug Asarad-
don crut ne pas pouvoir retarder la répression ; il s'empare de
Sidon qu'il détruit; Abdi-Milkutti lui échappe et se Hgue avec
Sandouarri, roi des villes ciliciennes Koundi et Sizou {Koundi
près de Tarse; Sizou est la Sis actuelle). Au mois de Tesrit
(septembre-octobre) 676, le roi de Sidon, et en Addar février-
mars) 675, le roi Sandouarri, sont décapités, leurs villes pillées
et leurs habitants transplantés. Rentré dans sa patrie, Asarad-
don doit réprimer une nouvelle insurrection des Chaldéens
(2), qui cette fois eurent l'appui de Houmbanhaldas II;
seulement celui-ci meurt inopinément et son frère Ourtakou,
qui lui succède, préfère ne pas se compromettre : son absten-
tion valut à Asaraddon d'avoir raison des Kaldou.
Rassuré de ce côté, le monarque assyrien veut risquer une
reconnaissance en Egypte ; mais à peine son armée est-elle à
rOuadi-el-Arich qu'un danger pressant le rappelle au cœur de
l'empire.
Les hordes aryennes ; Sc3^thes,Cimmériens et Mèdes, dont les
incursions étaient menaçantes depuis longtemps {ck. supra p. 88),
s'étaient décidées de commun accord à en\ ahir les frontières
assyriennes. Asaraddon parvint à conjurer leur coalition et à
réduire ces contrées septentrionales dont les agitations deve-
(i) Sur Houmbanhaldas I, qui avait succédé à Ouniniaumiuanou et
était mort eu 681, quehiues mois avant Sennacliérib, nous n'avons guère de
détails.
(2) Surtout ceux du Bit-Dakouri qui prétendaient ne pas restituer aux
Babyloniens les terres qu'ils leur avaient prises lors de la destruction de
Babyione.
jusqu'à la captivité babylonienne. loi
naient de plus en plus fréquentes. Ce péril écarté, il voulut
en 674-673 revenir à la frontière d'Egypte. Le pharaon
Taharqou ne cessait de solliciter la défection des vassaux phé-
niciens et hébreux. (Cfr. menaces constantes d'Isaïe). Comme
l'avait fait jadis Sennachérib, son successeur prit le chemin du
désert. Hazaël, l'arabe, était venu à Ninive implorer d'Asa-
raddon la restitution de ses dieux pénates que lui avait enlevés
Sennachérib en 690-91. Il obtient satisfaction moyennant
augmentation de tribut consistant en chameaux ; et môme,
Asaraddon lui fait épouser une dame arabe de son harem
(c Taboua », qui, selon la règle du matriarcat alors en honneur
en Arabie, aura le pas sur son mari. La sécurité de son expé-
dition assurée ainsi jusqu'à Adoummat par ses vassaux arabes,
il profite de leur complaisance pour se diriger vers le Sud-
Ouest du désert dans le paj's de Bazou et de Khazou (i) et
assujettir les autres tribus de ce « pays de sel, de soii et de
pierres ». Il tue huit rois et soumet tout à son joug. Eùt-il le
temps de se montrer à la lisière de rEg3^pte? On ne sait trop;
toujours est-il que cette lois encore il dut revenir précipitam-
ment sur ses pas pour arrêter l'Elam et les Mèdes, dont les
incursions devenaient de plus en plus inquiétantes.
La tribu des Gamboulou au Nord-Ouest du golfe Persique,
qui iadis pactisait avec les Kaldou, constitua cette fois le prin-
cipal appui de l'Assyrie et servit désormais de rempart contre
les Elamites ; quant à la Médie, Asaraddon lui fit reconnaître sa
suzeraineté jusqu'à son extrême frontière. Cette fois il put
reprendre haleine, et l'année 673 fut mise à profit pour exiger
de ses nombreux vassaux des tributs en nature destinés à
agrandir le palais de Ninive et à embellir cette ville. A cette
occasion il énumère tous ses tributaires syriens, chypriotes,
phéniciens et palestiniens (2) : parmi ces derniers figure
Mi-na-si-e de « la-u-di )> : « Manassé dejuda ».
Malgré le dernier désastre essu3^é par l'armée de Sennachérib Manassé
sous les murs de Jérusalem, Ezéchias resta, au moins théori- de Juda.
quement, soumis à l'Assyrie. Son successeur Manassé ne suivit
(i) BoLz et Khouz (le Geii., XXII, 21.
(2) Cfr. Ilev. Bibl., 1911. pp. 210-212 et K. I T., pp. 5i, 02.
I02 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
pas ses exemples de piété, car il laissa rétablir le culte des
baals et des Astartés, multiplia les divinités et les lieux de sacri-
fices, brûla plusieurs de ses fils en holocauste et répandit beau-
coup de sang innocent. Il faut croire qu'il manifesta trop
hautement son indépendance vis-à-vis de l'Assyrie, car la Bible
nous apprend qu'il fut pendant plusieurs années captif à Baby-
lone. Le malheur l'amena à résipiscence, son trône lui fut
rendu et il répara à la fin de sa vie les égarements des
premières années de son règne (2 Reg , XXI, 1-8, 2 Chron.
XXXI II, 1-20).
Le 5 Adar 672 la reine-mère Nikoua étant venue à mourir,
Asaraddon associa à son trône son fils cadet Asourbanipal, qu'il
avait d'une de ses femmes ninivites. Cette mesure rassura ceux
qui éprouvaient des craintes que Ninive ne fût ^sacrifiée à
Babylone, ville qu'Asaraddon avait toujours particulièrement
affectionnée.
Nous avons vu plus haut (pp. 84 et 100) que lors des deux
dernières descentes des Assyriens en pays phénicien, Tyr avait
échappé à leur domination.
Maintenant Asaraddon conclut avec Baalou de Tyr un traité
par lequel ce dernier s'engage au transport maritime de tous
les produits que les vassaux de la côte doivent expédier à leur
suzerain ninivite. Mais cette bonne entente ne devait pas
durer. Taharqou, dont les portraits trahissent une énergie
patiente et calculée, avait remporté des succès appréciables en
Afrique ; rassuré sur les contrées du Nil, il songea à seconder
les S3?^riens dans la rancune qu'ils gardaient à l'Assyrie. Le
retour précipité des armées assyriennes en 673, alors que le
pharaon avait pu craindre leur invasion imminente, avait impres-
sionné celui-ci au point que sur la base d'une de ses statues
il s'intitule le « vainqueur d'Asour » Les pays côtiers non plus
n'avaient pas été indifférents à l'aventure et Baalou de Tyr
crut le moment venu de s'appuyer sur Taharqou pour reprendre
en Phcnicie le rôle prépondérant que Sidonyjouaitactuellenient.
Asaraddon ne put pas immédiatement se porter sur Tyr, à cause
d'une agitation dans le Shoupria, contrée septentrionale sou-
mise de vieille date pourtant à Ninive. Pendant ce temps
Taharqou fomenta l'agitation à Ascalon et chez les bédouins du
jusqu'à la captivité babylonienne. io3
désert. Asaraddon parvint toutefois à né/^ocier avec ceux-ci et,
moyennant « hakchiche », ils s'engagèrent à venir attendre au
moment opportun larmée assyrienne à Raphia, avec leurs cha-
meaux et toute l'eau que ces bètes pourraient transporter. Ces
précautions prises il quitta Ninive en Xisan 671. Tyr est blo-
quée et un fort détachement de forces y reste immobilisé pour
empêcher toute diversion de ce côté. Le gros des troupes
oblique vers le Sud -Est, dans le but de s'assurer des inten-
tions des Arabes, vers le pays de Musur aux environs de
Ma'an (i) et de là il traverse le pa3's de Meluhha, qui n'est
autre que la péninsule sinaïtique. Il remonte jusqu'à Raphia où
il attend les chameaux arabes, puis redescend par le désert
et non en longeant la côte trop bien garnie, et débouche par
l'Ouest dans les terres cultivées du delta au commencement de
Tammouz (juin-juillet) 671.
Les 3, 16, et 18 eurent lieu entre les deux armées des enga-
gements dans lesquels les forces assyriennes, mieux équipées
et plus disciplinées, firent reculer constamment les Egyptiens
et les Ethiopiens, fougueux et braves, mais conduits avec
peu de stratégie (2). Le 22, Memphis tombe aux mains des
envahisseurs. (Is. XIX, 4?) Une stèle de Sendjirli (entre
Antioche et Marasch) nous renseigne sur les résultats de la
victoire. Taharqou réussit à s'enfuir et à se mettre en sûreté au
delà des cataractes; mais la famille royale et les trésors du
palais sont déportés; Memphis fut pillée et brûlée.
Pour maintenir sa conquête, Asaraddon intéressa le plus
grand nombre possible d'individus au partage de l'autorité; le
moindre chef du dernier des nomes y eut sa part; mais il eut
soin de se réserver le pouvoir suprême et il s'intitula « le roi
des rois d'Egypte du Saïd et de Koush •» (3). Pour retourner
il remonta la côte et peut-être est-ce à cette occasion que
Manassé fut emmené en Babvlonie.
(i) Rev. Bihl., iQi I, p. 2i4-
!2) C'est bien la car:icléristi(iue des années égy|>tieunes et assyriennes,
telle (luelle ressort des engageiiieuls divers où nous les voyons aux prises
les unes avec les autres et avec des forces étrangères.
(3) Voir la répartition de l'Egypte entre une vingtaine de familles
régnantes : Masperu, III, p. 3-8.
Asour=
banipal.
104 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
Pendant l'absence d'Asaracldon il s'était ourdi dans son palais
des intrigues, entretenues par Taîné de ses fils Samas-souma-
oukîn, envieux de la préférence témoignée à son frère cadet.
Asaraddon fit disparaître un certain nombre des mécontents,
mais donna toutefois satisfaction à Samas-souma oukîn, en lui
octro^'ant la vice-royauté de Babylone ; il décréta qu'après a
mort son empire resterait partagé ainsi entre ses deux fils, sous
la souveraineté d'Asourbanipal. Il ne devait pas pour cela jouir
de la paix.
Taharqou, fugitif en Ethiopie, brûlait du désir de se venger et
en 669 il reparut sur la scène. La suzeraineté de l'Assyrie sur
l'Egypte s'exerçait avec une intensité fort inégale dans les
diverses parties du pays. Thébes était restée en fait sous la
mouvance de l'Ethiopie ; l'Egx'pte moyenne, qui n'avait pas
même vu rAss)^rien, ne le reconnaissait que nominalement;
le delta seul, occupé par les garnisons assyriennes, constituait
un fief réellement dépendant. Deux familles principales se le
partageaient (i), l'une à l'Orient, représentée en ce moment
par Pakrourou, l'autre à l'Occident, embrassant Sais et
Memphis où régnait un descendant de Bocchoris, à savoir,
Néchao : celui-ci avait été considéré par Asaraddon comme le
vassal le plus important de Taharqou et comme tel il l'avait
mis au premier rang.
Taharqou s'était recruté une armée fraîche et rentra en
suzerain à Memphis. Les nomes du delta gênés par la pré-
sence des garnisons ass3'riennes n'osèrent se prononcer et
se tinrent dans l'expectative.
Asaraddon venait d'investir ses deux fils lorsqu'il apprit la
tentative de l'Ethiopie. Il part à la tête de ses troupes, mais
quelques jours plus tard, le 10 Arakhsamma (Marheswàn=
octobre/novembre) 66g, il meurt.
Avec lui disparaît une belle figure de l'antique Orient;
énergique et actif autant que ses prédécesseurs, il eut sur
eux, pendant ses douze années de règne, l'avantage d'être à
la fois clément et généreux. Aussitôt après son décès, ses deux
fils occupèrent leur trône respectif. Asourbanipal restitua au
(I) Sur ces deux centres du delta, voir ^Iaspero, III, pp. 4^^9, 490.
jusqu'à la captivité babylonienne. io5
mois d'Ivar le dieu Bel et les dieux d'Akkad à leur ville de
Babylone, emmenés vingt et un ans plus tôt à Asour par
Sennachérib. En sa qualité de suzerain, il les réinstalla, puis
présenta son frère Samas-souma-oukin, pour qu'il « saisît les
mains de Bel ». Après quoi Asourbanipal rentra à Ninive pour
prévenir toute intrigue, et l'armée qui était en route vers
l'Egypte reçut l'ordre de continuer sa marche sous le comman-
dement du tartan. Tous les pays tributaires syriens et palesti-
niens, — au nombre desquels est mentionné Juda, — par où
l'arrTiée devait passer, eurent à offrir leurs services pour le
ravitaillement et le transport des troupes. C'est dans la plaine
qui environne la ville de Karbanît (Orient ou centre du delta)
(i) qu'a lieu la première rencontre; l'issue est défavorable
aux Egyptiens ; Taharqou s'enfuit de Memphis et se réfugie à
Thèbes (Ni 'u, Nô-Amon). Sur ces entrefaites, le tartan reçoit
un renfort amené par le Rab-sàqê, qui sur son parcours avait
encore levé des milices syriennes. On poursuit Taharqou dans
ses retranchements et quarante jours plus tard Thèbes ouvre
ses portes aux Assyriens. L'administration de l'Egypte, telle
qu'Asaraddon l'avait établie, fut consolidée, et Asourbanipal
vint à la rencontre de son armée qu'il ramena triomphalement
à Ninive avec les dépouilles de la ville et du temple d'Amon.
A peine les Assyriens avaient-ils disparu à l'horizon, que les
premiers princes du delta qui avaient été jadis sous la mou-
vance de Taharqou, se sentant dans un état de vassalité encore
plus marqué et plus blessant pour leur orgueil national, firent
à Taharqou, qui s'était enfui en Ethiopie, la proposition de
l'aider à chasser l'étranger, sous condition que désormais
chacun serait indépendant dans ses nomes et territoires respec-
tifs. C'étaient Sarrou-lou-dari (2), roi de Tanis, Néchao,
souverain de Memphis et de Sais et Pakrourou de Pisaptu.
Malheureusement pour eux, leurs missives furent interceptées
par les généraux assyriens restés en Egypte, les villes rebelles
(Il Cfr. MAsm-.iU). III, p. 884, note 4-
(2) Peut être le roi d'Ascaloii dateini).s(le Sennachérib qui aui*ait été
intronisé <ians le delta par Asaraddon. Clr. Rev. Bibl., 1 9 11. p. 348, note 5
et 1 9 1 o. p 5o8.
lo5 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
furent saccagées et deux des ligueurs — Pakrourou réussit
à s'échapper — expédiés à Ninive.
Cette répression si prompte eut son contre-coup à Tyr et
dans les pays d'Arad. Tyr, bloquée depuis quatre ans, résis-
tait toujours. Cette fois Baalou, le roi, comprit qu'il ne gagne-
rait rien à s'obstiner davantage et fit sa soumission. Mo3'en-
nant un tribut annuel, sa couronne lui fut laissée. Quant à
Yakinlou d'Arad, dont les révoltes continuelles avaient lassé
la patience de son maitre, il fut emmené captif à Ninive et rem-
placé par l'aîné de ses fils Azibaal.
La renommée d'Asourbanipal s'était répandue au loin. Gygès,
roi de Lydie, monté sur le trône par la suppression de son
rival (i), envoya un jour, vers 666 665, une ambassade
pour venir faire acte de vassalité à Asourbanipal et lui dire
qu'il comptait le cas échéant sur son appui. On eut toute
la peine du monde à trouver un drogman pour interprêter la
langue de l'ambassadeur, ce qui causa au monarque assyrien
une indicible satisfaction. Des relations se nouant entre Sardes
et Ninive étendaient à son maximum la sphère d'influence de
l'empire.
Asourbanipal, sachant l'insurrection complètement étouflée
en Egypte, crut de bonne politique d'user de clémence; il
traita Néchao avec magnanimité, lui rendant les insignes de
sa royauté, le confirmant dans toutes ses dignités, lui faisant de
riches présents, et lui octroyant même pour son fils aine
Psamatikou (2) le fief d'Athribis. Peu après, en 666, Taharqou
vint à mourir et l'on crut la paix assurée ; aussi une partie
des armées assyriennes laissées en Egypte reprit-elle le chemin
de Ninive. On se rendit bientôt compte que c'était de l'opti-
misme. Le beau-fils de Taharqou, l'enfant de sa femme et de
Sabacon, (3) Tanout-Amon ou Tanouatamanou (Tan-da-
ma-ni-e dans les textes assyriens) avait pendant les derniers
mois de Taharqou administré le pays au nord des cataractes
II) Maspkro, m, pp. 388ss.
(2) Celui-ci prit par reconiiaissauce le nom assyrieu de Xabù-Sèzib-
anni : « Ného sauve moi ».
(3) Le lomlateur de la dynastie éthiopienue, la vingt-cinquième
dvnastie.
JUSQU A LA CAPTIVITE BABYLONIENNE. I07
pour le compte de son beau-père. Aussitôt qu'il apprend la
mort de ce dernier il se t'ait couronner au temple du Gebel-el-
Barkal où les devins lui dirent : « Tu possèdes les pa3S du
Midi, saisis ceux du Nord et que les diadèmes des deux régions
brillent sur ton iront » (i). Aussitôt il s'embarque pour des-
cendre le Nil. La Thébaïde l'acclame sur son passage et il
arrive triomphalement jusque près de Memphis. Là les garni-
sons assyriennes encore présentes et les contingents du delta,
sous le commandement de Néchao, fidèle à Asourbanipal
depuis la magnanimité de celui-ci à son égard, voulaient
s'opposer à l'Ethiopien. Tandamani les défit, enleva Memphis
et se mit à la poursuite des fuyards. Néchao périt dans la
déroute; Psammétique, son fils se sauva; les autres régnants
du delta s'enfermèrent dans leurs forteresses attendant des
renforts d'Asie. Ils finirent par pactiser avec le vainqueur, et
pendant deux ou trois ans Memphis et Thèbes eurent Tanda-
mani pour pharaon.
Pendant ces événements, Asourbanipal s'était trouvé devant
des complications tout aussi graves dans le Sud-Est de son
empire (2). Ourtakou d'Elam était parvenu à s'allier Bel iqîsa
des Gamboulou et c'était par Sapî-Bél qu'avaient passé les
troupes élamites. II franchit le Tigre en 665 et se jeta sur
(i) Aiitérieuremeut aux rois dynastiques, l'Egypte semble avoir été
divisée eu deux Etats : celui du Nord, couipreuant le delta et celui du Sud.
Chacun d'eux avait une couronne ou tiare spéciale Celui du Nord la cou-
ronne rouge/-W , celui du Sud la couronne blanche / / . La plupart des
• V V
grands pharaons se nomment « maitre des deux pays » et portent la
double couronne
12) Le canon des linimou assyriens cesse à l'année GG5, à la troisième
année d'Asourbanipal ; dès ce moment une chronologie certaine devient
difficile pour lAssyrie, et les historiens de l'Orient les plus accrédités ne
sont plus toujours d'accord dans l'exposé chronologi<iue des événements.
Nous suivrons, dès lors, sans entrer dans les détails de la discussion, l'opi-
nion (jui dans chaque cas nous semble donner rencliainement le plus j>ro-
bable des faits.
T08 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
Babylone. Samas-souma-oukîn eut tout juste le temps de se
fortifier clans sa ville et d'appeler son frère à son secours. A
l'approche de l'armée assyrienne, les assiégeants se retirèrent.
L'année suivante Bêl-iqîsa succombe à la morsure d'un san-
glier et Ourtakou meurt d'apoplexie. Son plus jeune frère Tep-
Houmban (le Téoumman des textes assyriens) s'empare du
trône en lieu et place des enfants d'Ourtakou. Ceux-ci s'enfuient
à Ninive avec une soixantaine d'autres princes de sang royal
et une petite armée, et vont rejoindre les fils de Houmban-
haldas II qui jadis avaient dû fuir aussi devant l'usurpation
d'Ourtakou. Profitant de ce moment où Tep-Houmban n'est
pas encore assez solidement assis sur le trône qu'il vient
d'usurper, Asourbanipal lance ses troupes sur l'Egypte. Le
delta est saccagé; Tanout-Amon se replie sur Thèbes, mais il
est forcé de reculer et il se réfugie dans la ville nubienne de
Kipkip. Cette fois Thèbes fut systématiquement saccagée et
pillée et tous ses habitants réduits en esclav^age (663-652). Le
désastre fut complet et il dut impressionner vivement les
pa3^s vassaux, car, un demi-siècle après, le prophète Nahoum
l'Elqoshite invectivant Ninive, lui citera en exemple la destruc-
tion de l'opulente et fière No-Amon (Xahoum III, 8-10).
Tamout-Amon chercha son refuge en Ethiopie, comme l'avait
fait autrefois son beau-père, et l'Egypte fut une fois de plus
réorganisée à rass3'rienne.
La tranquillité de l'empire à peine rétablie en Egypte, Asour-
banipal dut à nouveau porter son attention au Nord et au Sud-
Est. Une insurrection des Mannaï fut tôt réprimée, mais un
plus grand danger se manifestait du côté de l'EIam. Tep-
Houmban avait réussi à asseoir sa domination et il contracta
alliance avec le roi des Gamboulou : Danounou, fils et succes-
seur de Bel Iqîsa. Confiant dans la vigueur militaire de son
pa3-s, il chercha une occasion d'ouvrir les hostilités. Il exigea
d'Asourbanipal l'extradition des fils de ses deux prédécesseurs
Ourtakou et Houmban-haldas II, ainsi que de leurs partisans,
que nous avons vus se réfugier à Ninive Encore qu'Asour-
banipal redoutât la lutte avec l'EIam, il repoussa dédaigneuse-
ment cette sommation et il prit l'olïensive, avant que l'Elamite
eut le temps de s'unira Danounou. Le choc eut lieu près de
JUSQU A LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE. lOQ
Toulliz, à quelques lieues au Sud de Suse. Tep-IIoumban et
son tils périrent dans la mêlée. La nouvelle du désastre,
connue le soir même à Suse, y fit virer l'opinion en faveur
des princes exilés. On s'empressa de venir à la rencontre des
Assyriens et Asourbanipal intronisa le fils aine d'Ourtakou,
Houmbanigas II, comme roi d'Elam et un autre fils plus,
jeune, Tammaritou, comme souverain du fief de Kaîdalou.
Quant à Danounou et les autres chefs des Gamboulou, ils
périrent dans les supplices et Sapî-Bèl fut rasée et inondée
(660). C'était la première fois que l'Assyrie imposait à l'Elam
son roi.
Pendant huit ans environ il régna dans le vaste empire
un calme apparent. Mais une tension de jour en jour plus lorte
se manifestait entre Babylone et Ninive. Samaij-souma-oukîn,
en paix depuis la mort d'Ourtakou, avait fortifié et embelli sa
ville et gouverné ses sujets avec beaucoup de sollicitude. La
suprématie et la gloire sans cesse croissante de son frère
et suzerain le rendirent-elles jaloux et ingrat? Les docu-
ments assyriens veulent le faire croire. Il se pourrait aussi
qu' Asourbanipal, grisé par ses succès, voulut par trop effacer la
V
personnalité de Samas-souma-oukin et s'aliéna de la sorte sa
sympathie. Probablement les torts n'étaient pas unilatéraux.
Le roi de Babvlone travailla dans l'ombre et vers 652 il
était parvenu à provoquer une coalition inquiétante pour
rAss3'rie. Toute la Chaldée, le pays d'Amourrou, l'Arabie, la
péninsule sinaïtique prennent cause pour Samas-soumaoukîn.
Ce qu'il y a de plus grave, c'est que Houmbanigas II trahit
Asourbanipal, malgré qu'il lui dût la couronne. Cette dernière
alliance était angoissante. L'Elam seul disposait d'un nombre
de forces égal à celles de l'Assyrie. Aussi les premiers enga-
gements furent-ils indécis et la guerre traîna-t-elle jusqu'en
65o sans résultat marquant pour l'un ou l'autre des belligé-
rants, lorsqu'éclatèrent des quereHes intestines dans l'Elam.
Houmbanigas II fut détrôné et décapité par son frère Tam-
maritou. Celui-ci prit parti pour Babylone. Mais il fut bientôt
chassé par un certain Indabigas et il courut se rendre à merci
à Asourbanipal. Indabigas, sentant le besoin de se fortifier chez
lui, rappela ses troupes du Kardouniash. Les Assyriens alors
IIO DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
purent marcher de l'avant. Sippar, Borsippa, Koutha tom-
bèrent entre leurs mains et la peste éclata dans les armées
babyloniennes. Samas-Souma-oukîn s'enferma dans Babylone
solidement fortifiée et durant toute l'année 649 résista aux
assauts des assiégeants. Mais avec la peste, la lamine ravagea
.les rangs des défenseurs et ils se décidèrent à capituler. Samas-
Souma-oukîn savait qu'il n'avait pas de pardon à attendre; il se
brûla dans son palais avec tous les siens et les trésors y amon-
celés. Pendant des jours les habitants furent massacrés. Après
cela, Asourbanipal « saisit les mains de Bel », réunissant à
nouveau les deux royaumes sous un seul et même souverain, et
il confia l'administration de Babylone à un officier assyrien
Samasdanàni. Babylone et ses vassales Koutha, Sippar, Bor-
sippa auraient dû être anéanties. Asourbanipal eut le même
scrupule que ses prédécesseurs. Ces villes furent déblayées et
réparées, elles ne lui en surent aucun gré, et leur prodigieuse
vitalité leur donnera la confiance qu'elles s'acharneront, elles
aussi, sur Ninive le jour où elles en auront l'occasion.
Après le nouveau désastre de Babylone en 648, Indabigas,
qui s'était d'abord tenu sur la réserve, avait accueilli plusieurs
chefs chaldéens, entre autres Naboubelzikri, petit-fils de
Mérodach-Baladan. Asourbanipal les réclama , l'Elamite
refusa et les hostilités furent rouvertes.
Les dissensions des Elamites eux mêmes vont une fois de
plus faire le jeu de leurs ennemis. Indabigas fut renversé par
Oummanaldasi et celui-ci eut aussitôt un compétiteur dans la
personne de Oumbahaboua. L'armée assyrienne entra dans
Suse, et Tammaritou, toujours jusque là réfugié à Ninive, y
fut intronisé comme vassal de rAss3Tie. La paix fut de courte
durée. Tammaritou, bientôt las d'être surveillé, songeait à mas-
sacrer les garnisons assyriennes, lorsque son plan fut découvert:
cette fois-ci Asourbanipal résolut d'en finir. Vers 640 Suse fut
saccagée, ses habitants emmenés captifs, les statues des dieux,
les trésors des temples, et les trophées jadis enlevés aux
Bab3'loniens furent amenés à Ninive ; la déesse Nâna, enlevée à
la ville d'Erech i635 ans plus tôt par KoutirNahhunte — sous
lequel l'Elam était une puissance quand Ninive n'était encore
qu'un bourg, — lui fut restituée le i'"" Kislev; les mausolées
JUSQUA LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE. III
des rois et héros susiens furent violés et leurs corps amenés
en terre d'exil.
Pendant quelque temps encore l'Elam fut ravap^é systémati-
quement, jusqu'à ce qu'il n'y resta plus un homme qui put
songer sérieusement à reprendre le pouvoir. D'ailleurs,
partout furent installés des officiers et des gouverneurs assy-
riens. C'est ainsi, dit M. Maspero, que fut rayé de la carte du
monde ce royaume qui, avec Babylone, était le plus ancien des
royaumes d'Asie (III, p. 441).
Tandis que l'Assvrie avait été aux prises avec l'Elam,
l'EgN'pte s'était rendue indépendante. A Néchao avait succédé
Psammétique, son fils, revenu dans le delta après la défaite com-
plète de Tamout-Amon. Tout autant que celui-ci, il voulait
l'Egvpte aftVanchie de toute tutelle étrangère. Il s'allia avec
Gygès de Lydie (i).
Celui-ci était revenu de son admiration, intéressée du reste,
pour Asourbanipal. Il avait visé à s'annexer les colonies
grecques de la côte et réussit à dominer plusieurs villes voi-
sines, telles que Colophon et Magnésie du Sipyle. Croyant pou-
voir compter sur l'appui d Asourbanipal, il lui avait envové
plusieurs ambassades; mais quand il vit que de ce côté il ne
devait rien attendre, les rapports cessèrent et il se tourna vers
un autre auxiliaire.
Il procura à Psammétique des troupes de mercenaires hellé-
niques et asiatiques, qui permirent à celui-ci de déloger vers 658
les garnisons ass3'riennes, de faire reconnaître sa suzeraineté
par Pakrourou et les autres roitelets du delta etd'unifierde nou-
veau la terre d'Egypte depuis la première cataracte jusqu'à la
Méditerranée. Psammétique eut le bonheur de maintenir sous
sa main le pays entier jusqu'à sa mort (vers 611). D'après
Hérodote (1. II, ch. iSy), le règne de Psammétique aurait duré
cinquante-quatre ans, dont vingt-neufpendant le siège d'Asdoud.
Asourbanipal dut se résigner à laisser le pays des pharaons lui
échapper; la distance, le caractère énergique et fier des Egvp-
tiens, l'impossibilité d'y immobiliser des troupes nombreuses
dont il n'av^ait que trop besoin chez lui, tout cela le détermina
(i) Sur la L>(lie et Gygès de Lydie, voir Maspkko, Histoire ancienne,
p 559. Maspero, III, p. 33G ss. ; 388 ss. ; 4^5 ss. ; 522 ss. »
112 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
à se tenir permissif. Il s'en vengea sur les Arabes qui avaient
V V
fait cause commune avec Samas-Souma-oukin. Immédiate-
ment après le désastre de Babylone, Edom, labroud (Nord de
Damas), Ammon, Moab, Soba avaient été visités par les l'orces
assyriennes.
Restaient le pa3^s de Bazou, celui de Nabatou et Kedar.
L'armée assyrienne marcha droit sur le Nedjd (Sud central de
l'Arabie), où elle rencontra les révoltés. Les Arabes se déban-
dent bientôt et les Assyriens poussent devant eux leur butin :
un énorme convoi d'hommes et de bêtes dirigés sur Damas.
De là l'armée redescend dans la direction du Sud, lon-
geant l'Est de la Ledjâ jusque dans le Hauran, razziant toute
la contrée, obstruant toutes les sources et capturant tout le
bétail. Par surcroît de malheur pour les Arabes, la peste sévit
parmi eux et ils durent se rendre. Telle dut être la quantité de
têtes de bétail capturées que les chameaux, au dire d'Asourba-
nipal (cylindre de Rassam, col. IX, 1. 46 ss.), se vendirent un
sicle et demi et même un demi-sicle d'argent (i).
De la Transjordane l'armée obliqua vers l'Ouest, pour aller
châtier quelques villes côtières dont les habitants avaient sans
doute négligé d'envoyer le tribut annuel dès qu'ils surent le
maître aux prises avec des difficultés intérieures. C'est ainsi
queOusou (aujourd'hui Râs-el-'Aïn) et Akko(Saint-Jean-d'Acre)
se virent vidées de leurs biens et de leurs habitants (2). Cela
fait, l'armée victorieuse rentra àNinive avec son immense butin.
Asourbanipal crut passer dans la tranquillité ses dernières
années. Il vit l'Ourartou se soumettre volontairement et pen-
dant quelque temps il put charmer ses loisirs par des préoccu-
pations d'ordre plus intellectuel. A l'encontre d'Asaraddon, il
avait rarement conduit lui-même ses troupes ; il laissait ce soin
à ses généraux, ce qui ne l'empêchait pas de se mettre person-
nellement en scène dans ses annales ; par contre, il s'était
appliqué à développer les arts décoratifs et à se former une
bibliothèque vaste et de contenu varié. Il se mit à reconstruire
le palais de Sennachérib à Ninive : dans les ruines on a
(I) Cfr. Rev. Bibl., i()i i, i>p. .S58 3Gi.
<2) Voir texte A'. /. T., p. 54-
jusqu'à la captivité babylonienne. 1x3
découvert plus de vingt mille tablettes cunéiformes, dites de
Kouyoundjik, du nom du tell recouvrant les ruines du palais.
Les tablettes cunéiformes qui composaient la bibliothèque
d'Asourbanipal (commencée du temps de Sargon) occupaient
plusieurs salles de l'étage supérieur du palais. Elles y étaient
rangées par ordre de matières. Quand les planches se furent
effondrées de vétusté, ces briquettes fragiles se brisèrent et
jonchèrent le sol des appartements inférieurs à une hauteur de
cinquante centimètres. C'est dans cet état que les trouva Ras-
sam en i852. Déposées au British Muséum, elles en constituent
une des principales richesses. Le contenu de ces tablettes
embrasse tous les domaines de l'activité intellectuelle et cela
pour les âges les plus reculés, car Asourbanipal avait fait copier
les vieux textes rédigés jadis en Chaldée. C'est ainsi que nous
y trouvons les documents les plus importants de la littéra-
ture religieuse, magique, historique, juridique, astronomique
et grammaticale de la Chaldée et de l'Assyrie (i).
Les soixante dernières années, Juda n'était presque pas
intervenu dans les querelles qui s'agitaient à ses frontières.
Manassé, après quelques années passées en captivité, était
remonté sur son trône el il termina son long règne (698-643) (2)
en rétablissant le culte légitime, fortifiant sa capitale et plaçant
des garnisons dans les autres villes. (2 Chron., XXXIII, 14 ss.)
Des dissensions intestines doivent s'être produites sous son
gouvernement, car il est caractérisé comme ayant répandu
beaucoup de sang à Jérusalem. (2 Reg., XXI, t6.) (3)
Ces mêmes dissensions éclatent lors de la succession d'Amon,
son fils, qui ne régna que deux ans (643-640). Il imita son père
dans ses égarements et fut assassiné par ses familiers, à l'âge de de Juda,
vingt-quatre ans. Cependant le peuple restait porté pour la lignée
légitime de David, car il réclama la mort des assassins et
(i) Maspero, III, pp. 4('i! 63. Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art dans
l'antiquité. II, p. 45 ss. Dhorme, Les pays bibliques et l'Assyrie, Rev. Bibl.,
191 r, p. 363. British Muséum, A guide to the babylonian and assyrian
antiquities, ed i<)o8, p 4o ss.
(2» 2 Reg., XXI, I : Û5 ans
i3) Ce récit est pourtant rédigé défavorablement pour Manassé, car il
n'y est pas fait mention de sou repentir.
Amon
114 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
installa sur le trône le fils de la victime, Josias, âgé seulement
de huit ans. (2 Reg., XXI, ig ss.; 2 Chron., XXXIII, 20 ss.)
Sous le règne de Josias (640-608) allaient se passer des
faits de la plus haute importance, tant à l'extérieur dans le
monde oriental qu'à l'intérieur du petit royaume de Juda. Mais
revenons d'abord à l'Assyrie.
Mèdes Derrière rAss\Tie et l'Elam, par-delà les massifs du Khoa-
et Perses, tras et du Zagros, étaient cantonnés deux peuples qui jusque là
avaient assez peu goûté les charmes et les corvées de la
civilisation orientale. Ce n'est que vers l'époque de Senna-
chérib (7o5-68i) que les clans mèdes, venus quelques siècles
plus tôt des froides montagnes du Nord, avaient fini par se fon-
dre en un royaume unique, dont la ville d'Ecbatane, aux pieds
de l'Elvend, devint le centre politique.
Razziée une première fois parTéglath-Phalasar III, la Médie
vit plus tard ses villes tomber aux mains de Sargon, qui en
déporta les habitants en Syrie et en retour les peupla de colons
syriens ; parmi ces étrangers nous avons remarqué des habi-
tants de Samarie; 2 Reg., XVII, 6; XVIII, 11. Cette domi-
nation fut continuée par Sennachérib, Asaraddon et ASourba-
nipal, et les gouverneurs qu'ils installaient à Karkar la rendirent
bien réelle en exigeant des Mèdes l'impôt. L'histoire intérieure
des Mèdes est, dans ses origines, entourée de beaucoup de
légendes. C'est avec Phraortès qu'on commence à tabler sur
des données plus sûres (i). Monté sur le trône vers 653, il
s'attaqua bientôt à ses frères de race, les Perses ses voisins,
aryens comme les Mèdes et installés au Sud d'Ecbatane. Les
Perses, profitant des luttes entre Assyriens et Elamites,
s'étaient depuis le VHP siècle, étendus territorialement aux
dépens des terres orientales de ces derniers (2), Toutefois
(11 M. DE Morgan est ti-op sévère quand il dit {op. laud., p. 406, note 3)
que l'existence de Pliraortès est encore douteuse.
(2) C'était la famille d'un certain Akhamanish, personnage dont la
vie est fort légendaire, qui donnait aux Perses leurs rois; son fils
Tchaispi (Téispès) profita de la ruine de Suse pour s'emparer de la
moitié orientale de 1 Elam et s'intituler du nom de cette contrée « roi
d'Anshan » (Maspkro, III, p. 4^0) ; vers la fin du septième siècle Suse se
transforma aussi en ville iranienne et plus particulièrement persane.
jusqu'à la captivité babylonienne. ii5
ils mirent plus de temps que les Mèdes à se développer et à
prendre conscience de leurs forces. Précédés dans leur migra-
tion par les Mèdes, ils avaient dû gagner le Sud, l'Ouest du
plateau étant déjà occupé par ceux-ci, et ainsi, tandis que les
Mèdes se développaient rapidement au contact de l'Assyrie,
les Perses, tenus à l'écart de ce centre civilisateur par les
montagnards d'Anshan. demeurèrent pendant quelques siècles
encore à l'état primitif. C'est ce qui explique pourquoi l'hégé-
monie iranienne, qui succède dans la vieille Asie à la prépon-
dérance assyrienne, débuta par la royauté médique (i). C'est
précisément à cette main-mise passagère des Mèdes sur les
Perses que nous assistons en ce moment, Phraortès triompha
d'eux, et les deux forces principales des Iraniens maintenant
réunies eurent aisément le dessus sur les tribus congénères
voisines : les Parsoua, les Andiou, les Abdadana, les Manda,
les Bikni et autres. Présumant de ses forces et croyant propice
le moment où Asourbanipal, las de guerrover, employait ses
hommes et ses ressources à mettre en exécution ses plans de
bâtisseur, Phraortès s'attaqua aux Assyriens vers 635. Il fut
défait et périt avec le plus grand nombre de ses soldats. Il
devait être vengé par son fils Cyaxare, sous les coups duquel
Xinive allait céder.
Les circonstances historiques qui amenèrent cette tragédie
sont quelque peu embrouillées dans les documents qui la
relatent. Les seuls renseignements fournis par la littéra-
ture cunéiforme, sont consignés sur une stèle de Nabonide
conservée au Musée de Constantinople. Il s'en dégage cette
conclusion que la « chute de Ninive et partant de l'empire
assyrien est le résultat d'une action combinée des Babyloniens
conduits par Nabopolassar et des Scythes conduits par leur
roi » (2). Une autre tradition (Ctésias) veut que Ninive ait
été prise par un Mède allié à un Chaldéen au temps de Sarda-
napale (Asourbanipal). Le récit d'Hérodote (Hist. 1. I, ch.
io3 ss.) concilie et explique les deux récits divergents.
(ij DK M()R(;an : Op. Ifiti'i. p. 4oi. note 2, i). ^06. note 4
'2 Dhorme, Les Aryens noant Cyrits, dans Conférences ^de Saint-
Etienne. 1910-1911. Paris. Gabalda. nji 1, p. 98, cfr. pp. 94 etss.
Il6 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
D'après lui, Cyaxare, roi des Mèdes, assiégeait Ninive, lors-
qu'il fut forcé d'en lever le siège pour repousser une invasion
des Scythes, sous la conduite de leur roi Madyas, qui auraient
exercé leur suprématie sur l'Asie pendant vingt-huit ans.
Fatigué de leurs exactions et de leurs pillages, Cyaxare convia
un jour les principaux d'entre eux à un festin au cours
duquel ils furent massacrés par les Mèdes, Se trouvant
ainsi maître des troupes mèdes et sc3'thiques, il s'empara de
Ninive et se soumit rAss3'rie. Ces diverses données ont besoin
d'être précisées et complétées.
Cyaxare, le successeur de Phraortès, avait été instruit par le
désastre de son père dont les troupes, braves puisque victo-
rieuses des Perses, mais indisciplinées, s'étaient fait massacrer
par les bataillons assyriens rompus à la stratégie. Aussi, avant
d'engager à nouveau la lutte avec l'Assyrie, eut-il soin de réor-
ganiser son armée. Jusque là chaque clan ou tribu mède four-
nissait sa part de troupes, dont les différents contingents : cava-
liers, archers, piquiers, formaient une petite armée séparée, au
lieu de se grouper avec les éléments similaires d'un autre
clan. Par la fusion de tous les apports homogènes Cyaxare
organisa son armée à rass3Tienne. C'est alors qu'il se décida à
attaquer Ninive. Il défit les avant-gardes postées depuis la
province de Kharkhar jusqu'au Parsoua, força la ceinture
des villes murées qui, de distance en distance, défendaient
l'accès de Ninive et déboucha sous la capitale, en y refoulant
tout ce qui s'opposait à son passage. Remplie des richesses
séculaires du vieux monde, que ses monarques successifs y
avaient rapportées au retour de leurs campagnes triomphales,
elle était verrouillée comme un coffre-fort (i). L'appât devait
être unique pour solliciter Cyaxare d'en tenter l'accaparement;
aussi l'Orient tout entier tressaillit-il quand il apprit le blocus
de Ninive.
En Juda, Nahoum d'Elkosh lança contre elle son oracle
comminatoire, vrai répertoire de tous les griefs que devaient
avoir contre « la tanière des lions " tous les peuples jadis victi-
(i) Voir Maspero, III, pj). 467-470, le plan et la description de la défeuse
de Ninive.
jusqu'à la captivité babylonienne. 117
mes de ses griffes : « — Où est-elle, la tanière des lions, elle
qui était un antre pour les jeunes lions, où le lion s'en allait
mener le lionceau, sans que personne l'effrayât? Le lion ravis-
sait ce qu'il fallait à ses lionceaux et étranglait pour ses lion-
nes et il remplissait de proie ses cavernes et ses tanières de
butin. Me voici contre toi! parole de Jahvé des armées; —
Je consumerai en fumée ses chars ! — L'épée dévorera tes
jeunes lions ! Je supprimerai de la terre tes rapines ! On
n'entendra plus la voix de ses messagers.
» Malheur à la cité sanguinaire, pleine tout entière de men-
songes, de violence; dont les rapines ne cessaient pas!
Ecoutez le bruit du fouet et le bruit du grincement de la
roue, et le cheval qui galope et le char qui bondit! Cavaliers
soulevés, flambovantes épées et lances fulgurantes ! Multi-
tude de blessés et monceaux de corps et cadavres sans fin!
On trébuche sur les cadavres ! Cela à cause des multiples
fornications de la courtisane aux charmes attrayants, experte
en sortilèges, qui trompait les peuples par ses fornications et
les nations par ses sortilèges. Me voici contre toi! parole de
Jahvé des armées; — Je te découvrirai en face, de tes atours;
je montrerai ta nudité aux peuples et ta honte aux i^oyaumes ;
je jetterai sur toi des ordures, je te couvrirai d'ignominie, je
te donnerai en spectacle ! Quiconque te verra se détournera
de toi et dira : « Elle est détruite, Ninive! » Qui aura pitié
d'elle et où te chercherais-je des consolateurs »? (Xah. II,
12-III. 7.)
Et, puissamment, le prophète fait le tableau de l'attaque
ennemie et du désastre : « Un agent de dispersion s'est mis en
route contre toi : garde la place forte ! Inspecte la route !
Ceins-toi les reins ! Affermis ta force de tout ton pouvoir ! Le
bouclier de ses guerriers est teinté en rouge; les soldats sont
vêtus de cramoisi ; les chars apparaissent dans le feu des
aciers. Au jour où il dirige l'attaque, les cavaliers s'élancent
en tourbillon à travers les plaines; les chars font rage, ils se
ruent par les places. Leur aspect est pareil à des torches; ils
se précipitent comme des éclairs !
» Ses princes à elle avisent à la fuite; en plein jour ils trébu-
chent sur leur chemin. — On se hâte vers les murs; le toit
Il8 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
d'abri est dressé. Les portes des cours d'eau sont ouvertes;
le palais est plongé dans la terreur; la déesse Zib (?) est mise
à découvert et produite au jour; ses servantes poussent des
gérnissements comme une plainte de colombes, et se frap-
pent la poitrine. Ninive est pareille, elle, à un réservoir
d'eau, mais qui s'échappe. — « Arrêtez! Arrêtez! » mais
nul ne se retourne. « Pillez l'argent! Pillez l'or! » — Il n'y a
pas de fin aux trésors ; c'est une richesse composée de toutes
choses précieuses ». (Nahoum, II, 2-10.) Toutefois la fin
du drame serait précédée d'un dernier acte qui allait opérer
une diversion.
Scythes. Depuis bientôt un siècle, un peuple, sauvage d'origine et de
mœurs, avait passé les portes caspiennes à l'Ouest, venant des
plaines de Russie. L'Ass3'rie avait compris que ces nouveaux
venus étaient aussi peu sympathiques aux Cimmériens, aux
Ourartiens et aux Mèdes. qu'ils l'étaient à elle-même. Elle avait
profité de cette disposition pour les tourner à l'occasion contre
ces Cimmériens, Ourartiens ou Mèdes qui lui créaient déjà
tant de difficultés. Cette bonne entente forcée en était venue
au point que le roi scythe Partatoua avait demandé une fille
(une sœur?) d'Asaraddon en mariage. Acculé à toute extrémité
Asourbanipal eut une fois de plus recours à ces hordes sauvages
et leur roi Madyas, fils de Partatoua, tomba sur les Mèdes qui
furent forcés de lever le siège de Ninive. Le remède fut pire que
le mal. Entraînés par leurs succès remportés sur les Mèdes, ils
rançonnèrent l'Asie entière. L'Assyrie, saignée à blanc par ses
dernières guerres contre les Elamites et les Chaldéens, se vit
pillée et dévastée dans toute son étendue. L'Arménie, la Cap-
padoce, le Pont furent balayés par ce torrent dévastateur, et tel
dut être l'efi'roi causé par ces brutes sanguinaires, incendiaires,
pillardes et dévergondées, que quarante ans plus tard Ezéchiel
(XXXII, 26) rappelle encore la disparition totale, due à leur
domination passagère, des Moushkous et des Tabals(i). Les
Cimmériens, aussi sauvages que les Scythes, et depuis
quelque temps concentrés dans la Cappadoce, furent englobés
(i) Peuples de la Cappadoce.
JUSQU A LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE. IIQ
dans les bandes scythes et toute la masse déferla de la
Mésopotamie sur la Syrie et la Palestine jusqu'à la frontière
égyptienne.
Les prophètes de Juda en profitèrent (i) pour l'aire voir
dans les bouleversements présents le jugement des nations et
mettre les prévaricateurs d'Israël en garde contre la vengeance
divine. Comme dit M. Van Hoonacker (2), Sophonie pas plus
que Jérémie (qui commence son ministère prophétique la trei-
zième année de Josias) ne désigne clairement l'ennemi qui ser-
vira d'instrument à la justice divine ; les troubles causés par
l'invasion de ces barbares auront contribué à faire naître les
appréhensions dont ces prophètes se font l'écho, tout en n'accor-
dant pas aux Scythes seuls d'occuper la perspective de ces
mêmes prophètes.
En effet, on pressentait bien la chute de Ninive et la main-
mise sur la Palestine par les exécuteurs éventuels de ce cata-
clysme ; Chaldéens, Mèdes ou Egyptiens, Deux passages
de Jérémie toutefois s'appliquent particulièrement bien aux
Scythes :
I. « Je fais venir sur vous une nation de loin,
Maison d'Israël, dit Jéhovah;
C'est une nation forte, c'est une nation antique,
Une nation dont tu ne connais pas la langue,
Et tu n'entends pas ce qu'elle dit.
Son carquois est comme un sépulcre ouvert ;
Ils sont tous des héros.
Elle dévorera ta moisson et ton pain ;
Elle dévorera tes fils et tes filles ;
Elle dévorera tes brebis et tes bœufs;
Elle dévorera ta vigne et ton figuier ;
Elle détruira par l'épée tes villes fortes
Dans lesquelles tu te confies ». Jérémie, V, iS-ij.
(i) La prophétesse Hulda, a Reg., XXII, i5 ss. ; Sophonie I et II;
Jérémie, I, IV, V.
2) Les douze petits prophètes, p. 5oo.
I20 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
2. « Ainsi parle Jéhovah :
Voici qu'un peuple arrive de la contrée du Septentrion,
Qu'une grande nation se lève des extrémités de la terre.
Ils manient l'arc et le javelot;
Gens cruels et sans pitié.
Leur voix gronde comme la mer ;
Ils sont montés sur des chevaux ;
Prêts à combattre comme un seul homme
Contre toi, fille de Sion ». Jérémie, VI, 22, 23.
Le prophète les appelle ce une nation antique «, « une nation
dont tu ne connais pas la langue». Or les Scythes (i) se consi-
déraient comme la nation la plus antique. Pour qu'on n'en com-
prit pas la langue, celle-ci devait être bien différente de celles
des régions du Tigre et de l'Euphrate, do:it déjà au quatorzième
siècle les cunéiformes étaient interprétés à la cour des pharaons ;
et le parler international, l'araméen, avait commencé à s'intro-
duire dès le huitième siècle, dans les milieux aisés du moins,
de Palestine (2 Reg., XVIII, 26). D'autre part on sait que, dans
les armées de l'Orient, c'étaient les chars de guerre qui consti-
tuaient un engin terrible de bataille ; ici l'on parle uniquement
des chevaux que les Scythes montaient avec une rare habileté.
Malgré les appréhensions, l'avalanche se creusa un autre lit
que laterre de Juda ; de la Samarie elle se détourna vers la côte
pour menacer les frontières de l'Eg^'pte. Psarométique les
arrêta par des présents et, rebroussant chemin, ils dévastèrent
la Philistie (Cfr. Soph. II, 4-6). Après quoi les Scythes dispa-
rurent de la Palestine et de la Syrie méridionale. Le gros de
la nation était resté cantonné dans la Médie et l'Assyrie, pen-
dant que les autres masses pillardes ravagaient les contrées
ci-dessus mentionnées. Leurs excès, la mollesse d'un climat
auquel ils n'étaient pas faits et qui provoquait chez eux les
fièvres et les d3'Ssenteries, les vides opérés par les combats
décimèrent leurs rangs, et ils ne purent que très réduits rega-
gner leurs congénères. Cyaxare leur donna le coup de grâce,
par le procédé rapporté dans Hérodote (1. I, chap. 106); il se
peut qu'un certain nombre d'entre eux s'enrôlèrent dans son
(i) Maspero, II, p. 56, note 5 ; et III, p. 481, note i.
jusqu'à la captivité babylonienne. 121
armée, le reste retourna en Europe ou se fixa au Nord-Ouest
de l'Arménie. Pendant une vingtaine d'années ils avaient épou-
vanté l'Asie, anémiant les peuples par eux ravagés; les Scythes
partis ou soumis, les Mèdes durent songer à reprendre l'exécu-
tion de leurs projets : l'occasion lavorable ne tarderait pas
longtemps à s'offrir.
Asourbanipal était mort vers 625 (l), laissant deux fils.
Asour-etili-làni régna un peu plus de quatre ans sans s'illustrer
en rien et mourut vers 620. Il fut remplacé par son frère Sin-
Sarra-iskoun qui assistera à la fin du royaume de ses ancêtres
par la chute de Ninive en 608/7.
A l'avènement du nouveau monarque, le gouverneur de
Babylone.un Chaldéen, du nom de Nabopolassar (Naboubalou-
zour), avait pris le titre de roi, tout en restant soumis à son
suzerain, lorsque vers 612 des troupes chaldéennes, renforcées
peut-être par ce qui avait survécu d'Elamites, surgirent du
côté de la mer Persique. Nabopolassar reçut l'ordre de mar-
cher contre elles ; mais il crut les circonstances uniques pour
se rendre mdépendant et composa avec l'ennemi, qui se mit à
ses ordres contre rAss3*rie. Les Mèdes étaient tout désignés
pour prêter main-forte; aussi Nabopolassar s'entendit-il avec
Cvaxare. et il scella l'alliance en mariant son héritier Nabucho-
donosor avec Amytis, la fille du souverain médique (2).
Le monarque assvrien résista tant qu'il put; ce n'est
que lorsque toutes ses ressources furent épuisées qu'il se
résigna à périr : il se brûla dans son palais avec ses lemmes et
ses trésors. Le pillage et la répartition de l'empire se firent
aussitôt (3). Cyaxare s'attribua l'Assyrie propre et ses dépen- ^^*
dances sur le haut Tigre, tandis que Nabopolassar gardait la Nabopolas<
Babylonie et s'adjoignit la Chaldée, la Mésopotamie, la Syrie sar.
V
(i) Pour la justification des dates depuis la mort d'Asourbaiiipal
jusqu'à la chute de Ninive, voir Maspero, III, p. 4^i, note 4; P- 4^2,
notes 4 et 5 ; et p. 4^'^, notes u, 3, 4-
12) Les historiens grecs font d'Aniytis une fille d'Aslyage. Cfr Fragm.
hist. grmc, IL p. 5o5. Pour la rectification de cette méprise voir Maspero,
m, P 4^4i uote ?>\ et DnoR.MK, Conférences de Saint-Etienne, \\)ii : Les Aryens
avant Cyrns, pj). og ioi>.
(3) Maspero, III, j) 486, note i.
122 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
avec la Palestine, l'Elam occidental et méridional. Il émit
même les anciennes prétentions assyriennes de suzeraineté sur
l'Egypte, alors que, comme on l'a vu plus haut (p. m), les
troupes d'Asourbanipal en avaient été expulsées depuis 658.
Psammétique,le pharaon y régnant depuis cette époque, avait
profité de sa longue administration pour réorganiser complète-
ment le pays maltraité par deux siècles de guerres intestines et
d'invasions. Afin de pouvoir avec plus de sécurité le relever de
sa déchéance, il remplaça les milices indigènes mal montées
et les bandes libyennes peu disciplinées par des merce-
naires ioniens et cariens, dont il n'avait eu qu'à se louer
au début de son règne, et il relégua les autres régiments
comme garde-frontières aux points extrêmes de l'Egypte. Ce
procédé lui valut la perte de 240,000 d'entre eux, postés
à la première cataracte : indignés d'être mis à l'écart, ils
s'exilèrent en Ethiopie. Au reste, le pharaon ne dut pas se
mettre en campagne; l'Ethiopie avait, elle aussi, besoin de se
refaire et nous savons que dans les régions du Tigre et de
l'Euphrate il avait surgi alors assez de complications pour
empêcher Asourbanipal de donner suite à ses projets de con-
quête. Psammétique fit renaître l'abondance en réparant les
canaux et les digues, empêcha les seigneurs féodaux de se
quereller entre eux, permettant ainsi aux fellahs de cultiver et
de récolter en paix, releva partout le long du Nil les temples,
en construisit de nouveaux, et restaura les caveaux du Séra-
péum. Ce fut pour les arts une occasion de refleurir et de se
perfectionner; aussi les produits de l'époque témoignent-ils
d'un plus grand achevé. Enfin, quand il sut l'Assyrien défini-
tivement retenu chez lui par le danger mède, il annexa de
nouveau à Mitzraïm la Philistie qui, pour petite qu'était son
étendue, avait une importance particulière du chef de ses villes
maritimes.
Pour parvenir à ses fins, il profita sans doute de la dévastation
causée dans cette contrée par les Scythes (voir plus haut p. 120),
qui devaient avoir privé la côte d'un grand nombre de ses défen-
seurs. Quand il mourut en 611, après cinquante quatre ans d'un
règne vraiment restaurateur, l'Egypte semblait pouvoir re-
prendre ses visées anciennes d'extension en Asie Mineure.
jusqu'à la captivité babylonienne. 123
La renaissance de ce pays, au moment où Xinive agonisait,
aura sans aucun doute ranimé l'espoir chez les peuples jadis
rançonnés ou actuellement encore tributaires d'Asour. Le
successeur de Psammétique, Néchao II, crut pouvoir compter
sur leur sympathie, et, au printemps de 608, il dirigea son
armée vers l'Euphrate pour prendre éventuellement sa part
dans la succession de Xinive. Dans cette expédition, il devait
se heurter aux troupes de Josias, le roi de Juda.
Le règne de ce prince fut aussi, mais à un autre titre que josias
celui de Psammétique, un règne de restauration : notamment de Juda.
de restauration religieuse. Il n'entre pas dans notre plan de
nous étendre sur le développement des idées religieuses en
Israël (i). Nous nous bornons à relever que l'orientation des
idées religieuses influença, surtout à l'époque qui nous occupe,
la politique, et cette compénétration se manifestera avec
encore plus d'intensité quand le peuple juif cessera de
s'administrer de façon autonome.
C'avait été l'avis de tous les prophètes qu'il fallait se confier
en Jahvé seul et que l'appui qu'on cherchait dans les nations
étrangères tournerait toujours au désavantage de l'appuyé^
soit qu'il s'exposât aux représailles de la nation ennemie
contre laquelle il en appellait auprès d'une autre, soit que
ceile-ci fit payer cher le service rendu.
Isaïe n'avait-il pas dit à Achaz, qui en avait appelé à Téglath-
Phalasar III, lors de la conspiration de Péquah et de Rezon
en 734, que Jahvé, signifiant ainsi sa volonté d'être seul reconnu
comme défenseur de son peuple, permettrait à ces mêmes Assy-
riens, invoqués comme libérateurs, de raser le pays dejuda tout
entier? (Isaïe, VII, 18-20) (2) Depuis lors, c'était le parti
égyptien qui ra\ait emporté en Palestine, malgré l'opposition
(I) Celui qui désirerait prendre coutact avec ce domaine d'idées consul-
tera avantageusement la monographie de Touzard dans : « Où en est l'his-
toire des religions.' ■ Paris. Letouzey. 191 1, tome II, pp. i-i53.
(i») Van IIoonacker. La prophétie relatiue à la naissance d'Immanu-el,
Rev. Bibl.. 1904, p. iiiiC.
124 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
d'Isaïe (i) ; même Ezéchias, sinon déférent pour le fils
d'Amos, avait fini par écouter les avis de Sobna et par accueil-
lir favorablement les avances de Mérodach-Baladan ; son suc-
cesseur Manassé s'était compromis plus encore (cfr : supra
pp. I02-I03 et Jer. II, i8); autant d'indices qu'on attendait le
salut par un autre moyen que par la confiance filiale en Jahvé.
De Jahvé, d'ailleurs, ni de ses commandements on n'avait
cure : idolâtrie, injustice, impuretés, mépris des avis prophé-
tiques, défection même des prêtres, autant d'abominations qui
ne faisaient que se multiplier et que, du reste, les prophètes
avaient eu à déplorer à toutes les périodes de l'histoire du peuple
juif. Rien d'étonnant dès lors à ce qu'on ne songeât pas à
s'appuyer sur Jahvé pour obtenir de Lui aide et protection
contre les ennemis d'Israël ; car, que pouvait-on espérer d'un
Dieu qu'on n'honorait guère et dont on respectait si peu les
préceptes?
Sous Josias, il y eut une fois encore un revirement et les
réformes tentées jadis par Ezéchias l'emportèrent. Non seule-
ment il fit disparaître du temple de Jérusalem tous les objets
servant aux cultes étrangers, mais il renversa tous les hauts
lieux installés dans le pays, fit mettre à mort les prêtres des
rites prohibés ainsi que les devins et centralisa le culte à
Jérusalem. (2 Reg., XXIII, 4-28; 2 Chron., XXXIV, 3-7.)
Veut-on savoir à quel degré de corruption morale et religieuse
le peuple en était arrivé et combien opportune fut cette épura-
tion, qu'on lise les vingt premiers chapitres de Jérémie (2) :
presque tous datent de la première moitié du règne de Josias,
pendant la jeunesse duquel les abus se seront multipliés
impunément.
Un événement religieux de la plus haute importance s'ac-
complit sous son règne. La dix-huitième année qu'il occu-
pait le trône, en 621, on découvrit le livre de la loi. (2 Reg.,
XXII, 8 ss.; 2 Chron., XXXIV, 14 ss.) Quand le roi
sut quel écart existait entre ces saintes exigences de Jahvé et
l'attitude de son peuple, il manifesta publiquement sa douleur.
(i) Cfr. Is., XXX, 1-7; XXXI. i3.
(2) Excepté VII-X, qui datent du commencement du règne de .Toïakim.
jusqu'à la captivité babylonienne. 125
(2 Reg., XXII. Il; 2 Chron., XXXI\', 19.) Qu'était-ce que ce
livre de la loi? Saint Jérôme (i) et saint Jean Chrysos-
tome (2) disent que c'est le Deutéronome. X'ous touchons ici
la question difficile et épineuse des sources du Pentateuque.
Mais quel que soit le jugement des critiques qu'on adopte sur
la date de rédaction du document deutéronomiste (Deut., V —
XXVI -f- XXVIII), nous jugeons pouvoir admettre l'opinion de
Gautier (3), qu' « on ne songea pas à inventer quelque chose
de nouveau, d'inconnu jusqu'alors. On recourut aux faits les
mieux établis de l'histoire nationale, aux lois déjà pro-
mulguées et codifiées, et au souvenir de la grande per-
sonnalité de Moïse; avec ces éléments appartenant au
passé, mais rassemblés en un faisceau homogène, on forma
un livre à la fois très antique et très neuf, et on lui donna
une forme impressive en y insérant d'incessantes et chaleu-
reuses exhortations. » Nous cro\ons ne pas présumer en
disant cette explication permise par le décret de la Commis-
sion biblique du 27 juin 1906, répondant au 4°, qu'on peut
admettre des « additainenta post Moysi mortein vel ab auctore ins-
pirato apposita, vel glossaset explicatioves texhii adjectas ». C'était
donc un retour complet aux int.titutions sacrées, aux pratiques
et aux lois du passé, à cet ensemble de prescriptions reli-
gieuses et morales rappelées constamment et imposées par les
prophètes, iadis proclamées par Moïse et plongeant leurs
racines jusque dans le livre de l'Alliance (Ex., XX, 23 —
XXIII, 33 + XXIV, 3-8). Une pàque sans égale fut célébrée à
l'occasion de cette réforme religieuse (2 Chron., XXXV), que
Josias eut à cœur de parachever pendant les treize années
qu'il vécut encore.
Il devait périr dans sa résistance aux troupes de Néchao II,
qui, au début de 608, marchaient vers l'Euphrate en vue de la
liquidation de Ninive. Peut-être Josias s'était-il exagéré la
docilité aux avis des prophètes et avait-il cru devoir coo-
(i) Ado. Jouin. lib. I ; é<Iit. Martianay. tome IV. col. 148.
(21 Homil. in Mnttli., IX : MuiXK, P. G., toine LVII. col. 18 1.
(3) Gautier. Introduction à l'Ancien Testament. Lausauue, Kridel, iyo6,
I, p. 204.
126 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
pérer positivement au maintien de l'ordre de choses — même
politiques — existant. Si Jérémie avait demandé «ce qu'on avait
à faire sur la route de l'Egypte? » il avait eu soin d'ajouter :
« qu'a-t-on à faire sur la route de l'Assyrie? » (Jér., II, i8.) Le
désir du prophète était donc une neutralité absolue; mais pro-
bablement se disait-on en Palestine et dans les états S3'riens que
si les Egyptiens s'implantaient là, leur autorité serait plus réelle
que par le passé, et l'espoir d'indépendance que nourissaient
tous ces petits peuples, maintenant que l'Assyrie était sur le
point de disparaître, s'évanouirait aussitôt.
Le faible contingent du roi de Juda dut faire sourire le pha-
raon, aussi comprend-on la remarque dédaigneuse et étonnée
de Néchao II, quand Josias, apprenant la marche de l'armée
égyptienne vers l'Euphrate, voulut s'opposer à celle-ci : « Que
me veux-tu, roi de Juda? Ce n'est pas contre toi que je viens
aujourd'hui, mais contre une maison avec laquelle je suis en
guerre. ))(2 Chron., XXXV, 20-22.) Rien n'}- fit, et Josias, suivant
parallèllement l'armée de Néchao, alla attendre celle-ci aux
plaines de Megiddo (i). Il fut défait, blessé d'une flèche, et
mourut.
Néchao continua sa route à travers la vallée de TOronte,
lorsque, arrivé à Karkémish, il apprit probablement la fin et la
succession déjà partagée de Ninive. Il se contenta de consi-
dérer comme sien le pays qu'il venait de traverser et qui, depuis
Toutmosis III et Ramsès II, n'avait plus été foulé par une
armée égyptienne ; il installa des garnisons aux endroits qui
devaient être particulièrement protégés ou surveillés et descen-
dit à Riblah (près du cours supérieur de l'Oronte) recevoir
l'hommage des principautés S3^riennes.
(j) En dehors des souveairs peu détaillés de cette carapague de
Néchao conservés dans 2 Reg., XXIII, 29 ss. et 2 Chron., XXXV, 20 ss.,
XXXVI, 1-4. il eii est resté trace dans Hérodote, 1. II. ch. 109, qui parle d'un
combat livré à Mivow/oç-, localité ((ue M. Maspero (III, p. 5i4 note i)
identifie avec îNIageddo ou Megiddo. Cette opinion est plus pro-
bable que celle qui y voit le ]\Iigdôl delà frontière égyptienne. (S"13?3
Jérémie, XLIV, i.)
En fait de documents égyptiens se rai)portant aux victoires de Néchao,
on n'a qu un scara-bée en verroterie verte du Musée du Caire isjille X,
n° 743. Cfr, Maspero, Guide to the Caïro il/iiseu/n, 1908, fig ii5, p. 5i8).
jusqu'à la captivité babylonienne. 127
Là, il apprit, qu'à la place de Josias, les Juifs avaient pro- Joachaz,
clamé roi son plus jeune fils, âgé de vingt-trois ans, Salloum J<»ak|ni,
loiâKin
(Jér., XXII, II) ou Joachaz. Le récit biblique {2 Reg., sédécias.
XXIII, 3i) nous apprend qu'il « fit le mal aux yeux de Jahvé ».
C'en était donc fait de la réforme de Josias ; Joachaz ne régna
d'ailleurs que trois mois; l'Egyptien voulut sur le champ
laire sentir sa suzeraineté, il l'emprisonna à Riblah et
l'emmena en Egypte, où il mourut captit.(Cfr. }ér., XXII, 10-12,)
Il le remplaça par son frère Eliakim, âgé de vingt-cinq ans,
dont il changea le nom en Joïakim (i), et auquel il imposa
un tribut de cent talents d'argent et d'un talent d'or, rançon que
Joïakim ne put payer qu'en taxant son pays.
Après quoi le pharaon retourna en Egypte. M. Maspero {2)
opine, qu'en passant, N^échao II ravagea la Philistie, qui aura
voulu s'affranchir du joug égyptien, lui imposé de nouveau par
Psammétique 1. Il applique à cette répression l'oracle de Jéré-
mie XLVII dont le titre porte dans le texte massorétique la
mention de pharaon et de la ville de Gaza. Il se base sur le
récit d'Hérodote (1. II, ch. i5g) et identifie la Kadytis de
l'historien grec avec la ville de Gaza. Cette explication n'est pas
improbable.
En Palestine ce fut le triomphe du parti égyptophile qui
continua à régir l'opinion jusqu'à la fin du ro3'aume hébreu.
Les trois derniers rois sont caractérisés par la Bible comme
« avant fait ce qui est mal aux yeux de Jahvé ». L'insouciance
et les égarements des grands, tant de fois flétris par Jérémie,
reprennent déplus belle, et les sacrifices s'ofi'rent de nouveau sur
les « bamoth » à peine rasés. Aussi le prophète reprend-t-il ses
menaces et ses invectives. Joïakim eît le premier visé. X'on
content de pressurer le peuple pour acquitter le tribut imposé
par Néchao, il se faisait construire une fastueuse demeure, tout
en ne pa3'ant pas ses ouvriers ; il donnait l'exemple de la rapine,
de l'oppression, et ne craignait pas de souiller ses mains de
i) □^p"i>~^ : « Jahvé fait lever, établit » ; c'était une manière
■T ;
(l'exprimer sa domiuatiou sur uue personne ou une ville que d'en changer
le nom. Cfr. 2 lie g., XIV, 7.
(2^ Maspero, III, p. 5i5.
128 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
sang innocent ; aussi le malheur est-il annoncé « aux pasteurs
(rois) qui perdent le peuple de Jahvé et aux faux prophètes
qui l'abusent en lui promettant la paix (XXIII). Non, si on
n'écoute pas Jahvé, ce temple sera détruit comme celui de Silo.
Jahvé en fera un objet de malédiction pour toutes les nations de
la terre (XXVI, 6)».
Cette audacieuse franchise faillit coûter cher à Jérémie ; un
moment de laveur populaire le sauva cette fois (XXVI, 7-16
et 24), mais un autre prophète qui tenait le même langage,
Urya de Kiriath-Yarim, paya son zèle de sa vie (Jér,, XXVI,
20-23). C'est ainsi que, sourd aux objurgations lui venant des
fidèles serviteurs de Jahvé, le peuple courait à sa ruine qui
devait être consommée parla captivité babylonienne.
Après le partage de l'Empire assyrien entre les deux souve-
rains (Cyaxare et Nabopolassar) dont l'alliance avait déterminé
sa chute, l'un et l'autre eut soin de faire reconnaître son autorité
aux peuples ressortissant au lot assigné à chacun d'eux.
Tout le Nord de l'Asie Mineure compris entre l'extré-
mité occidentale du Pont-Euxin (mer Noire) et la mer Cas-
pienne s'était vu inondé pendant le dernier siècle par les bar-
bares venus d'Europe qui avaient bouleversé et, en partie, fait
disparaître les civilisations et les peuples y existant. En ce mo-
ment, toutes ces hordes se remuaient entre elles, menaçant les
nations voisines, ne sachant au juste où s'établir. Jérémie avait
bien caractérisé ce grouillement en le comparant à une chau-
dière bouillante. (I, i3.) Pendant un quart de siècle à peu près
Cyaxare dut s'employer à s'assurer la soumission de ces masses
hétérogènes et remuantes. Poursuivant ses campagnes, il par-
vint ainsi à l'Halys, qui formait la frontière de la Lydie. La
richesse et la fertilité de ce pays firent trouver au monarque
chaldéen une occasion de lui déclarer la guerre. Mais ici il se
heurta à un ennemi aux forces organisées.
Nous avons vu Gygès rompre avec l'Assyrien, Peu après, les
Cimmériens lui prirent Sardes ; lui-même fut tué dans le com-
bat et son cadavre abandonné. Les Ass3'riens ne manquèrent
pas d'y voir le châtiment de sa félonie. En tout cas, Ardys, son
fils et successeur, demanda le secours des Assyriens : vers 640
leurs armées le délivrèrent des barbares. Désormais la poli-
jusqu'à la captivité babylonienne. 129
tique des Lydiens consistera à laire reconnaître leur suzeraineté
aux villes grecques voisines et jusqu'alors indépendantes. Le
deuxième (?) successeur de Gygès, Alyatte, occupait le trône
lorsqu'on annonça l'arrivée des troupes mèdes. Plusieurs
années de luttes ne changèrent rien à la situation respective des
belligérants et la guerre se termina par le statu quo territorial,
l'Halvs restant la frontière entre les deux royaumes. Toutefois
les deux peuples avaient fini par éprouver l'un pour l'autre une
déférence qui aboutirait en 585 à une alliance; celle-ci fut scellée
par le mariage d'Aryenis, la fîlle d'Alyatte, avec Astyage, le fils
et successeur de C3"axare. Ce dernier était mort avant 588 au
cours des hostilités (i), laissant un empire qui s'étendait
depuis l'Elvend jusqu'à l'Halys, alors qu'à son avènement la
Médie n'occupait qu'une petite portion du plateau iranien.
De son côté, le souverain chaldéen, Nabopolassar, se mit en
devoir de revendiquer la soumission des états qui lui étaient
échus en partage. En effet, d'aucuns faisaient mine de ne
plus reconnaître de maître, depuis que Sin-sarra-iskoun s'était
brûlé dans son palais ; d'autres se voyaient infestés par les
hordes cimmériennes et scythes qui parvinrent même à s'em-
parer de Harràn et à la conserver. L'héritier présomptif, Nabu-
chodonosor, fut chargé de faire sentir à tous, que le nouveau
monarque entendait exercer une domination réelle ; au bout de
trois ans le Masios au Nord, l'Euphrate à l'Ouest marquèrent
l'étendue de la puissance babylonienne. Restait à reprendre la
Syrie et à faire comprendre à Néchao qu'il n'était qu'un satrape
rebelle (2). En 604, Nabuchodonosor passa l'Euphrate; de
son côté l'armée ég3'ptienne « montait pareille au Nil, et dont
les flots bouillonnent comme les eaux. Elle a dit : je monterai,
je couvrirai la terre, je détruirai les villes et leurs habitants.
En avant, chevaux! Chars, précipitez-vous! En marche
(i) Cfr. Rev. Bibl., 1912, p. 82, note 3.
(2) Les prétentions de Nabopolassar non seulement sur la Syrie et la
Phénic'ie, mais encore sur l'Egypte elle-même sont clairement expri-
mées dans le troisième livre de Bérose sur l'Histoire chaldéenne. Cfr.
Fragnx hist. Graec, II, p 5o6.
La chancellerie égyptienne payait d'ailleurs de réciprocité et qualifiait
d' « enfants de la révolte >■> les peuples du Lotanou et du Kharou (Syrie).
Maspero, II, p. 486, note 2.
l3o DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
guerriers, Ethiopiens et Lybiens qui manient le bouclier!
Lydiens qui manient et bandent l'arc! » (Jér., XLVI, 7-9).
Le choc eut lieu sur les rives de l'Euphrate. près de Karkémish;
l'armée égyptienne fut complètement défaite et la domination
de l'Egypte sur la Syrie prit fin pour des siècles. Jérémie dut y
voir la revanche sur le désastre de Mageddo, car, ironiquement,
il constate que k pour la fille d'Egypte il n'y a point de guérison
et que les nations ont appris sa honte. » (Jér., XLVI, 5, 6;
10-12.) Le vainqueur poursuivit l'armée en fuite, soumettant
sur son passage tous les anciens tributaires. Ceci est insinué
par 2 Reg., XXIV, 7, et explicitement confirmé par Bérose qui
parle de captifs juifs, phéniciens, syriens et égyptiens, confiés
par Nabuchodonosor à ses généraux pour être amenés à Baby-
lone. (Cfr./oc. supra citât., p. 129, note 2) (i).
Le livre de Daniel nous apprend en plus que, outre les cap-
tifs et otages (parmi lesquels Daniel) qu'il déporta à Babylone,
Nabuchodonosor s'était alors emparé une première fois de
Jérusalem, et en avait pillé le temple (Dan., I) (2); c'est donc
en cette année 6o3 qu'il faut placer la. première déportation.
Nabuchodo- Nabuchodonosor comptait poursuivre l'ennemi en fuite sur
nosor. gQj^ propre territoire, puisqu'il était déjà à Péluse, lorsqu'il
apprit soudain la mort de son père Nabopolassar. Craignant
une compétition éventuelle pour la succession au trône, il se
contenta du résultat obtenu, abandonna le soin de reconduire
l'armée et les prisonniers à ses généraux de confiance et escorté
d'une petite troupe, coupa à travers le désert d'Arabie. Ses
(1) A lire Fi,ave Josèphe dans Ant., 1. X., cliap. 11, § t. citant
Bérose, il semblerait que celui-ci ne connût qu'une seule expédition de
Nabuchodonosor en Palestine. Nous savons par Clément d'Ai.exaxdkie.
Strom.., I, qu'il était mieux informé. (Fragm. hist. Griec,, II, p. coS.)
Fi-AVE JOSÈPHE en savait d'ailleurs lui-même plus long aussi (Cfr^/i^.l.X).
(2) D'après Jérémie, XLVI, 2, Nabuchodonosor battit les Egyptiens
la quatrième année deJoïakim; selon Daniei,, I, i, ce fut la troisième
année de .Toïakim qu'il marcha contre Jérusalem. Il se peut que
dans ce deuxième passage l'auteur assigne comme date le point de
départ de cette expédition dont la prise de Jérusalem l'ut un des derniers
événements. Fi,ave Josèphe se trompe en disant que lors de cette poursuite
des Kgyi)tieus, Nabuchodonosor ne se serait pas soumis la Judée \Ant.
1. X., chap. G, §1).
jusqu'à la captivité babylonienne. i3i
appréhensions avaient été vaines ; Babylone l'accueillit en vain-
queur et en souverain.
Il comprit que les circonstances politiques avaient changé
et que toutes ces contrées sur lesquelles il dominait et
où l'histoire s'était mue jusqu'alors, épuisées par ces luttes
séculaires, ne lui causeraient plus les soucis qu'elles avaient
donnés jadis aux Assyriens; d'ailleurs, le nouvel empire baby-
lonien, les territoires syriens exceptés, était constitué de ces
éléments là qui jadis s'étaient toujours coalisés dans leur oppo-
sition contre Asour. et de ce chef éprouvaient une certaine
svmpathie réciproque. Quant au jeune royaume mède, il avait
englobé les peuplades encore peu civilisées de l'Est et du
Nord, mais, somme toute, apparentées aux Mèdes, et par suite
assez disposées à une unification, (i)
D'autre part, les deux nouveaux maîtres de l'Orient avaient
momentanément tous les motifs de se craindre ou de se ménager
réciproquement. Cvaxare était suffisamment absorbé par sa
politique d'intérieur pour ne pas s'en laisser détourner par des
désirs d'empiétements sur l'empire voisin ; Xabuchodonosor
devait se dire que, depuis deux siècles, les Babyloniens laissés à
eux-mêmes avaient été écrasés par ces forces assyriennes main-
tenant au service de son partenaire et que, si ses visées s'éten-
daient par-delà, il se heurterait aux Lydiens ou à leurs alliés.
Ces circonstances furent cause que l'Orient, naguère le théâtre
de luttes continuelles, connut un demi-siècle de paix pour
ainsi dire complète.
A l'Ouest et au Sud-Ouest l'horizon restait chargé pour
le monarque bab3-lonien. La Palestine et la Syrie avaient
toujours été comme des états tampons entre les deux grands
empires égyptien et assyrien ; de nouveau refoulés au delà de
rOuadi-el-Arich, les Egyptiens se devaient au moins d'entre-
tenir auprès de leurs voisins du Nord- Est les intrigues contre
le maître oriental. C'est à quoi le tenace Néchao s'appliqua, en
même temps qu'il renforçait son armée et sa flotte qui éventuel-
lement pourrait ravitailler la côte syrienne, si elle embrassait
son parti En Juda, on svmpathisait plus que jamais avec
(i Voir carte. Maspeko. III. p. 4^7-
l32 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
l'Egypte. Pourtant Néchao lui avait imposé une lourde amende;
mais n'était-ce pas un châtiment bien justifiable de l'opposition
que Josias avait osé lui faire? Maintenant que le Chaldéen
reprenait les traditions de déportations et de tributs autrefois
en vigueur sous le régime assyrien, ne valait-il pas mieux faire
avec pharaon cause commune contre l'ennemi commun? La
laction conservatrice dirigée par Jérémie, se trouvait par suite
en bien mauvaise posture; pourtant le prêtre d'Anathoth se
souvint qu'alors qu'il se disait encore enfant, il avait été établi par
Jahvé « comme une ville forte, comme une colonne de fer et une
muraille d'airain contre les princes de Juda. contre ses prêtres
et contre le peuple » il, 6, i8), et il résolut de leur exprimer
une fois de plus la volonté de Jahvé. Il dicta à Baruch les
paroles proférées contre Juda et contre les nations depuis le
commencement de son ministère prophétique (treizième année
de Josias; jusqu'au moment présent, et, un jour de jeune extraor-
dinaire ayant été publié au neuvième mois de la cinquième
année de Joiakim, Jérémie ordonna à son disciple d'aller lire ce
recueil au temple, devant le peuple accouru pour la circon-
stance de toutes les villes du pays. Un certain Michée qui était
du nombre des auditeurs, voyant l'émotion qui gagnait l'assem-
blée, descendit au palais rendre compte de ce qui se passait.
Les ministres qui y étaient tous réunis firent prier Baruch de
venir également leur lire le volume. La lecture produisit sur
eux autant d'efi"roi que sur la foule; ils dirent à Baruch
qu'il leur fallait rapporter au roi ce qu'ils venaient d'entendre
et ils lui donnèrent le conseil de se cacher avec Jérémie.
Joiakim se fit apporter le rouleau, mais, à peine eut-il entendu
c< que le roi de Babylone viendrait détruire le pays», qu'il saisit
le stylet de son secrétaire, en laboura les colonnes du texte et
jeta celui-ci dans le brasier allumé devant lui ; et l'ordre fut
donné de rechercher les deux téméraires. Sur ces entrefaites,
jérémie dicta une nouvelle édition augmentée dans laquelle
l'obstiné et sanguinaire monarque reçut une mention spéciale :
« Il n'aura pas un des siens assis sur le trône de David et son
cadavre sera jeté dehors, à la chaleur pendant le jour et au froid
pendant la nuit. Je punirai en lui, en sa race et en ses servi-
teurs leur iniquité et je ferai venir sur eux, sur les habitants
jusqu'à la captivité babylonienne, i33
de Jérusalem et sur les hommes dejuda, tous les malheurs
que je leur ai annoncés sans qu'ils aient voulu m'écouter. »
(Jér. XXXVI, 3o, 3l). Il faut croire que la faveur accordée à la
.cour dejoïakim aux intrigues égyptiennes, fut connue à Baby-
lone et jugée assez compromettante pour mériter un avertisse-
ment. Nabuchodonosor vint à Jérusalem vers 601-600 et sa
présence fit rentrer Joiakim dans le devoir (2 Reg., XXIV, i"").
Mais trois ans après il oublia toute prudence et se com-
promit au point que Nabuchodonosor lança contre Jérusalem
son armée grossie de contingents syriens, moabites et ammo-
nites (l). Ce durent être surtout les bataillons chaldéens, ren-
forcés de Scythes et de Mèdes, qui excitèrent l'épouvante en
Juda. Le prophète Habaquq, contemporain de Jérémie, qui
s'apitoye surtout sur le malheureux sort fait à son pays, les
décrit avec netteté et précision :
ce Voici que je suscite les Chaldéens, peuple farouche et fou-
gueux... Il est affreux et redoutable... Ses chevaux sont plus
rapides que les léopards; plus ardents que les loups du soir.
Ses cavaliers sont exaltés... ils volent comme le vautour
pressé de dévorer... la terreur marche devant lui et comme
le sable il entasse les captifs. Il se moque, lui, des rois ; les
princes sont sa risée. Il se rit des places fortes quelconques ;
il élève un remblai de terre et s'en empare ! Puis l'ouragan
change de direction et passe. » (Hab., I, 6-11, traduction
Van Hoonacker.) (2)
Tandis que l'armée babyl'onienne était en marche, Joïakim
mourut après onze ans de règne, à l'âge de trente-six ans et
fut remplacé aussitôt par son fils Jéchonias ou Joiakin, âgé de
dix-huit ans (3). Son règne fut éphémère; il dura le temps
fi) Voir oracles contre Moab et Ainmon : .Jér., XLVIII-XLIX, 1-7.
'21 La description peut s'appliquer aussi à l'irruption de l'armée
chaldéenue en 6o5-6o4-
(3i Le récit 2 Uef?., XXIV. 6. nous dit que .Joiakim se coucha avec
ses pères, c'est à-dire mourut de mort naturelle, et a Jérusalem, ce semble.
Le 2n>« livre des Chroniques. XXXVL 0 ss., relate qu'il aurait été
lié avec des chaînes d'airain, conduit à Babylone avec les trésors du
temple et remplacé par sou fils .Joiakin; ce qui semble bien inclure que
d'après l'auteur des Chroniques .Joiakim aurait achevé sa vie en captivité.
Seulement les LXX ont une ajoute à XXXYI.8, dans laquelle il est dit que
l34 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
quejérusalem résista au siège: trois mois (2 Chron., XXXVI,g :
trois mois et dix jours). Lorsque le jeune roi apprit que
Nabuchodonosor s'avançait avec de nouveaux renforts (i),
il se rendit à discrétion. Il fut déporté à Babylone avec toute-
sa famille et sa cour, l'élite de la nation et de l'armée et la fleur
des artisans, qui fut employée aux travaux de fortification et
d'embellissement de la capitale chaldéenne. Celle-ci fut encore
enrichie par les dépouilles du temple et du palais royal de
Jérusalem. Parmi les captifs se trouvait le prêtre Ezéchiel qui
devait exercer le ministère prophétique dans l'exil. C'est la
deuxième déportation (5g7).
L'oncle de Joïakin, le dernier fils de Josias, Mattanias, âgé
de vingt et un ans, fut préposé comme roi à ce qui restait dans
le pays et son nom fut changé en celui de Sédécias. Néchao,
qui avait entretenu l'effervescence en Palestine, n'avait pas osé
se risquer à soutenir les Juifs: il lut pour ce motit laissé tran-
quille par Nabuchodonosor et mourut deux ans après.
Son fils Psanimétique II, encore adolescent, lui succéda. Son
règne, fort court d'ailleurs, fut signalé par une reconnaissance
poussée en Ethiopie. L'armée qui s'y rendit était composée
d'éléments bien divers, entre autres de Sémites, qui s'immor-
talisèrent par leur visite au grand temple d'Ibsamboul (Abou
Simbel, non loin de la deuxième cataracte), construit par
Joïakim se coucha avec ses pères et fut enterré à Ganoza. Mais cette
ajoute est une version de 2 Reg . XXIV, 1-4. basée sur une recension
hébraïque autre que celle du texte massorétique. (Cfr. Swete, Introdiie-
tion to Ihe old Testament ingreek. Cambridge, 1902, p. a49 )
La difficulté tirée de la contradiction de ces passages est donc à
résoudre d'après le caractère particulier du chrouiste «lu'oa sait parfois
remanier l'histoire assez librement en l'accommodant à ses vues et à ses
principes propres. A lire les Chroniques, on voit les rois coupables toujours
punis et précisément Joïakim n'avait pas été des plus recommandables.
(Cfr. Gautier, Op. hmd. II, § 4^i-)
.Jérémie. non seulement dans la circonstance rappelée plus haut,
XXXVI, 3o, mais une autre fois encore avait -prédit à .Joïakim qu'il serait
« enterré comme on enterre un âne, trainé et jeté hors les portes de
Jérusalem >> iXXII, 19).
L'imminence de l'invasion chaldéenne peut avoir été cause que le
cadavre de Joïakim soit resté sans sépulture.
(I) Le verset u des Reg., XXIV, indique une phase nouvelle, différente
de celle du verset 10.
jusqu'à la captivité babylonienne. i35
Ramscs II. Comme les visiteurs de ruines iip to date, ils y
gravèrent leur nom qui — et en cela ils diffèrent des graftites
modernes — présentent un certain intérêt linguistique (i).
Psammétique lui-même resta à Eléphantine et sa principale
occupation semble avoir été de reconstruire et d'embellir les
temples d'Héliopolis ; en eftet, jusqu'à la première cataracte,
les principaux monuments font mention de son nom. Après un
règne fort pacifique de cinq ans et demi, il mourut. Apriès
(Ouahibri yicn Jér., XLIV, 3o) qui lui succéda, était proba-
blement son trère (2). Le nouveau pharaon n'hésita pas à
continuer la politique de Néchao II. et une fois de plus il trouva
accueil chez ses voisins du Nord-Est. Malgré le désastre récent
^essuyé par Jérusalem, malgré la non-intervention du pharaon au
moment critique, le parti de l'opposition n'avait pas désarmé.
Dès le début du règne de Sédécias (3), des ambassadeurs
étaient venus d'Edom, de Moab, d'Ammon, de Tyr et de Sidon
pour s'entendre sur un effort commun. (XXVII, 3.) Prophètes
de contrebande, devins, augures et magiciens, s'évertuaient à
faire accroire au peuple qu'il ne serait pas soumis au roi de
Babylone, que les ustensiles de la maison de Jahvé seraient
bientôt ramenés d'exil (XXVII, 9, 16); un certain Hananias
alla même jusqu'à dire en la quatrième année de Sédécias, que
deux ans encore et tous les déportés, le roi en tête, revien-
draient à Jérusalem (XXVIII). Bien mieux, au milieu même de
l'exil, il y eut des agitateurs s'arrogeant faussement une mission
divine qui entretenaient l'illusion parmi leurs compagnons de
captivité, tels Séméias le Néhélamite, Achab-ben-Colias et
Sédécias-ben-Maasias. (Jér., XXIX, 21, 24.)
Chacune de ces utopies, Jérémie la contredisait implacable-
ment : tous ces peuples ont beau se concerter, ils seront tous
assujettis au roi de Babylone de par la volonté de Jahvé.
(XXVII, 5-j .) Si ces prophètes ont la parole de Jahvé avec eux.
(1) Voir détails Maspkro III, pp. 538 et SSg note 3.
(2) Maspkro, III, p. 5j2, notes.
(3) La mention de Joïakim : Jér. : XXVII, i, est une erreur de copiste,
il faut lire Sétlécias. comme l'ont la Peschito et la version arabe, et
comme il ressort du verset 12 du même chapitre et de XXVIII, i.
l36 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
qu'ils intercèdent seulement pour que le reste des trésors du
temple et du palais ne s'en aille pas à Babylone... (XXVII, i8).
Quant à Hananias « l'année même il mourra » et, en effet, il
mourut le septième mois (XXVIII, 17), et les agitateurs de la
communauté exilée, le roi de Babylone les fera rôtir au feu.
(XXIX, 22.) Que les déportés ne se fassent pas illusion, qu'ils
profitent au mieux de la situation dans laquelle ils se trouvent
et de la latitude qui leur est donnée, pour se bâtir des maisons,
planter des v^ergers, fonder des foyers et ainsi augmenter leur
nombre pour le jour où, quand soixante-dix ans d'exil seront
écoulés, Jahvé les ramènera dans la patrie. (XXIX, 5-7, 10.)
En attendant, Jérusalem se remplissait des abominations
cultuelles les plus diverses. Jérémie et encore plus le Voyant de
Tel-Abîb nous en ont conservé le souvenir : les cultes de
Baal,de Moloch avec ses sacrifices par le feu (Jér.,XXXri, 35),
des animaux divinisés en honneur chez les Egyptiens, de
Thammouz- Adonis, du soleil (i), avaient chacun leurs dévots.
C'est ainsi que d'un côté par ses infidélités et de l'autre par
ses imprudences Juda se précipitait à sa ruine définitive.
Vers la fin de la neuvième année de Sédécias, Nabuchodo-
nosor résolut d'en finir. Indécis sur lequel des coalisés se
lancer d'abord, il interrogea les devins et résolut d'attaquer
Juda (Ezéch., XXI, 26) qui était d'ailleurs le centre de la
révolte.
Le torrent ravagea systématiquement le pays entier et bientôt
il n'y eut plus que Lachis et Azéca qui résistaient avec Jérusa-
lem (Jér., XXXIV, 7), lorsque l'armée égyptienne que Sédécias
avait appelée à son secours (Ezéch., XVII, i5), couvrit la
Séphéla. L'armée chaldéenne crut prudent de faire volte-face à
l'ennemi qui venait l'attaquer de dos et se détourna momentané-
ment de Jérusalem. Déjà toute la ville exsultait, mais Jérémie
de répliquer implacablement : ne vous faites pas illusion en
disant : les Chaldéens s'en iront tout à fait de notre pa3's ; car
ils ne s'en iront pas. (XXXVII, 9.) Il voulut profiter du répit
(i) Ce culte du soleil était probablement aussi d'origine égyptienne»
riuflueuce des idées persanes n'ayant pas encore pu se faire sentir Cfr.
Ezécliiel, YIII, 10-16 etpassiin.
jusqu'à la captivité babylonienne. i37
donné par la levée du siège pour sauver de son patrimoine à
Anathoth ce qui avait échappé encore aux maux de la guerre,
lorsqu'il fut appréhendé comme transfuge, fouetté et jeté dans
une fosse (XXXVII, 10-14). Déjà ses prophéties lui avaient valu
jadis le supplice des ceps (XX, 2), mais les tourments ne
pouvaient pas clore cette bouche que Dieu rendait si énergi-
quement diserte. Sédécias finit par craindre que ce ne fut lui
seul qui eut raison envers et contre tous et il le fit mander en
secret auprès de lui. La réponse fut nette : tu seras livré entre
les mains du roi de Babylone. N'osant plus reculer devant ses
courtisans, le roi adoucit pourtant son sort en le faisant garder
à vue dans une cour de la prison où le peuple avait accès. Le
prophète continua sans relâche à faire retentir ses menaces
posant le dilemme ultime : « Celui qui restera dans cette ville
mourra par l'épée, par la famine ou par la peste, mais celui qui
sortira pour se rendre aux Chaldéens aura la vie sauve;
cette ville sera livrée à l'armée du roi de Babylone et il la
prendra ».
Décidément, c'en était trop; ce langage décourageant les
défenseurs de Jérusalem et tout le peuple, on somma Sédécias
de mettre à mort ce sinistre patriote. Le roi céda par crainte et
on jeta le prophète dans une citerne de boue, pour qu'il s'y
enlisât. Un eunuque éthiopien intercéda pour lui et Sédécias,
d'ailleurs inquiet, voulut une fois de plus le sonder sur l'issue
de la guerre. Une dernière fois Jérémie lui signifia les deux
seules solutions possibles : ou se rendre librement, et ainsi
sauv^er la capitale avec ses habitants, ou bien en cas d'obstina-
tion livrer Jérusalem à la destruction et ses habitants à leur
ruine. (Jér. XXXVII et XXXVIII.)
Entretemps l'armée égyptienne s'était éclipsée ; une crainte
et une déférence réciproques auront probablement conjuré une
rencontre qui ne pouvait être que désastreuse de part et d'autre;
aussitôt le siège reprit et le neuvième jour du quatrième mois
de la onzième année de Sédécias, en 586, une brèche faite dans
le mur livra passage à l'armée des assaillants. (Jér., XXXIX, 2,
Rég., XXV, 4.) Voyant leur cause désespérée, le roi et les
défenseurs de la ville tentèrent de fuir la nuit par la porte de
l'angle Sud-Est à travers le torrent du Cédron, mais les Chai-
l38 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
déens eurent vent de leur tentative et les atteignirent à Jéricho.
Les rebelles furent amenés à Nabuchodonosor qui était resté à
Riblah (sur l'Oronte) pour surveiller les opérations de son
armée et l'attitude des pays environnants. Cette fois, il fut sans
pitié. On égorgea les fils de Sédécias en présence de leur père,
on lui creva les yeux et, lié par deux chaines d'airain, on le mena
à Babylone. Quant à Jérusalem elle fut démantelée, le temple,
le palais royal, les maisons furent saccagés et brûlés; un
certain nombre de captifs furent massacrés à Riblah, 832 per-
sonnes déportées à Babylone, et tout ce qui avait quelque
valeur d'entre les objets formant le mobilier et le matériel du
temple, fut emporté comme butin. C'était la troisième dépoi'ta-
tion.
On laissa dans le pays le petit peuple qui reçut à cultiver les
vignes et les champs ravagés par les troupes et abandonnés par
leurs propriétaires exilés et à ce reste fut préposé comme
gouverneur un certain Godolias qui s'établit à Mispah.
La réputation de Jérémie devait s'être répandue dans le camp
chaldéen ; un moment confondu avec la troupe qui partait pour
l'exil et qui était déjà à Rama, il fut traité avec égards, comblé
de présents et un des hauts fonctionnaires, Nabuzardan, lui fit
entrevoir une situation honorable à Babylone ; mais le fils
d'Helcias préféra rester dans le pays et il se rendit auprès de
Godolias à Mispah.
Bientôt il .revint de Moab, d'Edom et de chez les Ammo-
nites des groupes ce Juifs qui avaient pu s'y réfugier avant que
le siège devînt définitif. Sous le gouvernement de Godolias ces
débris auraient pu reconstituer une communauté suffisamment
importante pour relever peu à peu le pays de ses ruines, mais
un certain Ismaël de la famille royale ne voulant pas entendre
parler de soumission à l'ennemi, tua Godolias quelques mois
après la ruine de Jérusalem. Il s'ensuivit une guerre intestine;
puis, craignant des représailles de la part des Chaldéens, un
bon nombre s'enfuit en Egypte, entraînant avec eux Jérémie qui
s'était opposé, mais en vain, à cet exode. Le pharaon leur per-
mit Ge s'installer dans le delta, d'où ils se répandirent bientôt
jusque dans laThébaïde. Peut-être est-ce à cette occasion que
fut fondée la colonie juive d'Eléphantine et si déjà elle existait,
JUSQU'A LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE. l39
elle peut avoir reçu alors un renfort (i). En Egypte l'idolâtrie
à laquelle ils s'adonnaient déjà à Jérusalem et dans tout Juda
trouva un élément nouveau, et Jérémie dut une l'ois de plus
lancer contre eux ses menaçantes invectives. (Pour les derniers
épisodes, voir Jér., XL à XLI\\)
En 58i, la vingt-troisième année de son règne, Nabuchodo-
nosor eut à réprimer un dernier soulèvement des divers éléments
palestiniens contre lui. En effet, Flave Josèphe {AnL 1. X,
ch. 9, § 7) parle d'une expédition des Chaldéens contre les
Moabites, qui eut lieu cinq ans après la ruinede Jérusalem, et
qui aurait été suivie d'une guerre contre l'Egypte. (Ce dernier
détail nous ne l'admettons pas Cfr. infra). Si l'on rapproche cette
tradition des oracles de Jérémie adressés à ces mêmes peu-
plades, de même qu'aux Edomites et aux Arabes (Jér.,XLVIII-
XLIX), ainsi que du renseignement fourni Jér., LU, 3o, qui
mentionne la vingt-troisième année de Nabuchodonosor une
déportation de 745 hommes de Juda, — la quatrième déporta-
tion — on a l'impression de trouver en ces différents endroits des
phases diverses d'un même événement qui doit avoir été une
dernière et vaine levée de boucliers contre l'autorité chal-
déenne. C'était l'achèvement de la ruine annoncée par Ezéchiel :
« Je ferai du pays une solitude et un désert, l'orgueil de sa
force prendra fin et les montagnes du pays seront si désolées
que personne n'y passera. » (XXXIII, 28.)
La chronologie des diflérentes phases de la ruine de Jérusa-
lem nous semble assurée par des données diverses qui se com-
(i) Les fouilles entreprises dans l'île d'Eléphantine, depuis igoôdansla
partie Ouest de l'iîe i)ar les Allemands et, depuis i()o6 dans la partie Est
par les Français, ont mis à jour dans la ville égyptienne tout un quartier
juif où s'élevait un temple à Jahvé. Ce qui a donné un intérêt particulier
à ces fouilles, c'est, outre la découverte d'ostraca et de papyri en hiéro-
glyphes, déinotique et grec, de diverses époques, — celle de plusieurs papyri
araméens datant pour la plupart de la domination persane du cinquième
siècle. Lorsqu'après la bataille de Mageddo, en G08, Nékao II amena avec
lui Joachaz comme captif, il se peut bien que d'autres Juifs aient été
déportés eu même temps. En tous cas. parmi les graffites dibsamboul,
tracés par les expéditionnaires de Psammétique II, le fils de Néchao II
ivoirs«/jra p. i35), on relève des noms juifs; et la lettre du pseudo-Aristée
mentionne que des soldats juifs ont combattu pour Psammétique contre
le roi d'Ethiopie (édit. Swete, p. 021, lignes ic5-i5).
I40 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
plètent les unes les autres : au printemps de 608 a lieu la
bataille de Mageddo, dans laquelle périt Josias, et trois mois
plus tard son fils Joachaz, qui lui avait succédé, est remplacé
parjoiakim dont le règne dura onze ans. (2 Rég, XXIII, 3i-36,)
Le livre de Daniel, I, i, nous apprend que la troisième année
de Joïakim, en 6o5, Nabuchodonosor entreprit son expédition
contre les Egyptiens, qui l'année suivante (au commencement
de la quatrième année de Joïakim, cfr. Jér., XLIV, 2) furent
battus à Karkémish. L'épilogue de cette expédition fut que
Nabuchodonosor poursuivant l'ennemi, assiégea Jérusalem et
Joïakim dut lui livrer une partie des trésors du temple, ainsi
qu'un certain nombre d'otages pris parmi les jeunes gens
nobles; dans leur nombre se trouvait Daniel. (Dan., I, 1-6).
Il en naquit un mécontentement très vif qui se manifesta par
des intrigues nouées avec l'Egypte. Elles méritèrent à Joïakim
et à sa cour un avertissement solennel de la part de Jérémie, le
neuvième mois de la cinquième année de Joïakim. (Jér.,
XXXVI, 9 ss.), donc en 6o3-6o2. Il n'en fut tenu aucun compte,
au point que vers 601-600 Nabuchodonosor (venu sur le trône
en 604 après la bataille de Karkémish) se voit obligé d'inti-
mider Joïakim par une manilestation militaire. Ceci est obscuré-
ment signifié par 2 Rég., XXIV, i**. Mais, si l'on veut tenir
compte des indications fournies autre part, il faut de toute
nécessité voir dans i'* une première démonstration plutôt
bénigne de Nabuchodonosor, suivie trois ans plus tard par la
reddition de Jérusalem. En 5gy donc, il se porte sur Jérusalem;
Joïakim meurt, règne de trois mois de son fils Joïakin qui se
rend auChaldéen et intronisation de Sédécias. Cette date de 597
est fixée, comme on le voit, en décomptant les onze années de
règne de Joïakim à partir de 5o8, et d'autre part, par la mention
du nombre des captifs déportés à cette occasion que Jérémie,
LU, 28, fixe à la septième année de Nabuchodonosor (monté
sur le trône en 604). La suite est facile. Sédécias règne onze
ans ; ce qui nous amène à 586 pour la ruine définitive de Jérusa-
lem, date confirmée encore une ibis par Jérémie, LII, 29, fixant
à 832 personnes le nombre des prisonniers déportés alors, en la
dix-huitième année de Nabuchodonosor. Cinq ans plus tard
enfin, en la vingt-troisième année de Nabuchodonosor (Jér.,
JUSQU A LA CAPTIVITÉ BABYLONIENNE. I4I
LII, 3o), une dernière déportation, en 58i, à la suite d'une
révolte de ceux qui étaient restés dans le pays.
Sur l'avant-scêne du théâtre où se sont déroulés tous les
actes de ce drame, se profile une fig;ure superbe par l'intrépi-
dité, la Iranchise et la constance qui l'auréolent. Il faut remonter
trois siècles plus haut dans l'histoire d'Israël pour trouver dans
Elie le pendant du prêtre d'Anathoth qui durant plus de qua-
rante ans tut le porte-parole de Jahvé « établi sur les nations et
les royaumes pour arracher et pour abattre, pour ruiner
et pour détruire », mais aussi « pour bâtir et pour plan-
ter. » (I, 9, 10.)
Quand on réfléchit aux circonstances dans lesquelles
s'exerça le ministère de ce prophète, quand, comme dit
M. Maspero (i). « Israël semblait s'être réduit à Jérémie et
à son disciple Baruch », on a limpression que la force de
ce héros lui venait du Dieu qui soutenait et inspirait directe-
ment son envoyé.
Cette fois nous nous trouvons au tournant de l'histoire
d'Israël. Il venait de se consommer, le châtiment dont tant de
lois les prophètes avaient menacé l'épouse infidèle de Jahvé,
celle qui s'était prostituée aussi complaisamment que fréquem-
ment aux divinités étrangères.
A partir de ce moment c'est la seconde partie du programme
providentiel qui va se réaliser : « la restauration d'Israël ».
« Le salut du reste » avait chez tous les prophètes servi
de consolation suprême et aussi de dénouement aux périodes
de châtiment qu'ils avaient dû annoncer. S'il est vrai que
souvent cette restauration avait été conçue au seul point
de vue matériel, elle était subordonnée toujours à la con-
version morale. Celle-ci finira par constituer elle-même le
royaume idéal promis et tant attendu, quand Celui qui devait être
l'attente des nations dira que son royaume n'est pas decemonde.
En attendant, l'expectative nationale des Juifs allait être
soutenue et animée par le seul culte de Jahvé et les préoccupa-
(i) Maspero, Histoire ancienne, p. 6-2^.
142 DEPUIS LA CHUTE DE SAMARIE
tions d'ordre religieux, qui vont venir à l'avant-plan, influen-
ceront les destinées et les vicissitudes politiques qui jusqu'à
la fin tourmenteront la nation juive.
Maintenant que la Palestine était rasée et vouée à l'impuis-
sance, les deux grandes nations : l'Egypte et la Chaldée, étaient
voisines immédiates
4
»
QUATRIÈME PÉRIODE
Depuis la déportation de Babylone
jusqu'à l'époque hellénique.
(QUATRIÈME PÉRIODE
Depuis la déportation de Babylone
jusqu'à l'époque hellénique.
Lorsqu'en 587 Nabuchodonosor avait lâché ses troupes sur
Jérusalem, un détachement était allé mettre le siège devant
Tyr, également compromise dans le complot palestinien. La
ville insulaire résista treize ans et put capituler honorablement,
son roi Ithobaal III conservant la couronne. Les assiégeants
n'en retirèrent aucun avantage. (Ezéch., XXIX, 17, t8.) (i).
Mais ce long siège avait affaibli et probablement réduit la
flotte phénicienne. Apriès avait compris l'intérêt qu'il }• avait
pour lui à entretenir également une flotte. (Cfr. supra p. i3i;
Hérodote, 1. II, ch. 154, § i.) L'occasion de s'en servir était
tout indiquée et, vers 571, il la lança sur la côte phénicienne.
Malgré l'appui que leur prêta l'escadre chypriote, les Tyriens
lurent défaits et la Phénicie devint vassale de l'Egypte.
(Hérodote, 1 II, ch. 161.)
Le règne du reste prospère d'Apriès devait finir tragique-
ment. Quand les Juifs réfugiés en Egypte répliquaient à Jéré-
mie les invectivant à cause de leur idolâtrie, que du temps où ils
offraient des sacrifices à la reine du ciel (2), ils étaient heu-
(1) Le même prophète a une série de menaces contre Tyr et de lamen-
tations à son sujet: chap. XXVI-XXVIII, 19. Comme le dit Ezécliiel lui-
même, XXIX, 18, ces menaces ne se sont pas exécutées avec tous les détails
tragiques donnés par le Voyant. Tyr continentale n'aura été qu'un amas
de cendres, mais T>r insulaire résista opiniâtrement.
(2) Très probablement la déesse assyro-babylonienne Istar — (Cfr.
Le.monnyer, La Reine du ciel, Revue des sciences philosophiques et théolo-
giques, 1910, pp. 82 ssl.
146 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
reux, le prophète les menaça de la vengeance divine et ajouta :
« Ceci sera pour vous le signe que je vous visiterai en ce lieu. . .
Je vais livrer le pharaon Hophra, roi d'Egypte, aux mains de
ses ennemis et aux mains de ceux qui en veulent à sa vie... »
(XLIV, 2g, 3o.) Ces paroles qui impliquent l'existence d'un parti
d'opposition à Apriès, montrent que Jérémie était bien au
courant des circonstances locales.
Nous rapportions plus haut que Psammétique I avait été
puni de sa préférence accordée aux troupes des mercenaires
hellènes, par la désertion d'un grand nombre de soldats
indigènes (p. 122). Ce système de recrutement de l'armée parmi
les étrangers, dans la stratégie desquels les pharaons mettaient
plus de confiance, fut continué par Néchao II et Apriès. Les
Mashaouasha (i), jadis seuls à la solde des Egyptiens, leur en
voulurent de plus en plus de se voir ainsi évincés et ce faible
marqué pour les étrangers valut à Apriès le mécontentement
des prêtres et de la plèbe.
Les Libyens vo3'aient à ce moment leurs terres mena-
cées d'accaparement par les colons grecs de la Cyrénaïque,
qui, affluant de plus en plus nombreux de la mère-patrie,
essayaient de s'étendre aux détriments de leurs voisins. Dans
ce péril, ils s'adressèrent à Apriès qui convoitait depuis long-
temps les richesses de la Cyrénaïque. Pour ne pas mettre aux
prises des gens de même race, il lança contre les envahisseurs
hellènes ses troupes indigènes; elles furent défaites près
d'Irasa et réduites encore par leur retraite le long d'une côte
aride. Ceux qui revinrent à Maréa, dans le delta, crurent à
une manœuvre d'Apriès pour se débarrasser d'eux et les sujets
mécontents du pharaon en profitèrent pour les pousser à la
révolte. Le pharaon leur envoya son général Ahmasis pour les
calmer. On ignore les détails des pourparlers, mais on connaît
leur issue : Ahmasis fut proclamé roi, l'arniée fidèle, comprenant
(i) Les Mashaouasha étaient d'origine libyenne; d'abord établis dans le
voisinage du delta, ils avaient dû déloger et s'étaient installés depuis
quelque tenii)s sur les bords du fleuve Triton, près delà Grande Syrte.
Africains comme les Egyptiens, ils fournissaient aux pharaons le gros de
leurs troupes, avant que ceux-ci n'eussent pris à leur solde les mercenaires
grecs, mieux équipés et plus rompus à la manœuvre militaire.
JUSQU A L EPOQUE HELLENIQUE. I47
encore une trentaine de mille mercenaires grecs, défaite près
de Memphis (56g) et Apriès assassiné peu après par la popula-
tion de Sais.
Ce n'était pas seulement contre le pharaon que les prophètes
avaient fulminé leurs oracles, c'était avant tout contre l'Egypte,
contre ce paNS que Sennachérib avait appelé en 6go « un
roseau cassé qui pénètre et perce la main de quiconque
s'appuie dessus.» (2 Reg., XVIII, 21; cfr. Ezéch., XXIX,
6, 7.) Or, c'était bien en lui que Juda avait le plus souvent mis
son espoir, et dans les événements plus récents Jérémie avait
plus d'une fois annoncé l'invasion des Chaldéens sur la terre
des pharaons. (Jér., IX, 25 ; XXV, ig; XLIII, io-i3; XLVI,
l3-l6.) Ezéchiel aussi, à intervalles divers, fit entendre le
même langage. (XXIX- XXXII.) L'histoire devait donner
raison aux Voyants de Juda, et si la ruine définitive ne fut pas
consommée par Nabuchodonosor, néanmoins depuis le jour
où le Chaldéen foula la vallée du Nil, celle-ci ne connut plus
que de rares moments d'indépendance. La récente défaite des
forces égyptiennes et l'agitation qui accompagna nécessaire-
ment le nouveau règne semblèrent à Nabuchodonosor des cir-
constances favorables pour tenter un coup de main. Un frag-
ment d'annales babyloniennes nous apprend que la trente-
septième année de son règne, vers 568, il engagea une campagne
contre Ahmasou, le roi d'Egypte; mais, tronqué qu'il est, le
document ne nous renseigne pas sur l'issue. Josèphe, y^;//., 1. X,
ch. g, § 7, place semblable expédition la vingt-troisième année
du règne de Nabuchodonosor, et d'après cet auteur, l'Egypte
aurait été soumise et les Juifs qui s'y étaient installés déportés
à Babylone. Ce dernier détail accorde crédit à la tradition dont
l'historien se fait l'écho, mais nous préférons la donnée cunéi-
forme pour la fixation de l'année. Les chroniqueurs arabes
prétendent que le conquérant oriental s'avança jusqu'au milieu
del'Yemen; en tout cas Jérémie (XLIX, 28-33) sait qu'il frappa
les tribus arabes du Kédar et du désert de Syrie.
Dans la Chaldée même il n'y eut pas d'agitation et Nabucho-
donosor put, pendant les quarante-trois années de son règne,
(604-561) rebâtir et restaurer les villes de son royaume, qui
toutes s'étaient vues envahies au cours du dernier siècle par les
148 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
maîtres de l'heure : Elamites, Ass3Tiens ou Chaldéens. Baby-
lone, plus que toute autre, avait eu à souffrir des luttes dont elle
constituait le principal enjeu. Quant aux banlieues et aux cam-
pagnes, elles avaient été désertées, personne ne se risquant à
les cultiver à ces époques de continuelles incursions et les tra-
vaux de canalisation et d'endiguement étaient complètement
délabrés. L'œuvre de restauration, déjà entreprise par Nabo-
polassar, fut continuée par son fils. La navigation fut rétablie et
développée sur le vaste réseau fluvial qu'offrent les plaines du
Tigre et de l'Euphrate, l'irrigation des terres perfectionnée et
son fonctionnement régulier assuré. La sécurité du pays, ainsi
ranimé par tous ces facteurs producteurs de richesses, fut
assurée par un système de défense aussi étendu que puis-
sant (i). Babylone se vit entourée d'une triple enceinte, percée
de cent portes; le mur extérieur seul avait vingt-six mètres
d'épaisseur (2). Le monarque bâtit la fameuse muraille de
Médie qui reliait le Tigre à l'Euphrate, tirant de Sippar sur
l'Euphrate dans la direction d'Opis sur le Tigre. Cette muraille,
faite de briques et de bitume avait devant et derrière elle quatre
ou cinq tranchées larges et profondes. Cet appareil de défense
devait ôter aux Mèdes l'envie de se hasarder trop légèrement
sur le territoire babylonien. La « ziggourât », ou temple à sept
étages dédié à Bel-Mardouk, jadis érigée par Asaraddon et
Asourbanipal, et qui dominait la ville dont elle occupait le
centre, fut relevée et splendidement restaurée (3). Nabuchodo-
nosor se construisit un palais célèbre par ses jardins suspendus
ou terrasses fleuries et supportées par des voûtes. Le décor
mural de ce palais, tout comme celui des autres édifices,
empruntait son principal élément et son plus grand éclat aux
carreaux émaillés, de couleurs vives, dont les représentations
d'hommes, d'animaux et d'objets divers frappaient l'imagina-
(i) Cfr. Maspeuo, III, pp. 562-5G5. Perrot et Chipiez, II, passim.
Les documents cunéiformes relatant les restaurations de Nabopolassar
et Nabuchodonosor sont énumérés : Maspero, III. p. 56i, notes i. 2, 3.
(2) Pour l'exactitude de ces dimensions et la description de ces ouvrages
de défense voir Perrot et Chipiez, II, p. 4~7 ss.
(3) Voir restitution de plusieurs temples : Perrot et Chipiez, II,
p. 379 ss.
JUSQU A L ÉPOQUE HELLÉNIQUE. I49
tion des Juifs déportés. (Ezéch., XXIII, 14, i5.) (i). Les autres
villes se virent de même embellies et défendues et de nombreux
temples garnirent les rives de l'Euphrate (2),
La main d'œuvre de toutes ces constructions fut en grande
partie fournie par les captifs syriens, juifs, égyptiens et arabes,
déportés au cours des différentes campagnes.
Les trois successeurs immédiats de Nabuchodonosor mon-
tèrent sur le trône pour en être bientôt culbutés. Son fils Evil-
Mérodach (Awèl-Mardouk) est mentionné dans la Bible
(2 Rég., XXV, 27-3o ; Jér., LU, 3i-34) pour avoir, au début
de son règne, tiré de prison et généreusement traité le roi
Joïakin ou Jéchonias, le fils de Joïakim, qui gisait dans les fers *
depuis 5g7. Pourtant, au jugement de Bérose rapporté par
Josèphe (3), il se signala par son injustice et son libertinage : il
mourut assassiné, au bout de deux ans de règne (55g), par Néri-
glissor (Nergalsharoussour), l'époux de sa sœur. Celui-ci
régna quatre ans; à sa mort Labasi-Mardouk encore enfant lui
succéda. La perversité de son caractère lui valut de succomber
dans les tourments après neuf mois. Un Babylonien appelé
Nabounaïd, qui avait trempé dans la conjuration, fut placé sur
le trône en 555. Avec lui devait finir le second empire chaldéen.
A rencontre de ses prédécesseurs, le nouveau roi eut peu Nabounaïd.
d'ambition guerrière ou politique. Fils d'une prêtresse du dieu
Sin (dieu lune) de Hâràn, il n'eut cure de l'administration de
son royaume; restaurer les temples, rechercher dans leurs
ruines ou leurs soubassements les cylindres de fondation ou
les documents religieux, remettre en honneur les divinités des
vieilles villes chaldéennes, telles étaient ses occupations favo-
rites. Mais ce règne de tout repos n'était pas de circonstance,
au moment où dans le royaume voisin — le royaume des
(i) Voir des spécimens magnifiques : Perrot et Chipiez, H, p. 704.
(2) Au musée biblique de l'Université de Louvaiu on conserve une
brique dédicatoire de temple au nom de Nabuchodonosor. Elle est très
lisible, sauf le nom de l'endroit qui est malheureusement effrité. Elle
me fut vendue, en 1910, par le chorévèque syriaque- de Jérusalem,
Mp Thouma, qui se l'était procurée d'un de ses parents habitant Bagdad.
(3) Contra Apion, 1. I, §20.
l5o DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
Mècles — les vassaux de ceux-ci, les Perses, qui depuis bientôt
un siècle occupaient l'Elam Oriental, allaient de vassaux deve-
nir maîtres, et réunir une fois de plus sous un même sceptre les
éléments constituants de l'ancien empire assyro-babylonien.
Astyage, le fils et successeur de Cyaxare, ne se signala
au point de vue guerrier que par une campagne contre les
Cadusiens; les Mèdes s'étaient amollis au contact de la
civilisation des Assyriens et des Chaldéens, et leur roi était un
potentat efféminé qui ne connaissait que ses plaisirs. A l'exté-
rieur, cette indolence avait permis à Nabuchodonosor de rendre
la prospérité à son pays et d'en faire une proie d'autant plus
enviable le jour où un plus fort s'en emparerait. A l'intérieur,
elle avait donné une impression de faiblesse au peuple vassal,
à ces Perses, qui, éloignés davantage du luxe fastueux d'pLcba-
tane, avaient conservé l'énergie et l'endurance de leur race.
Aussi c'est de leur milieu qu'allait surgir celui qui d'abord,
devait renverser les rôles de vassaux et de suzerains entre
Perses et Mèdes, et ensuite s'annexer le royaume du placide
Nabounaïd.
Des trois tribus les plus importantes des Perses : celles
des Pasargades, des Maraphiens et des Maspiens, la première
avait pris la prépondérance et dans elle la famille des Aché-
ménides (peut-être l'éponyme Achéménès est-il purement
Imaginatif?) détenait le pouvoir. A partir de Téïspès (v. plus
haut p. 114.) elle exerçait son autorité sur l'Elam Oriental (i).
(i) De Téïspès sont issues deux lignées collatérales, dont l'une ^1 régna
sur l'Elam, l'autre B sur les Perses proprement dits.
Achéménès
I
Téïspès
I
A Cyrus Ariaramuès B
I I
Carabyse Arsamès
I I
Cvrus Hystaspès
I
Darius
Cfr. Dhorme, Cyrus le Grand, Rev. Hibl., 1912, p. 26.
jusou'a l'époque hellénique. i5i
ce qui explique pourciuoi les souverains perses de l'Elam s'inti-
tulaient rois d'Ansan (i)et portaient des noms élamites. C'est de
cette branche des rois d'Ansan que sortit Kouras ou Cyrus. (2)
Il succéda à son père Cambyse comme roi d'Ansan vers 559, Cyrus.
et en 553-52 il se révolta contre son suzerain mède Astyage
qui fut trahi par son armée et livré à son vassal. Le
vaincu fut traité honorablement par le vainqueur qui
l'emmena avec lui dans son pays et épousa sa fille Amytis;
Ecbatane fut dépouillée de ses trésors au profit d'Ansan. Ce
transfert de suzeraineté s'accomplit sans grand retentissement;
à l'intérieur il n'y eut pas de révolution violente dans l'état de
choses existant, Perses et Mèdes fusionnant à la cour, dans
l'armée et dans le gouvernement. Toutefois au lieu de « roi
d'Ansan » Cyrus s'appela a roi de Perse », et à l'empire des
Mèdes et des Perses succéda celui des Perses et des Mèdes.
Mais, comme le dit M. de Morgan (3), en ce qui concernait la
politique extérieure, la modification était capitale, encore qu'au
premier moment elle ne fut guère apparente. Si les Mèdes
étaient liés par traités avec Babylone et avec Sardes, le nou-
veau roi — dont l'autorité s'étendait sur l'Elam, la Perse, la
Médie, la Mésopotamie septentrionale, y compris Ninive, et la
partie de l'Asie Mineure jusqu'à l'Halys frontière de la Lydie —
ne l'était avec personne, et, comme tous les monarques orien-
taux, il devait user du droit du plus fort,
Nabounaïd avait profité de la main-mise de Cyrus sur la
Médie pour incorporer à son royaume la ville de Hârân, que
nous avons vue rester aux mains des Scythes, et il y rebâtit
Ekhoulkhoul, le temple de Sin. C'est la seule acquisition qu'il
(i) Ces rois perses d'Aiisau et ce pays d'Ansan sont respectivement
appelés rois d'Llam et l'Elam dans Jércmie, XXV, 25, XLIX, Sô-Sg. Ezé-
chiel, XXXII, 124,25, pour l'époque de Nabuehodouosor, et dans Isaïe,
XXI, 2, pour celle de Nabounaïd. Maspero, III, p. 519, note i.)
(2) Il n'y a pas moyen de se fier aux historiens classiques pour les
détails qu'ils donnent sur les origines de Cyrus 1*). C'est seulement à partir
de son avènement que ces historiens nous fournissent des données exactes
et que les cunéiformes nous offrent des relations fidèles.
i*j Cfr. Maspero, III. p. ôgG. note i.
i3) Op. laiid., p. 410.
l52
DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLONE
se permit : encore était-ce un motif religieux qui l'y poussait;
car il avait considéré comme un sacrilège l'occupation de la
ville sainte de Hâràn par les troupes scytho-médiques, et à son
avis la chute d'Astyage était une punition de Sin, pour avoir
ainsi laisser profaner son do-
maine par ces barbares.
Si Nabuchodonosor avait é-
vité tout froissement avec la
Médie, à plus forte raison Na-
bounaïd n'allait-il pas exposer
Electrum de Lydie.
Crésus
de Lydie.
La plus ancienne monnaie connue.
Attribuée par Madden (* au règne tout seul aUX COUpS des PerseS
de Gygès ou Ardys. Peut-être est-elle
de Crésus? le peu de forces vaillantes
A/Surface striée (typus fasciatus). qu'avait encore son pays. Mais,
r/ Excavations. • coc i j t
*Mxvu^^,CoinsoftheJews.-Loudon,Trnh- dcpUlS 585, IC rOyaumC dC Lj-
ner et co, i9o3, p. 19. ^j^g s'était de plus en plus affermi
et le succès de Cyrus était de nature à inquiéter Crésus, le
monarque lydien. La paix laite avec les Mèdes et même
consolidée par l'alliance du souverain mède avec la fille
d'Alyatte le Lydien (v, supra p. 12g), celui-ci s'imposa à la
Troade et à la Mysie vers 584, ensuite à la Bythinie et vers
la fin de son règne, en 566, à
la Carie. Il mourut en 56i,
après un règne de quarante-
neuf ans (i), au cours duquel
les arts riches atteignirent dans
son pays une finesse remar-
quable. Comme la contrée a-
bondait en or, produit le plus
estimé pour les échanges, on y
songea à timbrer les coupures des lingots, leur assurant ainsi
de façon officielle un poids uniforme. Ce fut là l'invention de la
monnaie frappée, dont l'usage devait aussitôt se généraliser (2).
A la mort d'Alyatte, Crésus*, né d'une Carienne, eut à l'em-
porter sur le parti de son demi-frère puiné Pantaléon, né d'une
La plus ancienne monnaie connue
portant inscription. VI* siècle. Trou-
vée à Halicarnasse Electrum.
a/ Cerf paissant. Ecriture archaï-
que. = «I-ANOS EMI 2HMA.
r/ Excavations.
(i) Maspero, III, p. 6o5, note i.
(2) Sur l'art lydien voir M.^vspero, III, p. 602 ss., et surtout Perrot et
Chipiez. Histoire de l'Art, tome V, Iiv.8">e : La Lydie et la Carie, pp. 239-336.
jusqu'à l'époque hellénique. i53
Ionienne. Il eut bientôt fait de réduire les féodaux mécontents
et il rendit directement dépendantes de son empire les cités
helléniques autonomes, tout en respectant leurs constitutions
locales. Possesseur des communautés ioniennes, éoliennes et
doriennes du littoral, il noua des alliances politiques avec celles
des îles et avec les grandes familles de la Grèce européenne.
A part la Lycie et la Cilicie, il commandait le pays depuis
l'Anti-Taurus jusqu'à la mer Egée et depuis le Pont-Euxin
jusqu'au golfe de Pamph^lie. Une fois maître de la situation,
il fit de la politique pacifique et se signala par une prodigalité
qui devait rester proverbiale, enrichissant les temples des divi-
nités hellènes et s'attachant leurs fidèles par les largesses qu'il
leur faisait distribuer. Il pouvait donc, à bon droit, en cas de
besoin escompter leur sympathie et même un concours effectif de
la part de plusieurs, et le moment d'}' faire appel, il le crutvenu
lorsqu'il apprit la chute de son beau-frère Asty âge. Il comprit
que le désir d'extension et de domination chez Cyrus ne lui tra-
cerait pas l'Halys cojnme limite et il jugea àpropos d'assaillir la
Perse, au moment où son roi devait — comme il arrivait tou-
jours à un changement de maître — s'assurer la soumission des
vassaux plus éloignés qui tenteraient de récupérer leur auto-
nomie.
Comme l'avait fait jadis Gygès, Crésus demanda et obtint
l'appui de l'Egypte, gouvernée par Ahmasis. Nabonide,
tout aussi effrayé de la bonne fortune de son voisin du Nord et
de l'Est, promit également son concours au Lydien ; l'île de
•Chypre, la Phénicie, la Thrace et Sparte envoyaient des con-
tingents ou se préparaient à le faire, lorsque une trahison déjoua
toutes les combinaisons d'une coalition qui aurait pu être
funeste à Cyrus.
Un Ephésien, Eurybate, à qui Crésus avait confié une
somme importante pour lever des troupes dans le Péloponèse,
s'enfuit auprès du roi des Perses, et le mit au courant de
ce qui se préparait contre lui. Sans hésiter, Cyrus pique
droit, au mois de Nisan, à travers le royaume de Nabonide
sur Arbèles, Ninive, longe les pentes du Masios, traverse
l'Euphrate et se trouve en Cappadoce.
De son côté, Crésus franchit l'Halvs, s'empare de Ptéria
l54 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLOXE
et des villes voisines et les deux armées se rencontrent dans
la plaine au Sud de Ptéria, mais sans résultat. Une trêve est
conclue, pendant laquelle Cyrus s'emploie à travailler sous
mains les Grecs de la côte qui n'en restent pas moins
fidèles à Crésus. La reprise des hostilités lui fut délavorable;
il dut se replier sur Sardes; sa cavalerie fut débandée dans la
plaine au Nord-Est de la capitale, laquelle céda au bout d'un
siège de quatorze jours, vers le i5 novembre 546. La prise
de Sardes et la prétendue fin tragique de son roi ont subi des
versions bien différentes de la part des historiens de l'anti-
quité. Du récit d'Hérodote (1. I, ch. 87 ssJ, le Père Dhorme
retient que le vainqueur resta en bons termes avec le vaincu,
qui aura probablement comme Astyage suivi le conquérant
à sa cour (i). Cyrus fit entreprendre par ses généraux la
conquête des villes grecques côtières qui lui avaient refusé
leur appui et auxquelles il ne prétendait plus laisser la libre
administration que leur avait octroyée Crésus (2) ; il institua
Tabale, un de ses officiers perses, comme gouverneur de
Sardes, et chargea un Lydien, Paktyas de lui amener en Perse
les trésors de Crésus. Lui-même avait hâte de regagner Ecba-
tane, car depuis son absence les Aryens de l'Est, les Saces
(Sc3-thesi et les Bactryens menaçaient d'envahir la Médie.
A mi-chemin, il apprend que Paktyas a fait cause commune
avec les Ioniens et qu'il assiège Tabale. Des renforts envoyés
au secours de ce dernier font prendre la fuite au traître et le
gouvernement en chef de toute la péninsule entière et des
possessions insulaires fut confié au Mède Harpage.
De 545 à 53g environ, Cyrus étendit ses conquêtes au Nord
jusqu'à la Sibérie, par delà le lac actuel d'Aral et l'Iaxarte
(aujourd'hui le Syr-Daria ou Sihoun), garnissant ces provinces
nouvelles de forteresses, à l'Est jusqu'aux montagnes du Tur-
kestan chinois, jusqu'en deçà de l'Indus et au Sud jusqu'à la
mer Erythrée qui baignait la Gédrosie (3), introduisant ainsi
(1) Rev. Bibl., J912, p. 34.
i>) Ce fut à cette occasion que les Phocéens préférant l'exil à la perte
de l'iudépeudance, s'en furent fonder Marseille.
i3) Aujourd'hui le Mékran et le Béloutchistan. (Voir carte 5 «< Reich
Alexanders des Grossen » du Putz"-er's Schiil-AHas.)
jusqu'à L'ÉPOgUE HELLÉNIQUE. l55
« dans la vie générale du monde asiatique des peuples qui lui
étaient demeurés étrangers jusqu'alors » (i).
Ayant ainsi entamé l'Asie Orientale, il ne lui restait plus, pour
être maître de toute l'Asie Occidentale, que de s'emparer de la
Babylonie, entreprise dont l'état de faiblesse du pays et le
peu de prestige du souverain régnant devaient faciliter l'exé-
cution.
La piété bigote de Nabonide était devenue compromettante.
En effet, il lui prit la manie de rassembler à Babylone les
statues des dieux des principales villes de l'antique Chaldée;
mais c'était là, d'après les idées religieuses du temps, priver
les cités de leurs défenseurs attitrés et suprêmes. Aussi le
mécontentement de ses sujets alla-t-il toujours croissant.
Bientôt il eut la folie des apparitions, au point que la
septième année de son règne (548) il fut relégué à Tèmà (2) et
remplacé dans l'exercice du pouvoir par son fils Bel-sar-ousour
(Balthazar) (3). La chronique babylonienne Nabonide-Cvrus
(i) Maspero, III, p. 625.
(2) Il n est guère possible d'identifier cette Tèmâ avec la Teima du X.-O.
de l'Arabie au X.-E. d'el-'Ela. Cette ville doit avoir été située dans le Nord
de la Babylonie, car au commencement de Xisan de la neuvième année,
lors du décès de sa mère à Dour-Karasou (sur l'Euphrate, eu amont de
Sippar), Xabonide s'est trouvé auprès du cadavre de la défunte, comme il
ressort de l'inscription, trouvée par M. Pognon à Eski-Hàràu : ce qui
n'eut pas été possible à Xaboinde, s'il s'était trouvé à ce moment dans
la lointaine Arabie. Cfr. Rev. Bibl., 1908, j). i3o ss. et 1912, p. 3~, note 7.
(3) Le rapprochement entre la chronique Xabouide-Cyrus et le récit du
livre de Daniel, IV. Y, s'impose, quant à la nature des faits racontés ;
il y a différence quant aux personnages dont il est question. Dans
Daniel, c'est X'abuchodouosor qui est atteint de folie et Balthazar est
constamment désigné comme son fils. Ce livre ne parlant pas d'un
autre monarque babylonien qui aurait régné entre les deux, il semble faire
de Balthazar le successeur immédiat de Xabuchodonosor. Or, la chronique
babylonienne nous donne comme ses successeurs sou fils, Awèl-Mardouk,
puis Xériglissor et Labasi-Mardouk. Xabouide, lui, était étranger à la
lignée précédente. Un autre passage biblique, 2 Rég.,XXV, 27, connaît, lui
aussi, Evil Mérodach comme le fils et successeur de Xabuchodonosor.
Il faut donc lire le nom de Xabonide à la place de celui de Xabuchodonosor
dans les deux chapitres mentionnés de Daniel. On sait que le texte de ce
livre, dont on ignore encore s'il a été composé primitivement en hébreu ou
en araméen, a été fort maltraité, ainsi qu'il ressort de la comparaison
entre les LXX et le texte massorétique.
i56
DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLONE
est mutilée après la onzième année; à la dix-septième,
elle mentionne à nouveau la présence de Nabonide à
Babylone, où il sera peut-être revenu vers la quatorzième
année (542) et où les fêtes religieuses interrompues par son
absence se célèbrent derechef.
La fin était proche, et le malaise général. Les dieux
avaient continué à affluer, mais on les disait fort marris de ce
séjour forcé loin de leurs sièges respectifs. Mardouk, de
son côté, souffrait dans son prestige, depuis que les honneurs,
qui lui avaient été réservés exclusivement jusque là, il les lui
fallait maintenant partager avec ses compagnons de divinité ;
en tous cas, le C3dindre de Cyrus (i) nous apprend que
« Mardouk jeta les 3^eux sur toutes les régions d'alentour, il les
fouilla du regard^ il 3^ chercha un prince juste, un homme
qui fut selon son cœur et qui put lui saisir les mains. Il appela
Kuros, roi d'Ansan; et il désigna son nom à la souveraineté
sur toute la terre ». C3'rus devait être aussi « l'oint de Jahvé
que celui-ci tient par la main pour terrasser les nations devant
Lui )), il devait être « le pasteur de Jahvé accomplissant toutes
ses volontés : que Jérusalem soit rebâtie et que le temple soit
refait! » (Is, XLV, i; XLIV, 28.) C'est Jahvé qui a suscité du
Nord et du Levant celui qui comme de la boue piétine les
princes (XLI, 25).
Les Juifs
en
Babylonie.
Depuis l'entrée en scène du nouveau dominateur de
l'Orient, les Juifs entrevoyaient la possibilité du retour dans
la patrie.
A part l'épisode de la délivrance de Joiakin, qui termine
le second livre des Rois, nous n'avons plus de renseigne-
ments directs dans les écrits historiques de la Bible, concer-
nant l'exil babylonien depuis 58 1. Les principales sources
d'informations sont le livre d'Ezéchiel et les chapitres XL-LV
d'Isaïe (2).
(i) BRnisii MusKUM, II" oi^OSO. Voir : A guide to the babylonian and assy-
riun untiquilies, \)i). 19G, 197.
(2) Le dubinin 3""' du décret de la Commissiou biblique du 2g juin 1908
u De libri Isuioi indole et auclore» dit que dans ces chapitres «vates...
jusqu'à l'époque hellénique. i57
Il semble bien que les déportés aient été traités humaine-
ment. Sans doute, ils auront dû exécuter les corvées que
réclamaient les travaux de fortification et d'embellissement
entrepris par Nabuchodonosor. Mais à part cela, il rassort des
textes que leur situation était supportable. Ils avaient pu bâtir
des maisons, planter des jardins (Jér., XXIX, 4), former des
villages au bord des cours d'eau et des canaux (Ezéch., I, i,
III, i5; Esdr., VIII, i5-ij\ Ps., i37; Vulg., i36, vers, i) (i).
Les anciens du peuple avaient gardé le même prestige qu'ils
exerçaient dans la patrie (Ezéch.. VIII, i; XIV, i; XX, i) :
ce qui semble prouver que les communautés juives s'admi-
nistraient avec une certaine autonomie. Même beaucoup
d'entre les exilés s'acclimateront si bien, qu'au moment de
l'édit de délivrance, ils préféreront rester dans le pays, où ils
prospéreront à tel point; que cinq siècles plus tard les floris-
santes colonies juives de Babylonie feront remonter avec orgueil
leurs origines aux temps de la captivité et que jusqu'au
haut Moyen-Age les écoles rabbiniques de cette même Bab}-
lonie seront célèbres par leurs docteurs et les travaux exégé-
tiques de ceux-ci. Mais si un bon nombre de ceux qui par leur
travail pouvaient se procurer l'entretien ou même prétendre à
une condition aisée, s'étaient ainsi faits à ce milieu étranger,
il n'en était pas de même de ces courtisans dont naguère les
pères vivaient opulemment dans l'oisiveté, ni surtout des
prêtres qui ne pouvaient songer, sans une amère tristesse,
à l'autel de Jahvé délaissé, et l'on comprend l'accent pénétrant
de leur douleur intime quand on leur demandait de s'égayer
dans la terre d'exil, et de chanter un cantique de Sion :
<c Comment chanterions-nous le cantique de Jahvé sur une
terre étrangère? « Nfe nous étonnons pas trop d'entendre le
Juit qui ne connaissait que la loi du talion exprimer férocement
Juda>os in exilio bal)ylonico lugentes veluti iiiter ipsos vivens alloquitur et
solatur ».
(i) Le verset 22 du chapitre XLII d'Isaïe semble être un tableau chargé
de la condition dans Ia(|uelle se seraient trouvés les exilés. Tout au plus
pourrait-on y voir un châtiment plus sévère infligé aux coupables des
toutes dernières révoltes. Les autres textes allégués ne permettent cer-
tainement pas d'étendre cette situation à tous les déportés.
l58 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
sa haine et sa rancune : « Fille de Babylone vouée à la ruine,
heureux celui qui te rendra le mal que tu nous as fait! heureux
celui qui saisira tes petits enfants et les brisera contre la
pierre. » (Ps., CXXXVII; Vulg., CXXXVI, 8, 9.)
Pourtant, du milieu des lamentations, s'élevaient des cris
d'espoir et l'annonce de la restauration. Jérémie, lui-même, qui
n'avait cessé de menacer Israël de la colère divine, n'avait pu
s'abstenir de faire entrevoir la fin des maux, avant même que le
désastre fût complet. « C'était à cause de la multitude de ses
iniquités, de la grandeur de ses péchés, qu'Israël avait vu fondre
sur lui toutes ces calamités, mais Jahvé pansera ses plaies et les
guérira. Il fera une alliance nouvelle avec la maison de Juda
et la maison d'Israël, Il mettra sa loi au dedans d'eux et l'écrira
sur leur cœur, Il sera leur Dieu et eux seront son peuple. De
même qu'il a fait venir sur ce peuple tous ces grands malheurs,
de même II fera venir sur eux tout le bien qu'il leur promet,
car II fera revenir les captifs et les rétablira comme ils étaient
autrefois après les avoir purifiés de toute leur iniquité w. (Jér.,
XXX-XXXIII.)
Ce fut surtout le thème d'Ezéchiel que le châtiment devait
servir à la purification du peuple et à la manifestation de Jahvé
aux nations étrangères. Déjà lorsque Jahvé faisait dresser par
son prophète le réquisitoire de tous les griefs qu'Israël avait
accumulés à son passif dans tout le cours de son histoire,
Il avait donné à entendre qu'il devait à son Saint Nom de res-
taurer son peuple, après le châtiment, pour qu'il Le glorifiât.
(Ezéch., XXXVI, 20-23.) Maintenant Jahvé va prendre soin
de ses brebis ; en fait, ce sont les pasteurs qui ont égaré son
troupeau : aussi II en prendra soin Lui-même, Il rassemblera
ses brebis des divers pays et les fera paître sur la montagne
d'Israël. Il écartera toutefois les éléments revêches et susci-
tera en faveur des autres comme pasteur son serviteur David.
Pour que les Juifs puissent brouter les pâturages de Juda en
pleine tranquillité les Edomites qui se sont emparés du pays
seront exterminés; alors les montagnes d'Israël pousseront
leurs rameaux et porteront leurs fruits ; alors les villes seront
habitées, les ruines rebâties; les Juifs seront son peuple et
Jahvé sera leur Dieu; les deux maisons d'Israël et de Juda
jusqu'à l'époque hellénique. iSg
seront à nouveau réunies et les nations voisines sauront que
Jahvé a rebâti ce qui étaitrenversé.(Ezéch.,XXXIV-XXXVII.)
Le prophète se complait dans une restauration idéale du
temple, du culte — dans lequel désormais seuls les fils de
Sadok officieront comme prêtres, à cause de la constante fidé-
lité à Jahvé qu'a montrée cette branche, — dans un rituel de
fêtes qui rappelleront sans cesse aux Juifs les bienfaits de Dieu
et leurs obligations à son égard et dans une réintégration com-
plète des territoires jadis occupés par les douze tribus. (Ezéch. ,
XL-XLVIII.)
Consolantes aussi retentissaient, aux heures de décourage-
ment et d'impatiente attente du retour, les voix de salut qui
disaient « que les corvées étaient finies, que le péché était
expié ». (( Montez, montez sur une haute montagne, vous qui
portez à Sion la bonne nouvelle..., dites aux villes de Juda :
voici le Seigneur Jahvé qui vient avec puissance... Voici qu'ils
seront confondus, couverts de honte tous ceux qui sont
acharnés contre toi, Israël... Ne crains rien, vermisseau de
Jacob, petit ver d'Israël, moi, je viens à ton aide, déclare
Jahvé; ton rédempteur est le Saint d'Israël... Ne crains rien,
car je suis avec toi. De l'Orient je ramènerai ta race, de l'Occi-
dent je te rassemblerai. Je dirai au Nord : rends-les et au
Midi : ne les retiens pas!... Tu m'.as accablé de tes péchés, tu
m'as fatigué par tes iniquités et c'est pourquoi j'ai livré Jacob
à l'anathème et Israël aux outrages... mais maintenant ne crains
rien, mon serviteur Jacob, Israël mon bien-aimé que j'ai élu. Je
répandrai mon esprit sur ta postérité et ma bénédiction sur
tes descendants... Ainsi parle Jahvé à son Oint, à Cyrus :
à cause de mon serviteur Jacob et d'Israël mon élu, je t'ai
appelé par ton nom, je t'ai qualifié sans que tu m'aies connu...
C'est lui qui rebâtira ma ville et renverra mes exilés, sans
rançon et sans compensation, dit Jahvé des armées. » (Is., XL-
XLV.)(i)
Babylone avait été l'exécutrice des châtiments divins que
(I) Pour une analyse succincte des idées religieuses émises à l'occasion
des prophéties de restauration dans les recueils prophéti(iues d'Isaïe,
.Tért'nnie et Ezéchiel, cfr. Touzard : Où en est l'histoire des religions ? II i
La religion d'Israël peudaut l'exil, pp. gô ss.
l6o DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
Jahvé avait infligés à son peuple prévaricateur; elle aussi avait
offensé l'Eternel par son orgueil, alors qu'elle n'avait été que
l'instrument de sa vengeance et sa fin n'allait pas tarder.
Jérémie, qui constamment avait menacé ses contemporains
des rigueurs de Babylone, et même engagé les déportés
à prier pour la ville où ils avaient été amenés en captivité
(XXIX, 7), avait pourtant réservé à cette cité un oracle d'impi-
toyable extermination d'après lequel « Babel ne sera plus
qu'un monceau de pierres, un repaire de chacals, un sujet de
stupeur et de moquerie, sans habitants, les autruches y feront
leur demeure, jamais plus personne n'y habitera, elle sera sans
habitants d'âge en âge, comme lorsque Dieu détruisit Sodome
et Gomorrhe ■». (Jér., L et LI.)
Tout aussi dramatique, mais autrement ironique était la voix
qui devait faire la satire de ce bazar de divinités :
Bel fléchit, Nébo tombe ;
leurs idoles sont mises sur des bêtes de somme,
chargées et portées à grand'peine.
Ils fléchissent, ils tombent ensemble,
ils ne peuvent préserver ce fardeau ;
eux-mêmes sont emmenés captifs! Isaïe, XL VI, i, 2.
Et, implacablement, elle poursuit :
1. Descends, assieds-toi dans la poussière,
vierge, fille de Babylone !
Plus de trône, assieds-toi à terre,
fille des Chaldéens!
Plus jamais on ne t'appellera
délicate et voluptueuse !
2. Prends la meule, va moudre la farine;
ôte ton voile; -
Relève ta robe, découvre tes jambes,
traverse les rivières !
3. J'exercerai ma vengeance implacable
dit notre 4. rédempteur;
Son nom est Jahvé des armées,
le Saint d'Israël!
JUSQU'A LÉPOOUE HELLÉNIQUE. l6l
Assieds- toi en silence, enfonce-toi dans l'ombre,
fille des Chaldéens !
Plus jamais on ne t'appellera
la souveraine des royaumes !
6. J'étais fâché contre mon peuple :
J'ai laissé profaner mon héritage,
et je l'ai livré en tes mains.
Tu n'en as pas eu de pitié ;
sur le vieillard tu fis peser ton joug.
7. Tu disais : « Je durerai toujours,
à jamais souveraine ! »
Et tu n'y as point réfléchi ;
tu ne pensais pas à la fin.
8. Ecoute donc ceci, voluptueuse,
assise en ta sécurité ;
Toi qui disais dans ton cœur :
« Moi, personne autre que moi!
Je ne connaîtrai pas le veuvage,
je ne serai pas sans enfants ! »
9. Ces deux malheurs t'arriveront
soudainement, en un seul jour,
la privation d'enfants et le veuvage,
à la fois ils t'accableront.
Malgré tes nombreux sortilèges
et tes puissants enchantements !
10. Tu te fiais à ta malice,
et tu disais : « Nul ne me voit ! »
Ta sagesse avec ta science
ont causé ton égarement ;
Alors tu disais dans ton cœur ;
« Moi, personne autre que moi! »
11. Mais un malheur fondra sur toi,
que tu ne sauras conjurer;
Et la ruine t'accablera,
sans que tu aies pu l'écarter ;
Elle fondra sur toi soudain,
et ses coups seront imprévus!
102 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
12. Garde donc tes enchantements,
et tes sortilèges nombreux,
où tu peinas dès ta jeunesse!
Peut-être ils pourront te servir ;
peut-être ils te rendront terrible !
i3. De tant consulter es-tu lasse?
Qu'ils se lèvent donc, qu'ils te sauvent.
Ceux qui font la carte du ciel,
et qui observent les étoiles
Et te font savoir chaque mois
d'oîi viendront les événements !
14. Les voilà, tels des brins de paille :
Au feu ils seront consumés.
Ils ne pourront pas s'échapper
hors des étreintes de la flamme :
Braise, mais point pour se chauffer,
ni foyer pour s'asseoir devant !
i5. Tels ils seront alors pour toi,
ceux avec qui tu as peiné
dans la magie, dès ta jeunesse,
ris se disperseront chacun chez soi ;
et tu n'auras point de sauveur! Isaïe, XLVII.
{Traduction Condamin.) (i).
Au mois de Tammouz (juin/juillet) de la dix-septième année
de Nabonide {53g) les armées babyloniennes et perses se ren-
contrèrent à Opis sur le Tigre. Cyrus est vainqueur. Un mois
(Il En fait, Babylone ne sera pas dévastée, ni ses dieux profanés, ainsi
que le voulaient Jérémie et Isaïe. Comme le dit le Père Condamin : « Les
inscriptions cunéiformes nous apprennent que le vainqueur entra dans
Babylone sans coup férir. Le prophète connait d'avance par révélation
divine la victoire de Cyrus sur les Clialdéeus et la délivrance des exilés qui
suivra; mais il ne semble pas avoir eu des lumières spéciales sur la manière
dont Cyrus deviendrait maitre de Babylone. Il représente donc ce qui se
passe d'ordinaire en iiareille circonstance; il considère la façon habituelle
dont les païens traitent leurs dieux et en sont traités; son argumentation
pour être juste ne demande rien de plus. (Condamin, Op. laud., pp. 284, 285.)
Quant au mode, à la façon dont l'empii-e clialdéen prendra fin, le pro-
phète semble laissé à ses propi'es conjectures, et il s'en tient aux vrai-
semblances. (Id., p. 290.)
jusqu'à L'ÉPOyUE HKLLÉXIOUE. l63
après, le 14 Tesrit, il s'empare de Sippar où s'était réfugié
Nabonide qui se retire alors dans Babylone.
Pendant que Cyrus s'était ainsi mis aux prises avec le gros
des troupes chaldéennes concentrées près d'Opis, il avait
détaché une division de son armée et l'avait confiée au gouver-
neur du pa\'s de Goutioum : Goubarou, pour qu'il entamât le
siège de Babylone. Goubarou, tout comme un autre général de
ses amis, Gadatas, étaient des transfuges babyloniens, ayant eu
jadis à se plaindre du roi de Babylone. Ce Goubarou (le Gobryas
de Xénophon) connaissait la situation topographique et straté-
gique de la place et se rendait compte qu'un blocus en règle
allait durer longtemps, vu les épaisses fortifications de la ville.
L'affirmation du cylindre de Cyrus, ligne 17 : '< sans combat
ni bataille Mardouk le fit entrer dans Babylone )>, semblerait
inadmissible si Hérodote (1. I, ch. 191) ne nous rapportait une
tradition donnant l'explication de la prise rapide de la ville.
Comme à cette époque les eaux de l'Euphrate étaient le plus
bas, Goubarou en baissa encore le niveau en les faisant dériver
de leur lit dans un fossé. Il choisit un jour où Babylone était
en fête (Dan., V ; Hérodote, 1. 1. , ch, igi ; Xénophon, Cyropédie,
1. Vn, ch. V, § i5) et fait traverser les eaux ainsi baissées par le
gros de ses troupes qui, longeant de la sorte les fortifications de
la rive gauche, firent une brèche dans l'enceinte et envahirent
la ville. Nabonide s'était enfui à Borsippa avant le dénouement
imprévu, mais Balthazar qui s'enivrait avec ses convives fut tué
dans la bagarre qui suivit l'envahissement du palais. Babylone,
qui avait triomphé de Ninive en 606, tomba ainsi aux mains
des Perses deux jours après la prise de Sippar par Cyrus, le
16 Tesrit 539 (août-septembre).
Les armées du nouveau dominateur du monde étaient disci-
plinées. Il n'y eut ni massacre ni pillage, et, en attendant
l'arrivée de Cyrus, un bataillon de guerriers du Goutioum fit
la garde autour de l'E-sag-il ou temple de Mardouk. Quinze
jours plus' tard, le 3 Marheswan, Cyrus fit son entrée à Baby-
lone. Comme le dit sa chronique : (c Le salut fut fait à la ville,
Cyrus ordonne le salut pour Bab3done entière ». Bérose (i)
(i) Fragm. Hist. Grwc, II, p. ooS.
164 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
nous apprend que cette clémence s'étendit également à Nabo-
nide qui, capturé dans sa fuite, se vit gracié et mourut paisible-
ment quelques années plus tard en Carmanie (Est de la Perse).
Cyrus visa à rendre sympathique son avènement à la suze-
raineté de tout l'Orient. Qualifiant Nabonide d'impie, le roi
d'Ansan apparut aux Babyloniens comme « le roi selon le cœur
de Mardouk », aux Juifs comme « le pasteur de Jahvé ». Aussi
son premier soin fut-il de réintégrer les dieux des diverses
villes dans leurs temples qu'il restaura au besoin : pendant les
mois de Kislev, Têbet, Schebhât et Adar, ce fut un exode
continuel des divinités.
Il acheva de les apaiser par un deuil solennel de six jours,
deuil accompagné de sacrifices expiatoires, et, le 4 Nisan 538,
Cyrus, déjà souverain incontesté depuis près de cinq mois,
« saisit les mains de Bel ». Se proclamant « roi de la totalité
des pays », il conféra la royauté de Babylone à son fils et
héritier présomptif Cambyse et confia le gouvernement de la
ville à son fidèle Goubarou. Quant aux Juifs, ils allaient voir
la réalisation de leurs espérances.
Pour fantasmagoriques qu'étaient les conceptions du divin et
ses évolutions ad intra dans la théologie iranienne, elles étaient
plus subtiles en tous cas que celles du panthéon assyro-
babylonien, et le dualisme du parsisme, ainsi que sa démo-
nologie, étaient de nature à sympathiser quelque peu avec le
monothéisme juif (i).
Le retour Les captifs d'Israël ne pouvaient pas demander le renvoi de
.^. , leur Dieu dans son pays, mais il leur fallait restaurer le culte
Juiis exiles. , ,
de Jahvé dans le temple de Jérusalem. A 1 avènement de Cyrus
ils postulèrent de pouvoir retourner dans leur patrie ; leur
requête fut agréée. Un édit proclama la liberté du retour pour
tous les fidèles de Jahvé; il recommandait au peuple au milieu
duquel vivaient les Juifs, d'aider ceux-ci par des largesses en
5*31
(i) Cfr. Maspero, III, Les reliffions iraniennes, pp. 572-595. 1)E Harlez,
La Bible et l'Anesta, Rev., Bibl., 1896, pp. 161 ss. Lagraxge, La religiondes
Perses, Rev. Bibl., 1904, pp. 27 ss., pp. 188 ss. Stave, Ueber den Linfhiss des
Parsismiis aùf das Judentam, Leipzig, Harrassowitz, 1898. Dhorme, La
religion des Achéménides, Rev. Bibl., 1918, i)p. l5 ss.
jusqu'à l'époque hellénique. i65
nature à re<:jagner leur patrie, à subvenir aux premiers besoins
et à pourvoir au relèvement du temple. Les trésors sacrés, jadis
enlevés par Nabuchodonosor, furent restitués et un total de
42,360 personnes, plus 7,337 hommes de peine, partit cette
première année de Cyrus, en 538 (Néh, VII, 66-68), probable-
ment en plusieurs caravanes successives, sous la conduite des
anciens et des principaux du peuple. Parmi eux émine
Scheschbassar ou Zorobabel (i), prince de Juda et petit-fils
de Joïakin (i Chron, III, 17, 19; ce dernier avait été jadis libéré
de prison et était devenu un des familiers d'Evil-Mérodach).
Il tut charité particulièrement de rapatrier les richesses du
temple, qu'il avait mission de réédifier (Esdr. I, II), et d'admi-
nistrer la nouvelle communauté comme « péha » ou gouver-
neur, au nom des Perses.
Il semble bien que l'enthousiasme ne se communiqua pas à
tous les membres de la colonie exilée. Maintenant qu'ils étaient
libres de partir, ils pouvaient se considérer également libres
de rester, et, de déportés qu'ils étaient jusqu'alors, ils deve-
naient d'emblée les citoyens francs de la ville qui était « l'orne-
ment des royaumes, la parure des fiers Chaldéens ». (Is.,
XIII, 19.)
Nous avons relevé antérieurement la situation très tolé-
rable dans laquelle vivaient les Juifs à Babylone. Bientôt
les contrats d'achat et de vente de l'époque de Darius (521-486)
et d'Artaxerxès I (465-424) nous révéleront par les noms juifs
des intéressés que bon nombre des descendants des déportés
avaient préféré continuer leur trafic dans leur nouvelle patrie,
plutôt que de s'exposer à une situation précaire en rentrant
après une longue absence dans le pays de leurs ancêtres. Aussi,
le premier contingent des rapatriés se composa-t-il essentielle-
ment de ces éléments-là qui n'avaient pu contracter d'attaches
intimes avec Babylone ou n'avaient pas d'intérêts particuliers
y engagés ; ce furent avant tout des prêtres, des lévites et des
employés du temple, avec le petit peuple de la ville et les habi-
(i) L'identification de Zorobabel avec Scheschbassar a été louguemeut
prouvée par M. Van Hooxacker : Zorobabel et le second temple, pp. 29 ss.,
Rev. BibL, 1901, pp. 7-10, et Les douze petits prophètes, pp. 54i-543.
l66 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
tants des campagnes (Esd,, II, 70). Ces derniers repeuplèrent
entre autres les bourgs de Bethléem, Nétophah (actuellement
Beit-Nettif, O. de Béthel), Anathoth, Azmaveth (act. Hizmeh,
N,-E, de Jérusalem), Kariathiarim, Chephirah (act. Kephîreh,
N.-O. de Jérusalem), Béerofh (act. El-Bireh, N. de Rama),
Rama, Gibea, Michmas, Béthel, Haï, Nobé (act. Beit-Nuba,
N.-O. de Jérusalem), Ono (Kefr'-Ana, N. de Lydda) et Jéricho
(Esd. II). C'était le no3^au des anciens territoires de Juda et
Benjamin. Le reste s'établit dans les ruines de Jérusalem.
Il faut connaître de près les mœurs de l'Orient, de la
Palestine en particulier, pour se faire de la situation des rapa-
triés une image exacte que les coutumes d'Occident ne per-
mettent pas de créer.
Il n'est pas rare de voir dans ce pays une petite aggloméra-
tion s'abriter dans les ruines des anciens kala'at, ou châteaux
forts, y formant un indescriptible pêle-mêle d'êtres humains et
d'animaux bêlants, aboyants, gloussants. Çà et là, un homme
accroupi refait le fond d'une casserole, tanne un méchant mor-
ceau de cuir, tresse un couffin, pendant que la fumée acre de la
bouse sèchée qui sert de combustible s'élève des tabouns
(fours à pain) ou que des marmites équilibrées sur quelques
moellons détachés sort l'odeur d'un brouet épicé de fenouil ou
de cumin. L'ensemble trahit le dénuement habituel, et les mines
quémandeuses de ces populations déguenillées en disent long
sur leurs moyens d'existence.
Il ne faudrait pas trop de retouches à ce tableau pour se faire
une idée assez exacte du spectacle que devaient offrir la plupart
des colonies des rapatriés. Leurs anciens habitats, ils les retrou-
vaient en ruines, leurs terres abandonnées; leurs vignes incultes
étaient à défricher ; là où le sol était plus particulièrement
productif, il était occupé par des individus des autres peuples
du pays, ennemis héréditaires des Juifs : Philistins, Moabites,
Ammonites, Edomites, qui n'entendaient pas s'en dessaisir de
sitôt en faveur des nouveaux venus.
Peut-être Jérusalem, où s'étaient groupés les principaux des
prêtres et les quelques familles aisées revenues (Esd., II, 68,
69), offrit-elle bientôt un aspect moins lamentable, mais là non
plus ce tout ne devait pas encore tenir ensemble ))(Ps., 122, Vulg.,
jusqu'à l'époque hellénique 167
121, vers. 3) et beaucoup de maisons devaient longtemps
encore rester en ruines (Néh., \"II, i).
Malgré les dons spontanément laits pour le relèvement du
temple (Esd., II, 68, 6g), on tarda sept mois à restaurer l'autel
des holocautes sur ses anciennes bases, et ce ne fut qu'au
deuxième mois de la deuxième année du retour qu'on jeta les
fondements du nouveau temple (Esd., III, 8). On avait requis
les Sidoniens et les Tyriens pour amener les cèdres du Liban à
Joppé, le port le plus proche; et tailleurs de pierres et charpen-
tiers se mirent à l'ouvrage. Les débuts de l'entreprise furent
solemnisés par la présence des ministres du culte en habits de
cérémonie. Au son des trompettes et des cymbales on entonna
des hymnes à Jahvé : « Louez le Seigneur, car il est bon, car sa
miséricorde pour Israël subsiste à jamais m. Le peuple s'associait
par ses cris de joie aux solennités de la liturgie, mais le
souvenir de l'antique splendeur du premier temple contrastait
par trop avec les humbles débuts de la restauration, et les vieux
pontifes, ainsi que les quelques anciens qui avaient connu le
faste de la maison de Dieu, se mirent à sangloter au milieu des
naïves manifestations de joie de la jeune génération (Esd., III)'.
Si les Juifs avaient remis jusqu'alors le relèvement de la
maison de Jahvé, c'était par crainte des étrangers qui les
entouraient (Esd. III, 3). Ils n'allaient pas tarder à voir leurs
appréhensions justifiées. On se souvient par quel mélange de
races avait été peuplée la montagne de Samarie, après la
déportation de la plupart des anciens occupants ; on se rappel-
lera aussi qu'aux cultes de leurs divinités propres, les nouveaux
venus avaient joint des pratiques en l'honneur de Jahvé, à la
religion Duquel ils avaient été initiés par un prêtre dépêché tout
exprès de l'exil à cette intention Ayant continué depuis lors à
faire participer ]ahvé aux sacrifices qu'ils répartissaient entre
les diverses divinités de leur panthéon, ils crurent pouvoir
élever des prétentions, quand ils apprirent que les Israélites
avaient décidé de rebâtir leur temple, et ils s'offrirent à prêter
aide à sa reconstruction dans le but évident de s'associer au
culte, ainsi remis en honneur. Mais Scheschbassar et autres
anciens du peuple ne l'entendirent pas ainsi. L'exil avait
été le châtiment des prévarications commises par les généra-
l68 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
tions antérieures; il s'agissait de préserver la génération
présente d'erreurs semblables et par conséquent de tout contact
avec des éléments hétérodoxes. De leur part le refus fut net;
de l'autre, aussi vives la déception et la rancune. Humiliés,
les éconduits devaient se venger en tâchant d'entraver
pendant près de septante ans (jusqu'en la vingtième année
d'Artaxerxès 1-445) les travaux de réédification du temple et de
la ville. Pour le moment ils réussirent par leurs menaces et la
subornation de quelques individus cupides de la communauté à
intimider celle-ci dans son entreprise qui fut suspendue jusqu'en
la deuxième année de Darius.
Le règne de Cyrus à Bab3done ne dura pas plus de dix ans
(53g-529); il fut caractérisé par une administration débonnaire
de ses vastes territoires. Le nouveau monarque s'était contenté
de remplacer les rois vassaux que les Mèdes avaient jusque-là
maintenus dans leur dignité, par des gouverneurs perses pris
parmi ses généraux, tels Tabale à Sardes, et Gobr3-as à Baby-
lone. Tous les despotes Orientaux avaient profité de leur puis-
sance pour imposer de lourds tributs aux peuples de leurs
conquêtes; Cyrus, que les trésors d'Ecbatane, de Sardes
• et de Babylone avaient suffisamment satisfait, se contenta des
présents que ses sujets lui offraient spontanément; aussi
mérita-t-il de ce chef d'être appelé leur père. (Hérodote, 1. IH,
ch. 89).
Les récits les plus divers circulent sur la mort du grand
conquérant perse (i). Ce qu'il y a de plus vraisemblable, c'est
qu'il périt dans une expédition entreprise contre les Scythes au
delà de l'Araxe (2).
Cambyse II H laissait deux fils; l'aîné, Cambyse H, qui portait déjà la
couronne babylonienne, et Bardiya (le Smerdis d'Hérodote)
(3). Hérodote (1, I, ch. 208) rapporte qu'au moment où
Cyrus partit en campagne, il confia la régence à son héritier
présomptif, qui succéda donc de plein droit au gouvernement
(i) Cfr. Dhorme, Cyrus le Grand, Rev. BibL, 1912, pp. 48, 49.
(2) Maspero, III, p. 621. DiiORME, Cyrus le Grand, Rev. Bibl., 191a, p. 48.
(3) Maspero, III, p. 655, note 2.
jusqu'à l'époque hellénique 169
de l'empire à la mort de son père (529). Quelques historiens
admettent à la suite de certains auteurs anciens que Bardiya
aurait obtenu l'administration de plusieurs provinces sous la
suzeraineté de son frère (i). Des révoltes durent éclater chez
plusieurs peuplades d'Asie, que lors de son avènement
Cambyse eut à réprimer (Hér., 1. III, ch. 88, § i). Avaient-
elles été provoquées par Bardiya ou ses partisans? Nous ne
savons; toujours est-il que Cambyse se défit secrètement de
son frère et ce n'est que quelques années plus tard que l'on
connut la vérité sur son sort (2).
L'Empire perse enclavait maintenant les divers pays qui à
tour de rôle avaient exercé la prépondérance dans l'Ancien
Orient. Il ne restaitquel'Egypteàne pas reconnaître jusqu'ici la
puissance nouvelle, et son pharaon Ahmasis avait encore une
dette à payer, puisqu'il avait appuyé les L^'diens dans leur conflit
avec Cyrus. D'ailleurs, depuis que ce dernier était parvenu à
asseoir son autorité de façon incontestée, Ahmasis n'avait plus
rien tenté qui pût de sa part être interprêté comme une provo-
cation ; mais, pour parer à toute éventualité il s'était ménagé des
appuis au cas d'une offensive toujours possible.
Depuis les règnes de Psammétique II et d'Apriès les Egyp-
tiens avaient connu une ère d'activité et de prospérité, qui
s'accentua encore sous celui d'Ahmasis. A la première cataracte
on fit de l'île de Phil^e un poste d'observation bien fortifié ; les
flancs des montagnes de Thèbes furent creusés de tombeaux
aux dimensions et aux décorations qui rappelaient les anciennes
époques de splendeur; les vieilles nécropoles d'Abydos sacca-
gées et ses monuments ensablés furent remis en état, Ahmasis
ajouta au temple de Nît à Sais, en plus d'autres embel-
lissements (3), des propylées gigantesques qui furent
ornés de colonnes énormes et précédés d'une longue avenue de
sphynx. Memphis et les villes du delta furent enrichies de
monuments nombreux et de décor soigné ; les diverses pro-
vinces, mais surtout les nômes de la Moyenne Egypte, qui
(i) M. Maspero l'admet dans Histoire Ancienne, igoS, p. 674, contraire-
ment à l'opinion exprimée, III, pj). 655, G56 et p. 655, note 8.
(2' Maspero, III, p. ()56, note 3.
(3) Maspero, III, p. 644.
17 O DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
avaient particulièrement souffert des guerres éthiopiennes
et assyriennes, virent le réseau des canaux réparé et agrandi,
et, à côté de cet encouragement donné à l'agriculture, le com-
merce allait se développant toujours (i).
On se souvient que c'était le parti indigène national, qui,
mécontent des faveurs accordées par Apriès aux armées
grecques entretenues par lui et aux marchands hellènes dont
les comptoirs occupaient la côte, avait hissé Ahmasis au
pouvoir. Celui-ci avait d'ailleurs été de connivence avec leurs
intrigues. On pouvait donc s'attendre à ce qu'il ne favorisât
guère ces étrangers. Il en fut tout autrement. Il se mit en bons
rapports avec les Doriens de Cyrène, avec lesquels Apriès
avait été jadis en guerre, mais qui, à propos de différents
arrangés entre eux grâce à ses bons offices, durent se recon-
naître ses obligés (2).
Ce ne furent pas seulement les Grecs de la côte africaine,
mais encore ceux d'Europe, d'Asie, et de l'Archipel qui furent
l'objet de ses prévenances; une recrudescence d'immigration
hellénique en Egypte en fut la suite toute naturelle.
Connaissant toutefois la versatilité et la vénalité du caractère
hellène, il leur assigna un nouvel habitât. Depuis un siècle ils
s'étaient installés le long de la branche Pélusiaque, donc sur la
frontière syrienne. Or, c'était là précisément l'endroit le plus
menacé, en cas de conflit avec l'une des puissances asiatiques.
Le pharaon jugea opportun de les en déloger, pour leur éviter
toute tentation de compromis avec les ennemis du lendemain :
il les installa près du bras Canopique dans les environs de
Samaraïtis, où déjà les Milésiens s'étaient fixés. L'affluence fut
telle, que la ville elle-même, qui prit le nom de Naucratis,
fut une véritable république, où tous les éléments grecs
eurent leurs représentants et leur quartier; elle devint port
franc, et, l'étant seule, sa fortune était . faite. La popu-
lation grecque s'accrut de plus en plus et pénétra dans le reste
du pays jusqu'en Haute-Eg3'pte et dans le désert Lib3'que.
(i) Voir les détails des travaux (reinl)ellissemeut et d'utilité publique
exécutés sur l'ordre d'Ahuiasis dans Maspkro, III, pp. ()4o-645.
(2) Maspkko, III, pp. 645, 046.
jusqu'à L époque HELLENIQUE. I7I
Mais si l'augmentation du nombre de ses sujets étrangers rassu-
rait Ahmasis dans ses craintes de conflit avec les Perses, les
faveurs qu'il leur accordait lui attirèrent le mécontentement des
Egyptiens. Ils crièrent au sacrilège, quand ils virent les
cultes helléniques prendre rang à côté des cultes nationaux, et
surtout quand, pour payer l'entretien et la solde de ses merce-
naires grecs, le pharaon taxa les temples célèbres des rives du
Nil. Aussi l'antipathie et la haine des indigènes pour lui se
trahirent-elles en une tbule de racontars déplaisants qui déna-
turaient ses actes et ses intentions. Tout aussi légendaires sont
les faits qu'on dit avoir été plus tard la cause de l'ouverture des
hostilités avec la Perse d) : on ne sait pas quel en fut le
motif déterminant. Le caractère violent de Camb3-se (2) et la
rivalité des deux empires voisins suffisent d'ailleurs à l'expliquer.
Un sérieux obstacle pour l'armée perse était la traversée des
marais et du désert du delta, dans lesquels elle risquait de
s'embourber et de s'épuiser. Un secours inespéré leur vint en
aide. Phanès d'Halicarnasse, un général des troupes merce-
naires d'Ahmasis, trahit son maître et offrit ses services
à Cambyse; il le mit en rapport avec les tribus arabes,
campées à la lisière du delta, et celles-ci aidèrent les Perses,
comme leurs ancêtres l'avaient fait jadis pour Asaraddon, en
échelonnant le long de la route, des troupes de chameaux
chargés d'outrés remplies d'eau.
Au moment d'arriver devant Péluse, on apprit qu* Ahmasis
venait de mourir après quelques jours de maladie et que son fils
Psammétique III lui succédait. L'armée égyptienne perdait en
Ahmasis le chef qui, connaissant toutes les ressources qu'elle
offrait, l'aurait certainement conduite à la victoire.
La rencontre eut lieu en avant de Péluse, et de part et d'autre
on combattit avec acharnement; vers le soir les forces égyptiennes
cédèrent et Psammétique, au lieu de replier ses troupes en bon
ordre et de défendre l'accès des ramifications du Nil, s'enfuit à
Memphis. Au bout de quelque temps, la ville dut se rendre; le
reste du pays, ainsi que les colonies grecques, reconnurent le
(i) Maspero, III, pp. 65;, 58.
(2^ HÉRODOTE, \. III, eh. 89, rapportant la tradition pei'se, le dit dur
et fier.
172 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
vainqueur; quant au pharaon et aux jeunes gens des principales
familles, ils furent mis à mort et le gouvernement de la contrée
remis aux mains du perse Aryandès (525).
Cambyse, pour plaire à ses nouveaux sujets, commença par
adopter leurs mœurs et par s'initier à leurs pratiques reli-
gieuses ; mais son ambition n'était pas encore satisfaite :
Carthage et l'Ethiopie sollicitaient son avidité; il allait tenter
de s'en rendre maître.
A ce moment Carthage était dans toute sa force ; toutes les
colonies phéniciennes de l'Afrique, de l'Italie du Sud et de
l'Espagne la reconnaissaient; sa puissance sur mer était sans
rivale et sa marine lui permettait d'aborder les rivages de
l'Europe Septentrionale.
Maître de Carthage, Cambyse le serait aussi de ces régions
occidentales inconnues aux Orientaux et dont par consé-
quent on disait mille choses merveilleuses. Il sollicita des
Tyriens qu'ils missent leur flotte à sa disposition et qu'ils
abordassent Carthage par voie de mer ; ils refusèrent de
s'attaquer à leurs congénères. Force lui fut donc de tenter l'en-
treprise par voie de terre. De Thèbes, Cambyse expédia en 524
une première armée de cinquante mille hommes en explora-
teurs. La route qu'éventuellement le gros de l'armée suivrait,
partait du désert thébain, remontait vers le Nord-Ouest dans la
direction de l'Oasis des Ammoniens et passait chez les Libyens
sur les côtes des deux Syrtes, pour arriver ainsi sur les terri-
toires phéniciens d'Afrique. L'avant-garde s'engagea dans la
direction donnée, mais ne revint jamais, ensevelie, fut-il
raconté plus tard, sous des tourbillons de sable. Ce désastre fit
renoncer Cambyse à son premier dessein et il résolut alors de
tenter la conquête de l'Ethiopie.
Depuis qu'en 664, Tandamanou avait dû fuir l'Egypte devant
les armées d'Asourbanipal, l'Ethiopie avait" peu à peu relâché
les liens qui jusqu'ici avaient attaché ses dynasties à l'Egypte.
Attaquée par Psammétique I et Psammétique II, elle avait
gardé son indépendance, et depuis lors l'observatoire de Philse
était le dernier poste occupé par les forces égyptiennes.
Ce qui accentua encore la rupture des rapports entre les deux
peuples-frères, ce fut l'état d'abandon auquel était livrée la
jusqu'à l'époque hellénique. 173
Nubie inférieure; ce n'était qu'à partir de Semneh, près de la
seconde cataracte, que le pays reprenait sa densité et sa culture.
L'opiniâtreté de la résistance des Ethiopiens aux Assyriens
était restée dans les mémoires et depuis qu'ils vivaient retirés
de tout contact avec les Egyptiens, mille légendes couraient sur
leur compte et tendaient à faire croire que leur pays était un
vrai pays de cocagne (i).
Cambyse partit de Memphis avec une partie de ses troupes,
tandis qu'une autre partie remonta le Nil jusqu'à Korosko, un
peu plus qu'à mi-chemin entre la première et la seconde cata-
racte. De là, les forces réunies se dirigèrent à travers le désert
sur la capitale Napata; mais, faute de vivres, elles durent
rebrousser chemin ; la tentative eut le seul résultat de ratta-
cher à l'Empire Perse la partie septentrionale de la Nubie.
L'humeur irascible de Cambyse se laissa influencer par ce
double échec. On ne peut démêler la réalité de la légende
dans les actes de cruauté que lui ont imputés les historiens
anciens (2). En tous cas, des rumeurs de mécontentement
circulèrent non seulement en Egypte, mais aussi dans ses pro-
vinces d'Asie, provoquées peut-être ici par le bruit de ses
échecs et par sa trop longue absence. Il se décida donc à
retourner au printemps de 522.
Il était peut-être aux environs de Hamath, lorsqu'il apprit
que la révolte avait éclaté en Perse et — à sa grande stupeur —
que son frère Bardiya ou Smerdis avait été proclamé à sa place.
Avant de partir pour rEgypte,trois ans auparavant, Cambyse
avait confié le gouvernement à un mage perse du nom d'Oro-
pastès (3). Celui-ci avait un frère, mage également, appelé
Gaumàta, et qui ressemblait à s'y méprendre à Bardiya. Les
deux frères étaient dans le secret du meurtre de Bardiya, alors
que personne à la cour ne s'en doutait ; on croyait le malheu-
reux exilé ou retenu dans quelque endroit sûr. Aussi la nou-
velle ne surprit-elle pas trop l'opinion et le faux Bardiya se vit
(i) Maspero, III, pp. 66G, 667.
(a) Maspero, III, pp. 668-6G9 et notes 2 et 3 de p. 668.
•3) HÉRODOTE, 1. III, ch. 71 et 73, lui donne le nom de Patizéithès, mais
il a pris le nom de la fonction pour celle de l'individu, u paiikhshâyathiya »
étant un mot qui signifie « vice-roi » ou « régent ».
174 DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLONE
reconnu par la Perse, la Médie, les provinces iraniennes et
bientôt aussi par l'Elam, les régions du Tigre et Babylone.
Cambyse lui-même crut que jadis on n'avait pas mis ses
ordres à exécution ; sans tarder, il partit à la tête de ses troupes
fidèles pour rétablir son autorité, lorsqu'il mourut on ne sait
comment. Complot, accident fortuit, suicide, les trois opinions
eurent leurs tenants.
L'important pour l'usurpateur était de prévenir tout soupçon
sur son identité ; il fit disparaître ceux qu'il supposait être au
courant du meurtre de Bardiya, s'isola autant qu'il put. et,
comme il avait hérité également le harem royal, il défendit à'
ses femmes toute communication avec le dehors. Désirant se
faire bien voir de ses sujets, il les dispensa pour trois ans des
impôts et des corvées militaires. Mais les précautions qu'il
avait prises éveillèrent des soupçons; les familles nobles, qui
presque toutes avaient des parentes dans le harem du palais,
furent intriguées par la réclusion sévère à laquelle leurs filles
étaient soumises; Cambyse d'ailleurs devait, lors de la révolte,
avoir exprimé sa surprise à quelques intimes. Bientôt la con-
viction se fit qu'on avait afiaire à un audacieux imposteur. Un
membre de la famille des Achéménides, Darius, fils d'Hystaspe,
satrape d'H3a-canie(cfr,67//)r(^ p. i5ole tableau généalogique des
Achéménides), de concert avec quelques chefs nobles, surprit
l'usurpateur et le tua (avril 52i). Etant le seul prétendant légal
à la couronne, il se vit proclamé aussitôt,
Darius I Cette double révolution avait toutefois réveillé le sentiment
de l'indépendance chez les diff'érentes nations qui composaient
le jeune empire. L'insurrection éclata d'abord en Susiane et à
Babylone où Nadintavbel, le second fils de Nabonide, réclama
le trône de ses ancêtres et prit le nom de Nabuchodonosor IH.
Confiant à une partie de ses armées la répression de la Susiane,
Darius conduisit lui-même ses troupes contre les Chaldéens.
Il les vainquit dans deux rencontres, mais la résistance s'opi-
niâtra dans les murs de Babylone. Tandis que cette ville subis-
sait un siège serré, la révolte se déclara dans la Médie, dégarnie
des forces qui bloquaient Bab3lone, et gagna presqu'aussitôt
l'Assyrie et l'Arménie qui vit bientôt les Parthes et les Hyrca-
jusqu'à l'époque hellénique. 175
niens se rallier à sa cause. Pour comble de malheur, en Perse
même se leva un nouveau pseudo-Bardiya, un certain Vahya-
dâsta qui trouva moyen de se faire acclamer.
Parthes et Hyrcaniens furent vite réprimés, et Babylone finit
par céder après une longue résistance. Le châtiment fut terrible :
Nabuchodonosor mis à mort, trois mille Babyloniens furent
empalés, les murs rasés et la ville repeuplée d'étrangers (i).
Il est probable que les Juifs de l'endroit profitèrent de la cir-
constance pour améliorer encore leur condition; en tous cas,
leurs colonies en Babylonie restèrent très florissantes jusque
dans les premiers siècles de l'ère chrétienne.
Darius avait maintenant les coudées franches (5 19), Confiant
à un de ses généraux le soin de rappeler la Perse au devoir, il
se chargea lui-même d'avoir raison des Mèdes. Les difficultés
étaient aplanies en 5i8. Il jugea nécessaire d'imposer aussitôt
à ses états nombreux et de races si différentes un régime d'admi-
nistration qui donnât des garanties de sujétion plus sérieuses.
Tout en laissant subsister les dynasties locales, il divisa les
territoires en gouvernements ou satrapies (2), dans lesquelles il
établit, au-dessus des dynastes de lendroit, trois officiers indé-
pendants et souvent rivaux l'un de l'autre : le satrape exerçant
l'autorité civile, judiciaire et administrative dans toute sa
plénitude; le secrétaire ou chancelier royal, véritable espion et
contrôleur du gouverneur et le général commandant les troupes
locales indigènes ou tnercenaires. Tous trois relevaient en
droite ligne du souverain. Celui-ci déléguait en outre annuelle-
ment des officiers spéciaux chargés devenir constater à l'impro-
viste leurs agissements et ce contrôle entrainait les sanctions
les plus sévères en cas de repréhensibilité. Cette réforme admi-
nistrative et cette division de l'empire n'assuraient pas seulement
la surveillance des sujets, mais elles facilitaient en outre la levée
des impôts, charge qui incombait aux satrapes.
Hérodote (1. III, ch. Sg-gS) énumère le tribut à payer par les
différentes satrapies. L'ensemble s'élevait à 1,460 talents
euboïques,ce qui équivaut à un poids de tr. 82,7gg.866, dont la
(l HÉRODOTE, I. III, ch. i5o-i6o.
(a) Voir l'éumnératioude ces satrapies daus Maspero, Histoire ancienney
pp. 704-705.
176 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
valeur proportionnelle à celle de nos jours serait de 663 millions
de francs(i). Nous ne savons pas déterminer ce que la Palestine
proprement dite devait verser : elle faisait partie de la cinquième
satrapie qui comprenait, outre la Palestine, la partie de la
Mésopotamie entre le Khabour et l'Euphrate, la Phénicie et l'île
de Chypre; cette satrapie était taxée pour 35o talents.
Pour faciliter le paiement,
Darius émit les monnaies frap-
pées d'or et d'argent, connues
sous le nom de dariques. A côté
Darique d'or. de cet impôt en argent, il restait
a/ Roi à demi-agenouillé, coiffé de encore à fournir un impôt en
la cidaris (tiare royale), vêtu . .
de la candys (robe de dessus) nature non moms important (2) .
tenant un arc e t un poignard. ^^gg^ DariuS eut-il la réputation
R/ Excavations. . , , v • ^,-.
— a tort ou a raison — d être
un « cabaretier affamé de gain. »
Deux issues seulement restaient ouvertes à l'extension de
l'immense Empire Perse : l'Inde à l'Est, la Grèce à l'Ouest.
Vers 5x2, il conquit dans la direction de l'Est une bonne partie
du Pendjab actuel et dans celle du Sud il se soumit les tribus
riveraines de l'Indus. Bientôt il porta son attention sur l'Occi-
dent, où le menaçait un réel danger.
Un tiers du monde grec, de Trébizonde à Barca, était incor-
poré à l'empire, mais à peu près partout, du golfe Persique
jusqu'en Haute-Egypte, on trouvait des Grecs et ceux qui
restaient en Europe intriguaient constamment avec leurs com-
patriotes d'Asie. Pour prévenir toute agitation de la part de
cette race turbulente, il n'y avait qu'un moyen : annexer la
métropole, comme on l'avait fait des colonies. Ce fut donc le
besoin de la sécurité qui déchaîna les guerres médiques. Elles
allaient durer deux siècles à peu près et être une des causes qui
entraîneraient la chute de la domination iranienne.
Il y avait, en effet, un défaut à la cuirasse de l'Empire Perse :
ses armées étaient composées d'éléments très vaillants, mais
très hétérogènes. Les contingents des états vassaux étaient
(i) Maspero, m, p. 691.
(2) Voir détails Maspero, III, p. 692.
jusqu'à l'époque hellénique. 177
trop difl'érents d'armement, de tactique et d'aptitudes. Ce
manque de cohésion de l'ensemble neutralisait les qualités des
divers composants, et ces hordes innombrables étaient con-
damnées à plier finalement, parce qu'elles allaient se heurter à
des forces, beaucoup moins nombreuses, il est vrai, mais homo-
gènes et assouplies par une même formation.
Si nous nous sommes arrêtés quelque peu à l'organisation
d,onnée par Darius à son empire, c'est que cette forme de gou-
vernement devait désormais servir de type aux grands Etats
orientaux (i).
Nous nous contenterons de résumer brièvement la suite
des événements qui agitèrent le monde oriental jusqu'à la
conquête macédonienne (2). La communauté juive renais-
sante n'y prit aucune part, si ce n'est que vers la fin elle com-
mettra l'imprudence de se déclarer en hostilité contre Arta-
xerxès III Ochos (voir plus loin, p. 181). Il nous intéressera
davantage de suivre de près les évolutions qui s'opéreront
dans son sein et qui en feront l'Israël nouveau.
Avant de s'attaquer à la Grèce proprement dite, Darius vou- Les guerres
lut se prémunir contre une attaque éventuelle des Thraces et médiques.
des ScAlhes. Une armée de 800,000 hommes franchit le Bos-
phore et eut raison des Thraces orientaux ; elle passa ensuite
rister (5o8) et pénétra jusqu'en Russie pour se soumettre les
Scythes, mais bien qu'elle saccageât toute la contrée, elle ne
put pas engager une bataille rangée. En 5o6, la Thrace entière
et la Macédoine sont tributaires; mais l'Ionie, appuyée par
Athènes, se révolte et les Grecs s'emparent de la ville basse de
Sardes et la brûlent, entraînant le soulèvement de tous les
Grecs d'Asie (498). Six ans de lutte pacifièrent à nouveau cette
partie de l'empire. En 490, une nouvelle tentative de soumettre
la Grèce d'Europe échoua à la bataille de Marathon. Pendant
trois ans Darius se prépara à réparer les coups portés au pres-
tige perse; mais, au moment où il allait tenter une nouvelle
attaque en Grèce, l'Egypte se révolta (486).
Il avait pourtant tâché de se concilier les sympathies de ses
(I) yiASVF.RO, Histoire ancienne, p. ~oç).
(2; Pour plus de détails voir ^Lvspero, III, pp. 697-814.
178 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLOXE
sujets du Nil, en affichant un grand respect pour leurs divinités,,
et le pays avait prospéré sous les Perses. Les marchandises
du Soudan, de l'Inde et de l'Arabie passaient par ses villes et
ses ports pour venir sur les marchés de la Grèce, de Carthage,
de la Phénicie et de Babylone, Aussi Darius n'avait-il rien
négligé pour développer les canalisations du Nil à la mer
Méditerrannée et à la mer Rouge.
La défaite de Marathon mit toutefois les Egyptiens en
appétit et les garnisons perses furent chassées. Darius comptait
mener de front la guerre en Grèce et la répression de l'Egypte,
lorsqu'il mourut en 485 après trente-six années de règne. Un
Xerxès I ^e ses fils, Xerxès, avait été désigné comme son successeur;
il employa quatre ans à réprimer la révolte égyptienne. En 481,
Bab3done essaya de secouer le joug, mais elle fut sévèrement
traitée et à partir de ce moment son déclin alla s'accentuant.
Xerxès se décida dans l'automne de cette même année à
passer en Grèce avec une armée innombrable ; il força le pas-
sage des Thermopyles entre TOeta et le golfe Maliaque et
s'empara d'Athènes, mais sa flotte fut détruite par les Grecs
dans la baie de Salamine. Indolent et débauché, Xerxès pré-
féra se retirer à Sardes en laissant l'armée en Thessalie sous
le commandement de Mardonius. Celui-ci fut tué et ses troupes
défaites, au printemps de 480, à Platées. En Asie, même
désastre. Une partie de la flotte perse fut détruite à Mycale;
aussitôt les îles de l'Archipel, les cités côtières et même Chypre
firent cause commune avec les Grecs d'Europe; les Grecs
d'Asie constituèrent avec eux une ligue permanente de résis-
tance à l'Empire Perse sous l'hégémonie d'Athènes. Pendant
plus de douze ans les Grecs harcelèrent les Perses sans que
l'apathique Xerxès prit sa revanche. Il mourut assassiné en 465.
Artaxerxès Artaxerxès, un de ses fils, lui succéda, mais pendant trois
I ans il eut à se défendre contre des compétiteurs. En 462,
Inaros, le roi de Libye, déclara la guerre; aussitôt le delta
tout entier prit son parti et une escadre de deux cents navires
grecs cingla de Chypre vers la côte africaine. Les insurgés et
leurs alliés eurent d'abord le dessus, mais, après une opposi-
tion qui dura jusqu'en 464, les Perses finirent par l'emporter.
jusqu'à l'époque hellénique.
179
Cependant les Grecs n'abandonnèrent pas la lutte, mais conti-
nuèrent à infliger des délaites à leurs ennemis et finirent par
forcer Artaxerxès à négocier après un demi-siècle d'hostilités
(depuis l'incendie de Sardes, en 5oi, jusqu'à la dix-septiéme
année d'Artaxerxès en 449). L'indépendance absolue dut
être accordée aux Grecs d'Asie.
Le reste de ce règne, qui dura jusqu'en 425, vit encore
des insurrections en Syrie, en Carie et en Lydie, et le sou-
verain dut composer avec ses satrapes révoltés. Ce furent
les débuts des dissensions intestines, des guerres civiles, et
des tragédies de palais qui devaient affaiblir les forces de
l'empire et le conduire à sa fin.
Artaxerxès, comme Xerxès, s'était déchargé sur ses géné-
raux et ses ministres du soin de batailler et d'administrer;
pendant son règne de près de quarante-deux ans il partagea le
meilleur de son temps « entre la chasse et le harem y (i) et
mourut en 424.
Sa succession donna lieu à des intrigues sanglantes.
Xerxès II, son fils, régna quarante-cinq jours ; il fut assassiné
par un de ses frères illégitimes, Sogdianos, qui fut tué lui-
même après six mois et demi de règne par un autre frère
bâtard Okhos, qui prit le nom de Darius II. Jusqu'en 412
celui-ci eut à se défendre contre d'autres amateurs du pouvoir,
mais il eut raison d'eux.
A ce moment la guerre du Péloponèse était à son stade
aigu (2). La flotte athénienne venait d'être détruite devant
Syracuse. Darius II en prit prétexte pour exiger des Grecs
d'Asie leur ancien tribut et il s'allia aux Spartiates. Son
plus jeune fils Cyrus les appuya si bien qu'à la bataille
d'Aegos-Potamos en 400, Athènes fut humiliée sous sa rivale.
Darius II mourut peu de temps après; son fils aine Artaxerxès II
lui succéda, mais en 401 son frère Cyrus, dit le jeune, se révolta
pour périr à la bataille de Cunaxa qu'il était sur le point de
gagner. Cyrus avait embauché i3,ooo Hellènes. Les survi-
Darius II
et
Artaxerxès
II.
(i) Maspero, III, p. 746.
(a) Cette guerre qui dura de 43i à 4o5 avait été provoquée par la riva-
lité des Spartiates et des Athéniens. Les premiers devaient l'emporter,
gràee à l'appui que leur prêtèrent les Perses.
l80 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
vants purent opérer, sous la conduite de Xénophon, un retour
en bon ordre à travers l'Assyrie et l'Arménie. Cette fameuse
retraite des Dix Mille qui s'effectua si glorieusement, malgré
tout ce qui contribuait à l'empêcher, fit comprendre aux Grecs
que des forces, faibles en nombre mais admirablement disci-
plinées, soutenaient avec avantage l'action perse. Sparte,
l'ancienne alliée des Perses, s'en aperçut et à son tour elle
mena la guerre en Asie. Artaxerxès II la paya de sa monnaie
et unit ses forces navales à celles des Athéniens, avec ce
résultat que Sparte dut renoncer à ses visées sur l'Asie. La
Perse était donc encore une fois maîtres^se de la côte.
Pendant que le monde grec s'agitait ainsi, rEg3'pte
s'essayait à secouer le joug. Les Perses avaient commis la
faute de laisser subsister les dynasties locales dans ce pays.
Un certain Amyrtée, qui à lui seul représenta la vingt-huitième
dynastie saïte (dont la durée fut de six ans), ainsi qu'un Psam-
métique, avaient réussi vers 400 à se faire obéir dans les nomes
du delta. Avec Néphoritès, la vingt-neuvième dynastie mendé-
sienne acheva de rendre la liberté à l'Egypte; en même temps
se révoltaient la Mysie, la Pisidie, la Paphlagonie et les rive-
rains du Pont-Euxin. Hakoris, le successeur de Néphoritès en
3g3, s'entendit avec Evagoras de Chypre et avec les Athé-
niens toujours versatiles ; Sparte traita de nouveau avec les
Perses (387) et arrêta ainsi le danger grec. Un accord finit
par désarmer les Chypriotes (38o), mais l'Egypte se consolida
encore dans sa résistance par l'avènement de la trentième
dynastie sébennytique en la personne de Nectanébo I.
Celui-ci s'adressa pour la réorganisation de ses forces à
l'Athénien Chabrias qui, sans mission aucune de son gouverne-
ment, consolida les points vulnérables du delta, de façon à en
faire un véritable camp retranché. Artaxerxès II obtint des
Athéniens, ses alliés du moment, le retrait, de Chabrias et le
secours de leur général Iphicrate pour commander les auxi-
liaires grecs. En mai 374 l'armée perse, renforcée de contin-
gents helléniques, arriva devant Péluse.
Après un premier succès elle hésita à avancer ; les Eg3'ptiens
se ressaisirent et les Perses se décourageant abandonnèrent le
delta. Malgré cet échec, les villes grecques, parce que divi-
Ochos.
jusQU A l'Époque helléxioue. i8i
sées entre elles, s'appliquaient à se disputer l'alliance d'Ar-
taxerxès; celui-ci maHieureusement sentait son propre sol se
dérober sous ses pieds; les différentes satrapies s'insurgeaient
l'une après l'autre et Taches qui avait succédé à Nectanébo I
en 36i négociait avec les rebelles. Déçu de ce côté, le
pharaon réussit à obtenir l'appui d'Athènes et en outre
l'alliance du vieil Argésilas, le roi de Sparte. Spartiates et
Athéniens s'accordaient mal; de plus des impôts excessifs,
imposés pour subvenir aux frais de la guerre, rendirent Tachos
impopulaire et son cousin, un autre Nectané.bo (II), s'assura
l'appui des forces Spartiates alors en Egypte, et contraignit
Tachos à s'enfuir. Un manque de confiance réciproque refroi-
dit les rapports d'Argésilas,et de Nectanébo II ; d'un autre côté
les intrigues de ses fils découragèrent les dernières forces
d'Artaxerxès II et il mourut en 362. Ce fut le plus jeune de
ses fils, Artaxerxès III Ochos, qui hérita de l'empire. Artaxerxès
L'Egypte, indépendante depuis un demi-siècle, était l'appui
auquel recouraient ceux des sujets de l'Empire Perse qui
à leur tour soupiraient après l'autonomie. C'était là un
motif suffisant pour enlever à ce pa3-s fauteur d'intrigues
l'assurance dont il se prévalait et le rôle qu'il assumait. Ochos
prévint par un massacre en règle les compétitions possibles à
la couronne qu'il venait de ceindre et il dirigea une attaque
contre l'éternelle rivale des monarques orientaux. Comman-
dée par des généraux Spartiates et athéniens, l'armée de
Nectanébo eut, une fois encore, raison des forces perses
conduites par le souverain en personne. L'Asie Mineure,
la Chypre et la Phénicie se soulevèrent aussitôt. Les Juifs
commirent l'imprudence de sympathiser avec les révoltés, qui
furent aussi appuyés par le pharaon et par les Grecs. Les
premiers engagements furent défavorables à Ochos, mais
Tennès le roi de Sidon, auquel les insurgés avaient confié la
direction de l'opposition, trahit les siens et Ochos redevint
maître en Syrie. Un bon nombre de Juifs compromis dans cette
affaire — beaucoup d'entre eux étaient nobles — furent exilés
en Hyrcanie sur les bords de la mer Caspienne (i). Cette
II) EcsÈBE, Chron., 1. II, à laniiée dAbrahain iGô; : Migxe t. I. col. 48G.
152 DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLOXE
victoire eut pour effet de jeter rhésitation dans les provinces
asiatiques; Oclios en profita pour s'en prendre à l'Egypte.
Nectanébo s'était préparé de longue main à cette attaque en
fortifiant tous les points faibles du delta et en garnissant de
défenseurs les embouchures du Nil. De part et d'autre, des
auxiliaires grecs renforçaient les forces nationales. La fougue
imprudente des Grecs de Nectanébo ne permit pas à celui-ci
d'attirer les Perses au centre de son cercle de défense et de les
envelopper ainsi; Nicostrate d'Argos, au service d'Ochos, par-
vint à faire passer ses troupes par un des canaux du Nil non
défendu et les débarqua sur le derrière de l'armée que Nec-
tanébo commandait au Nord du delta. C'était osé et impru-
dent, car il se trouvait pris ainsi entre deux corps. L'impa-
tience des mercenaires du pharaon le sauva et perdit rEg3^pte.
Au lieu d'attendre que les troupes commandées par le roi
pussent prendre l'ennemi à dos, les défenseurs de la ville égyp-
tienne voisine engagèrent le combat et furent battus. Necta-
nébo pour ne pas être enveloppé à son tour se replia sur
Memphis, mais l'armée qui devait arrêter les Perses à la fron-
tière crut à un abandon et se découragea. Les Perses ne ren-
contrèrent plus guère de résistance; le pharaon parvint à
s'enfuir en Ethiopie, mais l'Egypte redevint vassale de l'empire
oriental en 342.
Le pays du Nil avait connu une véritable restauration pen-
dant le demi-siècle de paix dont il avait joui; le cruel et vindi-
catif Ochos put d'autant mieux piller ses trésors, raser ses
défenses et supplicier la noblesse indigène.
L'Empire Perse était donc reconstitué dans sa plus grande
extension, mais tous ses composants se détachaient de plus en
plus les uns des autres.
Parmi les diverses races du Nord vers les sources de
l'Euphrate, du Tigre etdel'Halys, les unes se disaient soumises,
alors qu'elles étaient en fait indépendantes, et d'autres, les plus
barbares, vivaient en hordes insaisissables. A l'Est du Tigre
il en allait de même ; les Indiens entretenaient de bons rapports
avec les Perses, mais sans faire acte de vasselage. L'organi-
sation administrative inaugurée par Darius I offrait de fortes
garanties de stabilité pour l'empire, à condition d'être ponctuel-
jusqu'à l'épooue hellénique. i83
lement entretenue dans ses moindres détails. C'est ce qui fut
négligé. Au bout de quelque temps les fonctions rivales furent
souvent confiées au même personnage et le contrôle annuel fut
omis ou mal fait. L'armée n'était pas tenue à la hauteur des
progrès de l'armement et au lieu de l'instruire on préférait
recourir à des auxiliaires hellènes, comme nous l'avons
constaté fréquemment. En outre, depuis Xerxès I, les souve-
rains s'étaient habituellement déchargés sur leurs généraux ou
leurs ministres du soin de conduire les armées ou d'administrer
le pavs, les plaisirs et les cabales de leur harem absorbant
toute leur activité. Ochos fit de même. Il mena grand train
à la cour luxueuse de Suse et confia à un de ses eunuques,
Bagoas, les rênes du gouvernement. Bagoas l,e fit si bien qu'il
s'attira la jalousie des courtisans qui résolurent de le perdre.
Pour ne pas périr il empoisonna son maître en 338 et assassina
les héritiers du trône, à l'exception du plus jeune, Arsès, qu'il
espérait pouvoir tenir en tutelle. Quand celui-ci essaya de la
secouer, il périt comme son père (335). Bagoas jeta alors son
dévolu sur un de ses amis, Codoman, qui prit le nom de
Darius ITI. Homme de qualité, il prétendit administrer pour Darius III
son propre compte; déjà l'ambitieux ministre qu'était Codoman.
Bagoas lui préparait une liqueur mortelle, mais il fut trahi et il
dut l'avaler lui-même. Avec Codoman l'Empire Perse allait finir.
Lors du soulèvement de l'Asie Mineure, un certain Artabaze
avait été le principal fauteur des troubles : après ses victoires
en Egvpte, Ochos avait confié le soin de soumettre l'Asie au
général rhodien Mentor. Artabaze s'enfuit alors vers 341
auprès de Philippe de Macédoine.
Le rôle de la Macédoine dans la politique du temps avait été
jusqu'alors efiacé. Son roi Philippe se chargea de la porter à
l'avant-plan. Bagoas avait en 340 appuyé efficacement les enne-
mis hellènes de Philippe. Mais celui-ci profitant des rivalités des
villes grecques finit par se les soumettre toutes. Dès lors il
résolut de régler ses comptes avec la Perse. Il commença par
envoyer en Asie une armée de dix mille hommes pour rendre
la liberté aux Grecs de la côte égéenne et les soulever contre
les Perses. Il s'apprêtait à rejoindre lui-même son armée
lorsqu'il mourut assassiné (336).
i84
DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLOXE
Alexandre
de
Macédoine.
Darius Cocloman tâcha, à prix d'argent, d'ameuter une partie
des Grecs contre Alexandre fils et successeur de Philippe,
mais il ne put profiter du répit ainsi obtenu, la mobilisation de
toutes ses troupes durant trop longtemps, et bientôt Alexandre
vint renforcer l'avant garde macédonienne avec une armée
admirablement équipée et commandée. Mysie, Lydie, Carie,
L3xie, Phrygie, Cappadoce et Cilicie, toutes ces contrées se
soumirent au Macédonien.
La bataille d'Issus, en 333, lui ouvrit les pays sémites; de
Samosate à Damas on le reconnut et en Phénicie également.
Seule Tyr, rivale des Grecs, résista pendant sept mois.
Alexandre dut jeter une digue en mer reliant ainsi l'île impre-
nable à la terre ferme pour avoir finalement raison de sa
défense, La Samarie et la Judée n'eurent qu'à se courber.
Il n'y eut que Gaza qui arrêta pendant deux mois la marche
de l'armée macédonienne; mais, elle désarmée, Alexandre arriva
en Eg3rpte comme libérateur en 332.
Il y passa l'hiver et en profita pour jeter les fondements d'une
ville qui allait être bientôt un centre commercial et intellectuel
de première importance, et de son propre nom il l'appela
Alexandrie. Donnant satisfaction à l'attachement des Egyptiens
à leurs dieux nationaux, il se reconnut comme fils d'Amon
(dans lequel les Grecs avaient vu leur Zeus) et dès ce jour il
fut à leurs yeux pharaon légitime. Pendant cet intervalle Darius
avait essa3^é, sans succès, de reprendre les territoires perdus.
En 33i, Alexandre revint en Asie où les vieux peuples
orientaux s'étaient coalisés pour un suprême effort; l'Inde
avait même fourni une troupe d'éléphants montés. A la fin
de septembre les deux armées se rencontrèrent au delà du
Tigre : à Arbèles; l'acharnement fut égal des deux côtés, mais
au soir du 3o septembre Darius fu^-ait devant les forces
d'Alexandre. Bab3done, Suse ensuite, ouvrirent leurs portes;
Ecbatane céda à son tour dans les premiers mois de 33o et
Darius III Codoman fut tué dans la déroute par un de ses
généraux.
On pouvait dire que tous ces vieux Etats de TOrient, qui
pendant des millénaires s'étaient acharnés à vouloir se dominer
réciproquement, ou n'existaient plus ou étaient épuisés. L'avenir
JUSQU A L ÉPOQUE HELLENIQUE.
I85
était à des forces plus jeunes et à une civilisation qui, mieux que
celles de l'Orient, s'adapterait à des milieux divers.
Tétradrachme attique d'Alexandre le Grand.
a/ Tête d'Hercule criiffée de la peau de lion.
r/ Jupiter aétophore assis sur un sièp^e, tenant l'aigle
sur la main droite et s'appuyant de la gauche
sur un long sceptre.
AAESANAPOÏ
. Drachme * attique d'Alexandre le Grand.
a/ Tête d'Hercule coiffée de la peau de lion.
r/ Jupiter aétophore assis sur un siège sans dossier
tenant l'aigle sur la main droite et s'appuyant
de la gauche sur un long sceptre.
*Cfr. 2 Mac, XII, 43. Luc, XV, 8,9.
AAESANAPOÏ
Revenons à la communauté juive que nous avons quittée en
proie à l'hostilité de ses voisins (cfr. supra p. 168).
Les travaux de restauration avaient été suspendus après peu
de temps et le restèrent à la fin du règne de Cyrus. L'agi-
tation sourde qui s'était manifestée durant les années de son
successeur Cambyse II et l'usurpation du faux Bardiya
n'offraient pas les conditions de sécurité voulue pour les
reprendre. L'avènement de Darius et la manière dont il enten-
dait réprimer les révoltes de ses sujets rendirent courage aux
Juifs. De plus deux prophètes, Aggée et Zacharie, se levèrent
La
Restaura-
tion
juive.
i86
DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLONE
la seconde année de Darius pour ranimer le zèle de leurs
compatriotes.
Le premier donne clairement à entendre que, s'ils avaient inter-
rompu le relèvement du temple, ils s'étaient évertués d'autant
plus à restaurer leurs propres demeures, et aux murs lézardés
avaient succédé des maisons lambrissées (I, 4). Il est probable
qu'il n'est fait allusion ici qu'à la demeure de l'un ou l'autre des
dignitaires de la communauté, mais chacun avait soigné ses
propres intérêts matériels, tandis que la maison de Jahvé était
en ruines. C'est pour ce motif que Dieu a manifesté son mécon-
tentement en laissant le peuple aux prises avec la pénurie et la
misère. Si les récoltes n'ont pas donné ce qu'on attendait,
c'est que Jahvé n'a pu bénir les efforts de ceux qui souillaient
leurs sacrifices mêmes par leur esprit de préoccupations exclu-
sivement matérielles. (Aggée, I, 5-ii, II, 10-19.)
Zorobabel
et
Jéhos-
choua.
Émus par ces considérants, Zorobabel et le grand prêtre
Jéhoschoua engagèrent le peuple à faire diligence. On ras-
sembla aussitôt les matériaux et vingt-quatre jours après le
premier discours d'Aggée, le 24 du sixième mois en la
deuxième année de Darius (5ig), les travaux furent repris et
poussés avec vigueur (I, i2-i5). Cette activité inquiéta Tha-
thanaï, gouverneur perse de la Cis -Jordane, probablement
averti par ceux, qui, une première fois, avaient réussi à entraver
la reconstruction. Il demanda aux Juifs de quel droit ils s'auto-
risaient; ils répondirent en alléguant l'édit de la première
année de Cyrus permettant de « rebâtir la maison de Dieu ».
Rapport fut fait à Darius de tout ce qui se passait, avec
demande de rechercher le décret mentionné et de signifier ulté-
rieurement sa volonté. Entretemps les Juifs continuaient de
bâtir. La réponse de Darius non seulement confirma la décision
prise par Cyrus, enjoignant de laisser s'achever en toute sécu-
rité l'entreprise commencée, mais le monarque ordonna en outre
qu'on prélevât sur les impôts perçus en Cis-Jordane de quoi
couvrir les frais de la reconstruction et de quoi offrir quotidien-
nement les sacrifices requis. L'ordre fut muni d'une sanction
sévère : la pendaison et la dilapidation de ses biens menaçaient
quiconque transgresserait ces injonctions.
JUSQU'A l'Époque helléxioue. 187
Dans ces conditions l'œuvre s'acheva rapidement. Le 3 du
mois d'Adar de la sixième année de Darius, en l'an 5i5, la
dédicace se fit par de nombreux sacrifices et l'on assigna aux
prêtres et aux lévites leurs fonctions respectives, selon les
classes auxquelles ils appartenaient. Peu de temps après, le
14 Nisan, le peuple put immoler la Pàque et célébrer les sept
jours des azymes. (Esdras, V, VI.) Le culte était rétabli, mais
la communauté juive nouvelle devait rencontrer encore des
difficultés et s'épurer dans ses propres éléments avant d'être
complètement réorganisée (i).
Au commencement du règne de Xerxès I (485-465) on essaya
de relever les murs de Jérusalem ; l'entreprise fut dénoncée au
monarque perse. (Esdr., IV, 6.) Nouvelle tentative sous le
règne suivant, celui d'Artaxerxès I (465-424). Cette fois les
guerres qui troublèrent la paix de l'empire empêchèrent les
officiers perses de Palestine de s'opposer efficacement à la
reconstruction de l'enceinte ; ils durent attendre probablement
le moment où Artaxerxès I triompha des Egyptiens et des
Athéniens (449) pour faire intimer aux Juifs l'ordre d'arrêter
leurs travaux.
Dans une missive adressée au monarque, Réhoum le gouver-
neur et Schimschaï son secrétaire rappelaient les fréquentes
révoltes du royaume hébreu et faisaient remarquer que si Jéru-
salem était de nouveau fortifiée, atteinte serait infailliblement
portée à l'autorité perse de ce côté du fleuve. Artaxerxès enjoi-
gnit la cessation immédiate. Il fallut user de force et de violence
pour exécuter l'ordre royal ; ce qui avait été fait fut détruit ou
retomba bientôt en ruines. (Esdr., IV, 6-23. Néh., II, 11-17.)
Zorobabel avait disparu de la scène sous le règne de Darius
et rien n'indique qu'il ait été remplacé dans une mission qui
semble lui avoir été dévolue à titre personnel; les satrapes de
Syrie étaient d'ailleurs là pour surveiller les menées politiques
des Juifs.
(i) La restauration du temple est racontée dans Esdras, III, IV, i-5, 24;
V et VI. IV, 6-23, où il s'agit du relèvement des murs de la ville, doit venir-
après VI. Cfr. Vax Hoonackek, Les douze petits prophètes, p. 544-
DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLONE
Les grands
prêtres
Joïakitn et
Eliashib.
Dans l'ordre civil et religieux ceux-ci furent administrés par
leurs grands-prêtres : Jéhoschoua et, après lui, son filsjoïakim
et le fils de celui-ci : Eliashîb. (Néh., XII, lo.) La dignité ponti-
ficale en fut rehaussée d'autant. Mais l'état intérieur de la
communauté laissa beaucoup à désirer. C'est ce qui ressort des
écrits du prophète Malachie (i) et du livre de Néhémie. L'un
et l'autre constatent la même situation : existence dure faite au
peuple par le péha ou satrape (Néh., V, i5) ; — Ce n'est pas à
lui qu'on présenterait une bête malade, mais on ne se gêne pas
pour l'offrir au Seigneur. (Mal., I, 8, 14) — ; exploitation des
petits par les grands (Néh.V, i-g), d'où murmures contre Jahvé,
qu'il est inutile de servir, puisque l'impie en faisant le mal n'en
prospère pas moins! (Mal., III, 14, i5.) Aussi ne se fait- on pas
faute de frauder sur la dîme et sur la part à prélever pour le
temple. (Mal., III, 8, 9; Néh., X, 32-38.)
Ces misères morales devaient être en partie provoquées par
les mariages mixtes. (Mal., II, 11, 12. Néh., X, 3o.) Pour les
filles étrangères on allait jusqu'à répudier l'épouse de sa
jeunesse. (Mal., II, i3-i6.) Les prêtres eux-mêmes méprisaient
leur fonction et déshonoraient Jahvé en offrant leurs sacrifices
dans de mauvaises dispositions et en acceptant des victimes
tarées. (Mal., I, 7, 8, 12, i3.) Bien plus, ils avaient perdu un
grand nombre de ceux qu'ils auraient dû maintenir dans le droit
chemin. Eux, dont les lèvres étaient dépositaires de la sagesse,
et de la bouche desquels on demandait l'enseignement sur la
voie à suivre, parce qu'ils étaient les envoyés de Jahvé, ils
s'étaient écartés de la voie, avaient fait trébucher les autres
contre la loi, perverti l'alliance de Lévi avec Jahvé et avaient eu
égard aux personnes dans l'application de la loi. (Mal., II, 7-9.)
Au milieu de l'hostilité de ses voisins, la communauté juive
étalait donc à côté de la misère matérielle, qui accablait le petit
peuple, les tares morales qui avaient atteint toutes les classes :
riches et pauvres, prêtres et laïcs.
Parmi ceux qui étaient restés dans la terre de déportation,
il y en avait qui étaient parvenus à de hautes situations
(i) M. Van Hoonacker place le ministère de Malachie entre 45o et 445|
avant la première venue de Néhémie. Les raisons qu'il aiiporte nous sem-
blent péreniptoires. Cfr. Les douze petits prophètes, pp. 697-G99.
JUSQU'A L ÉPOQUE HELLÉNIQUE. 189
SOUS le régime perse. De ce nombre était Néhémie, fils
de Hacalias, échanson d'Artaxerxès I à la cour de Suse.
(Néh., I, I, 2, II.) Les rapports entre les rapatriés et les frères Néhémie.
de la Mésopotamie n'avaient pas cessé, et c'est ainsi que nous
voyons un certain Hanani accompagné de quelques-uns de ses
compatriotes, aller trouver, au mois de Kislev de la vingtième
année d'Artaxerxès I en 445. Néhémie à Suse. Ils venaient lui
faire part de l'état lamentable de la ville et des dispositions
tout aussi regrettables des esprits. L'échanson en fut profon-
dément affligé. (Néh., I.) Trois mois après, au mois de Nisan,
Artaxerxès, remarquant ses préoccupations, lui en demanda le
motif; Néhémie saisit l'occasion pour implorer du roi la faculté
d'aller rebâtir sa ville natale. Non seulement il l'obtint, mais
il fut nommé péha de la communauté juive (V, 14); et, muni de
missives royales pour les officiers perses de Palestine, il partit
accompagné d'une escorte militaire. (II, 1-8.)
Son arrivée irrita particulièrement certains individus qui
entendaient empêcher toute amélioration politique de la situa-
tion faite aux Juifs. C'étaient d'abord un originaire de Beth-
Horon, Sanaballat et son serviteur, un Ammonite, du nom
de Tobie; tout aussi peu sympathique se déclarait l'Arabe
Géschem (i).
Néhémie ne perdit pas son temps. Après trois jours d'ar-
rivée, il alla de nuit inspecter l'état des murs, après quoi il
communiqua aux prêtres et aux chefs du peuple le but de sa
venue et les pouvoirs qui lui avaient été octroyés. (II, 9-20.)
On se mit aussitôt à réparer l'enceinte. Le travail fut systé-
matiquement réparti sur toute la longueur de la muraille ;
brèches, tours et portes furent à la fois bouchées, réparées et
(i) Malachie. I, 2-5, parle d'une dévastation de la terre d'Edom dont le
souvenir devait être encore assez récent pour être allégué en l'occurrence.
La présence de l'Arabe Géschem pourrait bien être liée à uue invasion
arabe eu territoire édomite. Diodore de Sicile constate la présence en 3i2
des Arabes Nabatéens à Pétra. [Bibl. Histor., 1. XIX, ch. 94 et gS.) Ils
devaient donc y être dejjuis un certain temps, car l'historien décrit leurs
mœurs.
C'est à l'occupation du territoire d'Edom par ses alliés d'autrefois qu'est
consacrée la petite prophétie d'Abdias composée aux environs de 5oo.
(Clr. Vax HooNACKKR, Les douze petits prophètes, pp. :>85-3ii.)
IQO DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
remises à neuf. De toutes les localités repeuplées il vint une
escouade de travailleurs; nulle classe qui crut pouvoir s'en
désintéresser : prêtres, femmes, marchands, artisans de toutes
corporations, tels qu'orfèvres et parfumeurs, s'y mirent avec le
même entrain (TII).
La fureur de leurs ennemis ne sut se dissimuler. Ils
essayèrent d'abord d'intimider les travailleurs par leurs moque-
ries (IV, 1-5), mais quand ils virent que l'ouvrage avançait et
que sur tout son pourtour l'enceinte était déjà réparée jusqu'à
moitié de sa hauteur, ils résolurent d'user de violences.
Sur l'instigation de Sanaballat et de Tobie, les Arabes, les
Ammonites et les Azotiens se liguèrent pour venir attaquer les
rebâtisseurs. Avertis par leurs compatriotes, ils se mirent
en garde. Néhémie plaça aux endroits les plus découverts des
groupes armés qui devaient défendre et protéger les travail-
leurs, munis d'armes eux aussi, et la nuit les équipes restaient
toutes dans la ville même pour repousser une attaque éven-
tuelle. (IV, 6-23). Voyant leurs plans déroutés, Sanaballat, Tobie
et Géschem essayèrent d'attirer Néhémie dans un guet-apens.
A quatre reprises ils lui demandèrent une entrevue dans la
vallée d'Ono (E.-S.-E. de Jafîa). Comme Néhémie s'y refusait
toujours, Sanaballat espérant l'effrayer lui écrivit que le bruit
se répandait que cette reconstruction du mur avait pour but de
rendre Jérusalem indépendante; en conséquence il l'invitait à
venir se concerter avec lui. Néhémie lui fit dire qu'il n'était pas
dupe de ses ruses. La tentative d'intimidation lui vint alors de
ceux-là mêmes qui l'entouraient. Un certain Sémeïas lui
conseilla de s'enfermer dans le temple, prétextant qu'on avait
comploté sa mort; même des pseudo-prophètes, parmi lesquels
un certain Noadias, cherchèrent à Teffrayer. Le gouverneur
comprit que ces êtres veules étaient tous soudoyés par Sana-
ballat et Tobie. Grâce à sa clairvoyance et à son intrépidité, la
reconstruction de l'enceinte fut achevée le 25 Elul, après
cinquante-deux jours de travail. {VI, i-i5.)
Un premier élément de sécurité était donc garanti. Mais
Néhémie avait à se prémunir contre un parti d'opposition dans
la communauté juive elle-même. Déjà nous avons rencontré de
soi-disant prophètes qui essayaient de l'apeurer. Mais ce qui
jusqu'à l'épooue hellénique. 191
explique les sympathies que rencontrait Tobie, c'est que des
alliances matrimoniales unissaient sa i'amille à des grands
de Juda. (VI, 17, 18.) Il était même parent du grand-prêtre
Eliashib. (XI1I,4.) En outre, Néhémie avait sévèrement flétri
la conduite des riches et des magistrats qui, par leurs prêts
usuriers consentis aux pauvres, avaient fini par accaparer les
champs, les vignes et les maisons de ceux-ci, les réduisant
ainsi à la misère. Il avait forcé ces exploiteurs à rendre tous
ces biens et même le centième de l'intérêt en nature et en
argent qu'ils avaient prélevé, (V, i-i3.)
Il jugea donc nécessaire de se prémunir contre toute surprise
et chargea le clergé inférieur de garder les portes sous l'auto-
rité de son frère Hanani et d'Anania, le commandant de la cita-
delle; de plus, ceux des habitants dont les maisons étaient dans
le voisinage des remparts eurent à les surveiller la nuit.
(VII, 1-3.)
L'enceinte était construite, mais la ville était peu habitée et
beaucoup de maisons restaient en ruines. L'Ecclésiastique
(XLIX, i5; T. M., : i3) loue Néhémie d'avoir également bâti
les maisons et nous dirons bientôt comment il s'y prit pour
repeupler Jérusalem. Il examina les registres généalogiques de
ceux qui étaient revenus sous Sheshbassar (i), ce qui fit
constater que 642 individus ne purent prouver leur origine
Israélite. Trois familles qui se prétendaient sacerdotales et dont
l'une était issue du mariage avec la fille d'un Galaadite, Ber-
zellaï, ne parvinrent pas à établir leur descendance sacrée et
furent exclues du sacerdoce. (VII, 6-65.) Il s'agissait mainte-
nant de procéder à l'épuration morale du peuple et au réta-
blissement intégral du culte.
Le premier du mois de Tisri (septième mois de l'année), qui
était un jour de fête (Lév., XXIII, 24. Num., XXIX, 1-6), le
peuple s'assembla sur la place qui s'étend devant la porte des
eaux (2).
(I) Le document reproduit Xeh., VII, 7-G5 est le même que celui donné
Esdras, II, i-63. Les noms propres et les chiffres de ces deux listes pré-
sentent des variantes aitribuables à des erreurs de copistes.
(a) Porte à l'Est de la ville donnant sur le Gihon (aujourd'hui 'Ain Sitty
Mariam, au Sud-Est de l'esplanade du temple.
192 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
Un prêtre et scribe du nom d'Esdras, qui devait, quelques
années après, occuper une situation prépondérante dans la
nation, monta sur une estrade et lut toute la matinée la loi de
Jahvé (probablement le Deutéronome) ; lui-même, le gouver-
neur et des lévites en expliquaient le sens au peuple. A cette
lecture, qui devait leur rappeler bien des transgressions, des
auditeurs se mirent à pleurer. Néhémie, jugeant que les
réformes qu'il voulait introduire seraient mieux acceptées dans
la joie que dans les larmes, dit au peuple de s'adonner à des
réjouissances. Le lendemain, les chefs de famille, les prêtres
et les lévites demandèrent à Esdras une instruction plus appro-
fondie de la loi. Ils apprirent ainsi que ce même mois devait
se célébrer la fête des tabernacles. Ils se mirent aussitôt en
demeure de la réinstaurer, et chacun des sept jours que com-
porte sa célébration on lut le livre de la loi ; on clôtura la fête
le huitième jour par une assemblée solennelle. (VIII.)
Le peuple ainsi préparé et instruit de ses obligations,
Néhémie, le vingt-quatrième jour du même mois, décida la
rénovation de l'alliance d'Israël avec Jahvé. Ce fut un jour
de jeûne et d'expiation ; une fois de plus la loi fut lue et les
fautes de la nation entière confessées. Dans une touchante
adresse à Jahvé les lévites énumérèrent les bienfaits dont II
n'avait cessé de combler la race élue ; sourde malgré cela aux
objurgations divines, elle s'était détournée de Lui, avait tué
ses prophètes et s'était livrée aux pires transgressions ; Jahvé
alors l'avait punie et à l'heure présente, la terre qu'elle habi-
tait produisait encore ses fruits pour les rois auxquels elle
était assujettie. Tout cela n'était que justice. Maintenant tous
prenaient un engagement sacré, qui fut mis par écrit, d'observer
les ordonnances divines. (IX.) Le gouverneur, un certain nom-
bre de prêtres, de lévites et de chefs du peuple y apposèrent
leur sceau et le reste de la nation confirma par serment
ses intentions de mettre en pratique toutes les ordonnances de
Jahvé. (X, 1-29.) Pour la réforme des mœurs on s'engagea tout
spécialement à ne pas contracter d'alliances étrangères (i), à
(i) Jusqu'alors étaient défendus uuitiuement les mariages entre Juifs et
Cananéens. (Deut., VII, i ss.) Les autres unions étrangères étaient même
jusqu'à l'époque helléxique. igS
observer rigoureusement le sabbat et les fêtes, en particulier
par l'abstention de tout trafic ces jours-là, enfin à permettre
aux moins riches de refaire plus facilement leur situation, en
n'exigeant le paiement d'aucune dette chaque septième année.
(X, 3o, 3i.)
Pour relever le culte et pour assurer le service du temple,
d'autres engagements furent, contractés : chacun paierait
annuellement un tiers de sicle (i) pour les sacrifices officiels;
on tira au sort pour se partager par familles la charge de
fournir chaque année le bois nécessaire aux holocaustes ;
désormais on apporterait régulièrement au temple les prémices
de tous les produits de la terre ainsi que les premiers-nés
tant de l'homme que des animaux; en plus chacun prélèvera
la dîme sur ses revenus en nature, en faveur des lévites qui
eux-mêmes en céderont un dixième au temple. (X, 32-3g.)
Les chantres et les portiers du temple eurent leur part égale-
ment assurée et il fut préposé des fonctionnaires spéciaux au
prélèvement des prémices et des dîmes prescrites. Dîmes
et offrandes destinées au culte étaient conservées dans des
magasins faisant partie de la construction même du temple.
(XII, 43-46.)
Déjà quelque temps auparavant des générosités individuelles
avaient fourni un fonds permettant à la liturgie de se déplo3'er
avec une certaine splendeur, (VII, 70-73.) Les contributions
annuelles aidant à l'entretien du culte, celui-ci était désormais
assuré.
Une dernière préoccupation était celle de repeupler la métro-
pole. Il fut décidé que de ceux qui habitaient la province un sur
dix viendrait s'établir à Jérusalem et on procéda par la voie du
sort à leur désignation. Il y en eut d'autres qui s'y ajoutèrent
librement, particulièrement des chefs, des prêtres et des lévites.
expressément permises (Deut., XXI, 10), excepté au grand prêtre. (Lév.,
XXI. i4-) Désormais la prohibition est étendue à tous les étrangers. Xous
verrous qu'elle eut do la peine à se faire respecter.
(i) On avait à ce moment le système monétaire babylonien dans lequel
1/3 de sicle équivaut à 1/2 sicle du système phénicien (Ex., XXX, i3),
pesant l'un et l'autre 7,270 grammes : à peu près fr. i.5o de notre monnaie.
Mais, eu tenant comj)te de la valeur relative de la monnaie, on pourrait
estimer à G francs la taxe que chacun devait payer au temple.
i3
194 DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
Tout le territoire au Sud jusqu'à Bersabée et au Nord jusqu'à
la vallée d'Ono fut occupé par le reste du peuple. (XI.)
Toutes ces dispositions prises, on célébra solennellement la
dédicace des murs de la ville sainte, A cet effet furent con-
voqués les lévites de tous les endroits du pays et les chantres
des environs de Jérusalem; il en fut formé deux groupes qui,
précédé chacun d'un chœur chantant au son des instruments de
musique des hymnes à Jahvé, parcoururent les remparts (i)
en sens inverse pour se rencontrer au temple. Hoschaja occupa
la place d'honneur dans le premier groupe, Néhémie dans le
second ; Esdras le scribe était à la tête du premier chœur»
Ce fut une dernière réjouissance publique qui couronna la
restauration de la ville. (XII, 27-42.)
X^'éhémie resta douze ans à Jérusalem. (V, 14; XIII, 6.) A
rencontre des gouverneurs, ses prédécesseurs, il ne voulut
rien accepter du peuple pour son entretien estimant que les
travaux de reconstruction grevaient assez les habitants ; bien
plus, il tint quotidiennement table ouverte pour plus de cent
cinquante personnes. (¥,14-18.)
Aussi longtemps que Néhémie demeura à Jérusalem la com-
munauté vécut conformément aux règles de conduite qui lui
avaient été tracées. Son congé expiré, il retourna auprès d'Arta-
xerxès I pour quelques années. Il obtint alors à nouveau de
pouvoir revenir dans sa patrie et il constata à son retour qu'il
n'avait pas fallu longtemps pour qu'un relâchement grave
s'introduisît.
Le grand-prêtre Eliashib avait poussé la tolérance jusqu'à
(i) On ne s'étonnera pas de voir une procession se dérouler sur les murs^
mêmes d'une ville, si l'on veut bien se souvenir de l'épaisseur des murs de
Khorsabad (24 mètres) et de ceux de Babylone (26 mètres, d'après Héro
dote). Cfr. Perrot et Chipiez, t. II, pp. 478-479-
Ceux de .Jérusalem n'ont certes pas eu pareilles dimensions, mais il ne
fallait guère plus de trois ou quatre mètres pour que la procession put s'y
déployer.
De nos jours la chose ne serait plus possible ; mais on peut encore par-
courir à pied les remparts de Jérusalem sur une bonne longueur. A Akka
ou Saint-.Tean-d'Acre nous nous sommes promenés, trois de front, sur les
murs, en compagnie d'un officier turc, quittes à enjamber i^ar endroits
l'espace entre les créneaux.
JUSQU A L ÉPOQUE HELLÉNIQUE. Ig5
faire aménager clans les chambres du temple un appartement
pour Tobie, l'ennemi juré de la restauration, auquel l'unis-
saient des liens de parenté. Dans son indignation Xéhémie jeta
dehors tout ce qui appartenait a l'Ammonite et réaffecta l'appar-
tement à sa destination primitive.
Bientôt aussi on avait cessé de prélever sur les récoltes la
part des lévites; un certain nombre d'entre eux, ainsi (|ue des
chantres, avaient préféré regagner leurs terres plutôt que
d'exécuter le service dont ils étaient chargés. Tant les particu-
liers que les ministres du culte furent rappelés à leurs devoirs,
et une commission de deux prêtres et de deux lévites fut insti-
tuée pour l'administration des biens et des revenus du temple.
Un autre abus, trop fréquent, était la transgression du sabbat
commise de toutes manières. Néhémie réprimanda énergique-
ment les délinquants et prit des mesures sévères pour enrayer
les occasions de profanation. On n'avait pas davantage tenu
compte de l'engagement de ne pas épouser des femmes
étrangères. Outre des Ammonites et des Moabites on était
allé prendre des Azotiennes, Il en résulta que les enfants
issus de ces unions ne parlaient plus que l'azotien et ne con-
naissaient pas le judéen (i). Le gouverneur alla jusqu'à
maudire et frapper les coupables et il chassa un des petits-fils
du grand-prêtre Eliashib, devenu le gendre de Sannaballat le
Horonite. (Xéh., XIII.)
Ce dernier fait est rapporté par Flave Josèphe, mais dans
d'autres circonstances et à une autre époque.
Voici le récit de l'historien juif : A la mort de Jochanan,
petit-fils d'Eliashib, son successeur dans le souverain ponti-
ficat fut son fils Jaddus ou Jedda. {X^éh., XII, 22.) Après
l'avènement de Darius III Codoman en 335, un certain Sana-
ballat, originaire de Kutha, fut envoyé comme satrape en
Samarie. Croyant se concilier la bienveillance des Juifs, il donna
sa fille en mariage à Manassé, frère du grand-prêtre Jaddus.
Mais les principaux citoyens de Jérusalem ainsi que Jaddus
f I) La différence de l'azotieu d'avec l'hébreu (qui à ce moment commen-
çait déjà probablement à s'aramaïser) devait être plus vocalique que con-
sonantique ; mais c'est surtout la diversité des voyelles, plutôt que celle
des consonnes, qui frappe l'oreille.
igÔ DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLONE
lui-même notifièrent à Manassé qu'il avait à divorcer avec sa
femme ou à renoncer aux fonctions sacerdotales. Comme il
tenait à celles-ci et aux honneurs qu'elles comportaient, il alla
trouver son beau-père et lui expliqua sa perplexité : il aimait
Nicaso,mais il n'entendait pas lui sacrifier les prérogatives de sa
famille. Sanaballat eut aisément raison de ses scrupules. Il lui
assura, non pas seulement l'exercice du sacerdoce, mais lui en
promit la dignité suprême ; pour cela on bâtirait au Garizim un
temple rival de celui de Jérusalem et le satrape se faisait fort
d'obtenir à cet effet unfirman ro3-al. Ainsi fut fait et la fortune du
sacerdoce schismatique fut assurée par là que plusieurs prêtres
et Israélites se trouvant dans le même cas que Manassé, lui
constituèrent du coup un collège sacerdotal subalterne et
allèrent habiter la Samarie. {Ani., l.XI,ch.. y ,^ 2;ch. 8, §2.) (i).
Il est impossible de voir deux événements difterents dans
le récit de Néhémie et celui de Flave Josèphe. Mais ce dernier
(i) Rappelous brièvement de quels élémeuts la Sainarie s'était peu à
peu constituée. Le deuxième livre des rois, XVII, 24, uous apprend que
Sargon transporta dans les villes de Samarie des prisonniers de guerre
de Babylone, de Kutha, d'Avab, d'Eniath, de Sepliarvaïm. En 715, il y
transplanta en plus un grouiie de captifs arabes des tribus de Tamud, des
Ibadidi, des Marsimani et des Hayapa (inscription de Korsabad). Sous
Assaraddon III (681-669) il y vint encoi*e des captifs de la Babylouie, de
FElam et de la Perse. (Esd., IV, 2, 9.) Le passage de .Térémie, XLÎ, 5, nous
prouve d'autre part qu'il était resté dans le pays bon nombre de fugitifs
israëlites. Sur la demande des étx-angers, il leur fut envo>é, d'entre les
déportés de 722 un prêtre juif pour les instruire dans le culte de Jalivé.
Mais à côté de celui-ci, ils conservèrent les leurs ; de ce mélange de rites
il résulta nécessairement un syncrétisme religieux aussà varié dans ses
éléments que l'était dans ses composants le peuple appelé Samaritain,
parce qu'il liabitait les collines de Samai'ie. L'Ecclésiastique, L, 27, 28,
cai'actérise très bien cet amalgame, auquel s'ajoutèrent plus tard encoi*e
des colons grecs, romains et syriens : « Ce n'est pas un peuple, la nation
insensée qui habite Sichem ».
Lors de la restauration nous avons vu les Samaritains éconduits par les
Juifs ; le ressentiment d'alors se renforça quand le Garizim eut sou
temple i)ropre, et la Samaritaine exprimait bien l'attitude de son
peuple vis-à-vis des Juifs, quand elle disait au divin Maitre : « Comment
l^eux-tu me demander à boire, toi Juif, à moi Samaritaine'?! Comme si
quelque rapport pouvait se concevoir entre les deux ! » .Toa., IV, 9
De nos jours il reste, en fait <le Samaritains, un groupe de cent cinquante
hommes à ]>eu près, qui s'est maintenu à Naplouse et sacrifie toujours
sur le Garizim.
jusqu'à l'époque helléxiot-e. 197
contient des anachronismes; la preuve nous en est fournie
par un des papyrus araméens d'Eléphantine : des Juifs de l'île
s'adressent à Bagohi (le Bagosès de Flave Josèphe; voir plus
loin) disant qu'ils ont exposé leur situation au grand-prêtre
Jochanan et à deux fils de Sanaballat, péha de Samarie; leur
lettre est datée de l'an 17 de Darius Ochos, c'est-à-dire de
408-407. Nous retrouvons donc le synchronisme complet de
Bagohi, Jochanan et les fils de Sanaballat, génération suivant
celle où étaient en scène Néhémie, Eliashib et Sanaballat.
Josèphe doit probablement les erreurs de synchronisme qu'il
commet à un apocryphe juif qui traitait de l'origine du temple
au Garizim (i). Le fait que plusieurs prêtres se trouvaient
dans le même cas que Manassé, comme nous l'apprend Flave
Josèphe, nous reporte à la même situation que celle de Néhé-
mie, XVIII, 29, et d'Esdras quelque temps après. (X, 18-24.)
Après l'épuration faite par ce dernier la chose ne serait guère
admissible.
C'est après ce dernier geste énergique que Néhémie disparait
de l'histoire de la restauration juive. Le zèle qu'il déploya avait
largement justifié l'humble et confiante prière que fréquemment,
au cours de ses mémoires, il adresse à Dieu « de se souvenir
favorablement de lui, à cause de tout ce qu'il a fait pour ce
peuple, pour la maison de Dieu et pour son service ». (Entre
autres passages V, 19, XIII, 14.) La mission réformatrice qu'il
avait remplie avec tant de courage et de désintéressement
devait être reprise par le prêtre et scribe, si illustre dans la
tradition juive, par Esdras.
Nous l'avons vu déjà occuper un rôle secondaire lors de la Esdras.
grande assemblée sous Néhémie. Il était retourné plus tard à
Babylone, mais il en revint av^ec pleins pouvoirs la septième
année d'Artaxerxès II, en 398/397. Les lettres royales dont il
était porteur l'investissaient d'encore beaucoup plus de préro-
gatives et imposaient aux officiers perses de la Cisjordane
encore d'autres égards vis à vis de la communauté juive que
ne mentionnaient les instructions envoyées jadis par Darius
(i) Cfr. La(;raX(;e, Les nouveaux papyrus d'Eléphantine, Rev. Bibl., T908,
pp. 826 ss.
igS DEPUIS LA DÉPORTATION DE BABYLOXE
à Thathanaï. Outre les présents qu'av^aient offerts pour le
culte Artaxerxès et les grands de sa cour, les administrateurs
des revenus royaux en Palestine eurent à verser jusqu'à
cent talents d'argent à Esdras, sans préjudice des donations
à faire en nature. Tous ceux qui remplissaient quelque
fonction au temple furent exemptés de tout impôt, et Esdras
fu chargé d'établir une organisation administrative et judi-
ciaire en conformité avec les lois juives. La transgression de
celles-ci comportait toutes les sanctions pénales en usage.
(Esdr., VII.)
Esdras ramena avec lui un groupe de 1496 hommes,
38 lévites et 220 serviteurs du temple : la caravane mit près
de cinq mois à faire le voyage de Babylone à Jérusalem (VII,
8,-VIII, 3i). Aussitôt arrivé, Esdras apprit avec douleur que
l'ordonnance concernant les alliances étrangères avait encore
été violée, tant par les prêtres, lévites et chefs du peuple,
que par le commun de la plèbe. Il adressa à Dieu, dans le
jeiine, une prière de pardon (IX); puis il donna l'ordre, sous
peine de confiscation des biens et d'exclusion de la commu-
nauté juive, qu'endéans les trois jours tous les habitants de
Juda eussent à se trouver à Jérusalem. Le 20 du neuvième
mois (au commencement de décembre) ils étaient là, malgré
qu'on fût en pleine période de pluies (l). Esdras rit confesser
sa faute à Israël et ordonna le renvoi des femmes étrangères.
L'assemblée acquiesça, mais demanda que les chefs se réunis-
sent et délibérassent à l'aise pour examiner le cas de chacun
des compromis. Ils siégèrent trois mois durant, à partir du
i'^'" du dixième mois, et les étrangères furent congédiées.
(Esdr., X.)
Esdras, lui aussi, disparaît de la scène sans que nous a3ons
des détails sur la fin de sa carrière. Il avait la réputation d'être
profondément « versé dans la loi du Dieu du ciel ». (VII, 12)
Aussi la tradition rabbinique lui attribue-t-elle quantité d'insti-
tutions et de décisions qui plus tard eurent force de loi.
(i) La saison des pluies en Palestine va de la mi novembre jusqu'à
la mi-avril Non pas qu'il pleuve tout ce temps, mais c'est seulement pen-
dant ces mois-là qu'il tombe de l'eau. Ces pluies sont souvent torrentielles
et durent parfois des jours sans interruption.
jusqu'à l'épooue hellénique. igg
Quelque temps après ces événements rapportés dans les
livres bibliques, il se passa un incident qui eut des consé-
quences fâcheuses et dont l'historien Flave Josèphe nous a
conservé le souvenir.
Le grand-prètre Jochanan en fonction du temps d'Esdras
(X, 6) avait un frère du nom de Je<;houa, qui briguait le souve-
rain pontificat, et était en relation d'amitié avec Bagosès, le
général et gouverneur militaire en Syrie d'Artaxerxès II,
comme il l'avait été sous son père Darius II Ochos. Le général
promit à Jeshoua de l'aider à réaliser ses espérances. L'in-
trigue parvint-elle aux oreilles du pontife en fonction? Tou-
jours est-il qu'un jour qu'il sacrifiait au temple il se prit de
querelle avec son frère et le tua. Apprenant le fratricide avec
toutes ces circonstances, Bagosès vint à Jérusalem et, comme il
voulait entrer au temple, les Juifs l'en empêchèrent. « Croyez-
vous », leur lança-t-il, «que je ne sois pas plus pur que celui qui
a commis un meurtre dans le temple? » et il entra. Pendant sept
ans il accabla les Juifs de toutes les tracasseries que sa fonc-
tion lui permettait de leur infliger ; et entre autres il leur imposa
de payer une taxe de cinquante drachmes pour chacun des deux
agneaux qui constituaient journellement l'offrande crématoire
du matin et du soir {Attt., 1. XI, ch. 7, § i).
On aura remarqué que l'ordre chronologique que nous avons
adopté dans notre exposé ne correspond pas à celui de la
succession des chapitres dans les livres actuels d'Esdras et de
et de Néhémie. En effet, nous avons agencé les faits dans
l'ordre suivant : Esdr., I-IV, 5; IV, 24-VI ; IV, 6-23; le livre
de Néhémie; Esdras, VII-X.
Cette chronologie Xéhémie-Esdras a été établie dans ses
grands traits de façon péremptoire, à notre avis, par AI. Van
Hoonacker. Le savant exégète l'a justifiée maintes fois (i).
(Il Néhémie et Esdras, Louvaiu, Istas, 1890. Zorobabel et le second temple,
Gand, Engelcke. 1892. Xouuelles études sur la restauration juive après l'exil
de Habylone, Paris et Louvaiu, 1896. Néhémie en l'an 20 d'Artaxerxès I,
Esdras en l'an - d'Artaxerxès II, Gaud, Engelcke et Leipzig, 1892. Notes
sur l'histoire de la restauration juioe après l'exil de Babylone, Rev. BibL,
1901, pp. 5-26; 175-199. Les douze petits prophètes. Introduction et commen-
taire dAggée et de Malaebie. Nous nous sommes servis surtout des trois
dernières éludes.
200 DEPUIS LA DEPORTATION DE BABYLONE
Nous pouvons nous contenter ici d'indiquer quelques preuves :
1° Quand Néhémie demande, en 446, à Artaxerxès I de
pouvoir partir pour rebâtir Jérusalem, ni l'un ni l'autre ne
savent qu'en ce moment Esdras serait là pour administrer les
affaires juives,. et la rage des étrangers, en vo3'ant arriver dans
la ville sainte un homme qui ce allait prendre à cœur le bien des
enfants d'Israël » (Néh., II, 10), montre suffisamment que
jusqu'alors ils exerçaient une hégémonie indiscutée ;
2° Néhémie parlant des gouverneurs, ses prédécesseurs, dit
que c'étaient des exacteurs. Comment aurait-il pu parler ainsi
si Esdras l'avait précédé ?
3° Alors que Néhémie rencontre une forte opposition des
éléments étrangers et tout spécialement de Tobie et de Sana-
ballat, il n'en est plus question sous Esdras. Pendant la mission
de ce dernier les Juifs sont seuls maîtres chez eux ;
4° La succession des grands-prêtres nous fournit une nou-
velle preuve : Néh., XII, 22 ; ils sont énumérés dans cet ordre :
Eliashib, Joïada, Jochanan, Jedda. Lors des deux missions de
Néhémie, c'est Eliashib qui est pontife; lors de celle d'Esdras,
c'est Jochanan (Esdr., X, 6) ;
5° Plusieurs passages bibliques donnent clairement l'ordre
des successions Néhémie-Esdras ou ne s'expliquent pas autre-
ment :
a) Eccli., XLIX, ii-i3, où sont loués les grands hommes de
la restauration, il n'est parlé que de Zorobabel, Jeschoua et
Néhémie. Comment aurait-on pu omettre Esdras et sa mission
VII-X,si celle-ci avait eu lieu avant celle de Néhémie?
[3) Néhémie, XII, 26, parlant d'un groupe de prêtres et de
lévites, dit : Ils vivaient au temps de Joiaqim (le père
d'Eliashib) et au temps de Néhémie le péha; et d'Esdras le
prêtre-scribe ;
y) Néhémie, XII, 46, fait également suivre immédiatement
le temps de Zorobabel par celui de Néhémie.
CINQUIÈME PÉRIODE
OU
PÉRIODE HELLÉNIQUE
Depuis la conquête d'Alexandre
jusqu'à la prise de Jérusalem
par Pompée en 63
CINQUIEME PÉRIODE
Depuis la conquête d'Alexandre
jusqu'à la prise de Jérusalem
par Pompée en 63
Les premiers rapports d'Alexandre avec les Juifs faillirent
être des rapports d'hostilité (i). Lorsque, en 333, il assié-
geait Tyr, il fit savoir au grand-prêtre Jaddus (le même que
Néh., XII, II et 22) qu'il eût à reconnaître son autorité et à
poser un premier acte de vassalité en fournissant à son armée
des secours en vivres et un continrent en hommes. Le grand-
prêtre allégua la fidélité qu'il devait à son suzerain Darius et
refusa. T^r et Gaza soumises, Alexandre se porta sur Jéru-
salem. D'après l'historien juif, un songe, qu'eurent à la fois le
grand-prêtre et le conquérant, fit que celui-ci professa son estime
et son respect pour Jaddus, qui, revêtu de ses habits pontificaux,
vint attendre Alexandre au Scopus (2). Il fut permis aux juifs
de vivre selon leurs lois, et exemption de tout tribut leur fut
accordée pour chaque année sabbatique. Comme Alexandre
s'apprêtait à ce moment à passer en Egypte, des Juifs s'enrô-
lèrent dans son armée (cfr. Contra A pion, 1. I, § 22). D'autres
se fixèrent bientôt dans la nouvelle ville d'Alexandrie. Ils y
(i) Les principaux renseignemeuts sur les rapports d'Alexandre avec
les .Juifs sont consignés dans Josèphe, Ant., 1. XI, cliap. 8, § 3 6. Plusieurs
détails sont également reproduits dans le traité « Yoma », du Taliuud.
(2) Point culminant du Mont des Oliviers, d'où l'on a une vue très éten-
due sur l'esplanade du temple et la ville entière.
204 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
obtinrent les privilèges de citoyens (Ant., 1. XIX, ch. 5, § 2;
Contra Apion, 1. II, § 4) et y jetèrent les fondements de cette
colonie d'où les idées juives devaient rayonner dans le monde
hellénique, tout en se laissant, réciproquement, imprégner de
sa culture.
La Palestine fut englobée dans la province de Cœlé-S3Tie
qui s'étendait du Liban jusqu'à la frontière d'Eg3^pte, et
Alexandre lui donna comme gouverneur Andromaque, qui
s'établit à Samarie. Les Samaritains n'avaient pas eu le scru-
pule de Jaddus ; leur satrape, que Flave Josèphe appelle
Sanaballat (i), vo3^ant la partie de Darius Illperdue, s'empressa
d'aller offrir ses services au nouveau maître et de lui fournir
un contingent pour le siège de Tyr et de Gaza. Quand les
Samaritains eurent appris quels privilèges avaient obtenus les
Juifs, ils vinrent tout près de Jérusalem au devant d'Alexandre
et, prétextant de leur parenté avec les Juifs, ils demandèrent
les mêmes faveurs. Le Macédonien répondit qu'il examinerait
leurs titres; en attendant, il enjoignit à ceux qui l'avaient
secondé à T3^r et à Gaza de le suivre en Eg3^pte où la surveil-
lance de la Thébaïde leur fut confiée. (Ant., 1. XI, ch. 8,
§§ 4 et 6.)
On ne sait trop quels motifs de mécontentement agitèrent la
Samarie après le départ d'Alexandre. Etait-ce le dépit de ne
pas se voir octro3'er sur-le-champ les mêmes prérogatives
qu'aux Juifs ? ou bien, un certain malaise de se sentir davan-
tage sous la surveillance immédiate du gouverneur ? Toujours
est-il que l'historien classique d'Alexandre, Quinte-Curce (2),
nous raconte que les Samaritains brûlèrent tout vif leur gou-
verneur Andromaque. La nouvelle de ce crime parvint au
monarque après qu'il se fut soumis l'Egypte. Sans tarder, il se
mit en devoir de punir le forfait ; les criminels furent suppli-
ciés ; un certain Memnon succéda à la victime dans le gouver-
norat, et, pour plus de sécurité, des colons macédoniens furent
installés dans le pa3^s. A partir de ce moment, la ville de
Sichem, au pied du Garizim, devint le centre politique de la
nation samaritaine.
(i) Voir sur cet aiuichrouisme, pp. 195 ss.
(2) De rébus gestis Alexandri Magni, 1. IV. chap. 5 et 8.
jusqu'à la domixatiox romaine 2o5
Après BabNione et Suse, ce furent Persépolis, Pasargade et
Ecbatane qui virent Alexandre entrer en triomphateur dans
leurs murs. II passa ensuite dans le pays des Parthes, se sou-
mit l'Hyrcanie, l'Aragosie, conquit en 3_'9 la Bactriane — où
il épousa Roxane, une fille de roi bactrien, — et ensuite la
Sogdiane. C'est aux frontières de cette province qu'il bâtit
Alexandrie Eschaté comme rempart contre les Scythes. Il dut
rester assez longtemps dans ces contrées pour y affermir son
autorité; puis, après avoir renforcé son armée de contingents
asiatiques, il partit en 327 à la conquête de l'Inde, qu'il se sou-
mit par deux ans de combats ininterrompus. Il revint par la
Gédrosie et la Carmanie et manifesta, au commencement de
324, à Suse, son plan d'helléniser l'Orient et d'unifier toutes
ses conquêtes en un seul empire macédo-persique. Arrivé à
cet apogée de grandeur, il se crut digne des honneurs divins,
mais l'année suivante, en juin 323, emporté par la fièvre, il
mourut à l'âge de trente-trois ans, à Babylone, qu'il avait des-
tinée à être la capitale de son empire mondial (i).
Le premier livre des Machabées débute (I, 1-8) par une
esquisse à larges traits de la vie du prodigieux conquérant. Le
tableau 3-6 est, dans sa sobriété, saisissant de justesse : a II
passa jusqu'aux extrémités de la terre et s'empara des
dépouilles d'une multitude de nations et la terre se tut devant
lui. Son cœur s'éleva et s'enfla d'orgueil: il rassembla une
armée très forte et soumit des contrées, des nations et des
souverains et ils devinrent ses tributaires. Après cela, il tomba
sur son lit et connut qu'il allait mourir ».
En plusieurs endroits, le livre de Daniel a visé le nouvel
empire et son audacieux chef: VII, 6, VIII, 5-8; mais le plus
net de tous est le passage XI, 3, 4 : « Et il s'élèvera un
roi vaillant, qui aura une grande puissance et fera ce qui
lui plaira. Dès qu'il se sera levé, son royaume se brisera et
sera divisé aux quatre vents du ciel, sans appartenir à ses
descendants et sans avoir la même puissance qu'il avait eue ;
car son royaume sera déchiré et il passera à d'autres qu'eux ».
(i) Voù* carte de lempire d'Alexaudre, dans Putzger's, [Historischer
Schul-Atlas, 3o*'e Aullags, n<>5.
2o6
DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
L'Helléni-
sation de
l'Orient.
C'est bien ce qui arriva. Cet empire qui englobait à peu près
tout le monde alors connu, s'émietta dans les fameuses guerres
des diadoques.
Pourtant un point du vaste programme conçu par le Macé-
donien devait se réaliser, même au delà de l'attente de son
auteur, notamment par la multiplicité des facteurs enjeu: ce
point, c'était l'hellénisation de tout l'Orient.
La langue grecque allait transporter dans le monde entier les
idées des sages de l'Hellade; celles-ci avaient fini par dégager
les réalités au moins les plus élémentaires des facultés, des
passions et des aspirations de l'àme humaine, ainsi que des
attributs de l'Etre Suprême. Cette mise au point plus subtile
de notions jusque là grossièrement conçues devait être corro-
sive pour la plupart des religions du vieil Orient. Le Parsisme,
il est vrai, fut plus réfractaire et la théologie de l'Inde le resta
tout à fait, mais la vieille terre sémite — où les concepts, parce
que plus matériels, résistaient moins à une analyse plus péné-
trante— allait s'initier avidement à ce monde d'idées qui devait
lui paraître si éblouissant et si révélateur. A la différence toute-
fois des cultes polvthéistes, le monothéisme des Juifs devait sou
tenir victorieusement la comparaison avec ce nouvel apport de
pensées, mais il s'affinerait aussi à ce contact, et, s'expri-
mant en formules moins absolues, plus psychologiques, plus
exactes, le judaïsme ne manquerait pas de faire des prosélytes
dans le cercle des intellectuels grecs.
Ce travail de compénétration de l'esprit hellénique, il est
particulièrement intéressant de le relever dans deux des plus
récents écrits canoniques de l'Ancien Testament, qui, tout en
restant très juifs, prouvent bien que leurs auteurs se mouvaient
au milieu d'éléments inconnus jusqu'alors à la mentalité juive.
A rencontre du ton enthousiaste et affirmatif des prophètes,
Koliéleth posera nettement les difficultés des problèmes d'ordre
moral et ne se fera aucune illusion sur les hommes et les
choses. Quant à la Sagesse, elle tendra à prouver implicitement,
dans une langue grecque très pure, la supériorité de la .religion
juive sur les systèmes de philosophie hellénique, tout en leur
empruntant ce qu'ils ont d'indiscutable. Mais, si le judaïsme
montrait qu'il était susceptible de perfection, il n'en resta pas
jusqu'à la domination romaine 207
moins impénétrable à toute altération de fond ; il n'en fut pas
de même dans d'autres milieux, où, à côté de grossières
croyances, l'on ne put pas toujours préserver ce qu'il y avait de
sain dans le domaine de la pensée théologique.
La philosophie de la Grèce était, en effet, aussi variée dans
les opinions que vaste dans son objet, et le désaccord des plus
grands génies, dont aucun ne pouvait se prévaloir d'une auto-
rité incontestée, conduisit fatalement au scepticisme. Celui-ci
agit parfois en véritable dissolvant, et c'est particulièrement
dans les idées morales et religieuses des Egyptiens qu'on con-
state son effet délétère. Il en naîtrait un profond malaise des
âmes droites, et c'est ainsi qu'à constater l'insufQsance ou
l'imperfection de tous les codes régissant les consciences, nous
redisons avec Clément d'Alexandrie — visant en particulier ce
qu'il y avait de vrai dans chacun de ces systèmes — : c'est
par leur philosophie que Dieu conduisit les Grecs au Christ
comme II Lui amena les Juils par la Loi. {Strom., 1. I, ch. 5.)
Alexandre était mort laissant la succession de son empire à
deux héritiers incapables de régner : son demi-frère Philippe
Arrhidaeos (i* 31/) faible d'esprit, et un fils puiné conçu de
Roxane, Alexandre (f 3 11). Un des premiers officiers de
l'armée, Cratérus, fut désigné comme régent, mais, vu qu'à
ce moment il était en campagne dans la Macédoine, le com-
mandant de la garde royale, Perdikas, remplit ces fonctions et
les principaux généraux se partagèrent l'administration, les
satrapies et le commandement des corps d'armée. A la mort
d'Alexandre, des révoltes avaient éclaté en Grèce et en Orient.
Perdikas réussit non seulement à les réprimer, mais encore à
asseoir son autorité là où la résistance n'avait pas désarmé
jusqu'ici : en Bithynie, en Arménie et sur la côte cyré-
naïque. Ces succès lui firent ambitionner l'empire à son
propre profit; mais ses prétentions soulevèrent contre lui
les autres généraux et il fut massacré par ses troupes en 321.
Nous ne nous étendrons pas sur les luttes que se livrèrent les
aspirants à la régence de l'empire et à l'administration des
différents pays. Le morcellement alla s'accentuant, et dès
2o8 DEPUIS LA CONQUÊTE d'aLEXANDRE
3o6, chaque gouvernant prit le titre de roi. Dés 323, la
3)^16 avec la Phénicie et la Palestine avait été assignée à
LesLagides Laomédon (cfr. Quinte-Curce, 1. X, ch. lo), mais en 320,
s'i^* *^d Ptolémée, fils de Lagus, la lui ravit. Un jour de sabbat, il
entra par surprise à Jérusalem et emmena un grand nombre des
habitants de Judée et de Samarie en Egypte, sa province. Beau-
coup de Juifs d'ailleurs s'y établirent spontanément, attirés par
la fertilité du sol et les avantages que leur offrait Ptolémée
{Ant., 1. Xll, ch. i); de ces Juifs fut notamment un prêtre du
nom d'Ezéchias, très en honneur auprès de ses compatriotes
(i). Peu après, la S3'rie fut disputée à Ptolémée par Antigone
qui administrait la Phrygie, la Pamphylie et la Lycie; c'est en
sa faveur que se décida la bataille navale de Salamine en 3o6,
mais en 3o2 il se forma contre lui aussi une ligue qui devait lui
ravir ses possessions et la vie.
Il avait, vers 3i6, fait fuir Séleucus, satrape de Baby-
lonie (depuis 32i), qui s'était alors réfugié auprès de Pto-
lémée. Rentré en possession de la part lui assignée en
3i2 (i^'^' octobre 3i2, commencement de l'ère des Séleucides),
Séleucus s'unit en 3o2 avec Ptolémée, avec Cassandre qui
détenait la Macédoine, et Lysimaque qui gouvernait la Thrace.
Ptolémée ne put qu'occuper la Syrie jusqu'à Sidon; Lysimaque
et Séleucus poussèrent jusqu'en Phrygie, où, au printemps de
3oi, ils livrèrent à Issus la bataille où périt Antigone. Séleucus
garda la Syrie et fonda comme capitale Antioche sur l'Oronte,
ainsi que les villes d'Apamée, Laodicée, Séleucie, Edesse et
Bérée. Beaucoup de Juifs avaient servi sous ses ordres; il les
invita à s'établir dans les villes qu'il avait fondées et leur
accorda droit de cité. (Ant., 1. XII, ch. III, § i.)
Malgré les protestations de Séleucus, Ptolémée s'octroya la
Palestine proprement dite ; cet état de choses devait se main-
tenir pendant un siècle à peu près, et, comme les luttes entre
Séleucides et Lagides eurent surtout pour théâtre le Nord de
la Syrie, les Juifs purent jouir d'une paix relative sous l'admi-
nistration de leurs pontifes.
De l'empire d'Alexandre s'étaient donc formées, après des
(l) PSEUDO-HÉCATKE, Frugin. hist. Graec, t. II, l:? i4, p. 898.
jusqu'à la domination romaine. 209
années de luttes, trois monarchies principales : la Syrie,
l'Egspte et la Macédoine. La première était incontestablement
la plus vaste; elle s'étendait, à la mort de son fondateur (280),
depuis la mer Egée jusqu'à l'Indus et du Liban jusqu'à la côte
méridionale de la Caspienne. Aussi est-ce au premier des Séleu-
cides que s'applique le passage de Daniel, XI, 5: « Le roi du
Midi deviendra fort (Ptolémée Lagus en Egypte) ainsi qu'un de
ses généraux (Séleucus), lequel deviendra plus fort que lui et
sera puissant, sa puissance sera grande », A côté de ces trois
grands royaumes, il surgit des monarchies helléniques de
moindre importance, telles la Bithynie et le ro3'aume de
Pergame, — et aussi des royautés autochtones qui ne se
familiarisèrent pas complètement avec la culture grecque : la
Cappadoce, le Pont et l'Arménie, auxquelles il faut ajouter les
Etats confédérés de la Galatie.
Ce qui contribua encore à l'hellénisation de l'Orient, ce fut la
fondation de nombreuses villes grecques libres, et des cités
mi-grecques, mi-indigènes, Alexandre avait commencé par
amener, à la suite de ses troupes, des Macédoniens avec les-
quels il Cx-éa autant de foyers de culture grecque. La tradition
lui attribue ainsi l'érection de plus de soixante-dix villes. Quoi
qu'il en soit, son système fut continué par ses successeurs
Séleucides et Lagides, et bientôt l'emploi universel du grec
montra l'infiltration générale de la race et de la civilisation
autant que de la langue hellénique. A cette influence irrésis-
tible la Palestine ne pouvait se soustraire.
Déjà avant Alexandre les villes *de la côte palestinienne
étaient visitées par les navires marchands grecs, et les fouilles
récentes y ont exhumé des ustensiles de fabrication grecque
antérieurs également à cette époque.
Aussitôt après la conquête d'Alexandre, l'hellénisme pénétra
à l'intérieur du pays par la fondation de villes essentiellement
grecques, dont les plus anciennes sont Dion, Pella, Phila-
delphie, Gadara et Abila (pour ces deux dernières cfr. A ni.,
1. XII, ch, 3, § 3). Jusqu'à la période romaine il s'en établit
progressivement de nouvelles, surtout dans la Transjordane;
d'anciennes cités existantes lurent hellénisées ; d'aucunes même
de très bonne heure : Gaza, Ascalon, Asdoud, Ptolémaïs,
2IO
DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
Damas, toutes villes qui frappèrent des monnaies locales à
l'effigie d'Alexandre (i).
Mais si nous assistons à une compénétration du monde
entier par l'élément grec, nous sommes en même temps témoins
d'un phénomène analogue, mais autrement étonnant et unique
dans l'histoire : nous voulons dire le rayonnement universel
de ce petit peuple juif, l'installation de coloniesjuives dans tous
les pays connus qu'on désigne sous le nom de (c diaspora »,
C'est le moment de nous en occuper.
La
diaspora.
Dans le plan providentiel, ce lait serait un des moyens par
excellence pour faciliter la diffusion rapide et universelle de
l'Evangile. Les premiers prédicateurs chrétiens allaient ren-
contrer partout des Juifs, et, à l'exemple du divin Maître et des
apôtres, c'était à eux en tout premier lieu qu'ils annonceraient la
venue et le règne du Messie. Il est vrai que leur succès auprès
d'eux serait généralement décourageant. Mais il devait se
trouver presque en chaque région des groupes de gentils
(( craignant Dieu », en bons rapports de sentiments et d'idées
avec les communautés juives établies parmi eux. Celles-ci,
exerçant un prosélytisme intense (cfr. Mat., XXIII, i5) sur ces
âmes païennes, devaient les conduire au monothéisme, ainsi
qu'à la pratique d'une morale plus pure (2), les disposer de
la sorte à recevoir le culte « en esprit et en vérité » infiniment
plus parfait encore, et les dégager de ces observances que les
docteurs juils rendaient si souvent mesquines.
P . Nous occupant avant tout du centre politique palestinien de
delà la nation juive, nous ne pouvons suivre dans les détails la fon-
diaspora, dation et les développements pourtant si intéressants des commu-
nautés en dehors de la mère-patrie. Il nous suffira de quelques
témoignages contemporains pour apprendre, que depuis la con-
(I Sur les villes lielléiiiques de Palestine voir ScHiiRKK : Geschichte des
Jiidischen Volkes im Zeitnltev Jesii-Chnsti, t. L pp. i88, 189; t. IL pp. 94-223.
Daus la suite nous nous servirons l'ré(iueninient de cet ouvi-age fouda-
nieutal, hors j)air pour la richesse et l'exactitude rigoureuse des renseigne-
ments. Nous le citons d'après la quatrième et dernière édition, savoir :
1. 1, 1901; t. II, 1907 et t. III, 1909, Leipzig, Ilinrichs.
(2) Cfr. ScHûRER, III, pp. i65 ss. et pp. 422, 428.
JUSQU A LA DOMINATK^X ROMAINE. 211
quête macédonienne, les Juifs se trouvaient partout; après
quoi, nous examinerons les conditions faites à ces divers
groupes.
Au cours de cette histoire nous avons suivi les Juifs dans
leurs déportations successives en Assyrie, en Egypte, en Baby-
lonie et, plus récemment, en Hyrcanie. Les dix tribus enlevées
du royaume du Nord n'étaient jamais revenues {Aut., 1. XI,
ch. 5, ,^ 2», et les tribus de Juda et Benjamin avaient laissé un
grand nombre des leurs en Babylonie, en Médie et en Perse. La
présence des Juifs dans ces pays s'explique donc parfaitement.
Les diadoques, nous venons de le voir, avaient attiré, grâce
aux privilèges qu'ils leur octroyaient, un grand nombre de Juifs
dans leurs villes nouvellement fondées, et Flave Josèphe nous
apprend qu'à cause de la proximité c'était en S3Tie, et tout
particulièrement dans la capitale Antioche, qu'ils étaient en
plus forte proportion f^tV/. 7iid., 1. VII, ch. 3,§ 3). Cependant
on ne les trouvait pas que là et leur présence par milliers, voire
par centaines de mille, en certains endroits, au dernier siècle
avant notre ère ne s'explique pas par les seules migrations ou
par la surpopulation, soit de la communauté palestinienne (i),
soit même des premières colonies, vieilles alors de plusieurs
siècles. Aussi Schùrer attribue-t-il cette innombrable quantité
numérique de Juifs à des conversions multiples au Judaïsme
opérées parmi les païens au cours de la période hellénique (2).
En fait les Juifs avaient pénétré partout :
Les oracles sibyllins (1. III, vers. 271), vers 140 avant
notre ère, disent « toute terre et toute mer pleine de
Juifs ».
Pour la même époque (i39-i38), le premier livre des Macha-
bées, XV, 16-23, nous rapporte une lettre circulaire du Sénat
romain détendant de faire du tort aux f uifs alliés et amis des
Romains. Elle était adressée par le consul Lucius au roi Ptolé-
mée VII Physcon d'Egypte, au roi Démétrius II de Syrie, aux
souverains Attale de Pergame, Ariarathe de Cappadoce,
Arsace des Parthes, de même qu'aux villes de Sampsame
(1) Voir SCHiiRKU, II. PI). 1-4-
(2) Schùrer, III, p. 3.
212 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
rSamsoun, E. de Sinope dans le Pont), Sparte (i) et Sicyone
(dans le Péloponèse); aux îles de Délos et de Samos, à la ville
de Gort3'ne (en Crète), à la Carie et à ses villes Mynde, Hali-
carnasse et Cnide, aux îles de Cos et de Rhodes, à la Lycie et
à sa cité de Phasélis, à la Pamphylie et à sa localité de Sida, à
la ville phénicienne d'Aradus, à l'île de Chypre et à Cyrène.
Flave Josèphe, expliquant comment tant de richesses
s'étaient accumulées au temple, dit qu'elles provenaient des
offrandes des Juifs et des prosélytes répandus en Europe et en
Asie. Il cite à ce propos un passage de Strabon se rapportant à
l'époque de Syllas (85 avant notre ère) : « la race juive a
envahi toutes les cités et il serait difficile de trouver un endroit
qui n'en ait accueilli ou qui ne soit occupé par eux m (2).
Josèphe (3) et Philon (4) parlent dans le même sens. Ce der-
nier nous a conservé, dans son écrit De legatione ad Cajîiui ()5,
une lettre d'Agrippa I à l'empereur Caligula, dont un passage
traite précisément de l'étendue de la diaspora juive : « Jérusa-
lem est la métropole non seulement de la Judée, mais de la
plupart des pays, à cause des colonies qu'elle a envoyées à
diverses époques dans les pays limitrophes : l'Egypte, la Phé-
nicie, la Syrie, ainsi que celle qu'on appelle la Coelé-Syrie,
dans les contrées les plus éloignées : la Pamphylie et la Cilicie
et la plupart des pays d'Asie jusqu'en Bithynie et les parties les
plus retirées du Pont. De même en Europe, dans la Thessalie,
la Béotie, la Macédoine, l'Etolie, l'Attique, à Argos, Corinthe,
dans la plupart et les principaux endroits du Péloponèse. Et
il n'y a pas que les provinces continentales qui soient couvertes
de colonies juives, mais encore les îles les plus célèbres, celles
d'Eubée, de Chypre et de Crète. Et alors je ne fais pas mention
des régions transeuphratéennes, car à l'exception d'une petite
partie, toutes : Babylone et les autres préfectures comprenant
(il I Mach., XII, 7, 8, il est dit que, déjà du temps du graiul-prêtre
Ouias I(3o9-2G5),les Juifs avaient contracté une alliauce avec les Spartiates
et leur roi Aréius.
(2) AiiL, l.XIV, ch. 7, Sa.
(3) Bell. Jud„ 1. II. ch. i6, S4; l.VH, ch. 3, ?< 3.
(4) Adversiis Flaccum, édition Mangey, Londres, 1742, t. II, p. 024. C'est
à cette édition que nous renvoyons toujours ixuir les écrits de l'hiluu.
(5) II, p. 587.
JUSQUA LA DOMINATION ROMAINE.
2l3
des terres fertiles, comptent des Juifs parmi leurs habitants ».
A peu près la même énumération de nationalités figure dans
les Actes, II, 9-1 1, où il est question des Juifs étrangers, de
séjour à Jérusalem, accourus au bruit de la descente de l'Esprit
Saint sur les Apôtres.
Toutes ces données sont d'ailleurs de jour en jour confirmées
par les découvertes, principalement par les découvertes épi-
graphiques. Elles nous révèlent en plus — pour des époques
plus tardives, il est vrai, du i^"^ au 6^ siècle — la présence de
colonies juives dans le reste de l'Italie, les Gaules, l'Espagne
et les pays germaniques. Rien d'improbable à ce que ces colo-
nies y aient débuté plus tôt (i).
Comment ces communautés s'administraient-elles? Quelle
était leur situation légale ?
Av^ant tout, la dispersion des Juifs ne consista pas dans une
mixtion avec les peuples au milieu desquels ils venaient s'éta-
blir ; mais partout où ils se trouvaient — au nombre de quel-
ques familles du moins — ils constituèrent aussitôt des cercles
fermés. En certains endroits c'étaient des associations pure-
ment privées; dans beaucoup d'autres, généralement, ils possé-
daient des droits politiques particuliers et reconnus. Cet isole-
ment officiel était d'ailleurs indispensable pour le maintien
de leur religion.
L'organisation de la diaspora orientale (surtout euphra-
téenne) nous est connue seulement par les renseignements
talmudiques, c'est-à-dire pour une époque tardive. Il est pro-
bable toutefois qu'elle remontait assez haut dans le passé;
nous savons que des relations existaient avec la terre des
aïeux : dès lors, il ne sera pas trop téméraire de conclure à
quelque analogie d'administration.
Nous sommes un peu mieux au courant des conditions faites
à la diaspora occidentale. Déjà les noms sous lesquels les
diverses colonies juives sont désignées révèlent dans leurs
(ij Des reuseigneineuts de détails sur toutes ces juiveries des différents
pays sont fournis eu grand nombre dans SCHiiRER, III, pp. 270 et, par le
même auteur, dans Hastings Dictionary ofthe fî/6/e, extra-volume, pp. 91-99,
article « Diaspora ».
Adminis-
tration
des
commu=
nautés
de la
diaspora.
214 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
nuances des situations diverses d'après les contrées. ÏIoA'lTe'jijia,
qui désigne une corporation politique indépendante, se dit
des Juifs d'Alexandrie et de Bérénice en Cyrénaïque. Ky-o'.yJ.oL
se rencontre dans une inscription de Phr3-gie et implique
également la notion d'indépendance politique, mais ce mot
désigne formellement un groupe d'étrangers par opposition aux
indigènes au milieu desquels ils habitent.
Les termes 'louoawt, Xaô;, 'é6vo;, désignent simplement les
Juifs comme une race étrangère aux contrées qu'ils occupaient.
A une époque plus récente le nom de Tjvaywv/, devint le
plus commun. Proprement, ce mot signifie une réunion cul-
tuelle ou une assemblée de fête. Mais les LXX, en traduisant
par ce terme l'hébreu n~y lui ont donné le sens de l'ensemble
T--
de la communauté nationale d'Israël; le terme a eu ensuite une
portée plus restreinte pour désigner une communauté juive
locale; mais ainsi entendu il ne précisait pas la situation politi-
que de celle-ci, qu'elle fût régie par des libertés et des droits
particuliers, comme à Alexandrie, ou que — comme plus tard
à Rome — elle ne jouît d'aucun privilège politique ou exemptif.
L'administration interne devait nécessairement varier d'après
la situation politique. Toutefois on peut distinguer partout
deux classes de dirigeants : les à'pyovTe;, préposés à la direc-
tion civile, les àpy!.7uvàywyo'. aux intérêts religieux.
L'appellation d'à'oyovTs; est générique et susceptible de S3'no-
nymes ; elle se rencontre à peu près partout. Le nombre de
ces archontes pouvait varier d'un endroit à un autre, ainsi que
la durée et l'étendue de leurs fonctions. De toutes les loca-
lités de la diaspora c'étaient Alexandrie et Tune ou l'autre
ville de la Cyrénaïque où les Juifs s'administraient avec le
plus d'autonomie.
A Alexandrie, il leur avait été assigné par les diadoques un
quartier spécial au N.-O. delà ville, notamment le quatrième,
appelé AiATa {Bell, jnd., 1. II, ch. i8, §^ 7 et 8), défendu par
des remparts et des portes. Bientôt il ne leur suffit plus.
Du temps de Philon deux quartiers s'appelaient quartiers
juifs, à cause de la prédominance de cet élément, et il y avait
encore beaucoup de Juifs dans les autres (Adv. Flacaim, II,
p. 525). Comme la population libre de la ville comptait alors
jusqu'à la DOMINATION' ROMAINE. 2l5
plus de 3oo,ooo habitants (i), il ne sera certes pas exagéré
d'évaluer à 100,000 les Juifs (2),
Vers la fin du troisième siècle avant notre ère, la -cXi-e-j^y.
d'Alexandrie avait à sa tête des -ps^ê-jTspo', et des t.voûuevo'. (3),
terme synonyme d'xr/ovTc;. Nous savons par Strabon (4),
« qu'un iOvâp'/Y.; administrait les affaires de la nation, ren-
dait la justice, assurait l'exécution des engagements pris et des
ordres donnés, comme l'ap/fov d'une cité régie par ses propres
lois ». Quoiqu'ils eussent en outre les droits de cit03-ens,
les Juifs constituaient donc à Alexandrie une cité dans la cité.
Il est à remarquer que cette ville, différant en cela de presque
toutes les villes helléniques, n'a pas eu avant Septime Sévère,
de Sénat élu pour présider aux intérêts de la commune
entière.
D'après Philon (5), Auguste aurait en l'an 11 (ap. J.-C),
institué une "tzo'j-j'.y. ou conseil des anciens Juifs (6), pour
l'administration de la communauté. Schùrer (III, pp. 72 et 78)
estime qu'il s'agirait ici d'une réinstitntion, et pense qu'une
yspojT'ia existait déjà au temps du pseudo-Aristée, où il est
question !^ 3 10 des -psa-êJTspo', twv à-ô to-j 7:oÀ!.Te'jfjL7-o;,
La tradition rabbinique (Tosep/ita, Sukka, IV) assigne
71 membres à cette vcoojt'-x, comme au sanhédrin de Jérusalem.
La colonie juive d'Alexandrie aura donc été administrée par
(I Cette estimation de Diodore de Sicile (Biblioth. Hi.st., 1. XVII.
ch. Sa), doit faire supposer im nombre au moins double d'esclaves : ce qui
porte à un million la pofjulation totale d'Alexandrie vers le milieu du
premier siècle avant .I.-C.
(2 Philox (^J'/". Fine. II, p. 52.3' nous api)rend que le nombre total des
Juifs habitant l'Egypte s'élevait à un million, et sou assertion, (lu'on
les trouvait depuis Katabathmos enLibye jusqu'à la frontière de l'Ethiopie
(ile (l'Eléphantine) est confirmée par de récentes découvertes d'inscrii)-
tions et de papyri. Voir les détails pour la Basse, ^Moyenne et Ilaute-
Ejïypte depuis le troisième siècle avant notre ère dans Schurer, III,
l)p. 4^>-5o.
(3) Pseido-Akistke, S 3 10.
(4) Dans Flave-.Toskphe, Ant., 1. XIV. ch.7.
(")) Ado. Flacciim, II, pp. 527, 528.
(6) Dont les meml)res étaient différents des Hpyofzii car Adv. Flac, II,
pp. 528-29. Pini.o.N juxtappose, <ione diversifie : toùj i^/ovra;, ti-v yc^iuTiav.
Les ipxoJTii étaient pourtant à la tète de la -/ipouzia.. Cfr. Bell. Jml.. 1. VII,
<"h. 10, § I, 0' npWTîUTîUOVT:; T^S ■/îpOXJ'SlJli.
2l6 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
un ethnarque secondé par des archontes, dont le pouvoir aura
été tempéré par un conseil d'anciens (i).
A Cyrène, les habitants étaient répartis en quatre classes,
les Juifs constituant la quatrième ; ils y jouissaient, comme dans
les autres villes de la Libye C3'rénaïque, des droits de citoyens
{AnL, 1. XIV, ch. 7, § 2; 1. XVI, ch. 6, § i). Dans la ville de
Bérénice leur situation était identique à celle qu'ils avaient à
Alexandrie. Une inscription juive, en grec, conservée au Musée
de Toulouse et datée de l'an i3 avant notre ère, nous apprend,
en effet, qu'ils formaient à Bérénice une -o/.-lTS'jua administrée
par neuf archontes de leur nation.
La condition des Juifs à Rome, où leurs colonies semblent
s'être établies au début du premier siècle avant notre ère, nous
est principalement connue par les nombreuses inscriptions
funéraires (2).
Ici ils s'étaient organisés non pas en une, mais en plusieurs
communautés indépendantes, a3'ant chacune leur synagogue,
leur propre '/z^ryjry'.y., ou conseil de direction, et leurs pro-
pres chefs, revêtant légalement le caractère de simples corpo-
rations religieuses; elles étaient désignées d'ailleurs par des
appellations différentes.
Il y avait la a-jvaywyr, (3) Ajyo'jo-TTiO-ûov, la 3-jvaywvr,
'Ayp'.--ria-{wv et la synagoga Bolumni (Vohimni) ou Bo)vO'ju.v7,t'!wv,
noms qui indiquent un rapport de patronat ou de servitude
avec ces hauts personnages. D'autres prenaient nom du quar-
tier où elles étaient fixées, telles les Kx;j.--/^a-',ot,, du Campus
Martiiis et les ^t,êo'jpria-t,ot,, du vieux quartier de Subure; d'autres
encore rappellaient par leur nom un caractère plus intime qui
les distinguait : la 7jvaywy>, 'Eêpsojv probablement ceux qui
parlaient juif, la a-jvaywy->i B£pvax)vrcrô(ov, vcrnaculoruin ou ro-
mains de naissance, la o-Livaya:yT, 'E)vaia;, d'après l'emblème de
(I) Au moins aux débuts et au premiei* siècle de notre ère, car il se peut
qu'entre ces deux époques ce sénat juif ait disparu devant lautorité assez
monarchique de l'ethnarque. Cfr. Schùrer, III, p. 78.
(u) Ces inscriptions, surtout celles de Rome et de Venosa vont du pre-
mier au sixième siècle de notre ère et dénotent une organisation restée
sensiblement la même pendant tout ce laps de temps.
(3) Le mot désigne dans l'occurrence non le bâtiment affecté aux réu-
nions religieuses, mais la communauté, le groui)e.
jusqu'à la domination romaine, 217
l'olivier qui servait à les distinguer, et la 7jva--(oY>, KaXxapY.T'iwv
ou corporation des chaufourniers.
Comme principaux dignitaires à Rome et en Italie, on men-
tionne le yspo-j-nâpyr,; et les à'pyovTô; qui se trouvaient à la
tête de la vepojTia : les simples membres de celle-ci n'ont pas
de titre propre. On était à'pywv soit temporairement, soit à
vie, soit même par hérédité ; certains qualificatifs ou certaines
prépositions ajoutées à ce titre donnent à entendre qu'il 3' avait
plusieurs rangs parmi eux. A côté de ces dignitaires civils, on
trouve par toute la diaspora, comme ils existaient d'ailleurs en
Palestine, les àv/!.7Jva-'or'oi. Leur rôle consistait à maintenir
l'ordre dans les synagogues (i) et à diriger les réunions reli-
gieuses qui s'y tenaient. C'est le flCipri ï^K") de la Mischna et
des Talmuds {?). Chaque synagogue en avait un ou plusieurs
(p. ex. Act., XIII, i5). Ils étaient secondés par un •j-T,p£TT,;,
nC2pn ]în, sorte de sacristain.
L'administration civile par des apyovTs; et une yepous-iy. était
moulée sur celle des villes grecques ; d'autres coutumes encore
empruntées à ces dernières avaient passé en usage dans les
agglomérations juives (3). D'ailleurs l'existence de semblables
communautés n'était pas exclusivement propre à la diaspora
juive. Elle avait des analogies dans les comptoirs des mar-
chands syriens, égyptiens et autres orientaux, établis un peu
sur toutes les côtes baignées par la Méditerranée, et organisés
également en vue de la défense des intérêts communs. Le monde
gréco-romain connaissait aussi des associations cultuelles
groupant les adeptes, — particulièrement des étrangers, — des
différentes religions, égyptiennes, syriennes et perses. C'étaient
les {-My.Toi, è'oavo'.. Ces organismes étaient tolérés, mais réduits
à se sustenter et à se réglementer exclusivement dans leur
propre sein. De même genre étaient les collcgia à Rome :
associations non seulement de caractère religieux, mais aussi
professionnelles ou d'agrément (4).
(1) Cette fois-ci il s'agit du local des réunions.
(2) Cfr. par ex. .JoMA. VII, 16.
(3) Voir ces détails SciiiiRER, III, \^\^. ^o-cfu
(4) Sur les innombrables associations a Rome, sous la république et
215 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
Reste une dernière analogie de situation entre les commu-
nautés juives et les colonies de Grecs ou surtout de Romains
dans les pays étrangers. Avant l'Empire, le statut judiciaire de
leurs conventus variait d'après qu'ils habitaient une ville sujette
ou une ville libre. Ici ils étaient soumis aux administrations
locales. Mais, devenus peuple souverain, ils furent partout
uniquement justiciables des autorités romaines (i).
Donc la situation légale des Juifs différait de pays à pays.
Absolument autonomes à Alexandrie et à C3'rène, ils jouissaient
des droits de citoyens dans les villes des Séleucides. A Rome,
ils étaient assimilés aux associations privées, mais, à d'autres
titres, ils pouvaient avoir le privilège de citoyen romain, —
comme S. Paul, — et de ce chef se prévaloir des faveurs
inhérentes à cette qualité. C'est au milieu des populations
païennes des villes philistines et phéniciennes que leur situation
aura été le plus précaire (2).
Malgré ces renseignements nous étendons à la diaspora
juive tout entière la réflexion que M. Chapot émet sur les
conditions faites aux Juifs d'Asie : « On éprouve, dit-il, quel-
que embarras à décrire au juste leur situation » (3).
C'est que, presque partout ils ont eu, ou usurpé une juridic-
tion spéciale à eux. Elle est constatée pour les temps plus
récents de l'empire romain dans les procès civils entre Juifs.
Là même, où ils n'avaient pas rang civique, on leur reconnais-
sait assez facilement la prérogative d'une certaine administra-
tion interne, et là où ils étaient citoyens, ils la revendiquaient
en sus. « Citoyens des villes où ils demeuraient, dit M. Cha-
pot (4), ils avaient les avantages de la t.o\<.-zz\cl, et en esqui-
vaient les charges ».
A considérer pareille anomalie, tout naturellement revient à
l'esprit la prédiction de Balaam : « C'est un peuple qui tient
leinpire voir Gaston Boissikr, La Religion romaine d'Aiiiiuste aux
Anlonins, t. II, pp. 247-3o5, 'j^ édit., Paris, IJachette. lyog.
(i) Cl'r. Chapot, La province romaine proconaulaire d'Asie depuis ses
origines jusqu'à la fin du Haut-Empire, pp. 189-193, Paris, liouillon. 1904.
(2) Cfr. SCHUREU, II, p. 222.
(3) Op. lHud.,p. 182.
(4) Op. laud., p. 184.
jusqu'à la domination romaine. 219
sa demeure à part et ne compte pas parmi les autres nations »
(Num.,XXIII,9).
La base de cet état de choses, c'était la tolérance du culte
juif par les divers gouvernements, pour vivre sa religion, le
juif avait besoin de latitudes qui exigeaient en sa faveur des
dérogations aux lois régissant les autres citoyens. Or, cette
tolérance a été de règle dans toute la diaspora, non seulement
de la part des Ptolémées et des Séleucides (i), mais aussi des
Romains.
A cette reconnaissance des communautés et du culte juifs
étaient liées deux autres prérogatixes : la faculté d'administrer
leurs propres fonds, ce qui leur permettait de prélever et
d'expédier les taxes dues au temple à Jérusalem et les offrandes
volontaires, et celle d'exercer une juridiction particulière sur
leurs propres membres.
La loi mosaïque comporte des ordonnances relatives non
seulement au culte, mais encore aux actes de la vie civile; à
l'égard des uns comme des autres, seul un tribunal juif était
compétent, et c'étaient tant les cas de procédure civile que ceux
de procédure criminelle qui se présentaient. Mais dans ces der-
niers, les Juifs n'ont eu la plupart du temps qu'un droit limité
de police correctionnelle (cfr. Joa., XIX, 7), s'étendant pour-
tant à des peines corporelles. (Act., IX, 2, XVIII, 12-16,
XXII, 19, XXVI, II, 2 Cor., XI, 24.)
Ce souci de ménager les susceptibilités de leurs consciences
a valu aux Juifs des concessions importantes ; telles, la dispense
du service militaire (2), le droit de ne pas devoir comparaître
devant les tribunaux le jour du sabbat et l'exemption de s'asso-
cier au culte de l'empereur (3).
(i) La persécution religieuse dAutiocluis IV Epiphaue a été un fait
isolé.
(i2) C'était la défense faite aux Juifs de prendre l'offensive ou de faii'e
une marche de plus de deux mille pas le jour du Sabl)at qui leur rendait
imjiossible lincorporation dans uue armée non juive. Cfr i Mach., II,
34-38, rigorisme atténué par3o-4'; Ant., 1. XIII. oh. i, S 3; 1. XIV, cdi. 4.
§2; 1. XVIII, ch. 9, .^ 2
3i Ce n'est que sous le régne de Calignla qu'on vcnilut les y contraindre
et qu'on les persécuta i>our leur refus d'obtempérer à cet ordre. Voir quel-
ques autres concessions Schurer, III, pp. ii5, 1 16.
220 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
Pour résumer les différentes situations que nous avons ren-
contrées, nous constatons qu'au IIP siècle avant notre ère, c'est
surtout dans les villes helléniques récemment fondées que les
Juifs avaient les droits de citoyens. Il faut }' ajouter les cités
ioniennes, telle Ephèse, réorganisées dans leur administration
par Antiochus II Théos. Partout ailleurs ils formaient des colo-
nies d'étrangers, théoriquement sans privilèges civiques. Mais
là où ils en jouissaient, leur condition avantagée avait quelque
chose de contradictoire, voire d'odieux. Ils s'y comportaient,
en effet, en caste qui, au point de vue administratif et religieux,
se séparait jalousement des concitoyens dont ils méprisaient
souverainement les pratiques idolâtriques (i). Et pourtant,
usant de leurs droits de cité, ils s'immisçaient dans les affaires
de la commune, prenaient part à, sa direction tant par leurs
votes que par leur candidature aux charges publiques. Or,
dans les villes helléniques les cultes locaux jouaient un rôle
important dans la vie et les intérêts de la place.
La tension ainsi créée éclata souvent — particulièrement
dans les endroits où ils étaient reconnus comme citoyens — en
émeutes et en méconnaissance de leurs privilèges. Cette hosti-
lité devint plus fréquente à l'époque romaine (2). Et pourtant,
c'est sous la domination de Rome qu'ils ont été le plus sou-
tenus. Non seulement les empereurs (3) ne donnèrent pas suite
aux fréquentes demandes qui leur étaient adressées p)ar les
municipes d'enlever aux Juifs les faveurs dont ils jouissaient, mais
ils les confirmèrent par des édits de tolérance, et octroyèrent
à un grand nombre d'entre eux le titre de citoyens romains (4).
S, Paul était ainsi à la fois 'P(oy.aro; (Act., XXII, 25-29) et
(i) Voir le mépris que témoii,nieut aux .Juifs certains écrivains de l'an-
tiquité et les reproches qu'ils leur adressent. SrHiiRER, III, pp. 154. i55.
(2) Cfr. SCHURER, III, p. 109.
(3) A part Calig^ula. dont les persécatious dirigées contre les .Tuifs ne
durèrent pas plus que son règne {S-^-^i).
(4) C'était d'ordinaire des « cives sine suffragio » ou « imniiuuto jure »,
distincts d'une classe supérieure de citoyens romains, les « cives optimo
jure », qui seuls avaient dx'oit de vote dans les assemblées romaines et
étaient eux-mêmes éligibies aux magistratures (jus suffragii ou jus
honorum).
JUSgUA LA DOMINATION ROMAINE. 221
TaoTcJ;, ij/. 'j-T^wj -oAcw; -o).{ty.; (XXI, 39) (l). Ceci leur
valait de nouvelles prérogatives (2), dont les principales
étaient : i" d'être justiciables seulement des tribunaux ou
magistrats romains : les Juifs n'en auront guère fait usage pour
les différends à vider entre eux ; 2° de ne pas devoir subir de
peines infamantes, comme la flagellation ou la crucifixion ; 3" le
« jus provocationis ad populum », qui sous l'emj^ire devint le
« jus appellationis » ou droit d'en appeler d'un jugement rendu
au tribunal de l'empereur. A ce droit était connexe celui de
déférer à ce même tribunal une cause en cours de jugement
(Act., XX\', 10-12).
Malgré la haine et la jalousie que vouaient aux Juifs leurs
concitoyens, l'estime des souverains (3) — ce fut surtout le cas
pour les Ptolémées — leur confia parfois des charges
importantes, et certaines concessions leur permirent de pros-
pérer au point de monopoliser souvent les opérations de banque
ou certaines industries (4^
Après tout cela on ne s'étonne pas que, d'une façon générale,
les Juifs de la dispersion conservèrent intacts leur religion et
leur culte. Sans doute, il y eut des apostasies, il y eut des
consciences qui s'accommodèrent d'une mixturejudéo-païenne;
ce furent toujours des exceptions. Sans doute aussi, la pensée
juive fut influencée par la pensée grecque, mais ce fut à l'avan-
tage de la pensée juive. Elle y laissa de son particularisme, elle
reconnut que quelques rayons de l'éternelle Vérité filtraient dans
les ténèbres du paganisme et elle y associa ses clartés pour
faire luire une lumière plus intense dans les esprits que les
grands problèmes rendaient soucieux.
Alors que les autres religions de l'Orient se fondaient dans le
syncrétisme de l'époque, la religion juive se maintint bien
caractéristique, sûre de ses deux dogmes fondamentaux: l'unité
(i) Les cas de double civilité étaient fréiiuents eu Asie Mineure des le
premier siècle avant notre ère. Certains mettaient même grand honneur
à obtenir les droits civiques dans plusieurs localités.
(2) On trouvei'a mention de <iuelques autres privilèges dans Bel\blier,
Art. Citoyen romain du Dictionnaire de la Bible, de VlGOUROUX, l. IL
col. 789-791.
.3) Cfr. SCHURER, IILpp. i3[-i34.
(4) Cfr. Chapot. Ojj. laud., p. i85.
222 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXAXDRE
et l'immatérialité de Dieu ; l'assurance qu'une Providence
poursuivait dans la conduite de l'humanité une fin béatifiante et
rémunératoire (i). Fort de cette inébranlable persuasion, le
judaïsme hellénique poursuivit un but d'apologétique et de
prosélytisme qui ressort clairement du nombre de ses produc-
tions littéraires (2).
On a parfois voulu établir une ligne de démarcation bien
tranchée entre le judaïsme palestinien qu'on se plait à repré-
senter impitoyablement ibrmaliste et rigoriste et le judaïsme
hellénique qui aurait abdiqué — sinon répudié — tout léga-
lisme, pour s'en tenir à des préceptes religieux et moraux à
caractère absolument universel. Rien de plus faux que
cette opposition ainsi irréductiblement présentée. Il laisse
entre les deux une diftérence de degrés et de tendance, non
de nature.
Les Juils de la diaspora entretinrent avec ceux du sol pales-
tinien des rapports suivis et intimes et ils conservèrent avec eux
les attaches religieuses qui faisaient des uns et des autres les
fervents et les fidèles d'un même culte.
Nous constations déjà qu'annuellement on envoyait à
Jérusalem la capitation du didrachme et l'argent des offrandes
destiné au temple. Mais, en dehors de cela, tout en se dispensant
de la casuistique pharisaïque, on observait scrupuleusement
dans la dispersion les préceptes concernant le sabbat, ainsi
que ceux se rapportant aux aliments et à la pureté légale (3),
et on y célébrait également les néoménies et les diverses fêtes
de l'année.
Un grand moyen de maintenir l'intégrité de ces observances
consistait dans les réunions pieuses aux synagogues les jours
de fête et le sabbat. Philon (4) nous apprend que « ce jour là
» par toutes les villes sont ouvertes des milliers d'écoles où
(i) ScHilRKR, III, pp. i55 ss., montre qiià côté tle l'eugouemeut de
l'époque pour les religions de l'Orient ces dogmes étaient précisément ce
qu'il y avait de plus attrayant dans le .Judaïsme et en facilitait le prosé-
lytisme auin'ès des païens.
(2) Pour celles-ci consulter Schurer, III, §.§ 33 et 34, pp. 420-71G.
(3) Les satires des auteurs païens au sujet des .Juifs et de leurs pra-
tiques eu sont une preuve manifeste. Cfr. Schiirer, III. pp. i5i-i53.
(4) De septenario et festis diebus, II, p. 282.
jusqu'à la domination romaine. 223
» l'on enseigne la prudence et la tempérance, la force, la jus-
» tice et toutes les autres vertus ». Il suffit d'ouvrir les Actes
pour voir S. Paul entrer dans les synagogues de toutes les
villes d'Asie Mineure et.de Grèce qu'il visita.
Les grandes cités comptaient plusieurs et quelquefois de
particulièrement belles synagogues, telle, la Diapleuston
d'Alexandrie, construite en forme de basilique, avec ses sep-
tante sièges dorés ; on la disait le plus beau monument de la
ville, et la tradition talmudique ne se lassait pas de l'admirer ;
et, encore, la synagogue principale d'Antioche, si opulente, au
dire de Josèphe, par son décor et ses trésors (i).
Dans les réunions synagogales, le grec était la langue cou-
rante, même pour la lecture des livres saints; nous en avons
une preuve dans les emprunts faits par S. Paul à l'Ancien
Testament, emprunts toujours faits d'après la version grecque.
Dans la diaspora ces réunions revêtaient d'autant plus d'im-
portance qu'elles devaient compenser en quelque sorte la pri-
vation des sacrifices désormais monopolisés au seul temple de
Jérusalem; des repas sacrificiels furent, de plus, accommodés-
certains jours, notamment aux fêtes de Pàque et des Taber-
nacles.
A cette centralisation rigoureuse du culte juif, il fut néan-
moins dérogé en Egypte, par un fait d'ailleurs unique dans la
dispersion, à savoir, l'érection d'un temple juif à Léontopolis.
Lorsque après l'insurrection machabéenne, sous le règne
d'Antiochus V Eupator, Onias IV, le fils du grand-prêtre
Onias III (2), se vit, par suite des circonstances, écarté du
souverain pontificat, il fut accueilli avec bienveillance en
Egypte par Ptolémée VI Philométor et son épouse Cléopàtre.
Sur sa demande de pouvoir bâtir un temple à Jahvé et d'accom-
plir ainsi la prophétie dTsaie, XIX, 18, 19, le roi lui laissa la
disposition d'un temple païen abandonné, dans le nôme d'Hélio-
polis, à l'est du delta (3). Onias le transforma autant que pos-
(1) Bell.Jud.,\. VII, ch. 3, ?; 3.
(2) Ctr. SCHiiRER, III, p. 144. »ote 33
(3) La localité de Léoutopolis dont il s'agit ici est à distinguer d'une
autre plus connue, de même nom, et située beaucoup plus au Nord.
224 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
sible sur le modèle du sanctuaire de Jérusalem et y organisa le
culte avec les prêtres et les lévites qui l'avaient suivi.
Les rabbins ne reconnurent guère la légalité de ce culte et
n'attribuèrent qu'une valeur toute relative aux sacrifices qu'on
y offrait (i), mais on ne voit pas trace d'un antagonisme entre
les deux sacerdoces léontopolitain et hiérosolymitain, pareil à
celui qui existait entre ce dernier et les prêtres du Garizim. Les
Juifs d'Egypte continuèrent à venir en pèlerinage à Jérusalem
et leurs prêtres, lorsqu'ils se mariaient, avaient soin de faire
examiner la généalogie de leur épouse dans les registres offi-
ciels (2). L'attachement des Juifs de la dispersion au temple et
à la ville sainte se manifestait d'ailleurs à l'occasion des grandes
fêtes (3). Flave Josèphe estime à 2,700,000 le nombre de ceux
qui, venus de tous les coins du monde, se pressaient à pareille
occasion dans les murs de la métropole juive (4).
Il nous reste à dire un mot sur la traduction des livres saints
faite en grec à l'usage des Juifs helléniques.
Après le retour de la captivité, l'hébreu, comme langue par-
lée, avait été supplanté par l'araméen ; il le fut par le grec
depuis la conquête d'Alexandre, et surtout les Juifs établis hors
de la Palestine s'en servirent de moins en moins. Ce seul motif
suffit à expliquer la nécessité d'une version grecque des livres
saints. Tels qu'ils sont fournis par la lettre du Pseudo-Aristée,
les détails se rapportant à la genèse de l'événement sont pour la
plupart légendaires, à commencer par le nombre 70 des inter-
prètes auxquels serait due la traduction.
Tout ce qu'on peut admettre, c'est que le Pentateuque était
traduit avant le dernier quart du IIP' siècle, car, dans son his-
Josèphe nous dit que ce temple se trouvait daus la campagne de Bubastis
{Ant , 1. XIII, ch. 3, §2) et qu'il était distant de 180 stades de Memphis
{Bell. Jud., 1. VII, ch. 10, g 3). Correspondaut à cette distance, il y a
encore aujourd'hui le Tell-el-.Tehudijeh, que MM. Xaville et Flinders-
Pétrie n'hésitent pas à identifier avec l'endroit où devait se trouver ce
temple. Il subsista jusqu'en 78 de notre ère. Cfr. ScHiiRER, III, pj). 42.
144 ss. et surtout note 34 de j). x45.
(i) Cfr. SciiiiRER, III, p. 147, note 3G.
(2) Contra Apion., 1. 1, g 7.
(3) Cfr. Phii,ox, De Monarchia, 1. II, p. 223.
(4) Bell. Jnrf.,1. yi, ch.g, §3.
jusqu'à la domination romaine. 225
toire des Juifs « \Uf: twv év tt, 'lojoa-.â ^^as'.yiwv » , dont la chrono-
logie s'arrête avec le règne de Ptolémée IV Philopator (222-
2o5), l'helléniste Démétrius montre qu'il connaît la loi juive.
La lettre d Aristée prétend que la version aurait été faite sur
l'ordre de Ptolémée II Philadelphe (284-247) et pour la biblio-
thèque royale. Les inclinations bibliophiles et le tempérament
syncrétique de ce roi rendent la chose possible, encore que
l'inexactitude des autres renseignements concernant les circon-
stances de la traduction, ne donnent pas toute garantie sur ce
point particulier.
Il est à remarquer que tous les livres delà Bible n'ont pas
■été traduits à la même époque ni par les mêmes auteurs. Les
traductions sont très inégales, les unes très libres, les autres
littérales à l'e.N'cès; en général, la langue est, dans son vocabu-
laire et son stvle, le grec alexandrin des troisième et deuxième
siècles, tel que nous le présentent également les papyri de
l'époque et de la contrée.
Comme le prologue de l'Ecclésiastique grec, écrit en l'an 38
de Ptolémée VII Evergète II, c'est-à-dire en i32, nous fait
entendre que la Loi, les Prophètes et d'autres livres sacrés
étaient déjà traduits, on peut présumer qu'au premier siècle
avant notre ère, la traduction de l'ensemble, tant des proto que
des deutéro-canoniques, aura été achevée. Pour certains livres
il doit y avoir eu des traductions rivales, par exemple, pour les
Juges, Daniel, Tobie; mais on peut dire qu'en général le texte
que nous possédons est originaire d'Alexandrie et que dès lors
il s'appelle à bon droit alexandrin (i).
Après avoir étudié comment le Judaïsme s'est répandu et
comporté au dehors , voyons ce qu'il était devenu et quelles
conditions lui étaient faites dans la terre ancestrale.
Pendant le troisième siècle, Lagides et Séleucides s'étaient
constamment livré la guerre au sujet de la possession des terri- Antiochus
toires svriens méridionaux. Mais ce ne fut que sous le règne
(i) Voir SWETK. An Introduction to Ihe old Testament in Greek. pp. 289-
341.
i5
226
DEPUIS LA CONQUÊTE D ALEXANDRE
d'Antiochus III le Grand, que la Palestine passa aux mains
des rois de Syrie (i).
Une première fois en 218, Antiochus réussit à occuper la
Palestine jusqu'au
Sud du Carmel, mais,
quelques mois après^
Ptolémée IV Philo-
pator s'étant ressaisi ,^
lui enleva ses pre-
mières conquêtes à la
bataille de Raphia en
217. Il guerroya alors
dans l'Asie Mineure
et dans l'Inde, où ses
succès lui valurent
Tétradrachme attique d'Antiochus I Soter.
a/ Tête diadémée d'Antiochus I.
r/ Apollon assis sur l'omphalos tenant une flèche
dans la main droite, de la gauche s'appuyant
sur un arc. Monogramme des deux côtés.
BASIAEÛS ANTIOXOY
d'être appelé « Antiochus le Grand ».
L'avènement de Ptolémée V Epiphane, qui succéda en bas
âge à son père Ptolémée IV Philopator, en 204, sembla favo-
riser les desseins de revanche d'Antiochus sur rEg3'pte. Il
reprit les territoires syriens perdus à Raphia; mais, obligé de
tourner ses armes contre le rovaume de Pergame, il perdit à
nouveau ses conquêtes jusqu'à ce que la bataille de Panéas,
en ig8, le mit définitivement en possession de la Palestine, qui
passa ainsi des Lagides aux Séleucides.
Les Juifs avaient eu à souffrir de ces dernières luttes quels
que fussent les vainqueurs fAiit., 1. XII, ch., 3, §3), et les
Samaritains avaient profité du désarroi pour dévaster leur
territoire et massacrer les habitants (1. XII, ch. 4, § i) : aussi
virent-ils avec satisfaction la domination syrienne donner à
leur situation un peu de stabilité.
Flave Josèphe nous a conservé des ordonnances émises par
(i) Le fh!ij)itre XI du livre de Daniel indique schémati(]uement les
luttes des deux dynasties rivales depuis leurs fondateurs jusqu'à Ptolé-
niée VII Physcon et Antiochus IV Ei)iphane. Comme le peuple juif n'est
pas mis en cause dans les événements des versets 1-20, si ce n'est incidem-
ment au verset 4i nous renvoyons pour cette partie aux interprétations
données soit dans la gi'aude Bible de Crampon, soit à l'article Ptolémée du
Dictionnaire de ViGOUROUX, tome V, col. 840 85G.
JUSOU A LA DOMINATION ROMAINE. 227
Antiochus en faveur des Juifs (A lit., 1. XII, ch. 3, §§ 3, 4).
Comme ils avaient accueilli avec honneur le triomphateur et
ravitaillé son armée, il ne voulut pas se laisser vaincre en géné-
rosité. Il ordonna la restauration de la ville et du temple,
détermina les offrandes qui devaient être faites à ses frais,
permit au peuple de vi\re conformément à ses lois, immunisa
les membres du sanhédrin ainsi que le clergé de tout tribu, et
tacilita matériellement le retour de ceux qui avaient été forcés
de quitter Jérusalem. Il sanctionna en outre la défense laite aux
étrangers de franchir l'enceinte du temple réservée aux seuls
Juifs et défendit l'introduction des animaux impurs dans la
ville.
Antiochus crut que sa politique vis-à-vis de rEg3'pte serait
appuvée par le mariage de sa fille Cléopàtre avec Ptolémée \'^
Epiphane ; mais la fille, qui avait reçu la Cœlé-Syrie, la Phéni-
cie et la Palestine en dot (i), prit le parti de son époux et se
garda bien de seconder les vues de son père.
Les années suivantes il remporta des succès éclatants en
Asie Mineure, jusqu'à ce qu'il se heurta aux Romains; Scipion
l'Asiatique lui infligea une défaite humiliante à Magnésie du
Sipyle en igo. Antiochus tomba aux mains des vainqueurs et
dut accepter les conditions draconiennes dont le premier
livre des Machabées, VIII, 7, 8 et I, 11, nous a conservé
le souvenir : un tribut de guerre colossal s'élevant à
i5,ooo talents euboïques (plus de 8,3oo.ooo francs), à payer
endéans les douze ans (2). Comme garantie, il dut livrer des
otages, parmi lesquels son second fils (plus tard Antiochus IV,
Epiphane). En plus, il eut à céder à Eumène II, roi de Pergame,
qui avait prêté main-forte aux Romains à la bataille de
Magnésie, les riches contrées des Ioniens, des Mysiens et des
Lydiens.
Pour faire face à ces obligations il voulut piller un temple
dans l'Elymaïde (cfr. Diod. Sic, 1. 29). Il semble bien que
(i) A la mort de cette princesse, ces provinces furent de nouveau récla-
mées par les Séleucides; nous les savons certainement possédées à nou-
veau par Antiochus IV P^piphane au commeucemeiit de son règne. Cfr.
I Mach., I, II, 14 ; 2 Mach., IV, 22.
(2) Eu 173, Antiochus IV Epiphane eut eucore à solder le restant.
228 DEPUIS LA CONQUÊTE d'ALEXAXDRE
c'est ce fait là que rapporte le second livre des Macha-
bées, I, j3-i6. Quand le roi et son escorte lurent entrés dans
le temple, les prêtres fermèrent les portes et accablèrent les
sacrilèges d'une grêle de pierres. Antiochus périt de la sorte,
en 187.
Séleucus IV Son f^^g^ Séleucus IV Philopator, lui succéda. De ses rapports
Philopator. ^^^^ ^^^ Juifs nous ne connaissons que les détails rapportés par
2 Mach., III, 3-40. Au verset 3, il nous est dit que « Séleucus
fournissait de son revenu toute la dépense nécessaire au service
des sacrifices ». Mais, pressuré comme son père par l'écrasant
impôt des Romains, il chercha détentes les manières les moyens
de s'en acquitter; la suite du récit biblique nous rapporte ainsi
l'attentat dirigé par son ordre contre les trésors du temple de
Jérusalem (i). Simon, l'administrateur des biens du sanctuaire,
était en mésintelligence avec le grand-prêtre Onias III. Il
instigua Apollonius, le gouverneur de la Cœlé-Syrie, de ren-
seigner Séleucus sur les trésors renfermés dans le temple pour
que le roi les accaparât, sous prétexte que ce trésor excé-
dait de loin ce qu'il fallait pour l'entretien des sacrifices.
Séleucus chargea un de ses intimes, Héliodore, de s'en
emparer. Onias eut beau représenter que la grande partie de
ces biens consistait en dépôts faits par des particuliers, le minis-
tre prétendit exécuter la volonté de son maître. Mais le jour où
lui et sa suite voulurent réaliser leur dessein, une puissance
surnaturelle les en empêcha. Ce même Héliodore empoisonna
(i) Ou s'est plu à discréditer plus que de juste la valeur histox-ique des
faits rapportés par le second livre des Machabées SchûreriIII, pp. 482-489)
met au point les difficultés soulevées a leur sujet et, tout en ne reconnais-
saut à cette « rhetorisclie Darstellung « qu'une autorité relative, il opine
que « Andererseits bietet docli das zweite Makkabilerbuch, nameutlicli iu
der Vorgescliichte der mukkabaisehen Erhebung, eine Fiille selbstandigeu
Détails, au dessen Geschiohtligkeit, /u zweifeln kein Grund vorliegt».
Il s'agit donc d'examiner pour chaque récit en particulier ce qui s'opiiose
à sou historicité. On sait dailleurs que l'auteur inspiré de cet écrit s'est
mis entièremenl à couvert, rendant responsable des faits racontés Jasou
de Cyrène, dont il résume les cinq livres, « laissant à celui-ci le soin de
traiter exactement chaque chose. » (II, ug.) Tout ce qu'il se proposait,
c'était de résumer fidèlement une chronique i)liis étendue dont il ne garan-
tit pas autrement l'exactitude.
jusqu'à la domixatiox romaine. 229
plus tard son souverain, essayant, sans y réussir toutefois, de
s'emparer du trône en lyS.
Quelques mois avant sa mort, Séleucus IV avait obtenu des
Romains la mise en liberté de son frère Antiochus, en le rempla-
çant comme otage par son propre fils Démétrius. Celui-ci aurait
du succéder à son père, mais Antiochus, son oncle, s'empara de
la rovauté, grâce à ses intrigues (Dan., XI, 21), après avoir eu
raison de la compétition d'Héliodore. Sous son règne les Juifs
devaient subir la persécution religieuse qui amènerait le soulè-
vement des Machabées et une nouvelle ère d'indépendance
pour la nation.
Nous avons vu qu'aux débuts de la restauration juive,
c'étaient des gouverneurs perses qui détenaient le haut pouvoir
sur la communauté renaissante; mais vers la seconde partie de
la période perse, l'administration suprême fut confiée au grand-
prêtre, qui avait à rendre compte de sa gestion à son souve-
rain.
Le chef religieux était donc à la fois le chef politique : cette
situation caractérisait très bien le petit Etat juif, à la reconstitu-
tion duquel les exigences cultuelles avaient présidé. Le souve-
rain pontificat était à vie et héréditaire ; il était secondé par un
conseil d'anciens appelé « Sanhédrin » (i).
Voici tels qu'ils nous sont connus par les sources juives, les
dignitaires qui en furent investis depuis l'époque d'Alexandre
jusqu'au moment qui nous occupe.
Onias I, fils de Jaddua, que i Mach., XII, 7-20 nous voyons
avoir été en relations fort amicales avec Aréius, le roi de
Sparte.
Son fils Simon /, surnommé le Juste, à cause, dit Josèphe,
(Ant., 1. XII, ch. 2, § 4), de sa piété et de sa bonté. Il se pour-
rait toutefois que Josèphe le confonde avec Simon II (2).
Eléasar, frère du précédent. S'il faut en croire le Pseudo-
(i) Nous nous étendrons davantage sur le fonctionnement et la eomposi-
tiou du sanhédrin, quand nous traiterons la période romaine, où il nous
faudra tenir compte des diverses tendances politiques qui se heurtaient au
sein de cette assemblée.
(2) Cfr. SciiiiRER, II, pp. 4iy, 420.
23o DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
Aristée, c'est à lui que Ptolémée II Philadelphe, aurait
envoyé une ambassade en vue d'obtenir soixante-douze (six de
chaque tribu) hommes de choix pour traduire la loi juive en
grec (i).
Manassé, oncle d'Eléazar {Ani., 1. XII, ch. 4, § i).
Onias II, fils de Simon I. Il eut la réputation d'un homme
avare et sordide, faisant des difficultés pour payer le tribut à
Ptolémée III Evergète {Ant., 1. XII, ch. 4, § i).
Simon II, son fils, qui prit un soin particulier de l'embellis-
sement du temple et des fortifications de la ville ; c'est à lui que
se rapporte la magnifique description du chapitre cinquantième
de V Ecclésiastique le montrant dans toute la majesté du pontife
officiant.
Enfin Onias III, fils de Simon II, qui s'opposa à la tentative
sacrilège d'Héliodore et devait mourir assassiné lâchement
(2 Mach., III, IV).
Nous savons qu'Alexandre et les premiers diadoques mon-
trèrent des dispositions favorables pour les Juifs ; plus que
jamais leur administration fut autonome, pourvu que les impôts,
qui s'élevaient à vingt talents d'argent, fussent régulièrement
payés [Ant., 1. XII, ch. 4, § i).
Au moment où nous sommes arrivés, c'est-à-dire au com-
mencement du deuxième siècle,rEtat juif ne devait comprendre
que la seule province de Judée, enclavant à peu près l'ancien
ro3'aume de Juda, dont la limite Nord était en deçà de Sama-
rie. Encore faut-il en défalquer les villes côtières et l'une ou
l'autre située au milieu du pays juif, comme Ekron et Gézer,
habitées par des populations païennes. La Transjordane
n'avait rien de commun avec le territoire juif. Quant à la
Cisjordane, elle était, en dehors de la Judée, encore divisée en
trois districts séparément administrés : la Samarie, la Phénicie
et la Cœlé-Syrie ; l'un des deux derniers aura englobé la
Galilée.
Il y avait cependant en Palestine des Juifs en dehors du
territoire de la Judée, notamment en Samarie, Galilée et
Galaad ; mais là leur situation était souvent pénible, comme
{
(i) Edition SWETE,§ 33. Cfr. Antiq., 1. XII, ch.
jusqu'à la domination ROMAINIC, 23l
il ressort manifestement de i Mach., V, g-5^; XI, 34 : le pays
juif proprement dit était donc territorialement très réduit.
Quant à l'esprit de la communauté palestinienne, il était
travaillé par le double courant déjà observé dans la diaspora,
mais, si dans celle-ci les circonstances avaient amené un accord
souvent heureux entre le judaïsme et l'hellénisme, en Palestine
elles devaient accentuer dava.ntage les caractères différents de
•chacun de ces deux l'acteurs.
Du jour où Xéhémie avait solennellement renouvelé l'alliance Les Scribes
par la proclamation de la loi, celle-ci était devenue de plus
en plus normative et inspiratrice de la vie juive, et la ferveur
individuelle visa à une observance ponctuelle de chaque
précepte.
On sentit dès lors la nécessité de recourir à des interpréta-
tions autorisées des diverses ordonnances, et, comme les pres-
criptions du Pentateuque trouvaient leur appui ou leur appli-
cation de fait dans les autres livres historiques, prophétiques
et didactiques de la littérature sacrée, on s'adonna à une étude
svstématique de tous ces écrits, mais tout spécialement de la
loi ou Thora, en vue d'une règle de v^ie pratique et sûre.
Il se forma dès lors une classe spéciale d'hommes faisant
de l'étude de la loi leur occupation exclusive et l'on peut
dire professionnelle ; au temps d'Esdras et plus tard encore,
ce furent des prêtres, mais lorsque l'influence hellénique
orientera les membres du haut sacerdoce vers la culture
païenne, nombre de laïques se feront les interprètes et les
défenseurs zélés de la loi de leurs pères ; ils constitueront
comme une caste opposée à celle des prêtres ; à partir
d'alors, ils deviendront les vrais docteurs de la nation.
Ils sont connus sous le nom de CID^Û, -'pa;j!.y.a-£r;, scribae,
encore voa-.xo'l, vo;j.oot.oà3-xa).o'.; Josèphe {Ant., 1. XVII, ch, 6, § 2)
les appelle -arpûov i^y.vY-a'. vô;jlwv, à l'époque de la Mischna ils
seront désignés par □"'*2Dn : les sages; à partir de l'époque néo-
testamentaire on leur donnera le titre de "^zi, monseigneur, qui
deviendra alors un nom d'étiquette (Mat., XXIII, 7), que le
Nouveau Testament rend souvent par y.ùz'.z, o-.oaTxaAc, i-'.rràTa.
232
DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
L'Hellé=
nisme
en
Palestine.
L'Ecclésiastique XXXVIII, 24 -XXXIX, 11, nous prouve
quelle considération auréolait le docteur de la loi au deuxième
siècle (i); particulièrement belle est la perspective ouv^erte à
celui qui applique son esprit à la loi du Très-Haut (XXXIX^
6-11) :
6. Si c'est la volonté du Seigneur
Il sera rempli de l'esprit d'intelligence;
Alors il répandra à flots ses sages paroles,
Et dans sa prière il rendra grâce au Sf igneur.
7. Il saura diriger sa prudence et son savoir,
Et il étudiera les mystères divins.
8. Il publiera ses sages enseignements.
Et il se glorifiera de la loi de l'alliance du Seigneur,
g. Beaucoup loueront son intelligence.
Et il ne sera jamais oublié ;
Sa mémoire ne passera pas
Et son nom vivra d'âge en âge.
10. Les peuples raconteront sa sagesse.
Et l'assemblée célébrera ses louanges [autres],.
11. Tant qu'il est en vie, son nom reste plus illustre que mille
Et quand il se reposera, sa gloire grandira encore.
(Eccli , XXXIX, 611.)
Mais à côté de ce mouvement si essentiellement religieux,
s'étaient aussi fait jour en Palestine les tendances de l'hellé-
nisme. Comment en aurait-il été autrement? Le petit territoire
de Judée était enclavé de toutes parts par des cités helléniques
(cfr. 2 Mach., VI, 8) et les rapports avec celles-ci devaient
nécessairement amener dans les domaines linguistique, indus-
triel, artistique, scientifique, et dans les mœurs de la vie cou-
rante une modificatipn dans le sens de cette culture universelle.
Antiochus
IV
Epiphane
Au commencement du deuxième siècle l'hellénisation devait
être très accentuée en pa3'S judéen. Il se dessina, en effet, à
Tavènement d'Epiphane un mouvement intense en faveur des
(I) Sur les scribes et leur autorité voir ScHiiRER, II, ^ 25, Die Schrift-
gelehrsiimkeit, pp. 363-44(J, toutes réserves laites — cela va saus dire —
sur l'élaboration du concept d'inspiration de l'Ancien Testament, tel que
l'auteur l'admet dans ces pages.
jusqu'à la domination romaine. 233
mœurs païennes; un groupe de Juifs se fit appuyer par le roi ;
pour la réalisation de leurs desseins ils construisirent un gym-
nase à Jérusalem, et firent disparaître les marques de leur
circoncision (i Mach., I, 12-16). Par opposition à ces gréco-
philes se forma alors le parti des zélateurs de la loi : celui des
2"'TCn ou ' X'T'.Zci.w. (i Mach., II, 42), parti qui, comme le
prouveront les nombreuses apostasies au début de la persé-
cution d'Antiochus, n'exerçait, hélas ! pas une influence prépon-
dérante sur les esprits.
Les procédés brutalisants et persécuteurs qui tendront à une
suppression absolue du culte juil auront comme effet d'arrêter,
momentanément du moins, les infiltrations hellénisantes et
préserveront de manière définitive ce culte de toute influence
étrangère.
Les détails que nous fournissent les écrivains anciens sur le
caractère d'Antiochus IV Epiphane, nous dépeignent cet
homme comme un despote, un excentrique et un dissipateur,
aftectant en plus les manières les plus vulgaires et tombant
dans les excès les plus divers !i). Aussi Polybe, son contem-
porain, lui donna-t-il le sobriquet d'i-iuav/; «t maniaque »
au lieu du titre d'iTT'/^av/,; (2).
Plus encore que ses prédécesseurs, Antiochus rêvait d'éten-
dre la culture grecque et il la voulait aussi bien dans le domaine
religieux que dans les autres. Il devait rencontrer en Palestine
un parti favorable à ses desseins et déchaîner contre le parti
opposant une persécution d'autant plus impitoyable.
Le chef du parti hellénophile était le propre frère du grand-
prêtre Onias III ; il avait changé son nom hébreu Jeshoua ou
Jésus en celui de Jason (AnL, 1. XII, ch. 5, ^ i). Le second
livre des Machabées, IV, 7, 22, nous édifie sur sa conduite : à
prix d'argent, il obtint d'Antiochus le souverain pontificat en
(i) Cfr. Poi.VBE, 1. XXVI. s 10, passage principal. DiODORE DE Sicile,
1. XXIX et ?vXXI. Ptoi.émée VII Ever<;éte II dans Frugm. hist. Grœc,
III. 1). 186. IIÉEiODORE dans Fragm. hist. Gner, IV, p. 420.
(2) C'est labréviatiou de Ssos 5^:^stv«;. litre que portent certaines
de ses monnaies. Il s'identiliait de la sorte avec Iloriis. « le dieu apparais-
sant, se levant » comme le soleil. C'est un litre que se sont donné i>lu-
sieurs des diadoc^ues.
234 DEPUIS LA CONQUÊTE D'aLEXANDRE
faisant destituer son frère; il introduisit les mœurs et les diver-
tissements grecs, corrompant ainsi la jeunesse et entraînant les
prêtres à des exercices profanes dans la palestre. Il poussa si
loin l'oubli et le mépris de son caractère pontifical, que, lors des
jeux quinquennaux à Tvr, il fit porter trois cents drachmes
d'argent pour offrir un sacrifice à Hercule. Trois ans durant
(174-171), il forfit delà sorte à ses devoirs jusqu'au jour où il
se vit supplanté par un ri\'al. Un certain Ménélas, frère de ce
Simon qui avait instigué l'attentat d'Héliodore, profita de la
mission dont il était chargé de transmettre à Antiochus le mon-
tant de certaines redevances, pour renchérir sur la somme
offerte jadis par Jason comme prix de la dignité pontificale. Quoi-
qu'il ne fut pas de race sacerdotale, il reçut ses lettres d'inves-
titure et Jason dut s'enfuir sur territoire ammonite. Cependant
Ménélas avait pris des engagements qu'il n'était pas à même de
remplir. Sommé de venir s'expliquer, il confia momentanément
le pontificat à son frère Lysimaque. Entretemps le roi dut
s'occuper personnellement de la répression d'une révolte qui
avait éclaté à Tarse et à Mallas ; profitant du répit, Ménélas
enleva du temple plusieurs vases de prix pour s'acquitter de
ses promesses, et comme il encourut de ce chef les reproches
du vieux pontife Onias, il le fit massacrer traîtreusement à
Daphné, près d'Antioche. Ménélas s'entendit avec son frère
pour dépouiller toujours davantage le trésor sacré; une émeute
s'en suivit; L3'Simaque alors fit commettre des violences par
une bande de trois mille hommes armés par lui; mais elle fut
accueillie à coups de pierres et de débris et Lysimaque périt
lui-même dans l'échauffourée. Comme de juste, le peuple rendit
Ménélas responsable de tous ces faits et l'en accusa auprès
d' Antiochus. Le coupable, flattant la cupidité de quelques
fa\'oris du roi, réussit malgré tout à se rendre celui-ci favorable;
ses accusateurs furent mis à mort et lui-même se maintint dans
sa dignité. (2 Mach., IV, 23-5o.)
Cependant Jason n'avait pas renoncé à l'espoir de récupérer
sa charge. En 170, Antiochus dirigea une expédition en Egvpte.
A la mort de Ptolémée V Epiphane en 181, Cléopâtre avait
gouverné le pays au nom de son fils âgé seulement de six ans.
Mais après la mort de Cléopâtre, en 173, les ministres qui
jusqu'à la domination romaine. 235
régentaient l'Egypte pour le compte du jeune Ptolémée VI
Philométor, voulurent reconquérir les provinces syro-palesti-
niennes. Antiochus prit les devants et Philométor lui-même
tomba pour quelque temps entre ses mains. Au cour.? de
cette expédition un taux bruit de la mort d'Antiochus avait
enhardi Jason. Sans tarder, il rassemble un millier d'hommes,
et s'empare à l'improviste de Jérusalem, forçant Ménélas à se
barricader dans la citadelle et massacrant bon nombre d'habi-
tants. Sur ces entrelaites, on apprit les victoires d'Epiphane
en Egypte (i Mach., I, 20, 21). Jason n'eut qu'à s'enfuir; il
regagna le pays des Ammonites, fut emprisonné ensuite par
Arétas I, le souverain des Nabatéens, s'échappa en Egypte et
finit par mourir misérablement à Lacédémone. (2 Mach.,
V, i-io.)
Lorsque Antiochus apprit les troubles qui avaient agité Jéru-
salem, il crut à une révolte; rendu plus intolérant par les succès
qu'il venait de remporter en Egypte, il tomba sur la capitale
juive, massacra en trois jours plus de quarante mille hommes
et en réduisit autant en esclavage. Guidé par Ménélas
lui-même, il s'en prit ensuite au temple qu'il pilla entièrement
et dont il convova les trésors à Antioche. Depuis ce moment
l'oppression commença et l'indigne pontife, aidé par les officiers
rovaux, terrorisa véritablement la ville sainte, (i Mach., I,
22-29; 2 Mach., V, 11-23.)
Lorsque Antiochus s'était emparé de Philométor, les Alexan-
drins qui ne voulaient pas du Syrien comme roi, avaient proclamé
Ptolémée VII Ph3'scon, frère de Philométor, Après le départ
d'.\ntiochus, les deux frères et leur sœur, appelée aussi Cléopà-
tre, s'étaient entendus pour régner de concert. Cet accord parut
à Antiochus néfaste à ses visées et, en 168, il entreprit une nou
velle campagne contre l'Egypte. Exigeant officiellement recon-
nues la possession de Chypre, qui lui avait été livrée par la
trahison du gouverneur Ptolémée Macron (2 Mach, , X, 1 3) , ainsi
que la possession de la ville de Péluse, il n'avait pas reçu assez
tôt à son gré le consentement des souverains égyptiens. Déjà
il se dirigeait sur Memphis, lorsque intervint une puissance
inattendue. Le général romain Popilius Lœna lui communiqua
un ordre du Sénat, lui enjoignant de renoncer à tout plan de
236 DEPUIS LA CONQUÊTE D'aLEXAXDRE
conquête sur l'Egypte, s'il ne voulait pas se déclarer ennemi
de Rome. Il n'eut qu'à se résigner : mais, n'ayant plus rien à
espérer de ce côté, sa rage s'assouvirait sur les Juifs, au détri-
ment desquels il réaliserait à tout prix ses desseins. (Dan.,
XI, 29 ss.)
En 168-167 il envoya à Jérusalem un commissaire des
impôts, appelé Apollonius, accompagné de fortes troupes. On
n'eut pas à se faire illusion sur le but qui l'amenait : un jour de
sabbat, il donna le signal de l'attaque. Nombre d'hommes furent
massacrés, quantité de femmes et d'enfants réduits en escla-
vage, la ville pillée et brûlée, les maisons et les remparts abat-
tus, le bétail capturé et le temple profané.
Ceux qui avaient échappé s'empressèrent de fuir la ville
sainte qui se peupla d'étrangers. C'était bien ce à quoi Antio-
chus et Apollonius avaient visé : helléniser et paganiser Jéru-
salem et par là toute la Judée. Afin de se garantir contre tout
retour offensif et de constituer une perpétuelle menace pour le
reste de la ville, les Syriens se fortifièrent sur la partie Sud de
la colline orientale, c'est-à-dire au Sud du temple dans le haut
de la cité primitive de David sur l'Ophel. Ils entourèrent cette
position, qui fut appelée 1' "Axpa, d'une forte muraille munie de
puissantes tours faisant face au temple en contre-bas. Cette
acropole était si bien fortifiée qu'elle défiera pendant plusieurs
années encore les Machabées après leurs victoires (i). C'est
dans cette enceinte que fut entassé le butin pris sur les habi-
tants et réalisé un important dépôt d'armes et de provisions.
A partir d'alors ce fut la persécution ouverte dans tout le
territoire juif. Elle nous est décrite dans toute son horreur
I Mach., I, 43-56 :
(i) Ou ne comprend pas comment Flave Josèphe, Ant., 1. XII. cli. 5, § 4
et 1. XIII, ch. 6. S 0, puisse dire que Vxxpa dominait le temple. Comme telle^
nous ne connaissons que la forteresse érigée près du temple et ai)pelée
^ipti ou àxpoTtoÀti. Xous savons, en effet, par Xéhémie II. 8, VII. 2, (ju'il y
avait une forteresse au Xord du temple. C'est de cette acropole-là qu'il
est question 2 Mach., IV, 12, 27, V, 5. Elle fut rebâtie par les Asmonéens,
comme nous le verrons, et agrandie plus tard jjar Ilérode. ()ni lui donnera
le nom d'Antonia. Il est évident qu'elle n'est pas à identifier avec Va/pa
des Syriens; de nombreux détails nous le prouveront encore ultérieure-
ment. Cfr. ScHiiRKR, I, pp. i«j8, 199, note 37.
jusqu'à la domination romaine. 237
(( Le roi Antiochus publia un édit dans tout son royaume,
pour que tous ne tissent plus qu'un seul peuple et que chacun
abandonnât sa loi particulière. Tous les gentils se conformè-
rent à l'ordre du roi. Beaucoup d'Israélites consentirent aussi
à suivre son culte ; ils sacrifièrent aux idoles et profanèrent le
sabbat. Le roi envoya des lettres par des messagers à Jérusa-
lem et aux autres villes de Juda, leur ordonnant de suivre les
coutumes des étrangers au pays, de faire cesser dans le temple
les holocaustes, les sacrifices et les libations, de profaner les
sabbats et les fêtes, de souiller le sanctuaire et les saints, de
construire des autels, des bois sacrés et des temples d'idoles,
et d'offrir en sacrifices des pourceaux et d'autres animaux
impurs, de laisser leurs enfants mâles incirconcis, de se souiller
eux-mêmes par toutes sortes d'impuretés et de profanations,
de manière à leur faire oublier la loi et à en changer toutes les
prescriptions. Et quiconque n'obéirait pas aux ordres du roi
Antiochus, serait puni de mort.
(c Telles sont les lettres qu'il publia dans tout son ro3'aume,
et il établit des surveillants sur tout le peuple; il commanda
aussi aux villes de Juda d'offrir des sacrifices dans chaque ville.
Beaucoup de Juifs, tous ceux qui abandonnaient la loi, se
rallièrent aux Syriens; ils pratiquèrent le mal dans le pays, et
réduisirent les Israélites fidèles à se cacher dans toutes sortes
de refuges ».
L'exemple des nombreux apostats judéens fut imité par la
nation samaritaine : les Samaritains protestèrent vouloir faire
leurs les mœurs païennes et dédièrent leur temple du Garizim
à Jupiter hospitalier {Ant., 1. XII, ch. 5, § 5).
Le i5 Kislev de l'an 146 des Séleucides (= décembre 168) se
commit « l'abomination de la désolation » dont parle le livre de
Daniel XI, 3i. Sur l'autel des holocaustes fut dressée la statue
de Jupiter Olympien (i). On y sacrifiait le 25 de chaque mois.
Quiconque osait manitester encore la moindre attache à la loi
juive était impit03-ablement mis à mort (i Mach , I, 57-64;
2 Mach., VI, i-ii). Cependant la défection n'était pas générale;
(i) Quelques auteurs sont d'avis que ce culte s'adressait à Antiochus
Epiphaue lui-même. Cfr. Schurer, I. p. :>oo, note 38.
238 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
le lait seul que les édits sanguinaires étaient suivis de nom-
breuses exécutions, prouve abondamment qu'il }• avait des âmes
héroïques préférant le martyre à toute concession. Le deuxième
livre des Machabées nous rapporte le combat et le triomphe du
vieillard Eléazar et d'une famille de sept frères a^'ec leur mère
(VI, 18-VII, 42).
Mais là ne se borna pas l'opposition aux lois du tyran ; bien-
tôt éclata la révolution à main armée. Une famille sacerdotale
originaire de Modin (i Mach., XIII, 25) (i) se mit à la tête de
Machabées. ^'insurrection. Un jour que les officiers royaux vinrent à Modin
pour organiser des sacrifices, ils s'adressèrent à Matathias, afin
qu'il donnât l'exemple de la soumission aux ordres reçus et usât
de la considération et de l'influence dont il jouissait pour
entraîner ses concitoyens. Un fier et catégorique refus suivit
ces infâmes propositions. A ce moment un Juif se détachait
d'un groupe de lâches pour sacrifier ; le saint prêtre s'élança sur
lui et le tua sur l'autel païen; il poignarda également le com-
missaire roval et renversa l'autel ; ensuite il s'enfuit dans la
montagne avec ses fils Jean, Simon, Judas surnommé Macha-
bée, Eléazar et Jonathas. Un certain nombre de Juifs restés
fidèles se retirèrent alors avec leurs familles et leurs troupeaux
dans le désert (2).
Une division de la garde syrienne de Jérusalem se mit à leur
poursuite un jour de sabbat. Les malheureux, au total d'un
(i) La mosaïque de ^ladaba nous eu donue remplaceuieut avec exacti-
tude : MÛAEEIM . H NYN MÛAI0A . EKTA.YTHC HCAN 01 MAKKABAIOI. C'est
actuellement le village d'el-Medijeh à l'E -S.-E. de Lydda à l'oi'ée de la
montagne.
(2) Quelle est la signification de ce mot dans l'Ecriture ?
Il désigne non pas une région absolument aride, comme les déserts du
Nord de l'Afrique, mais s'api>lique à toute contrée inapte à la culture
des champs. Les déserts de Palestine sont des steppes ou landes (jui
venioyent pendant la saison des pluies et peuvent aloi's servir de
pâturages; aussi les arabes nomades y mènent-ils à ce moment leurs
troui)eaux. Mais cette saison passée, ces régions offrent un aspect inculte
et méritent l'appellation <Ie désert.
Dans l'occurrence il est question du désert de .Tuda, comprenant le ver-
sant oriental des montagnes de .luda à l'Ouest de l'Arabali. de la mer
Morte et du.Tourdain jusqu'à Jéricho.
Sur les différents déserts de Palestine voir l'arlicle Désert » du Die- ■
tioimuire de VuiOCROLX, t. II, col. iSSy-iSo'i.
jusqu'à la domination romaine. 239
millier, crurent ne pas pouvoir se défendre un pareil jour et se
laissèrent exterminer.
Matathias et les siens se dirent qu'avec de tels scrupules
c'en serait bientôt fait de la résistance, et ils prirent le parti de
se détendre en toute circonstance. Un groupe d'Assidéens, ainsi
qu'une poignée d'autres désireux de s'opposer à la persécution,
se joignirent à eux. Cette armée de braves parcourut le pays,
détruisant les autels sacrilèges, circoncisant de force tous les
enfants qui ne l'étaient pas, tuant les apostats et rendant ainsi
le courage à la nation abattue.
Le digne Matathias ne put pas longtemps diriger la révolte.
Il mourut en 167-166, exhortant ses fils à poursuivre la guerre,
leur proposant Simon comme conseiller suprême et Judas
comme chef militaire ; il les encouragea par la pensée qu'à tous
les âges, quiconque espère en Dieu, ne succombe pas.
On l'enterra, dans le tombeau de ses pères, à Modin
(I Mach., II).
Le commandement suprême avait passé en mains fortes.
Judas le « Machabée » ou le « Martel » (i), caractérisé Judas
« comme un lion dans l'action, comme le lionceau rugissant Machabée.
sur sa proie » (l Mach., III, 4), allait, avec une rapidité décon-
certante, reprendre le dessus sur les Syriens. On voudra suivre
les détails des péripéties dans i Mach., III-IV, 35. En voici
les grands traits : les deux généraux syriens, Apollonius,
secondé par des troupes levées en Samarie, et Séron furent
défaits l'un après l'autre à peu d'intervalle. En i66-i65, Antio-
chus, une fois de plus à court d'argent, voulut diriger lui-même
une expédition en Perse pour lever des impôts ou piller quelque
trésor; et ce fut Lysias, régent de l'empire, qu'il chargea,
exaspéré qu'il était par le désastre de ses troupes en Judée,
d'anéantir jusqu'au nom juif et de repeupler la contrée par des
étrangers. Le ministre envoya une armée de 40,000 fantassins
et 7,000 cavaliers sous la conduite des généraux Ptolémée,
Nicanor et Gorgias ; elle dut céder devant l'intrépidité des
(i) C'esi encore l'iicceptiou lu plus probable que yixxxa^xtôi doive être
rendu pur "ZJT'^ aruméeu, correspondaut ù l'hébreu PZp"; (lui signifie
« marteau ». Cfr. Schùrer, I, p. 204, note 47-
240 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
troupes machabéennes. Dans l'automne de i65, Lysias conduisit
lui-même 65,ooo hommes contre les Juifs; une fois de plus
ceux-ci eurent le dessus et le Syrien jugea prudent de retour-
ner à Antioche pour y lever du renfort. Judas profita de ce
répit pour rétablir le culte à Jérusalem. L' "Axpa était restée
aux mains des ennemis; pour qu'ils n'entravassent pas l'œuvre
de restauration, un corps de troupes fut détaché pour sur-
veiller la citadelle.
Le temple fut dédié de nouveau le 25 Kislev i65, trois ans
après sa profanation par les païens ; pendant huit jours on se
livra à des festivités et il fut décidé que tous les ans on commé-
morerait l'événement avec la même solennité (i). Jérusalem
avait été désertée par ses habitants; pour lui rendre sa sécu-
rité, on fortifia la colline orientale de hautes murailles et de
fortes tours, on y laissa un détachement pour sa défense et
l'on fortifia également la localité de Beth-Sour (i Mach., IV,
36-6i) (2).
Il s'agissait à présent de châtier les nations voisines qui
avaient harcelé les Juifs en butte aux persécutions syriennes :
furent ainsi ravagés, la montée d'Acrabim dans le Sud de l'Idu-
mée (3), les environs de la mer Morte et le territoire ammo-
nite dont la ville de Jaser (4) avec sa banlieue tomba aux
mains de Judas.
Sur ces entrefaites, il arriva des appels de détresse de la
part des Juifs habitant en Galaad et en Galilée maritime, où ils
étaient persécutés par les gentils. Simon partit à la tête d'une
troupe pour la Galilée, tandis que Judas envahit la Transjor-
dane. L'un et l'autre mirent ces peuples à la raison, mais par
(I) C'est la fête appelée .Joa. X, 22. ïyxahty.
[•>) Actuellement Beit-Souxv colline naturellement bien défendue à
I 1/2 h. au Nord d'IIébron. Comme elle commandait la route conduisant à
cette localité, elle avait une importance particulière pour surveiller les
mouvements de l'Idumée.
(3) Entre la mer Morte et Cadès-Barné dans la dix-ectiou du S.-O.,
région appelée aussi Acrabathane.
(4) Dans Jos., XIII, 26, Jazer est mis en rapport avec Ilésébon.
Nimrah,etc.Eusèbe et Saint-Jérome la placenta lomilles romains à l'Ouest
de Philadelphie. Couder croit l'identifier avec lieit-Zérah au Nord
•d'IIésébou. Cfr. Names and Places. ... pp. 1J7, 98.
jusqu'à la domIxXation romaine. 241
mesure de précaution ils firent sortir leurs compatriotes de ces
deux contrées et les établirent en terre judéenne. Les deux
Machabées avaient confié, pour le temps de leur absence,
les intérêts de la Judée à deux chefs militaires. Ceux-ci entre-
prirent une expédition imprudente contre Jamnia où restait
Gorj^ias av-^ec ses troupes et y laissèrent deux mille des leurs.
Cette perte fut compensée par une nouvelle expédition de Judas
en terre édomite et philistine; il démantela Hébron et les loca-
lités de son ressort, tomba sur Asdoud dont il renversa les
autels païens et revint en Judée avec un riche butin. C'était là
une tentative d'expansion de la puissance juive, tentative cou-
ronnée de succès, (i Mach., V.)
Pendant que les affaires syriennes se gâtaient de la sorte en
Palestine, Antiochus Epiphane avait couru lui aussi à un échec.
Comme jadis Antiochus III, il avait conçu le dessein de s'empa-
rer des trésors fabuleux d'une ville de l'Elymaïde (i) et des
richesses accumulées dans son temple par Alexandre le Grand.
Les habitants l'avaient contraint à une humiliante retraite ; il
était en voie de regagner Babylone, lorsqu'il apprit les désas-
tres infligés à ses généraux par les Juifs et se sentit atteint d'un
mal incurable. D'après ce qui se dégage de 2 MaCh., IX, ce
mal aurait été le résultat de ses débauches. Il mourut rongé de
douleurs et de remords en 164, après avoir confié la régence de
l'empire et la tutelle de son fils Antiochus V Eupator à un de Antiochus
ses généraux, Philippe, son frère de lait. Celui-ci se vit bientôt ^
arracher l'une et l'autre fonction par l'ambitieux Lysias qui "''^ ^''"
administrait la Syrie en l'absence du roi; il jugea prudent pour
l'heure de se retirer en Egypte auprès de Ptolémée VI Philo-
mélor. (I Mach., VI, 1-17; 2 Mach., IX, 29.)
A Jérusalem, 1' "Axoa continuait d'être pour les Juifs un dan-
ger toujours menaçant Judas résolut de la détruire et dressa
contre elle ses machines de guerre en i63-i52. Quelques-uns
des assiégés parvinrent à s'enfuir avec plusieurs Israélites hel-
lénisants, dont la situation devenait précaire sous les Macha-
bées, et ils allèrent réclamer à Antioche le secours du jeune roi
(i) L'auteur du i)remier livre des Machabées ne la nomme pas' dai)rès
ie deuxième livre des Machabées, IX, 2, ce serait Persépolis.
iG
242 DEPUIS LA CONQUÊTE D'aLEXANDRE
Eupator (i) et de son tout-puissant tuteur Lysias. Le roi et
son ministre se mirent aussitôt à la tête d'une armée formidable
et envahirent la Judée par l'Idumée, établissant leur camp
devant Beth-Sour. L'infâme Ménélas, espérant se voir rétablir
dans sa dignité, vint se joindre à eux, mais, convaincu d'être la
cause initiale de tout le soulèvement, il fut mis à mort (2 Mach.,
XIII, 3-8) (2). Judas jugea prudent de lever le siège de 1' "Axpx
pour venir à la rescousse des troupes juives. L'engagement eut
lieu à Beth-Zacharia (3) et dès le commencement de l'action
six cents hommes de l'armée syrienne tombèrent ; mais, malgré
toute la bravoure dont les Juifs firent preuve, ils virent qu'ils
finiraient par être écrasés sous les forces ennemies, et tâchèrent
de se retirer avec le moins de pertes possible. Beth-Sour dut se
rendre et fut investie d'une garnison syrienne ; peu de jours
après, les machines de guerre furent dressées contre la monta-
gne de Sion.
Par malheur, on était en pleine année sabbatique et,
conséquemment, on n'avait pas eu de récoltes; aussi était-ce
le manque de provisions qui avait forcé Beth-Sour à capituler ;
déjà la garnison de Jérusalem était réduite à toute extrémité,
déjà on prévoyait les terribles représailles des vainqueurs, lors-
que l'attention de ceux-ci fut distraite par un danger autrement
menaçant. Philippe, qui s'était vu supplanter par Lysias, avait
jugé le moment favorable de revendiquer ses droits. Les trou-
pes qui avaient accompagné Antiochus IV Epiphane en Perse
et en Médie, venaient de rentrer, et, assuré de leur appui, Phi-
lippe, revenu d'Egypte, s'était rendu maître d'Antioche.
A cette nouvelle, Lysias, sentant son influence menacée,
remontra au jeune roi les inconvénients de prolonger dans ces
conjonctures la lutte avec les Juifs, et le persuada de leur recon-
naître le droit « de vivre selon leurs lois comme auparavant, car
(1) Les auteurs anciens varient sur l'âge (lu'il avait en succédant à sou
père; il ne dépassait certes pas les douze ans.
(2( Daprès Ant., 1. XII, cli. 9, §7, Ménélas ne fut mis à mort qu'ai)rès le
retour dAntioclius V en Syrie. L'auteur de li Mach. et Flave Josèplie sont
d'accord pour le faire mourir à Bérée.
(3) A mi-chemin entre Jérusalem et Beit-Sour; la localité porte encore-
le même nom.
JUS(.)U A LA DOMINATIOX ROMAINE. 243
)) c'est à cause de ces lois que nous avons voulu abolir, qu'ils
» se sont irrités », On négocia avec les assiégés qui sortirent
alors de la forteresse; malgré ses serments, AntiochusV fit raser
les fortifications du Sion; mais, somme toute, les Juifs gagnaient
la cause, pour laquelle cinq ans plus tôt ils avaient saisi les
armes. Précipitamment, l'armée regagna Antioche où elle eut
raison de Philippe cpii tut exécuté (i Mach., YI, i8-63 : A ut.,
1. XII, ch. 9, §7)(i)-
Les luttes avec les Syriens n'étaient pas terminées. Toutefois,
dorénavant l'enjeu ne serait plus le libre exercice de la religion
juive, qui ne sera plus menacé, mais bien l'indépendance poli-
tique, ou mieux encore la prédominance au sein de la nation de
l'un ou de l'autre des deux partis rivaux : le parti hellénique et le
parti judéo-national, auxquels les monarques svriens prêteront
leur appui au gré de leurs propres intérêts ou des circonstances.
On comprendra aisément que les allophiles avaient été tenus
en respect sous le mouvement machabéen ; aussi ne cher-
chaient-ils qu'une occasion de ressaisir leur influence perdue :
un changement de règne en Syrie la leur fournit.
C'était au détriment de son neveu qu'Antiochus IV Epiphane liémétrius
s'était emparé du pouvoir; dépossédé de la sorte et otage des I
Romains, Démétrius avait attendu la mort de son oncle pour
solliciter du Sénat la reconnaissance de ses droits au trône de
Syrie, mais il essuya un refus. Il avait alors vingt-trois ans.
Grâce à la complicité de Polybe, il réussit à s'échapper,
débarqua à Tripolis de Syrie, s'y proclama et s'y vit aussitôt
reconnu par l'armée, qui lui livra Antiochus V et son ministre
Lysias; tous deux furent mis à mort en 162. Aussitôt une délé-
gation du parti grécophile conduite par un certain Alcime, — de
Soter.
(t) Les faits compris entre le triomphe remporté sur Gorgia«! et
Nicanor et la paix conclue en 162 sont autrement rapportés par i Mach.,
IV-VI, et 2 Mach., VIII-XIII. i» Après la première campagne désastreuse
(le Lysias, que 2 Mach. place après la nouvelle dédicace du temple, alors
(pie I Mach. la place aua«^, 2 Mach. parle d'un traité de pai.x que i Mach.
ignore totalement, a" Les luttes avec les nations voisines placées par
2 Macli. en diverses circonstances sont plus suivies dans i Mach., V.
S'' D'après 2 Mach.. IX. la mort d'.\ntioclius Kpiphaue serait arrivée avant
la purification du temple par Judas .Machabée.
244 DEPUIS LA CONQUÊTE D ALEXANDRE
son nom juif Jakim, — vint représenter au nouveau souverain que
Judas — qu'ils accusaient d'entretenir des troubles — et ses
frères avaient fait périr les amis du roi et les avaient expulsés
eux-mêmes de leur terre; ils demandaient, par suite, aide
et protection. Aussitôt Démétrius octroya à Alcime ( i ) le
souverain pontificat et le fit escorter d'une troupe conduite par
Bacchidès.
Judas ne se fia pas au message de paix d'Alcime, mais
un groupe de scribes et les Assidéens, assez naïfs pour croire
« qu'un prêtre de la race d'Aaron ne pourrait les mal-
traiter » (2), l'acceptèrent aussitôt. Mal leur en prit, car le
fourbe pontife commença par faire mettre à mort soixante hom-
mes, et, Bacchidès lui ayant laissé des troupes pour le défendre,
il s'en servit pour persécuter les Juifs fidèles. Judas ne perdit
pas courage ; implacablement il poursuivit les apostats et fit
sentir sa puissance, au point qu' Alcime se réfugia auprès de
Démétrius pour se faire soutenir. Une nouvelle armée conduite
par Nicanor arriva à Jérusalem, Une tentative de s'emparer
de Judas par ruse échoua. Alors on en vint immédiatement aux
armes à Capharsalama (3); Nicanor y perdit cinq cents hom-
mes (4). Furieux de ce premier échec, le général svrien monta
à la colline de Sion, où il outragea les prêtres venus à sa ren-
(1) Jusqu'à sa mort Ménélas était toujours resté graud-prêtre eu titre,
mais ou a difficile à admettre qu'après la restauration du culte ou lui ait
permis d'exercer ses fonctions. i> Mach., XIV, 3, il est dit qu'AIcime avait
<lc'jà été grand-prètre avant sa nomination à cette dignité par Démétrius I,
mais que lui aussi s'était souillé pendant le temps des troubles. La ques
tion se pose si Onias IV, fils d'Onias III, n'a i)as rempli quelque temps les
fonctions pontificales; on s'expliquerait mieux de la sorte que, lors de la
nomination d'Alcime, il ait pi'is le parti de se retirer en Egypte et d'y
instaurer le culte juif. 'Cfr. supra pp. ;>'>3-i>24 )
(2) Ce détail de l'origine sacerdotale d'Alcime relevé i Mach., A'Il, 14,
est contredit par Joskphe Ant., 1. XII, ch 9, § 7. C'est à tort, car les scribes
et surtout les Assidéens n'auraient pas accueilli avec bienveillance un
pontife de souche profane.
(3) Au Xle siècle on parle d'une Carvasalim aux environs de Kamleh.
Une identification certaine n'a pas encoi'e été faite.
(4) !-■« chiffre de 5ooo donné i Mach., VII, 32, est une erreur. liCS meil-
leurs manuscrits i)ortent 5oo : c'est aussi la leçon que donne la grande
bible de Robert Kstienne de i557 dans son grand texte, qui reprend — eu la
corrigeant parfois — la traduction du célèbre dominicain Santés Pagnino.
jusqu'à la domination romaine. 245
contre pour lui rendre leurs honneurs et les menaça de brûler
le temple si Judas et son armée ne lui étaient livrés. Il alla
camper alors à Beth-horon où un renfort S3'rien vint encore se
joindre à ses troupes, tandis que Judas établit son campement
à Adasa au Nord-Ouest de Beth-horon.
Le i3 Adar 161 fut livré le combat décisif. Nicanor tomba
l'un des premiers. A cette vue, une panique générale s'empara
de son armée : elle se débanda, et les fu\-ards qui se réfugiaient
dans les villages des alentours furent massacrés jusqu'au der-
nier. Tel fut le triomphe, qu'une fête fut instituée pour le com-
mémorer chaque année (i Mach., VII; c'est l'action qui ter-
mine le second livre des Machabées).
Judas comprit bien que les choses n'en resteraient pas là et
qu'il lui faudrait livrer de nouvelles luttes; il chercha à se faire
des alliés; ceux-ci étaient tout indiqués : depuis le règne d'An-
tiochus III le Grand, les Romains s'étaient fréquemment jetés
en travers des ambitions syriennes et les surveillaient de près ;
c'est à eux que Judas s'adressa. Il leur envoya en ambassade
deux de ses partisans, Eupolème et Jason, pour conclure un
pacte d'amitié et d'alliance et pour que les Romains l'aidassent
à se débarrasser du joug syrien. Le Sénat accueillit favorable-
ment la requête; il fut entendu que les ennemis des Romains
le seraient des Juifs et réciproquement, et sans toutefois s'enga-
ger à fond (c les Romains combattront avec les Juifs selon que
les circonstances le leur permettront ». En même temps, le
Sénat notifia à Démétrius qu'il eût à ménager les Juifs, s'il ne
voulait pas s'attirer l'inimitié et les armes de Rome.
Les Syriens néanmoins n'avaient pas tardé à venger le désastre
de Nicanor; tandis que l'ambassade juive était en route (i), le
roi, apprenant la défaite de son général, envo3'a en Judée de
nouvelles forces, cette fois encore sous le commandement de
Bacchidès ; c'était en Nisan, donc un mois après la mort de
Nicanor. Aux vingt-deux mille hommes des Syriens, Judas ne
pouvait en opposer que trois mille. En présence de cette inéga-
lité, la grande partie des combattants juifs quittèrent les
rangs ; il n'en resta que huit cents qui ne voulurent pas aban-
(i) I Mach.. VIIL 19, il est dit (jue le vovage fut très long.
246 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDKE
donner Judas, tout en lui dissuadant l'engagement dans de
pareilles conditions. Il répliqua fièrement : « Si notre heure est
venue, mourons bravement pour nos frères et ne laissons pas
une tache à notre gloire ». L'armée syrienne s'était divisée en
deux corps ; avec sa poignée d'hommes, Judas parvint à défaire
l'aile droite commandée par Bacchidès et se mit à sa poursuite,
mais alors l'aile gauche prit l'armée juive par derrière; celle-ci
fut enveloppée et Judas y laissa la vie. Jonathas et Simon firent
emporter son cadavre et inhumer « le héros qui sauvait Israël jj,
dans le tombeau de ses pères, à Modin. (i Mach., VIII, 1-22.)
De nouveau le parti hellénisant triomphait; c'était dans son
sein que Bacchidès se choisit les administrateurs du pays et,
quant aux partisans de Judas, il les fit rechercher pour se
venger d'eux. Ils ne perdirent pas courage et demandèrent à
Jonathas Jonathas de vouloir remplacer auprès d'eux son frère et repren-
dre son commandement. Au début il ne put guère qu'engager
des escarmouches avec les troupes de Bacchidès ; on se harce-
lait réciproquement sans grand avantage de part ou d'autre.
Toutefois Bacchidès se précautionna contre un retour sérieuse-
ment offensif, en créant ou en consolidant plusieurs places
fortes, en divers endroits du pays, les munissant de garnisons
et de vivres; de plus, il enferma comme otages dans la citadelle
de Jérusalem les fils des principales familles.
A cette même époque, Alcime heurta une foi.s de plus les
sentiments des Juifs pieux, en donnant l'ordre d'abattre l'en-
ceinte qui séparait le parvis intérieur de celui des Gentils ;
il le fit dans le but de donner à ceux-ci, tout comme aux Juifs,
libre accès à l'intérieur du temple. La mort le surprit bien-
tôt après et l'entreprise fut arrêtée. Cro3^ant la tranquillité du
pays complètement assurée, Bacchidès retourna auprès de
Démétrius.
Malgré toutes les dispositions qu'on avait prises pour l'éner-
ver, le parti de la résistance se consolida derechef, au point que,
deux ans après, en i58, la sécurité dont il jouissait inquiéta et
vexa ses adversaires, qui engagèrent Bacchidès à une nou-
velle répression. Le général s'amena une fois encore avec ses
troupes ; il aurait voulu s'emparer par ruse des chefs du mouve-
ment machabéen, mais son dessein fut éventé par Jonathas
jusou'a la domination romaine. 247
qui, en revanche, exécuta une cinquantaine des comploteurs;
cela fait, il alla se retrancher avec Simon dans la localité
fortifiée de Bethbasi (i). Bacchidés vint assiéger la place, mais
en vain. Tandis que Simon continuait la défense, Jonathas par
vint à sortir avec une petite troupe pour attaquer des partisans
de Bacchidés; après quoi il se tourna contre les assiéj^eants eux-
mêmes. Ils firent volte-face; Simon aussitôt risqua une sortie,
détruisit leurs machines de guerre, et, grâce à leurs efforts
réunis, les deux frères Machabées eurent raison de l'ennemi.
Cet échec indisposa souverainement Bacchidés contre les
Juifs qui l'avaient appelé dans le pays ; il en fit mettre plusieurs
à mort, et décidé à ne plus remettre les pieds sur le sol palesti-
nien, il fit la paix avec Jonathas et lui rendit les prisonniers de
guerre.
Jonathas s'établit à Michmas. où il exerça en fait l'autorité
souveraine. Les hellénisants perdirent de plus en plus. Pendant
quelques années la paix rendit au pays sa prospérité et attacha
la masse de la nation à ses lovaux défenseurs.
C'était donc le triomphe du mouvement national ; désormais
les prétendants au trône de Syrie, pour trouver appui se tour-
neront, non plus vers les Juifs grécisés, mais vers les chets
nationaux, les Machabées.
En i53, il s'éleva contre Démétrius I un compétiteur. C'était
un jeune homme originaire de Smyrne, offrant de la ressem-
blance avec Antiochus Eupator, et se prétendant fils d'Antio-
chus Epiphane. Proprement, Alexandre Balas était de condi-
tion très humble, mais Attale II de Pergame avait jeté sur lui
son dévolu pour l'opposer à Démétrius, et il se vit reconnu par
les Romains et soutenu par Ptolémée \T Philométor d'Egypte
et Ariarathe V de Cappadoce. Le despotisme de Démétrius
l'avait rendu impopulaire auprès de ses propres sujets .syriens
■et il pouvait avec raison craindre que les Juifs ne lui fussent
pas fort sympathiques. Afin de les gagner à sa cause, il se hâta
de leur faire des avances. Tous les otages encore retenus dans
r "Âxoa furent relâchés; la ville et le Sion lurent fortifiés de
Alexandre
Balas.
(i) Iclentifiée par .Toski'IIK. Ant., 1. XIII, eh. i Jî 5, avec Heth-Aglah,
aujourd'hui Aïii-IIaglah' au S K. de Jéricho.
248
DEPUIS LA CONQUÊTE d'aLEXANDRE
nouvelles murailles, Jonathas eut plein pouvoir pour lever des
milices, et les citadelles du pays, à part Beth-Sour et 1' "Axpa
se vidèrent des étrangers qui s'y maintenaient.
Mais, pour avoir Jonathas de son côté, Alexandre Balas
renchérit encore sur ces concessions de Démétrius. Il l'institua
grand-prêtre et, en signe de son pouvoir suprême lui envoya la
pourpre et le diadème à la fête des Tabernacles de i53. C'était
le reconnaître officiellement comme chef de la nation- juive.
Lorsque Démétrius
eut appris que son rival
l'avait emporté auprès
des Juifs, il leur adressa
un rescrit promettant
des privilèges tels qu'ils
durent paraître invrai-
semblables (i Mach.,
X, 26-45) : aussi s'en
Tétradrachme cf Alexandre Balas.
a/ Tête laurée d'Alexandre Balas.
b/ Aigle aux ailes ployées sur un éperon de .
galère. Devant l'aigle la massue d'Hercule tinrent-ils à leur alliance
surmontée du monogramme de Tyr, se -pi td 1 -i-
~ ~~ '-••iTci^ oalas . 1 enclant
décomposant T V P. T E P = an 163
des Séleuc. ;= i5o av. J. C.
BA2IAEÛS AAEîANAPOY
avec calas, ir^en
quelque temps les forces
des deux adversaires se
contre-balancèrent, mais en i5o, l'action décisive s'engagea et
Démétrius y perdit le trône avec la vie. Peu après, Alexandre
Balas épousa à Ptolémaïs (l'ancienne Akka) la fille de
Ptolémée VI, Cléopàtre; Jonathas fut invité à la solennité,
comblé d'honneurs et nommé gouverneur militaire et civil de
la Judée.
Lors de linvasion de la Syrie par Alexandre Balas,
Démétrius I avait envo3'é son fils, de même nom, dans l'île
de Cnide. Démétrius II se fit des partisans dans l'île de Crète
et débarqua en S3'rie l'an 147. Le gouverneur de la Cœlé-Syrie,
Apollonius, prit son parti, tandis que Jonathas resta fidèle à
Balas. Apollonius le provoqua dans la plaine philistine, mais
il lut défait et Jonathas, après avoir brûlé Azot avec les envi-
rons et reçu les hommages des Ascalonites, rentra à Jérusalem
avec un riche butin. Balas lui donna alors la possession d'Ac-
caron (Ekron) et de son district (i Mach., X).
Alexandre Balas était, dans toute la force du terme, un inca-
JUSOU A LA DOMINATION ROMAINE. 249
pable(i); il lut abandonné de ses sujets et de ses troupes, et
Ptoléniée VI d'Egypte, voyant l'instabilité de tous ces règnes
syriens, crut l'occasion favorable pour s'assujettir le territoire
asiatique. A la tète d'une forte armée, il remonta la côte médi-
terranéenne jusqu'à Séleucie maritime (N.-O d'Antioche),
laissant des garnisons dans toutes les villes qu'il traversait,
puis, sous prétexte que son gendre avait dirigé un attentat
contre lui {Ant., 1. XIII, ch. 4, ^5 ô), il enleva Cléopâtre
qu'il donna en épouse à Démétrius II, et ceignit lui-même
la couronne d'Asie. Alexandre Balas réprimait à ce moment
un soulèvement de la Cilicie. Indigné de la trahison de son
beau-père, il s'avança contre lui, mais il fut défait dans la
plaine d'Antioche et contraint de s'enfuir à Abas en Arabie, où
il périt de la main du cheikh Zabdiel, auprès de qui il s'était
réfugié.
Ptolémée lui-même, grièv^ement blessé à la tête pendant la
bataille, succomba quelques jours après : les garnisons ég3-p-
tiennes postées dans le pays furent massacrées et Démétrius II,
appelé désormais Xicator, put inaugurer sa royauté en 145
(I Mach., XI, i-ig).
X^onobstant ce changement de règne, Jonathas se crut à Démétrius
même de faire évacuer 1' "Axpa : la garnison syrienne l'occu- Il
pait toujours; il se décida à l'assiéger. L'entreprise fut dénon-
cée à Démétrius II par les Juifs de l'opposition, et le roi
signifia à Jonathas de lever le siège et de v-enir le trouver aussi-
tôt à Ptolémaïs. Jonathas devait être conscient de l'importance
que le monarque syrien attacherait à son alliance, car, tout en
se rendant à l'entrevue désirée avec tous les présents d'usage,
il donna l'ordre formel de continuer le siège de la citadelle.
Malgré les préventions qu'on tâcha de faire naître dans l'esprit
de Démétrius contre le prince juif, il confirma celui-ci dans
toutes ses dignités. Il donna une exécution définitive à une
décision prise jadis par Démétrius I (i Mach., X, 38), notam-
ment celle de rattacher à la Judée trois cantons de Samarie :
Nicator.
(11 Cfr. DIOUORK UF. Sl( ILE dans Fragm. hisl. Gnec II. p. XVI. .55 XIX.
25o DEPUIS LA CONQUÊTE D'aLEXANDRE
Ephraïra, Lydda et Ramathaïm (i), et sur les instances de
Jonathas, le territoire juif fut déclaré exempt de tout tribut ou
dîme, moyennant payement de 3oo talents. Dans ces conditions
on se sera désisté du siège de 1' "Axpa, qui ne se verra évacuée
que sous Simon. Ce qui avait engagé Démétrius à se montrer
si coulant, c'était, au fond, le peu de stabilité de son trône; il
n'allait pas tarder à l'éprouver.
Tryphon Un ancien général d'Alexandre Balas, Tryphon, profita du
^t mécontentement de l'armée et des Antiochiens contre Démé-
Antiochus ■ • tt i • • i ^.', •> n
yi trius li pour lui opposer un rival. C était un jeune fils
d'Alexandre, Antiochus, qui avait été confié à un Arabe
probablement palmyrénien, nommé Imalkuë. Démétrius
demanda du secours aux Juifs en promettant le retrait des gar-
nisons encore installées dans l'Acra et d'autres endroits du pays.
Jonathas lui envoya trois mille hommes ; ils étouffèrent la
révolte qui venait d'éclater à Antioche où le roi était assiégé
dans son palais, et s'en retournèrent chargés de dépouilles. Le
danger écarté, Démétrius ne tint pas ses promesses. Son étoile
pâlit bientôt. Tryphon revint d'Arabie avec le ieune Antio-
chus VI ; grâce à la défection d'une partie des troupes, Antioche
tomba en son pouvoir et le nouveau roi se hâta de mettre à
profit le mécontentement de Jonathas contre le parjure Démé-
trius II en reconnaissant tous ses titres et en lui envoyant de
riches présents. En même temps Simon, le frère de Jonathas,
fut nommé stratège ou gouverneur militaire du pa37S qui
s'étend depuis l'échelle de Tyr (2) jusqu'à la frontière d'Egypte
(i Mach., XI, 20-59). Cette fois le pouvoir des Machabées
sortait du territoire proprement juif.
D'accord, les deux frères ayant à leur service des troupes
(I) Ephraïm, d'après Bell. Jnd., 1. IV, ch. 9, J:; 9, dans le voisinage de
BéUiel. UOnomasticon d'Eusébe la i)lace à vingt niilliaires au Nord de
Jérusalem. Cl'r. Ki.ostkrmann, Eiisebiiis-Ononitislicon, Leip/ig, Ilinrichs,
1904, ]). 86.
Lvdda, actuellement I^udd.
Ramathaïm, peut-être l'actuelle Beit-Rima au Nord-Est de Lvdda.
('2) L'éehelle de Tyr est un promontoir en granit blanc situé, d'après
Bell. Jud., 1. II, ch. 10, 4; 2, à cent stades au Nord de Ptolémaïs. Elle com-
mence au Nord du Râs-en-Nâkôura.
jusqu'à la domination romaine. 2DI
juives et syriennes, soumirent le pays dont l'administration
leur était confiée. Ascalon ne fit aucune difiîculté, Gaza résista
d'abord, mais dut livrer des otages à Jonathas, qui parcou-
rut le pavs jusqu'à Damas, pendant ijue Simon s'emparait enfin
de Beth-Sour où il mit une garnison juive. Dans la plaine de
Hazor (i) les troupes de Jonathas se heurtèrent à celles de
Démétrius qui furent finalement mises en déroute (l Mach.,
XI, 60-74).
A la faveur de ces circonstances, le prince juii renouvela
l'alliance avec Rome et Sparte puis continua ses opérations
militaires.
Apprenant que les armées de Démétrius se préparaient à une
nouvelle invasion, Jonathas alla à leur rencontre dans la région
de Hamath ; comme elles se retirèrent, il n'eut pas à les com-
battre, mais il s'en prit à la tribu arabe des Zabadéens, qu'il
rançonna, et parcourut une fois de plus la région de Damas.
Simon, resté en Palestine, mit son temps à profit pour
garnir de défenseurs juits, Joppé et Adida (2) dans la Séphé-
lah.
A son retour à Jérusalem, Jonathas en fit exhausser l'en-
ceinte, coupa par un mur toute communication de r--\cra avec
le reste de la ville et décida l'érection de forteresses dans la
Judée. Sa carrière si illustre devait finir de façon tragique.
Tryphon n'avait mis Antiochus ^'I en avant que pour diviser
les forces de Démétrius ; à vrai dire, il n'avait qu'une ambi-
tion : s'élever lui-même sur le trône de Syrie. Craignant que
Jonathas ne contrecarrât ses visées, il résolut de le taire dispa-
raître et il entra avec une armée en Palestine. Averti .Jonathas
vint au devant de lui à Beisan, à la tête de quarante mille hom-
mes. Protestant alors qu'il était venu dans le seul dessein de
lui livrer Ptolémaïs et de mettre à son service les troupes
royales elles-mêmes (3), Tryphon, qui avait d'ailleurs osten-
(1) Nord Ouest du lac Mérom.
(2) Est-Xord-Est de Lydda au Nord-Ouest de Modiu.
(3) Le plan exposé par Ti*yphon, i Mach., XII, 45, n'est pas très clair.
Voulut-il faire entrevoir à .Tonathas quil était prêt à l'appuyer jiour mettre
à son service les ti'oupes fidèles à Antiochus VI et ainsi permettre à
Jonathas de se rendre al)solument indopendant? C'est ce qu'il y a de plus
232 DEPUIS LA COXOUÈTE d'aLEXANDRE
siblement donné à son armée l'ordre d'obéir à Jonathas comme
à lui-même, obtint de lui qu'il renvoyât ses hommes, à l'excep-
tion d'un millier, et l'attira dans les murs de Ptolémaïs. A
peine la troupe juive s'y fut-elle engagée, que les portes delà
ville se fermèrent, qu'on s'empara de la personne de Jonathas
et qu'on massacra son escorte. Les Syriens se mirent à la pour-
suite de deux mille soldats juifs, auxquels Jonathas avait
ordonné d'occuper la Galilée; mais ceux-ci, décidés à vendre
chèrement leur vie, purent regagner le gros de l'armée en Judée
(I Mach., XII). L'indignation et la crainte s'emparèrent du
Simon peuple; Simon se déclara prêt à continuer l'œuvre de ses
Mâcha ee. fj-^^-gg g^- s'entendit aussitôt acclamé comme chef. En toute
hâte, il acheva les travaux de fortification de Jérusalem et
s'assura une échappée sur la côte en éliminant de Joppé l'élé-
ment étranger, qu'il remplaça par des Juifs.
Tryphon, traînant derrière lui Jonathas captif, envahit la
Judée; Simon alla l'attendre à Adida; alors Tryphon, prétex-
tant que Jonathas était retenu pour redevances non pavées au
trésor royal, demanda cent talents d'argent et deux fils de son
prisonnier comme otages. Quoique défiant, Simon satisfit à ces
exigences. Jonathas ne fut pas relâché. Sollicité par la
garde de l'Acra, le fourbe voulut alors arriver à Jérusalem par
Adora (i), mais il en fut empêché par une chute de neige extra-
ordinairement abondante; il se replia directement sur la Trans-
jordane, se défit de Jonathas â Bascama (2) et s'en retourna
en Syrie.
Simon fit recueillir les restes du héros et éleva à Modin un
mausolée magnifique à ses parents et à ses quatre frères, mau-
solée qu'Eusèbe atteste exister encore de son temps (3)
(i Mach., XIII, i-3o). Il devait être donné à Simon de para-
probable. Ou se rend bien fomi)te que les efforts des Machabées visaient
à se consolider dans leurs propres positions et que leur idéal serait d'être
dégagés de tout lien de vassalité. Le fait que Jonathas se laisse séduire
par les i)roi)Os de Ti-j'phon conlirme cette manière de voir.
(i) En pleine Iduniée, sur la même latitude que Gaza, îi mi-chemin
entre cette localité et la mer Morte.
2) Localité inconnue de Trausjordane.
(3) Onoinanticon, édition Ki.ostermaxx, p. i3-2.
JUSQU A LA DOMINATION ROMAINE.
253
cliever l'œuvre des siens en octroyant au peuple juil son auto-
nomie absolue.
De retour en Syrie, Trvphon mit ses projets de i^randeur à
exécution: il ftt périr le jeune Antiochus Vl et ceignit lui-même
la couronne. Alors
Simon fortifia les
citadelles de Ju-
dée et se tourna
vers Démétrius,
■qui, tenu en échec
par le nouveau
compétiteur Try-
phon, ne pouvait
que se féliciter de
l'alliance des Juifs
rompue jadis par
Tétradrachme de Tryphon (i42-i3ç).
a/ Tète diadémée de Trvphon.
r/ BA2IAEQ(S) TP\*ûNOS
AYT0K.PAT0P02.
Casque orné d'une corne dans une couronne.
lui-même. Il fut fait remise de tout impôt encore dû et exemp-
tion de tout tribut à l'avenir. C'était l'indépendance complète :
cette année 143 142, on commença à mentionner dans les actes
et les contrats : Premier e année de Simon, grand -prêtre, général
et ethnarque des Juifs.
Sentant le besoin de consolider ses positions, Simon
s'attaqua à la place forte de Gazara(i), à mi-chemin entre Joppé
et Jérusalem, au débouché de la montagne ; il en bannit les habi-
tants païens, les remplaça par des Juifs fidèles à la loi, et la
donna en résidence à son fils Jean, qui obtint le commande-
ment des troupes. Il réussit aussi finalement à s'emparer de
lAcra à Jérusalem. Depuis quejonathas les avait littéralement
séquestrés, les défenseurs de cette citadelle comprirent que la
situation y devenait intenable ; ils entrèrent en jpourparlers avec
Simon, qui leur donna un sauf-conduit, à condition de quitter
l'Acra. Le 23 du 2'"'^ mois de l'an 142, au milieu des cris d'allé-
gresse, elle fut enfin occupée par les Juifs. Simon se fixa sur la
colline du temple qu'il fortifia (i Mach., XIII, 3i-54),
Avec l'ère de Simon s'ouvrit une période de prospérité pour le
(i) C'est ainsi qu'il faut lire: i Maeh.. XIII, 4^. au lieu de Gaza. Cela
ressort d!Ant.. I. XIII, ch. 6, .^J 6 et de plusieurs autres endroits des quatre
derniers chapitres du i)renuer livre des Machabées.
21)4 DEPUIS LA CONQUÊTE D'aLEXANDRE
pa3^s, dont les frontières avaient été notablement reculées;
l'accès à l'extérieur fut facilité par le port de Joppé, et la
défense assurée par des places fortes dûment garnies (i Mach.,
XIV, 4-7). Très expressive est la description que nous fait le
premier livre des Machabées : « Chacun cultivait en paix sa
terre ; le sol donnait ses produits et les arbres des champs leurs
fruits. Les vieillards, assis sur les places publiques, s'entrete-
naient tous de la prospérité du pays, et les jeunes gens revê-
taient comme un ornement les habits de guerre. Simon distri-
buait des approvisionnements aux villes, et les pourvoyait de
toutes les choses nécessaires à la défense : au point que son
nom glorieux était célèbre jusqu'aux extrémités de la terre. Il
rétablit la paix dans son pays, et Israël se réjouit d'une grande
joie. Chacun était assis sous sa vigne et son figuier, et personne
ne leur inspirait de crainte. Il n'y avait plus d'adversaire pour
les attaquer dans le pa3's ; les rois ennemis furent vaincus en
ces jours-là. Il fut le soutien de tous les malheureux de son
peuple ; il se montra zélé pour la loi et fit disparaître tous les
impies et les méchants. Il glorifia le sanctuaire et multiplia les
ustensiles sacrés » (i Mach., XIV, 8-i5).
En 141, une ambassade fut envoyée derechef à Sparte et à
Rome pour annoncer la mort de Jonathas et l'avènement de
Simon, et confirmer une fois de plus les bons rapports unissant
la nation juive, maintenant si prospère, avec ces deux puissants
alliés (i).
C'était donc, comme nous l'a prouvé la suite des aventures,
l'initiative du prêtre Matathias et de ses fils, qui avait
rendu à leurs compatriotes la liberté religieuse et politique. Le
fait que par là même, cette famille — étrangère à l'ancienne
lignée pontificale — était arrivée au pouvoir saprème, était le
résultat des circonstances et non celui d'une légitimation
I) La nouvelle de la mort de Jonathas et de lavènement de Siuïon
peut être parvenue à Sparte et à Rome avant l'arrivée de l'ambassade
(I Mach., XVI, i(i-i9); toutefois, elle avxra été confirmée officiellement par
les envoyés chargés de renouveler l'alliance (ao-24). Le contexte moutx'e
clairement que cette ambassade est partie en i4i. Comme les envoyés ne
reviennent qu'en i3()/i38, Schûrer (I, pp. 25o, ii5i, note 20) pense que leur
départ a été antidaté. Les raisons qu'il apporte ne nous semblent pas
convaincantes.
jusqu'à la domination romaine.
255
d'ancienne date. Mais ils avaient trop bien mérité de la religion
et de la patrie pour que leur suprématie ne tut maintenant
officiellement reconnue.
Le i8 Elul (septembre) 141, il se tint une assemblée des
prêtres, des chefs et des anciens du peuple où furent rappelés
tous les titres acquis par Simon et ses frères cà l'éternelle recon-
naissance de la race et sanctionnées officiellement les dignités
déjà possédées en fait d'àpy.cps'j;, TTcaTY.yo; et èOvâpyY.; pour
Simon à jamais, jusqu'à ce que paraisse un prophète digne de
foi {i Mach., XIV, 41).
Cette dernière formule impliquait l'hérédité de la charge, à
moins d'une dérogation divine formelle (i Alach., XIV, 16-49).
La dynastie asmonéenne (i) était dès lors légalement inau-
gurée.
Sur ces entrefaites, Démétrius II, sollicité par les Grecs de
Mésopotamie et escomptant leur appui contre Tryphon, s'était,
cette même année 141, engagé dans une lutte contre Arsace VI,
le roi des Parthes : il finit par tomber entre les mains de son
adversaireen i39/i38(i Mach. ,
XIV, 1-3; Ant., 1. XIII,
ch. 5, § II). Tryphon n'allait
pas pour cela avoir le champ
libre, car le second fils de
Démétrius I, Antiochus, qui
setrouvaitàRhodes, apprenant
la mésaventure de son frère
Démétrius II, résolut de dis-
puter la couronne à Tryphon.
Avant même de débarquer,
Antiochus VII Sidètes (2)
adressa une lettre à Simon,
lui octroyant, outre toutes les
prérogatives déjà concédées
par les autres rois de Syrie,
Sicle d'Argent.
AJ En écriture archaïque ^iiîTsi'"'^pïï'
(sicle d'Israël) en légende circu-
laire entourant une coupe.
Au-dessus y^ = Jfi2^ ^^ ^^ ^'
r/ En écriture archaïque
nnipnn"''?'»:^!'!'' (Jérusalem la
sainte) en légende circulaire en-
tourant la verge d'Aaron. —
Grènetis.
La plupart des numismates
attribuent cette monnaie à Simon
Machabée, d'autres au temps de
la première révolte (66-70!. Cfr.
Sohùrer I pp. 761 ss.
(Il Ce nom d'.-Js/jio/iêen qui était celui d'un des ancêtres de Matathias
{Ant., 1. XII, ch. (). § I et alil)i) n'est pas mentionné dans les livres des
Machabées.
(2) Appelé ainsi parce que originaire de Sida eu Pamphylie.
La
dynastie
smo-
néenne.
Antiochus
Vil
Sidètes.
256 DEPUIS LA CONQUÊTE d'ALEXAXDRE
celle de battre monnaie. Tr3^phon se vit abandonner de la
plupart de ses troupes et dut s'enfuir à Dora (i) où il fut
immédiatement assiégé par le nouveau prétendant.
A la même époque, les messagers juifs, envoyés à Rome,
venaient de rentrer porteurs de lettres d'alliance, adressées au
grand-prêtre et notifiées en même temps à presque tous les rois
d'Asie Mineure ainsi qu'à plusieurs îles et villes grecques. Les
Romains y signifiaient qu'ils entendaient voir respecter le terri-
toire juii dans son étendue actuelle par tous ces peuples voi-
sins, lesquels auraient à livrer à Simon tout délinquant qui du
territoire juif se serait réfugié chez eux.
Pendant qu'Antiochus VII serrait le siège de Dora, Simon
lui envoya à la rescousse deux mille hommes avec des munitions
et des ressources en argent. Il faut croire que le roi se sentit
assez appuyé, car il refusa les secours qui lui étaient offerts, et
députa Athénobius en mission à Jérusalem : il devait ou récla-
mer la cession des villes et des forteresses dont les Juifs s'étaient
rendus maîtres, ou obtenir que l'on consentit à payer en
échange la somme de mille talents. Simon répliqua au courti-
san que les places récupérées constituaient tout simplement le
patrimoine ancestral, injustement possédé parles ennemis pen-
dant quelque temps ; il offrit toutefois cent talents en échange
de Joppé et Gazara dont la possession était nécessaire pour la
sécurité du pays. Irrité et vexé, Athénobius retourna auprès de
son maître et l'édifia sur la magnificence qui régnait à la cour
de Simon.
Tryphon parvint à s'enfuir par Ptolémaïs (2) et Orthosias
(3) jusqu'à Apamée (4), où il perdit la vie. Comme ce fut
Antiochus VII lui-même qui poursuivit son adversaire, il aban-
donna à un de ses généraux Cendébée, qu'il institua stratège de
la côte, le soin de régler les affaires juives. Cendébéese fortifia
(i) Sur la côte, au Nord de Césarée.
(2) Frngin. Illst. Gnec, III, p. 644, § 4^-
(3j Sur la côte au Nord de Tripolis.
(4; Il s'agit d'Apainée au S.-S -E. de Laodicée, à peu de distance de la
côte. Ci'r. Ant. 1. III, ch. 7, ^;2.
ji'Sou'a la domination romaine. 257
à Jamnia et dans la localité voisine de Katra (i), d'où il com-
mença à infester les environs. Simon fut averti de ses agisse-
ments par Jean son fils, mais, trop avancé en âge pour diriger
encore une expédition, il en chargea ses deux fils aînés Judas
et Jean. Ils eurent tôt fait de mettre l'ennemi en déroute.
Judas ayant été blessé dans la mêlée, Jean poursuivit les
fuyards à Katra et à Azot qu'il mit en feu après avoir tué deux
mille hommes de l'armée syrienne (i Mach , XV).
Mais, comme ses frères, Simon mourrait de mort violente.
Son gendre Ptolémée, gouverneur militaire du district de
Jéricho, jalousait la famille asmonéenne et rêvait de supplanter
son glorieux chef.
Au mois de Schebat (février) i35, Simon était descendu
à Jéricho avec ses deux fils Matathias et Judas, pour inspecter
les villes de cette région. Ptolémée les reçut dans la petite
localité fortifiée de Dok (2) et les y fit massacrer au cours d'un
festin. La souveraineté tant civile que religieuse revenait au
troisième fils de Simon, à Jean, surnommé Hyrcan (3).
C'est contre lui que le traître devait d'abord se prémunir. Jean
Il envoya un message au roi, pour le mettre au courant des Hyrcan.
événements et lui demander de l'appui, des forces; sur
Gazara il dirigea des émissaires pour se défaire de Jean et
expédia en même temps des troupes pour occuper Jérusalem.
Jean fut averti à temps de ce qui se tramait : les meurtriers
furent tués à leur arrivée, et Jérusalem, accueillant l'héritier
légitime, repoussa Ptolémée (i Mach., XVI; Auû., 1. XIII,
■ch. 7, i^ 4). Celui-ci se retira à Dok; il y fut aussitôt
assiégé par Hyrcan. La place naurait pas opposé une longue
résistance, si Ptolémée ne s'était emparé de la mère et des
frères de son ennemi; à chaque assaut, il suppliciait les êtres
(1) S.-E. de Jamnia à l'intérieur de la côte.
(2) Aujourd'hui 'Ain-Duk, N.-O. de Jéricho.
3) Depuis qu'Artiixerxès Ochos avait déporté des Juifs en Ilyrca-
nie, le nom de 'T^c/avos se rencontre comme ai)pellatif. Assez bien
-d'auteurs veulent que ce nom ait été donné au fils de Simon, parce
(ju'il dut accompagner j)lus tard Antiochus ^'II dans une campagne
•contre les Parthes eu llyrtanie.
17
258
DEPUIS LA CONQUÊTE D ALEXANDRE
chéris et parvint ainsi à tirer le siège en longueur jusqu'au
commencement de la nouvelle année : comme elle était sabba-
tique, Hyrcan dut cesser ses attaques. Ptolémée massacra
les proches de Hyrcan et s'enfuit auprès de Zenon, tyran de
Philadelphie (Aiii., 1. XIII, ch, 8, § i).
Cette première année
de règne i35-i34, si
tristement commencée
se continuerait dans la
lutte (ij. Antiochus VII
tomba sur la Judée, et,
après avoir ravagé les
Tétradrachme phénicien ci' Antiochus VU campagnes , bloq ua Tean
Sîdetès (frappe à Tyr). tt i t/ ,
A/ Tête diaden.ée d'Aotiochus Yii. Hvrcan dans Jérusalem
r/ Aigle aux ailes ployées sur un éperon de ^n COUpant par un mur
galère. Devant l'aigle la massue d'Hercule, et un foSsé tOUte COm-
surmontee du monogramme de Tyr se décom-
posant Tvp. lop = an 177 des Scleu- munication avec le dé-
cides = i36 av. T.-C 1 T • - 1 1
ANTioxov BA2IAEQ2 ^^^^s. Le sicgc dura plus
d'une année, avant qu'on
en vînt à une entente : les Juifs eurent à rendre les armes,
payer impôt pour les villes possédées au dehors de la Judée,
fournir des otages, et
parmi eux un frère de
Jean H3-rcan, donner en
outre une indemnisation
de cinq cents talents et
voir raser les murs de
la ville. Somme toute,
ces conditions n'étaient
pas excessives; aussi, il
Tétradrachme phénicien
de Démétrius II Nicator (frappé à Tyr)
est plus que probable a/ Tête diadémée de Démétrius 11
que pendant les hostili-
tés mêmes, il 3^ aura
eu intervention des Ro-
mains (2); sinon ons'ex-
k/ Aigle aux ailes ployées devant la massue
d'Hercule, surmontée du monogramme de
Tyr.
AllP = an 184 des Séleuc. = 129 av. J.-C.
AHMHTPIOV
C est une pièce du deuxième règne (i3o-i25).
(I) Pour la jiistificatiou de cette date voir ScuùRKR.Lpp 269, uGo.uoteo.
2) Cfr. ScHuRKK, I, pp. 1261, 262 et pp. 2G2, 263, note 7, qui place à ce
jusqu'à la domination romaine. 259
pliquerait difficilement que les Juifs n'aient dû rendre aucune
des villes conquises.
En i3o, Antiochus \ll entreprit une guerre contre les Par-
thes ; Jean Hvrcan réconcilié avec le roi, s'y associa. Ce fut
pour Démétrius II l'occasion de recouvrer sa liberté. En
fait, sa captivité avait été des plus douces. Arsace VI avait
donné à son prisonnier sa propre fille Rhodogune en ma-
riage; une égale bienveillance lui fut continuée sous le règne
suivant, celui d'Arsace VII Aussi quand Antiochus Vil eut
déclaré la guerre au monarque parthe, celui-ci lâcha Démé-
trius II qui tâcha aussitôt de reconquérir sur son trère la cou-
ronne de Syrie. Antiochus VII périt dans la lutte contre Arsace
et Démétrius II récupéra son trône pour quelques années. Il
ne tarda pas à entreprendre une guerre avec Ptolémée VII
Physcon qui lui opposa un nouveau prétendant : Alexandre
Zabinas, d'après les uns hls adoptif d'Antiochus VII Sidètes, Alexandre
d'après d'autres, fils d'Alexandre Balas. Démétrius fut défait ^ '"^^
près de Damas et voulut se réfugier à Ptolémaïs, auprès de
Cléopàtre; elle lui refusa l'entrée, irritée qu'elle était sans
doute de son mariage avec Rhodogune; il s'embarqua pour
Tyr, mais à peine v était-il descendu, qu'il fut tué par ordre des
magistrats, en 125 {Ani., 1. XIII, ch. g, § 3).
Jean Hyrcan avait mis à profit la mort d'Antiochus VII et
les luttes de Démétrius II pour étendre son territoire ; en Trans-
jordane il s'empara de Madaba au bout d'un siège de six mois;
il se tourna ensuite contre Sichem et le temple du Garizim qu'il
renversa, après deux siècles d'existence, et s'attaqua enfin aux
Iduméens. Ceux-ci virent tomber leurs villes d'Adora (i) et de
Marissa et durent accepter la circoncision et la loi juive, s'ils
voulaient rester dans leur pays; ils furent dès lors considérés
comme mi-juifs {Ant., 1. XIII, ch. 9, § i; cfr. Ant., 1. XIV.
ch. i5, § 2).
Des troupes auxiliaires étrangères auront aidé le prince juif
dans ses conquêtes, car Joséphe nous apprend qu'il en avait
prisa son service (Ant., 1. XIII, ch, 8, §4).
inoineiit-ei le décret attribué aux Rumains par le sénat de Pergame : Ant.
1. XIV, cliap. 10, 5; 22.
(i) Aujourd'hui Dura à l'O. d'IIébron.
26o
DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
Antiochus
VIII et IX.
Zabinas, qui eut aussitôt à se défendre contre Antiochus VIII
Grypos,le.fils de Démétrius II, n'entretint avec Hyrcan que des
rapports de bonne entente; déjà vers I23-I22 il tombait sous les
coups de son adversaire. Antiochus VIII régna tranquillement
jusque vers ii3; il se vit enlever la royauté par son demi-frère
Antiochus IX Kyzikène (i), qui pendant deux ans fut maître de
la Syrie entière; mais, en m, Grypos récupéra la plus grande
partie de la Syrie, ne laissant à K3^zikène que la Cœlé-Syrie.
Kyzikène mena une vie débauchée, bouffonne et aventureuse,
rappelant celle d'Antiochus IV (2). Il eut, comme nous le ver-
rons, quelques démêlés avec H3Tcan.
Engô, Antiochus Grypos fut assassiné par un certain Héra-
cléon ; son fils Séleucus VI entra presque aussitôt en lutte avec
Kyzikène qui, sentant sa cause perdue dans un engagement près
de Damas, se donna la mort en g5.
Pendant douze ans ce furent des luttes continuelles entre le
fils de Kyzikène, Antiochus X Eusebès et les fils de Grypos:
Séleucus VI, Antiochus XI, Philippe, Démétrius III Eukai-
ros et Antiochus XII.
La
Cœlé-Svrie finit
par échoir à un roi
des Arabes, Arétas
III.Tigrane, roi d'Ar-
ménie, s'empara du
royaume syrien en 83.
Quatorze ans après ,
en 6g, le général
romain Lucullus tri-
ompha de Tigrane et
remit la Syrie à un
Antiochus XIIl, appelé Asiaticus ;
Monnaie en argent de Tigrane, roi d'Arménie
et de Syrie (83 6ç).
a/ Buste du roi avec cidaris (tiare royale .
r/ La ville d'Antioche personnifiée assise sur le roc
L'Oronte personnifié nageant à ses pieds.
I5ASIAEÛ2 TirPANOV
fils d'Antiochus Eusebès
(i) Antiochus VIII Grypos était le i'ils de Cléoinitre (la fille de Ptolé-
mée Philométor) et de Démétrius II. Pendant que ce dernier était pri-
sonnier des Parthes, CléoiJâtre épousa sou frère • Antiochus VII Sidétès;
de ce mariage naquit Antiochus IX Kyzikène. Antiochus VIII et Antio-
chus IX étaient donc à la fois nii-frères par leur mère commune et cousins
germains par leurs pères.
(2) Cfr. DlOUOREDK SiCII-K, 1. XXXIV.
jusqu'à la domination romaine. 261
toutefois, il ne la conserva que jusqu'en 65, année où le roy-
aume séleucide fut converti en province romaine.
Ces démêlés, où se trouvèrent impliqués les souverains
syriens, devaient nécessairement favoriser les visées de Jean
Hyrcan et de ses successeurs qui ne tendaient qu'à consolider
l'indépendance de leur situation.
Les habitants de Samarie lui ayant fourni un prétexte à mé-
contentement, Hyrcan mit le siège devant cette ville, en
l'encerclant, sur une longueur de quatre-vingts stades, par un
fossé et un double mur ; après quoi, il confia le soin de poursui-
vre les opérations à ses deux fils Antigone et Aristobule.
Poussés à toute extrémité, les Samaritains appelèrent à leur
secours Antiochus Kyzikène. Il fut défait une première fois par
Hyrcan; revenu à la charge avec six mille auxiliaires égyptiens,
il crut obliger les Juifs à se détourner de Samarie en exerçant
des déprédations dans leurs terres, mais il perdit quantité d'hom-
mes et s'en retourna à Tripolis , abandonnant la suite des hostilités
à deux de ses généraux, Callimandre et Epicrate. Le premier
perdit bientôt la bataille et la vie; quant à l'autre, sa cupidité
le porta à livrer aux Juifs Scythopolis et les localités voisines.
Dans ces conjonctures, la reddition de Samarie ne pouvait plus
tarder; après avoir soutenu le siège une année durant, elle dut
se rendre et fut rasée au point de n'être plus qu'un amas de
décombres {Ant., 1. XHI, ch. 10, §§ 2 et 3).
Hyrcan était conscient que la dignité octroyée à sa lamille
était dûment souveraine et princière : il fut le premier à faire
frapper les monnaies à son nom;
dans une première émissionil se nom-
ma grand-prêtre tout court, mais
dans une seconde il s'intitula, en plus
« chef de la communauté des Juifs ». Brome de Jean Hyrcan.
Ce souci de souveraineté tempo- , ^^ ^ ,
^ A/ Dans une couronne de lauriers
relie se trahit encore dans un autre (effacée sur l'original trop
fait : après s'être auparavant attaché ^ur'cunqHgner- ^'"*^^'^""
au parti des Pharisiens, il se rangea t" "I2m^ "IJ"7r;D "pm "^
finalement à celui des Sadducéens. (Jean le grand prêtre et la Pharisiens
Cl mmunauté des Juifs). et
c^ ,1 • T k/ Deux cornes d'abondance se- Saddu =
bous ces vocables particuliers ces parées par une tête de pavot. céens.
202 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
deux sectes ne sont mentionnées que depuis l'époque de
Jonathan (^«/., 1, XIII, ch. 5, .^ g) ; l'une et l'autre étaient,
si l'on peut s'exprimer ainsi, le précipité des deux courants
radicalement opposés que nous avions remarqués au sein de
la nation juive, dès qu'elle commença à se sentir imprégnée de
culture étrangère : l'hellénisme et le légalisme. Certes, on n'en
était plus aux extrêmes, au moins dans les tendances allophiles,
mais maintenant qu'un pouvoir autonome, environné de faste et
de pompes, disposant de richesses et de forces appréciables,
régissait le peuple élu, l'attrait des intérêts matériels éblouis-
sait et sollicitait bien des esprits et des cœurs. Or, Tamour
des biens temporels n'est pas générateur d'aspirations
religieuses très idéales et c'est ainsi que le haut sacerdoce, plus
immédiatement appelé à participer à ce gouvernement hiéro-
cratique qui régissait les Juifs (i), jugeait amplement suffisant
de s'en tenir a la lettre des prescriptions de la loi, sans se
préoccuper des interprétations piétistes des consciences plus
délicates. Ce parti large fut appelé « Sadducéen », puisqu'il
était surtout représenté par la noblesse ecclésiastique des des-
cendants de Sadok.
A côté d'eux se dessinait de plus en plus nettement le parti
des zélateurs de la loi. Aux débuts du mouvement machabéen
nous avons rencontré une classe d'hommes appelés « Assi-
déens », dont le seul but, étranger à toute préoccupation poli-
tique, était d'assurer le libre exercice du culte et des pratiques
légales.
Poursuivant cette fin pour leur propre compte, ils
étaient indépendants des troupes machabéennes, quoique
parfois ils leur aient prêté main-forte. Quand la liberté
religieuse eut été octroyée, ils se désintéressèrent de
toute lutte politique et S(î préoccupèrent uniquement d'as-
surer l'exécution intégrale de tous les préceptes de la
Loi, recherchant scrupuleusement les moindres applications
qu'elle pouvait inclure. Ce fut dans leur sein que se
recruta alors le plus grand nombre des docteurs de la loi
(I) Nous avons vu que, dès la restauration, c'est dans le haut sacer-
doce <iue se rencontrent le plus d'intrigues et d'abus.
jusqu'à la domination romaine. 263
•ou des scribes. Il y avait des scribes saddncéevs, mais la
plupart étaient pliarisiois ou séparatistes (i).
De par ses origines donc — puisque d'ordre religieux — le
parti machabéen devait avoir plus d'inclination pour les Phari-
siens que pour les Sadducéens. Il est dit encore de Hyrcan
« qu'il était jadis le disciple des Pharisiens et leur était parti-
culièrement cher » (//;//., 1. XIII, ch. 5, ,^ 5).
Mais la famille asmonéenne était parvenue au suprême pon-
tificat et à la souveraineté, et chez ses membres aussi les inté-
rêts politiques et dynastiques finiraient par reléguer à l'arrière-
plan les préoccupations religieuses.
L'occasion de la rupture avec les Pharisiens fut fournie à
Hyrcan, par une injure gratuite, qu'un des leurs lui fit,
lors d'un banquet qu'il leur offrait; il se sépara complètement
d'eux, jusqu'à défendre la mise en pratique de leurs prescrip-
tions. Cette attitude lui attira, ainsi qu'à ses fils, la défaveur
publique, car l'ascendant des Pharisiens sur la masse était indu-
bitablement prépondérant.
Il mourut en 104, après un règne de trente et un ans, au cours
duquel il avait rendu à son pays une extension comparable à
celle des plus beaux jours de l'antique royauté. {Ant.,\. XIII,
ch. 10, §§ 5-7.)
Hyrcan avait stipulé que sa veuve assumerait le pouvoir Aristobuie
après lui; l'aîné de ses fils, Aristobuie, en décida autrement : I-
il jeta sa mère en prison, ovl il la fit périr de faim; ses trois plus
jeunes frères furent également incarcérés; seul Antigone, qui le
suivait de plus près en âge et qu'il affectionnait particulière-
ment, fut associé au pouvoir, mais, jalousé par des envieux, il
fut accusé de briguer la domination suprême et amené par eux
dans des circonstances qui lui coûtèrent la vie. Lorsqu'il eut
appris la vérité sur ce qui s'était passé, de chagrin Aristobuie
•contracta une hémorragie et il expira après une année de règne.
Ces laits font d'Aristobule un tyran ombrageux et sangui-
naire. Strabon, qui s'inspire de l'historien svrien Timagène,
iij D^w'TlC • II'' aHeotaieiit en fait (le se tenir à réeart de tous ceux
<iui nafîissaieut ou ne pensaient pas comme eux. Cl'r. SciuiRER, II
l)p. 4^5408.
204 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
l'appelle cependant, in'.i'.yrr^c, : équitable, modéré dans sa con-
duite. Son règne éphémère ne fut d'ailleurs pas sans gloire.
Il assuma le titre de roi et, s'il se montra partisan de la
culture grecque, au point d'être appelé par Josèphe 'ç,ô.DXry,
il sut également prendre à cœur les intérêts de sa patrie. Il en
recula la frontière Nord par l'annexion de la Galilée (i),.
dont les habitants furent forcés de se circoncire et de se judaï-
ser. Le témoignage favorable que lui donnent les historiens pro-
fanes, fait croire à Schûrer (2) que le tableau de ses cruautés a
été chargé par les Pharisiens {Aiit., 1. XIII, ch. ii, §§ i-3).
Alexandre A la mort d'Aristobule, sa veuve Salomé Alexandra fit sortir
Jannee. ^^ prison les frères de son mari, accordant à l'ainé, à Alexandre
Jannée, en même temps que sa main, la ro3'auté et le suprême
pontificat (3). Ce fut un règne de luttes incessantes.
Il s'en prit d'abord à la ville de Ptolémaïs dont les habitants
appelèrent à leur secours Ptolémée X Lathyre, qui, écarté du
trône d'Egypte par sa mère Cléopàtre, se contentait pour l'heure
de régner sur les Chypriotes. Affectant d'entrer en pourparlers
avec lui, Jannée négocia sous main avec Cléopàtre contre-
Lath3're. Mis au courant de ces menées, celui-ci reprit l'offen-
sive et son armée, commandée par son général Philostophane,
remporta une éclatante victoire en Galilée, sur la rive ouest du
Jourdain, et dévasta la Judée (Ant., 1. XIII, ch. 12).
Seulement, les succès de son fils inquiétèrent Cléopàtre qui
envo3^a contre lui des forces navales et une armée de terre,
sous la conduite de deux généraux juifs: Helcias et Ananias..
Ptolémée voulut opérer une diversion et profiter de la présence
de cette armée en pays juif pour tenter de se faire reconnaître
à nouveau en Eg3'pte; il fut trompé dans son calcul et obligé de
passer Thiver à Gaza.
(i) C'est ainsi qu'il faut comprendre ce que Josèphe (Ant. 1. XIII,.
ch. II, J; 3) entend par « une partie du pays des Ituréens »; car
riturée proprement dite située au Nord et au Xord-Ksl de la Galilée était,,
encore païenne à l'époque hérodienne. Ci'r. Hchurkr, I, p. 27G.
{2) I, p. 216.
(3) C'est l'identité des noms : « Salomé Alexandra », étant à la fois ceux
de l'épouse d'Aristobule et de l'épouse d'Alexandre Jannée, qui fait
conclure que c'est une seule et même personne qui les portait.
jusqu'à la domination romaine. 265
A ce moment, Cléopàtre aurait pu se soumettre toute la Pales-
tine, et c'est le conseil que lui donnèrent quelques-uns de ses
courtisans, mais son général Ananias l'en détourna et elle con-
clut alliance à Sc3'thopolis avec Jannée qui de la sorte eut à
nouveau les mains libres. Dans la Transjordane il s'empara de
Gadara et de la ville fortifiée d'Amathus (i), puis, en Philistie, de
Raphia, Anthédon et en g6, après une année de siège, de Gaza,
qui avait accueilli haihyre (A ti t., 1. XIII, ch. i3, i:5i^ i-3).
L'opposition entre la d\nastie asmonéenne et la secte des
Pharisiens s'accentua siii^^ulièrement sous le règne actuel; il
s'en suivit pour Jannée une impopularité telle qu'à une fête des
tabernacles, comme il sacrifiait à l'autel des holocaustes, les
Juifs présents lui lancèrent à la tête des cédrats (2), que, selon les
prescriptions rituelles, ils tenaient en main. Ils lui crièrent en
même temps qu'il devait être écarté de la suprême sacrificature, .
vu que sa mère avait été jadis captive. Furieux de ces injures
il fit massacrer six mille d'entre eux et se mit désormais à l'abri
de leurs aménités en dressant une palissade du côté de l'autel
visible au public.
Bientôt il s'engagea dans de nouvelles campagnes. Il se sou-
mit les tribus arabes de Moab et de Galaad et s'attaqua à Obo-
das le monarque nabatéen du Djôlan (3). Tombé dans une
embuscade, il s'échappa à grand'peine pour se réfugier à Jéru-
salem. Un soulèvement éclata contre lui, et durant six ans il dut
guerroyer avec des troupes mercenaires de Pisidiens et de Cili-
ciens contre ses propres sujets, dont cinquante mille périrent au
cours de ces luttes intestines. Ce désastre ne les rendit pas plus
soumis, et alors que Jannée demanda leurs propositions de
paix, ils lui répondirent qu'ils ne voulaient qu'une chose : sa
mort. Ils appelèrent à leur secours, vers l'an 88, Démétrius III
Eukairos {Ant., 1. XIII, ch. i3, § 5), qui à ce moment régnait
sur une partie de la Syrie et de Damas.
Démétrius s'avança avec une armée jusqu'à Sichem, où une
(1) Aujonrdhui Aminàta au Nord «lu .lahhok.
(2) Espèce (le très gros citrons.
3) La leçon y^-y. rr.j rau/zv/;.! de Rell.Jud., 1. I, ch. 4^ § 4 ^st à adopter
au lieu de celle y'j.Ty. r 'O'xp'x y.ùiu.r,j t/,- ra/aaotrtoos de Ant., 1. XIII, ch. i3, § 5.
Cfr. Schurer, I, p. 2S1, note 17.
266 DEPUIS LA CONQUÊTE d'ALEXANDRE
partie des Juifs s'unirent à lui. Dans l'engagement qui suivit,
Jannée perdit toutes ses troupes mercenaires et n'eut plus qu'à
se réfugier dans la montagne. Alors un revirement se produisit
et six mille Juifs firent retour à leur roi : ce fait engagea Démé-
trius, qui lui aussi avait perdu un grand nombre des siens, à se
retirer. Avec ceux qui lui étaient revenus, Jannée continua la lutte
contre les rebelles obstinés , qui furent alors défaits coup sur coup.
Les révoltés les plus en vue étant tombés entre ses mains, il les
amena à Jérusalem, et, tandis qu'il festoyait avec ses concu-
bines, il se donna le spectacle de faire crucifier huit cents des
captifs dont il rendit l'agonie plus horrible en égorgeant sous
leurs regards leurs femmes et leurs enfants. Cette vengeance
atroce terrifia tellement ses adversaires qu'ils s'exilèrent, au
nombre de huit mille, pour le reste de son règne, qui depuis ne
connut plus d'agitations intestines (.4w/. , 1. XIII,ch. 14, !:;§ 1,2).
Dans les luttes des derniers Séleucides, le roi arabe Aré-
tas m venait de l'emporter sur Antiochus XIT et d'étendre ses
possessions jusqu'à Damas inclusivement. Son territoire con
finait donc à celui d'Alexandre Jannée et il ne put s'empêcher
de faire une incursion en pays juif; à Adida, à l'Ouest de
Lvdda, il infligea une défaite à Jannée qui ne se débarrassa de
l'Arabe qu'au prix de transactions [Ant., 1. XIII, ch. i5, § 2).
Le prince juif compensa toutefois son échec par de nouvelles
acquisitions en Transjordane. De 83 à 80 il s'empara de Pella,
Dium, Gérasa, puis à l'Est du lac de Génézareth, des localités
de Gaulana, Séleucie et Gamala. Ces succès lui valurent à son
retour un accueil triomphal {Aiit., 1. XIII, ch. i5, § 3).
Les excès de boisson auxquels il s'était livré, déterminèrent
vers la fin de sa vie une fièvre quarte qui devait l'emporter
après trois ans (en 76), mais elle ne l'empêcha pas de continuer
ses entreprises guerrières; il mourut en plein siège de Ragaba(i),
après avoir recommandé à son épouse de se tenir en bonnes
relations av^ec les Pharisiens, dont l'amitié lui assurerait le
dévouement de toute la nation {Ant., 1. XIII, ch, i5. § 5).
Alexandre Jannée avait encore agrandi sa patrie. Excepté
Ascalon, ville libre depuis 104, toute la côte était tributaire
(i) Identilication iucouuue, la localité se trouvait dans le district de
Géi'asa.
jusqu'à la domination RoMAiNi:. 2(37
des Juifs. Il en était de même de plusieurs villes de Trans-
jordane : il est vrai que d'aucunes avaient été judaisées de force
et celles qui s'étaient montrées réfractaires, avaient été détruites.
C'était notamment le cas de Pella et autres qui durent être
rebâties par les Romains (Cfr. A lit., 1. XIIl, ch. t5, J^ 4;
1. XIV, ch. 5, § 3).
Selon les dispositions du défunt, ce lut sa veuve Alexandra Alexandra.
qui prit en main le pouvoir et avec elle le parti pharisien devint
maître dans le pays. Il est probable que sa représentation aura
dès lors été nombreuse au sanhédrin, car la politique adminis-
trative prit une tournure tout opposée à celle du gouvernement
précédent. Les coutumes pharisaïques abolies par Jean H\Tcan
reprirent force de loi ; des exilés furent rappelés, des captifs
libérés ; la réaction alla si loin qu'on mit à mort ceux qui
avaient jadis conseillé à Jannée d'exécuter huit cents de
ses principaux adversaires. Cette mesure provoqua toutefois
de la part de la noblesse un mouvement d'opposition à la tète
■duquel se plaça Aristobule II, le plus jeune fils d'Alexandra.
A part une brève incursion de Tigrane, le monarque armé-
nien, qui se désista du siège de Ptolémaïs, grâce à des pré-
sents, et plus encore à la nouvelle que le général romain
LucuUus ravageait l'Arménie, le règne d'Alexandra fut exté-
rieurement calme. Les traditions pharisaïques en font une
ère de fécondité prodigieuse due, à la piété de la souveraine (i).
Pourtant le mécontentement des évincés de l'heure couvait ;
il se déclara vers la fin de la vie d'Alexandra. Comme elle était
gravement malade, Aristobule, craignant que Hyrcan II, son
frère aîné, qui avait succédé à son père dans le pontificat et
auquel allait revenir également la couronne, ne fût, à cause de
l'indolence de son caractère, complètement sous la coupe des
Pharisiens, jugea que le moment d'agir était venu. De nuit, il
se rendit dans un endroit fortifié, où ii savait se tenir des amis
(I) Le souvenir nous en est surtout conservé dans un petit écrit juif du
premier siècle de notre ère la « Megillath Taanitli » ou livre des jeûnes,
dans lequel on mentionne les jours où, à cause d'un événement heureux
(jui s'v i-attache, il n'est i)as permis de jeûner.
Aristobuie
II.
268 DEPUIS LA CONQUÊTE D'ALEXANDRE
de son père, et les gagna à sa cause. Fort de ce premier succès,
il parvint au bout de quinze jours, à s'assurer la fidélité de vingt
deux places fortes et à recruter une armée. A cette nouvelle
Hyrcan son frère et les anciens du peuple allèrent trouver la
reine pour qu'elle prît les mesures de répression voulues. Trop
épuisée pour s'en occuper personnellement, elle leur permit
de disposer de toutes les ressources prêtes en hommes
et en argent et mourut peu de temps après, en 67, à l'âge de
73 ans, après un règne de neuf ans (Ant., 1. XIII, ch. 16).
Hyrcan 11 H3a-can II voulut ceindre la couronne, mais la lutte
et éclata aussitôt entre les deux frères et leurs armées se ren-
contrèrent à Jéricho. On eut vite la preuve que le régime pha-
risien en vigueur ces dernières années et qui menaçait de con-
tinuer avec Hyrcan, n'avait pas toutes les sympathies, car une
bonne partie de l'armée d'Hyrcan passa dans le camp adverse
et son chef délaissé courut s'enfermer dans la citadelle de Jéru-
salem. On en vint bientôt à un compromis : Aristobuie II
serait roi et grand-prêtre, mais Hyrcan continuerait de jouir de
ses revenus pontificaux et vivrait en homme privé dans le palais
d'Aristobule (A 11t., 1. XIV, ch. i, §§ 1,2).
Cependant un nouveau personnage entrait en scène et ses
agissements aboutiraient à faire tomber le sceptre en des mains
étrangères.
N^ous avons va JeanHyrcanjudaïser complètement l'Idumée,
qui depuis lors se trouvait totalement sous la mouvance des
Juils. Alexandre Jannée y avait préposé comme stratège un
certain Antipater (i), puis, à la mort de celui-ci, son fils,
qui portait le même nom, lui avait succédé dans cette charge.
C'était un ambitieux et les circonstances lui semblaient favora-
bles à ses desseins. Il eut bientôt compris qu'avec le caractère
moud'Hvrcan II il aurait la tâche plus facile qu'avec l'entre-
prenant Aristobuie : il résolut d'évincer ce dernier. Il com-
(li Les historiens aiu-iens ne sont pas d'accord sur l'origine de cet Anti-
pater. D'après .Tosèi)he c'étnit un Iduméen appartenant à l'aristocratie de
sa nation. D'après saint .lustin, Jules l'Africain, Eusèbe, Epiphaue et
autres, ce serait un Ascalonite, amené très jeune comme captif en Idumée
où i)lus tard il devint un personnage en vue.
jusqu'à la DOMIXATIOX ROMAINE. 26g
mença par créer dans la noblesse juive un parti d'opposition
au souverain régnant : il insista sur ce fait qu'après tout il
occupait indûment le trône; il tâcha ensuite de faire accroire
à Hyrcan que son frère méditait de se défaire de lui pour
prévenir toute velléité de compétition ultérieure : mais, vo\ant
que Hyrcan n'accordait pas grande créance à ces dires, il in-
venta toutes les calomnies possibles pour étayer ses affirma-
tions. Il finit par le décider à se réfugier à Pétra auprès du
roi nabatéen Arétas III. Antipater travailla si bien sur l'esprit
des deux princes qu'il décida Arétas à rétablir de force Hyrcan
sur son trône : en échange de ce service, douze villes, jadis
enlevées au territoire nabatéen par Alexandre Jannée, y
teraient retour {Ant., 1. XIV. ch. i, f^^g 3, 4).
Arétas marcha alors avec 5o.ooo hommes contre le frère de
Hyrcan, et à la suite de la défaite qu'il lui infligea, une partie
des troupes d'Aristobule se rangea du côté de Hyrcan qui eut
également pour lui les sympathies du peuple.
Aristobule se fortifia avec les prêtres sur la colline du tem-
ple où il ne tarda pas à être assiégé.
A ce moment Pompée parcourait triomphalement l'Asie, Pompée.
étendant définitivement sur elle la domination romaine. Occupé
lui-même en Arménie, Pompée envoya Scaurus en Syrie.
Damas venait de tomber au pouvoir de Rome au moment où
ce général y arriva; il est probable qu'il y apprit les troubles
qui agitaient le pa3^sjuit, car, sans tarder, il se dirigea sur la
Judée. Aussitôt les deux compétiteurs lui envo3"èrent chacun
une délégation pour avoir son appui. L'un et l'autre v mettaient
le prix de quatre cents talents. Scaurus se fia davantage à
Aristobule, mieux à même de tenir ses promesses, et intima
conséquemment à Arétas l'ordie de cesser le siège sous peine
d'être considéré comme ennemi des Romains. L'Arabe n'eut
qu'à s'exécuter et Scaurus retourna à Damas. Mais Aristobule
n'entendait pas laisser les choses ainsi; il se lança sur les traces
de l'armée qui l'avait malmené et en tua six mille hommes,
parmi lesquels un frère d'Antipater, Phallion {Ant., 1 XIV,
ch. 2).
L'année suivante, Pompée vint lui-même en Svrie; il passa
270 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
l'hiver à Aspis (i) et se soumit, au printemps de 63, les petites
principautés libanaises. Après quoi, il entra à Damas, où Aris-
tobule, désireux de se concilier ses bonnes grâces, lui envoya un
sarment de vigne travaillé en or et estimé à cinq cents talents
(2). Une fois de plus, les deux partis juifs se firent représenter
par une délégation pour exposer leurs griefs respectifs ; cette
fois il s'y joignit un troisième groupe qui revendiquait la restitu-
tion d'un gouvernement purement pontifical et l'abolition de la
royauté. Pompée, qui se préparait à une expédition dans le ter-
ritoire nabatéen, répondit qu'il arrangerait leurs affaires, aus-
sitôt après la campagne projetée et leur demanda de se tenir
tranquilles en attendant.
Mais Aristobule manifesta si vivement son mécontentement
que Pompée jugea nécessaire de surseoir à sa campagne contre
Arétas et de mettre Aristobule à la raison. Suivi des troupes
qu'il voulait mener chez les Arabes et des réserves qu'il avait
en Syrie, le général romain revint de Dium où il se trouvait
déjà, sur Pella et Sc3^thopolis et s'avança jusqu'à Koréa (3);
c'est de là qu'il fit sommer Aristobule, qui s'était enfermé dans la
forteresse de l'Alexandrium (4), de lui livrer cette place. Aris-
tobule s'y résigna finalement, mais il se retira immédiatement
à Jérusalem pour s'y préparer à la résistance.
Il 3" fut suivi sans tarder par Pompée ; estimant alors sa cause
perdue, il descendit à la rencontre du généralissime romain sur
la route de Jéricho et demanda la paix, moyennant une rançon
fi) Identification inconnue.
i'>) Le l'écit de Josèphe {Ant., l. XIV, ch. 3, §§ 1-2; donne à entendre que
Pompée serait venu deux fois à Damas, en 64 et en 63. Ce serait en (34
qu' Aristobule lui aurait fait ce présent. Scliiirer (I, p. açjG note i5) conclut
à une information inexacte de la part de l'historien juif.
(3) L'actuelle Karawa, à deux heures au Nord du Karn Sartabé ou
Alexaudrium.
(4) C'est la forteresse bâtie sur le Karn-Sartabé, mentionnée la première
fois au temps d'Alexandra {Ant., 1. XllI ,ch. iti, § 3;. Elle aura été bâtie i)ar
Alexandre .Tannée. Comme Niachéroute, elle servait à enfermer les
trésors (pfon voulait mettre en lieu sur. La situation était forte, presque
imprenable. Le 10 février 1910 nous en fimes l'ascension; elle exige plus de
deux heures et devient très raide à proximité du sommet. On y jouit d'une
vue très étendue sur toute la plaine de Jourdain. Quelques arasements de
murs et des vestiges d'ancienne tour sont les seules reliques du passé.
JUSOU A LA DOMINATION ROMAINE. 2']!
et la redtliiion de la ville. Pompée accepta, retint Aristobule
auprès de lui et envoya Gabinius à Jérusalem pour exiger aus-
sitôt l'accomplissement des conditions. Seulement les habi-
tants lui interdirent l'accès de la ville, le forçant ainsi à
retourner sans résultat auprès de son maître. Aigri par
cet affront, Pompée lit retenir Aristobule sous bonne garde et
mit aussitôt le siège devant la capitale juive. (Ajit., 1. XIV,
ch. 3, §§ 1-4 et ch. 4, ^ i.)
En présence de ce danger les avis se partagèrent, les parti-
sans de Hyrcan opinant pour la reddition immédiate, ceux
d'Aristobule pour la lutte à outrance. Les premiers l'emportè-
rent et ouvrirent les portes à l'armée romaine; le parti de
la résistance se retira sur la colline du temple, bien décidé à s'y
défendre jusqu'au bout.
Fréquemment au cours de cette histoire, nous avons vu ce
quartier offrir un abri sérieux à ceux qui l'occupaient. C'est
qu'il était admirablement déiendu par son emplacement même:
à l'Est, la pente abrupte du Cédron ; au Sud, la déclivité de
rOphel; à l'Ouest, la crevasse du Tyropéon rendaient son accès
fort difhcile; ce n'est que du côté Xord qu'il était abordable de
plain-pied : là de solides travaux de défense avaient été élevés.
Pompée se décida pourtant à l'attaquer par ce point plus vulné-
rable. Il fit construire un remblai sur lequel furent dressées des
machines de guerre venues de Tyr. Les assaillants avaient tôt
fait de remarquer que les assiégés qui les refoulaient avec
vigueur, n'empêchaient pas les travaux du siège le sabbat;
aussi ne les attaquaient ils pas ce jour-là, mais poussaient
d'autant plus activement leur œuvre decirconvallation. Le siège
dura trois mois, au cours desquels les prêtres continuèrent au
temple toutes les cérémonies quotidiennes. A la fin de l'automne
de 63 la chute de la plus forte des tours amena une brèche qui
livra passage aux Romains. Ce fut un carnage effroyable, les
uns tombant sous le glaive ennemi, des groupes de Juifs s'entre-
tuant, d'autres se jetant à bas des remparts ou se brûlant dans
leurs maisons ; les prêtres, occupés à cette heure à sacrifier,
se laissèrent tuer dans l'accomplissement de leurs fonctions. Il
périt ainsi douze mille hommes et — horreur suprême ! —
Pompée avec une partie de son escorte foulèrent le Saint des
272 DEPUIS LA CONQUETE D ALEXANDRE
Saints. Le vainqueur eut néanmoins la délicatesse de respecter
tous les trésors y contenus ; le lendemain, il fit purifier le tem-
ple et rétablit Hyrcan comme pontife et chef du peuple en lui
enlevant toutefois la dignité royale (i). Il porta désormais le
titre d'ethnarque. Quant à ceux qui avaient poussé à la résis-
tance, ils furent décapités. C'en était fini de l'indépendance et
de l'expansion du pouvoir juif. Le pays fut rendu tributaire et
la plupart des acquisitions territoriales faites par les Asmonéens
lui furent enlevées.
Toutes les villes maritimes depuis Raphia jusqu'à Dora, les
localités non juives de la Transjordane, dont l'ensemble prit le
nom de Décapole (2), ainsi que Scythopolis et Samarie, récu-
pérèrent leurs franchises communales et furent soumises à la
iuridiction immédiate du propréteur (3) de la nouvelle province
romaine de Syrie. Pompée y laissa en cette qualité son général
Aemilius Scaurus à la tète de deux légions, tandis que lui-même
(i) Cfr. Ant., 1. XX, ch. 10, p. 790, lignes 3i et 82, éditiou Dindorf. ï.
(2) Ces villes auront probablement t-oustitué entre elles une sorte de
confédération. Originairement au nombre de dix, il s'en ajouta plus tard
d autres, et les auteurs anciens ne sont pas toujours d'accord sur la dési-
gnation de celles qui en firent partie. Ce qu'où peut dire, c'est qu'à part
Scythopolis, elles étaient toutes situées en Transjordane. Pline (Hist.Nat.,
1. V, ch. 18) nomme Damas, Philadelphie, Rhaphana, Scytliopolis, Gadara,
Hippos, Dium, Pella, Gérasa et Canatha. Ptolkmée {Geogr., 1. V, cli. i4,
§ 18) mentionne sous une même rubrique les dix-huit villes de la Cd'lé-Syrie
et de la Décapole, sans spécifier davantage; il est certain (lu'Abila y a
appartenu égal ment. Comme elles devaient leur affranchissement à
Pompée, presque toutes ces villes adoptèrent l'ère de Pompée : par quoi
il faut entendre autant d'ères locales dont le commencement varie de
64 à 61.
Cfr. ScHûRER, I, pp. 299, 3oo, note 26; II, pp. 148, ss.
ViGOUROUX, Dictionnaire de la Bible, art. Décapole, II, col. i333-i33G.
(3 En 58. à cause des troubles incessants provoqués par les Arabes, il fut
décidé d'y envoyer dorénavant un pi-ocoiiNul. C'était au Sénat de décider si
une province devjiit être consulaire ou prétorienne, selon le plus ou moins
d'importance qu'elle avait ou de difficultésqu'elle offrait, le propréteur ne
disposant que d'une légion ordinairement, le proc(msul de plusieurs.
Ces gouverneurs, tiint le propréteur (jue le proconsul, exerçaient dans
leur province le pouvoir suprême dans toute son étendue : législatif,
exécutif, judiciaire et militaire : c'était Vitnperiiim.
En 27, Auguste, qui avait d'abord obtenu l'imperium proconsulaire sur
toutes les provinces, en céda dix au Sén.at : deux consulaires, l'Afrique et
l'Asie et huit prétoriales ; on eut dès lors la division eu provinces impé-
jusqu'à la domination romaine. 273
retournait en Asie Mineure amenant avec lui Aristobule, ses
deux filles, ses deux fils Alexandre et Antigone, — dont le
premier réussit à s'enfuir, — et d'autres captifs qui, relâchés
plus tard, devaient grossir la colonie juive de Rome.
Une dernière humiliation attendait Aristobule : celle de figu-
rer sous les regards curieux et moqueurs des Romains au
cortège de Pompée entrant triomphalement à Rome en 61.
{Ant., 1. XIV, ch. 4, §§ 2-4.) Désormais les Juifs étaient
vassaux des Romains.
riales et sénatoriales ; ces dernières dépendaient dans leur administration
du Sénat, 4111 y nommait un proconsul ou un propréteur : les premières
relevaient dix*ectement de l'empereur qui en touchait personnellement les
revenus et y envoyait un gouverneur avec le titre de ic legatus Augusti pro
prtvtore ». La Syrie aussi devint alors province impériale.
Dans les provinces sénatoriales l'administration financière était confiée
à des questeurs; dans les provinces impériales elle l'était à des procura-
teurs.
18
SIXIEME PERIODE
OU
PÉRIODE ROMAINE
Depuis la conquête de Pompée
en 63 avant J.-C.
jusqu'à l'échec définitif de Barkokéba
en 135 après J.=C.
SIXIEME PÉRIODE
Depuis la conquête de Pompée
en 63 avant J =C.
jusqu'à l'échec définitif de Barkokéba
en 135 après J.=CJ'^
Les premières années de la domination romaine s'écoulèrent
paisibles pour les Juifs, sous l'autorité apparente de Hyfcan et
la gestion effective d'Antipater. Celui-ci recherchait toutes les
occasions d'obliger les Romains. Il profita de ses bons rapports
avec les Nabatéens pour les déterminer à payer trois cents
talents aux Romains; grâce à cet incident, Scaurus, qui avait
repris la campagne projetée contre eux par Pompée, put avan-
tageusement finir une première fois les hostilités en 62 {Atit.,
1. XIV, ch. 5, § i); mais elles reprirent sous les propréteurs
suivants, Marcius Philippus et Lentulus Marcellinus; ces faits
décidèrent le Sénat à envoyer dorénavant en Syrie un pro-
consul. Gabinius venait à peine d'y arriver en cette qualité
(en 57), qu'il eut à intervenir en pays juif. Le fils d'Aristobule,
Alexandre, qui s'était échappé lors de sa déportation à Rome,
était parvenu à recruter une armée et à s'emparer des forte-
resses d'Hyrcania, d'Alexandreion et de Machéronte. Aussitôt
Gabinius envova son sous-ordre, le futur triumvir Marc-
Antoine, et lui-même le rejoignit peu de temps après. Ils eurent
bientôt raison du rebelle qui perdit trois mille hommes de ses
troupes et dut rendre les citadelles conquises. La Palestine fut
(i) Pour cette dernière période nous avons aussi consulté, non sans
profit, l'ouvrage du D'' Felten : Xeutestamentliche Zeitgescluchle, 2 vol.
Manz. Regensburg, 1910.
278 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
divisée en cinq c7'jv£ôp',a, terme qui implique une administra-
tion judiciaire et administrative autonome ; les chefs-lieux de
ces cinq circonscriptions furent Jérusalem, Gadara, Amathus,
Jéricho et Sepphoris. Cette mesure dépouillait H3Tcan de ce
qui lui restait de pouvoirs politiques et son autorité se confina
dès lors dans ses attributions pontificales. {Ant., 1. XIV,
ch. 5, §4.)
En 56, Aristobule parvint à s'enfuir de Rome avec son fils
Antigone et tenta de récupérer le pouvoir dans sa patrie. Il
courut à un échec et dut réintégrer sa prison ; ses fils obtinrent
la liberté.
Gabinius entreprit alors, sur l'injonction de Pompée et contre
la volonté du Sénat, de rétablir sur le trône Ptolémée Aulète,
renversé du pouvoir par une émeute éclatée à Alexandrie. Anti-
pater vint à son aide, au moyen de secours en nature et en
argent et non moins par son influence sur les Juifs d'Egypte
qu'il rangea du côté de Gabinius. Le proconsul venait de ren-
trer de cette expédition en 55, lorsqu'il se heurta à de nouvelles
troupes levées par Alexandre. Il le défit une seconde fois au
pied du Thabor et, pour récompenser Antipater des services
qu'il avait reçus de lui au cours de tous ces événements, il
disposa au goût de son auxiliaire l'administration de Jéru-
salem {Ant., 1. XIV, ch. 6, §§ 1-4) (i). Après une campagne
menée chez les Nabatéens et les Parthes, Gabinius rentra à
Rome en 64, où il lui fut intenté un procès de majestate; il
parvint à se iustifier, mais ses nombreuses exactions lui valu-
rent d'être condamné à l'exil.
Licinius Crassus le remplaça, peu avantageusement, cette
même année, comme proconsul en Syrie. Court d'argent pour
son expédition contre les Parthes, il pilla le trésor du temple :
2,000 talents en monnaie et 8,000 talents en objets d'orfèvrerie.
Il fut défait et massacré en 53, au cours de cette campagne. Ce
fut pour les Juifs mécontents l'occasion d'une rébellion; ils se
levèrent sous la conduite d'un certain Pitholaus ; m^ais le suc-
(i) Cette indication par trop vague est précisée A/l^. 1. XIV, ch. 8, § i,
oii Antipater est désigné comme b rw'\o\i3a.iùiv tnifiilfiirn. Il aura donc été
préposé à l'administration des imiJÔts.
JUSQU A L ÉCHEC DEFINITIF DE BARKOKÉBA. 279
cesseur de Crassus, Cassius Longinus, en eut vite raison :
trois mille de ces révoltés furent vendus comme esclaves, et,
sur le conseil d'Antipater, Pitholaus lut exécuté. {Ant., 1. XIV,
ch. 7, 1^5.^ I et 3.) Longinus (53-5 1) et son successeur Calpurnius
Bibulus (5i-5o) continuèrent avec succès la lutte contre les
Parthes. En 49 la guerre civile éclata entre Pompée et César;
ces compétitions devaient avoir nécessairement leur'répercus-
sion en Syrie et en Palestine, comme dans les autres provinces,
car toutes lurent mises à contribution pour permettre aux deux
partis de soutenir la lutte.
Maître de Rome, César libéra Aristobule et l'envoya en César.
Syrie avec deux légions pour y combattre les partisans de
Pompée. Mais ceux-ci emprisonnèrent Aristobule et décapi-
tèrent son fils Alexandre à Antioche. {Ant., 1. XIV, ch. 7, § 4.)
Après le désastre de Pharsale le 9 août 48, Pompée tomba
assassiné sur la côte d'Egypte le 28 septembre suivant. Hyrcan
et Antipater jugèrent opportun de transférer leur allégeance sur
César, et le soutinrent dans les luttes qu'il dut livrer à la popu-
lation d'Alexandrie, soulevée par la garnison romaine hostile à
César. Ils n'eurent qu'à se louer de leur attitude; car lorsque,
pendant l'été de 47, le dictateur romain traversa en triomphe
la Syrie, Hyrcan récupéra son autorité politique avec le titre
d'ethnarque. Cette charge et celle de grand-prétre lui furent
concédées à vie, et rendues héréditaires; il fut stipulé explici-
tement qu'elles comportaient tous les droits y attachés jadis,
— donc aussi le droit de rendre la justice aux Juifs. H3Tcan et
ses enfants furent déclarés officiellement amis et alliés des
Romains, et il fut décrété que son pays n'aurait pas à laisser
hiverner des troupes romaines ni à prélever des contributions
pour leur entretien ; de plus, l'enceinte de Jérusalem put être
rebâtie. D'autres faveurs furent ultérieurement concédées aux
Juifs : les localités de la plaine d'Esdrelon et d'autres villes
syro-phéniciennes, dont Joppé, qui avaient été en possession
des Asmonéens, puis enlevées par Pompée, leur firent retour,
et dans toute l'Asie Mineure les droits les plus larges leur
furent reconnus. Quant à Antipater, il se vit octroyer le titre
de citoyen romain, la franchise de tout impôt, et la dignité
28o DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
d'èizi-rponoç, ou procurateur de Judée. {Ant., 1. XIV, ch. 8^
§§ 1-5, ch. lo.)
En fait, c'était lui qui détenait le gouvernement. Il profita
des pouvoirs qui venaient de lui être octroyés pour instituer
son fils Phasaël stratège ou gouverneur de Jérusalem et un
autre de ses fils, Hérode, alors âgé de 25 ans, gouverneur de
la Galilée. Ce même Hérode fut, en outre, nommé gouver-
neur de la Cœlé-Syrie par le proconsul Sextus César. (47-46).
Marc- Le i5 mars 44 César succomba, poignardé en plein Sénat
Antoine, romain: Marc-Antoine ayant peu après ouvert les hostilités
contre les conspirateurs, un de ceux-ci, Cassius Longinus, qui
avait déjà administré la Syrie (53-5i) et que César lui-même avait
désigné comme proconsul de ce pays pour Tannée 43, s'y trans-
porta aussitôt, malgré que Marc-Antoine lui eût assigné une
autre province. Les armées romaines présentes en Syrie, encore
que jadis césariennes, prirent le parti de Cassius. Mais il fallut
à celui-ci des ressources considérables pour entretenir ces trou-
pes et s'en assurer la fidélité. Il n'hésita pas à taxer la Pales-
tine à concurrence de 700 talents, et pour la levée de cette
somme, Antipater et Hérode se tournant du côté d'où soufilait
le vent, témoignèrent de tout leur empressement. L'année 43
vit la fin tragique d'Antipater. Il périt empoisonné sur Tordre
d'un certain Malichos qui rêvait de le supplanter. Il fut vengé
par Hérode qui fit assassiner Malichos prés de Tyr.
Cassius quitta la Syrie en 42 ; Antigone en pçofita pour tenter
de s'emparer du pouvoir. Hérode eut raison de lui; mais les
Tyriens réussirent à occuper plusieurs localités de la Galilée et
à réduire en esclavage un grand nombre de Juifs. [Afît., 1. XIV,
ch. 9, II, 12.)
Vers la fin de 42 s'engagea à Philippes en Thrace la bataille
entre les armées de Marc-Antoine et ses adversaires républi-
cains. Cassius y laissa la vie et Marc- Antoine se vit maître de
toute l'Asie. Pour Hérode et Phasaël, qui avaient complète-
ment viré du côté de Cassius, la situation était par là-même
d'autant plus critique qu'au commencement de 41 une déléga-
tion de Juifs vint trouver Antoine en Bithynie pour accuser les
deux Irères d'usurper le pouvoir. Hérode prévint si bien par ses
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 281
largesses Antoine en sa faveur, que le triumvir ne reçut même
pas la délégation. Une nouvelle démarche, faite dans le même
sens à Antioche, pendant l'automne de cette année, eut un effet
tout opposé. Antoine, se souvenant que jadis sous Gabinius
(57-55), il avait été Thôte d'Antipater et voyant que Hyrcan,
qui était devenu le beau-père d'Hérode, prenait le parti de son
gendre, nomma Phasaël et Hérode tétrarques du pays juif. Les
adversaires des deux Iduméens ne se tinrent pas pour battus.
Une députation d'un millier d'hommes vint trouver Antoine à
Tyr. Mal leur en prit, car les armées romaines se jetèrent sur
eux et en tuèrent un bon nombre. Réintégration dut être faite
aussi par les Tyriens des territoires, biens et hommes, enlevés
aux Juifs l'année précédente. {Ant., 1. XIV, ch. 12, §§ i-5,
ch. i3, §§ 1-2.)
La Palestine eut, comme les autres provinces d'Asie, à four-
nir sa contribution dans les sommes folles qu'Antoine dissipait
par sa vie de dévergondage et de plaisirs.
Capté par l'amour de Cléopâtre, fille de Ptolémée XIII
Aulète et depuis 5i souveraine d'Egypte, il devait perdre, dans
les années de débauche qu'il passa avec elle, ses talents poli-
tiques et stratégiques et jusqu'à l'existence.
Antoine passa l'hiver de 41-40 à la cour de Cléopâtre, puis il
partit pour la Grèce et l'Italie. Pendant ce temps l'Asie Occi-
dentale se vit envahie par les Parthes.
Antigone crut l'occasion propice pour satisfaire enfin ses am-
bitions. Il sut gagner la faveur des chefs parthes, moyennant
la promesse — jamais accomplie — de mille talents et
cinq cents femmes; mais déjà avant leur intervention il parvint
à se créer à Jérusalem un parti qui lui fût dévoué, et qui livra
des luttes quotidiennes aux forces de Phasaël et d'Hérode.
Peu après, arriva un renfort parthe sous la conduite de Pacorus,
fils du roi parthe Orosus, et du satrape Barzaphrane. Malgré
les avertissements d'Hérode qui pressentait un piège, Phasaël
et Hyrcan se laissèrent conduire en Galilée au quartier général
de l'armée ennemie, sous prétexte d'y conclure une entente
entre les divers intéressés. A peine y furent-ils arrivés qu'ils se
virent prisonniers, Hérode, averti de cette trahison, n'eut que
le temps de convoyer à la forteresse de Masada, défendue
282
DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
Hérode
roi
des Juifs.
par son frère Joseph, sa famille et sa domesticité, non sans
avoir dû en même temps lutter contre les Parthes qui le pour-
suivaient, et contre une troupe de Juifs qui lui étaient hostiles.
Lui-même se dirigea d'abord sur Pétra.
Les Parthes se payèrent leurs services en pillant le pays et
livrèrent Hyrcan et Phasaël aux mains d'Antigone. Pour qu'il
fût à jamais incapable d'exercer les fonctions pontificales,
Hyrcan eut les oreilles coupées; Phasaël, sachant que la mort
l'attendait, se l)risa le crâne contre les parois de sa prison
et Antigone se vit enfin, par la grâce des Parthes, roi et grand-
prêtre des Juifs. {Aiit., 1. XIV, ch. i3, §§ 3-io.)
Hérode avait appris dans sa fuite qu'il ne serait pas accueilli
par le roi des Arabes Nabatéens, Malchus, qui craignait des
complications avec les Parthes ; il parvint à gagner Alexandrie
par Péluse, et s'embarqua sur Brindisi pour Rome, malgré les
tempêtes auxquelles l'exposait la saison automnale. Cette même
année 40, après s'être réassuré de la faveur d'Antoine, et avoir
conquis celle d'Octavien, il fut proclamé par le Sénat « roi des
Juifs ».
Restait à entrer effectivement dans l'exercice de la dignité
obtenue. Les Parthes furent expulsés de Syrie en 89; quelques
mois après, Hérode débarquait à Ptolémaïs (Akka) et les géné-
raux romains, qui jusqu'ici avaient soutenu Antigone, se ran-
geaient aux côtés du protégé d'Antoine. Toutefois, de nouvelles
incursions parthes et des soulèvements locaux empêchèrent
Hérode d'être dès lors maître du pays, encore qu'il entreprît
des expéditions couronnées de succès contre les brigands qui
infestaient la Galilée.
Ce n'est qu'au printemps de 37, après les irimas de l'hiver,
qu'il put mettre définitivement le siège devant Jérusalem. Il
l'abondonna le temps voulu pour se marier avec Mariamme,
une petite-fille de Hyrcan II (i). Après cet intermède, il con-
tinua l'attaque, avec l'aide d'une armée romaine sous le com-
mandement du proconsul Sosius. Après cinq mois de résistance
(i) Mariamme était fille d'Alexandre (fils d'AristobuIe II) et d'Alexan-
dra (fille de Hyrcan II). Hérode avait déjà une première femme. Doris.
qu'il répudia avant d'être roi et dont il eut un fils, appelé Antipater.
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉBA. 283
Jérusalem fut prise le jour de l'expiation au mois d'octobre.
Antigone tomba aux mains des Romains et fut envoyé comme
prisonnier à Antoine qui venait d'arriver à Antioche. Un mas-
sacre impitoyable décima les habitants et Hérode dut, pour
empêcher le pillage de la ville et du temple, combler de
cadeaux les auxiliaires de sa victoire. Antoine aurait bien voulu
réserver Antigone pour son triomphe, mais, gagné par l'argent
d' Hérode, il le fit exécuter à Antioche.
Ainsi finit la dynastie asmonéenne. Depuis trois ans, Hérode
était roi des Juifs en titre ; depuis ce jour il le fut en fait. [Ant.,
1. XIV, ch. 14-16.)
Les premières années de son règne, Hérode eut à combattre
beaucoup d'éléments ennemis pour consolider son autorité. Son
caractère énergique mais dur le servit à souhait. L'aristocratie
de Jérusalem était généralement portée pour Antigone ; qua-
rante-cinq de ses principaux membres furent exécutés et leurs
biens confisqués. Alexandra, la mère de Mariamme, se montra
particulièrement antipathique à son beau-fils. Hyrcan H était
revenu de sa captivité chez les Parthes ; il continua à jouir des
faveurs d' Hérode, mais, mutilé qu'il était, il lui était impossible
de reprendre ses fonctions pontificales. Hérode installa alors
comme grand-prêtre un certain Ananel, Juif babylonien de
souche sacerdotale, mais absolument ignoré. Alexandra en fut
piquée au vif et mit tout en branle pour faire octroyer cette
dignité à son plus jeune fils Aristobule. Elle s'adressa à Cléo-
pàtre, pour qu'elle agît sur Antoine qu'elle enlaçait de nouveau
de ses amours ; de son côté Mariamme insista auprès de son
mari en faveur de son frère : cédant à toutes ces instances,
Hérode finit, au début de 35, par remplacer Ananel par Aris-
tobule, âgé de 17 ans ; mais, jaloux de la faveur populaire dont
ce jeune homme fut gratifié, il trouva moyen de le faire périr
vers la fin de cette même année 35.
Alexandra obtint alors de Cléopâtre qu'Antoine demandât
compte à Hérode de son forfait. Au printemps de 34, Antoine,
dirigeant une nouvelle campagne en Arménie, manda effective-
ment Hérode à Laodicée(i); le roi iuif s'y présentant les
(i) Sud d'Antioche maritime.
284
DEPUIS LA CONQUETE DE POMPÉE
mains pleines, il parvint à arracher un verdict en sa faveur.
A son retour à Jérusalem il soupçonna son oncle et beau-frère
Joseph (i), gouverneur de l'Idumée, d'avoir des rapports
avec Mariamme et le fit mettre à mort (34).
Déjà nous avons vu Cléopâtre prendre parti pour Alexandra
contre Hérode. A force de sollicitations, elle finit par obtenir
d'Antoine, qu'elle avait accompagné jusqu'à l'Euphrate, la pos-
session de nouveaux territoires, aux dépens du roi juif. Indé-
pendamment d'une partie des terres nabatéennes de Malchus,
elle devint souveraine de la côte philistine et phénicienne
jusqu'au fleuve Eleuthérus (aujourd'hui le Nahr el Kébîr), —
à l'exception toutefois de Tyr et de Sidon, — ainsi que de la
plantureuse région de Jéricho (2).
Hérode n'eut qu'à s'incliner ; moyennant deux cents talents à
payer annuellement, il put toutefois garder en location les terri-
toires ainsi enlevés, et, lors du retour de Cléopâtre en Eg3^pte,
force lui fut encore de ménager à cette reine un. accueil ro3'al.
L'astucieuse essaya bien à cette occasion de gagner le
cœur d' Hérode, mais
sans y parvenir. L'Idu-
méen songea même un
instant à la faire périr,
mais il en fut dissuadé
et il l'accompagna jus-
qu'à la frontière égyp-
tienne, non sans l'avoir
comblée de présents.
Le despotisme pas-
sionné que Cléopâtre
exerçait sur Antoine de-
vait hâter la perte de son amant. Avant d'avoir rencontré la
Quadruple denier d' Antoine et de Cléopâtre.
a/ Tête de Marc Antoine.
ANTÛNIOC AYTOK.PATQP TH
TûN TPIÛN ANAPÛN.
r/ Tête diadémée de Cléopâtre.
BACIAICCA KAEOIIATPA
OCAN CûTEPA.
(i) Ce Joseph était frère tl'Antipater, le père d'IIérode, et avait épousé
Salomé, sa nièce, nue sœur d'Hérode.
(2) C'était, au dire des iiistoriens et géographes de l'aiiticiuité, une con-
trée extraordinairenient fertile. Son climat sous-tropical permettait d'y
cultiver en grand les palmiers et halsamiei's, qui lui donnaient sa beauté
enchanteresse et sa richesse de rapport. De nos jours, il en serait encore
ainsi, si le gouvernement turc était moins décourageant pour les i^lanteurs.
I
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉBA. 285
pharaone, Antoine s'était marié avec Octavia, la sœur d'Octa-
vien, son collègue dans le triumvirat. La conduite qu'il menait
en Orient irrita son épouse et son beau-frère. Il mit le comble
à leur colère et à son insolence, lorsque, après sa dernière
expédition en Arménie, il donna des provinces romaines en
partage aux enfants de Cléopatre, et envoya à Octavia ses
lettres de divorce.
En 32, Octavien fit destituer, par un plébiscite, Antoine
comme généralissime et déclarer la guerre à Cléopatre. Hérode
mit aussitôt ses troupes au service d'Antoine; mais Cléopatre,
vindicative en même temps qu'intéressée, obtint de son amant
aveuglé qu'Hérode fût chargé de combattre à nouveau l'arabe
Malchus qui avait cessé de payer son tribut. Durant cette cam-
pagne, où les succès et les revers alternèrent, la Palestine fut
secouée, au printemps de 3i, par un tremblement de terre qui
fit trente mille \'ictimes. Hérode eut enfin raison de son adver-
saire, mais peu après, le 2 septembre 3i, la bataille navale
d'Actium se termina par le désastre complet de la flotte
d'Antoine et de Cléopatre. Tous deux s'enfuirent en Egypte,
où ils essayèrent encore de résister, mais, poursuivis bientôt
par Octavien et abandonnés de leurs troupes, ils finirent leur
vie par le suicide au mois d'août de l'an 3o.
Heureusement qu'Hérode n'avait pas eu l'occasion de César
se ranger parmi les adversaires avoués d'Octavien. Il put Octavien
d'autant plus aisément virevolter et prouva aussitôt son attache- "sus e
ment au nouveau maître, en s'opposant avec Didius, le nou-
veau proconsul de Syrie, à une troupe de gladiateurs de
Cyzique, qui voulaient aller porter secours à Antoine en
Egypte.
Puis, craignant une possibilité de compétition de la part du
vieil Hyrcan, il le rit mettre à mort sous prétexte que le pauvre
octogénaire avait conspiré avec le nabatéen Malchus ; après
quoi il se rendit auprès d'Octavien, alors à Rhode, en route
pour l'Egypte (printemps de 3o). Il fut confirmé dans sa dignité
royale, et, quand en automne de cette même année Octavien
revint en triomphateur de l'Egypte, convertie par lui en pro-
vince romaine, Hérode récupéra le territoire de Jéricho, ainsi
286 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
que les villes de Gadara, Hippos, Samarie, Gaza, Anthédon,
Joppé et la tour de Straton.
Octavien régla les affaires d'Asie, puis au sixième mois de 29,
(appelé depuis lors Augustus), il revint à Rome où il obtint
rimpermm proconsulaire sur toutes les provinces, c'est-à-dire
le pouvoir impérial. En 27, le Sénat lui décerna le titre
(^Auguste que porteront dans la suite tous les empereurs.
Malgré la bonne fortune d'Hérode, son entourage ne connut
guère plus de tranquillité. Il soupçonna Mariamme et un certain
Soème de rapports illicites et les fit mettre à mort en 2g. Puis,
pris de remords, il chercha à s'étourdir dans des distractions
bruyantes, au point qu'il tomba mortellement malade à Sama-
rie. Alexandra, croyant qu'il ne relèverait plus, voulut s'assurer
la possession de la citadelle de Jérusalem, ainsi que celle du
temple. Mais les commandants des deux forteresses prévin-
rent Hérode, et celui-ci donna ordre d'exécuter Alexandra (28).
Le gouverneur de l'Idumée, Costobarus, marié à Salomé, la
sœur d'Hérode, subit le même sort en 25, pour avoir abrité
des parents éloignés appartenant à la dynastie asmonéenne.
Ceux-ci furent également tués et ainsi disparurent les derniers
compétiteurs possibles.
Le règne d'Auguste se caractérisa par une impulsion puis-
sante donnée au commerce, à l'industrie, ainsi qu'aux travaux
d'embellissement et d'utilité publique; l'empire, maintenant
en paix, avait d'ailleurs besoin de se remettre de la perturba-
tion apportée les dernières années tant par les guerres à l'exté-
rieur que par les guerres civiles. Dans toutes les provinces
on rivalisa pour satisfaire le maître du monde dans l'accom-
plissement de ses desseins. Hérode témoigna d'une activité
enthousiaste dans ce domaine et la Palestine connut une
recrudescence de culture hellénique.
Jérusalem vit s'élever un théâtre, un amphithéâtre et un
hippodrome; en même temps le roi se bâtissait dans la ville
haute un palais luxueux, défendu au Nord par les trois tours
Phasaël, Hippicos et Mariamme (i). Déjà auparavant il avait
(i) Des noms du frère mort en 40, d'un ami et de sa femme. D'une de
ces tours (probablement la tour Phasaël) il reste encore le soubassement,
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 287
transformé la forteresse qui dominait le temple au Xord-Ouest
et l'avait appelée « Antonia » en l'honneur du triumvir.
Samarie fut splendidement restaurée et son nom changé en
Sébaste; sur la côte il remplaça la tour de Straton par une ville
entièrement neuve qu'il appela Césarée, au milieu de laquelle
il éleva, en l'honneur de l'Empereur, un temple, visible à grande
distance en mer ; une jetée large et longue protégeait les
navires entrant en rade. Il construisit en outre plusieurs villes
nouvelles, qu'il appela du nom de ceux qui lui furent chers :
Antipatris , Kypros, Phasaelis, Agrippeion (i); il décora
deux forteresses de son nom : Hérodium (2); il restaura ou
consolida les places fortes d'Alexandrium, Hyrcania, Maché-
ronte et Masada, et installa plusieurs colonies militaires dans
le pa3's. Sa générosité et sa munificence de bâtisseur dépas-
sèrent d'ailleurs les étroites frontières palestiniennes (3), tout
en demeurant finalement à charge à ses sujets. Il visa néan-
moins à leur laisser un souvenir reconnaissant et admirateur
en réédifiant dans des proportions grandioses et avec une
magnificence particulière le temple de Jérusalem. L'entreprise
fut commencée la dix-huitième année de son règne (20-19) ^t
dédiée après neuf ans et demi; elle n'obtint toutefois son der-
nier achèvement qu'en 64 après J.-C, peu de temps avant sa
destruction. Le traité Middot de la Mischna la décrit en
détail et l'on se rappelle l'admiration des disciples devant ces
constructions grandioses dont il ne devait pas rester pierre
sur pierre. (Mat., XXIV, i ss., Marc, XIII, i ss.)
Hérode avait donc donné une certaine satisfaction à ses
sujets juifs, par l'érection d'un temple à jamais mémorable;
pour le reste il visa à témoigner, en toutes circonstances et par
appelé aujourd'hui « tour de David ». Ce palais occupait l'emplacement de
la citadelle actuelle et d'une partie du grand jardin des Arméniens.
(i) Antipatris, du nom de son père, remplaça l'ancienne Kapharsaba ;
Kypros, du nom de sa mère, tut bâtie aux environs de Jéricho ; Phasaelis,
du nom de son frère, au Nord de la même localité ; Agrippeion, du nom du
gendre d'Auguste, remplaça l'ancienne Anthédon (sur la côte, au Nord de
Gaza).
(2) L'une au Nord de Thécoa, aujourd'hui le mont des Francs, l'autre
dans la montagne, aux confias du royaume nabatéen.
(3- Cfr. ScHiiRER, I, p. Sgi ; Fklten, I, p. iiii.
288 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
tous les moyens, de son esprit hellénisateur. Il ne se contenta
pas de bâtir des cités et dans celles-ci des monuments publics
et des temples païens; il institua, entre autres à Césarée et à
Jérusalem, des jeux périodiques; dans sa résidence à Jérusalem
il aménagea des parcs et des jardins traversés d'avenues,
rafraîchis par des jets d'eau, et égayés par la présence de pi-
geons apprivoisés. En 23 il avait envoyé ses deux fils,
Alexandre et Aristobule, faire leur éducation à Rome; il s'en-
toura d'hellénistes de premier ordre auxquels il confiait les
charges les plus importantes et qu'il se plaisait à écouter : de
ce nombre fut l'historien connu Nicolas de Damas. {Ant., 1.
XVI et XVII passim.)
L'introduction de cette civilisation païenne lui valut — il n'y
a pas lieu dé s'en étonner — l'antipathie des Juifs. Le parti
pharisien jouissait depuis Alexandra de la faveur populaire;
encore qu Hérode le ménagea à bien des égards, la façon dont
il hellénisait et par suite paganisait tout son pays, ne pouvait
que lui attirer leur réprobation. Aussi, lorsque vers l'an 20, il
exigera du peuple un serment de fidélité à l'empereur et à sa
personne, six mille d'entre eux le refuseront net, quittes à payer
une amende d'importance. D'ailleurs le Sanhédrin, la grande
autorité juive dûment reconnue, n'eut plus l'ombre de pouvoir;
quant au suprême pontificat, Hérode en instituait ou en dépo-
sait le titulaire à son gré et selon ses caprices, ce qui n'allait
pas sans profit pour sa caisse. Ajoutons que le parti saddu-
céen, étroitement attaché à la dynastie asmonéenne, le consi-
dérait comme un intrus, et l'on comprendra aisément que les
hautes classes de la nation lui étaient franchement hostiles.
Il n'en allait pas autrement du petit peuple qu'il accablait
d'impôts pour pouvoir couvrir toutes ses fastueuses dépenses
(i) et qu'il faisait surveiller par ses espions, prêt à se défai-
re de quiconque lui paraissait suspect. Vers les années 25 il
avait failli être victime du complot de dix citoyens qui avaient
juré de le tuer au théâtre : leur entreprise éventée et avortée
(I) Le total auûuel des impots prélevés daus ses territoires comportait
à la fin de son règne à peu près 1.200 talents juifs, somme équivalant à plus
de II millions de francs. (Cfr. Felten, I, p. i25.)
jusqu'à l'échec DEFINITIF DE BARKOKÉBA. 289
leur avait coûté la vie; mais depuis lors il s'entoura de tant de
précautions, usa de tant de voies d'intimidation que pareille
tentative ne se répéta plus. Aux forteresses déjà existantes
s'étaient ajoutées, comme nous l'avons dit, celles de Maché-
ronte (i) et de Masada (2), intimidant autant les habitants
mêmes du pavs que les voisins; il avait à sa dévotion une
armée de mercenaires étrangers, et il empêchait par des me-
sures de police interdisant le moindre rassemblement, toute
tentative de révolte ou de conspiration. (Ant., 1. XV, ch. ro,
§ 4 et 1. XVII passi))i.)
On comprend que toutes ces mesures n'étaient pas pour lui
concilier les sympathies populaires, malgré que certains de ses
gestes étaient de nature plutôt réparatrice : tels l'érection du
temple de Jérusalem, la création du port de Césarée, la sécu-
rité assurée au commerce et à la circulation (3), même par
deux fois la remise d'une partie des impôts (4). Pour tout
autre qu'Hérode ç'eurent été des motifs d'être acclamé; les
griefs qu'on avait contre lui n'en furent aucunement diminués;
il est vrai que de son vivant il ne rencontra plus de résistance
ouverte, tant il avait terrorisé ses adversaires.
Si Hérode put se maintenir malgré l'antipathie de ses sujets,
il ne réussit pas moins dans la sauvegarde de sa situation
politique extérieure; c'est même par elle que son règne acquit
le plus d'éclat. La condition d'un roi allié, tel qu'Hérode
(i) Alexandre .Tanuée y avait jadis élevé uu fort, qui fut rasé par les
Romains eu 07; entre 20 et i3 Hérode le Grand bâtit sur cet emplacement
une construction, à la fois forteresse pour s'opposer aux Xabatéens, et
résidence d'agrément pour jouir du voisinage des eaux thermales de Cal-
lirrhoé et de Baarou.
Cfr. Abei-, Une croisière autour de la mer Morte, Paris, Gabalda, 1911,
p. 33 ss.
(2) Le rocher de ?*Iasada, sur la rive gauche de la mer Morte, en face de
la Lisàn, était encore autrement inaccessible que Machéronte : c'est là
qu'en 73 ap. J. C. les sicaires juifs opposeront une défense désespérée aux
Romains. Voir détails sur cette place fortifiée : Abel, op. laiid., p. 108 ss.
(3) \'ei's l'an 19 il promulgua un édit condamnant les voleur>^ à èti'e ven-
dus comme esclaves à l'étranger : moyen d'ailleurs ingénieux d'accroitre
ses revenus. {Ant., 1. XVI, ch. i, § i.)
(4) En l'an 20 elle fut d'un tiers, en l'an 14 d'un quart. (Ant., 1. X^', ch. 10.
§4;1. XVl.ch. 2, §5.)
19
290
DEPUIS LA CONQUETE DE POMPEE
et les autres souverains syriens, était essentiellement subor-
donnée et précaire. Leur pouvoir et leur titre de roi (i)
devaient être expressément reconnus par l'empereur; pour
passer à leurs héritiers il fallait un nouveau décret impérial
qui fréquemment modifiait l'ordre de choses existant Ce vas-
selage impliquait diverses obligations et restrictions : la pres-
tation d'un tribut au moins occasionnellement, l'appui de
troupes contre les ennemis de l'empire, la défense de contracter
des alliances étrangères ou d'entreprendre une guerre autono-
me, la frappe de la monnaie généralement limitée au billon. A
part cela, l'administration interne du pays obtenait ses droits
ordinaires dans l'exercice des pouvoirs judiciaire, financier et
militaire. Toutes ces particularités se trouvèrent maintes fois
vérifiées sous les dynastes iduméens, et Hérode s'entendit à
merveille à exploiter les latitudes lui concédées, pour gagner
les faveurs des Romains
/f^ ., ^ et s'en servir au bénéfice de
l'extension de son pouvoir.
Autant il était despote
vis-à-vis des siens, autant il
se montrait obséquieux en-
vers le dominateur romain.
Nous l'avons vu rechercher
les bonnes grâces d'Au-
guste, alors que celui-ci
Bronze d' Hérode le Grand.
a/ Trépied. A gauche la date (illisible sur
le dessin) L r (an 3).
A droite : monogramme.
Tout autour : (B)AS1AEÛ2 HPÛA.
r/ Casque avec jugulaire accosté de deux avait CU l'avantage SUr An-
P^^"^^^- toine. Plus tard il ne man-
qua aucune occasion de lui rendre hommage, et jusqu'à trois fois
il lui fit visite à Rome. Il se lia également d'amitié avec Agrippa,
le familier devenu le beau-fils d'Auguste. Le résultat de ces liai-
sons fut une extension toujours plus grande de son royaume.
Vers 23, il se vit octroyer la Trachonitide, la Batanée, et le
Hauran; trois ans plus tard, il acquit l'Iturée (2) dans le
(i) Il fallait un territoire d'une certaine étendue pour constituer un
royaume; l'appellation de tétrarchie était plus fréquente, sans que ce voca-
ble impliquât, comme son étymologie le ferait croire, la réunion de quatre
jirincipautés.
(2) D'après i Chron., I, 3i, Jétur était un des fils d'Ismaol. i Chrou., V^
jusqu'à l échec définitif de barkokéba. 291
Liban, avec les districts d'Ulatha et de Panéas, et obtint de
nommer son iVère Phéroras tétrarque de la Pérée (i). Enfin,
sa haute influence obtint aux Juits de la diaspora d'èire pré-
servés de tous ennuis dans l'étendue de l'empire.
C'est l'éclat extérieur de son règne qui valut à Hérode d'être
nommé « le Grand »; son impopularité auprès de ses sujets
ne lui aurait pas décerné ce titre. Les misères familiales (jui
assombrirent surtout les neuf dernières années de sa vie,
firent de lui le plus misérable des hommes.
Quand on saura qu'il avait épousé dix femmes (2), on ne
s'étonnera pas qu'il dut se produire des rivalités entre tous ces
ménages. Alexandre et x\ristobule, les deux fils de Mariamme,
la petite fille d'Hyrcan, avaient passé cinq années à Rome,
(de 23 à ï8 ans environ). De retour en Palestine, Alexandre
i9-2>, nous racontant les prises de possession par les tribus de Rubeu, (iad
etManassé, mentionne parmi les peuplades vaincues les Ituréens et parle
du territoire entre Kasan jusi^u'au Baal Hermon et à Sénir et à la monta-
gne dllermon.
D'après Strauox (Geogr., 1. XVI, ch. ^2, S 10) leur région est à placer à
coté de la Damascène sur l'Anti-Liban, sa pente orientale, et dans une
partie de la plaine située au-dessous.
Pendant la domination assyrienne l'Iturée fut occupée par des colons
étrangers. Aristobule I reconquit une partie du pays en 104 et obligea les
habitants à embrasser le judaïsme ovi à s'exiler. Strabon (loc. cit.) semble
leur donner i)our capitale la ville de Chalcis dans le Liban. Lorsque Pom-
pée sempara du pays, les Ituréens faisaient partie d'une confédération (lui
avait pour chef un certain Ptolémée, fils de Mennée, dont le royaume com-
prenait les montagnes de l'Iturée et la plaine de Massyas (entre Liban et
Anti-Liban vers Baalbeki. Ptolémée devint vassal de Rome. 11 eut pour
successeur son filsLysanias (4o). A l'instigation de Cléopàtre, Antoine le
fit mettre à mort. Cette région, après avoir passé eu partie par les mains
de Zénodore qui la reçut à ferme de Cléopàtre, fut donnée par Auguste à
Hérode le Grand. Après sa mort l'Iturée passa à son fils Philippe, plus tard
à Agrippa I et II. (Voir Vigouroux, Dict. Bibl. au mot Iturée, tome III,
col. 1089 1042; — Rev. Hibl., iS()8, pp. 278-79.)
(i<|On nommait Pérée cette portion du royaume hérodien qui s'étendait
du Jourdain à Philadelphie (Amman) exclusivement, et de Pella à Maché-
ronte. Auiii,, op. laiid., p. 33.
(2) Doris fut la première ; il la répudia avant d'être roi. Il en eut un fils,
nommé \ntipater.
En 3-, Mariamme, de la race des Asmonéens, devint la seconde; il en eût
trois fils et deux filles. Le plus jeune des fils mourut à Rome ; les noms des
deux autres sont Alexandre et Aristobule. Ce dernier fut père d'Agrippa I,
2g2 DEPUIS LA CONQUETE DE POMPÉE
épousa Glaph3Ta, une fille d'Archélaus, roi de Cappadoce.
Aristobule se lia à sa cousine Bérénice, dont la mère Salomé
était la sœur d'Hérode. Celle-ci vit de mauvais œil le retour
des fils de Mariamme ; elle ne cessa de les accuser auprès
d'Hérode de tramer contre lui des projets criminels, et, comme
Hérode était bien conscient qu'ils pouvaient venger la mort de
leur mère (cfr. sitpra p. 286), il rappela près de lui un autre pré-
tendant éventuel au trône : Antipater, le fils de Doris sapremière
épouse, et renvo3'a à Rome avec Agrippa en i3, pour le faire
présenter à l'empereur. A peine de retour, Antipater profita de
la situation pour évincer les fils de Mariamme en les calom-
niant de concert avec Salomé et Phéroras. D'ailleurs, Gla-
phyra, fière de sa lignée royale [Bell, jud., 1. i, ch. 24, § 2),
le prenait de haut avec Salomé et Bérénice se lamentait de ce
que son mari lui en voulait de n'être pas fille de roi. (Aiit.,
1. XVI, ch. 3, § I.)
Alexandre et Aristobule se plaignirent amèrement du chan-
gement qui s'opérait à leur égard et commencèrent à s'ex-
primer librement sur la mort de leur mère.
La tension devint telle entre les deux fils et le père, que
celui-ci se décida à se rendre avec eux en l'an 12 à Aquilée,
pour les accuser devant l'empereur. Mais l'ainé, Alexandre, se
défendit en termes si nobles qu'Auguste lui-même voulut la
réconciliation entre eux et leur père. {Ant. 1. XVI, ch. 4, § 1-6.)
roi de Judée, d'Hérode, roi de Clialcis et d'Hérodiade, dabord épouse de
Philippe, puis amante d'Aiitipas.
La troisième (vers l'année 24) l'ut une autre Mariamme, iiUe de Simon,
prêtre de .Térusalem, orisflnaire d'Alexandrie. Elle lui donna un fils nommé
Hérode, plus connu sous le nom de Philippe, époux d'Hérodiade.
De la quatrième et de la cinquième il n'eut pas d'enfants.
De la sixième, Malthace, une Samaritaine, il eut Archélaûs qui gouvei'ua
plus tard la moitié du royaume, et Philippe (qu'on appelle encore Autipas)
qui épousa Salomé, fille d'Hérodiade.
De la septième, Cléopàire, il eut deux autres fils, Hérode et Autipas
(qui s'appella aussi Philippe). C'est lui qui toui-na le Christ en dérision.
De la huitième, nommée Pallas, il eut un fils du nom de Phasaël.
De la neuvième, nommée Phédrn. il eut une lille Rossana.
De la dixième, Elpidie, il eut une autre fille du nom de Salomé.
(Cfr. Z.VNECCHIA, La Palestine cl'aujotird'Jmi. Paris, Lethielleux, 1899,
T. I, pp. i57-i58. — SCHURER, I, pp. 406-407.)
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 293
Elle ne pouvait guère durer, tous les membres de la branche
iduméenne s'entendant à comploter la perte des fils de
Mariamme. Bérénice transmettait à sa mère la moindre confi-
dence lui faite par Aristobule, et Hérode fut accusé auprès
d'Alexandre de rapports coupables avec Glaphyra. Les fausses
dénonciations devinrent telles, que plusieurs partisans des
deux frères furent mis à la torture, jusqu'à ce que l'un d'eux
parla d'une accusation inventée par Alexandre, et d'après
laquelle Hérode devait être dénoncé auprès de l'empereur
comme entretenant des relations hostiles aux Romains avec
Mithridate, le roi parthe. Là-dessus Alexandre fut mis en pri-
son, mais l'intervention de son beau-père, Archélaùs, le roi de
Cappadoce, réussit une fois encore à rétablir une courte en-
tente. {A}it. 1. XVI, ch. 8, §§ 2-6.)
Vers cette époque Hérode faillit encourir la disgrâce de
l'empereur. Une quarantaine d'habitants de la Trachonitide,
avaient ameuté ce pays, à cause de la sévérité avec laquelle
Hérode administrait ce repaire de bandits, et ils s'étaient ré-
fugiés auprès de Sylleus, roi des Arabes. N'obtenant pas leur
extradition, Hérode, appu3'é par Saturninus, le légat de Syrie,
envahit le territoire arabe pour se faire justice. Mais S3'lleus
l'accusa à Rome de violation illicite de frontières, et lui fit
effectivement perdre la faveur impériale. Une première ambas-
sade, envoyée par le roi juif pour se justifier, ne fut même pas
reçue. Il en fallut une nouvelle, conduite cette fois par Nicolas
De Damas, pour plaider et gagner la cause du monarque. (A?tt.
1. XVI, ch. g, §4; cfr. Fragm. Jiist. graec, t. III, p. 35i,)
L'arrivée à la cour de Jérusalem d'un Spartiate du nom
d'Euryclès, un ami d'Antipater, compromit définitivement les
deux malheureux fils de Mariamme. Faussement accusés de
comploter la perte de leur père, ils furent jetés dans les fers à
Jéricho, et incriminés de haute trahison auprès de l'empereur.
Celui-ci, fraichement réconcilié avec Hérode, lui donna plein
pouvoir, tout en lui conseillant d'instituer un tribunal à Ber^tos
(la moderne Beyrouth), A l'exception de Saturninus, de ses trois
fils et de quelques autres, le reste des membres qui le compo-
saient jugèrent les accusés dignes de mort. Un vétéran, appelé
Téron, voulut intercéder en leur faveur ; lui et trois cents
294 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
soldats furent mis à mort, convaincus d'être des partisans des
victimes : celles-ci furent pendues à Sébaste. (Ant., 1. XVI,
ch. lo et II.)
Antipater avait maintenant le champ libre, mais son impa-
tience d'arriver au pouvoir le perdit à son tour. Il s'entendit
avec Phéroras pour précipiter la fin d'Hérode; or, celui-ci tut
mis au courant par Salomé de ce qui se tramait. Toutefois le
roi rejeta la faute sur l'entourage de Phéroras, composé en
grande partie de Pharisiens. Ceux-ci furent exécutés, et Anti-
pater envoyé à Rome pour y faire approuver le testament
l'instituant héritier; il était prévu qu'en cas de décès d'Antipa-
ter, ce serait Philippe Hérode, fils de la seconde Mariamme
(l), qui monterait sur le trône. Phéroras, renvoyé dans sa
tétrarchie, y mourut bientôt.
On découvrit alors qu'Antipater lui avait remis du poison
pour en finir avec le vieux roi. Peu après arriva à la même
adresse un nouvel envoi de poison, ainsi qu'une lettre calom-
nieuse dans laquelle Antipater tâchait de perdre deux autres de
ses frères : Archélaùs et Antipas-Philippe. (2) La domesticité
de la maison de Phéroras acheva d'édifier Hérode sur les senti-
ments de son héritier présomptif. Une lettre des plus cordiales in-
vita Antipater à un prompt retour. Ignorant que tout était décou-
vert, il se laissa prendre au piège; à peine revenu, il fut saisi;
acculé par l'évidence des témoignages, il fut jeté dans les fers
et son cas dénoncé auprès de l'empereur. {Ant. 1. XVII,
ch. I à 5.)
Cependant la fin du monarque septuagénaire approchait. Une
maladie des intestins se déclara qui fit croire à un dénoùment
subit. Le lioi modifia son testament en faveur de Philippe-Anti-
■ pas, fils cadet de Malthace. Le mal empira rapidement. A l'ulcé-
ration des entrailles se joignit l'hydropisie et les vers rongeaient
certains membres déjà en décomposition. Il se fit transporter
aux sources thermosulfureuses de Callirrhoé (3), puis, n'en
(i) En même temijs qu'elle devenait sa femme, sou père était devenu
grand prêtre vers l'année 24. Voir la note précédente.
(2) Archélaiis, fils aine de Malthace la Samaritaine, et Antipas-Philippe,
fils de Cléopâtre de Jérusalem.
(3) Sur la côte N.-E. de la mer Morte; localité identique à l'Aïu-az-Zârah
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 295
supportant plus l'action, reconduire à Jéricho. Les derniers
jours s'achevèrent dans des ordres monstrueusement sangui-
naires et dans des douleurs atroces, (i) Il reçut encore à
temps le permis de l'empereur d'en agir à sa guise avec Anti-
pater et l'ignoble fratricide périt peu avant la mort de son
exécrable père. Un dernier changement testamentaire désigna
Archélaùs comme roi, institua Antipas-Philippe tétrarque de
Galilée et de Pérée, et assigna à Philippe-Antipas la tétrarchie
de la Gaulanitide, de la Trachonitide, de la Batanée et de la
région de Panéas. D'autres legs favorisaient- sa sœur Salomé,
ainsi que l'empereur et l'impératrice. (Ant., 1. XVII, ch. 6-8.)
Il expira peu avant Pàque, l'an 760 de Rome, quatre ans avant
notre ère, (2) et fut enterré sous la forteresse de l'Hérodium.
C'est vers la fin du règne de ce monstre que le Sauveur
naquit à Bethléhem au milieu du concert angélique annonçant
la paix au monde. (3) Connaissant le caractère soupçonneux
des Arabes. L'ouvrage déjà t-ité et si intéressant du Père Abel nous dis-
pense de tenter une description de cet endroit. (Cfr. op. laiid., pp. 2'i-25.)
Pour toutes les localités situées sur les bords de la nier Morte, nous ren-
voyons le lecteur à ce livre, et nous le faisons avec d'autant plus d'assu-
rance, qu'ayant participé à cet inoubliable périple, nous avous trouvé dans
le récit de notre docte compagnon de route une abondance et une justesse
de souvenirs qui nous dispensent de nous servir de nos notes personnelles,
(i) Voiries détails Ant , 1. XVII, cli. 6, §.§ 2-5. Cfr. ScHiiRER, I, pp. \\^-\\
Pelten, I, p. i33.
(2) Voir détails Fei.ten, I, pp. i34-i36, note 5. Schurer I, pp. ^iTy-i-j,
note 1G7.
(3) Le point de départ de l'ère chrétienne a été établi par un moine du
sixième siècle, Deuys le Petit (f vers 54o); c'est pourquoi elle s'appelle
encore l'ère dionysienne. Denys place la naissance <Iu Sauveui' en l'an 753
ab urbe condita : l'an 754 serait donc la première année de l'ère chrétienne.
Pareille fixation est impossible. Il est certain que .Jésus-Christ est né sous
Hérode le Grand, lequel est mort au plus tard vers Pàque de l'année 7Ô0.
Denys s'est donc trompé de 4 ans au moins. Le Sauveur doit être ne en 748
ou 74f) ub u. c. Pratiquement la fixation du moine Deuys a été maintenue.
Une autre difficulté — classique elle aussi — est celle du recensement de
Quirinius. La phrase de Luc II 2, aûrv; -Uno/paoh tt^wtvj ■yé^-'i -n/suiovs'jo/zoi tf.i
lupixi lL-jçri-jiou est d'ordinaire traduite ; « Ce premier recensement
eut lieu pendant que Quirinius commandait la Syrie » (trad. Crampon).
Or, dit-on, Quirinius n'a faitde recensement qu'eu l'an 6 après J.-C. (Voir
plus loin). Plusieurs exégètes catholiques solutionnent la difficulté en
disant que Quirinius a terminé un recensement commencé une dizaine
296 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
et cruel d'Hérode, la lâche tuerie des Saints Innocents contem-
porains du Seigneur (Mat., II, 1-12) n'a plus de quoi nous
étonner. Terminons la biographie de ce sinistre personnage par
d'années plus tôt. (Voir la littérature à ce sujet : Fei,tex, 1, p. 189, note 3.
ScHiiRER, pp. 508-09.) Cette explication nous paraît forcée.
Le Père Lagrange pro^iose une tout autre traduction déjà donnée par
Calmet, mais confirmée depuis par d'autres cas semblables. Il prend
TrpcjTo? dans le sens comparatif i)our izpàzspoi ou pour npà ce qui donne
un sens bien différent : « Ce recensement fut antérieur à celui qui eut lieu
pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. » (Cfr. Lagrange : Où en
est la question du recensement de Quirinius'/ Rev. Bihl., 1911, pp. 60-84, ^t
spécialement pp.8o-83). Il est vrai que cette traduction suppose deux recen-
sements; le premier sous Hérode, à l'occasion duquel la Sainte Famille se
met en route ; le second, celui de Quii'inius, en G de notre ère. Or Schûrer, I,
pp. 5oS 09, s'étend longuement à prouver que sous Hérode rex socius les
Romains n'auraient pas pu procéder à une ûnoyptxféi ou recensement,
qui n'avait d'autre but que d'aboutir à un relevé du cens à percevoir sur les
biens fonciers. Ceci n'aurait été possible qu'après la transformation de la
Judée en province romaine, c. à d. en 6 après J.C. C'est là une asser-
tion gratuite, qui, de plus, a contre elle un passage de Tertullien, Adv. Mar-
cionem IV, 19 : « Sed et census constat actos sub Augusto nunc in Judasa per
Sentium Saturninum apud quos genus ejiis inquirere potuissent. » De cette
donnée Schûrer ne tient aucun compte. Comme le fait observer le Père
Lagrange, il est i^emarquable que Tertullien ait tenu en apparence
si peucomiîte des termes de Saint Luc (s'il entendait la phrase de l'Evan-
géliste comme on le fait d'ordinaire) ; s'il s'est écarté de lui, c'est qu'il avait
une source, et c'est pour cela qu'il est permis de se prévaloir de l'attestation
de Tertullien (ar^ c/^é, p. 70). Or, ce Saturninus fut légat de Syrie de 9-6.
Ce recensement, commencé avant 6, peut avoir été continué sous Varus
de 6-4.
Schiirer iirétend aussi que l'histoire ignore un recensement universel de
l'emi^ire sous Auguste; Luc sei'ait donc encore en défaut, quand il dit II i
Kiio-/py.9s.cdxt 7ià(7av tvîv otxouuévvjv. Ce recensement général est pourtant attesté
par Cassiodore (45o-575) et le lexicographe Suidas du loe siècle (Voir
textes Schûrer, I, pp. 520-21, note 47)- A cela Schiirer répond que leur
témoignage est infirmé par le fait qu'ils étaient chrétiens !!! et qu'ils
vivaient à une époque bien tardive. Mais l'argumentation de Schiirer
tendant à trouver l'Evangélisie eu défaut ne serait-elle pas infirmée par sa
mentalité rationaliste.'' Il est vrai, les témoignages de Cassiodore et de
Suidas sont tai-difs, mais l'antiquité des sources compulsées parées deux
auteurs fait disparaître cet inconvénient. (Cfr. Felten, I, p. 141.) C'est
précisément le détail donné jjar Luc que le recensement fut universel,
qui accentue davantage encore sa diversité avec celui de Quirinius après
l'an 6 de notre ère, (lui. lui, fut local, et par là-mème laissa un souvenir
plus odieux et plus précis dans les mémoires juives.
D'ailleurs le troisième Evangéliste est particulièrement bien renseigné
sur la famille d'Hérode, siiécialemeut sur Hérode Antipas, au sujet duquel
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 297
l'appréciation qu'émettait sur lui l'empereur Auguste dont il
avait tant recherché la faveur; il disait de lui : « Mclius est
Herodis porcu))i esse cjuain Jiliîim ». (i)
Le dernier testament avait besoin d'une validation Archélaùs.
impériale. Archélaùs était sur le point d'entreprendre le
voyage ad hoc, lorsqu'éclata une sédition à Jérusalem qui fut
étouffée dans le sang. (Ajit., 1. XVII, ch. 9, § i ). (2) Con-
fiant à Philippe l'administration du lot lui échu, il put enfin
partir, mais fut suivi de près par Antipas, mécontent des der-
nières dispositions paternelles, et par d'autres membres de la
dynastie hérodienne qui demandèrent d'être administrés im-
médiatement par un procurateur romain, sinon par Antipas au
lieu d' Archélaùs.
Sur ces entrefaites, une nouvelle révolte dut être arrêtée en
Judée par le proconsul de Syrie, Ouintilius Varus, qui caserna
une légion à Jérusalem pour prévenir toute tentative ultérieure.
Mais un certain Sabinus, y envoyé par l'empereur comme
chargé d'affaires, en attendant que la succession d'Hérode fût
réglée, exaspéra la population par ses mesures oppressives. A
la Pentecôte, les Romains furent attaqués par les Juifs, précisé-
ment nombreux à l'occasion de la fête; ils réussirent toutefois
à s'emparer du temple dont ils pillèrent le trésor. Mais ce geste
déchaîna un soulèvement général tant en Galilée et en Pérée,
que dans la Judée même, — soulèvement conduit d'ailleurs par
des aventuriers qui }• cherchèrent leur profit personnel en pil-
lant et en terrorisant le pa3's. Varus, à la tête des deux légions
dont il disposait encore, et secondé par les Nabatéens du roi
Arétas IV, revint d'Antioche et eut bientôt raison des insurgés ;
deux mille des leurs expièrent leur forfait sur la croix, et Jéru-
il donne des détails qui lui sont propres, à l'exclusion des autres Synopti-
ques. Voilà qui n'est pas de nature à ébranler notre confiance, (juandil nous
raconte les faits passés sous Hérode le (Jraud (Cfr. la brochure de Geloofs-
oerdedig^in'f,« De \'olkstelling van (^uirinius » par ^'A^■ TuiiEi^x, Anvers,
i9ii,p.i>5).
(i) Cfr. Macrobi: , Snturnul, 1. II, cli. 4- Au même endroit Macrobe, fait
de la mise à mort d'Anlipater et du massacre des Saints Innocents une
seule et même exécution.
(2) 3,000 hommes périrent.
2g8 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
salem resta occupée par une légion romaine. {Ant., 1. XVIl,
ch. lo, §§ 4-IO).
Tandis qu'à Rome la cause des héritiers d'Hérode était
encore pendante, une délégation de cinquante Juifs s'y présenta
pour demander eux aussi de pouvoir vivre conformément à
leurs lois, sous l'administration directe des Romains, et d'être
délivrés du joug iduméen (i). De son côté, Philippe avait
jugé bon de se rendre dans la capitale de l'empire, pour soutenir
la cause d'Archéllùs et la sienne propre.
L'empereur convoqua les deux partis dans le temple d'Apol-
lon. La requête des mécontents, appu3^ée par les huit mille
Juifs de Rome, énumérait d'abord les griefs accumulés contre
Hérode et Archélaiis ; ensuite Nicolas de Damas plaida en
faveur d'Archélaùs dont jadis il avait défendu le père : l'empe-
reur prit quelques jours avant de communiquer sa décision, qui
confirma presque dans toute sa teneur le dernier testament
d'Hérode. Archélaiis retint donc la Judée, l'Idumée et la
Samarie (2) ; il ne perdit que le titre de roi qu'il échangea
contre celui d'ethnarque; Antipas devint tétrarque de Galilée
et de Pérée, et Philippe tétrarque (3) de la Batanée, le
Hauran, la Trachonitide et d'une partie de l'Iturée; Salomé
conserva également les villes lui départies : Jamnia, Azot, Pha-
saëlis; elle reçut en outre le palais d'Ascalon et 5oo,ooo pièces
d'argent. Auguste remit même aux enfants d'Hérode les quinze
cents talents que celui-ci lui avait légués. {Aiit., 1. XVH,
ch. II, §§i-5.)
Poursuivons rapidement l'histoire des deux tétrarchies pour
reprendre ensuite celle du territoire judéen.
Tétrarchie ^^^ parties constituantes du territoire de Philippe sont
de souvent diversement désignées, ce qui provient de ce qu'elles
Philippe, étaient d'annexion récente au pays juif, et que leurs confins
(\) C'est à cette démarche que fait clairement allusion la parabole du
divin Maitre, Luc, XIX. 12-27.
(2) A l'exception des villes de Gaza, Gadara et llippos, qui furent ratta-
chées à la province de Syrie; par contre, il eut Joppé et Césarée.
(3) Sur l'importance des titres d'ethnarque et de tétrarque, voir SCHu-
RER, I p. 4ii3-24, note 12.
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉBA. 299
n'étaient pas toujours nettement limités. Elles s'étendaient du
côté oriental du Jourdain, à peu près entre sa source et
l'endroit où il reçoit le Yarmouk (i). Les habitants de ces
régions étaient pour la plupart païens, tout en étant mélangés
à des Juifs et des Iduméens. Philippe était, à l'encontre des
autres membres de sa famille, d'un caractère pacifique, équi-
table et doux, et le Sauveur trouva plus d'une fois sur son
territoire une sécurité dont il ne jouissait pas ailleurs. Elevé
à Rome avec Archélaùs, il garda toute sa vie un souvenir fidèle
de la famille impériale. A Panéas il bâtit la. cité qu'il appela
Césarée, en l'honneur de l'empereur, et transiorma la vieille
Bethsaïda en ville qu'il nomma Julias, du nom de la fille
d'Auguste; il frappa également sur ses monnaies l'effigie
d'Auguste et plus tard celle de Tibère. Marié sur la fin
à la fameuse Salomé, la fille d'Hérodiade, il n'en eut pas
d'enfants.
Il mourut en 33-34. Pour quelque temps sa tétrarchie fut
incorporée à la province de Syrie, mais bientôt après, en 37,
Caligula la donna à Agrippa I. {Ant., 1. X\'III, ch. 2, § i ;
ch. 4, § 6; ch. 6, § 10.)
Antipas, également appelé Hérode — et désigné sous ce nom Tétrarchie
sur ses monnaies et chez les auteurs du Nouveau Testament — ° iv^s-
avait davantage hérité du caractère paternel; orgueilleux, sen-
suel, fastueux et astucieux comme son père (Luc, XIII, 32), il
avait reçu en partage les contrées de Galilée et de Pérée, dont
le seul désavantage était d'être séparées par les villes de la
décapole. Il obvia à cet inconvénient en restaurant et en forti-
fiant Sépphoris et l'ancienne Beth-Haram qui porta successive-
ment les noms de Livias et de Julias. Pour avoir moins à
craindre les incursions de ses voisins nabatéens, il épousa la
fille de leur roi Arétas IV. Dans un site charmant, sur la rive
occidentale de la mer de Génézareth, il se bâtit une capitale,
appelée Tibérias en l'honneur de l'empereur alors régnant et
l'organisa à la manière des villes helléniques; elle fut habitée
par une population assez hétéroclite, car, son emplacement
(i) Sur ces différents territoii*es, voir Scliûrer, I. pp. 420-28. note 3.
300 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
occupant une ancienne nécropole, elle devait nécessairement
souiller un Juif scrupuleux.
En divers points toutefois Antipas se conformait aux exi-
gences de la loi juive, venant à Jérusalem pour certaines fêtes
(cfr. Luc, XXIII, 7) et ne faisant frapper aucune effigie sur
ses monnaies. Malgré cela, il ne devait pas jouir de beaucoup
de sympathie, attendu que ses partisans étaient désignés, au
rapport de l'Evangile, sous un nom particulier (cfr. Marc, III,
ô, XII, i3; Matth., XXII, i6) et le contexte prouve bien
qu'ils ne constituaient pas une majorité.
Lors d'un vo_vage à Rome, il fit la connaissance d'Hérodiade^
une fille du malheureux Aristobule, épousée par son demi-frère
Philippe-Hérode (2). Epris d'elle, il n'eut pas de peine à
s'attacher cette créature cruelle et ambitieuse qui devait causer
sa perte.
La fille d'Arétas, mise au courant de l'infidélité de son mari^
n'attendit pas que celui-ci la répudiât ; elle fit ses préparatifs
et pria Hérode, à son retour, de la faire conduire à Maché-
ronte. Celui-ci, ignorant qu'elle fût consciente de sa félonie,
y consentit; mais, à peine arrivée à destination, elle lui brûla
la politesse et se réfugia auprès de son père.
Ce dut être vers cette époque, en automne de l'an 26, la
quinzième année de Tibère, que s'éleva la voix clamant dans le
désert, dont la fière franchise reprocha au tétrarque son union
illicite. Les Synoptiques nous apprennent qu'elle lui valut d'être
emprisonné (3). Flave-Josèphe, dans la notice élogieuse qu'il
consacre au saint Précurseur {Ant., 1. XVIII, ch. 5, §2) nous
dit qu'Hérode l'emprisonna par crainte que son influence sur
les foules ne provoquât une révolte. En fait, les deux motifs
auront concouru à abréger la carrière de celui qui devait dis-
(i) Pour plus de détails voir Schûrer I, p. 433 et II, pp. 216-ai.
(2) Le uom de Philippe uous est donné par Mure, VI, i"- D'après Flave-
Josèphe, Ant., 1. XVIII, ch. 5, § 4, elle aurait été la femme de cet Hérode,
fils de la seconde Mariamme, héritier éventuel selon le premier testament
d'IIérode le Grand (cfr. p. 294) et qui finalement n'avait rien reçu. Selon
Fei.ten I, p. 173, cet Hérode était surnommé Philippe, un Philippe distinct
du tétrarque. Schiirer prétend à tort (I, p. 435) que deux fils d'IIérode ne
pouvaient porter le même nom.
(3) Matth. XIV, I ss.; Me. VI, :4 ss ; Luc, III i ss.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 3oi
paraître à l'avènement d'un plus grand que lui. Le caractère
inquiet d'Antipas, et la haine sanguinaire d'Hérodiade se
seront accordés sur cette mesure suppressive. Jean-Baptiste
fut enfermé dans le palais fortifié de Machéronte, où il passa
près d'une année (l), avec la latitude de recevoir des visi-
teurs. (Cfr. Matth., XI, 2 ss.) Hérode lui-même éprouvait pour
le saint détenu une crainte respectueuse et le protégeait contre
les tentatives occisives d'Hérodiade; mais la mégère veillait,
et l'on sait comment finit celui que le Seigneur avait si
magnifiquement loué.
Peu après, le lâche et superstitieux monarque, entendant
parler des œuvres merveilleuses du Sauveur, crut sa victime
ressuscitée et voulut s'en assurer. (Luc, IX, 7 ss.) Quand le
ministère du divin Maître lui sembla également compromet-
tant pour sa sécurité, il lui fit faire une commission d'intimida-
tion par les pharisiens. (Luc, XIII, 3i-33.) Ce n'est qu'au jour
de la Passion que l'insolent adultère se rencontra avec la
divine Victime dont le dédain suprême vitupéra à jamais
sa mémoire. (Luc, XXIII, 7-1 1.)
L'infidélité conjugale de l'Iduméen n'allait d'ailleurs plus
tarder d'être punie. Une contestation de frontières mit aux
prises, en l'an 36, l'armée arabe avec celle d'Antipas. Cette der-
nière fut complètement défaite dans la région de Gamala (2)
et le vaincu n'eut plus qu'à prendre son recours auprès de
l'empereur. Tibère ordonna aussitôt à Vitellius, le légat de
Syrie, de marcher contre Arétas. Tandis que l'armée romaine
longeait la côte pour arriver à Pétra en contournant la Judée
et en traversant l'Idumée, Vitellius piqua jusqu'à Jérusalem
où l'on célébrait précisément la fête de Pàque (37). Le quatrième
jour de son arrivée il apprit la mort de l'empereur, et comme
il n'était pas fort porté pour Hérode (3), il donna ordre à son
(i) Voir justification de cette durée de riucarcération : Feltex, I, p. 177,
note 7. Pour le récit évaugélique consultez Lagraxge, Evangile selon
Saint-Marc, pp. i52-ij8. Sur Machéronte et la visite inoubliable que nous
y avons faite, lire ; Abel. Op. laud., p. 3oss.
(2) S.-O. du lac de Tibériade.
(3) Voir le motif : AnL. I. XVIII, ch. 4, ?; 5. Cfr. Feltex, I, p. 180, note 3
et SCHURER, I, pp. 4i^t>-47.
3o2
DEPUIS LA COXOUETE DE POMPEE
armée de retourner à Antioche. C'était pour le monarque juit
une première déconvenue.
Caligula, le nouvel empereur, un ami d'enfance d'Agrippa, le
frère d'Hérodiade. avait peu après son avènement, donné à ce
dernier la tétrarchie de Philippe (cfr. supra p. 29g) et le titre de
roi. Le favori arriva en Palestine l'année suivante en pompe
rovale. Jalouse de cette préséance, Hérodiade fit tant et si bien
qu'Hérode se mit en route pour Rome avec elle, afin de solli-
citer en sa propre faveur le diadème ro3'^al. Mais Agrippa mit à
ses trousses un affranchi, Fortunatus, chargé d'accuser le
tétrarque de comploter contie les Romains avec les Parthes.
Le fait était qu'Hérode avait armé 70,000 hommes, on ne sait
trop dans quel but. Comme il ne put nier cet armement, il se
vit pris en suspicion et exilé dans les Pyrénées (i), où Héro-
diade, cause initiale de ses mésaventures, voulut le suivre.
Son ethnarchie passa elle aussi au pouvoir d'Agrippa. (^nt.,
L XVni, ch. 2, §§ I, 3; ch. 4, § 5 ; ch. 5, §§ i-3 ; ch. 7, §§ i, 2.)
La Judée
sous
Archélaùs
et les
Procura-
teurs
romains,
jusqu'à 41
, ap. J C.
Le règne d'Archélaiis fut t3'rannique et oppressif, au point
qu'à son retour d'Egypte, Joseph n'osa se fixer sur son terri-
toire. (Matth., H, 22.) Archélaùs répudia Mariamme, sa pre-
mière femme, et épousa la veuve du malheureux Alexandre
(cfr. sîip}-a p. 292), GlaphATa, qui, après la mort de son premier
époux s'était mariée à Juba, le roi de Mauritanie, pour s'en
séparer bientôt. Par cette alliance illégitime il heurta les con-
consciences juives. Il se les aliéna encore davantage en dépo-
sant les grands-prêtres l'un après l'autre. Héritier du génie
bâtisseur du vieil Hérode, il restaura magnifiquement le palais
de Jéricho, planta une palmeraie au nord de cette ville, et
construisit à douze milles plus loin, dans la même direction,
la localité qui s'appela de son nom : Archélaïs. Tout cela ne le
réconcilia pas avec ses sujets. Une délégation de notables Juifs
et Samaritains alla le dénoncer auprès d'Auguste. Appelé pour
se justifier, il fut déposé et exilé à Vienne en Dauphiné, dans
la dixième année de son règne. (6 ap. J.-C.)
La Judée avec la Samarie et l'Idumée furent dès lors admi-
(i) Voir Feltex, I, p. 181, note 3; Schûrer, I, p. 448, note 45.
jusqu'à, l'échec définitif de barkokéba. 3o3
nistrées d'une manière spéciale, tout comme certaines autres
contrées (Egypte, Thrace, Mauritanie), qui offraient des diffi-
cultés particulières et supportaient dès lors un régime différent
de celui qui régissait les autres provinces. Au lieu d'un pro-
consul ou d'un propréteur, c'était un officier de rang équestre
seulement qui en prenait la direction. Il avait le titre de pro-
curator, â'-'.Tpojro; (dans le X. T. plus souvent ■(;-'i<j.w/). Ce
nom qui autre part désignait un administrateur des finances,
comportait dans ces cas particuliers toutes les attributions
gouvernorales des autres chefs de provinces. Toutefois, dans
des circonstances extraordinaires, le procurateur de Judée
relevait du légat de Syrie comme de son supérieur immédiat.
Sa résidence habituelle était Césarée; exceptionnellement, il
séjournait à Jérusalem ; dans 1 une et l'autre de ces villes il
occupait le palais construit par Hérode.
Le procurateur ne disposait que de troupes auxiliaires (i),
dont l'infanterie était répartie en « cohortes w, et la cavalerie
en « ailes », chaque division s'appelant du nom ethnographique
de ses composants. Comme les Juifs étaient dispensés du ser-
vice militaire, les troupes palestiniennes étaient recrutées
parmi les autres habitants du pays et réparties entre diverses
localités.
Au point de vue judiciaire la compétence du procurateur
s'étendait à toutes les peines et à toutes les personnes, sauf que
quiconque avait le titre de citoyen romain, pouvait en
appeler, même au cours du procès, au jugement de l'empereur.
(Cfr. Act., XXV, 10-12.) En Judée cependant, les cours judi-
ciaires locales et le Sanhédrin continuèrent à fonctionner, à
côté du tribunal romain, avec cette seule restriction qu'ils ne
pouvaient exécuter une condamnation capitale. Enfin le procura-
teur avait encore l'administration financière à charge. Les
impôts de Palestine étaient versés au fisc, ou caisse impériale ;
c'étaient l'impôt foncier et l'impôt personnel ou sur le revenu.
A côté de cela, il y avait les douanes, l'octroi, les droits de
péage pour frontières, ponts, routes, marchés, etc., et les
(il Les légions seules étaient composées de soldats ayant le titre de
citoyens romains. Elles constituaient l'armée régulière.
3o4 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
impôts particuliers prélevés par certaines cités autonomes,
et par les dynastes locaux, à leur propre profit.
L'impôt foncier et l'impôt sur le revenu, destinés à la caisse
impériale, étaient perçus par des agents de l'Etat, mais tous les
autres Tétaient par des particuliers, les « publicains », qui
prenaient cette perception en location. Quoiqu'il y eût des
tarifs fixant les sommes dues, ils étaient trop peu précis pour
ne pas donner lieu à l'arbritaire. Ce système de location était
généralement rémunérateur pour ceux qui le prenaient à charge.
Aussi les percepteurs d'impôts étaient-ils exécrés et mis au
rang des pires pécheurs. (M atth., IX, lo ss., XI, ig, XVIII, 17,
XXI, 3i — Luc, V, 3o, VII, 34, etc.) Le système sévit encore
en Palestine de nos jours, avec tous ses inconvénients, (i)
On comprendra que dans ces conditions les impôts écra-
saient fréquemment les tributaires et motivaient leurs plaintes;
tout Juif avait à payer, en outre, le didrachme pour le temple.
Nonobstant ces attributions multiples des procurateurs, et
malgré que ceux-ci abusèrent plus d'une fois de leurs pou-
voirs, les Juifs se virent régis avec plus de liberté que sous
le régime hérodien; c'est que le sanhédrin, et à sa tète le
grand-prêtre, avaient repris l'administration interne de la com-
munauté juive. Il est vrai que cette situation n'était nullement
garantie de façon légale, encore que de fait elle tâcha de s'im-
poser le plus possible.
C'est le moment de faire connaître de plus près la compo-
sition et l'autorité de ce corps sanhédrinal.
Le Un sénat aristocratique à Jérusalem, aux mains duquel était
° rin confiée l'administration du peuple juif en tout ou en partie, n'ao-
Jérusalem. parait qu'à l'époque hellénique. Les rabbins en rattachaient l'ori-
gine aux soixante-dix Anciens qui formaient le conseil de Moïse.
(Num., XI, 16.) Seulement, pendant toute la période qui pré-
cède l'époque grecque, on n'en trouve aucune trace. Les
Anciens du peuple qu'on voit mentionnés parfois, ne consti-
tuaient pas un corps organisé comme le sanhédrin, et le tribunal
(i) Voir détails sur les différentes attributions du px'ocurateur, ScHû-
RER, I, pp. 457-79.
jusqu'à l'échec défixitif de barkokéba. 3o5
suprême de Jérusalem, dont parlent le Deutéronome XVII,
8 ss., XIX, i6 ss., et 2 Chron., XIX, 8 n'est qu'un tribunal
judiciaire et non un corps gouvernant. Aux temps de l'exil
et à l'époque perse on trouve douze chefs du peuple, repré-
sentant probablement les douze tribus, mais leur action
était commune seulement pour autant qu'ils le voulaient,
les tribus constituant encore alors des clans assez bien
séparés. (Esdr., II, 2, Xéh., VII, 7) (i). Mais lorsque
celles-ci se iondirent ensemble, on aura eu ce corps adminis-
tratif que Josèphe appelle yspo-ja-ia. Mentionné pour la première
fois à l'époque d'Antiochus le Grand (2j3-iS7) il doit cepen-
dant dater de la fin de l'époque perse, car il est aristocratique
chez les Juifs, alors que dans les villes helléniques de fondation
récente il était démocratique. Cette institution est donc vrai-
semblablement pré-hellénique, d'autant plus qu'à l'époque
perse la situation était à peu près identique à ce qu'elle fut à
l'époque hellénique. Au commencement de cette dernière épo-
que ce furent, au témoignage d'Hécatée (2), les prêtres qui
exerçaient l'influence dominante dans cette assemblée. A sa
tête se trouvait Vxzyyzzi'jz, : le grand-prêtre dont la fonction
était héréditaire. Les attributions de ce corps législatif étaient
très étendues, étant donné que les souverains grecs se conten-
taient en général de voir leur autorité reconnue et le tribut
payé. A l'ancienne dynastie pontificale succéda celle des
Asmonéens également héréditaire, mais la ^■■tzo'ji'.y. se main-
tint, (3) quoique l'assomption du titre roval par les Asmo-
néens et le règne autocratique d'un Alexandre Jannée fussent
faits pour amener une monarchie pure. Depuis Alexandra (76-67)
les scribes entrèrent en grand nombre dans la vsco'jT-'a; le vent
soufflait d'ailleurs du côté du pharisaïsme.
Lorsque Pompée abolit la rovauté, le grand-prêtre Hyrcanll
conserva la -zrfy-y.i'.y. toû î'Ovo'j;. Après une répartition tempo-
(i) Il est eu outre parlé des aucieus tlu peuple ; Esdr., V, 5, ;> ; VI, 7, 14 ;
X, 8. Néh., II, 16, IV, 8, i3, Y, 7, 17, VII, 5.
(2) Ilistorieu de l'Egypte, couteuiporaiu de Ptoléuiée Lagus (323-285)
Voir SciuiRKR, II, p. 240.
(3) I Mac, VII, 33, XI, 23, XII, G, 35, XIII, 3G, XIV, 20-28; 2 Mac, I, 10.
IV, 44, XI. 27.
3o6 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
raire de la Judée sous Gabinius (57-55) en cinq T'jvsopia, qui
restreignit le pouvoir des Juifs, l'ancien état de choses fut res-
tauré après une dizaine d'années sous César (47), qui nomma
Hyrcan II èhàpyr^c, des Juifs. Vu qu'on considérait le sénat
de Jérusalem avant tout comme un tribunal p^-pi-j, on lui donna
le nom de cr'jv£op!.ov, mot qui n'est pas employé d'ordinaire
pour désigner les sénats des villes. (l) Hérode le Grand
commença son règne en faisant exécuter une grande partie des
sanhédrites, membres de la vieille noblesse qui lui était hostile.
Depuis lors beaucoup de pharisiens entrent aussi dans le san-
hédrin.
Sous Archélaùs qui n'obtint que la Judée et la Samarie, la
juridiction territoriale du sanhédrin fut réduite dans les mêmes
limites; il en fut encore ainsi sous les procurateurs, mais
sous eux son influence s'étendit, au point que Josèphe nous
dit (2) qu'après la mort d'Hérode et d'Archélaùs, le
corps dirigeant était l'aristocratie sous la haute direction
des grands-prêtres, distinguant ainsi le régime actuel d'un
sénat aristocratique du régime monarchique sous Hérode»
ICuvéopwv, 7rp$'7ii;'j'r£p!.ov, iiou\euTf\<;, [iouXr^ sont les appellations du
N. T. Il disparut après 70, car l'autonomie relative qui avait
été laissée aux Juifs ne pouvait plus désormais leur être oc-
troyée. Il est vrai que le peuple juif se reconstitua une p-n-fiiE
à Jamnia, mais celle-ci usurpa des attributions juridiques, sans
d'ailleurs jamais reprendre une direction politique. Le rabbi-
nisme se rendit bien compte de la dissolution du grand
sanhédrin : il n'exista plus de tribunaux au véritable sens
du mot, fonctionnant d'une manière permanente.
La tradition juive représente le sanhédrin comme composé
exclusivement de scribes, ce qui ne fut pas le cas avant 70.
Josèphe et le Nouveau Testament s'accordent pour mettre à
sa tête la plus haute aristocratie sacerdotale; originairement et
essentiellement, c'était un corps aristocratique et non un corps
(i) C'est le sens de ce mot dans la grécité postérieure. Ixj-Aàpiov apparaît
pour la première fois : Ant., 1. XIV, ch. 9, §§3-5.
(2) Ant., 1. XX, ch. 10, vers la fin.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 3o7
savant. Mais le pharisaïsme gagnant tant d'influence, il obtint
lui aussi ses représentants dans le sanhédrin; en outre, l'oppo-
sition d'Hérode à la vieille noblesse devait être nécessairement
favorable au pharisaïsme.
A l'époque romaine il y a deux composants du sanhédrin :
la vieille aristocratie sacerdotale à tendance sadducéenne, et
le rabbinisme pharisaïque. Le nombre de ses membres est de
septante et un d'après la Mischna et il semble être exact,
car à Alexandrie on trouve aussi un conseil des anciens
de septante et un membres. Contrairement à l'usage admis
dans les sénats démocratiques des villes helléniques,
dont. les membres n'étaient élus que pour un an, ceux du
sanhédrin, à raison de son caractère aristocratique, doivent
l'avoir été pour un terme assez long, ou même à vie; ils n'étaient
pas non plus choisis par le peuple, mais soit par les anciens
membres, soit par les hautes autorités politiques (Hérode^ les
Romains). Il fallait être Juif de pur sang et l'entrée en charge
se faisait par l'imposition des mains : hd^^C (^)-
D'après Josèphe et le N. T. on distinguait les àpyLcpcC; ou
ir/oy-t^ comme personnalités dirigeantes, désignant les mem-
bres principaux du sacerdoce; à eux revenait l'administration
des affaires; après eux on a les ypauiJiaTsîrç, scribes, rabbins,
connaisseurs de profession de la loi ; ceux qui n'apparte-
naient pas aux classes précédentes, qu'ils fussent prêtres ou non,
étaient appelés -çn^lj-j-zzo:. Les deux partis, pharisiens {-^'^y.'j.u.y.-zî<;
surtout) et sadducéens {xcjy.zzz^^ surtout) y étaient donc repré-
sentés. A l'époque romaine ce furent les pharisiens qui l'empor-
taient et, en fait, c'est à leur avis que devaient bien se ranger les
sadducéens s'ils ne voulaient pas s'aliéner la faveur populaire.
Cet accord, pour forcé qu'il fut, nous est montré sur le vif dans
le N. T. où les àoyisper; vont souvent de pair avec les cpap^TatTot,
Quant à la présidence, la tradition juive postérieure, qui ne
voyait dans le sanhédrin qu'un collège de rabbins, l'a toujours
dévolue à des scribes. Au contraire, Josèphe et le Nouveau
Testament s'accordent pour la conférer au grand-prétre; ce qui
n'est pas étonnant, car, à l'époque hellénique le grand-prêtre
(1) Cfr. Num., XXVII, 18 23.
3o8 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
était chef politique, sous les Asmonéens il fut roi, et pour
l'époque romaine Josèphe nous dit « t>.v Tzpoo-Taa-iav toj è'Gvo-j;
oi y.^yiepelç iTzz-ii'zvjv-o » {An t., 1. XX, ch. lo fin, allégation
d'ailleurs confirmée par les faits.) (i).
A proprement parler, depuis la mort d'Hérode le Grand, la
juridiction sanhédrinale ne s'étendait que sur la Judée, ce qui fait
que ce corps n'avait aucune prise juridique sur Notre-Seigneur
aussi longtemps que celui-ci resta en Galilée. (2) En un cer-
tain sens toutefois le sanhédrin était obéi dans toutes les com-
munautés juives du monde (Actes IX, 2, XXII, 5, XXVI, 12);
mais cela dépendait de la libre acceptation de celles-ci. A part
certaines restrictions, le pouvoir du sanhédrin était, même en
Judée sous les procurateurs, le pouvoir suprême des Juifs à
tous points de vue : civil, religieux, criminel, répressif : (3)
seule la peine de mort devait être confirmée par le procurateur.
Sous cette réserve elle pouvait être appliquée à un non-Juif, et
même pour un seul cas à un Romain : à savoir, s'il dépassait la
borne du temple que pouvaient seuls Iranchir les Juifs; néan-
moins le condamné ne devait pas être remis aux mains des
Romains, comme on fit pour le Sauveur. Il suffisait que la
condamnation à mort fût approuvée. La plus grande restric-
tion au pouvoir sanhédrinal consistait en ce que les Romains
pouvaient se réserver des cas particuliers, comme on fit avec
S. Paul. (Act., XXV, II, 12, 21.) Procurateur et tribun pou-
vaient convoquer le sanhédrin pour qu'il se prononçât sur
un cas au point de vue de la loi juive.
Les tribunaux locaux siégeaient ordinairement le lundi et le
jeudi. On ignore si le sanhédrin faisait de même : certainement,
il ne siégeait pas les jours de fêtes ni le sabbat.
D'après Josèphe le local de réunion de la '^po'Skr^ se trouvait
dans le voisinage du Xystos, à l'Est de celui-ci, vers la colline
du temple. Or, comme du X3'Stos il y avait un pont qui con-
(i) Là où Josèphe parle de séances du Sanhédrin, ou y voit le grand-
Ijrêtre présider : Ani.^ 1. XIV, ch. 9, S§ 3-5; 1. XX, ch. 9, ?; i. Cfr. Matth.,
XXVI, 3, 57. Act. V, 17 ss., VII, I. IX, I, 2, XXII, 5, XXIII, 2, 4, XXIV, i.
(2) Il y avait néanmoins des tribunaux de moindre importance à côté
du Sanhédrin, même à. Jérusalem.
(3) Saisies de corps : Matth., XXVI, 47 ; Marc, XIV, 43; Act., IV, 3, 5,
V, 21, 40.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 3o9
duisait immédiatcinoit à la colline du temple, il faudra le placer
sur la colline même, du côté Ouest. Il était en dehors de
la ville haute. La réunion chez le grand-prêtre dans le procès
de Jésus s'explique parce que c'était la nuit, et qu'alors les
portes de la colline du temple étaient fermées.
Depuis la seconde période de l'époque perse jusqu'à l'époque
romaine, le grand-prètre tut le chef religieux et civil. Quoique
leur autorité fut restreinte d'une part par les dominateurs grecs,
d'autre part par la -•zzryj'jiy. le fait d'occuper leur charge à vie
et d'une manière héréditaire, leur donnait une grande lorce.
Le souverain pontificat atteignit sa plus haute puissance sous
les rois asmonéens postérieurs.
Mais la dynastie asmonéenne renversée, le pouvoir ponti-
fical fut restreint. La charge ne fut plus conférée à vie et
cessa d'être héréditaire. Hérode et les Romains démettaient
les grands-prêtres à plaisir, et à cette instabilité s'ajoutait
l'influence croissante du pharisaïsme. Malgré ces facteurs
corrosits de son autorité, le grand-prêtre conserva un pou-
voir très étendu jusqu'en 70. Il se trouvait toujours à la
tête de la communauté civile, et ce n'étaient que quelques famil-
les de choix qui fournissaient les candidats. Ils représentaient
encore toujours sous la domination romaine et sous celle des
Hérodes une aristocratie très influente.
Comme pendant cette dernière période on les changeait fré-
quemment, il s'en trouvait toujours quelques-uns survivant à.
leur charge ; ils gardaient une grande importance : tels Anne
et son fils Jonathan.
Ces ex-pontifes conservaient leur titre d'âr/'.îcij; avec cer-
tains droits et certaines obligations de la haute fonction.
Des personnages qui ne furent jamais grands-prêtres por-
tèrent cependant le titre de cette dignité : cette charge étant
en fait la prérogative de quelques grandes familles, l'appel-
lation passa souvent à leurs fils, à d'autres parents. (Cfr.
Act.,IV, 6, XIX, 14.) Ceux-ci d'ailleurs ne s'en tenaient pas qu'au
titre: ils prenaient souvent une participation effective à la di-
rection des affaires. (Act., IV, 6 en grec.) (i)
(i) Sur le Sanliédriu voir : Fei.tex, I, pp. 286-801 ; Schurer. Il, pp. 287-77,
3lO DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
Comme l'indique la mesure prise contre toute violation du
temple par un étranger, fut-il citoyen romain (voir texte dans
les appendices), la religion juive était même protégée officielle-
ment, et, par égard pour elle, on dispensa les Juifs du culte de
l'empereur, son efïigie ne fut pas frappée sur les monnaies de
bronze propres au pays, et les étendards qui la représentaient
n'étaient pas portés devant les armées sur le territoire juif.
Mais malgré ces concessions faites à la conscience de la
race élue, deux facteurs devaient contribuer à créer une animo-
sité toujours plus grande contre la domination romaine. Le
premier, c'est que parmi les procurateurs envoyés en Judée,
plusieurs se rendirent odieux par leurs exactions, leurs mesures
arbitraires et leur ingérence inopportune dans les affaires
juives; l'autre, ce fut l'idée chère aux pharisiens et qui allait
être partagée de plus en plus par les masses : que la sou-
mission à la Rome païenne du peuple qui se croyait appelé à la
domination universelle, constituait un renversement des rôles,
lequel ne pouvait tarder à être renversé à son tour. La suite
de l'histoire juive se résume en ces deux mots : l'opposition
à Rome jusqu'à la disparition du peuple juif comme nation.
Le premier procurateur de Judée
fut Copofuns (6-9). En même temps
que lui, était député comme légat
de Syrie P. Sulpicius Quirinius :
il avait déjà rempli ces fonctions
Bronze de Coponius. dans les années 3 et 2 av. J.-C.
a/ KAicA — poc entourant un H avait entre autres pour mission
, r-. F,.- . -i , /T » c de faire le recensement de la
R/ Dattier en Iruit L (n A S
= an 36 d'Auguste = population dans l'ancienne tétrar-
, , , , ° ■ . ■ , ,. ... chie d'Archélaùs, afin de fixer le
(1) L est un signe égyptien indi- '
SmenT uruombre. '''"' '"''""' moutant dcs impôts. Cette mesure,
qui prouvait nettement la sujétion
immédiate aux Romains, indisposa à l'extrême certains esprits
qui, sous la conduite du scribe Judas de Gamala et d'un
pharisien Saddoc, poussèrent à la résistance ouverte. Judas
paya l'aventure de sa vie (Act., V., 37), mais le courant d'idées
qu'il avait créé, se continuera dans un groupe de pharisiens
fanatiques appelés les « zélotes »; et les fils et les parents de
JUSQUA L ÉCHEC DEFINITIF DE BARKOKÉBA.
3lT
Judas se trouveront jusqu'à la tin à la tête des révoltés contre
Rome,
Des deux successeurs immédiats de Coponius, Marciis Ani-
bibulus (9-12) et Annius Ru/us (i2-l5), nous n'avons rien d'in-
téressant à mentionner. Les deux suivants furent nommés par
Tibère; conformément à l'habitude de cet empereur, ils res-
tèrent longtemps en charge.
Bronze de Valerius Grains.
a/ TiBEPlOV au-dessus de deux cornes
d'abondance entre lesquelles un
caducée.
Lr = an3deTibère = 16/17 A. [).
b/ RAICAP en deux lignes dans une
couronne.
Bronze de Valerius Gratus.
AJ TIBEPIOV au-dessus d'un pam-
pre.
r/ KAICAP au-dessus d'un vase à
deux anses et à panse bom-
bée.
L A =: an 4 de Tibère
= 17/18 A. D.
Bronze de Valerius Gratus.
aI Une palme coupant dans le
champ le nom 10 Y- AI A Imère
de Tibère).
L E = an 5 de Tibère = 18/19
A.D.
r/ TiB. KAICAP en trois lignes
dans une couronne.
Valerius Gratus (i5-26) déposa le grand-prêtre Anne et
installa quatre autres pontifes, dont Caïphe. Ce fut sous son
administration, en 17, que les Juifs pétitionnèrent à Rome
pour obtenir une diminution d'impôts. (Tacite, Ami., II, 42.)
Ponce Pilate (26-36) est particulièrement et surtout peu
avantageusement connu.
Agrippa I, dans la lettre que nous a conservée Philon, (i)
(i) De le^at. ad Cajam, opéra, t. Il, p. Sgo.
3l2 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
le caractérise comme spécialement obstiné et dur, et lui impute
ses vénalités, violences, rapines, vexations, exécutions arbi-
traires et toutes sortes de cruautés. Il avait peu de sympathie
pour les Juifs, et il est probable que ces dispositions auront été
prises en considération pour sa nomination par Séjan,
le ministre judéophobe alors tout-puissant auprès de Tibère.
Peu après son arrivée, il fit entrer de nuit les troupes à
Jérusalem avec les étendards portant l'effigie impériale. Ce
n'est que sur les démonstrations les plus fermes de la part
des Juifs qu'il se décida à les enlever. {Ant., 1. XVIII,
ch. 3, § I.)
Plus tard, il exposa dans le palais d'Hérode à Jérusalem,
qu'il occupait pendant ses séjours dans la capitale juive, des
boucliers dorés encerclant le nom de l'empereur. Une déléga-
tion, ayant à sa tête la noblesse et même les quatre fils du vieil
Hérode, n'obtint pas leur disparition. Une pétition adressée à
Tibère eut plus de succès : ordre fut donné de suspendre les
boucliers dans le temple d'Auguste, à Césarée (i). ■
Pilate rencontra une opposition encore plus violente, lors-
qu'il s'attaqua aux trésors du temple pour faire construire une
conduite d'eau du S. O. de Bethléhem (2) à Jérusalem. Le
rassemblement houleux qui l'attendit à cette occasion fut dis-
persé à coups de gourdins et de nombreux manifestants res-
tèrent sur le carreau. {Ant., 1. XVIII, ch. 3, i^ 2.)
Les Evangiles nous donnent sur sa carrière de procurateur
des détails analogues à ceux que fournissent les historiens
juifs. Dans Luc XIII, i, nous apprenons qu'il fit massacrer des
Galiléens pendant qu'ils offraient au temple. Il se peut que ce
fut là une des causes de sa mésintelligence avec Hérode Anti-
pas. (Luc XXIII, 12.) L'histoire de la Passion nous représente
Barrabas comme emprisonné pour meurtre et sédition (Marc
XV, 7, Luc, XXIII, 19) et le procurateur romain peureux vis-
(i) Probablement le fait se passa-t-il après le 18 octobre 3i, date de la
mort de Séjan. Philon nous apprend, en effet, — De leoat., opéra, t. II. p. 56;),
— que c'est après la mort de ce ministre (jue Tibère fut moins hostile aux
Juifs.
{2) Du réservoir dit : les vasques de Salomon.
JUSQU A L ÉCHEC DEFINITIF DE BARKOKÉBA.
3x3
à-vis des Juifs le menaçant de la disgrâce impériale. (Joa.,
XIX, 12.)
Un nouvel acte de violence mit fin à sa carrière en Palestine.
Un pseudo-prophète samaritain avait, en l'an 35, l'ait accroire
à ses congénères cju'il allait leur exhiber les ustensiles sacrés
cachés par Moïse au sommet du Garizim, croyaient-ils. Pilate
ayant appris le dessein des Samaritains de s'y rendre en foule,
le leur défendit. Mais eux passèrent outre à cette prohibition
et v allèrent en armes. Pilate les fit alors attaquer par ses
soldats qui en tuèrent et blessèrent un grand nombre, firent
des prisonniers et exécutèrent les notables. Conscients de n'être
pas des insurgés, ils firent accuser le procurateur par leur
Sénat auprès de Vitellius, le nouveau légat de Syrie, qui
envoya l'inculpé s'expliquer auprès de l'empereur. Quand,
après une année de voyage, le procurateur arriva à Rome,
Tibère était mort. D'après Eusèbe {Hist. eccles., 1. II, ch. y),
Bronze de Ponce Pilate
a/ TIBEPIOV KAICAPOC entourant un
lituus.
r/ L I Z dans une couronne = an 17
de Tibère = 3o/3i A. D.
Monnaie frappée après la mort de Julie
qui n'est plus mentionnée.
Bronze de Ponce Pilate
a/ lOYAlA KAICAPOC entourant trois
épis liés ensemble.
r/ TIBEPIOY RAICAPOG entourant un
simpulum.
1, 1 S ^ an 16 de Tibère ag/So -^
A. D.
Pilate aurait mis fin à ses jours par le suicide (i). Vitellius le
remplaça en Judée par Marcellus (36-37) (2),
Vitellius était arrivé en Syrie dans l'été de 35. A la Pàque
de l'année suivante il se rendit à Jérusalem; à cette occasion il
fit remise de la taxe à prélever sur la vente des fruits et rendit
l'habit d'apparat du grand-prètre ; cet ornement était conservé
depuis l'an 6 à la forteresse Antonia et ne pouvait en sortir
jusqu'alors que quatre fois l'an.
(1) Voir les différentes versions sur la fin de Pilate : SciiiiRKR. I, pp. 4!)2-
493, note i5i ; Fei.ten, I, pp. iG4-i<>5, note 6.
(2) Ant.. 1. XVIII, ch. 4. .^?; i et 2.
3l4 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
Lorsqu'en 37 Vitellius reçut l'ordre de marcher contre Aré-
tas IV (I), il montra de nouveaux égards aux Juifs en faisant
longer la côte par son armée, afin que les étendards à effigie
impériale ne dussent pas traverser la Judée.
Comme nous l'avons vu, lui-même était allé à Jérusalem où
arriva bientôt la nouvelle de la mort de Tibère et de l'avène-
ment de Caligula. Bien disposés envers le légat, les Juifs
s'empressèrent de jurer fidélité au nouvel empereur et d'offrir
des sacrifices à son intention; sous le nouveau règne ils devaient
pourtant vivre de mauvais jours. Caligula en était arrivé à
ce point d'infatuité de croire sincèrement à sa propre divinité ;
il devait donc considérer comme une injure personnelle le
refus du culte impérial. Alors que dans toutes les provinces on
rivalisait de dévotion envers lui, les enfants d'Israël s'en abste-
nant, furent bientôt réputés ses ennemis. Ce fut pour la popu-
lation païenne d'Alexandrie une occasion d'assouvir sa haine
contre les compatriotes juifs dont elle exécrait le voisinage etles
privilèges. (Voir plus hautpp. 214-216) Le procurateur d'Egypte
alors en fonction, Avillius Flaccus, était mal en cour auprès de
Caligula, par là même qu'il avait été l'ami intime de Tibère.
Il lui fallait donc à tout prix conquérir la faveur impériale. Au
mois d'août 38 , Agrippa I , venant de Rome , passa par Alexandrie
pour se rendre dans les états palestiniens que Caligula lui avait
donnés. Sa présence dans la grande cité ég3ptienne donna lieu
à des manifestations d'ironie le visant. Quand il fut parti, les
ennemis des Juifs, mis ainsi en humeur, exigèrent des mesures
oppressives contre ceux-ci, et Flaccus crut l'occasion tout
indiquée de se concilier les bonnes grâces de l'empereur. Déjà
il avait retenu une missive adressée à Caligula par la com-
munauté juive d'Alexandrie, où elle justifiait son abstention
du culte impérial, tout en témoignant de sa déférence par
d'autres hommages. Maintenant il permit la profanation des
synagogues par l'érection de la statue impériale, déclara les
Juifs étrangers : çévou; xal 2-/^A'jOa; ( 2 ) et laissa se déchaîner
contre eux la fureur populaire. Les malheureux durent se réfu-
(i) Cù*. .s(j/jra, p.3ci.
(2) Adversus Flaccum : opéra, t. II, p. Saâ.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 3x5
gier dans un coin de la cinquième section, près de la mer;
plus de quatre cents de leurs maisons et boutiques et même
leurs vaisseaux qui étaient dans le port furent pillés, et plusieurs
d'entre eux turent malmenés et tués. Le 3i août, anniversaire
de la naissance de l'empereur, trente-huit membres de la vepovT'la
furent, sur l'ordre de Flaccus, flagellés en plein théâtre, pour
avoir refusé de participer au culte impérial. La disgrâce de
Flaccus n'en fut pas retardée. Dans l'automne de cette même
année 38, il fut amené prisonnier à Rome, exilé dans l'île
d'Andros, dans la mer Egée, et exécuté peu après. Une dépu-
tation de cinq des principaux Juifs alexandrins, à la tête des-
quels se trouvait Philon, partit alors pour Rome, mais elle fut
suivie d'une autre, conduite par le fameux rhéteur Apion, pour
neutraliser l'effet de leur démarche. Les Juifs parvinrent à
grand'peine à remettre une supplique à Caligula qui ne les
reçut que beaucoup plus tard, probablement vers la fin de 40,
après sa campagne dans les Gaules et en Germanie; il leur
accorda une audience tandis qu'il visitait une villa. Au cours
de cette entrevue, il ne cessa de se moquer d'eux et ils
durent se retirer sans avoir obtenu la moindre satisfaction.
Leur situation resta menacée à Alexandrie jusqu'à l'avènement
de Claude (janvier 41), qui, sur les instances d'Agrippa et
d'Hérode de Chalcis, leur rendit tous leurs anciens privilèges.
Deux de leurs principaux adversaires, Isidore et Lampon,
furent condamnés à mort.
La Palestine faillit être le théâtre de semblables persécu-
tions. La ville de Jamnia avait été léguée par Salomé, la sœur
d'Hérode, à l'impératrice Livia et était ainsi entrée dans l'apa-
nage du fisc impérial. Son administrateur était, au moment qui
nous occupe (automne de 3g), un certain Hérennius Capito,
peu favorable aux Juifs, qui pourtant constituaient la majorité
de la population. La minorité païenne avait, par défi vis-à-vis
de leurs concitoyens, érigé un autel de briques en l'hon-
neur de l'empereur. L'indignation des Juifs l'avait renversé et
Capito n'eut rien de plus empressé que de relater le forfait à
Caligula. Aussitôt ordre fut donné d'ériger à Jamnia un autel
autrement précieux et de placer une statue impériale dans le
temple de Jérusalem. Le nouveau légat de Syrie, P. Pétro-
3l6 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
nius (39-42), fut chargé d'y donner suite et, comme une résis-
tance était à craindre, il amena deux légions, ainsi que des
troupes auxiliaires, d'Antioche à Ptolémaïs. Pétronius s'exécu-
tait à regret; tout en confiant la fabrication de la statue à des
artistes sidoniens, il manda les notables juifs à Ptolémaïs et
tâcha de leur faire accepter de bonne grâce le caprice du
maître. Il se heurta à un refus catégorique et bientôt des
masses imposantes de tout âge vinrent de Palestine l'accabler
de leurs supplications. C'était pendant l'été de 40. Touché de
leur détresse, le légat essaya de différer l'accomplissement
de la volonté de l'empereur. Il lui remontra que si on violentait
de la sorte leur conscience, les Juifs seraient en état de détruire
la moisson qui mûrissait et d'attirer ainsi la famine en Pales-
tine; or, l'empereur projetait pour l'automne de cette même
année 40, un voyage en Syrie; que d'ailleurs, l'achèvement de
cette statue demandait du temps et que, par suite, il valait
mieux ne pas se presser.
Caligula comprenait bien les intentions de son légat, mais,
momentanément, il lui répondit de procéder à l'érection après
les récoltes. Grâce aux tergiversations ultérieures de Pétronius
et à une démarche personnelle d' Agrippa I â Rome, le projet
finit par être abandonné, mais la désobéissance de Pétronius
lui valut l'ordre de se suicider. Heureusement pour le légat,
Caligula tomba assassiné le 24 janvier 41 et sa missive arriva
environ un mois après (i). Un des premiers actes de Claude
fut d'octroyer à Agrippa la Judée et la Samarie, réunissant à
nouveau la Palestine entière sous un seul sceptre.
Hérode La biographie de ce personnage tient de l'invraisem-
Agnppa I blable. (2) Né en l'an 10 avant notre ère, il était le fils aîné
d'Aristobule (mis à mort en 7) et de Bérénice (3); il était donc
petit-fils d'Hérode le Grand. Après la mort tragique de son
époux, Bérénice était partie pour Rome, où elle se lia étroite-
'i) Ces événements sont rapportés par Philon : Z)e lei^at., opéra, t. II,
pp. 57r)-5f)5; par .losèplie, Ant., 1. XVIII, cli. 8, S?; 2-9. Sur leur suite cfr.
SCHûKKR, I, pp. 5o6-5o7, note 187.
(2) Cfr. Ant , 1. XVIII, ch. 6. 1. XIX, ch. o-g.
(3) Fille de Salomé et de Costobare.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 317
ment avec Antonia, la belle-sœur de Tibère (i). Le jeune
Hérode lut élevé à la cour impériale, où il contracta de telles
habitudes de frivolité et de gaspillage que, peu de temps après
le décès de sa mère, il avait dépensé toute sa fortune et se
trouvait criblé de dettes. La mort, parle poison, de Drusus le
jeune, le fils de Tibère (23), le priva momentanément de tout
appui à Rome et lui lit gagner la Palestine pour échapper à ses
créanciers. Treize ans il vécut de divers expédients, jusqu'à ce
qu'en 36 il reçut, — non sans avoir été d'abord éconduit, — un
nouvel accueil à Capri auprès de Tibère, grâce à l'ancienne amie
de sa mère, Antonia, qui l'aida à couvrir ses dettes. Ce lui fut
l'occasion de s'unir d'amitié avec le petit-fils de sa bienfaitrice,
Caius Caligula, le futur empereur (2). Sa sympathie pour lui
se traduisit dans le vœu imprudemment émis qu'il put succé-
der bientôt à Tibère. Rapporté au maître régnant, ce propos
valut à Agrippa d'être jeté dans les iers. Mais six mois après,
le 16 mars 37, Tibère mourait, et la fortune daigna sourire défi-
nitivement à l'aventurier. Caligala corrigea le déshonneur subi
par son ami en lui donnant une chaîne d'or de poids égal aux
fers qu'il avait portés et lui octroya la tétrarchie de Philippe
et de Lysanias avec le titre royal; le Sénat lui accorda en
outre le rang de préteur. Ce n'est qu'en l'automne de 38 qu'il
prit possession de son territoire grossi bientôt de celui
d'Hérode Antipas. Nous l'avons rencontré à Rome vers la fin
de 40, et il s'y trouvait toujours quand Caligula tomba assassi-
né le 24 janvier 41. Les circonstances l'avaient préparé à con-
tribuer au choix du nouvel empereur; il avait partagé l'éducation
des deux fils d'Antonia : Germanicus (tig), le père de Caligula,
et Claude, le frère cadet de Germanicus, C'est sur cet oncle de
l'empereur défunt que se porta le choix des prétoriens et du
Sénat qui souhaitait un maître peu despotique. Il s'agissait de
décider le candidat, timide par tempérament et rendu plus
craintif par la tournure tragique des derniers événements. C'est
(i Antouia était alors veuve du frère de Tibère, Claudius Xéroii Drusus
Germanicus, dit Drusus l'ainé, mort en 9 av. J.-C.
(2) Caius Caligula était le fils cadet de Germanicus (7 19), lui-même fils
d'Antonia. Le surnom de CuUgula (petite botte) lui avait été donné dans
sou enfance par les soldats.
3l8 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
à cette tâche qu'Agrippa s'employa avec plein succès. En re-
connaissance le nouveau César confirma toutes les possessions
antérieures du roi juif, et y ajouta la Judée avec la Samarie; le
Sénat lui conféra la dignité consulaire. La faveur dont jouissait
Hérode ne profita pas qu'à lui seul : les privilèges dont avaient
été privés les Juifs d'Alexandrie leur furent rendus, et même
ils furent étendus à tous leurs coreligionnaires de la diaspora.
Remis ainsi en possession de l'héritage intégral du vieil
Hérode, Agrippa débarqua bientôt en Palestine. Son esprit
d'accommodante souplesse aux situations lui fit chercher son
appui auprès du parti pharisien qui avait les faveurs popu-
laires. Il s'exhiba donc en juif accompli, satisfaisante toutes
les exigences de la Loi et montrant un zèle particulier à
poursuivre ceux qui ne se conformaient pas au programme
légal. C'est ainsi qu'il fit don au temple de la chaîne d'or qu'il
avait reçue de Caligula, couvrit les frais de nombreuses offran-
des tant au cours de son règne qu'à l'occasion de son avène-
ment, et exigea que le fils d'Antiochus, le roi de Commagène,
Epiphane, prétendant à la main de sa fille Drusilla, embrassât
au préalable le Judaïsme, (i)
Encore, il fit citer au tribunal du légat Pétronius un groupe
de jeunes gens qui avaient introduit une statue impériale
dans une synagogue de Dora, et il persécuta les chefs de
l'Église naissante. S. Luc saisit bien le mobile de sa
conduite : après avoir maltraité quelques chrétiens et exécuté
le fils de Zébédée, Jacques le majeur, le frère de Jean, voyant
que cela était agréable aux Juifs^ il ordonna encore l'arrestation
de Pierre (Act., XII, i-3). Les prières incessantes des fidèles
lui arrachèrent sa victime (4-19).
Peut-être était-ce encore ce souci de plaire au parti na-
tional qui lui fit à deux reprises essuyer les affronts des
Romains,
Le quartier N. E. de Jérusalem, le Bézétha, s'étant considé-
rablement développé sous les Hérodes, Agrippa avait com-
mencé à l'entourer d'un mur épais et élevé. Cette précaution
(i) Epiphane, par répugnance pour la circoncision, finit par renoncer à
cette alliance.
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉBA. 3I9
inquiéta le successeur de Pétronius, Vibius Marsus (42-44), qui
en référa à l'empereur : ordre fut donné de cesser les travaux.
Peu de temps après cette déconvenue, le même légat soup.
çonnant une conspiration, fit dissoudre un conciliabule de cinq
rois vassaux de Rome(i ), groupés autour d' Agrippa, à Tibérias.
Au reste, les scrupules pharisaïques du monarque juif ne
l'accompagnaient pas dans les milieux païens. Comme tout
membre de la dynastie iduméenne il favorisa la culture helléni-
que; son palais à Césarée était orné de colonnes statuaires
représentant ses filles, et ses séjours dans cette ville marqués
par des jeux au théâtre. Bér3'tos lui dut un théâtre, un amphi-
théâtre, des bains et des colonnades; ces constructions furent
inaugurées par des combats de cirque, auxquels quatorze cents
gladiateurs, ramassés parmi les cri-
minels, durent prendre part. Quant à
ses monnaies, excepté celles frappées
à Jérusalem, elles portaient effigie.
La fin de ce règne fut prématurée. Bronze d'Hérode Agrippa I
Présidant une réunion (2) à Césarée a/ Parasol orné de franges. Tout
j ... j autour : BACIAEûi; ArPiriA.
au prmtemps de 44, au milieu des , „ . . . ^ , ,.
^ ^ ^^' H/ Irois epis sortant dune tige
adulations de ses dévots, il se sentit l s == an 6 de son règne =
subitement pris de maux d'entrailles, 4 -• •
et mourut cinq jours après, vraisemblablement de la même ma-
ladie qui avait miné son grand-père et qu'il avait contractée par
sa vie de dévergondage. Avant tout judéophile, sa mort ne fut
pleurée que par ses compatriotes; les gentils, en particulier
ceux de Césarée et de Samarie, en manifestèrent ouvertement
leur joie. Il laissait trois filles, Bérénice, Mariamme et Dru-
silla, et un fils de dix-sept ans, appelé lui aussi Agrippa. De
ses deux frères cadets, Aristobule et Hérode, seul le dernier
(i)' Les renseignemetits de quelque intérêt sur ces i^rinces sont fournis
dans SCHuUER, I, pp. 556-559, note 34.
(2) D'après Josèphe. Ant., 1. XVIII, ch. 6, ?; 7, c'était une fête donnée en
l'honneur de l'empereur, probablement à l'occasion de son heureux retour
de Bretagne, où il avait mené une expédition de conquête. D'après Act.,
XIL 20 ss., il s'agissait d'une audience accordée à des Tyriens et Sidoniens
venus en pacifistes. Pour le reste les deux récits concordent. Les Actes
nous apprennent qu'il y faisait à ce moment un séjour quelque peu pro-
longé : oiixttpîJ.
320 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
joua un rôle public comme roi de Chalcis dans le Liban, dignité
qui lui fut conférée par Claude. Il n'hérita de son frère que le
droit de nommer les grands-prêtres et d'exercer la haute inten-
dance sur le temple et ses trésors; il mourut vers la fin
de 48 (i).
Agrippa II Marcus Julius Agrippa, le jeune fils d'Agrippa l, se trouvait
au moment du décès de son père faire son éducation auprès de
Claude. Celui-ci songeait à transmettre l'héritage paternel au
jeune homme, mais on lui représenta qu'il n'était pas prudent de
confier l'administration de ce pays à l'inexpérience d'un ado-
lescent. Agrippa resta donc à Rome, où sa présence fut en
maintes circonstances de grande utilité à ses compatriotes, et
la Palestine fut de nouveau — • entièrement cette fois — admi-
nistrée par des procurateurs. Quelques années plus tard,
Agrippa II fut dédommagé. La mort de son oncle Hérode (49)
le mit en possession du ro_yaume de Chalcis et de ses droits
sur le temple et le souverain pontificat. En 53 il échangea cette
petite principauté contre des territoires plus étendus : la tétrar-
chie de Philippe (cfr. supra pp. 298-299), celle de L3'sanias ou
l'Abilène (2) et l'Iturée. Néron y ajouta, en 55, les villes de
Tibérias, Tarichée etjulias avec leurs banlieues. (3).
Le long séjour d'Agrippa II à Rome n'avait pas étouffé
ses sentiments patriotiques, mais il avait pourtant conquis défi-
nitivement ses sympathies et même ses préférences pour les
dominateurs de son pays.
(i) Hérode de Chalcis avait épousé en secondes noces sa nièce Bérénice,
fille de son frère Agrippa I.
(2) Tétrarchie dont Abila était la capitale. Abila, aujourd'hui le Souk-
Ouadi-Bai"ada, à 29 kilomètres de chemin de fer de Damas, au milieu d'un
vallon encaissé que traverse le Barada. L'Abilène comprenait px'obable-
ment ce district du haut Barada, au-dessus d'Abila et s'étendait peut-être
au Sud jusqu'à l'Hermon. Eu tout cas, elle renfermait à l'Ouest le versant
oriental de l'extrémité méridionale de l'Anti-Liban et une partie des riches
vallées arrosées par le Barada.
D'abord comprise dans les territoires soumis à Ptolémée d'Iturée, elle
passa ensuite à Héi'ode le Gi-and ; puis lorsque Philippe obtint l'Iturée,
l'Abilcne passa de nouveau à un tétrarque dont le nom — Lysanias — a été
retrouvé sur une inscription en 1787 par Pococke. Plus tard elle fut donnée
aussi à Agrippa 1. Voir Yigouroux. Dict. de la Bible aux mots : Abilène,
Lysanias .
(3) Voir SCHilRER, I, pp. 587-589.
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉBA. 321
Jérusalem lui dut un pavage de marbre blanc et les chantres
du temple la concession de porter des robes de lin tout
comme les prêtres. Il exigea de ses beaux-frères Azizusd'Emesa
et Polémon de Cilicie qu'avant d'épouser ses sœurs ils se sou-
missent à la circoncision.
Pour le reste ses libertés d'allure irritèrent plus d'une fois
l'opinion juive : il s'était avisé d'élever dans le palais des
Asmonéens à Jérusalem (i) une espèce d'observatoire qui
déroulait à ses regards un panorama immense, et d'où il pou-
vait suivre les cérémonies du temple; mais les prêtres lui inter-
ceptèrent cette vue par l'érection d'un mur, et ils eurent soin de
se faire appuyer auprès de Néron par Poppée (2) contre
les réclamations d'Agrippa.
Ses relations incestueuses avec sa propre sœur Bérénice,
veuve d'Hérode de Chalcis, lurent une autre occasion de scan-
dale. C'est en compagnie d'elle que nous le trouvons, lorsque,
venu à Césarée en 60, pour saluer le nouveau procurateur
Festus, il entendit la plaidoirie du grand apôtre Paul. (Act.
XXV, I3-XXVI, 32.) (3)
Il témoigna de toutes façons de son attachement à l'empire.
^--^£^-^,^ En 54 il fournit des
/% K''U^ \ troupes pour une expé-
//fïJ^^tTxKi '^-^ r dition contre les Parthes;
le nom de sa capitale
Césarée de Philippe fut
changé en celui de
__ . , .,rr- j ^ xz TT Nérouias; Bérvtos fut
Monnaie en bronze a Herode Agrippa II , '
A/ TêtelauréedeDomitien. KAICAPA TERMANI encore dotee par lui
AYTOKPA AOMiTiA. d'un nouveau théâtre et
r/ Fortune. , ,
ETOY EA BA ArPIQDA (laSoeannée duroi Ornee de StatueS ; SCS
Agrippa = go A. D.) monnaies portèrent con-
stamment l'effigie et le nom des empereurs.
/A/
(i) Ce palais faisait face au temple dont il était séparé par le Tyropëou
sur la colliue occidentale.
(2) Ceci a diï se passer vers 60.
(3) Pour mettre fin aux bruits provoqués par cette cohabitation scanda-
leuse, Bérénice épousa Polémon de Cilicie, mais sou union fut de courte
322
DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
Mais ce fut surtout au cours de la guerre juive qu'il se
déclara ouvertement pour les Romains,
Au début de la tourmente en 66 il essaya de tous les moyens
pour faire rentrer le peuple dans la soumission : ce fut en vain ;
il dut quitter Jérusalem poursuivi à coups de pierres; il appuya
alors de trois mille cavaliers le parti pacificateur à Jérusalem,
mais celui-ci ayant eu le dessous, les immeubles d'Agrippa ainsi
que ceux de Bérénice furent livrés aux flammes et les der-
nières attaches de leurs propriétaires avec la nation juive
turent rompues. Il ne cessa de fournir des auxiliaires et des
vivres à l'armée romaine, ce qui lui attira la défection des
villes de Tibérias, Tarichée et Gamala. Il est vrai que les suc-
cès et la gratitude de ses puissants alliés, lui valurent non
seulement leur restitution, mais encore un accroissement de
territoire sur la frontière nord de ses Etats. En 75 Vespasien
lui décerna le rang prétorien. On n'est pas fixé sur la date de
sa mort, qui dut arriver entre 94 et loo. (i).
Retournons au théâtre principal de notre histoire; nous ne le
quitterons plus et nous y assisterons aux convulsions suprêmes
de cette tenace complexion, qui était celle du peuple juif.
Les
procura-
teurs
romains
de
44 à 66
Le premier procurateur envoyé en Palestine après la mort
d'Agrippa I fut Ctispins Fadus. Les circonstances au milieu
desquelles il eut à remplir son mandat, constituèrent autant de
froissements de la sensibilité juive. Chargé de reléguer dans le
Pont les cohortes de Césarée et de Samarie qui avaient témoi-
gné leur vive joie à la mort d'Agrippa I, il ne s'opposa pas à un
recours en grâce auprès de l'empereur, et satisfaction leur fut
donnée, au grand déplaisir des Juifs.
A son arrivée en terre israëlite, il avait trouvé les Juifs de
Pérée en pleine hostilité avec les Philadelphiens à l'occasion
durée (63-66) et elle revint auprès de son frère. Lors de la présence de
Titus en Palestine, elle devint sa maîtresse; arrivée à Rome en 75, elle
habita avec lui le Palatin, mais l'opinion publique flétrit à tel point ces
amours que Titus la congédia.
(I) Cfr. Felten, I, p. 199, ScHiiRER, I, p. 599.
Comme sources à consulter sur Agrippa II, voir Josèphe, Ant., 1. XX et
Bell.jud., 1. Il, passim.
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉ^. 323
de contentions de frontières. Il dut rétablir la paix en châtiant
les instigateurs des troubles qui se trouvaient avoir tort et être
des Juits. Il lui fallut aussi réprimer les brigandages exercés
en Judée, en Idumée et en terre arabe par un certain Ptolémée
qu'il fit exécuter.
On se rappelle que Vitellius avait remis au grand-prêtre la
possession et le libre emploi de ses ornements d'apparat; un
caprice de Claude voulut les mettre de nouveau en dépôt à la
forteresse Antonia. Heureusement qu'Agrippa II, alors à Rome,
obtint satisfaction aux délégués des Juifs et que l'état de choses
existant ne fut pas changé.
Fadus eut encore à mettre fin aux excitations d'un pseudo-
prophète, du nom de Theudas, dont les menées messianisantes
avaient massé les foules aux bords du Jourdain, qu'il se propo-
sait de traverser miraculeusement, et mis les esprits en excita-
tion; lui et nombre de ses partisans furenttués ou emprisonnés.
Au procurateur Fadus succéda Tibère Alexandre (proba-
blement de 46 à 48), un neveu de Philon; il avait passé du
judaïsme au paganisme. Sous son administration, il faut signaler
la mise en croix des deux fils de Judas le Galiléen (i) :
Jacques et Simon, — ainsi que la famine qui désola la Palestine
et dont fait mention S. Luc, Act., XI, 27-30.
Il fut remplacé par Ventidius Ciimanus (48-52) dont la gestion
occasionna des conflits plus sérieux avec ses administrés.
Un soldat de garde au portique antérieur du temple lors de
la fête de Pàque, s'était permis des gestes moqueurs à l'adresse
de ceux qui venaient y accomplir leurs dévotions. Le procu-
rateur ne donnant pas immédiatement satisfaction à la multi-
tude irritée, en punissant le coupable, il s'en suivit un tel
mouvement d'hostilité qu'il dut faire charger la foule ameutée,
et nombreux furent ceux qui périrent dans la bagarre.
Peu de temps après, peut-être par revanche, un attaché de la
maison impériale se vit totalement dépouillé sur la grand'route
non loin de Jérusalem. Les coupables restant introuvables,
Cumanus ordonna le pillage des villages environnants et, pour
(I) Celui qui avait j)Oussé à la révolte lors du recensement de Quirinius
(voir plus haut p. 3io).
324 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
comble de malheur, un soldat lacéra sous tous les regards un
rouleau de la Thora; il s'en serait suivi une révolte, si le sacri-
lège n'avait été exécuté sur Tordre du procurateur.
Une dernière maladresse mit fin à sa carrière. Des pèlerins
de Galilée en route pour Jérusalem avaient été assassinés à
Ginéa (i). Comme Cumanus, acheté par les Samaritains, ne
voulait pas donner suite à l'afifaire, les Juifs se rendirent eux-
mêmes justice, brûlant plusieurs villages de Samarie et massa-
crant les habitants. Cette fois Cumanus lança ses troupes
contre les Juifs dont un grand nombre furent tués ou empri-
sonnés Sur les instances des deux partis, le légat de Syrie
Ummidius Durmius Quadratus (5o-6o) instruisit la cause. Il
fit crucifier deux zélotes, Eléazar et Alexandre, qui avaient
conduit les troupes vengeresses, ainsi que les principaux ins-
tigateurs d'entre les Juifs; puis il envoya les notables, tant
Samaritains que Juifs, avec Cumanus lui-même, se faire
juger au tribunal de l'empereur. Grâce encore une lois à la
présence d'Agrippa II à Rome et malgré les puissants appuis
qu'y trouvèrent les Samaritains et le procurateur, le verdict
fut en faveur des Juifs et Cumanus s'entendit condamner
à l'exil.
Sur les instances du grand-prêtre Jonathan (2), Claude
préposa comme procurateur de la Palestine l'homme le moins
recommandable qu'il pût y envoyer : Antonius Félix. Affranchi
d'Antonia, la mère de Claude, il était frère du libertin Pallas,
alors tout puissant à la cour (3). Sa conduite prouva que
c'était un haut parvenu de basse extraction. Tacite(///5/.,l. V,
ch. g) dans son style lapidaire l'a magistralement caractérisé :
« Per omnem saevitiam ac libidinem jus reghim servili ingénia
exerciiit ». Il fut marié à trois reines (4) : entre autres vers
53/54 à Drusilla, la sœur d'Agrippa II, qu'il arracha à Azizus
(i) Aujourd'hui Djéjiîu, à mi-chemin entre Nazareth etNaplouse.
(2) Il était précisément au nombre des notables envoyés par Quadratus
à Rome.
(3) Ce Pallas était également un affranchi d'Antonia et, en outre, le
favori d'Agrippine, la fille de Germanicus et la mère de Néron, devenue la
seconde épouse de son oncle Claude en 48.
(4) « Triiim reginarum maritum ». Suet., Claud., 28.
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉBA. 325
d'Emésa ;ctr. supra p. 32i). (i) On comprend qu'un pareil repré-
sentant de l'autorité romaine devait accentuer la tension
existante. A côté d'abus de pouvoir sans nombre, son
administration se signala par des répressions implacables
des éléments en effervescence. On peut répartir ceux-ci
en trois catéij^ories assez distinctes. Il y avait d'abord les
"élotcs, qualifiés par Josèphe de k brij^ands n. {A ut.,
1. XX, ch. 8, ^ 5.) Par là même qu'ils comptaient des
partisans nombreux dans les diverses classes de citoyens,
il est bien prouvé que leur brigandage était dirigé avant
tout contre leurs adversaires politiques et visait surtout
à entraver le plus possible le gouvernement du pays. Félix
parvint à s'emparer par ruse de leur chef Eléazar et fit mettre
en croix tous ceux de ses adhérents qui lui tombèrent sous la
main; quiconque était soupçonné de sympathiser avec eux
était rigoureusement puni. Une association d'obscurs assassins
se substitua alors aux zélotes. C'étaient les sicaires (2), qui pro-
fitaient des cohues ou des rassemblements plus compacts dans
certains endroits ou à certains jours de fêtes pour surprendre
leurs victimes et disparaître aussitôt dans la foule. Tout en les
poursuivant à outrance, Félix n'hésita pas à se servir d'eux
pour se défaire impunément de Jonathan, l'ex-pontife qui lui
reprochait amèrement sa conduite et qui était également odieux
aux intégristes juifs.
Rien d'étonnant à ce que en pareilles circonstances le fana-
tisme religieux ait créé des pseudo-prophètes accomplissant
la prédiction du Sauveur : « qu'il y en aurait beaucoup se fai-
sant appeler Messie et trompant un grand nombre ». (Matth.,
XXIV, 5, 26.) Ils trouvèrent d'autant plus facilement créance
que le despotisme oppresseur et vindicatif du procurateur ren-
dait plus intolérable que jamais le joug païen imposé à la
race élue, qui se croyait malgré tout appelée à dominer
'D A ce raoïnent elle avait tout au plus seize ans. Elle lui donna
un fils nommé Agrippa, qui périt avec elle dans l'éruption du Vésuve
en 79.
(2) De sica : poignard qu'ils dissimulaient habilement sous leurs
habits.
326
DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
les peuples et à inaugurer à
Bronze d'Antonius Félix
bref délai l'ère du triomphe
national (i).
Parmi les multiples pré-
tendants à ce rôle particu-
lièrement recherché, quoique
Félix les traquât sans relâche ,
il faut citer le fameux Egyp-
tien avec qui S. Paul faillit
être confondu. (Act. XXI,
28, 38). Il avait promis à ses
A/ TI KAAYAIOC KAICAP TEPM entourant
deux palmes en sautoir.
LIA = an 14 de l'empereur Claude =
54/55 A. D.
r/ lOYAIA ArPlliniNA en quatre lignes nombreuses dupes de les COU-
dans une couronne. ^
duire au mont des Oliviers,
de faire encercler de là les murs de la ville Sainte et d'envahir
celle-ci en triomphateur.
Les troupes romaines prévinrent son essai en tombant sur la
foule rassemblée ; plus de quatre cents personnes restèrent sur
le carreau, mais l'Egyptien échappa.
Au milieu de ces troubles sans cesse renouvelés et grâce
au régime d'arbitraire et de violences qui sévissait, le haut
sacerdoce lui même donna l'exemple de l'injustice en faisant
accaparer de force sur l'aire même les dîmes des céréales
qui revenaient de droit au clergé inférieur et constituaient
sa subsistance.
A Césarée maritime également des troubles civils ensan-
glantèrent les rues. Les Juifs se réclamaient de la fon-
dation de la ville par Hérode pour prétendre à des avanta-
ges sur leurs concitoyens syriens. Ce fut une occasion de plus
pour le procurateur de sévir contre les Juifs jusqu'à ce que
— l'émeute renaissant toujours — une représentation des
deux partis fut envoyée à Rome pour faire trancher le
différend.
La rumeur de ces scènes de désordre arrivait sans doute aux
oreilles de S. Paul qui passa dans la prison de Césarée les
deux dernières années de la procurature de Félix.
Forcément le contraste s'impose entre la figure souverai-
(i) A consulter Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Paris,
Gabalda. 1909, pp. 21-27; i45-i47i 186-209.
jusqu'à l'échec définitif de BARKOKÉBA. 327
nement noble du grand apôtre de Jésus-Christ et le crapu-
leux personnage devant lequel il eut à se présenter. Le hardi
prédicateur parla à son juge « de la justice, de la continence,
et du jugement futur », en termes tels que son auditeur se sentit
troublé. N'empêche que celui-ci voulut exploiter la situation
de l'illustre détenu pour lui soutirer de l'argent. N'y réussissant
pas et voulant donner une tardive satisfaction aux Juifs, il laissa
Paul en prison lors de son départ en 60 (i), après avoir exercé
sa fonction pendant huit ans. (Act. XXIII et XXIV.)
Porcins Festus que Néron envoya alors en Palestine, avait un
caractère essentiellement droit, mais le peu de temps que dura
sa magistrature, ne lui permit pas de réparer les lourdes fautes
de son prédécesseur.
Combattus par Pallas et par d'autres influences à la cour, les
Juifs de Césarée perdirent leur cause. Festus dut, lui aussi,
étouffer une nouvelle révolte soi-disant messianique et com-
battre la tourbe des sicaires. Tant s'en faut qu'il fût anti-
israélite pour cela, car, malgré son amitié pour Agrippa II, il
permit le recours des Juifs à Rome lors de leurs réclamations
contre ce roi et son caprice de surveiller l'esplanade du temple
(cfr. supra p. 32 1). Quant à l'attitude loyale qu'il prit vis-à-vis de
Paul, elle témoigne de son souci d'impartialité et de justice. (Act. ,
XXV- XXVII .) Il mourut avant l'expiration de son mandat, dans le
courant de l'année 62. Quelque temps durant, ce fut le grand-prê-
tre Annas (fils de cet Annas qui
fut mêlé à la passion du Sau-
veur), qui rendit prépondé-
rante sonautorité. Il est connu
pour avoir fait lapider l'évê- e> j' 1 * ■ c 7- ♦
^ ^ ^ Bronze a Anton tus Félix
que de Jérusalem, S.Jacques a/ le kaicapoc autour d'une palme (an 5
le Mineur, le frère du Sei- , de Xeron = os/Sg a. D.)
R/ NEPÛNOC en trois lignes dans une
gneur, (2) surnommé le Juste. couronne.
T PQ Hpiiv riprnipre cnr * Daprès Madden op. îaud., p. i85.
i-,e£> ueu.\ ueimeib bUC- De Swi.ny : A'^amismafique de U Terre .Sainte,
cesseurs de Festus ache- p-'^- li-»'-»^"^. x8:4. p. 77, latmbue à Porcius
(1) Cette date tommunémeut admise se trouve confirmée par des études
récentes. Cfr. Brassac, Une inscription de Delphes et la chronologie de
St-PauL Rev. Bibl., igiS, pp. 30-53; 207-217.
(2) Ant., 1. XX., ch. 9, S I. Les raisons apportées par Scliiirer, I, pp. 58i-
328 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
vèrent d'exaspérer le sentiment national en Palestine.
Sous Albimts (62-64) ce fut le régime de la concussion et de
la vénalité, érigées en principe. Quiconque — partisan de l'or-
dre ou révolutionnaire — lui versait de l'argent, avait jeu
franc; les biens privés ni même les caisses publiques ne furent
à l'abri de sa cupidité. Par tout le pays et de la part de tous, y
compris le haut sacerdoce, ce fut le brigandage et l'anarchie en
plein. Lors de son rappel il fit exécuter les criminels les plus
signalés et relâcher les autres moyennant finances, procédé qui
vida les prisons et inonda le pays de brigands.
Celui qui clôtura la série des procurateurs devait dépasser
tous les autres en impudence. Ce fut Gessius Florus (64-66).
Redevable de son élévation à l'impératrice Poppée, il ne
chercha dans l'exercice de sa charge qu'à assouvir son avarice
et sa cruauté. Il ruina des villes entières, au point que des
milliers d'habitants s'expatrièrent pour se mettre à l'abri de sa
malveillance. D'un trait Tacite (i) caractérise le résultat de
son infâme conduite : Duravit patientia Jiidaeis iisque ad
Gessiîini Florum.
Au dire de Josèphe (2), des signes précurseurs sinistres
avertirent les Juifs des calamités imminentes; déjà, depuis la
fête des tabernacles en 62, un nommé Jésus n'avait cessé de
clamer — même sous les fouets — le malheur qui allait fondre
sur Jérusalem. Sa voix ne devait s'éteindre qu'après sept ans et
cinq mois, lorsqu'un projectile de siège atteignit le lugubre
prophète. (3)
Sans nous attarder à toutes les péripéties si terriblement
La guerre , • , , r n
iuive dramatiques de cette guerre lameuse, nous en rappellerons
66-73 seulement ici les faits les plus marquants (4).
(
582 pour taxer ce passage d'interpolation chrétienne ne sont pas péremp-
toires. Cfr. Fei.ten, I, p. 2i3.
(1) Hist., 1. V, ch. 10.
(2) Bell. Jad., 1. VI, ch. 5, i^ 3.
(3) Bell. Jud.,\. VI, ch. 5, § 3. Sur les derniers procurateurs, consulter
Ant., 1. XX, ch. I, ch. 5-ii; Bell. Jiid., 1. II, ch. 11-14.
(4) La source principale est le récit d'un témoin oculaire : Flave-Josèphe,
dans ses sept livres sur la guerre juive : rUpt roii lourjxïxoj noié/xou. Il
utilisa principalement les notes prises pendant le siège de Jérusalem
JUSQU A L ÉCHEC DÉFINITIF DE BARKOKÉBA. 32g
La rapacité de Florus avait respecté les trésors du temple,
jusqu'au moment où il s'avisa, au mois d'Artémisios de 66, d'en
prélever dix-sept talents, soi-disant pour le compte de l'empe-
reur. Une agitation extraordinaire s'en suivit, et un groupe de
bouffons se mit à parcourir la ville avec des paniers, en vue de
quêter u pour le pauvre Florus ». La rage de celui-ci déborda.
Malgré les supplications des notables et même de Bérénice,
présente à Jérusalem, il lâcha ses troupes dans la ville, dont un
quartier fut livré au pillage et plus de trois mille citoyens sup-
pliciés. Le lendemain, 17 Artémisios, nouvelles bagarres, au
cours desquelles la populace parvint à se retrancher sur la
colline du temple en détruisant la colonnade qui le rattachait
à l'Antonia. Florus jugea prudent de quitter la ville. En même
temps le légat de S3Tie, Cestius Gallus (63-66), et Agrippa II
lurent informés de la situation. Agrippa se hâta de venir
d'Alexandrie; il remontra au peuple quelle folie ce serait de
s'engager dans une guerre contre Rome et il eût obtenu l'apai-
sement de la révolte s'il n'était allé jusqu'à exiger à nouveau
obéissance à Florus. Poursuivi de railleries, le roi dut regagner
ses États.
Non seulement la famille hérodienne, mais encore l'aristo-
cratie sadducéenne ainsi que les plus avisés d'entre les phari-
siens, mirent tout en œuvre pour conjurer le désastre qui
menaçait la nation. Mais le peuple, fanatisé par les zélotes, ne
voulut rien entendre. Ces meneurs eurent tôt fait de s'emparer
de Masada, tandis qu'à Jérusalem ils manifestèrent leur rup-
ture avec les autorités romaines en supprimant le sacrifice
quotidien à l'intention de l'empereur. Le parti de l'ordre en
appela à la force; avec l'aide de trois mille cavaliers dépêchés
par Agrippa II, ils occupèrent la ville haute. Déjà les révolu-
tionnaires avaient en leur pouvoir la ville basse et le temple.
auquel il assista, et l'exactitude de ses mémoires est vantée par ses con-
temporains Vespasien, Titus, Agrippa II. C'est également celui de ses
ouvrages que la critique moderne a le plus épargné. Cfr. Schûrer, I,
PP- 78, -9; 93,94-
Agréable à lire, mais non dépourvu d'une certaine fantaisie, est le livre
de De Saulcy : Les Derniers Jours de Jérusalem. Paris, 18GG. Les événe-
ments sont bien résumés dans Schurer, pp. O00-642; Felten, I, pp. 217-247.
33o DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
Les palais du grand-prêtre Ananias, d' Agrippa, de Bérénice,
ainsi que les archives, furent livrés aux flammes. Du haut de
l'Antonia, qui tomba entre leurs mains dans le mois de Loos
(= Ab = juillet-août) (i), les insurgés assiégèrent les troupes
fidèles qui après peu avaient dû se barricader dans la résidence
procuratoriale (palais d'Hérode). La résistance de celle-ci ne
pouvait guère durer; l'armée d'A grippa et les renforts indigènes
obtinrent de se retirer, tandis que les cohortes romaines se
protégèrent dans les trois tours du palais. Mais il fut incendié
le 6 Gorpiaios (= Elul = aoùt-septerabre). Les soldats romains
offrirent alors de déposer les armes sur garantie de sauf-con-
duit; seulement à peine sortis, ils furent tous massacrés. Toutes
les villes de Palestine où se trouvaient des Juifs et des non-Juifs
devinrent autant de théâtres de carnage et Alexandrie vit périr
cinquante mille Israélites.
Au mois d'octobre 66, Cestius Gallus quitta Antioche à la
tête d'une armée assez considérable, renforcée de contingents
fournis par Agrippa, le roi de Commagène et celui d'Emésa. Il
longea d'abord la côte, puis obliqua sur Antipatris, Lydda,
Beth-Horon, Gabaon et arriva en face de Jérusalem sur le
Scopus. Le faubourg du Bézétha fut brûlé et la colline du
temple attaquée par le nord. Les forces dont disposait le légat
étaient insuffisantes; il dut se replier et, poursuivi qu'il était
par les troupes juives, sa retraite se changea en déroute. Le
8 Dios (fin d'octobre) les insurgés rentrèrent en triomphe à
Jérusalem et forcèrent cette fois les soumissionistes à quitter
la cité ou à se ranger de leur côté.
Comprenant que la résistance jusqu'au bout était arrêtée,
les aristocrates restés dans le pays se résignèrent à la diriger.
Le grand-prêtre Annas (2) — celui qui avait mis à mort
Jacques le Mineur et avait été déposé par Agrippa II — assuma
la direction des aftaires à Jérusalem. Jésus ben Sapphias
(i) Tout eu employaut les uoms macédouieus pour les mois, Josèphe
suivait le caleudrier juif, fixant p. ex. la Pàque (14 Nisan) au 14 XantiCos.
{Ant., 1. III, ch. 10, S55.1
(2) Voir plus haut p. 327. Auanias, celui qui avait fait souffleter S. Paul
(Act., XXIII. 2), avait été trouvé caché daus le palais du procurateur et fut
tué i)ar les émeutiers.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 33i
et Eléazar le fils d'Ananias partirent pour l'Idumée; les onze
toparchies de la Judée eurent é^i^alement leurs gouverneurs;
quant à la Galilée, ainsi que la forteresse de Gamala dans la
Gaulanitide, elles furent confiées à Josèphe, le futur historien
juif, alors âgé de vingt-neuf ans. Tout en organisant adminis-
trativement et militairement le pays qui lui était départi,
Josèphe faisait violence à ses sympathies pour les Romains;
il ne doutait d'ailleurs aucunement de leur succès final et tenait
à se ménager leurs égards pour lors. Cette politique d'équilibre
ne put échapper aux fanatiques de la résistance et il rencontra
un adversaire acharné dans la personne de Jean de Giscala,
riche parvenu qui terrorisait la Galilée à la tête d'une troupe
de brigands. L'aventurier qui aspirait lui-même au commande-
ment, mit vainement tout en œuvre pour faire révoquer
Josèphe et attenter à sa vie.
Tandis que Jérusalem fortifiait son enceinte, se pourvoyait
de munitions et s'exerçait aux armes, l'Idumée et la Judée
connaissaient les mêmes troubles civils que la Galilée; luttes
intestines qui devaient faciliter la tache des Romains.
Néron confia la campagne en Palestine au général Vespasien,
tout désigné par les succès qu'il avait remportés en Germanie
et en Bretagne. Vespasien envoya son fils Titus lever la quin-
zième légion à Alexandrie. Lui-même rejoignit avec la cin-
quième et la dixième légion, vingt-trois cohortes auxiliaires et
six ailes de cavalerie, l'armée des rois alliés (i) à Ptolémaïs.
On était au printemps de 67. Déjà sept mille hommes de
troupes avaient eu, sous la conduite de Placidus, raison des
forces de Josèphe et ravagé la Galilée ; à l'arrivée de Vespasien,
les armées juives se débandèrent, Josèphe se retira à Tibérias
et demanda du renfort à Jérusalem; le renfort n'arrivant pas, le
commandant de Galilée rejoignit le 21 Artémisios (commence-
ment mai) ses bandes fuyardes à Jotapata (2), dont le siège
fut entrepris le surlendemain par Vespasien. La résistance
fut âpre et dura près de deux mois. Elle est longuement
(i) Agrippa II, Autiochus de Conimagène, Soème d'Emésa, Malichos des
Nabatéens.
(2) Kirbet Dschefùt, au iiord de Sepphoris.
332 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
racontée dans Bell. Jud., 1. III, ch. 7, §§4-36. Trahie par un
transfuge qui renseigna l'ennemi sur l'état d'épuisement de
la garnison, celle-ci lut exterminée et la place rasée le i^"" Pané-
mos (aux premiers jours de juillet). Josèphe s'était réfugié dans
une citerne avec quarante des défenseurs. Ceux-ci résolurent
de se donner la mort, mais leur chef sut se dérober à ce moyen
extrême et se rendit. Mené devant Vespasien, il le fléchit en lui
prophétisant, ainsi qu'à son fils Titus, leur élévation à la dignité
impériale. Cette prédiction lui valut provisoirement, sinon la
liberté, du moins la vie sauve.
Pendant le siège de Jotapata, les Romains avaient encore
fait d'aff"reux carnages à Japhia (i) et sur le Garizim. Après ces
succès, Vespasien fut fêté pendant vingt jours par Agrippa II
et Bérénice à Césarée de Philippe, puis il continua ses opéra-
tions militaires dans la Galilée et la Samarie qu'il soumit, ainsi
que Gamala, avant la fin de 67. Les zélotes furent particulière-
ment éprouvés. Plus de quarante mille des leurs furent pour-
suivis à Tarichée sur le lac de Tibériade, dont les vagues reje-
tèrent six mille cinq cents cadavres ; douze cents des survivants
furent exécutés et le reste déporté ou vendu; toutefois, lors du
siège de Giscala, leur fameux chef Jean qui défendait lui-même
cette place, était parvenu à gagner Jérusalem avec ses hommes.
Convaincus qu'on devait attribuer les défaites subies jus-
qu'alors au manque d'enthousiasme patriotique de la part de
ceux qui avaient dirigé la résistance, les fanatiques résolurent
de conduire à eux seuls le mouvement et la lutte à outrance.
Dès ce moment la Ville Sainte allait être en proie aux
factions et offrir le spectacle d'écœurants et effroyables mas-
sacres.
A la bande du principal meneur, Jean de Giscala, s'étaient
adjoints d'autres révolutionnaires, venus de tous les coins du
pays; ils commencèrent par éliminer tous ceux qu'ils soupçon-
naient de sympathie envers les Romains ou qu'ils pensaient sim-
plement ne leur être pas assez hostiles. Ceux qui avaient
quelque accointance avec la lignée des Hérodes furent exécutés ;
les occupants des hautes charges sacerdotales destitués et un
(i; Actuellement Jàfà, Sud Ouest de Nazareth.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 333
nommé Phannias, un prêtre de campagne, hissé par le sort au
souverain pontificat. Eprouvant de la résistance de la part des
autorités locales qui s'essayaient, non sans succès, à apaiser la
populace, les zéloles appelèrent à leur aide les Iduméens, qui,
au nombre de vingt mille, pénétrèrent de nuit dans la ville, à la
faveur d'un violent orage. Le pillage et les assassinats frap-
pèrent avant tout la classe aisée : Annas, Jésus ben Sapphias,
Siméon ben Gamaliel, un pharisien de marque, furent successi-
vement poignardés ainsi que douze mille autres suspects. Ces
horreurs finirent par lasser même les Iduméens, au point qu'ils
regagnèrent leur pays. La faction des zélotes put alors impu-
nément terroriser Jérusalem ; ceux des chrétiens qui s'y trou-
vaient encore partirent pour la ville entièrement hellénique de
Pella, en Pérée ; d'autres citoyens achetèrent leur exode à prix
d'argent; une des dernières victimes du parti modéré fut
Joseph ben Gorion.
C'est ainsi que se passa l'hiver de 67-Ô8. Cependant, \"espa-
sien avait établi des garnisons romaines dans les localités sou-
mises et en avait relevé plusieurs de leurs ruines ; il laissa les
dissensions civiles opérer leur œuvre auto-destructive à Jéru-
salem, mais s'assura dès le printemps de 68, la pacification du
reste du pavs. La Pérée fut soumise jusqu'à Machéronte;
l'Idumée, la Séphélah et la côte garnies de corps d'occupation,
ainsi que plusieurs localités de la Judée, de la Samarie et de
la région du Jourdain.
Vespasien revint ensuite à Césarée pour y faire ses prépa-
tifs en vue du siège de la capitale juive, lorsque la nouvelle de
la mort de Néron (g juin 68) arrêta l'exécution immédiate de
son plan. En l'espace d'une année, en effet, trois empereurs se
succédèrent. Proclamé à l'âge de soixante-treize ans, en juin 68,
Sulpitius Galba se rendit odieux par sa sévérité et son avarice.
Tué le i5 janvier 69, il fut remplacé par le candidat 'des Préto-
riens : Marcus Salvius Othon. Celui-ci eut presque aussitôt
comme concurrent Aulus Vitellius et se suicida en avril de cette
même année 69.
L'instabilité de ces règnes avait forcé les armées en Pales-
tine à se tenir prêtes à toute éventualité et créa ainsi un arrêt
d'une année dans la poursuite des opérations. Elles furent for-
334 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
cément reprises par l'entrée en scène d'un nouveau meneur :
Simon bar Giora, qui avait contribué à la défaite de Cestius Gal-
lus en 66. Il profita de l'armistice forcé des Romains pour
rassembler une troupe de quarante mille hommes avec lesquels
il ravagea et pilla Tldumée jusqu'à Hébron. Jérusalem s'était
vue transformée par la tourbe de Jean de Giscala à la fois en
lupanar et en repaire de brigands. (Ctr. Bell. Jud., 1. IV, ch. g,
§ lo.) Simon fut appelé au secours de la ville. Il y entra au
mois de Xanticos (mars-avril) 69 ; les zélotes se retranchèrent
alors sur la colline du temple et les deux partis mirent par
leurs rivalités le comble à la terreur des habitants.
Cette recrudescence des troubles força Vespasien à renforcer
les garnisons de Judée, en même temps que le tribun Céréalis
reprenait Hébron et matait l'Idumée.
En dehors de la capitale, il y avait encore aux mains des
insurgés, Masada, Machéronte et l'Hérodium, mais, le sort de
l'empire n'étant pas assez définitivement arrêté^ les troupes
revinrent à Césarée au mois de juin. A peine y étaient-elles,
que, sous la poussée du légat Tibère Alexandre (i), les légions
d'Egypte se refusèrent à reconnaître Vitellius, porté au pouvoir
par celles du Rhin, et fixèrent leur choix sur Titus Flavius Ves-
pasien.
Le légat de Syrie, Licinius Mucianus (67-69) fit reconnaître
dans tout l'Orient le nouvel empereur, qui, acclamé avec
enthousiasme par ses propres troupes, reçut à Bérytos l'hom-
mage de nombreuses cités (mi-juillet 69). Sa prophétie s'étant
si heureusement accomplie, Flave Josèphe fut remis en liberté.
Vespasien confia à Mucianus et à Antonius Primus, le légat
de Mysie (2), de fortes armées pour le triomphe de sa cause
en Italie et se rendit lui-mêmie, accompagné de Titus et de
Flave Josèphe, désormais son familier, à Alexandrie d'Eg3^pte.
Le 21 décembre, Vitellius tomba assassiné en pleine Rome qu'il
avait, au cours de ses quelques mois de règne, mal édifiée par
son dévergondage.
Vespasien attendit à Alexandrie les vents d'été pour faire
(i) Le mêmequi avait été procurateur de Judée jusqu'en 48.
(2) Celui-ci rallia les légious du Dauube.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 335
la traversée et chargea son fils Titus de mener, d'ici là, la
guerre juive à bonne fin.
A Jérusalem, il s'était opéré une scission parmi les forcenés
de Jean de Giscala sous la conduite du prêtre Eléazar, l'ancien
chef des zélotes. Celui-ci s'était emparé du parvis intérieur
du temple. Jean de Giscala occupait la colline qui y conduisait;
quant à Simon ben Gioras, il était maître de la ville haute et
d'une bonne partie de la ville basse. Des assauts réciproques
et continuels de ces troupes irrémédiablement ennemies inon-
daient de sang les rues de la cité, non moins que l'esplanade
de l'autel des holocaustes. Car les sacrifices s'offraient toujours
et les projectiles de Jean de Giscala écrasaient souvent les
sacrificateurs à côté de leurs victimes. Pour comble de démence,
on incendia, au cours des sorties tentées dans les quartiers
ennemis, les entrepôts pleins de blé qui s'y trouvaient.
Aux trois légions de l'armée de Vespasien s'était ajoutée la
douzième (i), conduite par Cestius Gallus aux débuts de la
guerre. Ces forces jointes à celles des alliés, se concentrèrent
autour de Jérusalem quelques jours avant la Pàque de 70.
Malgré les troubles qui ensanglantaient la Ville Sainte, des
foules innombrables y étaient accourues de toutes parts pour
célébrer la fête; la plupart devaient n'en plus sortir.
Dominant la ville au N.-N.-E., le Scopus fut occupé par les
douzième et quinzième légions, tandis que la cinquième se
tenait à trois stades en arrière; la dixième, venue de Jéricho,
établissait ses retranchements sur le mont des Oliviers, quand
elle fut furieusement assaillie par un détachement juif, que Titus
refoula à grand'peine dans le lit du Cédron.
Le jour même de Pàque, une bande armée de Jean de Gis-
cala se mêla aux pèlerins qui étaient venus faire leurs sacrifices
au temple et s'empara des positions d'Eléazar, réduisant à deux
les camps adversaires dans la ville.
Environnée de profondes vallées à l'Est, au Sud et au Sud-
Ouest, Jérusalem devait être attaquée par le Nord et le Nord-
Ouest. Titus approcha une division de son armée jusqu'à deux
(i) C'étaieut doue la V» Maciedonica; la X* Freteusis ; la XII» Fulmi
nata; la XV» ApoUiuaris.
336 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
stades du mur nord-ouest, en face de la tour Pséphina, établit
l'autre à l'Ouest près de la tour Hippicus et laissa la légion
Fretensis sur le mont des Oliviers.
Au préalable une demande de reddition fut tentée, mais en
vain, par Josèphe, qui accompagnait l'armée romaine, et le
siège commença. En présence de cette situation extrême, les
deux partis ennemis de Simon et de Jean s'unirent enfin dans
la résistance.
Après un assaut de quinze jours, repoussé à fréquentes
reprises, le 7 Artémisios (fin avril), la troisième enceinte (i)
céda et le Bézétha fut occupé. Cinq jours après, le second mur
tomba, mais il ne fallut pas moins de quatre jours de combats
acharnés avant que les Romains fussent maîtres du quartier
devant la ville haute.
L'attaque du premier rempart intérieur et de l'Antonia
nécessita la construction de quatre boulevards d'attaque
(aggera) destinés à supporter et à élever les machines de siège.
Au cours de ce travail, Josèphe essaya, une fois de plus inuti-
lement, d'engager des pourparlers.
Jean de Giscala, qui défendait l'Antonia, trouva moyen de
creuser des mines, soutenues au moyen de pilotis, sous les
deux remblais qui devaient lui faire face ; ceux-ci achevés, il mit
le feu aux poutres de soutènement et le tout s'écroula. Simon
incendia aussi les deux autres dressés contre la ville haute.
Pourtant la situation devenait de plus en plus désespérée;
la famine avec toutes ses horreurs étreignait la malheureuse
cité surpeuplée; à ceux des habitants qui étaient soupçonnés
de receler encore quelque réserve, on en arrachait l'indication
par la torture ; ceux qui se risquaient hors des remparts, en
quête de quelques herbes, étaient saisis par les assiégeants,
flagellés et crucifiés sous les yeux des assiégés : tel était leur
nombre que bientôt on manqua de place pour les croix, et de
bois pour ces mstruments de supplice; et, scène horrible! les
cadavres de ceux qui mouraient d'inanition étaient jetés dans
les fossés des remparts.
(i) Commencée par Agrippai, sa construction avait été arrêtée (cfr. supra
pp. 3i8, 319) et n'avait été que liùtivemeut aclievée au cours de la révolte.
f
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 337
Un mur en pierres encerclant toute la ville finit par empêcher
toute tentative d'approvisionnement et toute sortie ; puis de
nouveaux remblais turent dressés dont l'érection exigea vingt et
un jours, car il lallut déboiser les environs à une distance de
quatre-vingt dix stades.
Le 5 Panémos (vers la mi-juin), l'Antonia tomba au pouvoir
des Romains, qui la rasèrent douze jours plus tard pour rendre
plus aisée l'attaque du temple. Ce même jour, 17 Panémos,
l'offrande crématoire du matin et du soir cessa, faute de
sacrificateurs.
L'esplanade du temple était, elle aussi, remarquablement
fortifiée : l'immense rectangle était entouré d'un mur épais (i)
€t, ce mur franchi, une seconde enceinte protégeait le
parvis intérieur. Pour éviter la destruction de ce monument,
l'orgueil de la nation, Josèphe et les plus notables des
transfuges voulurent négocier une fois encore avec les défen-
seurs de la place, mais ceux-ci s'obstinèrent décidément. Il
fallut un nouveau siège, et, les béliers étant impuissants
contre ces murs de granit, on mit le feu aux portes pour
pénétrer ainsi dans les parvis. Les Juifs tentèrent alors des
sorties, et c'est au cours d'une des refoulades qu'un soldat
romain, parvenu dans le parvis intérieur et soulevé par un
de ses compagnons, lança une torche dans un des appartements
du temple même. Titus donna itérativement l'ordre d'éteindre
l'incendie (2), mais la rage de ses hommes n'écouta plus que
leurs instincts de vengeance contre l'ennemi qui leur avait
opposé une si opiniâtre résistance et causa dans leurs rangs
tant de ravages. Le général romain eut le temps d'entrer avec
ses officiers dans le Saint des Saints avant que le feu le
gagnât; puis cette merveille du monde, le seul temple légi-
time de l'ancienne alliance, s'abima, écrasant sous ses ruines
les milliers de malheureux qui s'y étaient réfugiés, tandis que
(i) Le « mur des pleurs », où les Juifs vont encore se lamenter le
jour du Sabbat, est le dernier vestige de cette construction aux blocs mas-
sifs si soigneusement joints.
(2) C'est la version de Flave-Josèplie; d'après Suétone et Orose, Titus
aurait au contraire ordonné la ruine complète du teniple. Cfr. Schruer, I,
pp. G3i-63a, note 11 5.
338 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
les soldats massacraient impitoyablement quiconque leur
tombait sous la main. C'était le lo du mois de Loos (6 août).
Au milieu de cet épouvantable carnage les étendards des
légions furent plantés sur le parvis extérieur du côté du
Cédron, et Titus décoré du suprême titre honorifique
d' « imperator »,
Restait la ville haute, où Jean de Giscala et les survivants
de ses zélotes étaient parvenus à se sauver. N'obtenant pas
sortie libre pour tous les assiégés, Jean et Simon continuèrent
la résistance. Le quartier autour du Xyste, ainsi que la ville
basse, furent alors pillés et brûlés ; les constructions pour le
siège de la ville haute prirent encore dix-sept jours, du 20 Loos
au 7 Gorpiaios, après quoi les Romains purent sans trop de
difficultés se rendre maîtres du quartier haut, qu'ils pillèrent
et incendièrent comme le reste. Ceux qui — au nombre de
quatre-vingt-dix-sept mille — échappèrent au massacre, furent
destinés aux exploitations minières en Egypte ou aux com-
bats des gladiateurs dans les cirques; les plus beaux types
furent réservés pour le triomphe de Titus à Rome et parmi
eux les deux chefs de la révolte. De toute la ville on
ne laissa subsister que les trois tours Hippicus, Pha-
saël et Mariamme, ainsi que le rempart ouest : le reste fut
rasé.
Ce siège, — un des plus acharnés que l'histoire ancienne
ait enregistré, — qui avait duré cinq mois, coûta au dire de
Josèphe la vie à près d'un million cent mille Juifs, sans comp-
ter les vies des assiégeants sacrifiées en grand nombre au cours
de ces terribles opérations.
Titus laissa la dixième légion avec quelques détachements
de moindre importance à Jérusalem comme corps d'occupation
et partit à la tête des autres troupes pour Césarée maritime,
Césarée de Philippe, Bérytos, Antioche, et traversa les villes
de Syrie jusqu'à Zeugma, à l'Euphrate, donnant partout des
jeux et des combats publics dont les captifs faisaient les frais.
Il se rendit ensuite à Alexandrie où il laissa ses légions et
cingla vers Rome avec sept cents captifs de choix. En 71, la
capitale du monde lui fit, ainsi qu'à son père et à son frère
Domitien, un accueil triomphal, immortalisé par le fameux arc
jusQU A l'échec Définitif de barkokéba.
339
Double As de Vespasien.
a/ IMP. CAES YESPaSIAN. AVG. p. m. t. W. P.P.P. COS.
III.
Tète laurée de Vespasien.
r/ a droite, derrière un palmier, Vespasien en tenue
militaire, tenant de la droite une lance, de la
gauche un parazonium (courte épée) ; le piedgauche
appuyé sur un casque. A gauche une femme assise
sur une cuirasse, la tète appuyée sur la main.
IVUAEA CAPTA S. G.
Aureus de Vespasien.
a/ Tète laurée de Vespasien IMP.
CAESAP VESPASIA.NUS AVC.
r/ Femme symbolisant la Judée vain-
cue, assise au.\ pieds d'un trophée.
En dessous IVDAEA.
Bronze de Titus.
a/ Tète laurée de Titus.
AVTOKP. TITOS KAISAP.
r/ Trophée de face ; à terre, à gauche, une femme
accroupie les mains derrière le dos (représen-
tant la Judée humiliée) ; à droite une pelta.
I0YAAIA2 EAAQKYIA2
de Titus, au pied
du Palatin.
La pacification
du pays juif, ache-
vée par la prise des
trois forteresses de
rHérodium,de Ma-
chéronte et de Ma-
sada, fut l'œuvre
dés deux légats im-
périaux Lucilius
Bassus et Flavius
Silva.L'Hérodium
et Machéronte ne
demandèrent pas
trop d'efforts, mais
il en fut autrement
de Masada, occu-
pée et défendue
dès les débuts de
la guerre par Eléa-
zar, un descendant
de Judas le Galiléen
et l'un des fauteurs
de troubles sous
Varus après la mort
d'Hérode le Grand.
Silva dut déployer
toute la stratégie
romaine pour arri-
ver au bout de ce
siège, et, quand le
16 avril 73 les lé-
gionnaires s'élan-
cèrent à l'assaut
final, ils trouvèrent
les défenseurs à
l'état de cadavres .
340
DEPUIS LA CONQUETE DE POMPEE
plutôt que de se rendre , ils s'étaient entretués ( i ) .
Comme écho à l'aftreuse tragédie de Palestine il y eut des
soulèvements, bientôt réprimés, dans les juiveries d'Alexandrie
et de Cyrène ; le temple de Léontopolis fut alors définitivement
fermé.
La Palestine devint domaine privé de Vespasien, c'est-à-dire
province impériale, indépendante de la légation de Syrie et
administrée non plus par un procurateur mais par un légat de
rang sénatorial. Sa résidence fut Césarée, transformée en
colonie romaine; mais la dixième légion resta à Jérusalem.
C'en était fait des élé-
ments sensibles, qui,
malgré la domination
étrangère, avaient jus-
qu'alors tenu si forte-
ment rattachées les âmes
juives, sans égards pour
les tendances opposées
et les dissensions intes-
tines qui les divisaient ;
Bronze de la Légion X"^ Fretensis.
La pièce est fruste et les légendes devenues illi-
sibles.
a/ Tête probablement laurée.
k/ Au milieu du champ contre-marque carrée j^g ^^ sanhédrin, plus
offrant un porc en défense surmonte des ^ . ^
lettres L. X. F. de temple, par suite plus
Au-dessous et à gauche seconde contre-marque Jp oor^rifires ni de sacer-
offrant une petite galère (fretum =^ détroitj.
doce effectif; et, pour
rendre cette dernière privation plus tangible et plus dou-
loureuse, il fallut aux Juifs, o suprême amertume! verser
désormais la capitation du didrachme pour le temple de Jupiter
Capitolin.
Pour ceux qui n'avaient pas voulu croire au changement
d'alliance, ceux qui, n'admettant pas que le sacerdoce fut
changé, n'admettaient pas non plus un changement de Loi
(Heb,, VII, 12), cette Loi entretint leurs dernières illusions.
Ils s'y cramponnèrent comme à l'âme de la nation et, ne
pouvant pas regarder la ruine comme définitive, ils tentèrent
un suprême essai de restauration. Il aboutit à un échec radical.
(i) Ou lira avec intérêt l'histoire de ce fameux siège dans Touvrage
du PÈRE Abei, : Une Croisière autour de la mer Morte, pp. Iio-iai.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 341
Les Romains n'ignoraient pas les espérances messianiques La
des Juifs ; ils savaient que c'étaient ces rêves qui avaient été
en partie la cause de la révolte et ils pouvaient craindre à bon
droit que ces utopies ne conduisissent à de nouvelles tentatives
d'insurrection.
Au dire d'Héj^ésippe (i), « Vespasien fit rechercher tous
les descendants de David, afin qu'il ne restât plus chez les Juifs
personne qui fût de race royale. Ce leur fut un nouveau sujet de
très grande persécution ». D'après le même historien (2),
Domitien (81-96) fit comparaître les petit-fils-de Jude, le frère
du Seigneur, dénoncés comme appartenant à la race de David,
mais,voyantquec'étaient de pauvres laboureurs qui attendaient
uniquement un royaume céleste, il les renvoya. Toujours
d'après cet auteur (3), Siméon, fils de Clopas, le second
évèque de Jérusalem, mourut martyr à l'âge de 120 ans,
parce qu'il était de la race de David et chrétien, sous le règne
de Trajan (98-117).
Déjà au début de la guerre en 68, des Juifs qui ne voulaient
pas y participer, avaient formé, avec l'autorisation de Vespa-
sien, des colonies à Jamnia et à Lydda. C'est dans ces deux
localités que vinrent enseigner à la fin du premier siècle et au
commencement du deuxième, les rabbins les plus fameux. Ils
réunirent autour d'eux les Juifs notables échappés à la ruine.
Comme le dit le Père Lagrange (4) : « Ce n'était plus un san-
)) hédrin mais une académie. L'assemblée avait encore une
» autorité considérable, surtout dans l'ordre spéculatif; elle
» s'eftorça de maintenir l'unité du judaïsme, d'exercer une
)) juridiction, d'empêcher les Romains de s'immiscer dans les
» affaires de la nation. Mais elle ne pouvait prétendre à une
)) action politique et ces exégètes n'avaient ni estime ni goût
)) pour le métier des armes ». En fait, ce collège de rabbins
à Jamnia devint une espèce de tribunal suprême aux déci-
(i) Elsebe, Hist. EccL. 1. III, ch. 12. Edition Grapiu.
(2) Ibid., ch. 19 et 20.
(3) Ibid., ch. 32.
(4) Le Messianisme chez les Juifs, p. 3o3, ouvrage qui fournit sur cette
période ultime de précieux renseignements.
dernière
tentative.
342 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
sions duquel tout le monde se soumettait et où les espérances
messianiques se maintinrent, (i)
Jérusalem quoique détruite et profanée par le campement de
la dixième légion, ne cessa pas d'exercer sur les restes de la
race juive un irrésistible attrait. Des vieillards et quelques
femmes étaient restés pour pleurer sur ses ruines (2) ; elle
devint bientôt un lieu de pèlerinage douloureux, mais, malgré
tout, sollicitant. Eusèbe (3) nous apprend qu'une église judéo-
chrétienne y eut jusqu'en i35 des évêques « de la circoncision »
qui s'y succédèrent régulièrement. Elle s'était donc repeuplée,
et dès lors on peut y admettre a fortiori, à côté de cette chré-
tienté, une population purement juive. La Palestine avait reçu
quelques fondations nouvelles exclusivement païennes, telles la
colonie militaire d'Emmaùs, Flavia Néapolis sur l'emplace-
ment de l'ancienne Sichem, et Capitolias dans la décapole (4).
Pour le reste ses villes avaient gardé leurs habitants juifs à
l'exception de ceux que le désastre de la capitale avait enlevés.
Le règne si prospère et si glorieux de Trajan qui s'était sou-
mis et avait converti en provinces romaines la Dacie, l'Arabie
transjordane, l'Arménie, la Mésopotamie et l'Assyrie (royaume
parthe), se termina par une levée de boucliers de la part des
Juifs sur plusieurs parties de l'empire.
Tandis que l'empereur menait sa campagne dans le pays de
l'Euphrate et du Tigre en ii5, les Juifs d'Egypte et de Cyrène
s'en prirent à leurs concitoyens païens. De cause bien précise
les contemporains n'en assignent point, mais comme les troubles
éclatèrent à plusieurs endroits, on peut dire que c'était la soif
de venger l'humiliation infligée à toute une race par l'anéantis-
sement de ce qui lui était cher dans la mère-patrie et sans
doute aussi un réveil intempestif des espérances messianiques.
En Egypte le mouvement s'étendit jusqu'à la Thébaïde et
le légat Rutilius Lupus ne parvint pas à l'enrayer. Les Hellènes
partout défaits, s'enfuirent alors à Alexandrie : ils y exercè-
(i) Cfr. SCHiiRER, I, pp. 656-661.
(2) Bell., Jud., 1. VII, ch. 8, éditiou Dindorf, II p. 33o à la fiu.
(3) Hlst. Eccl., 1. IV, ch. 6, §4.
(4) Aujourd'hui Beth-er-Ràs.
JUSOU A L ÉCHEC DEFINITIF DE BARKOKÉBA. 343
rent un tel carna<:,'e que pas un Juif n'échappa et la ville dut
être restaurée sous Hadrien. La rev^anche fut prise à Cyrène.
Elle fut d'une cruauté inimaginable ; au témoignage de Dion
Cassius les Juifs y firent deux cent vingt mille victimes : plu-
sieurs d'entre elles furent sciées du haut en bas, on cuisit leurs
chairs, on se ceignit de leurs entrailles et on se couvrit de leur
peau (i). Eusèbe (2) nous dit que leur chef Loukouas (3)
avait pris le titre de roi, ce qui à cette époque trahit indubita-
blement des v'isées messianiques; auparavant déjà la démence
et la fureur des sicaires, nous dit Josèphe (4), avaient envahi
la Cyrénaïque comme un mal contagieux.
Trajan envoya en Afrique, à la tète d'une armée et d'une
flotte, un général de première valeur : Marcius Turbo. Il lui
fallut toute l'année 116 et des combats acharnés pour réprimer
ce soulèvement; il ne le put d'ailleurs complètement qu'en 117,
aux débuts du règne d'Hadrien.
L'île de Chvpre fut le théâtre des mêmes tueries que Cyrène;
les Juifs massacrèrent deux cent quarante mille insulaires et
détruisirent la capitale Salamis. Tel fut le ressentiment des
habitants que, même longtemps après, la mort attendait tout
Juif qui s'aventurât sur Tile (5).
En Mésopotamie, où les fils d'Israël étaient nombreux, la
révolte éclata, tandis que Trajan était en marche sur Ctésiphon,
la capitale parthe. Le général Lusius Quietus, un prince
maurétanien, dut s'emparer de Nisibe et d'Edesse et mena une
guerre d'extermination dans toute la province; après quoi, il
fut nommé légat en Palestine. Là aussi les esprits se rebel-
laient (6). Schûrer (7) n'admet pas une guerre bien carac-
térisée dans ce pays; malgré cela, les détails donnés par les
sources juives, qui nous parlent d'une guerre de Quietos, enca-
(I; Hist. Rom., 1. LXVIII.ch. 82.
(2) Hist. EccL, I. IV, ch. 2, § 4.
(3) Dion Cassius l'appelle Audré.
(4) Bell. .lud., I . VII. ch. 11, S i.
(5| Diou Cassius, Ibid.
(6) Spartien, Vita Hadriani, ch. 5. Aegyptus sedilionibiis argebatur.
Lit y a deniqueac Palaestina rebelles aninios efferebant.
(7) I, pp. 667-668.
344 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
drée entre celles de Vespasien et d'Hadrien, s'entendent mieux
d'une campagne menée en Palestine que bien de celle en Méso-
potamie. Tout ce qu'on peut accorder à l'historien allemand
c'est que l'agitation n'y eut ni l'importance ni l'extension
qu'elle avait prises dans d'autres contrées (i).
Elle fut d'autant plus formidable peu d'années après sous
Hadrien. Cette dernière guerre palestinienne ne le céda pas en
durée et en horreurs à celle de Vespasien, soutenue qu'elle
fut par les juiveries du monde entier (2).
Généralement on assigne comme causes à ce soulèvement
ultime contre la domination romaine les deux faits sui-
vants (3) :
1° La défense rapportée par Spartien : inoveriint ea tempestate
et Jiidaei belhtui, quod vetabantur imitilare genitalia (4). Domi-
tien avait prohibé antérieurement la castration (5) et Hadrien
voulut donner à ce délit la même gravité qu'aa meurtre; la
circoncision aurait été considérée comme un cas analogue et,
dès .lors, cette prohibition menaçait un rite essentiel du
judaïsme;
2° Dion Cassius (6) assigne un autre mobile, notamment
la fondation par Hadrien à Jérusalem d'une colonie romaine et
la transformation de cette cité en ville entièrement hellénisée et
paganisée par l'érection d'un temple à Jupiter.
Ces deux motifs sont récusés par le Père Lagrange (7).
Schûrer lui-même n'admet pas que l'interdiction d'Hadrien ait
été dirigée expressément contre les Juifs (I, p. 677), et quand les
empereurs postérieurs ont formellement défendu la circon-
cision, ils ont eu soin d'excepter les Juifs. Dès lors « l'interdire
sans songer aux Juifs eût été une insigne étourderie ; braver
les Juifs, une imprudence et un crime politique w; conséquem-
ment, le docte dominicain rejette le témoignage du biographe
(1) Cfr. Lacjraxge, op. laud., pp. 3o6 3o8
(2) Dion Cassius, Hist. Rom., 1. LXIX, ch. i3.
(3) Entre autres auteui's : Schûrer, I, pp. 674-^^82; Felten, I, pp. 279-281.
(4) VilaHad., ch. 4.
(5i Dion Cassius, Hist. Rom., 1. LXVII, cli. 2.
(6) Hist. Rom.,\. LXIX, ch. 12.
(7) Op. laud., pp. 3o9-3i5.
JUSQU A L ÉCHEC DÉFINITIF DE BARKOKÉBA.
345
d'Hadrien, comme incompatible avec la prudente politique de
cet empereur.
La transformation brusque de Jérusalem en cité païenne
s'appu3ait sur l'activité bien connue d'Hadrien, dont le règne
réalisa un programme systématique de « restitutor », ainsi que
quantité de ses monnaies en témoignent (i). Seulement, fait
remarquer le Père Lagrange (p. 3i3), Jérusalem était redevenue
une ville juive; la paganiser n'allait pas sans soulever toute la
population et il est peu vraisemblable qu'Hadrien, qui, pour en
finir avec les révoltes de l'Orient, avait renoncé à l'Arménie et
à la Mésopotamie, ait provoqué les Juifs, dont la guerre de
Trajan avait prouvé l'audace et la concorde.
Il est possible toutefois, et le Père Lagrange l'accorde, qu'il
y ait eu un projet de rebâtir et peut-être un commencement
d'exécution de la part d'Hadrien; peut-être, ajouterons-nous,
la défense de la castration inquiéta-t-elle les Juifs, par crainte
de voir s'étendre la défense également à la circoncision? Ces
deux considérants auront pu motiver les causes assignées
par le savant maître : « l'extrême exaltation des Juifs et
leurs espérances messia-
niques surexcitées par
leursmalheurs»(p.3i5).
La sédition qui cou-
vait pendant les séjours
que fit l'empereur en
Egypte et en Syrie,
éclata lorsque, en i32,
il fut parti pour la Grèce.
Sicle de Barkokébas.
Le légat de Palestine
a/ Ethrog et loulab.
Ecriture archaïque ^""^'^l"^ min^
(délivrance de Jérusalem).
r/ Temple tétrastyle surmonté d'une étoile. Au
centre signe conventionnel de la porte dorée.
Ecriture archaïque î^y^»^ (Simoni
Tineius Rufus eut beau
(c tuer des masses ser-
rées d'hommes, de fem-
mes et d'enfants et dé-
peupler leurs habitats (2) », l'insurrection gagna tout le pays et
fut encouragée par les sympathies ardentes de la diaspora, au
(i) Cfr. ScHiiRKR, I, p. G81, note 93.
(2) EUSÈBE, Hist. Eccl., I. IV, ch. 6, § i.
346
DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
point que l'univers entier se trouva en émoi (i). Jérusalem
tomba bientôt aux mains des révolutionnaires et sa délivrance
^'~ fut proclamée officielle-
Mm
ment par la frappe de
monnaies au nom de
(c Simon » à l'avers, et
la légende « lechêruth
J eruschalem » au revers.
C'est sur ce Simon
que se concentrèrent une
fois encore les aspira-
Dichalque de Bar-Kokébas.
a/ Lyre à trois cordes. Ecriture archaïque
\\Viyi! (Simon).
r/ Palme à folioles serrée dans une cou-
ronne. Ecriture archaïque nnnS (à la , • ■ • j
délivrance). npn? tions messianiques de
ce peuple qui dans son
aveuglement avait rejeté le seul « qui fut venu au nom du
Seigneur. »
Simon, nommé dans les sources rabbiniques Bar Kozêba (2)
n'était qu'un voleur et
un assassin (3), mais il
sut exploiter les illu-
sions de ses compatrio-
tes et s'imposa d'abord
aux masses par de gros-
sières supercheries (4).
Le célèbre rabbin
Aqiba ben Joseph lui
appliqua la prophétie de
Balaam (Num., XXIV,
17), en jouant sur les mots et en disant : Jn^dîID (Kozêba)
sortira de Jacob, au lieu du texte original 2D1D (kôkab : étoile).
D'où son changement de nom en Bar-Kokéba : « le fils
de l'étoile » que lui donnent les sources chrétiennes et
Dichalque de la dernière révolte.
a/ Palmier portant fruit?. Ecriture archaïque
j;,«2i'ii' (Simon).
r/ Feuille de vigne. Ecriture archaïque
(2™® année de la délivrance d'Israël).
(i) Dion Cassius, Hlst. Rom., 1. LXIX, ch. i3.
(2"! Probablemeut du lieu de sa naissauce (Akzib jjrès de Bêt-Nettif ?).
(3) EusÈBE, Hlst. EccL, 1. IV, ch. 6, § 2.
(4) lUe Barchochabas,auctor seditionisjudaicœ,stipulam in ore succensam
anhelitu ventilabat, ut flammas euomere putaretiir. HiEROJi., Adv. Riifinum,
III, Si.
JUSQU A L ÉCHEC DÉFINITIF DE BARKOKÉBA.
347
qu'elles empruntent nécessairement à une tradition ancienne.
Cette exégèse d'un maître aussi célèbre eut sans doute
plus d'un adhérent ; elle fut certainement admise par une autre
lumière rabbinique du temps,
Eléazar de Modin, l'oncle de
Simon. C'est ainsi que « par
son nom, dit Eusèbe {loc. cit ),
il en imposait à ces hommes
serviles ».
Les renseignements que nous
avons sur cette tentative de res-
tauration ne sont ni nombreux
ni étendus ; ils nous prouvent
néanmoins que l'acharnement
fut grand de part et d'autre.
Par certaines monnaies de
Chalque de la dernière révolte.
a/ Palmier ; en dessous lettres archaï-
ques = ]W?2^ (Simon).
r/ Grappe de raisins. Tout autour en
lettres archaïques : S'^2;'n''ni"in^
(délivrance de Jérusalem).
Cette monnaie date probablement
de la première année de la seconde
révolte.
Simon, nous apprenons qu'il s'intitula prince (nasi) d'Israël, que
sa capitale était délivrée et qu'en même temps que lui,
mais sous lui, un grand-prêtre (Eléazar) détenait le pou-
voir.
Messie jaloux et farouche, « il faisait subir aux chrétiens les
derniers supplices s'ils ne reniaient et ne blasphémaient Jésus-
Christ » (i).
Du côté juif il y eut aussi des martyrs parmi les rabbins, qui,
sans avoir pour cela pris part à l'insurrection, tombèrent
victimes de la vindicte romaine (2).
La répression avait été confiée à un général renommé : Julius
Severus, rappelé expressément de Bretagne; il semble que le
terrain dut être reconquis pas à pas : c'est du moins ce qui
ressort de la notice de Dion Cassius (3) qui ne parle pas de
grands engagements, mais nous dit qu'il fallut forcer 5o forte-
resses défendues, ravager g85 localités et que le nombre de
ceux qui périrent par le fer seul fut de 58o,ooo ; une quantité
(i) Justin, i<.4poZ., ch. 3i, §6.
(a) Les sources rabbiniques sont indiquées dans Schurer, I, p. 697.
note i38.
(3, Hist. Rom., 1. LXIX, ch. i3-i4.
348 DEPUIS LA CONQUÊTE DE POMPÉE
innombrable de survivants fut vendue comme esclaves sur les
marchés d'Hébron, de Gaza et d'Egypte.
Bar-Kokéba fut tué au siège de Béther (i) qui résista en
tout dernier lieu.
La guerre avait duré trois ans et demi (commencement de
i32 au milieu de i35), mais la victoire coûta cher.
L'empereur s'en rendait bien compte : notifiant au sénat
l'issue de cette campagne, il n'osa se servir de la formule
habituelle en pareille occasion « que lui et l'armée étaient en
bon état ».
La Palestine était devenue un véritable désert. Jérusalem,
reprise à nouveau sur les Juifs et rasée, fut totalement trans-
formée en colonie romaine et reçut le nom de Colonia Aelia
Capitolina (2).
D'après le Chronicon Pascale (3), on y voyait deux bains
publics, un théâtre, des fontaines et autres constructions
helléniques.
Sur l'emplacement de l'ancien temple on en érigea un nou-
veau dédié à Jupiter Capitolin et l'on 3^ plaça une statue
d'Hadrien ; sur le tombeau du Christ, fut élevé un sanctuaire
d'Aphrodite ; les monnaies d' Aelia représentent encore
d'autres divinités : Bacchus, Sérapis et les Dioscures. Sur
la porte Sud qui regardait Bethléhem on sculpta un sanglier
dans le marbre.
Il fut défendu, sous peine de mort, aux Juifs d'approcher de
la ville et cette prohibition était encore en vigueur du temps
d'Eusèbe (4). Les ethnico-chrétiens toutefois s'y rétablirent et
ce sont leurs traditions qui assignèrent aux pèlerins des âges
postérieurs les précieux souvenirs relatifs à la passion et à la
glorification du Sauveur.
Sans patrie, les Juifs ne seront plus désormais que des
I
(i) Aujourd'hui Bittir, sur la route du cliemin de fer de Jaffa à Jérusa-
lem, à II kil. de celle-ci.
(2) Aelia du nom de famille de l'empereur : Publias Aelins Iladrianus ;
Capitolina en l'honneur de .Jupiter Capitolin.
(3) MiGNE, P. G., tome XCII, p. G14.
(4) Hist. EccL, 1. IV, ch. 6, § 3.
jusqu'à l'échec définitif de barkokéba. 349
étrangers dans le monde entier, mais le rabbinisme ne
fera que se développer et s'imposera de plus en plus. Reli-
gieusement écouté, il isolera la race juive d'entre toutes
les autres par le maintien de la circoncision et le culte
de la Loi.
Notre tâche est achevée.
Nous nous sommes associé à toutes les situations de la petite
tribu ignorée, partie d'Ur en Chaldée et devenue ce peuple
opiniâtre, mêlé à tous les bouleversements de l'ancien Orient,
survivant à chacun d'eux et finalement disséminé au milieu de
toutes les nations sans perdre ses particularités dans aucune.
Admirant la providence particulière de Dieu dans l'élection
et la conservation de la race élue, nous nous sommes réjoui des
promesses qui lui étaient faites. Mais, plus d'une fois aussi,
nous avons éprouvé avec l'Apôtre « une grande douleur et
une angoisse de cœur (i) » devant les prévarications
auxquelles elle s'est livrée. Son aveuglement et ses cata-
strophes finales nous ont profondément touché, car « c'étaient
des Israélites, c'est à eux qu'appartiennent l'adoption et la
gloire et les alliances et la Loi et le culte et les promesses et les
pères, c'est d'eux que le Christ est issu selon la chair » (2).
Nous ne pouvons oublier que « leur rejet a été la réconci-
liation du monde et que, si leur endurcissement doit durer
jusqu'à ce que la plénitude des gentils soit entrée, leur réinté-
gration sera la résurrection des morts » (3).
Ce n'est pas sans émotion que nous nous rappelons les avoir
vus maintes lois à l'angle Sud-Ouest du Haram, pleurer et se
lamenter auprès du seul pan de mur encore debout de leur
ancien Temple.
(i) Rom., IX, 2.
(a) Rom., IX, 4, 5.
(3) Rom., XI, i5. 25.
352
Ce souvenir nous inspire de leur adresser l'invitation d'Ori-
gène, « à rechercher la Jérusalem céleste au lieu de pleurer
la Jérusalem de la terre » (i). Et, du fond de l'âme, nous
redisons la prière de TEglise au jour anniversaire de leur
déicide :
Omnipotens, sempiterne Deus, oui etiam Judai-
cam perfidiam a tua misericordia non repellis :
exaudi preces nostras, ouas pro illius populi
obcaecatione deferimus ; ut, agnita veritatis tuae
LUCE, QUAE ChRISTUS EST, A SUIS TENEBRIS ERUANTUR.
(i) MiGNE, P. G , tome XII, col. 910.
APPENDICES
23
APPENDICES
Une lettre d'Abd-Hiba d'Urusalim
à Aménophis IV (i)
Au roi, mon Seigneur Abd-Hiba, ton serviteur. Aux pieds de
mon Seigneur sept tbis et encore sept fois je me prosterne.
Qu'ai-je fait contre le roi, mon Seigneur? On me calomnie
devant le roi, mon Seigneur (quand on dit) : Abd-Hiba a fait
défection au roi, son Seigneur. Vois, ce n'est ni mon père ni ma
mère qui m'ont établi en ce pays. C'est le bras puissant du roi
qui m'a mis en possession du territoire paternel. Pourquoi
commettrais-je alors un délit contre le roi, mon Seigneur?
Aussi vrai que le roi vit, c'est parce que je dis aux fonction-
naires du roi, mon Seigneur : pourquoi favorisez- Vous les
Habiru et faites-Vous du tort aux rois vassaux locaux (2),
voilà pourquoi ils me calomnient auprès du roi. C'est parce que
je dis : il s'écroule, le territoire du roi, mon Seigneur, c'est
pour cela qu'ils me calomnient auprès du roi, mon Seigneur.
Qu'il le sache le roi, mon Seigneur, que le roi, mon Seigneur,
avait placé des garnisons, mais les a enlevées... Janhamu (3)
... Egypte... roi, mon Seigneur... il n'y a plus là de garnisons.
Que le roi prenne soin de son pays, que le roi prenne soin de
(i) D'après Winckler, K. I. T., pp. 4-6. Cet auteur donne encore cinq
autres lettres du même roi au même destinataire, pp. 6-i3.
(2) Il oppose les IJabiru « nomades » aux hazanùti « chefs locaux séden-
taires ».
(3) Janhamu était préposé à certaines contrées du delta et du pays de
Canaan.
356 APPENDICES
son pays : il a fait défection le territoire entier du roi, mon
Seigneur. Ili-milku (i) fait tomber tout le territoire du roi.
Pour cela qu'il prenne soin le roi, mon Seigneur, de son pays.
Je pense : je vais me rendre à la cour auprès du roi, mon Sei-
gneur, et contempler les 3'eux du roi, mon Seigneur, mais les
ennemis sont puissants contre moi et je suis dans l'impossibilité
d'aller à la cour, auprès du roi, mon Seigneur-. C'est pourquoi
qu'il le trouve bon le roi, mon Seigneur, d'envoyer des garni-
sons afin que je puisse me rendre à la cour et contempler les
yeux du roi, mon Seigneur,
Aussi vrai que le roi, mon Seigneur vit, quand il sort (2)
un fonctionnaire, j'ai soin de dire toujours : il s'écroule le pays
du roi. Si Vous ne m'écoutez pas, ils sont tous perdus les rois
vassaux, et le roi, mon Seigneur, n'aura plus de rois vassaux.
C'est pourquoi qu'il songe, le roi, aux troupes (3), qu'il en
vienne des troupes d'archers du roi, mon Seigneur. Il ne pos-
sède plus de territoire, le roi. Les Habiru ravagent tout le
territoire du roi. S'il y a présentes des troupes cette année, il
restera le territoire au roi, mon Seigneur, mais s'il n'y a pas de
troupes, alors le territoire du roi, mon Seigneur, est perdu.
Au secrétaire du roi, mon Seigneur : Abd-Hiba, ton servi-
teur. Transmets les paroles non falsifiées au roi, mon Sei-
gneur : il croule le territoire entier du roi, mon Seigneur.
(i) Sans doute un roitelet révolté contre le pharaon et un ennemi
d'Abd-Hiba.
(2) Quand on vient d'Egypte en Canaan.
(3) A envoyer des troupes.
'I
APPENDICES. 357
II
Inscription de Mésa.
1. Je suis Mésa, fils de Camos... roi de Moab, le Dibonite./
2. Mon père a régné sur Moab durant trente ans, et moi,
j'ai régné
3. après mon père./ Et j'ai fait ce sanctuaire à Camos de
Qorkha ' en signe de salut,
4. car il m'a sauvé de toutes mes chutes et il m'a fait triom-
pher de tous mes ennemis,/ Omri,
5. roi d'Israël, fut l'oppresseur de Moab durant de longs
jours, car Camos était irrité contre son pays ;/
6. et son fils lui succéda, et il dit, lui aussi : J'opprimerai
Moab !/ C'est de mon temps qu'il parla ainsi,
7. et j'ai triomphé de lui et de sa maison/ et Israël a péri
pour toujours. Or, Omri avait pris possession du pays
8. de Madaba/ et [Israël] y demeura durant ses jours et le
terme des jours de ses fils, durant quarante ans, et
g. Camos [nous] l'a rendue de mon temps./ Et j'ai bâti
B'aalmé'on, et j'y ai fait la piscine, et j'ai bâti
10. Qaryathen./ Or, les gens de Gad habitaient dans le pays
d"Ataroth de toute antiquité, et le roi d'Israël s'était bâti
11. 'Ataroth, Et je combattis contre la ville, et je la pris,
et je tuai tout le peuple
12. de la ville, spectacle pour Camos et pour Moab !/ Et je
m'y emparai de l'autel de son Génie et
i3. je le traînai devant Camos à Qiriyath./ Et j y fis habiter
les gens de Saron et de
14. Makharath, Et Camos me dit : Va ! prends Nébo sur
Israël ! et j'allai
i5. de nuit, et je combattis contre elle depuis la pointe de
l'aurore jusqu'à midi, et je la pris
16. et je tuai tout, sept mille hommes et jeunes garçons/ et
femmes et jeunes filles
358 APPENDICES.
17. et servantes,/ car je l'avais vouée à l'anathème envers
' Astar-Camos, et je pris de là
18. les autels (? ou les vases ?) de Jahvé, et je les traînai
devant Camos./ Or, le roi d'Israël avait bâti
19. Jahas, et il y demeurait alors qu'il me faisait la guerre,/
mais Camos le chassa devant moi, et
20. je pris de Moab deux cents hommes, toute son élite,/ et
le les portai contre Jahas, et je la pris
21. pour l'annexer à JDibon./ C'est moi qui ai bâti Qorkha,
le mur des jardins et le mur
22. de l'arrière-ville,/ et c'est moi qui ai bâti ses portes, et
c'est moi qui ai bâti ses tours,/ et
23. c'est moi qui ai bâti le palais, et c'est moi qui ai fait la
double piscine pour l'eau au milieu
24. de la ville;/ et il n'y avait pas de citerne au milieu de la
ville, à Qorkha, et j'ai dit à tout le peuple : Faites-vous
25. chacun une citerne dans sa maison ! et c'est moi qui ai
fait creuser les fossés de Qorkha par les prisonniers
26. d'Israël,/ et c'est moi qui ai bâti 'Aro'er, et c'est moi qui
ai fait la route de l'Arnon./
27. C'est moi qui ai bâti Beth-Bamoth, car elle était
détruite./ C'est moi qui ai bâti Beser, car elle était en ruines
28. avec les gens de Dibon, au nombre de cinquante, car
tout Dibon était enrôlé/ et j'ai placé le
29. nombre complet de cent [hommes] dans les villes que j'ai
annexées au pays./ Et c'est moi qui ai bâti
30. Madaba et Beth-Diblathen/ et Beth-Ba'almé'on, et j'y ai
porté les pasteurs.
3i. ... troupeaux du pays./ Et Khoronên où habitait...
32. ... et Camos me dit : Descends, combat contre Kho-
ronên !/ et je suis descendu...
33. ... [nous l'a rendue] Camos de mon temps. Et... delà...
dix...
34. ... année... et c'est moi.
Traduction Lagrange.
Revue Biblique. 190 i, pp. 524-525.
APPENDICES. 359
III
Une des lettres d'Eléphantine.
1. A notre seigneur Bagohi, gouverneur de Judée, tes servi-
teurs Jedoniah et ses confrères, prêtres dans la cité de Jêb.
2. Que le Dieu du ciel salue bien des fois en tout temps
notre seigneur, et qu'il t'établisse en faveur auprès du roi
Darius
3. et des fils de la cour mille fois plus encore que mainte-
nant, et qu'il te donne une longue vie, et sois heureux et stable
en tout temps.
4. Maintenant ton serviteur Jedoniah et ses confrères s'expri-
ment ainsi : Dans le mois de Tammouz de l'an 14 du roi Darius,
lorsque Archam
5. était sorti et s'était rendu auprès du roi, les prêtres du
dieu Khnoub de la cité de Jêb [firent] accord avec Widrang,
qui en était Parthadac,
6. en ces termes : Le sanctuaire du dieu Jahô dans la cité
de Jêb, qu'on l'enlève de là ! Ensuite, ce Widrang
7. détestable a écrit une lettre à Naphiàn son fils, qui était
chef de troupes dans la cité de Syène, de cette sorte : Ce sanc-
tuaire de la cité de Jêb,
8. qu'on le détruise ! Ensuite Naphiân a conduit des Egyp-
tiens avec d'autres troupes; ils sont venus à la cité de Jêb avec
leurs carquois (?)
g. ils sont arrivés à ce sanctuaire et l'ont détruit jusqu'au
sol, ils ont brisé les colonnes de pierre qu'il y avait là; même,
il arriva encore que des portes
10. de pierres au nombre de cinq, construites en pierres de
taille, qui étaient dans ce sanctuaire, ils [les] ont détruites, et
ils ont enlevés leurs vantaux et les armatures
11. de ces vantaux en bronze, et la toiture en bois de cèdre,
tout entière [qui ?], avec le reste de la décoration et les autres
choses qu'il y avait là,
360 APPENDICES.
12. ils ont brûlé dans le feu : et les coupes d'or et d'argent,
et tout ce qu'il y avait dans ce sanctuaire, ils l'ont pris
i3. et se le sont approprié. Or, dès le temps du roi d'Egypte,
nos pères ont bâti ce sanctuaire dans la cité de Jêb, et lorsque
Cambyse est arrivé en Egypte,
14. il l'a trouvé ce sanctuaire bâti, et ils ont renversé tous les
sanctuaires des dieux de l'Egypte, et personne n'a rien abîmé
â ce sanctuaire.
i5. Et après que tout cela fut accompli, nous, avec nos
femmes et nos enfants, nous avons revêtu des sacs et nous
avons jeûné et prié Jahô, le dieu du ciel,
16. qui nous a donné de voir [la perte de] ce Widrang; les
chiens ont fait sortir les muscles de ses pieds, et tous les biens
qu'il avait acquis ont péri, et toutes les personnes
17. qui ont voulu du mal à ce temple ont toutes été tuées,
et nous avons eu le spectacle [de leur perte]. Or, avant cela,
au temps où ce mal nous fut
18. fait, nous envoyâmes une lettre [à] notre seigneur, et
aussi à Jehokhanàn le grand-prêtre, et à ses confrères les prê-
tres de Jérusalem, et à Ostan, le frère
19. d"Anani, et aux principaux des Juifs; une lettre, ils ne
nous ont pas envoyée. Or, depuis le mois de Tammouz de
l'an 14 du roi Darius
20. jusqu'à ce jour, nous avons revêtu des sacs et jeûné ; nos
femmes sont devenues comme une veuve, nous n'avons pas
employé de parfums,
21. et nous n'avons pas bu de vin. Or, depuis lors et jus-
qu'au jour de l'an 17 du roi Darius, ni sacrifice non sanglant,
ni encens, ni holocauste
22. n'ont été offerts dans ce sanctuaire. Maintenant, tes ser-
viteurs Jedoniah et ses confrères et tous les Juits citoyens de
Jêb, nous disons ;
23. S'il paraît bon à notre seigneur, qu'il soit résolu, au
sujet de ce sanctuaire, de le rebâtir, puisqu'on ne nous a pas
laissés le rebâtir ; voici donc : les personnes
24. qui sont bien avec toi et en amitié avec toi, qui [sont]
ici en Eg3^pte, qu'une lettre de ta part leur soit envoyée au
sujet de ce sanctuaire du dieu Jahô,
APPENDICES. 36l
25. pour le rebâtir dans la cité de Jéb, comme il était bâti
auparavant ! et des sacrifices non sanj^lants, et d'encens et des
holocaustes seront offerts
26. sur l'autel du dieu Jahô en ton nom, et nous prierons
pour toi en tout temps, nous et nos femmes et nos enfants, et
tous les Juifs
27. qui sont ici, si on en agit ainsi, jusqu'à ce que ce sanc-
tuaire soit rebâti. Et il y aura en ta faveur, une redevance
auprès de Jahô, Dieu
28. du ciel, de quiconque lui offrira un holocauste et des
sacrifices pacifiques d'une valeur égale à la valeur de mille
talents d'argent, et en plus de Tor; sur ce,
2g. nous avons mandé et fait connaître. Or, nous avons
mandé toutes choses dans une lettre en notre nom à Delaiah et
Chelemiah, fils de Sanaballat, gouverneur de Samarie.
3o. Or, de tout ce qui nous est arrivé, Archam n'a pas eu
connaissance. Le... de Markhechwan l'an 17 du roi Darius.*
Traduction Lagrange.
Revue Biblique, 1908. pp. 826-327.
* Darius II (424404).
362 APPENDICES.
IV
La défense faite aux Gentils
de franchir l'enceinte sacrée du Temple ^i^.
MHeENAAAAOrENHElsnO
PEYESQAIENTOSTOYnE
PITOIEPONTPY^AKTOYKAI
HEPIBOAOVOSAANAH
<i>eHEAYTQIAlTIOSES
TAIAIATOESAKOAOY
eElNeANATON
MviSéva âXkoyByr^ ù<7Tzo^sÙB(T^y.i evxôi; to\j Tcepi zb Upôv TpuoàxTOU
xal Tzepi^okou. ^'Oç S'av XyjcpQr, eauTco àt,Tt.oç es-rai ot,à xo è^oixoXouSzZy
©àvaTOV.
Qu'aucun étranger (à la religion juive) n'entre à l'intérieur de
la barrière et de l'enclos qui entoure le sanctuaire. Celui qui
sera saisi sera cause à lui-même que la mort s'en suivra.
(i) Cette inscription gravée sur pieri'e est conservée au Musée de Cou-
stantinople.
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364 ■ APPENDICES.
L'année juive était lunaire. Le commencement du mois n'était pas
calculé d'une manière astronomique, mais de façon purement empirique;
sa durée n'était pas fixée d'avance; elle était de 29 ou de 3o jours. Aussitôt
la nouvelle lune aperçue, des témoins dignes de foi l'annonçaient au Sanhé-
drin à Jérusalem (plus tard à Jabné) et, le mois comprenait-il une fête, on
envoyait immédiatement des courriers eu tous sens pour notifier l'ouver-
ture du nouveau mois. Cette fixation empirique faisait osciller l'année
juive entre 352 et 3")6 jours, alors que de fait l'année lunaire en comprend
354-355.
Pour mettre l'année lunaire en rapport avec l'année solaire, il fallait
intercaler un mois tous les deux ou trois ans (trois fois en huit ans). Cette
intercalation n'était pas non plus fixée d'avance. Pendant tout le mois
d'Adar on pouvait encore délibérer pour savoir si l'année suivante serait
intercalaire ou non. La règle sur laquelle on s'appuyait pour cette interca-
lation était la suivante : La fête de Pâque qui était fivée au jour de la
pleine lune (le 14 donc) du mois de Xisan, devait toujours être posté-
rieure au jour où commençait le printemps, c. à d. au jour de l'équinoxe,
quand le soleil se trouve dans la constellation du bélier. Ce mois interca-
laire prenait aussi le nom d'Adar (Veadar). On comprend que la corres-
pondance des mois juifs avec ceux du calendrier julien ne peut être dès
lors qu'approximative.
Pour les dates données par Josèphe dans son récit de la guerre juive,
il est à remarquer que tout en employant les noms macédoniens, il a
compté très probablement d'après le calendrier juif.
L'année liturgique juive commençait au printemps, l'année civile en
automne; mais les désignations des mois étaient les mêmes.
APPENDICES. 365
yi
Monarques Chaldéens, Babyloniens
et Assyriens ■>.
I. — Monarques Chaldéens antérieurs au vingt=deuxième
millénaire.
A. — Rois de Kis.
Me-silim.
Ma-an-is-tu-su.
B. — Premier e dynastie de Lagas.
E-an-na-tum.
Uru-ka-gi-na.
C. — Rois d'Agadé.
Sargon l'Ancien.
Naràm-sin.
D. — Deîixième dynastie de Lagas.
Gu de-a.
E. — Rois d'Our.
Dungi
F. — Rois d'Isin.
Lipit-Istar.
G. — Rois de Larsa.
Rîm-Sin.
H. — Rois d'Erech,
Lugal-zag-gi-si .
Il, — Monarques Babyloniens.
A. — Premier empire babylonien.
Sumu-abu vers 2i5o
Sin-muballit 2060-2040
Ha-am-mu-ra-bi 2040
Samsou-ditana.
(i) Nous ne donnons que les noms cités dans le corps du livre.
366 APPENDICES.
B. — Dynastie « dît pays de la mer » (i).
C. — Dynastie Kassitc (i 800-1 178)
Gandis 1800
D. — Souveraitis de diverses « Bîtâti » et de diverses origines.
Mardoukabaliddina (Mérodach-Baladan) II 721-710
Mardouk-zakir-Souma 704 i mois
Mérodach-Baladan II . . . g mois 704-703
Asour-nadin-Souma (fils de Sennachérib) . 700
Nergal-usezib jusqu'en 693
Su-zu-bu (Musezib-Mardouk) 692
Asaraddon (fils de Sennachérib) .... 689
Samas-Souma-oukin (fils d'Asaraddon). 669-649
E. — Deuxième empire babylonien.
Nabopolassar (Naboubalouzour). . . 620-604
Nabuchodonosor II'. 604-561
Évilmérodach 56i-559
Nériglissor • . . 559-555
Labasi-Mardouk 555 9 mois
Nabounaïd (Nabonide) 555-539
Balthazar (Bêl-Sar-ousour) 548-532 interrègne pendant la
folie de Nabonide ; tué en 539.
F. — Les Monarques perses de Babylone.
Cyrus 539-529
Cambyse II 529-522
Oropastès, le faux Bardiya .... 522-521 usurpateur
Darius I 521-485
Compétition de Nabuchodonosor III (Nadin-
tavbel) 52I-520
Xerxès I 485-465
Artaxerxès I 465-425
Xerxès II 425 45 jours
Sogdianos 425-424 6 mois 1/2
Darius II (Ochos) 424-404
Artaxerxès II 404-362
Artaxerxès III (Ochos) 362-338
Darius III Codoman 338
(i) Golfe Persique.
APPENDICES. 367
III. — Monarques Assyriens.
Ilou-soumma vers 2l5o
Adad-nirari I i325-i290
Toukoulti-Ninib I 1260-1240
Téglath-Phalasar I (Tikoulti-Pileser) . iioo
Asournazirabal II 1060
Rammàn-nirari II 893
Salmanasar III 86o-825
Rammàn-nirari ou Adad-nirari IV . . 812-782
Salmanasar IV . . . 7 . . . 782-772
Assourdan ou Asaraddon II. . . . 772-754
Téglath-Phalasar III 745-727
Salmanasar V 727-722
Sargon 722-705
Sennachérib 7o5-68l
Asaraddon III (Asur-aha-iddin) . . 681-669
Assourbanipal 672-625 («règne 3 os.)
Asour-êtil-ilàni 625-620
V
Sin-Sarra-iskoun 620-607
368 APPENDICES.
VII
Rois d'EIam.
Kutir-Nahhunle I vers 2285
Kudur-lagamar . . . • 2041
Khoumbanigash . • -|- 717
Shoutrouknakhounta 717
Khalloudoush vers 701
Koutournakhounta II » 700 3 mois.
Oummanminanou » 700
Houmbanhaldas I 689-681
Houmbanhaldas II 681-675
Ourtakou (frère de Houmbanhaldas II) 675-664
Tep-Houmban » » . 664-660
Houmbanigas II (fils d'Ourtakou) . . 66o-65o
Tammaritou » ... 65o
Indabigas 65o
Oummanaldasi vers 647
Oumbahaboua m 647
Tammaritou . . . une seconde fois 647-640
APPENDICES. 369
VIII
Les dynasties égyptiennes (i).
1. — Période Archaïque
(ire.jQine dynastie.)
A. — Ejnpire Thinite.
i""^ dynastie : Thinite 5ooo-475o
2"^^ » » 4750-4450
B. — Empire Memphite.
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. 4240-3950
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Eléphantite.
. 3950-3700
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Memphite .
3700-3500
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. 35oo-335o
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V
Héracléopolitaine
335o-32oo
Qine
))
'^
3200-3I00
II. — Période Thébaine
(Ii'"^-I4'^«; i7"ie-2o"^«= dynastie.)
A. — Ancien Empire Thébain.
jjme d3-nastie : Thébaine .... 3ioo-3o5o
12'"'^ » » .... 3000-2840
i3"^® >i » .... 2840-2500
14"^^ M Xoïte 25oo-235o
B. — Invasion des Hycsos.
i5™^ dynastie : H3CSOS et Thébaine . 235o-2o62
16™^ » Hycsos 2062-1750
C. — Nouvel Empire Thébain,
jyme dynastie : Hycsos et Thébaine . 1750-1600
Ahmosis i73o
(i) L'accord est loin d'être fait sur la chronologie des dynasties égyp-
tiennes et des différents règnes. En frénéral, nous adoptons celle donnée
par M. Maspero daus son Guide to the Cairo Muséum, Cairo, 1908.
Tout en éuuméraut les diverses dynasties, nous n'insérons que les noms
des pharaons dont il a été question au cours de notre ouvi'age.
s4
370 APPENDICES.
i8"^e dynastie : Thébaine .... i6oo-i368
Thoutmosis III 1501-1447 ?
Aménophis II 1461-1436 ?
yy III ....'. .
» IV
igme dynastie : Thébaine .... i368-i25o
Ramsès II i35o?
Ménephtah I i3oo-i25o ?
20"^"^ dynastie i^Thébaine .... i25o-io8o
Ramsès III i25o?
« XII 1120
Hrihor, pharaon et grand-prêtre d'Amon.
III. — Période Saïte.
(2i"^^-26'^e. 27nit-3o'^^ dynastie.)
A. — Première période Saïte.
21"^*^ dynastie : Tanite et Thébaine . . loSo-gSo
22me „ . Bubastite 950-800
Sheshonq
23"^^ dynastie : Tanite 800-721
Psamouti
24™^ dynastie : Saïte 721-715
Tafnakhti
Bocchoris (Boukounrinif) . .
25me dynastie : Ethiopienne et Saïte . 715-662
Sabacon 7i5-7o3
Shabitlvou 703-693
Taharqou 693-666
Tanouatamanou (Tanout-Amon) . 666-662
26"^« dynastie : Saïte 662-525
Psammétique I , 662-611
Néchao II ....... . 61 1-595
Psammétique II 5g5-589
Apriès (Hophra) 589-569
Ahmasis 569-526
Psammétique III 525 quelques mois.
APPENDICES.
371
B. — Période Perse.
27'"" dynastie : Perse 525-332
Cambyse 525-522
Darius I 521-485
Xerxès 1 485-465
Artaxerxès I 465-424
Xerxès II 424 45 jours.
Sogdianos 424 6 mois 1/2.
Darius II (Ochos) .... 424-404
Artaxerxès II 404-362
Artaxerxès III (Ochos) .... 362-338
Darius III (Codoman) .... 338-332
C. — Deuxième période Saïte.
28"^^ dynastie : Saïte .... vers 400
Amyrtée , règne 6 ans.
2gi"e dynastie : Mendésienne , . , . 3g4 environ-378
Néphoritès
Hakoris 3g3-38o
3Qme dynastie : Sébennytique .... 378-342
Nectanébo I 378-36i
Tachos 361-358
Nectanébo II 358-342
IV. —
Al
exandre de Macédoine.
V. — Les Lagides.
332-323
Ptolémée
I Soter I
323-285
»
II Philadelphe . . .
285-247
»
III Evergète I . . .
247-222
»
IV Philopator . . .
222-204
»
V Epiphane . . . .
204-181
))
VI Philométor .
181-146
De 170-163 trirègne de Ptolémée VI, de son frère
Ptolémée VII Physcon, Evergète II (i 70-1 17) (*) et de
leur sœur Cléopâtre.
(*j Sous le loiig règue de Ptolémée VII Physcon, Evergète II, il y eut plu-
sieurs corègues et compétitious.
372 APPENDICES.
Ptolémée VIII Néos Philopator . i3o-i27
Ptolémée IX 127-117
Corègne de Cléopâtre, veuve de Ptolémée IX et de son
fils Ptolémée X, Soter II(Lathyre) 1 17-106
Expulsion de Ptolémée X. , . 106
Corègne de Cléopâtre et de son fils Ptolémée XI,
Alexandre I 106-88
Retour de Ptolémée X Soter II . 88-81
Ptolémée XII Alexandre II . . 81-80
Ptolémée XIII Néos D3'^onisius
(Aulète) . . 8o-52
Corègne de Ptolémée XIV et de sa sœur Cléopâtre,
enfants du précédent . . . . 51-47
Ptolémée XV 47 45 ( «'''«^la
V\Tr n' c corégence
^ »^ XVI César .... 45-44 ( de ciéopâtre.
Cléopâtre 44- 3o
En 3o, l'Egypte devient province romaine.
APPENDICES.
373
IX
Rois Juifs (0.
Samuel et Saù!
David
Salomon
Royaume du No7'd.
I. (2) Jéroboam 935-912
912-910
910-887
887-885
885
885-873
873-852
852-85o
850-843
843-820
820-804
804-787
787-746
746-745
745
745-735
735-734
734-732
IX. HoshéaouOsée732-722
Nadab
Basa
Ela
III.
Zamri
IV.
Omri
Achab
Ochozias
Joram
V.
Jéhu
Joachas
Joas
Jéroboam II
Zacharie
VI.
Selloum
VII.
Menahen
Péquahia
VIII
. Péquah
1 100-1020
1020-980
980-938
Royaume du Sud.
Roboam 938-921
Abias 921-914
Asa 914-870
Josaphat
870-849
Joram
849-844
Ochozias
844-843
Athalie
843-837
Joas
837-800
Amasias
800-791
Ousias ou
Azaria
791-740
Joathan
Achaz
Ezéchias
Manassé
Amon
Josias
740-735
735-727
727-698
698-643
643-640
640-608
Salloumoujoachaz 608 3 ™°^^
Eliakim ou Joïaqim 608-597
Joïakhirioujéchonias 597 3 ™°^^
Sédécias (Mattaiiias) 597-586
(il Ici encore la chronologie des règnes n'est le plus souvent qu'approxi-
mative. Nous suivons habituellement celle qu'adopte M. Vax IIooxacker
dans : Les douze petits prophètes, pp. XVII ss.
(2) Les chiffres romains indiquent les différentes dynasties.
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APPENDICES 377
XIII
Officiers romains en Syrie et en Palestine
intéressant l'histoire du peuple Juif.
A. — Les légats de Syrie.
1. Sous Pompée (65-48).
Aemilius Scaurus 65 et 62
Marcius Philippus 61-60
Lentulus Marcellinus 59-58
Gabinius 57-55
Licinius Crassus 54-53
Cassius Longinus 53-5i
Calpurnius Bibulus 5i-5o
Vejento 50-49
Metellus Scipio 49'48
2. Sous César (47-44).
Sextus Caesar . 47-46
Cœcilius Bassus 46
Antistius \'etus 45
Statius Murcus 44
3. Cassius Longinus 44^42
4. Sous Marc-Antoine (41-30).
Decidius Saxa 41-40
Ventidius 39-38
Sosius .... 38-37
Munacius Plancus 35
Calpurnius Bibulus 32-3i?
378 APPENDICES
5. Empereur Octavien Auguste (3o av.- 14 apr. J.-C).
Didius 3o
Mesalla Corvinus 29
Tullius Cicero 28 ?
Varro 28-23 ?
Agrippa 23-i3
Titius 10
Sensius Saturninus 9-6
Quintilius Varus 6-4
Sulpitius Quirinius 3-2?
Caesar i av.- 4 apr. J.-C. ?
Volusius Saturninus 4-5
Sulpitius Quirinius 6 ss.
Cœcilius, Creticus, Silanus 12-17
6. Empereur Tibère (14-37).
Calpurnius Piso 17-19
Sentius Saturninus 19-21
Aelius Lamia ?-32
Pomponius Flaccus 32-35
Vitellius 35-39
7. Empereur Caligula (37-41).
Petronius 39-42
8. Empereur Claude (41-54).
Vibius Marsus ... 42-44
Cassius Longinus 45-5o
Ummidius Quadratus ...... 5o-6o
9. Empereur Néron (54-68).
Domitius Corbulo 6o-63
Cestius Gallus 63-66
Licinius Mucianus 67-69
i
APPENDICES 379
B. — Les procurateurs de Judée.
Coponius 6-g
Marcus Ambibulus 9-12
Annius Rufus I2i5
Valerius Gratus. . i5-26
Pontius Pilatus 26-36
Marcellus 36-37
Marullus 37-41
Cuspius Fadus .' 44- ?
Tiberius Alexander ? -48
Ventidius Cumanus . 48-52
Antonius Félix 52-6o
Porcius Festus 60-62
Albinus . 62-64
Gessius Florus 64-66
C. — Les légats de Palestine,
Vettulenus Cerealis )
Lucilius Bassus )
Flavius Silva 74-80
Salvidenus vers 80
Pompeius Longinus n 86
Atticus )) 107
Pompeius Falco » 107 ss.
Tiberianus )) 114
Lusius Quietus. .,,....» 117
Tineius Rufus » i32
Julius Severus » i35
Cfr. ScHÙRER, I, pp. 304-337, 487-507, 564-583, 643-649.
4
TABLES
TABLE ONOMASTIQUE
PERSONNAGES HISTORIQUES
Nous ne donnons pas les noms des auteurs cités, si ce n'est
lorsqu'ils sont mêlés activement aux événements mêmes.
Cette table néglige les noms figurant dans les appendices.
Pages
A bdastart, roi de Tyr
5i
Abdias, prophète
189
Abdi-hiba, roi d'Uru-
salim
20
Abdi-Milkutti, roi de
Pliéiiicie
100
Abias, roi de Juda
46
Abimélek, fils de Gé-
déon
32,34
Abraham (Abràm)
6-9, 12, i3, 19, 32,
33,39
Achab, roi d'Israël 5i, 53
-57. 95
Achab ben Collas, pseu-
do-prophète
i35
Achaz. roi de Juda 67-70,90, I23
Achéménés, souverain
perse
i5o
Achias, prophète
45
Adadidri = Hadadézer
Adad-nirari I, roi d'As-
syrie
42
Adad-nirari IV, roi d'As-
s^Tie
61
Pages
Addad, prince édomite 43
Adonias, fils de David
et de Khaggit 43
Adonisédeq, roi de Jé-
bus 29
Adrammélek, fils aîné
de Sennaehérib 97, 99
Agar, mère d'Ismaël 32, 33
Aggée, prophète i85, 186
1 . Agrippa, gendre d'Au-
guste 287, 290, 292
2. Agrippa I, roi des
Juifs 212, 291, 299,
3o2, 3ii, 3i4-32o, 322, 336
3. Agrippa II, roi des
Juifs 1^91, 319-324, 327, 329-332
4. Agrippa, fils de Dru-
silla et d'Antonius
Félix 325
Agrippine, mère de Xé-
ron 324
Ahmasis(Ahmasou), pha-
raon 146, 147, i53, 169-171
384
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
Ahmosis, i)haiaon 17, i8
Akhamanish, roi des
Perses ii4
Akhimiti, roi d'Asdoud 76
Akkis, roi des Philis-
tins 40
Albinus, procurateur
de Palestine 828
Alcime, grand-prêtre
243, 244, 246
1. Alexandra, épouse
d'Aristobule I et
d'Alexandre Jannée
264, 267, 268, 270, 288, 3o5
2. Alexandra, fille de
Hyrcan II et nière
de Mariamme I 282 284, 286
1. Alexandre le Grand 184, i85,
201, 2o3-2io, 224, 229, 23o,
241
2. Alexandre, fils d'Ale-
xandre le Grand et
de Roxane 207
3. Alexandre Balas 247-250, 269
4. Alexandre Zabinas 259, 260
5. Alexandre Jannée
264-270, 289, 3o5
6. Alexandre, fils d'Aris-
tobule II 273, 277-279, 282
7. Alexandre, fils d'Hé-
rode le Grand et de
Mariamme I 288, 291-294, 3o2
8. Alexandre, zélote 324
Alyatte, roi de Lydie 129, i52
1. Amalec, petit-fils
d'Esaii 25, 3o, 33
2. Amalec, père des
Amalécites 3d
Amasias, roi de Juda 62
Pages
Aménertaïs, pharaone 76
1. Aménophis II 19, 35
2. Aménophis III 20
3. Aménophis IV 19, 20
Ammon, fils de Lot 26, 3i, 33
Amon, roi de Jnda ii3
1. Amos, père d'Isaïe 83, 124
2. Amos, prophète 64
Amraphel = Hammourabi
Amyrtée, pharaon 180
1. Amytis, fille de Cya-
xare, épouse de Na-
buchodonosor 121
2. Amytis, fille d'As-
tyage, épouse de Cy-
rus II i5i
Ananel, grand-j)rêtre 283
Anania, commandant
de la citadelle de
Jérusalem, sous Né-
hémie 191
1. Ananias, général juif
264, 265
2. Ananias, grand-prê-
tre du temps de la
guerre juive (66-73) 33o, 33i
Andromaque, premier
gouverneur de Pa-
lestine sous Alexan-
dre le Grand 204
Annas, grand-prêtre,
fils d'Anne mêlé à
la passion 827, 33o, 333
Anne, grand-prêtre mê-
lé à la passion 3og, 327
Annius Rufus, procura-
teur de Judée 3ii
I. Antigone, général
d'Alexandre le Grand 208
DES PERSONNAGES HISTORIQUES
385
Pages
2. Antigone, l'ils de
Jean Hyrcan i>6i, u63
3. Antigone, fils d'Aris-
tobule II 273, 278, 280-283
I. Antiochus I Soter 226
a. Antiochus II Théos 220
3. Antiochus III le Grand
226-228, 241, 245, 3()5
4. Antiochus IV Epiphane 219,
226, 227, 229, 232-239, 241-
243, 247, 260.
5. Antiochus V Eupator 223, 241-
243, 247.
6. Antiochus VI, iils
d'Alexandre Balas
230, 25l, 253
7. Antiochus VII Sidétès
255 260
8. Antiochus VIII Grypos 260
9. Antiochus IX Kyzikéne
260, 261
10. Antiochus X Eusebès 260
II. Antiochus XI 260
12. Antiochus XII 260, 2G6
i3, Antiochus XIII Asia-
ticus 260, 261
14. Antiochus, roi de
Commagène 3 18, 33o, 33i
Antipas (Philippe - Hé-
rode), fils d'Hérode
le Grand et de Cléo-
pâtre, tétrarqne de
Galilée et de Pérée 292, 294-
3o2, 3x2, 3i7
1. Antipater, stratège
d'Idumée 268
2. Antipater, père d'Hé-
rode le Grand 268, 269,
277-281, 284, 287
Pages
3. Antipater^ fils d'Hé-
rode le Grand et de
Doris 282, 291-295, 297
Antoine (Marc), le tri-
umvir, 277, 280-285, 287,
290, 291
Antonia, belle-sœur de
Ti])ère, mère de
Claude 317, 324
Antonius Primus, légat
de Mysie 334
Apion, rhéteur 3i5
1. Apollonius, général
syrien, gouverneur
de la Coelé-Syrie
228, 239, 248
2. Apollonius, officier
d' Antiochus lY 236
Apriés (Hophra), i35, i38, i45-
147, 169, 170
Aqiba ben Joseph, rab-
bin 346
Aran, fils de Tliérah 33
1. Archélaùs, roi de
Cappadoce 292, 298
2. Archélaùs, etlinarque
de Judée, etc. 292, 294, 295,
297-299, 3o2, 3o6, 3io
Ardys, roi de Lydie 128, i52
Aréius, roi de Sparte, 212, 229
1. Arétas I, roi des
Nabatéens 235
2. Arétas III, roi des
Xabatéens 260, 266, 269, 270
3. Arétas IV, roi des
Nabatéens, 297, 299-301, 3x4
Argésilas, roi de Sparte 181
1. Arghistis I, l'oi d'Ou-
rartou 65
386
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
2 . Arghistis II , roi d' O u-
rartou 79
Ariaramnès, roi de
Perse i5o
Ariarathe V, roi de Cap-
padoce 211, 247
Arioch(Ariok),roi d'El-
lassar=Rim-Siii ou
K-im-Aku de Larsa 6, i3, 14
1. Aristobule I, fils
aîné de Jean Hyr-
can 261, 263, 264, 291
2. Aristobule II, fils
d'Alexandre Jannée 267-271,
278, 277-279, 282
3. Aristobule, fils d'Ale
xandra la belle-mère
d'Hérode le Grand,
g-rand-prêtre 283
4. Aristobule, fils d'Hé-
rode le Grand et de
Mariamme I 288, 291-294,
3oo, 3i6.
5. Aristobule, frère
d' Agrippa I 819
1. Arsace VI, roi des
Parthes 211, 255, 25g
2. Arsace VII, roi des
Parthes 259
Arsamés, roi de Perse i5o
Arsés, fils d'Artaxer-
xès III i83
Artabaze, asiate enne-
mi des Perses i83
1. Artaxerxésl, i65, 168, 178,
179, 187, 189, 194, 200
2. Artaxerxés II, 179-181, 197-199
3. Artaxerxés III Ochos,
177, i8i-i83, 257
Pages
Aryandés, gouverneur
perse d'Egypte 172
Aryenis, épouse d'As-
tyage, roi des Mèdes 129
Asa, roi de Juda 46, 49,
5o, 54, 55
Asaraddon III, fils de
Sennacliérib 96, 98-105,
112, 114. 118, 148, 171, 196-
Asmonée, ancêtre de
Matatliias de Modin 255
Asourbanipal 5, 66,
98, 102, io4-ii5, T18, 121, 122,
148, 17a
Asour-etil ilàni 121
Asour-nadin-Souma 87
Asournazirabal (Assour-
nazirabal II) ^2, 79
Assourdan II 62
Astarym, roi de Tyr 5i
Astyage, roi des Mèdes
121, 129, i5o-i54
Athaliah (Athalie), reine
de Juda 55, 59-61
Athénobius, officier
d'Antioclius VII 256
Attale II, roi de Per-
game 211, 247
Auguste (Octavien),
empereur 2i5, 272, 282,
285-288, 290-299, 302
Azaria (Ousia), roi de
Juda 63, 64
Azibaal, roi d'Arad 106
Azizus, roi d'Emésa 32 1, 824
Azur], roi d'Asdoud 76
Jjaasa, roi des Ammo-
nites 32
DES PERSONNAGES HISTORIQUES
Pages
Baalbézer, roi de Tyr 5i
Baalis, roi des Ammo-
nites 32
Baalou, roi de Tyr 102, 106
Bacchidés, général syrien
244-247
Bagoas, ministre d'Ar-
taxerxès III Ochos i83
Bagohi (Bagosés), gou-
verneur militaire de
Syrie 197, 199
Balaam 3o, 218
Balthazar (Bel-sar-ou-
sour), l'ils de Xabo-
nide i55, i63
Bara, roi de Sodome i3
Baraq, juge 35
Bardiya (=Smerdis),
168, 169, 173, 174
Barrabas 3i2
Baruch, prophète i32, 141
Earzaphrane, satrape
partlie 281
Basa, roi d'Israël 49' ^4
Bêl-ibni, roi de Baby-
lone 87
Bél-iqisa, roi des Gam-
boulou 107, 108
1. Ben-Hadad I, roi de
Damas 49- ^o> ^^' ^4
2. Ben-Hadad II, roi de
Damas 54» ^J^» ^^
3. Ben-Hadad III, roi de
Damas 54
I. Bérénice, nièce d'IIé-
rode le Grand, épou-
se d'Aristobule, fils
d'Hérode le Grand
292, 293, 3i6, 3i7
387
Pages
2. Bérénice, fille d'Agi-ippa I
3i9, 321, 322, 329, 33o, 332
Bersa, roi de Gomorrhe i3
Berzellaï, un (Jalaadite
(lu temps de la res-
tauration 191
Bethsabée, concubine
de David 43
Bocchoris (=Boukounri-
nif). pharaon 70, 75,
76, 92, 104
(_;aligula, empereur
romain 212, 219, 220, 299
3o2, 3i4-3i8
Callimandre, général
syrien 261
Calpurnius Bibulus, pro-
consul de Syrie 279
1. Cambyse I, roi d'An-
san i5o, i5i
2. Cambyse II, fils de
Cyrus 1G4, 168, 169, 171-
174, i85
Canaan, neveu de Sem 9
Capito (Herennius), admi-
nistrateur de Jamnia 3i5
Cassandre, général
d'Alexandre le Grand 208
Cendébée, général d'An-
tiochus VII 256, 257
Céréalis, tribun romain 334
César, dictateur romain
279, 280, 3o6
Cestius Gallus, procon-
sul de Syrie
329, 33(), 334, 335
Cétura, femme d'Abra-
ham 32, 33
388
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
Chabrias, général athé-
nien iSo
Chodorlahomor - Kudur-
lagamar, roi d'Elam i3, 14, 3i
Claude, empereur
3i5-32o, 322-324
1. Cléopâtre, fille d'An-
tioclius III, éijouse
de Ptolémée V Epi-
phane, mère de Pto-
lémée VI Philomé-
tor 227, 234
2. Cléopâtre, épouse de
Ptolémée VI Philo-
métor 223
3. Cléopâtre, sœur de
Ptolémée VI Philo-
métor 235
4. Cléopâtre, fille de
Ptolémée VI, mariée
à Alexandre Balas
puis à Démétrius II
248, 249, 259, 260
5. Cléopâtre, mère de
Ptolémée X Lathyre 264,265
6. Cléopâtre, fille de
Ptolémée XIII Au-
lète, pharaone, maî-
tresse de Marc- An-
toine 281, 283-285, 291
7. Cléopâtre, épouse
d'Hérode le Grand 292, 294
Costobarus, gouverneur
d'Idumée, beau-frère
d'Hérode le Grand 286, 3i6
Coponius, procurateur
de Judée 3io, 3ii
Cratérus, général d'Ale-
xandre le Grand, ré-
gent désigné de l'em-
pire après la mort
d'Alexandre 207
Crésus, roi de Lydie i52-i54
Cumanus (Ventidius),
l^rocurateur de Pa-
lestine 323, 324
1. Cyrus I, roi d'Ansan i5o
2. Cyrus II, roi des
Perses et des Mèdes
i5o-i56, iSg, 162-165, 168,
169, i85, 186
3. Cyrus, fils cadet de
Darius II Oclios 179
Cyaxare, roi des Mèdes ii5,ii6,
120, 121, 12S, 129, i3i, i5o
Uaniel, prophète i3o, 140
Danounou, roi des Gam-
boulou 108, 109
1 . Darius I, roi de Perse
i5o, i65, 168, 174-178, 182,
185-187, 197
2. Darius II Ochos, 179, 197, 199
3. Darius III Codoman,
i83, 184, 195, 2o3, 204
David i3, 25, 3i, 34, 35, ^o-^5,
48, 49, 54, 62, ii3
Débora^ prophétesse 32, 35
1. Démétrius, historien
grec 225
2. Démétrius I Soter,
229, 243-249, 255
3. Démétrius II Nicator, 211,
248-251, 253, 255, 258-260
4. Démétrius III Eukairos
260, 265, 266
Didius, proconsul de
Syrie 285
DES PERSONNAGES HISTORIQUES SSq
Papes Pages
Domitien, empereur,
frère de Titus 338, 34i, 344
Doris, première femme
d'Hèrode le Grand 282,291
Drusilla, fille d'Agrip-
pa 1 3i8, 3i9, 324, 325
1. Drusus, l'aîné, frère
de Tibère 317
2. Drusus, le jeune, fils
de Tibère 317
Dungi, roi d'Ur 5
4
35
5o
rj-an-na-tum, roi de
Lagas
Ehoud, juge
Ela, roi d'Israël
1. Eléazar, grand-prè-
tre fils d'Onias I 229-230
2. Eléazar, martyr de
de la persécution
d'Antiochus IV 238
3. Eléazar, frère de Ju-
das Machabée 238
4. Eléazar, zélote 324
5. Eléazar, prêtre, chef
des zélotes 325, 335
6. Eléazar, fils du grand
prêtre Ananias 33i
7. Eléazar, descendant
deJudasde Gamala,
défenseur de Masada 339
8. Eléazar, grand -prêtre
sous Simon Barkokéba 347
9. Eléazar, de Modin,
rabbin 347
Eliakim, courtisan d'E-
zécliias 92
Eliashib, grand-prêtre
188, 191, 194, 195, 197, 200
Elle, prophète 53, 59, 141
Eliphaz, fils aîné d'E-
saii et père d'Amalec 3o, 33
Elisée, prophète 53, 58, 59
Eloulaios, roi de Tyr 84
Elpidie, épouse d'Hè-
rode le Grand 292
Epicrate, général syrien 261
Epiphane, fils "d'Antio-
chus de Commagène 3i8
Esaù, 25. 3o, 33
Esdras, prêtre, scribe et
péha de Palestine
192, 194, 197-200, 23l
Eurybate, officier éphé-
sien de Crésus i53
Euryclès, Spartiate ami
d'Antipater le fils
d'Hèrode le Grand 293
Euméne II, roi de Per-
game 227
Eupoléme, ambassa-
deur juif 245
Evagoras, roi de Chypre 180
Evil-Mérodach (Awel-
Mardouk), roi de Ba-
bylone 149, i55, i65
1, Ezéchias, roi de Juda
3i, 67, 76, 82 -86, 90, 92,
94, 95, loi, 124
2. Ezéchias, prêtre juif
d'Egypte, 208
Ezéchiel, prophète
97, 118, 134, i36. i39, 147,
i58, 159
r adus (Cuspius), pro-
curateur de Pales-
tine, 322, 323
Sgo
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
Félix (Antonius), procu-
rateur de Palestine 824-327
Festus (Porcius), procu-
rateur de Judée 321, 327
Flaccus (Avilius), pro-
curateur d'Egypte 3i4, 3i5
Flavius Silva, géiiéral
romain 389
Florus (Gessius), procu-
rateur de Palestine
328, 309
Fortunatus, affranchi
d'Agrippa I 3o2
(jrabinius, proconsul
de Syrie, 271, 277, 278, 281,
3o6
Gadatas, général de Cy-
rus i63
Galba, empereur 333
Gandis, souverain de
Babyloue ^2
Gaumâta, mage perse,
pseudo-Bardiya, usur-
trône perse
173, 174, i85
Gédéon, juge 82, 35
Germanicus, père de
l'empereur Caligula 817,824
Géschem, ennemi de la
restauration 189, 190
Ginath, père de Thibni 5o
Glaphyra, épouse d'Ale-
xandre le fils d'Hé-
rode, puis de Juba
de Mauritanie et
ensuite d'Archélaiis
l'etlinarque de Judée
292, -298, 302
Pages
Gobryas (voir Goubarou)
Godolias, gouverneur
de Jérusalem établi
par Nabuchodonosor 82, 188
Gorgias, général sja-i en
289, 241, 243
Goubarou-Gobryas, gou-
verneur du pays de
Goutioum t63, 164, 168
Gu-de-a, roi de Lagas 5
Gygès. roi de Lydie
106, III, 128, 129, i52, i53
ri abaquq, prophète i33
Hacalias, père de Xé-
liémie 189
1. Hadadézer, roi de
Sobali contemporain
de David 41- 4^» 49» ^4
2. Hadadézer, roi de
Damas (= Hadadi-
dri ou Adadidri) 53-56, 58
Hadrien, empereur 848-845, 848
Hakoris, pharaon 180
Hammourabi (Ha - am -
mura bi), roi de Ba-
bylone 5-7, i3, 14, 19, 20,
42, 52, 53
Hananias, pseudo-pro-
phète i85, i36
Hanani, frère de Néhé-
mie 189, 191
Hannon, roi de Gaza
68, 70, 75, 76
Hâràn, père de Lot 7
Harpage, officier mède
de Cyrus i54
I. Hazaël, roi de Da-
mas 54, 58-63
DES PERSONNAGES HISTORIQUES
Pnges
2. Hazaël, roi des Aia-
1)0S S9, lOI
I. Helcias, père d'Elia-
kiin le courtisan d'E-
zécliias 92
u. Helcias, père de .Té-
rémie i38
3. Helcias, général juii' 264
Héli, jnge 34, 35
Héliodore, ministre de
Séleucus IV 228-23o, 234
Héracléou, assassin
d'Antioelms YIII
Urypos 260
1. Hérode le Grand, 236, 28o-3oo,
3o2-3()4, 3o6-3o9, 23i, 3i6,
3i8-32o, 326, 339
2. Hérode, fils d'Héro-
de le Grand et de
Cléopâtre 292
3. Hérode, roi de Clial-
cis petit-fils d'Héro-
de le Grand 292, 3i5, 3i9-32i
Hérodiade, petite-fille
d'ilérode le Grand,
épouse de Pliilippe-
Ilérode, amante
d'Antipas 292, 299-302
Hézion i= Rezon I), roi
de Damas 53
Hippicos, ami d'Hérode
le Grand 286
Hiram, roi de Tyr 44» 4^» ^^
1 . Houmban^aldas I, roi
d'Elam 100
2. Houmbanhaldas II,
roi d'Elum 100, 108
Houmbanigas II, roi
d'Elam 109
3gi
Pages
Hoschaja, juif notable
du temps de la res-
tauration 194
Hrihor, pharaon-pon-
tife 43
Hulda, propliétesse 119
1. Hyrcan I = Jean Hyr-
cau
2. Hyrcan II, fils d'Ale-
xandre Jannée 2G7-269, 271,
272, 277-279, 281-283, 285,
3o5, 3o6.
Hystaspe,roi de Perse,
père de Darius
100, 174
lamani, roi d'Asdoud 76, 77
laoubidi, roi de Hamath 75
Ilu-Summa, roi d'Agadé 6
Imalkuë, arabe palmy-
rénien 25o
Inaros, roi de Libj^e 178
Indabigas, roi d'Elam
109, IIO
Innocents (Saints) 296, 297
Iphicrate, général athé-
nien 180
Isaac, fils d'Abraham 14, 33
Isaïe, prophète, fils
d'Amos, 26, 63, 64, 68, 70, 76,
77, 80, 83, 85, 86, 90, 92,93,
123, 124, 162
Isbaal, fils de Saiil ^i
Isidore, Alexandrin,
ennemi des Juifs 3i5
1. Ismaël, fils d'Abra-
haiu 32, 33, 290
2. Ismaël, assassin de
Godolias i38
I. Ithobaal Lroi de Tyr, 5i, 55
392
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
2. Ithobaal II, roi de
Pliénicie sous Sen-
nachérib
3. Ithobaal III, roi de
Tyr
84, 100
145
29
O abin, roi d'Hazor
Jacob, fils d'Isaac,
14, i5, 22, 20, 33
1. Jacques (Saint le Ma-
jeur) 3i8
2. Jacques (Saint le Mi-
neur) 327, 33o
3. Jacques, fils de Judas
de Gamala 323
Jaddus (Jedda), grand -
prêtre igS, 200, 2o3, 204
Jason , gran d - p rêtre ,
frère d'Onias III,
chef du parti hellé-
nophile 233-235
Jason, ambassadeur juif
245
1. Jean-Baptiste (Saint), 3oo, 3oi
2. Jean de Giscala, chef
des Zélotes, 33i, 332, 334-
336, 338
3. Jean Hyrcan. fils de
Simon Machabée,
253, 257-261, 263, 267, 268
4. Jean, frère de Judas
Machabée 238
Jedda, voir Jaddus.
Jéchonias, roi de Juda,
voir Joïakin
Jéhoschoua = Jeschoua,
grand-prêtre 186, 188, 200
Jéhu, roi d'Israël 54, 59-61, 95
Jérémie, prophète 26, 119, 124,
Pages
126, 127, 128. i3o, i32-i4i,
145, 147, i58, 160, 162
1. Jéroboam I, roi
d'Israël 45, 46, 48, 59
2. Jéroboam II, roi d'Is-
raël !62-64
Jeschoua, voir Jéhos-
choua, grand-prêtre.
Jeshoua, frère du grand -
prêtre Jochanan 199
1. Jésus, prophète juif
annonçant la fin de
Jérusalem 328
2. Jésus ben Sapphias 33o, 333
Jétur, fils d'Ismaël 291
Jézabel, reine d'Israël
5i, 52, 55, 59
Joab, général de David 4^
1. Joachaz, roi d'Israël 61, 62
2. Joachaz, roi de Juda
127, 139, 140
1. Joas, roi d'Israël 54, 62
2. Joas, roi de Juda 44' 60-62
Joatham, roi de Juda 64, 67
Jochanan, grand-i^rêtre
19^. 197. 199. 200
1. Joïada, grand-prêtre
du temps d'Athalie 60, 61
2. Joïada, grand-prêtre
du temps de la res-
tauration 20a
1. Joiakim,roi de Juda
124, 127, j3o, i32-i35, 140,
149
2. Joiakim = Joïaqim,
grand-prêtre, père
d'Eliasliib 188, 200
Joïakin - Jéchonias, roi
de Juda 1 33, i34, i4o> 149'^^^
DES PERSONNAGES HISTORIQUES
PitRes
323
40
Joïaqim, noir Joiakim,
giaiul-prè'trcpèred'Eliashib.
1 . Jonathan - Jouathas .
frère de Jiulas Ma-
chabée 238, 246-254. -62
2. Jonathan, grand-prètre 309
3. Jonathan, grand-
prètre du temps de
Claude 324
1. Jonathas, fils de Saiil
2. Jonathas, l'rère de
Judas Machabée,
238, 246-254, 262
1. Joram, roi d'Israël,
54-56, 58, 59
2. Joram, roi de Jada
55, 57-59, 61
Josaphat, roi de Jnda
55, 56, 58, 61
Joschéba,sœar d'Oebo-
zias de Jnda
1. Joseph, fils de Jacob
2. Joseph, frère d'Hé-
rode le Grand
3. Joseph, oncle et beau-
frère d'Hérode le
Grand, gouverneur
d'Iduniée
4. Joseph (Saint)
5. Joseph ben Gorion
Joséphe (Flavej, 328, 33o-332,
334, 336-338
Josias, roi de Jnda 114, 119,
123-127, i'^2, 134. 140
Josué, 29, 34, 35
Juba, roi de Mauritanie 3o2
1. Judas Machabée 32,238-246
2. Judas, fils de Simon
Macliabée 257
53
60
i5
282
284
3o2
333
3. Judas de Gamala, me-
neur juif 3io, 3i I, 323,
Jude, le frère du Sei-
gneur
Julia, fille d'Auguste
Julius Severus, général
ronuxin
J^-aslito, souverain
d'Etbiopie
Khaggit, une des
femmes de David,
mère d'Adonias
Khalloudoush, roi d'Elam
Kohéleth. auteur pseu-
donyme de l'Ecclésiaste
Kouchan, roi de Méso-
potamie
Khoumbanigash , roi
d'Elam
Kutir-Na'nhunte I, roi
d'Elam
Koutournahhounta II ,
roi d'Elam
Kypros,mère d'Hérode-
le- Grand
Liaban
Labasi-Mardouk, roi de
Bab3ione
Lagus, père de Ptolé-
mée, le fondateur de
la dynastie des La-
gides
Lampon, ennemi de
Juifs
Laomédon , général
d'Alexandre-le-Grand
Lentulus Marcellinus ,
393
Pages
329
34 r
299
76
43
88
206
33
71, 78
5, iio
88
287
25
149.
IDD
208
3i5
208
3q4
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
propréteiir de Sj'^rie 277
Lévi,, patriarche 188
Licinius Crassus, pro-
consul de Syrie 278, 279
Licinius Mucianus, pro-
consul de Syrie 334
Lipit Istar, roi d'Isin 5
Livia, épouse d'Auguste 29.5, 3i5
Longinus (Cassius), pro-
consul de Syrie 279, 280
Lot 7, i3, 26, 33
Loukouas, chef des
Juifs révoltés de Cj''-
rène 343
Lucilius Bassus, géné-
ral romain 339
Lucius, consul romain 211
LucuUus, général ro-
main 260, 267
Lugal zag-gi si , roi
d'Erech 4
Lusius Quietus, général
romain, procurateur
de Palestine 345
1. Lysanias, roi d'Itu-
rée 291, 3i7
2. Lysanias, tétrarque
d'Abilène 32o
Lysias, ministre d'An-
tiochus IV 239-243
1. Lysimaque, général
d'Alexandre le
Grand 208
2. Lysimaque, frère du
grand-prêtre Méné-
las 234
J\j a-an-is-tu-su, roi de
Kis 4
Pages
33
Madian,
Madyas,roides Scj^thes
116, 118
Malachie, prophète 188, 189
1. Malchus I (Malichos),
roi des Xabatéens
282, 284, 285
2. Malichos II, roi des
Nabatéens 33 1
3. Malichos, empoison-
neur d'Antipater le
père d'Hérode le
Grand 280
Malthace, épouse d'Hé-
rode le Grand 292, 294
1. Manassé,roi de Juda
loi, io3, ii3, 124
2. Manassé, frère du
grand- prêtre Jad-
dus, fondateur du
temple au Garizim 195-197
3. Manassé, grand-prêtre 23o
Marcellus. procurateur
de Judée 3i3
Marcius Philippus, pro-
préteur de Sj'rie 277
Marcius Turbo, général
romain 343
Marcus Ambibulus, pro-
curateur de Judée 3ii
Mardonius, générai de
Xerxès 178
Mardouk-Zakir- Souma,
roi de Babj^lone 82
Mariah, roi de Damas 54, 61
Mariammel. petite-fille
d'Hyrean II, épouse
dHérode le Grand, 282, 284.
286, 291-293
DES PERSONNAGES HISTORIOUES
PaRes
2. Mariamrae II, épouse
d'IIérodc le Grand 292
3. Mariamme, première
épouse d'Arcliélaus,
l'ethnariiue de .J udée 3o2
4. Mariamme, fille d'A-
gi'ippa 1 3i9
1. Bfatathias. prêtre,
organisa la résis-
tance contre Antio-
chus IV 238, 239, 254, 255
2. Matathias, fils de
Simon Machabée 25;
Mattanias, voir Sédé-
cias, roi de Juda
Memnon, deuxième gou-
verneur de Palestine
sous Alexandre le
Grand 204
Ménahen, roi d'Israël 64-68, 95
Ménélas, grand-prêtre
234, 235, 242, 244
Ménephtah I, 21,23, 28, 36
Mentor, général rlio-
dien i83
Mérodach - Baladan II
(Mardouka-baliddina)
7I' >-' 77' 7^» ^-' ^7» ^^'
99, iio, 124
Mésa, roi de ^loab,
26, 3o, 5i, 56, 57
Mé-Silim, roi de Kis 4
Méthouastart, roi de
Tyr 5i
Michèe, auditeur de
Baruc'h i32
Mithridate, roi parthe 298
Mitinti, roi d'Asdoud 86
Moab, fils aîné de Lot 26, 33
Moïse, 19. 22-24, 3"' ï-5'
Moukhourilâni, un épo-
nvnie du règne de
Kammannirari I
Mucianus, général do
\'('Spasien
Musezib-Mardouk (Su-zu-
bul, roi de Babj'-
lone 88
iS abonide(Nabounaïd),
roi de Babylone
ii5, 149-153, i55, i56,
164,
Nabopolassar, roi de
Babylone ii5, 121, 122.
i3o,
Naboubelzikri, petit-
fils de Mérodach-
Baladan II
1. Nabuchodonosor II,
roi de Babj'lone
26, 32, 85, 121, 129
i33, 134, i36, i38-i4o,
147-152, i55, 157,
2. Nabuchodonosor III
(Nadintavbelj
Nabù-sar-usur, assassin
de Sennachérib
Nabuzardan , officier
babj'lonien
Nabii - zêru - kênu - lisir,
fils de ^lérodach-
Baladan II
Nachor, fils de Térah
Nadab, roi d'Israël
Nadintavbel, voir Nabu-
chodonosor III
395
Pages
3o4
3i3
66
174'
99'
334
9^
162-
174
128-
148
IIO
i3i,
145,
i65
175
97
i38
100
33
49
396
TABLE ONOMASTIQUE
Page
Nahoum, prophète 108, 116, 117
Naïd-Mardouk, fils de
Mérodacli - Bala-
dan II 100
Naràm-Sin,roi d'Agadé 4
1. Néchao I, roi de l'Oc-
cident du delta 104-107,
III
2. Néchao II, 123, 125-127,129,
i3i, 182, 184, i35, 189. 146
I Nectanébol, pharaon, 180
2. NectanéboII, pharaon 18 1 , 182
Néhémie, pélia de Pa-
lestine 85, 188-192, 194-
197. 199' 200, 281
Néphoritès. pharaon 180
Nergal-Usezib, roi de
Babylone 88
Nériglissor (Nergalsha-
roussour), roi de Ba-
bylone 149, i55
Néron, empereur 820, 821, 824
881, 338
Nicanor, général sy-
rien 289, 243-245
Nicaso, épouse du pon-
tife schismatique
Manassé 196
Nicolas, de Damas, his-
torien grec 288, 298, 298
Nicostrate, d'Argos, gé-
néral grec 182
Nikoua, mère d'Asarad
don 98, 102
Noadias, pseudo -pro-
phète du temps de la
restauration 190
Nofrit, princesse égyp-
tienne 17
Pages
C )bodas, roi des Xabatéens 265
Ochozlah ou Ochozia, roi
de Juda 55, 56, 58, 59, 6r
Ochozias, roi d'Israël 55, 56
Octave ou Octavien, voir
Auguste.
Octavia, épouse de
r^Iarc-Antoine 285
Omri, roi d'Israël 5o, 5i, 57, 62
I. Onias I. 212, 229
2 Onias II, 280
8. Onias III, 228, 228, 280, 288,
284, 244
4. Onias IV, 228, 244
Oropastés, mage perse 178
Orosus, roi parthe 281
1. Osée, prophète 64
2. Osée (Hoshéa), roi
d'Israël 69, 70, 95
Osorkon I, pharaon 47
Othon, empereur 883
Othoniel, juge 84, 35
Oumbahaboua, roi d'E-
lam iio
Oummanaldasi, roi d'E-
lam 110
Oummanminanou, roi
d'Elam 88, 95, 100
Ourtakou.roid'Elam 100,107-109
Ousia ou Azaria, roi de
Juda 68, 64
X acorus, fils du roi
parthe Orosus 281
Padi, roi d'Ekron 84, 86
Pakrourou, roi de l'O-
rient du delta 104106,111
Paktyas, officier lydien
de Cyrus i54
DES PERSONNAGES HISTORIQUES
rages
1. Pallas, épouse cl'Hé-
rodt' le Grand 292
2. Pallas, affranchi
d'Antonia 324, ^-7
Pantaléou, fils d'Alyatte
le roi de Lydie 102
Partatoiia, roi Scythe 118
Paul (Saint), 218, 220, 228, 3o8,
821, 326, 827, 33o
Péquah, roi d'Israël
67-69, 95, 1^3
Péquahia, roi d'Israël 67
Perdikas, commandant
de la garde royale
d'Alexandre le
Grand, régent effec-
tif de l'empire à la
mort d'Alexandre 207
Pétronius, proconsul
de Syrie 8i5, 3i6, 3i8, 819
Phalhon, frère d'Anti-
pater le stratège
d'Idumée 269
Phanés, d'Halicarnasse 171
Phaunias, grand-i^rètre
au temps de la guerre
juive 383
1 . Phasaël, frère d'Hé-
rode le Grand 280-282, 286,
287
2. Phasaël, fils d'Hé-
rode le Grand et de
Pallas 292
Phédra, épouse d'Hé-
rode le Grand 292
Phellès, roi de Tj'r 5i
Phéroras, frère d'Hé-
rode le Grand 292, 294
I. Philippe, roi de Ma-
397
Pages
cédoine i83, 184
2. Philippe Arhidaeos,
demi-frère d'Ale-
xandre le Grand 207
3. Philippe, général sy-
rien 241-243
4. Philippe, fils d'An-
tiochus VIII Gry-
pos. roi de. Syrie 260
5. Philippe-Hérode, fils
d'ilérode le Grand
et de Mariamme II,
époux d'Hérodiade
292, 294, 3oo
6. Philippe- Autipas, fils
d'ilérode le Grand
et de Malthace, té-
trarque d'Iturée 291, 292,
294, 295, 297-300, 3o2, 817,
820
Philon. juif philosophe
alexandrin 214, 3i5, 828
Philostophane, général
de Ptolémée X La-
thyre 264
Phoiil - Téglath-Phala-
sar III.
Phraortés, roi des Mè-
des 114-116
Pierre (Saint), 818
Pitholaus, chef des re-
belles juifs 278, 279
Placidus, général ro-
main 38i
Polémon, roi de Cilicie, 821
Polybe, historien 248
Pompée, le triumvir 269-278,
277-279, 291. 3o5
Ponce-Pilate, i^rocura-
SgS
TABLE ONOMASTIQUE
Pagf'S
teni' de Judée 3ii-3i3
Popilius-Loena, général
romain 235
Poppée, impératrice,
épouse de Néron 32i, 328
1 . Psammétique I = Psa-
matikou, i'ils de Né-
cliao I io6, 107, III, 120,
122, 123, 127, 146, 172
2. Psammétique II, i34, i35, iSg,
169, 172
3. Psammétique lîl, 171, 172
4. Psammétique, roite-
let du delta an temps
de la 28"' dynastie 180
Psamouti, pharaon 70. 75
1. Ptolémée I Lagus, 208, 209,
3o5
2. Ptolémée II Philadel-
phe, 225, 23o
3. Ptolémée III Ever-
géte, 23o
4. Ptolémée IV Philopa-
tor, 225, 226
5. Ptolémée V Epiphane,
226, 227, 234
6. Ptolémée VI Philo-
métor, 223, 234, 235, 241, 247-
249, 260
7 Ptolémée VII Physcon
Evergéte II, 211, 225, 226, 235,
259
8. Ptolémée X Lathyre 264,265
9. Ptolémée XIII Aulète, 278, 281
10. Ptolémée, général
syrien 239
11. Ptolémée Macron,
gouverneur de Chy-
pre 235
Pages
12. Ptolémée, gendre
de Simon Machabée 257, 258
i3. Ptolémée, fils de
Mennée roi d'Iturée 291, 32o
14. Ptolémée, brigand
Réhob, père du roi
Baasa des Ammo-
nites 32
Réhoum, gouverneur
perse de Palestine 187
1. Rezon I, de Sobah
(=Hezion), roi de Da-
mas 44, 49, 53, 54
2. Rezon II, roi de Da-
mas, 54, 65, 67-69, 71, 123
Rhodogune, fille d'Ar-
sace VI, roi des
Parthes 259
Rim-siu, roi de Larsa 6
palestinien
323
Pur-Sagali, éponyme de
l'année 763
66
Ouadratus (Ummidius
Durmius), proconsul
de S^a-ie
324
Quirinius (P. Sulpitius),
proconsul de Syrie
295, 2
96,
3io
r\ ahospou, prince égyp-
tien
16 1
I. Rammânnirâri I,
66
2. Rammânnirâri II
66
3, Rammânnirâri IV =
Adadnirari IV
61
I, Ramsés II 21, 1
26,
i35
2. Ramsés III 28
2C
,43
3 Ramsés XII
43
DES PERSONNAGES HISTORIOUES
39g
Pages
Roboam, l'ils de Salomou
45, 46, 48, 68
Romélias, père du roi
Pé(|iiah d'Israël 67
Rossana, fille dHérodo
\e Grand et de Pliédra 292
Roxane, l'ille de roi
bactrien, épouse
d'Alexaiidrele Grand 205,207
Ruth 26
Rutilius Lupus, procu-
rateur d'Egypte 342
Oabacon 76, 83. 89, 92, 106
Sabinus, chargé d'affaires
d'Auguste en Judée 297
Saddoc, meneur juif 3io
Sadok, prêtre juif 262
Salloum, voii- Joachaz.
roi de Juda.
1. Salmanasar III, d'As-
syrie 3i, 54, 55, 58, 60, 61
2. Salmnasar IV G2, 63
3. Salmanasar V (Ou-
loulaï, 65, 69-72
1. Salomé Alexaudra, voir
Alexandra.
2. Salomé, sœur d'Hé-
rode le Grand 284, 286, 292-
295, 298, 3i5, 3i6
3. Salomé, fille d'Hé-
rode le Grand et
d'Elpidie 292
4. Salomé, fille d'Hé-
rodiadc, épouse de
Philippe -Antipas le
tétrarque d'Iturée 292, 299
Salomon 1 3, 34, 35, 43, 44"46»
48-5o, 56, 58, 62
Pages
Samasdanàni, gouver-
neur de Babylone 1 1 o
Samas-souma-oukm, fils
aîné d'Asaraddon
roi de Babylone 104, io5
108-110, 112
Samson, juge 33, 35
Samson-ditana, roi de
Babylone ^2
Samuel 33-35, 39
Sanaballat, ennemi de
la restauration pcha
de Samarie 189, 190, 195-
T97, 200, 204
Sandouarri, roi cilicien 100
Sàrai, lemme d'Abra-
ham 7
Sardanapale. voir Asourbanipal.
1 . Sargon, l'ancien, roi
d'Agadé 4
2. Sargon, d'Assyrie 70-72,
76-80, 83, 87, 97, ii3, 114, 196
Sarrou-lou dari, roi de
Tanis io5
Saturninus (Sentius), pro-
consul de Syrie 293, 296
Saûl, 3o, 3i, 34, 40
Scaurus (Aemilius), gé-
néral romain, pro-
]:)réteur de Sj^rie
269, 272, 277
Scheschbassar, voir Zorobabel.
Schimschaï, secrétaire
de Réhoum 187
Scipion, l'asiatique, gé-
néral romain 227
1. Sédécias, roi de Juda
26, 85, i34-i38, 140
2. Sédécias, roi d'Ascalon 84
400
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
3. Sédécias, ben Maa-
sias. pseudo"- pro-
phète i35
Séhon, roi d'Hésébon 25, 26
Séjan, ministre de Ti-
bère 3l2
1. Séleucus I Nicator,
fondateur de la dy-
nastie des Séleii-
cides 208, 209
2. Séleucus IV Philopa-
tor 228, 229
3. Séleucus VI 260
Sellum, roi d'Israël 64
Sem 9
Séméber, roi de Séboïm i3
1. Séméias, pseudo-i^ro
pbète i35
2. Séméias, juif de la
restauration igo
Sennaab, roi d'Adama i3
Sennachérib, roi d'As-
syrie 64, 82, 84-99, lOI,
io5, 112, 114, 147
Séron, général syrien 239
Séthon, grand-prêtre
de Ptab 93
Sextus-César, proconsul
de Syrie 280
Shabé, voir Sua.
Shabitkou = Shabitokou,
fils de Sabacon 83, 89, 92
Shardouris III, roi d'Ou-
rartou 65-67
Sheshonq 45-47, 68
Shoutrouknakhounta, roi
d'Elam 78, 79, 88
Sîl-Bêl, roi de Gaza 86
I. Siméon ben Gamaliel, 333
Pages
2. Siméon, fils de Clo-
pas, second évoque
de Jérusalem 341
1. Simon I, grand-prê-
tre 229
2. Simon II, grand prê-
tre 229, 23o
3. Simon, administra-
teur du temple, au
temps d'Onias III 228, 234
4- Simon Machabée, frère
de Judas 238-241, 246,
247, 200-257
5. Simon, père de Ma-
riamme II 292, 294
6. Simon, fils de Judas
de Gamala 323
7. Simon Barkokéba 346-348
8. Simonbar-Giora, me-
neur juif 334-336, 338
Sin-Muballit, roi de Ba-
bylone 7
Sin-Sarra-iskoun, der-
nier roi d'Assyrie 121, 129
Siséra, roi cananéen 32
Smerdis, voir Bardiya.
Sobna, courtisan d'Ezé-
cliias 83, 92, 124
1. Soème, mis à mort
par Hérode le Grand 286
2. Soéme, roi d'Emésa
33o, 33i
Sogdianos, frère de
Xerxès II 179
Sophonie, propbète 119
Sosius, proconsul de
Syrie 282
Sua ou Shabé, roitelet
du delta 70, 75, 76
DES PERSONNAGES HISTORIQUES
Pa^es
Sumu-Abu, roi de Ba-
l)ylone
Su-zu-bu (Musezib-Mar-
douk), roi de Baby-
lone
Sylleus, roi des Arabes
5-7
88
293
J. abale, gouverneur
perse de Sardes i54, 168
Taboua, reine des Arabes 10 r
Tabrimmon, roi de Da-
mas 49, 54
Tachos, pharaon 181
Tafnakhti, pharaon 70, 70
Taharqou, roi d'Ethio-
pie 89, 90, 92, 93, 100-106
Tammaritou,roi de Kaî-
dalou et d'Elani 109, iio
Tandamani = Tandama-
nou - Tanouatamanou
= Tanout Amon, fils
de Sabacon, 89, 106-108,
III, 172
Tchaispi (Téispés), roi
des Perses ii4
1. Téglath-Phalasar I,
roi d'Assyrie ^2
2. Téglath-Phalasar III,
(Poulou, Phoul), 02, 64-66, 68-
71, 83, 97, 114, 123
Téispés, monarque perse
114, i5o
Tennés, roi de Sidon 181
Tep-Houmban.roi d'Elam
108, 109
Térah (Thérah), père
d'Abraham 6, 7, 33
Téron, officier d'Hé-
rode le Grand 293, 294
401
Pages
Thadal, roi de Goïm i3
Thamna, mère d'Esaii 3o
Thatanaï, gouverneur
perse de la Cis-jor-
daue 186, 198
Theudas, pseudo-pro-
l)hète 323
Thibni, compétiteur
d'Omri 5o
I. Tibère, (empereur), 299-301,
3ii-3i4, 3i7
a. Tibère Alexandre, pro-
curateur de Pales-
tine, puis procura-
teur d'Egypte 323, 334
Tigrane. roi d'Arménie
260, 267
Tineus Rufus, procura-
rateur de Palestine 345
Titus, (empereur) 322, 329, 33i,
332, 334, 335, 337-339
Tobie,ennemi des Juifs
lors de la restaura-
tion, serviteur de
Sannaballat 32, 189-191,195,
200
Toukoulti-Ninib I, roi
d'Assyrie /{2, 77
Toutmés III (Toutmosis), 12, 126
Trajan, empereur
27, 341-343, 345
Tryphon, roi syrien,
25o-253, 255, 256
U rie, mari de Betsa-
bée la concubine de
David 43
Uru-ka-gi-na, roi de Lagas 4
Urya, prophète 128
26
402
TABLE ONOMASTIQUE
Pages
V ahyadâsta, (2'' pseiido-
Bardiya, usurpateur
du trône perse 170
Valerius Gratus, procu-
rateur de Judée 3ii
Varus (Quintilius), pro-
consul de Syrie 297, 889
Vespasien, empereur
322, 329,331-335,338-341,344
Vibius Marsus, procon-
sul de Syrie 3i9
1. Vitellius, proconsul
de Sj^rie, 3oi, 3j3, 3i4, 323
2. Vitellius (Aulus), em-
pereur 333, 334
W enamon, officier
égyptien 4^
Jvénophon, général grec 180
Pages
1. Xerxés I 178, 179, i83, 187
2. Xerxés II 179
Y akinlou, roi d'Arad 106
i^abdiel, cheikh arabe
249
I. Zacharie, grand-prè-
tre. fils du grand-
prêtre Joïada
61
2. Zacharie, prophète
i85
Zakaria, roi d'Israël
64
Zamri, roi d'Israël
5o
Zékarba'al, roi de Byblos
43
Zénodore, souverain
d'Iturée
291
Zenon, tyran de Phila-
delphie
258
Zérach
47
Zorobabel (Scheschbas-
sar) 165,167, 186, 187, 191,200-
TABLE
CITATIONS BIBLIQUES
Pages.
Pages.
Genèse.
XXXVII-L
i5
XXXVII 27-28
32
X
9
XLIX 7
3o
XI Si
7
L
22
XII-XIII 7
7
XIII
i3
Exode.
XIII 7
8
XIV 1-2
i3-i4
I ss.
21
» 6
25
II i5
32
» 7 ss.
3i
III 8
i3
XV i3
19
» 17
i3
XVI
32
XII 40
19
» 12
32
XIII 5
i3
XIX 36-37
26
XV ss.
23
» 38
3i
XVII 4
3o
XXII 21
ICI
). 8
3i
XXIII 3 ss
i3
» 8 ss
23
XXV 2
32
» 8-16
3i
» I2-I6
32
XVIII I
32
» 14
89
» 5
32
» 20
14
» 27
32
XXVIII 2
14
XX 23 — XXIII 33
125
XXXI
25
XXIII 23
i3
XXXVI 4-14
25
)t 28
i3
» 8
25
XXIV 3-8
125
» 16-22
25
XXX i3
193
» 35
32
XXXIV II
i3
404
TABLE
Lévitique.
I-X II
XVIII 2T
XX 2 5
XXI t4
XXIII 24
Nombres.
XI 16
XIII
)) 19
» 29
XIII 3o
XIV-XX
XIV 24-25
.. 32-33
« 34
» 45
XX 14 ss.
XXI II
» i3
)) 26
XXII 4
)) 7
XXIII 9
» 44
XXIV 17
» 20
XXVII 18-23
XXIX 1-6
XXXI
XXXII 1-4
XXXII
XXXIII
Pages
23
52
52
193
iqi
3o4
23
8
27, 3i
i3
24
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24
35
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24
24
24, 26
26
32
32
219
24
346
3o
307
32
25
3o
26
I 7
» 22 ss.
II 4-9
» 5
)) 8
)) 19
)) 20-21
)) 33
III 12-17
V-XXVI
VII I
» I ss.
XVII 8 ss.
XIX 16 ss.
XX 17
XXI 10
XXV 17-19
XXVIII
Josué.
Livre de Josué
VI-XII
IX 1-2
X
XI
XI 3
XII
XIII I
)■> 2.5
XV-XX
XV 2-4
» 29
XXIV II
Juges.
Deutéronome.
I-III
25
I 1-9
» 34
III 5-7
Pages
27, 28
28
3o
25
24, 26
3o
8, 3i
28
3o
125
i3
192
3o5
3o5
i3
193
3o,3i
125
25
29
29
29
29
27
29
29
26, 240
29
25
24
i3
29
28
3i
DES CITATIONS BIBLIQUES.
4o5
III 8
» II
III 3o
» 3i
Y
» 32
VI 1-3
VII-IX
VIII 24
» 28
XI 3
XII 8
XII II
» i3
XV 20
XVI 3i
Ruth.
Livre de Ruth.
1 Samuel
YI
IV 18
V 3-4
» 9
» 12
5
II
» 18
VII i5
VIII-IX
VIII 6-8
» 22
IX-X
IX 16
XIII
XV
» 2-3
XVI
Vaiies
33
XVIII I
34, 35
» 3
35
XXVII
34
» 7 ss.
32
XXX
35
» 14
32
XXXI 10
33
32
2 Samuel
35
34
I
34
V 6
34
VIII
34
» 12, i3
35
33,35
1 Rois.
I
II II
26
III I
VI I
VII 8
IX 9
35
» 16 ss.
53
» 20
93
» 24
93
» 26
93
» 26-28
93
X 28
93
» 28 ss.
34
)) 29
39
XI I
39
» 5
39
» 8
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)) 14-22
39
» 23
40
» 26 ss.
40
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3o
» 33
40
XII 1-24
Pages
40
40
40
Si
Si
28
53
40
41
41
3o
43
35
43
33, 34, 35
44
44
43
i3
44
25
56
58
58
i3
32
53
32
43
53
45
44
53
45
40D
TABLE
Pages
Pages
XII 25
5o
XIV
7
127
» 25 ss.
45
))
25
63
» 28
45
XV
1-7
64
XIV 25 ss
46
))
10
64
XV 10
46
XV
19
65
» 16 ss.
54
»
29
69
XV 17
5o
»
3o
69
» 18
54
■>•>
37-38
67
» 18-22
5o
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5
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)) 21
5o
))
6
67, 71
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5o
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» 24
5o
»
10
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» 25-26
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XVII-XIX
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»
1-6
70
XIX i5
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3
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XX
54, 55
))
6
71, 114
» 34
5o
))
24
72, 196
XXI 17-29
53
))
24-25
72
» 23
59
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3o-3i
72
XXII 4i-5i
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XVIII 9
71
XVIII-XIX
94
2 Rois
XVIII 9 ss.
70
»
9-10
70,94
I-II 14
53
))
II
114
III 4 ss.
57
))
i3
64.94
» 8
56
»
i3-i6 87,
91. 92, 94
» 26
57
))
14
87. 92. 94
» 26-27
57
))
17-XIX 36
87.89
VI-VII
58
))
17-XIX 37
94
VII 6
i3
M
18
92
VIII-XI
60
))
20
90
VIII 20
57
»
21
147
» 28
54
))
26
II, 120
X 32-33
61
»
37
92
XII
61
XIX
9
92
XIII 1-7
61
»
21-34
90
» 24
54
»
35-36
91.93
» 25
62
»
36-37
98
XIV
62
XX
1-12
94
DES CITATIONS BIBLIQUES.
407
XX 12 ss.
XXI
I
))
1-8
))
16
XXI
[9 ss.
XXII
8 ss.
))
II
»
i5 ss.
XXIII 4-28
»
10
»
i3
»
29 ss
))
3i
»
3i-36
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))
1-4
))
6
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10
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XXV
4
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27
XXV
27-30
PuKcs
82
ii3
102
ii3
114
124
125
119
124
52
53
126
127
140
i33, 140
134
i33
i3o
i34
i34
i37
i55
149
)0,
1 Chroniques
I 3i
III 17
» 19
IV 42-43
V 19-23
» 26
XVIII II
290
i65
i65
3i
290, 291
69
3o
2 Chroniques
I 16
» 16 ss.
IX 28
XII
58
58
58
46
XII 3
XIV
XV 19
XVI 8
XVII-XX
XIX 8
XXI
XXIV
XXVI
» i-ro
XXVII 1-6
XXVIII 5-1 5
» 16-18
XXXII 1-8
» 2-7
» 5
» 9-23
» 21-22
» 3o
XXXIII 1-20
)) 14
» 14 ss.
» 20 ss.
XXXIV 3-7
)) 14 ss.
» 19
XXXV
)) 20 ss.
» 20-22
XXXVI 1-4
)) 6 ss.
)) 8
» 9
Esdras
I-II
I-IV 5
II
II 1-63
Pa^es
48
46,47
49
48
56
3o5
58
61
64
64
67
67
67
91
85
44
89
93
85
102
85
ii3
114
124
124
125
125
126
126
126
i33
i33
134
i65
199
166
191
4o8
TABLE
Pages
II 2
3o5
II II- 17
» 68-69
167
» 14
» 70
i65
166
» 16
III
167
III
III-IV 5
187
III i5
III 3
167
IV 1-5
» 8
167
» 3
IV 2
196
» 6-23
» 6
187
)) 8
» 6-23
187
199
» i3
» 9
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» 24
187
M I-l3
» )) —
VI
199
;) 7
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3o5
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» 9
3o5
» 14-18
V-VI
187
» i5
VI 7
3o5
» 17
» 14
3o5
M 19
VII
198
VI I
VII-X
199
200
» i-i5
» 8- VIII 3i
198
» 12
» 12
198
» 14
VIII i5-]
n
157
» 17-18
IX
198
» 17-19
» I
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198
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200
)) 2
» 8
3o5
« 5
» 18-24
Néhémie
197
» 6-65
» 7
» 7-65
» 66-68
Livre de Néhémie
199
» 70-73
I
189
VIII
» 1-2
189
IX
» II
189
M 8
II 1-8
189
X 1-29
>) 8
236
» 3o
» 9-20
189
» 3o-3i
» 10
200
» 32-38
Pages
187
85
3o5
189, 190
85
190
32
190
32, 3o5
3o5
188
191
3o5
189, 194
194
188
3o5
197
32
190
32
32
191
32
167
191
236
3o5
191
3o5
191
i65
193
192
192
i3
192
188
192, 193
188
DES CITATIONS BIBLIQUES.
409
Payes
X 32-39
193
VIII 19
245
XI
194
X
248
XII 10
188
n 26-45
248
» 11
203
» 38
249
» 22 I 95
200, 2o3
XI 1-19
249
» 26
200
» 20-59
25o
» 43-46
193
» 23
3o5
XIII
195
» 34
23l
- 4
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» 60-74
201
)) 6
194
XII
252
» 14
197
» 6
3o5
» 29
197
» 7-8
212
» 7-20
229
1 Machabées
)) 35
3o5
I 1-8
205
» 45
25l
» II
227
XIII i-3o
252
» 12-16
233
» 25
238
M 14
227
» 3 1-54
253
» 20-21
235
» 36
3o5
» 43-56
236, 237
» 43
253
» 57-64
237
XIV 1-3
255
II
239
» 4-7
254
» 34-38
219
n 8-l5
254
» 39-41
219
)) 16-49
255
» 42
233
» 20-28
3o5
III-IV 35
239
» 4^
255
III 4
239
XV
257
IV-VI
243
» 16-23
211
IV 36-6 1
240
XVI
207
V
241, 243
» 16-19
254
» 6-7
32
» 20-24
254
V 9-54
23l
VI 1-17
241
2 Machabées.
)) i8-63
243
VII
245
1 10
3o5
M 14
244
» i3-i6
228
» 32
244
II 29
228
). 33
3o5
III-IV
23o
VIII 1-22
246
III 3-40
228
» 7-8
227
IV 7
233
l'aies
4IO
TABLE
IV 12
:» 22
» 23-5o
» 27
» 44
V i-io
» 5
)) 11-23
VI i-ii
VIS
« I8-VII 42
VIII-XIII
IX
» 2
» 29
X i3
XI 27
XII 43
XIII 3-8
XIV 3
227
236
233
234
236
3o5
235
236
235
237
232
238
243
241, 243
241
241
235
3o5
i85
242
244
Psaumes.
Ps. 83 (Vulg. 82) vers. 7-8 3o
» 122 ( » 121) » 3 166,
167
» i37 ( » i36) M I i57
» M )) » )) 8-9 157,
i58
Ecclésiaste.
Le livre de l'Ecclésiaste 206
Cantique.
Pages
Sagesse.
Le livie de la Sagesse 206
Ecclésiastique.
Prologue 223
XXXVIII 24-XXXIX II 232
XL VIII 17 85
XLIX i3-i5 200
)) i5 (Texte mas. i3) 191
L 23o
IV I
VI 5
25
25
» 27-28
V 27 ss.
VI I
VII
)) 3
» 18-20
VIII 4
)) 6
>' 7 ss.
X9
)) 28-32
XIII 19
XIV 4-21
XV
XVI I-I2
XIX 1-3
» 4
)) 18-19
XX
XXI 2
XXII 6
» 9-11
)) II
» i5
» i5-24
Isaïe.
196
77
64
68
84
123
60
85
J J
m
84
i65
80,81
63
63
89
io3
223
77
i5i
69
85
85, 86
92
92
DES CITATIONS BIBLIQUES.
411
Ta go
PagfS
XXII 15-25
83
XXII 6
25
XXVIII 1-6
70
» 10-12
127
XXX 1-7
77,
124
» II
127
XXXI 1-3
77.
124
» 19
i34
XXXVI I
64.91
,94
XXIII
127, 128
XXXVI-XXXVII 36
89
XXV 19
147
XXXVI 3
9'-2
» 25
i5i
XXXVII 2
92
XXVI 6
28
» 22-35
9c
, 91
» 7-16
128
» 37-38
98
» 20-23
128
XXXVIII
94
» 24
128
» 36-3;
93
XXVII I
i35
XXXIX
82
» 3
i35
» I
82
j) 5-7
i35
XL-XLV
i59
9
i35
XLLV
i56
)) 12
i35
XLI 25
i56
)) 16
i35
XLII 22
15;
» 18
i36
XLIV 28
i56
XXVIII
i35
X].V I
i56
» I
i35
XL VI 1-2
160
)) 17
i36
XL VII
160-162
XXIX 4
157
» 5-7
i36
Jérémie.
)) 7
)) 10
160
i36
I
119
» 21
i35
I-VI
124
» 22
i36
I 6
l32
» 24
i35
» 9-10
141
XXX-XXXIII
i58
I i3
128
XXXII 35
52, i36
» 18
l32
XXXIV 7
i36
II 18
124
126
XXXVI 9 ss.
140
IV
1^9
» 3o
i34
V
119
» 3o-3 1
i32-i33
» i5-i7
119
XXXVII
i37
VI 22-23
120
» 9
i36
VIIX
124
» 10-14
i37
IX 25
147
XXXVIII
i37
XI-XX
124
XXXIX 2
137
XX 2
i37
XL-XLIV
i39
412
TABLE
Pages
Page
XLI 5
196
XXIX 6-7
147
XLIII 10-13
147
» 17-18
145
XLIV I
126
» 18
145
» 2
140
XXXI 3-6
61
)) 29-80
146
» 3-9
97
» 3o
i35
XXXII 24-25
i5i
XLVI 2
i3o
» 26
118
» 5-6
i3o
XXXIII 28
189
» 7-9
129, i3o
XXXIV-XXXVII
159
» 10-12
i3o
XXXVI 20-23
i58
)) i3-i6
147
XL-XL VIII
159
XLVII
127
XLVII 16
69, 72
XL VIII
i39
XLVIII-XLIX 7
i33
Daniel.
XL VIII 4
28
» 21
26
I
i3o
XLIX
i39
» I
i3o, 140
» 10-16
26
» 1-6
140
)) 28-33
147
IV-V
t55
» 35-39
i5i
V
i63
L-LI
160
VII 6
205
LU 28
140
VIII 5-8
205
» 29
140
XI
226
w 3o
189, 141
XI 1-20
226
» 3 1-34
149
» 3-4
205
Ezéchiel.
» 5
209
I I
107
» 21
229
III i5
157
» 29 ss.
236
VIII I
157
» 3i
287
» 10-16
i36
Osée.
XIV I
157
VII 11-12
68
XVI 3
i3
XIII 2
45
» 45
i3
XVII i5
i36
Amos.
XX 1
157
XXI 26
i36
V II
64
XXIII i4-i5
149
)) 27
64
XXV 16
28
VI 2
m
XXVI-XXVIII 19
,45
» 7
64
XXIX-XXXII
147
» 14
64
DES CITATIONS BIBLIQUES.
VIII l4
IX 7
Abdias.
Prophétie d'Abdias
Vers. 3-6
Nahoum.
II 2-10
» I2-III 7
III 8-10
I 6-II
Habaquq.
Sophonie.
I-II
II
» 5
4-6
Aggée.
M
»
D-II
»
I2-l5
II 10-19
Malachi
e
I
2-5
))
7
»
8
))
12
))
i3
14
II
7-9
)
11-12
)
i3-i6
P;i({es
5o
28
189
26
117, iib
117
108
i33
119
120
28
III 8-9
» i4-i5
Ev. Saint-Matth.
II 1-12
» 22
IX 10 ss.
XI 2 ss.
» 19
XIII 29
XIV I ss.
XVIII 17
XXI 3i
XXII 16
XXIII 7
M i5
XXIV I ss.
« 5
» 26
XXVI 3
» 47
)J 57
Ev. Saint-Marc.
186
Ev.
186
186
III 6
186
VI 14 ss.
» 17
XII i3
XIII I ss.
189
XIV 43
188
XV 7
188
188
Ev.
188
188
II I
188
» 2
188
III I ss.
188
V 3o
Ev. Saint-Luc.
4X3
P;.(,'es
296
302
3o4
3oi
3o4
23
3oo
3o4
3o4
3oo
23l
aïo
287
325
325
3o8
3o8
3o8
3oo
3oo
3oo
3oo
287
3o8
3l2
296
295, 296
3oo
3o4
414
TABLE
Pages
VII 34
3o4
IX 7 ss.
3oi
XIII I
3[2
» 3i 33
3oi
). 32
299
XV 8-9
i85
XVII 6
24
XIX 12-27
298
XXIII 7
3oo
i) 7-1 1
3oi
)) 12
3l2
» 19
3l2
Ev. Saint-Jean.
IV 9
196
X 22
240
XIX 7
219
» 12
3i3
Actes.
II 9-11
IV 3
» 5
» 6
V 17 ss.
» 21
» 37
» 40
VII I
IX I
IX 2
XI 27-30
XII 1-3
» 4-19
jy 20 SS.
219.
2t3
3o8
3o8
309
3o8
3o8
3io
3o8
3o8
3o8
3o8
323
3i8
3i8
319
Pa6es
XIII i5
217
» 21
34
XVIII 12-16
219
XIX 14
3o9
XXI 28
326
» 38
326
» 39
221
XXII 5
3o8
» 19
219
» 20-29
220
XXIII-XXIV
327
» 2
3o8, 33o
» 4
3o8
XXIV I
3o8
XX\ -XXVII
327
» 10-12
221, 3o3
XXV II
3o8
» 12
3o8
» I3-XXVI 32
321
» 21
3o8
XXVI II
219
» 12
3o8
Ep. aux Romains.
IX 2
» 4
» 5
XI 10
» 25
35i
35i
35 1
35i
35i
2* Ep. aux Corinthiens.
XI 24 219
Ep. aux Hébreux.
VII 12 340
TABLE
NOMS GÉOGRAPHIQUES
MENTIONNES
SUR LA CARTE
Les lettres majuscules A, B, C, renvoient aux segments de
la carte générale, les minuscules a, b, c, à ceux de la carte
de Palestine placée à l'angle gauche de la grande carte.
A barim (monts)
b
3
1 Altakou
a/b
a
Abel-beth-Maaka
b
I
Amaniis (fleuve)
c
I
Abila
b
2
Amanus (mont)
G
o
Abydos
F
4
Amarna (tell el)
F
4
A ohm i m
F
4
Araathus (Ammàta)
b
2
Acrabim (montée d')
F, G
3
Amers (lacs)
F
6
Actium
D
2
Amourrou (pays d')
b/c
I
Addama
b
2
Andros (île d')
D
2
Adida
a
3
Anathoth
b
3
Adora (Dura)
b
3
Anthédon
a
3
Adriatique (mer)
B C
I
Antioche
G
2
A-du-um-ma-tu(Duma
)G/H
3
Antipatris
a/b
2
Aegos Potamos
E
I
Anti Taurus
G
2
Agadé (Akkad)
H
3
Anshan (pays d')
J 3
/'4
Aïalon
a
3
Apaniée
G
o
Aïlon (Elath)
G
4
Apliek
a
2
Akaba (golfe d')
F
r
4
Arabah
F/G 3
4
VO /
Aradus
G
3
Akka (= Ptolémaïs)
a/b
2
Aragosie
K
3
Akkad (pays d')
H/I
3
Araxe (fleuve)
H/1 I
/2
Akkaron (Ekron)
a
3
Arbèles
H
1
Alep
G
2
Argos
D
2
Alexandrie d'Egypte
E
3
Arménie
G/H
I
Alexandrium
b
2
Arnon (Aroër)
b
3.
4i6
TABLE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES
Aipad G 2
Asour (-Ellassar - Ka-
làt Scherkât) H 2
Assyrie G/H 2
Athènes D 2
Athribis F 3
Attique (1') D 2
Azéca(= TellZakarija) a 3
Azmaveth (- Hizmeh) b 3
Azot (- Asdoud) a 3
Babel (= Babylone) H 3
Babylonie H/I 3
Baetryaue K 2
Bala G 3
Balikh (fleuve) G 2
Baiiéas (Césarée de
Philippe) b i
Barca a 3
Basan (Basbanj G 3
Bazou I 5
Beeroth (el-Bireh) b 3
Beit-Shemesh a/b 3
Bene-Baraq b 3
Béotie D 2
Bérénice D 3
Bérée D i
Bersabée a 8
Berytos (Beyrouth) b ietF/G3
Beth-Basi (-^ Beth Hag-
lah - Aïn-Hajlah) b 3
Beth-Horon b 3
Beth-Shesmesh a/b 3
Beth-Sour (Beth-
sura) b 3
Bethléhem b 3
Bethsura b 3
Beth-Zacharija b 3
Borsippa H 3
Bosra G 3
Brindisi C i
Bubaste F 3
Byblos G 3
Bythinie F i
Cadès (Aïn Gadès ou
Qdeis-Cadès-Barné F 3
Caire (le) F 3
Callirrhoé b 3
Canatha G 3
Caphtor (île de Crête) D/E 2
Capitolias b 2
Cappadoce F/G 1/2
Capri (île de) B i
Carie E 2
Carinanie J/K 4
Carmel a/b 2
Cartilage B 2
Césarée de Philippe b t
Chalcis G 3
Chaldée (Kardouniash) H/I 3
Chephirah (Kephîreh) b 3
Chôbak G 3
Cilicie F 2
Cimmériens H i
Cnide (île de) E 2
Coelé-Syrie G 3
Colophon E 2
Commagène G 2
Corinthe D 2
Cos (île de) E 2
Ctésiphon H/I 3
Cunaxa H 3
Cyrène D 3
Cj'rénaïque D 3
Cyzique E i
Damas G 3; c i
Danube D/E i
Daphné E 3
Deir aban b 3
Délos (île de) D 2
Dhouspas (- Dhous-
pana- Van) H 2
Diban b 3
MENTIONNES SUR LA CARTE.
417
Dion(Dium)
Djenin
Djôlan
Dok (Aïn-Duk)
Dor (a)
Dourîlou
Ecbutane
Edesse
Egée (mer)
Ekrou (Akkaronj
Elara
Elath
Elanitique (golfe)
Elépbantine (île d')
Ellip
b 2
b 2
b 2
b 3
a 2
I 3
I 3
G/H 2
D/E 1/2
a 3
1 3
G 4
F 4
F 5
I 3
El-Medyeb (- Midje =
Modiu)
Elvend (monts)
Elymaïde
Ematli (- Hamath)
Endor
Epbèse
Ephraïm
Erecb (= TJruk)
Eridoii
Erythrée (mer)
Ethiopie (= Koush)
Etoile (Aetolia)
Eubée (île d')
Eziongaber
Gaba
Gadara
Galaad
Galatie
Gamala
Gamboulou (tribu des)
Garizim
Gath (- Geth)
Gazara
Gebal
Gédrosie
a/b
3
I 3
I 3
G 2
b 2
E 2
b 3
I 3
I 3
L/M 5
F 5
D 2
D 2
G4
b 2
b 2
b 2
F 2
b 2
I 3
b 2
a 3
a 3
G 3
K4
Géhon (- Araxe, fleuve) I 2
(ielboë (plaine et monts) b :>
Genezareth (lac de) b 2
Géra sa b 2
Gessen F 3
Geth (- Gath) a 3
Gézer a 3
Gibéa b 3
(xibbethon (-Kibbieh) b c 2
Giscala b i
Gortyne D/E 2
Goutioum H/I 2
Guzanu H 2
Habour (fleuve) G/H 2
Hadrakh G 2
Hagg-Kandil F 4
Haï b 3
Halicarnasse E 2
Halys (fleuve) F/G 1/2
Hamath (- Emath) G 2
Hanigalbat G/H 2
Haouarou (- Avaris
Tânis) F 3
Hâràn G 2
Hauran G 3
Hazor b i
Hébron G 3 et b 3
Héliopolis (d'Egypte) F 3
Héracléopolis F 4
Hermon (mont) b i
Hésébon b 3
Hippos b 2
Homs G 3
Houle (- Mérom, lac) b i
Hyrcanie G/K 2
Ibléum b 2
Idumée F/G 3
Ijon h 2
Iqbi-Bèl (territoire du
Jatburu) I 34
Irasa D 3
4i8
TABLE DES XOAIS GEOGRAPHIQUES
Isin
I 3
Laodicée (de Lycaonie) F 2
Issus
G 2
M (de Phrygie
) E 2
Itiirée
G 3
M (du Pont)
G I
Jabbok
b/c 2
» (de Syrie)
G 2
Jabroud
G 3
Larnaca
F 3
Jàfâ
b 2
Larsa
I 3
Jaffa (= Joppé)
a 2
Ledjâh (la = la Tra-
Jamnia
a 3
chonitide)
G 3
Janoakli
b I
Léontopolis
F4
Jarmouk (= Yarmouk)
b 2
Liban
G 3
Jaser
b 3
Libye
D/E 3/4
Jéricho
b 3
Libna (= tell el-Hasi)
a 3
Jezréel
b 2
Litany (fleuve) G 3 et b/c i
Jourdain
G 3
Louxor
F 4
Juda (désert de)
b 3
Ludd (= Lydda)
a 3
Kadesk
b 2
Lycie
E/F2
Kalakli
H 2
Lydda (= Ludd)
a 3
Karkar
G 2
Lydie
E/F 2
Katra
a 3
Macédoine
D I
Karkémisli (= Garga-
Machéronte
b 3
mish)
G 2
Madaba
b 3
Karnak
F 4
Maganoubba
H 2
Katabathmos
E 3
Magnésie du Sipyle
E 2
Kédar
G 3
Maliaque (golfe)
D 2
Kérak
G 3
Mallas (mont)
F 2
Kharkhar
G 2
Man (= Mannai)
H 2
Kbazou
M
Marathon
D 2
Khétis (monts)
F 2
Marathus
G 3
Khorsabàd
H 2
Maréa
E 3
Kiriatb - Jearim
b 3
Marissa
a 3
Kir Moab
b 3
Masada
b 3
Kis
H 3
Mashaouasha (les)
B 3
Koréa
b 2
Masios (monts du)
G/H 2
Koundi
G 2
Médie
I/J 2/3
Koush (Ethiopie)
F 5
Meggido
b 2
Kuê
G 2
Memphis
F4
Kurdistan
H/I 2
Meudès
F 3
Kutha (tell Ibrahim)
H 3
Mephaath
b/c 3
Lacédémone
B 2
Mérom (lac - Houle)
b I
Lagas
I 3
Mérom (ville)
b 2
Lais
b I
Mésopotamie
H 2/3
MENTIONNHS SUR LA CARTE.
419
Miclinias b 3
INIispali h 3
Mitàui G 2
Modin a/b 3
Mouskkou (les) G 2
Mousri CJ 2
Mycale (promontoire) E 2
Myude E 2
Mysie E/F 1/2
Xaharanna G 2
Nalir el Kebir (- fleuve
Eleutherus) (J 3
Xahr es-zerka b 2
Naples B i
Naplouse (- Sichem) {*) b 2
Naucratis (- Samaraï-
tis) F 3
Nazareth b 2
Nebo (mont) b 3
Nedjd (désert d'Arabie) H 4
Négcb a/b 3
Xétophah a 3
Nimrali G 3
Nippiir H/I 3
Nisibe H 2
Ninive H 2
Xobé b 3
Oeta (mont) D 2
Ono (Kefr' Ana) a 2
Oplira b 3
Opis H 3
Oronle G 2/3
Ortliosias (- Arethnsa) G 3
Osrlioêne (t 2
Ouadi el Arich F 3
» el Hésa(- torrent
de Zared) G 3 et b 3
Oiirniiah (lac d') I 2
Ourarton H 1/2
Ou mm a I 3
Ousou (Ras el xVïn) b i
Pamphylie
Papl il agonie
Pasargade
Patmos (île de)
Pella
Péloponèse
Péluse
Pergame
Persépolis
Pétra (- Séla)
Pitliom
Pisidie
Pliasélis
Pliénicie
Philadelphie
Philippes
PhounoQ
Platées
Pnouel
F 2
F I
J 3
E 2
b 2
I) 2
F 3
E 2
J 4
G 3
F 3
F 2
F 2
F/G 2/3
E 2
D I
G 4
D 2
b 2
Propontide (mer de
Marmara) E i
Ptéria F 2
Ptolémaïs (■=■ Akka =
Saint Jean d'Acre) a/b 2
(^odshou (= Kadesh) G 3
Rabbath-Amon b/c 3
Rama (Galilée] b i
» (Judée) b 3
Ramleh a 3
Ramathaïm b 2
Ramoth de Giléad c 2
Ramsès F 3
Raphia F 3
R as en Nâkoura (échelle
tyrienne) b i
Rhaphana G 3
Rhode (île dej E 2
Riblah G 3
Sais F 3
Sainaraïtis F 3
Samarie (^ Sebastijeh) b 2
(•) Sur la carte on a. par erreur, ideutifié Naplouse avec Samarie.
420
TABLE DES NOMS GEOGRAPHIQUES
Samos (île de)
E
2
Tamar
b
2
Samosate
G
2
Tanis
F
3
Salainine (baie de)
F
2
Taphileh
G
3
Sardes
E
2
Taricliée
b
2
Scytlies
H/I
2
Tarse
F
2
Scythopolis (= Beisan)
b
2
Taurus
F/G
2
Sebennytos
F
3
Têmâ
G
3
Séir (mont)
F
3
Thabor
b
2
Sel (vallée du)
b
3
Thèbes
F
4
Séla (= Pétra)
G
3
Tliébez
b
2
Séleucie maritime
G
2
Tlieman
G
3
Séleucie
H
3
Thinis
F
4
Sendjirli
G
2
Tlirace
D/E
I
Sennaar (pays de)
H/I
3
Tliermopyles
D
2
Séphélah (plaine de la)
a
3
Tliessalie
D
2
Sépharvaïm (= Sabara'
Tibérias
b
2
in= Shomeriyeh)
G
3
Timna
a
3
Sichem (= Naplouse)
b
2
Timnathah (= Tibnet)
b
2
Sida(Side)
F
2
Timsâli (lac)
F
3
Sidon
b
I
Tirzali
b
2
Siloh
b
2
Toulliz
I
3
Sinaï
F
4
Trébizonde
G/H
I
Sioat (Assiout)
F
4
Troade
E ]
[/2
Sipj)ar
H
3
Tyr
b
I
Sizou (- Sis)
G
2
Tyrienne (échelle)
a/b
1
Soba
G
3
Tyrrliénienne (mer)
B/C ]
/2
Sodome (djebel Ous-
Ulatha
b
I
doum)
b
3
Ur
I
3
Sogdiane
K
2
Uruk (= Erech)
1
3
Sourouppak
I
3
Van (lac de)
H
2
Soumer
I
3
Venosa
C
I
Suse
I
3
Yarmouk
b
2
Sparte
D
2
Yemen
G 4/5
Suez
F
3
Zagros (massif du)
IJ
3
Syrte (grande)
C
3
Zared (torrent de= ouadi
->■> (petite)
B
3
el Hésa) G
3 et b
3
Taanak
b
2
Zeugma
G
2
Tabal (les)
E/G
2
Zikiag
a
3
TABLE GÉNÉRALE
DES MATIÈRES
l'ages.
Dédicace vu
Préface de S. E. le Cardinal Mercier ix
Avant-Propos xi
Addenda et corrig^enda xv
Première période : Des origines à l'établissement de
la royauté juive . , 1 36
Akkadiens et Sumériens, p. 3. — Cananéens et Ara-
niéens, p. 81 — Les Khàti, p. i2. — Abraham, Hammou-
rabi, p. i3. — L'Egypte ancienne, p. i5. — Entrée des
Hébreux en Egypte, p. 17. — L'exode, p. 19. — Edo-
mites, Moabites, Amorrliéens, p. 20. — Occupation de
la Palestine par les Hébreux, p. 28.
Deuxième période : Depuis l'établissement de la
royauté Jusqu'à la chute de Samarie en 722 . . 37-72
Saiil, p. 4o- — David, p. 41- — Salomon, p. 43- — Le
schisme, Roboara, Jéroboam, p. 45. — Abias, Asa, p. ^6.
— Nadab, Basa, p. 49- — ''la, Zamri, Omri, p. 5o. —
Tyr, p. 5i. — Achab, p. 53. — Josaphat et Joram de
Juda. p. 55. — Ochozias et Joram d'Israël, p. 56. —
Ochozias de Juda, p. 59. — Jéhu, p. 59. — Athalie et
Joas de Juda, p. Sg. — Joachaz, p. 61. — Joas d'Israël
et Amasias de Juda, p. 62. — Jéroboam II, p. 62. —
422 TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES
Pages.
Azaria, p. 63. — Joatham, p. 64. — Zacliarie, Sellum,
Menaheu, p. 64. — Péqualiia et Péquah d'Israël ; Acliaz
de Juda, p. 67. — Osée, p. 69.
Troisième période : Depuis la chute de Samarie
jusqu'à la captivité babylonienne 73-142
Ezéchias de Juda, Sargon d'Assyrie, p. 75. — Senna-
oliérib, p. 82. — Asaraddon. p. 98. — Manassé de Juda,
p. loi. — Asourbanipal, p. 104. — Amou de Juda,
j). ii3. — Mèdes et Perses, p. 114. — Scj^thes, p. 118.
— Cyaxare et Nabopolassar, p. 121. — Josias de Juda,
p. 128. — Joacliaz, Joïakim, Joïakiu, Sédécias, p. 127.
— Xabuchodonosor, p. i3o.
Quatrième période : Depuis la déportation de Baby=
lone jusqu'à l'époque hellénique 143-200
Nabounaïd, p. 149. — Cyrus, p. i5i. — Crésus de
Lj'die, p. i52. — Les Juifs en Eabylonie, p. i56. — Le
retour des Juifs exilés, p. 164. — Cambyse II, p. 168. —
Darius I, p. 174. — Les guerres médiques, p. 177. —
Xerxès I, p. 178. — Artaxerxès I, p. 178. - Darius II et
Artaxerxès II, p. 179. — Artaxerxès III Oclios, p 181.
— Darius III Codomau, p. i83. — Alexandre de Macé-
doine, p. 184. — La restauration juive, p. i85. — Zoro-
babel et Jélioschoua, ]). 186. — Les grands-prêtres
Joïakim et Eliasbîb, p 188 — Nébémie, p. 189. —
Esdras, p. 197.
Cinquième période ou période hellénique : Depuis
la conquête d'Alexandre jusqu'à la prise de Jéru=
salem par Pompée en 63 201-274
L'bellénisation de l'Orient, p. 206. — Les Lagides et
les Séleucides, p. 208. — La diaspora, p. 210. — Exten-
sion de la diaspora, p. 210. — Administration des com-
munautés de la diaspora, p. 213. — La Bible grecque,
p. 224. — Antioclius III, p 220. — Séleueus IV Pliilo-
pator, p. 228. — Les scribes, p. 281. — L'hellénisme en
Palestine, p. 282. — Antiochus IV Epipbane, p. 282. —
TABLE (IKNÉKALK DES MATIÈRES 423
Pages.
Les ]Miu'habées, p. 238. — .Judas iMachabée, p. 289 —
Antioc'hiis \' Kupatof, \). 241. — Uémétrius 1 Soter,
p. 243. — .lonathas, p. 246. — Alexandre lialas. p. 247
— Déinétrius II Xicator, p. 249. — "l'ryphon et Antio-
chus VI, p. 25o. — Simon ^Nlacliabée, p. 252. — La
dynastie asniouéenne, p. 255 — Antiochns \'II Sidètes,
p. 255. — Jean Il.yrcan, p. 257. — Alexandre Zabinas,
p. u'nj. — Antioolius VIII et tX, p. 260. — Pharisiens
<3t Saddiicéens, \). 2G1. — Aristobule I, p, 2G3. —
Alexandre Januée, p. 264. — Alexandra, p. 267. —
llyrcan II et Aristobule II, p. 268. — Pompée, p. 269.
Sixième période ou période romaine : Depuis la
conquête de Pompée en 63 avant J.=C, jusqu'à
l'échec définitif de Barkokéba en 135 après J =C. 275-352
César, p. 279. — ]\Iarc-Antoine, p, 280. — Ilérode, roi
des Juifs, p. 282. — César Octavien-Auguste, p, 285. —
Areliélaùs, p. 297. — Tétrarcliie de Philippe, p. 298. —
Tétrarchie d'Antipas, p. 299. — La Judée sous Arché-
laiis et les procurateurs romains, jusqu'à 41 après J.-C,
p. 3o2, — Le Sanliédrin de Jérusalem, p. 3o4. — Hérode
Agrippa I, p. 3iG. — Agrippa II, p. 820. — Les procu-
rateurs romains de 44 ^ ^6> P- ^--- — ^^ guerre juive,
66-73, p. 328. — La dernière tentative, p. 341.
Appendices 353 379
I. — Une lettre d'Abd-Hiba d'Urusalim à Amé-
no})his IV ... . 355
IL — Inscription de Mésa 357
III. — Une des lettres d'Eléphantine 359
IV. — La défense faite aux Gentils de franchir
l'enceinte sacrée du Temple 862
V. — Noms des mois 363
VI. — Monarques chaldéens, babyloniens et assy-
riens 365
VIL — Rois d'Klam 368
VIII. — Les dynasties égyptiennes 369
IX. — Rois juifs 373
X. — Les Séleucides 374
424 TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES
Pages
XI. — Les Asmonéens 87.5
XII. — La dynastie hérodienne 876
XIII. — Officiers romains en Sj^rie et en Palestine
intéressant l'histoire du peuple juif . . . 877
Tables , . . 381-424
I. — Table onomastique des personnages historiques 883
II. — Table des citations bibliques 4^3
III. — Table des noms géographiques mentionnés sur
la carte ^i5
lY. — Table générale des matières 4^1
Illustrations hors texte.
Planche I. — Plan de Jérusalem.
» II. — Obélisque de Ma-an-is-tu-su.
» III. — Code de Hammourabi.
» IV. — Un habitant de Canaan. — Soldats hittites.
— Taureau, dieu Hadad? — Une tablette
de Tell-el-Amarna.
« V. — Le nom d' « Israël » sur la stèle de Mé-
nephtah.
w VI. — La stèle de Mésa, roi de Moab.
» VII. — Astarté.
» VIII. — L'obélisque noir de Salmanasar III.
» IX. — Buste de l'empereur Auguste.
I
PLANCHES
Plan de Jérusalem.
/
V
Obélisque de Ma-an-is-tu-su.
Le plus ancien monument considérable de la littérature cunéi-
forme. Original au Louvre. Photographie du premier moulage
exécuté pour le Musée biblique de l'Université catholique de
Louvain. Cfr. p. 4.
Code de liammourabi
Bloc de diorite noir découvert par M. de Morgan
dans les fouilles de Suse
en décembre 1901 et janvier 1902.
Hauteur : 2™2b. Pourtour à la base ; l'i'go
Original au Louvre.
Cfr. pp. 6 et 13-14.
Un habitant de Canaan
Céramique palestinienne d'avant
le XX«^ siècle. Provenance : Biltir. ^lusée
biblique. Université Louvain. Cfr. pp. 8-9.
Soldats hittites
Bronze. Art hétéen (XI le siècle?)
Provenance : Alep. Musée biblique
Université Louvain. Cfr. pp. i2-i3.
Taureau. Dieu Hadad ?
Bronze. Art hétéen. XIle-X« siè-
cle. Provenance inconnue. Musée
biblique, Université Louvain. Cfr.
pp. I2-I3 et 52.
Une tablette de TelI-el=Amarna.
British ^luseum Cfr. pp. 19-20, note 4.
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La Stèle de Mésa, roi de Moab.
Original au Louvre.
Cfr. p. 57.
Astarté.
Céramique juive du Ville siècle
provenant de Sébastîyeh.
Musée biblique de l'Université de Louvain.
Cfr. pp. 52-53, note.
L'Obélisque noir de Salmanasar III.
Original au British Muséum.
Cfr. p. 60.
Buste de l'Empereur Auguste
D'après un camée conserve au British Muséum
ACHEVE
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